I. A I, U X L" K K
est étendu inerte sur le tapis, les poings crispés autour des tempes, le torse secoué de sanglots, et de rauques gémissements sortent de sa poitrine écrasée. Autour de lui c'est un grand bouleversement de meubles, et des lettres déchirées jonchent les abords de la cheminée flambante encore dans laquelle, au-dessus des tisons rouges, voltigent des feuilles brûlées, pareilles à de noirs papillons pailletés de rapides étincelles. Le lit grand ouvert, aux draps tirés en dehors, aux couvertures refoulées, est comme un champ de bataille dont on vient d'enlever les blessés, exhalant comme une traînée de poudre, une très douce odeur de femme, grisante comme celle des fleurs automnales. Les rideaux y posent leur lourde bordure, pétris, audessus, comme par des mains désespérées.
Au dehors, un ciel gris d'hiver, à l'heure déclinante où les premiers becs de gaz clignotent dans la brume rousse au-dessus des passants qui grelottent ; la silhouette d'une rue de Paris avec son roulement de voitures affreusement mélancolique emportant les heures sur le pavé gras. Mais le poète Ambroise Renaud ne semble rien entendre de ce vacarme amorti et son intense douleur a élevé, autour de son corps étendu; comme une muraille de solitude. Que fait le clapotement du ruisseau à qui sent sourdre et gémir en soi l'océan profond des larmes ?
C'est qu'il venait de rompre à jamais avec celle qui, depuis cinq ans, avait été l'enchantement fidèle de sa vie, cette tant belle Eliane dont il avait chanté, sur tous les modes de la lyre, la grâce exquise et la beauté majestueusement voluptueuse, les admirables cheveux plus sombres que les ailes même de la nuit, les yeux clairs dont les étoiles semblaient seulement les reflets dans l'océan bleu du ciel, le front pur et de correction latine que continuait, sans en infléchir la ligne impeccable, un nez d'un admirable dessin et dont les narines roses palpitaient comme des pétales d'églantiers au vent