QUESTIONS DIPLOMATIQUES ET COLONIALES
IA POLITIQUE MONDIALE
LA PLUS GRANDE ALLEMAGNE
On serait tenté de voir dans la prestigieuse évolution de l'Allemagne, comme dans celle de la Russie, la réalisation des superbes desseins d'un souverain de génie, dont les successeurs n'auraient été que les exécuteurs testamentaires énergiques et fidèles, si le phénomène dont les deux grands empires nous donnent le spectacle était isolé dans l'histoire de l'humanité. Mais les rois, ces pasteurs de peuples, ne peuvent conduire leur troupeau ailleurs que là où il peut et où il doit aller, en vertu des qualités qui lui sont propres. Ce n'est pas le chef qui fait la nation; c'est la nation qui fait le chef— qu'elle le porte librement sur le pavois ou qu'il s'impose — parce que, dans les deux cas, l'autorité procède de ce que la foule reconnaît, à un degré supérieur, dans celui qui est investi de la dignité suprême, les fortes caractéristiques de sa race.
Les sociétés en décadence, livrées aux louches spéculations politiques ou aux violences des mercenaires, subissent, seules, les dominations étrangères ou les usurpations que ne consacre pas le génie.
La Grande Allemagne est donc naturellement sortie du petit électorat de Rrandebourg, parce que les rois de Prusse, descendants des électeurs, ont personnifié toutes les vertus germaines ; et les empereurs qu'elle s'est donnés, ou qu'elle a acceptés, n'ont fait qu'incarner sa pensée et appliquer ses forces.
C'est ainsi que le plus illuminé, mais non le moins résolu, ni le moins habile d'entre eux, peut rêver la restauration de l'empire de Charlemagne.
QUEST. DIPL. ET COL. — T. XVI. — N° 160. — 15 OCTOBRE 1903. 37