QUESTIONS DIPLOMATIQUES ET COLONIALES
LE CANAL DE PANAMA
Les événements qui viennent de se dérouler dans l'isthme de Panama ramènent en ce moment l'attention du public vers une région où la France, après avoir eu des intérêts considérables, les a laissés péricliter, — on sait par suite de quelques circonstances, — et a finalement abandonné la place aux EtatsUnis. Quelle douloureuse histoire pour notre amour-propre national que celle du canal de Panama ! Enthousiasme exagéré, gas pillage insensé des fonds apportés par l'épargne trop confiante et aveugle; intrusion de la politique et des politiciens dans une affaire qui aurait dû rester avant tout une affaire nationale, puis l'affolement aussi exagéré lors de la débâcle que l'engouement avait été irréfléchi; la mise en suspicion de tous les projets et de toutes les personnalités qui, depuis plus de dix ans, ont pris à coeur de reprendre une entreprise mal conduite, mais bonne en elle-même, enfin le découragement qui s'est emparé des hommes les plus tenaces et qui les a déterminés à se tourner vers les Etats-Unis et à offrir à la grande République américaine le fruit des efforts de toute une génération, moyennant une indemnité presque dérisoire. Voilà ce que nous montre l'histoire du canal interocéanique depuis vingt-cinq ans, lorsqu'on l'envisage sans parti pris ; on y voit se refléter toutes les qualités, tous les défauts de notre race : l'enthousiasme pour une grande idée, la légèreté dans le choix des hommes, la même facilité à les applaudir d'abord, à les accuser ensuite, l'absence d'une ligne de conduite ferme dans une question de politique extérieure, qui avait pourtant une importance considérable pour notre influence dans toute l'Amérique du Sud.
Sans parler des projets superficiels qui, dès le début du xixe siècle, ont eu pour but de faciliter les relations entre les deux Océans, on peut dire que la question du percement de
l'isthme de Panama a fait un pas décisif au congrès de géoQUEST.
géoQUEST. ET COL. — T. XVI. — N° 164. — 15 DÉCEMBRE 1903. 55