144 LA PEAU DE TIGUE
un très-petit malheur que d'être aimé i la fois de deux charmantes personne?; mais la vérité est que je n'avais jamais été aussi tourmenté de ma vie; j'aurais possédé Clary, j'aurais possédé Nusidora, je n'en aurais certes pas été plus heureux : ce que je voulais était impossible, c'était de les avoir toufes les deux en même temps, à la même place. Vous voyez bien que j'avais totalement perdu la tête.
En ce temps-là, il me tomba entre les mains un certain roman chinois de feu le chinois M. Abel de Hémusat; il était intitulé : Yu-Kiao-LÀ, ou les l)en.r f'mtsines. Je ne pris pas d'abord un grand plaisir â la description des tasses de thé, et aux improvisations sur les Heurs de pécher et les branches de saule, qui remplissent les premiers volumes; mais, quand je vins a l'endroit où le bachelier es lettres See-Yeoupe, déjà amoureux de la première cousine, devient derechef amoureux de l'autre cousine, la belle Yo-Mu-Li, je commençai â prendre intérêt au livre, à cause de ce double amour qui me rappelait ma position, tant il est vrai que nous sommes profondément égoïstes et que nous n'approuvons que ce qui parle de nous. J'attendais le dénoûment avec anxiété, et, quand je vis que le bachelier See-Yeoupe épousait les deux cousines, je vous