QUESTIONS DIPLOMATIQUES ET COLONIALES
LE CHEMIN DE FER DE BAGDAD
ET
L'OPINION ANGLAISE
Il a été beaucoup parlé, pendant ces dernières semaines, chez nos voisins d'outre-Manche, du chemin de fer de Bagdad. Des déclarations ont été faites à la Chambre des Communes, et des commentaires dans la presse ; il y a eu des revirements successifs d'opinion en même temps que des affirmations catégoriques. Le monde des affaires, comme celui de la politique, s'en est ému. Et l'on comprendra que tout ce mouvement ait donné un regain d'actualité, peut-être même un aspect nouveau, à une entreprise aussi souvent ajournée que décidée, complexe et changeante, portant au plus haut point ce caractère insaisissable et ces allures dilatoires qui marquent les affaires turques.
A vrai dire, les sentiments britanniques ne s'étaient point encore expliqués sur le fait précis de la construction du chemin de fer de Bagdad. On connaissait l'initiative allemande, la participation française et belge, l'hostilité russe. On savait que la participation française avait pour origine le besoin de trouver des capitaux suffisants ; et que l'hostilité russe s'expliquait par l'appréhension du renforcement de la puissance militaire de la Turquie en Asie Mineure et par les desseins analogues que la chancellerie de Saint-Pétersbourg a conçus en Perse. Mais de l'Angleterre, on ignorait exactement la pensée. Tout au plus, par son redoublement d'activité dans le golfe Persique, et son essai récent sur Koueït, avait-elle montré le désir de s'assurer le débouché éventuel du nouveau réseau. Il était certain cependant que, maîtresse des Indes, ayant des intérêts et de vastes ambitions dans les eaux arabiques et persanes, et par le seul jeu de sa politique toujours et partout présente, la Grande-Bretagne prendrait une attitude.
L'occasion lui en a été tout naturellement donnée par un appel à la participation des capitaux anglais. Dans le but d'éviter toutes difficultés qui auraient pu s'élever sur le point terminus de la voie ferrée, les Allemands offrirent en effet aux capitaQUEST.
capitaQUEST. ET COL. — T. XV. — N° 150. — 13 MAI 1903. 39