LA PLANCHE 61
Nous avons indiqué, en parlant du grainage, quelle était la préparation qu'on faisait subir à la pierre pour la rendre apte à recevoir le dessin au crayon. Le dessinateur n'a pas d'autres précautions à prendre que la propreté la plus scrupuleuse dans son travail. Tout est motif à taches sur la surface grainée : elle est, à ce point de vue, d'une extrême sensibilité. Le contact de la main, un cheveu, une pellicule tombant de la chevelure ou de la barbe, une fragment de crayon, un atome de salive, une goutte de sueur produisent autant de défauts auxquels il est difficile de remédier.
L'outillage du dessinateur se compose d'un certain nombre de portecrayons, dont quelques-uns fort légers ; d'un canif, d'un grattoir, d'une pointe, d'un blaireau et d'une petite glace. Il ne lui manque avec cela qu'un peu de pratique et beaucoup de patience, deux choses plus importantes pour lui que le meilleur des professeurs. Les impatients, quelque talent de dessinateur qu'ils aient, ne sauraient mener à bien un dessin sur pierre.
Voici quelques données sur l'ensemble du travail. Elles ne sauraient, en tout cas, rien avoir d'absolu dans un art où le mode de procéder est aussi personnel, où chaque dessinateur travaille selon son tempérament.
Sur la table de dessin, — quelques artistes lui préfèrent le chevalet, — la pierre doit être isolée de tout contact; le dessinateur utilise dans ce but les tasseaux et la planchette échancrée de l'écrivain lithographe. Elle doit être complètement sèche et posséder la température moyenne du milieu où' se fait le travail; pour cela, elle doit y séjourner quelque temps avant que le dessinateur ne l'utilise. Celte moyenne s'établit promptement si on a pris la précaution de faire, auparavant, « suer » la pierre à l'étuve. Il faut la préserver de la poussière qui s'attacherait aux traits du crayon, et de l'action des rayons du soleil qui les ramollirait et les ferait déborder sur les aspérités du grain. Lorsque le temps est froid ou humide, il est nécessaire de couvrir les parties faites ou celles sur lesquelles on ne travaille pas, afin de les soustraire à l'influence de la température.
Le crayon lithographique, dont la contexture est molle, se taille comme le fusain, en parlant de la pointe; autrement, on ne pourrait obtenir des pointes effilées, sans lesquelles le travail ne serait guère possible et donnerait plus d'empâtements que de finesses. On les appointe sur un frottoir en papier de verre ou d'émeri. Les porte-crayons légers viennent en aide ou suppléent, dans une certaine mesure, à la légèreté de la main pour obtenir les tons délicats et vaporeux qui ont tant fait apprécier les planches de nos dessinateurs de la bonne époque.
On doit garnir légèrement d'abord toutes les parties du dessin, placer les masses, puis faire monter peu à peu en couleur par des hachures en tous sens, afin de produire un grain transparent. Les traits de vigueur et de détails se font en dernier lieu, alors que le fond est suffisamment garni. Il ne faut pas perdre de vue, dans le dessin au crayon, la structure de la base, c'est-à-dire de la surface grainée. Cette surface, comme la définit C. Doyen, est composée d'une infinité de cônes minuscules régulièrement groupés les uns contre les autres, sans interruption. Il faut que le crayon, passant et