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Titre : Romans-revue : guide de lectures

Éditeur : Oscar Masson (Cambrai)

Éditeur : Romans-revueRomans-revue (Sin-le-Noble)

Date d'édition : 1923-07-15

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32862679p

Notice du catalogue : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb32862679p/date

Type : texte

Type : publication en série imprimée

Langue : français

Format : Nombre total de vues : 13136

Description : 15 juillet 1923

Description : 1923/07/15 (A11,N7).

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k5741877d

Source : Bibliothèque nationale de France, département Littérature et art, 8-Z-17702

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 19/01/2011

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H^7rtmE^A%ïe;MWËÉ).

B JUILLET 1923.

LA «REVUE DES LECTURES»

traduite en correctionnelle

A la requête de M. Nathan Offenstadt, président du conseil d'administration de la Société parisienne d'édition, 3, rue de Rocroy, à Paris, j'ai, le 13 juin, reçu « citation à comparaître, le 20 juillet 1923, à l'audience et par. devant la 12° Chambre du tribunal civil de la Seine, jugeant, correctionnellement, séant à Paris, au Palais de Justice, à midi. »

J'ai publié en effet, dans la Revue des lectures (n° du 15 mars 1923, pages 179, 180 et 181), un article intitulé « Les éditions Offenstadt », scrupuleusement exact dans tous ses détails et d'une parfaite modération de forme. Cette publication, à ce qu'affirme le papier bleu, constitue les délits d'injure et de diffamation publiques; elle a causé à la Société parisienne d'édition un préjudice considérable qui ne saurait être évalué à moins de cinquante mille francs. C'est pourquoi ladite Société me réclame cinquante mille francs à titre de dommages-intérêts et me traduit en justice.

Nous n'ouvrirons pas ici prématurément le débat. Mais nous devons dire tout de suite que le procès engagé dépasse considérablement en importance la plupart des procès de ce genre.

Il ne s'agit nullement de ma chétive personnalité. Il né s'agit pas 'seulement de la Revue des lectures, ni même des droits de la critique. Il s'agit avant tout des droits de l'Eglise et des droits de la famille.


482 EA REVUE DES LECTURES TRADUITE EN CORRECTIONNELLE

Les familles, et notamment les familles catholiques, envahies par dès publications hostiles, troublées ou menacées dans leurs traditions, leur honneur, leur santé morale, leur mission éducatrice, leurs prérogatives sacrées, leurs biens les plus précieux, se sont groupées, pour se défendre, elles et leurs enfants, autour de la -Revue des lectures. Elles en avaient le droit.

Les familles ont confié à la Revue des lectures le soin de rechercher les ennemis de leurs foyers, de les stigmatiser, de leur barrer la route, c'est-à-dire de veiller, avec elles ou à leur place, à ce que leurs enfants restassent à l'abri de tout danger de corruption intellectuelle et de dégradation morale (1). Elles en avaient le droit.

La Revue des lectures a répondu à la confiance que les familles: avaient placée dans son action. Elle a résolument rempli sa mission : sans crainte, sans haine et sans parti pris, au nom des principes reconnus par tout l'univers civilisé, par la seule considération du bien de ses clients, elle a démasqué certains malfaiteurs, dénoncé leurs méfaits et mis les âmes en garde contre le péril. De même qu'elle en avait le devoir, elle en avait le droit.

Au surplus, la Revue des lectures a nettement conscience qu'en exerçant ce droit, elle a servi l'intérêt national: elle a porté la lumière parmi des entreprises ténébreuses; elle a dit tout haut ce que pensaient tant

(i) « Je suis personnellement partisan d'une censure. Entre plusieurs, une raison qui me suffit : j'ai des enfants qui pourront lire bientôt. » Ainsi s'exprime M. René Fauchois, répondant à une enquête sur la liberté d'écrire (Les Marges, i5 février

1928, p. 123).

« L'écrivain? en vertu de quel privilège l'écrivain se verra-t-il . soustrait à la loi générale de. nécessité,- sans laquelle la 'Cité ne subsiste plus? » Ainsi s'exi3rime Fàgus dans la même revue, p. 122.

Et ces deux propositions résument les principales revendications des familles : La Cité appartient, à ceux-là seuls qui l'ont faite et à ceux qui vont la perpétuer, à ceux qui ont des enfants ; respectez nos enfants ; 20 Si vous continuez à ne pas les respecter, c'est la prolongation de la dénatalité," c'est la dépopulation, la disparition de la cité.

Tout est là : on ne comprendrait pas complètement notre programme, nos devoirs et nos droits, si on ne les jugeait pas à la lumière de ce double fait.


LA-RE VUE DES LECTURES TRADUITE EN CORRECTIONNELLE 483

d'éducateurs, aussi bien dans l'enseignement officiel que dans l'enseignement catholique; elle a jeté dans le grand public les avertissements salutaires que des hommes politiques, des princes de l'Eglise, des écrivains, des magistrats et des sociologues avaient fait entendre dans les hauts lieux, en invoquant l'intérêt de la nation, les droits de la conscience, la dignité, de l'esprit humain, la paix sociale ou l'avenir de la race.

Ainsi, elle a amené à résipiscence des éditeurs, des auteurs et des particuliers; elle a, en maints endroits, sauvé de la déchéance des éléments utiles à la prospérité de la nation ; enfin, elle s'est appliquée de toutes ses forces à maintenir, dans les élites du pays, ce « ressort de plus » qui, au témoignage de Montesquieu (De l'esprit des lois, livre III, chapitre III), est indispensable (( dans un état populaire » ; elle a.contribué à former des •hommes et à doter d'un peu plus de « vertu » le patrimoine de la République : elle a bien mérité de la France.

**#

Aujourd'hui, ces bienfaits, on les taxe de délits: il appartient aux familles de les proclamer avec une ardeur redoublée. De les proclamer et de les étendre.

Ces droits, on les conteste: il appartient aux familles de les revendiquer, de les exercer,, plus aujourd'hui - qu'hier, et tous les jours, en attendant que la justice française se prononce.

Nous comptons donc sur les familles et sur tous les bons Français, et sur toutes les bonnes Françaises, pour soutenir notre commune cause devant l'opinion.

Devant le tribunal, c'est Maître Fourcade, bâtonnier de l'ordre des avocats de Paris, qui a bien voulu s'en charger.

Ici et là, notre affaire ne pouvait être placée en meilleures mains.

L. BETHLEEM.

N. B. — L'affaire est appelée le 20 juillet; mais on peut prévoir que, selon l'usage, elle sera remise au mois d'octobre.


La « Revue des lectures » et son directeur

assignés devant le tribunal civil de la Seine

en paiement

de lOO.OOOfrancs de dommages-intérêts

*~*~*

Au moment où je corrige les dernières épreuves de l'article qu'on vient de lire, je reçois une seconde assignation.

A la requête de M. Nathan Offenstadt, l'huissier me prévient, ainsi que les autres signataires de l'affiche et du tract intitulés « Avis aux familles sur les illustrés pour enfants », et la « Revue des lectures »> que M. Offenstadt nous intente un procès, pour nous entendre condamner, conjointement et solidairement, à payer à la Société exposante la somme de 100.000 francs de dommages-intérêts.

Ai-je besoin de dire que j'ai reçu cette assignation, comme la précédente, avec la plus complète sérénité. Nous avons pour nous le droit. Et demain, quand la nouvelle sera publiée, nous aurons pour nous l'opinion. Nous sentirons avec nous et près de nous, non seulement la multitude des bons; Français dont nous avons soutenu la cause, mais tous les hommes de coeur et les gens éclairés qui se joindront à nous pour assurer, leur propre sauvegarde et la défense de leurs enfants.

Il va donc de soi que l'action continue. Nous labourons un champ. Nous avons touché une pierre et une autre pierre. Ce n'est pas le moment d'abandonner la charrue. Au contraire.

On fera aux pierres un sort. Pour nous, le devoir est clair: nous poursuivons le labeur. Les instruments de travail sont bons: nous en avons une preuve de plus. Les- ouvriers sont bons : nous en aurons avant peu des preuves éclatantes.

Le succès, le succès vrai, le seul que nous ambitionnons les uns et les autres, il est là. Un effort, chacun dans son secteur, et, avec la grâce de Dieu, il est à nous.

L. BETHLEEM.


LES REVUES

JOURNAUX

& MAGAZINES

Sous ce titre, nous avons publié depuis 1919 : I. Revues nouvelles reparues ou transformées, liste de périodiques, adresses, prix d'abonnement (n° d'août-septembre 1919) ; — II. L'OEuvre (n° d'octobre 1919) ; — III. Le Monde illustré ; L'Education familiale (n° de novembre 1919) ; — IV. Le Magasin pittoresque ; Frères d'armes ; Le Courrier littéraire illustré (n° de janvier 1920) ; — V. La Vague ; L'Ecole du travail (n° de février 1920) ;

— VI. Le Populaire, de Jean Longuet (n° de mai 1920) ; — VII. La Ménagère française (n° d'août 1920) ; — VIII. La Femme et l'enfant {n° de septembre 1920) ; — IX. Les Annales politiques et littéraires ; Sciences et voyages (n° d'octobre 1920) ; — X. Les Semailles (n° de novembre 1920) ; —■ XI. La Réponse populaire du Sud-Est (n° de janvier 1921) ; — XII. Lectures pour tous (n° de février 1921) ; — XIII. Revue pratique de liturgie et de musique sacrée (n° de mars 1921) ; — XIV. La Semaine illustrée de la famille (n° de décembre 1921) ; — XV. Revues et bulletins catholiques récemment créés ou reparus (n° de janvier 1922) ; ■— XVI. Etude- critique sur les principaux journaux de modes et de travaux féminins (n0B de février, mars, avril, mai, juin 1922) ;

— XVII. Publications récréatives pour la famille et pour le peuple (n° de juillet 1922) ; — XVIII. Les Dix plaies de la presse contemporaine (n° d'octobre 1922) ; — XIX. Quelques revues nouvelles et nouvelles de quelques revues (n° de novembre 1922).

— XX. Les Journaux de sports (nos de janvier, février,. mars et avril 1923). — XXI. Un peu de. lumière à travers les feuilles... des autres. — XXII. Quelques bonnes revues récemment créées.

— XXIII. Quelques revues catholiques.

XXIV. — LES JOURNAUX DE CINÉMA.

Comme le sport, et plus encore, le cinéma séduit le grand public. Passer des heures, assis dans un bon fauteuil, au son d'une musique facile, à voir se dérouler les paysages les plus pittoresques ou les plus captivantes aventures, et tout cela pour quelques francs! Nul effort, peu de dépense, et des heures de plaisir! On s'explique l'immense succès d'un pareil divertissement.

La France compte, dit-on, deux mille cinq cents salles de cinéma, et elle est dépassée de loin par les Etats-Unis, l'Angleterre et l'Allemagne.

Certains s'étonnent, s'effraient, et se scandalisent. Ils déclarent cette vogue absurde et passagère. Us alignent contre le cinéma de nombreux.arguments.

« Que de familles du.peuple, s'écrient-ils, y consacrent des som-


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LES BEVUES, JOURNAUX ET MAGAZINES

mes qui forment un total trop respectable I Et quel bénéfice en retirent-elles ?

Trop souvent, on les repaît d'horreurs, d'absurdités, d'invraisemblances, de scènes .libertines ou stupides. Les braves spectateurs emportent de là quelques leçons : d'abord que les gens « de la haute » passent la. vie à faire la fête aux dépens du peuple ; puis que le vol est le meilleur moyen de faire fortune, enfin et surtout que la grande passion est le tout de l'homme et l'infaillible moyen d'être heureux... »

Telles sont, disent les censeurs du ciné, les seules impressions <jue laissent les quatre cinquièmes des films actuels. Fait d'autant plus grave que rien n'ébranle plus l'imagination et la sensibilité qu'un spectacle. Au cinéma, les assistants paraissent hypnotisés, leur regard est fixé sur l'écran sans pouvoir s'en détacher, toute leur attention est absorbée. Nul réflexe, nulle critique de ce qu'ils voient ; ils sont empoignés, entraînés. Rien de plus malsain pour les organismes fragiles et délicats. Enfants, adolescents, jeunes filles, ne sont que trop souvent ahuris, abrutis, corrompus par le cinéma, qui les saisit encore plus brutalement et plus profondément que les mauvaises lectures.

Ajoutez les conditions fâcheuses de ces représentations, l'obscu- , rite, les rendez-vous qui s'y donnent... Que de filles perdues et de cambrioleurs doivent au cinéma les premières leçons de vice qui les ont égarés !

Voilà le réquisitoire. J'ai trop vu, durant la guerre, ce qu'était le cinéma, même réputé honnête, ""ce qu'on y présentait, quel public s'y pressait, j'ai suivi de trop près, depuis, les journaux et revues cinématographiques pour déclarer injustifiés, en bloc, tous ces reproches.

Le mal produit par le mauvais cinéma est immense. Il travaille à répandre la fièvre de plaisir qui nous tient ; il cherche à satisfaire, et par là même à développer nos pires instincst. Il a déséquilibré nombre de cervelles, il a fait de plusieurs enfants des bandits précoces, parce que l'enfant est incapable de réagir contre des impressions trop vives, et a une tendance presque invincible à reproduire ce qu'il a admiré.

Mais le cinéma n'a-t-il fait que cela, et surtout ne pourrait-il, ne devrait-il pas faire autre chose ?

Il est une force, une des plus grandes forces d'aujourd'hui. Ce qu'il a fait pour le mal, il peut et doit le faire pour le bien.

Il a rendu déjà de très grands services. Pendant la guerre, il a fait connaître et admirer l'héroïsme de nos soldats. Il a initié bien des Français casaniers aux beautés naturelles de leur pays.


LES REVUES, JOURNAUX ET MAGAZINES 4:87

La science a largement profité de sa collaboration. Il a vulgarisé des idées exactes et d'efficaces méthodes, sur des sujets pratiques, comme l'hygiène. De délicates expériences, enregistrées par lui, ont été mises à la portée de tous, et même, grâce au procédé du « ralenti » sont devenues plus faciles à suivre que par la vision directe. Enfin et surtout, il a fourni à tous, non seulement de saines distractions, mais la joie d'admirer de véritables oeuvres d'art. Avec le génial Chariot, il a apporté la gaieté et le fou rire à des millions de spectateurs. Nous devons à quelques grands films de vraies et même d'intenses jouissances artistiques.

Enfin, l'éducation de la jeunesse et du peuple pourrait trouver là un auxiliaire extrêmement précieux. Histoire, géographie, sciences, littérature même, deviendraient, à l'aide de films scolaires, plus concrètes, plus appropriées à la tournure d'esprit de l'enfance, tandis que les adultes apprendraient volontiers notre histoire nationale ou religieuse, nos gloires et nos souffrances, si tout cela leur était présenté de façon habile, claire et attrayante. Quels éminents services nous rendra le cinéma quand il sera bien compris !

' Hélas! nous sommes loin de compte! Vols et adultères, pros-, lilution, meurtres, sentimentalité fade, exhibitions indécentes, acrobaties truquées, tels sont pour le moment les ingrédients préférés de la plupart des fournisseurs de films.

La presse cinématographique serait qualifiée pour contester et réagir. Elle n'en fait rien, le plus souvent, ce La critique du cinéma n'existe pas », constatait M. Pierre Gavotte dans La Revue Universelle du r5 février 1920. Est-ce manque d'indépendance ? je ne sais, mais la majorité de ces journaux se montre uniformément laudative, même quand la morale et l'art exigeraient tous deux une juste rigueur.

Il est donc difficile de se fier à- la presse spéciale quand on veut se renseigner exactement sur la valeur d'un film.

Outre la partie critique, les journaux cinématographiques contiennent d'ordinaire des récits illustrés, résumant des films récents, des articles techniques sur la manière de prendre des vues, des détails plus ou moins indiscrets sur les grandes vedettes, etc. Répandus aujourd'hui partout, ces journaux' viennent rappeler aux spectateurs les émotions ressenties, les entretenir de leurs héros favoris, leur indiquer les films à voir, et surtout exciter de mille manières l'intérêt déjà démesuré qu'ils portent aux choses du ciné et développer dans l'âme des jeunes gens et des jeunes filles le désir, le besoin, la hantise de devenir à leur tour rois ou reines de l'écran.


488 LES REVUES, JOURNAUX ET MAGAZINES

Que valent ces feuilles ? quelle sorte de plaisir, quelle qualité de distraction apportent-elles à leurs nombreux lecteurs ? quelle influence exercent-elles, et convient-il d'en favoriser ou d'en combattre la diffusion?

La question est aujourd'hui d'une réelle importance. Elle mérite un examen sérieux. De même que nous avons consacré aux journaux de modes et de sports, des articles détaillés, nous commencerons dans le numéro du mois prochain l'étude de chacun des journaux cinématographiques.

(A suivre).

Les tournées théâtrales en province et à l'étranger

Pendant la guerre, il y eut de tels abus dans la composition du répertoire de certaines tournées que nos agents diplomatiques s'émurent et que le sous-secrétaire d'Etat aux Beaux-Arts dut aviser. Alors, on était armé, les circonstances rendaient une intervention possible.

Mais, en temps normal, comment empêcher de pseudo-managers d'empoisonner nos petites villes de province avec des insanités aux titres raccrocheurs ? Les organisateurs de spectacles sérieux vous diront que cela fait naturellement salle comble : toujours la même histoire, on sert des ordures au public parce qu'il les.aime, mais s'il y afflue, n'est-ce pas parce qu'on l'a gavé de spectacles dont les titres mêmes sont des outrages au bon goût de Paris ? Encore chez nous, en province, la Société des auteurs a des agents partout ; elle accorde ou refuse des traités et pourrait, avec un peu d'attention, empêcher ces scandales. Mais ailleurs, par delà les frontières ?

En Amérique, dans le Nord, le terrain est plus malaisément exploitable, car le bon sens et les moeurs publiques font la police. Mais dans l'Amérique du Sud ? Qu'est-ce qu'on exporte, et toujours sous la fructueuse et facile étiquette de propagande française ? Des vaudevilles fâcheux ou des Tevues libertines, et trop de gens, là-bas, qui ne peuvent remettre les choses au point, ont la conviction que, décidément, nous vivons en France dans la plus effroyable pourriture (ANTOINE, Comozdia, i& février 1923).


Pour embellir la vie des gens de la campagne

CHOIX DE LIVRES

« Laissez-moi vous exprimer un souhait, nous écrit un vicaire du Rhône. Ne pourriez-vous nous donner quelques listes de bons romans pour nos populations ouvrières et agricoles, en éliminant tous les romans dont les personnages sont tirés de milieux bourgeois et aristocratiques P On se plaint que beaucoup de jeunes filles, notamment, rêvent de situations supérieures et dédaignent leur vie simple et modeste de chaque jour. Pourquoi faut-il que beaucoup de nos meilleurs écrivains s'acharnent à ne peindre que des milieux qui ne sont pas ceux de la grande majorité des lecteurs et des lectrices ? Lamartine avait déjà signalé cette grave lacune de la littérature populaire, dans la préface de son roman Geneviève. La situation n'a guère changé depuis. Sur dix bons romans, il y en a au moins huit dont les héros sont des gens à particule. René Bazin est un des rares écrivains qui aient compris leur devoir sur ce point, en nous donnant La terre qui meurt, De toute son âme et quelques autres... »

Force nous est de reconnaître que cette plainte est fondée. Comment remédier au mal ? Notre correspondant poursuit :

« Ne pourriez-vous pas demander à vos collaborateurs bénévoles de vous aider à dresser une liste d'ouvrages pour nos biblio- . thèques populaires catholiques P Je vous donnerais mon modeste concours, car il y a longtemps que je gémis sur l'avalanche des romans qui déclassent notre jeunesse. »

Nous obéissons volontiers à celte suggestion. Un- premier travail nous a permis de rassembler les litres de quelques ouvrages qui ont pour effet, sinon pour but, de faire aimer la terre et la petite patrie. Ce sont soit des romans aux héros campagnards, soit des ouvrages descriptifs, soit même des poésies, des pièces de théâtre, qui peuvent laisser une saine impression et montrer ' qu'il est encore des écrivains pour s'intéresser à la vie provinciale et rurale.

Et puisque nos lecteurs sont tous gens qui partagent nos convictions, qui sont prêts à seconder nos efforts, qui comprennent l'importance exceptionnelle dé la tâche d'assainissement à laquelle nous travaillons avec eux, nous leur adressons un appel. Nombre d'entre eux, prêtres, bibliothécaires ou amateurs de Iec-


• 490 ■- POUR EMBELLIR LA VIE DES GENS DE LA CAMPAGNE

ture, connaissent assurément des livres catholiques et bienfaisants, de nature à plaire aux paysans et aux ouvriers, et à leur inspirer l'estime et l'amour de leur vie modeste et de leur métier. Pourquoi ne pas nous indiquer ces ouvrages, avec le titre cornplet, le nom de l'auteur, celui de l'éditeur, et. le prix? Pourquoi même ne pas y joindre, à l'occasion, un mot d'appréciation sur le livre, et sur le succès qu'il a rencontré dans tel milieu? Quelques minutes de leur temps, c'est tout ce que ce travail coûtera à nos correspondants ; et ce.- minime sacrifice peut avoir les plus appréciables résultats. Un bon livre, peu connu, pourra de la sorte atteindre un public plus considérable et laisser en de nombreuses âmes de fécondes semences.

A la Semaine des Ecrivains catholiques, M. l'abbé Calvet conta qu'il avait coutume de passer ses vacances parmi les paysans du Centre, et qu'il aimait à leur prêter quelques romans rustiques. A maintes reprises, l'éminent professeur de l'Institut Catholique eut la joie de constater le bien produit par ces lectures. Elles combattaient, dans les âmes paysannes, les tentations . venues de la ville, les désirs d'une vie plus facile en apparence, d'un gain plus rapide et plus assuré. Véritable apostolat, qu'une action de cette nature! Nous voudrions encourager tous nos lecteurs, dans la mesure de leurs possibilités, à s'y consacrer à leur tour, et c'est pour aider les bonnes volontés que nous lançons cet appel. Nous avons la certitude qu'il sera entendu et compris.

ROMANS ET • NOUVELLES.

Joseph AGEORGES, Le Deuil'du clocher, Nouvelle librairie nationale ; Les Contes de mon oncle Paterne, Delagrave, 7 fr. 5o. Ces jolis recueils de nouvelles s'adressent aux adultes, non à la petite jeunesse. Ils célèbrent les coutumes et les gens du Bérry. — Henri BACHELIN, Le Serviteur, Flammarion, 5 fr. Vie d'un paysan, sacristain de son village, évoquée .par son fils avec vénération. — Charles BAUSSAN, Fleurs de paix, fleurs de guerre, collection « Nouvelle bibliothèque pour tous », Bonne Presse, 2 fr. Becueil de nouvelles. — Serge BARRANX, La Daûne, collection Le Roman, Grasset, 6 fr. 75. Pas pour enfants. — René BAZIN, Il était quatre petits enfants. ; La Closerie de Chanipdolent ; Récits de la plaine et de la montagne ; La Terre qui meurt ; De toute son âme ; Le Blé qui lève ; La Douce France ; Gingolph l'abandonné ; Contes de bonne Perrette ; tous diez Calmann-Lévy à 6 fr. 75. On peut y joindre, pour adultes, Donatienne et Davidée Birot (même éditeur, même prix). — BELLER, La Meuse, librairie de la Croix du Nord, rue des SeptAgaches, Lille ; Pour lire à la veillée, nouvelles, Editions Spes, 17, rue Soufflot, 5 fr. — Adrienne CAMBRY, La Chansoti du blé,t collection Fama, n° 16, Dcmuylder, g4, rue d'AIésia, 1 fr. 5o. —' Edmond COZ, Sol natal, Beauchesne, 6 fr. — Ernest DAUDET, Victimes de Paris, Pion, 7 fr. Pour adultes. —Jean de. DAY.ES, A l'atelier, Éditions Spes, 17, rue Soufflot, 3 fr. La vie des midinettes en province. — Paul DESCHAMPS, Jean Christophe ;


POUR EMBELLIR LA VIE. DES GENS DE LA CAMPAGNE 491

Suzanne ; L'Abbé Jacques,. Bonne Presse, 3 vol. à 3 fr. 5o. — Pierre L'ERMITE, Restez chez vous ; La Grande amie ; L'Emprise, Bonne Presse, 3 vol. à 3 fr. — Marguerite d'ESCOLA, Le Phin de chez nous, Bonne Presse, 2 fr. — Charles GENIAUX, Mes voisins de campagne, Flammarion, 5 fr. 75. -— Pierre GOURDON, L'Autre guerre, Marne, k fr. — Henry GRÉVILLE, Jolie propriété à vendre, collection « La Liseuse », -Pion, 2 fr. 5o. .— A. GRINIË, Une paysanne d'autrefois au Bas-Marne, Goupil à Laval (Mayenne), 2 fr. 5o. — Paul _ HAREL, Souvenirs d'auberge, Bloud, 7 fr. — Gustave HUE, Quand l'été. s'annonce, Bonne Presse, 3 fr. 5o. — Francis JAMMES, Le Rosaire au soleil ; Monsieur le curé d'Ozeron, au Mercure de France, 2 vol. à 5 fr. — Léon de LAPËROUSE, Le Mas est lézardé, Lethielleux, 6 fr. — Marie LE MIËRÈ, Rêves et destinées, collection « Bibliothèque de ma Fille », H. Gautier et Languereau, G fr. — Romain LEMONNIER, Sonnez encore, Bonne Presse, 1 fr. 20. — LE TERRIEN, L'Appel de la terre, Payot, 10 fr. — Pierre LHANDE, Mirentchu, Pion, 7 fr. — Joseph L'HOPITAL, Le Clocher dans la plaine, Ollendorff, k h\-ho.J.-IL LOUWYCK, La Race qui refleurit, Bloud, 7 fr. Pour adultes. — N. MAGNIN, Histoire de la Bique, collection « Bibliothèque du petit Français », A. Colin, 6 fr. —'■ MAISONNEUVE, Jeunesse et vaillance, Marne, h fr. — M. MOREL, Marinette, Pion, 7 fr. — MUGNIER, Les Racines, Bloud, 3 fr. ; Aux paysans de France, Bloud, /1 .fr. — Marguerite PERROY, Les Enracinés, Editions Spes, 17, rue Soufflot, 2 fr. — H. POURRAT, Gaspard des montagnes, Albin Michel, 6 fr. 76. Pour adultes. — A. PRAVIEL, Jamais plus, Bloud, G fr. — B. de PUYBUSQUE, Pascaletie, collection Foyer-Romans, Hirt, 4, avenue Jean-Jaurès, Reims, 1 fr. 5o. — QUERCY, Journal d'un curé de campagne, Beauchesne, 5 fr. — George SAND, La Petite fadette, La Mare au diable, François le Champi, 3 vol. chez Calmann-Lévy, à k fr. go. — Charles SILVESTRE, L'Amour et la mort de Jean Pradeau, Pion, 7 fr. Pour adultes. —André THEURIET, Ma tante Vincentine, Perrin, 6 fr. — Jean YOLE, Les Arrivants, La Dame du bourg, Les Démarqués, 3 vol. à 6 fr., chez Grasset.

20 POÉSIES. ■

A ces romans, on pourrait joindre, dans les villages où ils auraient quelque chance de succès, les volumes de vers que voici, et qui ont pour caractéristiques communes l'amour de la terre :

Théodore BOTREL, Chansons de chez nous ; Contes du lii■ clos ; Chansons en sabots, 3 volumes, chez Ondet, 83, faubourg Saint-Denis,'Paris (10e), à 7 fr. 56. — Léonce DEPONT, Pèlerinages, Lemerre, 3 fr. — François FABIË, Le Clocher, S fr. 60 ; Amende honorable à la terre, 1 fr., chez Lemerre ; La Bonne terre et Les Voix rustiques, en un seul -volume, Lemerre, 12 fr. — Paul HABEL, 'OEuvres poétiques, Pion, 6 fr. — Francis JAMMES, Les Géorgiques chrétiennes, Mercure de France,- 3 volumes à 8 ff. — Anatole LE BRAZ, La Chanson de la Bretagne, CalmannLévy, 6 fr. — Louis MERCIER, Le Poème dé la maison ; Lés Voix de la terre et du temps, 2 vol., Calmann-Lévy, à 6 fr. — Achille MILLIEN, Chez nous, 1896, Lemerre, 3 fr. ; Aux champs et au foyer, 1900, Lemerre, 3 fr. — Arsène VERMENOUZE, Mon Auvergne, Pion, igo3, 3 fr. 5o ; Eh plein vent, Stock, 1900,


492 POUR. EMBELLIR LA VIE DES GENS DE LA CAMPAGNE

3 fr. 5o. —- Gustave ZIDLER, La Terre divine, Société française d'imprimerie et de librairie, 1903, 3 fr. 5o.

3° OUVRAGES DIVERS : GÉOGRAPHIE, ÉTUDES DE MOEURS.

Signalons enfin des livres descriptifs, géographiques, économiques, qui, grâce à leur intérêt littéraire, pourront, autant que des romans, aider bien des lecteurs à mieux comprendre le charme de leur pays.

Dans la collection « Pays de France », à la Nouvelle librairie nationale, on peut recommander Promenades en Savoie, d'Henry Bordeaux ; Autour d'un foyer basque, de Pierre Lhande ; L'Ame limousine, de Jean Nesmy ; La Jeune Alsace, de Jeanne Régamey, etc.

M. Ardouin-Dumazet a publié chez Berger-Levrault un Voyage en France qui comprend 70 volumes à 5 fr. 75. M. André Hallays, dans son charmant ouvrage En flânant à travers la France (8 vol. à 10 fr., Perrin), nous mène Autour de Paris, A travers l'Alsace, De Bretagne en Sainlonge, et nous décrit Paris, Provence, Touraine, Anjou et Maine, Le Pèlerinage de Port-Royal, Bourgogne, Bourbonnais et Velay.

Chez Laurens, on trouvera la collection Anthologies illustrées : les Provinces françaises, volumes in-8 illustrés, à 5 fr.

A un point de vue un peu différent, et plus spécialement économique, le livre de J. Méline, Le Retour à la terre et la surproduction industrielle (Hachette, 6 fr.), rendra de bons services.

L'on connaît les beaux livres de Charles de Bordeu, La Terre de, Béarn (Pion, .7 fr.) et de J. de Pesquidoux, Chez nous (2 vol. à 7 fr., Pion), qui sont écrits pour les adultes.

Nous avons parlé récemment d'un volume d'extraits, Notre bon pain de France, consacré aux paysans (Procure du clergé, 3, rue de Mézières, -Paris, 6e, 5 fr.).

Enfin, rappelons les-titres de quelques pièces de théâtre inspirées du même esprit, comme La Victoire de la terre, par l'abbé Mugnier (3 actes, aux bureaux de L'Ami du Clergé, à Langres, 1 fr. 9.5) et Jean Kermor, de Théodore Botrel (3 actes, chez Boulord, à Niort. 2 fr. 5o).

Ces premières indications sont encore sommaires. Nous espérons bien que l'érudition, la compétence et la complaisance de nos lecteurs vont nous permettre de les développer bientôt, pour le plus grand profit de tous.

Déclaration du Gouvernement

Je me bornerai à répondre brièvement, d'abord à M. de Lamarzelle, qui peut être assuré que le garde des sceaux et le ministère de la justice tout entier ne négligeront rien pour que soient poursuivis et condamnés les outrages divers à la pudeur, les obscénités diverses qui, malheureusement, ne relèvent pas toujours de la police correctionnelle, et qu'il n'est pas toujours facile d'atteindre. Il y a là une oeuvre de police au moins aussi importante que l'oeuvre de justice. Je tiens pour assuré que si mon collègue, M. le ministre de l'intérieur, était sur ces bancs, il répondrait aussi à M. de Lamarzelle qu'il s'efforce de nettoyer certains endroits qui ne sont pas très honorables pour notre pays. (M. COLRAT, GARDE DES SCEAUX, au Sénat, séance du 20 juin 1923, Journal officiel du 21 juin, p. 1016).


CARNET de ia REVUE

A L'INDEX.

D'après La Croix du 6 juin 1923, le Saint-Office, par un décret du 4 juin, a condamné et mis à l'index les ouvrages suivants :

1° Les tomes I et II de Ylstoria interna documentada de la Compana de Jésus, par don Miguel Mir, de l'Académie royale espagnole ;

2° l'Histoire intérieure de la Compagnie de Jésus, d'après des documents tirés du récent ouvrage espagnol de don Miguel Mir, adaptés par 1. de Récalde (librairie moderne, Paris) ;

3° l'opuscule intitulé L'Apparition de la très Sainte Vierge sur la sainte montagne de la Salette, le samedi 49 septembre 4845, simple réimpression du texte intégral, publié par Mélanie (Société Saint-Augustin, Paris, Rome et Bruges, 1922)/

UN NOUVEL ACADÉMICIEN : M. DE PORTO-RICHE.

M. Georges de Porto-Riche., a été élu membre de l'Académie, le 24 mai dernier. A cette occasion, toute la presse, à deux ou trois exceptions près, a rappelé, sans plus, ses • mérites littéraires et l'immense influence qu'a prise depuis trente ans son « Théâtre d'amour ».

Nous ne disposons pas ici d'une place suffisante pour consacrer à ce théâtre une longue étude. Il nous suffira du reste — on verra pourquoi — de renseigner nos lecteurs sur l'une des pièces qui le composent.

Elle a pour titre Amoureuse : créée en 1891, elle a été depuis souvent reprise, tant à Paris qu'en province, et elle fait partie du répertoire de la Comédie : française.

Ayant à parler de cette pièce, le critique peu suspect de pudibonderie, M. Ernest-Charles se trouvait embarrassé : c( Je me demande, écrivait-il dans L'Opinion (18 octobre 1913), si les journalistes ont des dispositions particulières à être pervertis ou à se scandaliser... Mais il ne s'agit pas ici de se scandaliser. Il est plus important de constater. On pourra se scandaliser plus tard. »


494 GÂBNET DE LA REVUE

Et il constatait que « Porto-Riàhe ayant voulu, vers l'année 4890, peindre la femme amoureuse de la société moderne, il l'a représentée comme une sensuelle effrénée qui sera toujours sensuelle sans cesser un instant d'être effrénée. »

Cette remarque et cette constatation d'un critique peu » bégueule » m'ont mis en défiance. '

Enclin peut-être, comme journaliste, à me scandalise^ je n'ai pas voulu lire la pièce, et j'ai simplement consulté les critiques mondains qui, en raison de leurs fonctions, de leur état d'esprit et de leur complaisance habituelle à l'égard des dramatistes, ne sauraient être suspectés de rigorisme et d'étroitesse d'esprit. Et voici ce que j'ai trouvé. J'ai retrouvé l'appréciation de M. Gustave Téry, parlant 'd'Amoureuse dans L'OEuvre du 16 octobre 1913 : « Non, vrai de vrai, en son fond, en sa substance, tout cela est sale et vil. On aura beau mettre. autour de ces coeurs faisandés tout le style, tous les chichis de psychologie, tous les mots, tout l'esprit que l'on voudra (et c'est en effet de l'esprit voulu, qui a encore sa marque, comme les articles d'exportation), nous ne pourrons jamais devant ce prétendu « chef-d'oeuvre classique », nous retenir de crier : « Ça sent le bouc ! Ça pue le juif. »

J'ai trouvé Jules Lemaître qui, dans ses Impressions de théâtre (6e série, p., 315), formule, à propos d'Amoureuse dont il admire la puissance dramatique, ce verdict : « M. Georges de Porto-Riche est d'un siècle qui s'est piqué d'introduire la débauche dans le mariage, et qui a jugé que cela était salutaire, et que cela devenait même respectable... )>

Dans L'Action française du. 1.9 octobre 1913, j'ai trouvé ceci : « Qu'Amoureuse ait exercé une profonde influence sur le théâtre contemporain, comme on l'a rappelé à outrance tous ces. jours-ci, c'est vrai sans doute dans une certaine mesure. Il y a un théâtre où les personnages se trouvent vils, où ils se complaisent à étaler et à remuer la boue de leur coeur et à se répéter à eux-mêmes sur tous tes tons : « Sommes-nous ignobles ! Le sommes-nous assez ! » Ah ! ce théâtre-là, il ne peut pas méconnaître ses origines. Oui, il procède d'Amoureuse. »

Et dans L'Echo de Paris du 11 octobre 1913, ces lignes de M. André Beaunier : « On a dit #M'Amoureuse était le


CARNET DE LA BEVUE 495

type de la pièce rosse .-c'est la pièce mufle qu'il faut dire, aujourd'hui que ce mot, si commode d'ailleurs, a reçu l'estampille officielle. Je ne sais rien de plus désolant, de plus vulgaire et de plus répugnant que les trois caractères mis en scène et pour lesquels on sent bien que l'écrivain dramatique laisse percer un peu de complaisance. Faut-il. le ■ répéter encore (même en s'exposant à ce que cette répétition paraisse bouffonne) : quel monde et quel drôle de monde !...

« On a envie de secouer -son mouchoir et de dire : Pouah ! comme Mme de Morancé, à la fin de la Visite de noces. » Même le Gil Blas se montrait ému. M. Edmond Sée y écrivait, lé 11 octobre 1913 : « Je ne veux pas analyser à nouveau une oeuvre classique, ni commenter ces personnages. Les premiers au théâtre, ils osèrent tout dire du coeur et du corps humain ! Et ils eurent l'heureuse fortune de figurer dans un drame non seulement sentimental, mais social encore, puisque l'auteur fait ici non seulement le procès déchirant de l'amour, mais de l'amour dans le mariage. »

Et « Un monsieur de l'orchestre » dans Le Figaro (12 octobre 1913) disait qu'Amoureuse « est en même temps une des plus émouvantes apologies de l'amour des femmes qui aient été écrites, et une des plaidoiries les plus éloquentes qui aient été prononcées en faveur de leurs trahisons. »

« Il n'y a pas une ligne, pas une note, ajoutait Antoine Rédier dans le Bulletin des catholiques écrivains (20 février 1919), qui y soit à l'honneur du coeur humain : c'est du, théâtre dégradant. Aussi n'est-ce point de l'art, mais du bas métier. »

Or, tout le théâtre de Porto-Riche ressemble à Amoureuse. Et La Chance de Françoise, et Le Passé, et Le Vieil homme, et Le Marchand d'estampes, et Les Malfilâtre, et L'Infidèle, et Zurihi, ces diverses pièces ravalent l'amour au rang des instincts physiologiques, la femme au rang d'une biche, d'une louve, ou d'une pieuvre de la sensualité, ,1e mariage à l'animalité, la vie tout entière au plaisir bestial.

Bien plus, tout le théâtre français, depuis plus d'un quart de siècle, s'inspire de la manière de Porto-Riche.


■-' 496 ~ CABNET DE LA BEVUE

Personne ne le conteste. C'est un fait d'une évidence criante.

« M. de Porto-Riche est un précurseur, déclare M. Adolphe Brisson dans son ouvrage Le Théâtre (3e série, p. 338). Les innombrables pièces où l'énergie individuelle se trouve exaltée et qui ont pour fondement le « droit au bonheur » sont le,; filles d'Amoureuse. En écrivant celle comédie, il a-créé une école. »

M. Henry Bordeaux, dans La Vie au théâtre (iIe série, 1907-1909, pp. 212-213), dit de même : « La nouveauté - d'Amoureuse, c'est ce jaillissement de volupté qui a débordé dans tout l'art contemporain et que, la première ou presque, elle osait mettre à la scène "avec impudeur. Elle y - ajoutait une nervosité, une trépidation parfaitement convenable à des êtres que,leur s instincts trouvent sans résistance... Dans Amoureuse, c'est exclusivement la peinture de l'amour physique. Nous le pouvons constater : il n'y a plus de lyrisme que pour lui. Il s'étale partout avec allégresse. » Plus récemment, dans Le Figaro du 28 mai 1923, M. Robert de Fiers déclarait : « Quel est l'écrivain de théâtre parmi ceux-là mêmes qui n'auraient pas osé s'inspirer volontairement de cette pièce fameuse (Amoureuse), qui ne lui doive quelque chose ? Son influence fut prodigieuse et depuis trente-deux ans, elle ne s'est point périmée. »

#*#

Ce « maître de la séduction, ce don Juan du vingtième siècle » — ainsi s'exprimait L'Ere nouvelle du 21 juin 1922, — ce détracteur du véritable amour, cet apôtre de la vie sensuelle, ce profanateur de la dignité de la~ femme et du mariage, ce contempteur de la famille, cet écrivain qui au dedans a corrompu les moeurs et au dehors a compromis notre réputation,, a pris place à l'Académie française, parmi les représentants les plus illustres de la. pensée de notre pays.

La presse n'a pas jusqu'ici signalé ce scandale qui consacre tant de scandales. Les familles, les associations militantes et les défenseurs de la moralité publique ne s'en sont pas émus. Peut-être même ne s'en sont-ils pas aperçus.

Ces quelques lignes ont simplement pour but de leur ouvrir les yeux, afin que même s'ils ne partageaient pas notre opinion, ils évitent de s'associer trop bruyamment


CABNET DE LA REVUE 497

au bacchanal qu'organiseront, un jour ou l'autre, autour de l'auteur et de son oeuvre, les ennemis du bien public et le troupeau des ignorants

PASCAL.

Le 19 juin 1623, Biaise Pascal naissait à Clermont-Ferrand. Le troisième centenaire de l'événement fut commémoré de diverses façons. Les fêtes furent d'ailleurs mo-/' destes. On a épargné a Pascal les triomphes officiels dont fut comblé Renan. Le 17 juin, deux cents personnes sont allées causer de lui à Port-Royal des Champs, et entendre MM. Rébelliau, Le Roy et Paul Gazier. Le 28, le cardinalarchevêque a présidé, à Saint-Etienne du Mont, une messe cpmmémorative, où le cardinal Charost a magnifiquement glorifié le grand écrivain.

Nous ne conseillerons pas à nos lecteurs toute l'oeuvre de Pascal, puisque Les Provinciales figurent au catalogue de l'Index. Nous ne leur énumérerons pas davantage les innombrables éditions des Pensées. La plupart de ces éditions reconstituent avec une naïve audace, un plan qui, se-r Ion toute apparence, n'était pas encore fixé par l'auteur. Il faut nous résigner à goûter ces fragments un par un et pour ce faire, la plupart des éditions sont bonnes. Celle de M Margival (Gigord, 6 fr. 50 ; cartonné, 7 fr.) et celle de M. Victor Giraud, dans la collection « Science et religion » (chez Bloud, 1901, nos 406 et 407, 2 vol. à J fr.), sont simples et commodes, et-suffisantes pour qui veut prendre connaissance de cette oeuvre géniale, sans s'arrêter aux broussailles des commentaires et des conjectures.

Sur Pascal, les études sont innombrables. N'en citons qu'une, parmi les meilleures : V. Giraud, Pascal, l'homme, l'oeuvre, l'influence, chez de -Boccard, 3 fr. 50. La question des Provinciales a été traitée de façon magistrale par le Père Alexandre Brou, dans Les Jésuites de la légende (Téqui, 2 volumes à 6 fr.). Enfin, nous signalons aux gens pressés quelques pages excellentes de Mgr d'Hulst, dans Le Correspondant du 25 septembre 1890 ; sous le titre Une nouvelle appréciation des Provinciales, en réponse à un article effarant de Joseph Bertrand dans la Revue des DeuxMondes, il met admirablement au point la question du jansénisme et de la grâce, celle du probabilisme et de la ca-


Ï98 CABNET DE LA BEVUE

suistique, enfin celle de l'apologétique de Pascal. C'est sommaire, mais plus substantiel que bien des in-folios.

COMME LES CHARCUTIERS.

Dans un grand journal parisien et populaire, qui pourrait bien être, dit-on, Le Matin, si ce n'est pas Le Petit Parisien, il arrive parfois qu'au cours des péripéties dramatiques déroulées par le feuilleton, intervienne un charcutier.

Ce charcutier est toujours un homme de conduite irréprochable, bon époux, bon père, négociant consciencieux, doué d'un coeur d'or et d'une âme délicatement généreuse.

• Certes, nous ne songeons.pas à protester contre la sympathie spéciale qui entoure cette honorable corporation. Mais il est permis d'en chercher les raisons profondes.

Elles sont simples. Les charcutiers ont l'esprit de corps, et lorsque le grand journal en question avait, jadis, l'imprudence . de montrer l'un d'eux en mauvaise posture ou affligé de quelque tare morale, les réclamations arrivaient en foule.

Pour prévenir ces mécontentements, la direction imposa à tous ses fournisseurs de romans cette consigne impérieuse : « Jamais de charcutier coupable ! Les fripouilles nécessaires pourront être à. votre gré bijoutiers ou ambassadeurs, agents d'assurance ou ministres, mais que le charcutier vous soit à jamais sacré ! »

...Et je me disais : « Pourquoi les catholiques, pourquoi les prêtres,- hésiteraient-ils à se faire respecter ? Quand on insulte ou qu'on ridiculise leurs croyances, on n'attaque pas seulement un individu, ce qui, en bonne logique, n'a rien qui doive offusquer les autres membres de la profession ; on s'en prend à la foi elle-même, qui est pour tout croyant ce qu'il a de plus intime et de plus sacré. »

Le jour où cent catholiques seront décidés à envoyer, pour deux sous, une carte postale illustrée et vigoureuse à tout journal dont Us auraient à se plaindre, un coup de vent salubre balaiera, dans une bonne partie de la presse neutre de France, les derniers miasmes anticléricaux qui de. ci de là l'empoisonnent encore.


CABNET DE, LA REVUE . :499

ELLES NE SAVENT PAS....

Un matin d'été, vers dix heures, à l'une des bibliothèques de la gare du Nord à Paris, j'ai vu une mère de famille. Elle finit par mettre entre les mains cle sa petite fille de sept ou huit ans Le Petit illustré, et elle donna à son fils" de seize ans- un volume de la collection « Une heure d'oubli ».-..-

C'était donc une marâtre ou une folle ? dira peut-être l'un ou l'autre de nos lecteurs. Pardon, répliquerai-je, j'ai dit une mère de famille.

Et en effet, c'était une mère de famille. Une mère de famille qui empoisonnait ses enfants, c'est vrai ; mais n'y a-t-il pas en France d'excellentes mères de famille, et des centaines de mille, qui en font autant tous les jours?

UN RON PRÊTRE.

J'allai, l'hiver dernier, visiter un prêtre qui exerce son ministère dans une grande ville. Je savais — et beaucoup savent — qu'il s'intéresse- aux livres et à la lecture. Et comme il est toujours bon de prendre des avis, même de prendre contact avec des frères qui sont du bâtiment, je m'ouvris à lui de certain projet que j'avais formé pour étendre mon- oeuvre.

Le bon prêtre, après quelques instants d'apparente audience, s'éleva cle suite dans les nuages où j'eus beaucoup do mal à me soutenir avec lui. Après un temps qui me parut long comme un jour de pluie, j'opérai soudain un •rétablissement et je parvins à ramener mon frère du bâtiment, sur la surface de ce bas monde. Lorsque j'eus acquis l'assurance qu'il s'y retrouvait et bien assis, je pris congé.

En me reconduisant, il me dit : « Il y a une chose que vous pourriez faire. Ce serait d'étudier les illustrés pour enfants et de faire un tract qui serait distribué dans les familles. : . .

• — Mais, justement, il y a trois ans déjà...

•—■ Oh ! vous ne savez pas combien ces illustrés font de mal. Je le sais, moi. Et je voudrais avoir un tract pour combattre le-mal.

Et il me parlait sur un tel ton, que j'attendais le moment où il lèverait la main et prononcerait : « Allons, allez.


•500 - CARNET DE LA- REVUE

c'est très bien, très bien ; je bénis l'oeuvre que vous allez

entreprendre. ».

• Il ne leva pas la main cependant. C'est sans doute,

qu'étant assez court de taille, il n'avait pas voulu avoir

l'air irrévérencieux d'un petit Saint Paul bénissant Don

Quichotte.

P. S. — De longs mois ont passé : le bon prêtre n'a pas encore demandé de tracts. Nous prions nos lecteurs de lui en mettre un sous les,yeux et aux quelque trente mille prêtres de France qui ne le connaissent pas encore.

DÉFENDONS-NOUS.

11 nous arrive parfois de rencontrer, dans les nombreux journaux que nous lisons, des articles visant une paroisse ou un prêtre, en termes désobligeants ou injurieux.

Nous nous empressons ordinairement de communiquer ces articles aux confrères intéressés. C'est à eux qu'il appartient de décider s'ils doivent intervenir et exiger une rectification ou une réparation. Et, le plus souvent, ils ne doivent pas hésiter.

Pour ce qui nous concerne, nous voulons bien transmettre l'article et donner, le cas échéant, un conseil : mais nous n'avons pas qualité pour écrire nous-mêmes, en la circonstance, au gérant du journal délinquant.

IL Y A CENT ANS.

Quel était, pensez-vous, le livre à la mode, il y a juste cent ans ? Ce ne fut ni H an d'Islande, ni les Nouvelles méditations ; ce fut un petit roman sentimental de la duchesse de Duras, Ourika. En 1823, on se coiffa à l'Ourika, on porta des bijoux Ourika, des étoffes Ourika ;.le peintre Gros fit le portrait d'Ourika ; Louis XVIII lui-même... Bref, Ourika connut la grande vogue.

Aujourd'hui, Ourika est ensevelie dans l'oubli. Et il m'a fallu consulter les grosses encyclopédies pour vous rappeler ces souvenirs. Dans cent arts, que restera-t-il des romans à la mode de 1923 ?. Tout passe, hélas ! et tout lasse.

LA SEMAINE SOCIALE.

C'est à Grenoble que se tiendra, du 30 juillet au 5 août


CARNET DE LA. REVUE

501

prochains, la 15e session des Semaines sociales de France. On y étudiera le problème de la population. Pour recevoir programme et renseignements, écrire au secrétariat permanent, 16, rue du Plat, Lyon.

M. LE RATONNIER FOURCADE.

Le 26 juin dernier fut un grand jour pour le Palais : c'était l'élection du bâtonnier, de celui qui pendant deux ans doit diriger le plus grand barreau de France, maintenir la tradition et^ la discipline et représenter, vis-à-vis de l'étranger, l'éloquence judiciaire française.

Le bâtonnier est un personnage dans l'Etat : celui que l'Ordre choisit, écrit Le Figaro (27 juin), doit non seulement avoir du talent, mais il doit être respecté et aimé.

Or, ce choix s'est presque unanimement porté sur Maître Fourcade. Une belle élection et qui fera date. C'est que rarement on sut réunir autant de sympathies et d'affections mêlées de respect.

Nous nous associons de grand coeur aux hommages que Monsieur le bâtonnier a reçus de M. Millerand, de M. Poincaré, de la magistrature, de la presse et de toute la France ; et nous le prions d'en agréer l'expression, avec celle de notre profonde gratitude.

LE MARÉCHAL.

Le règne du cinéma

Le cinéma règne en maître sur les humains de notre génération. Il les amuse et les repose, et cela seul lui permettrait d'aspirer à la dictature : il dirige leurs actions, excite leur enthousiasme et récompense leurs efforts. Il est le souverain de l'âge démocratique.

Il ne suffit plus à l'ambitieux de voir son portrait dans le journal ; il sombrera dans la mélancolie si le pinceau de lumière ne projette sur l'écran sa silhouette médiocre au milieu des plus médiocres que lui...

Le cinéma ne s'en tient pas là. Il inspire les criminels et les élève au-dessus des traditions périmées. Grâce à lui, ils perfectionnent chaque jour un art cependant vieux comme les hommes et ils ornent d'un peu de fantaisie une profession qui n'était qu'odieuse. Cambrioler ou tuer sans soigner a la manière », voilà qui était bon pour nos pères. Mais se rendre digne de l'écran et tourner « pour de bon » un film fantastique, connaissez-vous rien de phis tentant ? (Maurice DELËPINE, L'Ere nouvelle, ier décembre 1922).


Les Romans

I. — Romans mauvais, dangereux ou inutiles pour la généralité des lecteurs. — François MAURIAC, Le Fleuve de feu, Grasset, 1923, 6 fr. 75. — Ramon PËREZ DE AYALA, Apollonius et Bellarmin, traduit de l'espagnol par Jean et Marcel Carayon, Pion, 1923,. 7 fr.

IL — Romans dont les personnes suffisamment averties pourraient se permettre la lecture, moyennant des raisons proportionnées. — Jean COCTEAU, Le Grand écart, Stock, 1923, 6 fr. 76. — Autres romans de la même catégorie.

III. — Romans dont la lecture est proposée aux grandes personnes, malgré le fond ou certaines pages, en raison du profit ou du délassement sans péril qu'ils procureront.

— Roland DORGELÈS, Le Réveil des morts, Michel, 1923, 6 fr. 76.

— André MAUROIS, Ariel ou Ici vie de Shelley, Grasset, collection « Les Cahiers verts », 1923, 9 fr. — Mademoiselle de SCUDËRY, Isabelle Grimaldi, princesse de Monaco, tiré d'Ibrahim où l'illustre pacha pur E. . Seillière, éditions du Monde nouveau, fa, boulevard Raspail, Paris (Ier), 1923,7 fr. 5o. — Paul ODlNOT, Le Caïd Abdalhah, Renaissance du livre, 1923, 7 fr. — Autres romans de la même catégorie. •■•■'■

IV. — Romans recommandés pour les lecteurs d'âge convenable ou sagement formés. — Alphonse de CHATEA'UBRIANT, La Brièré, Grasset, 1923, 7 fr. — Jean d'ESME, Les Dieux rouges, Renaissance du livre,- 1923,' 7 fr. —- Henri BA'CHELIN, Le Chant du coq, Flammarion, 1920, 7 fr. — T. TRILBY, La Roue du moulin, Flammarion, 1923, 7 fr. — Eveline LE MAIRE, Le Fiancé inconnu, Pion, iga3, 7 fr. — Dominique SËVRIAT, L'Antarctique, Pion, 1923, 7 fr. — Pierre SOULAINE, Les Héri-

Héri- y -Flammarion, 1923, 7 fr. — Mary FLORAN, S'il avait sul, Calmann, 1923, (j fr. 76. — Ambrose BIERCE, Aux lisières de la mort, traduit de' l'anglais j^ar M. Lloha, Renaissance du livre, 1923, 6 fr. — Jean de DAYES, A Valetter, éditions Spes, 17, rue Soufflot, Paris (5e), 1920, 3 fr. — Jacques BAINVILLÉ, FUialio?is, Cité jies livres, 2G, boulevard Malesherbes, Paris (8e), 1923, i5 fr.

. — Anneltc GODIN, L'Erreur de Nedjma, -Lemerre, 1920, 7. fr.

— Autres romans de la même catégorie.

Pour mettre un peu d'ordre dans les ijroductions de la librairie, M. André Rilly suggère dans L'OEuvre {17 avril 1923), deux moyens : - :

.« D'abord, dans chaque librairie, serait, tenu à la disposition du public un registre sur les feuilles duquel on collerait, au fur et à mesure de leur apparition, les articles de critique littéraire publiés dans les journaux' et revues. L'amateur de livres n'aurait qu'à feuilleter ces pages et fixerait ainsi ses idées sans le secours du libraire, souvent aussi mal renseigné que lui.


LES ROMANS • 503

« Mais je compte davantage, je l'avoue, sur la seconde mesure. Elle consisterait en un classement des romans par grande catégorie.. A chaque catégorie correspondrait un numéro que porterait discrètement la couverture de chaque roman. Par exemple, la. catégorie I serait celle des romans d'analyse psychologique à tendances sociales, genre Bourget ; la catégorie II, celle des romans d'aventures, genre Pierre Benoit ; la catégorie III, celle des romans galants, ironiques, légers, genre Duvernois ou Miomandre, etc., etc.

« Le tableau de cette classification serait affiché au mur de la librairie, si bien que le commis n'aurait même pas à l'apprendre par coeur pour pouvoir dire à son client : « Ceci est un roman de tel ou tel genre », il lui suffirait de consulter le tableau du coin de l'oeil. Et rien n'empêcherait le client de le consulter lui-même. »

Ces moyens qu'un journaliste vient de découvrir, nous les employons ici depuis quinze ans. Nous les savons très bons, et nous constatons avec joie "qu'on voudrait les voir généralisés.

I

Le Fleuve de feu, par M. François Mauriac, est un mauvais livre. - , . ~ '

Je n'écris pas ce gros mot sans hésitations ni sans regrets. Mais je le maintiens, parce que, réflexion faite, je crois que tel est mon devoir.

Entendons-nous. Je ne veux nullement mettre en cause la personne ou les intentions de l'auteur. Que M. Mauriac soit un bon catholique, qu'il ait cru faire oeuvre saine et chrétienne en écrivant ce livre, j'y consens volontiers. Je prends l'ouvrage tel que je l'ai lu, comme s'il était anonyme ; je me demande, comme il est dé règle et de tradition ici, si sa lecture sera utile ou nuisible au-public, et je réponds en donnant ce conseil très net : Ne lisez pas Le Fleuve de feu.

Je ne nie pas les qualités littéraires de l'ouvrage. M. Mauriac a une manière subtile et délicate de décrire à la. fois les actes et les sentiments de ses personnages ; il parle une langue un peu entortillée, où l'effort est à mon gré parfois trop visible, mais où je reconnais et où j'admire une originalité d'expression, une abondance et une-fraîcheur de sensations, une force et une sobriété dans l'image, qui sortent de l'ordinaire banalité.

Ce talent, l'auteur l'emploie à nous conter l'aventure d'un cynique viveur, Daniel Trasis, qui dans un petit hôtel des Pyrénées, voit arriver une jeune fille-seule, Gisèle de Plailly, et songe aussitôt à s'en emparer, hanté qu'il est par le désir de souil-


504 LES ROMANS

1er une vierge. La jeune fille est rejointe par son amie Lucile, -accompagnée d'une enfant de quatre ans, et Daniel découvre par hasard que cette petite est la fille naturelle de Gisèle. Celle-ci ■se donne à lui un beau soir, et elle est aussitôt emmenée par son amie Lucile, qui veut l'arracher au vice.

Daniel, un peu plus lard, va retrouver Gisèle, qui habite un village proche de Paris. Il la trouve à l'église, la voit revenir du banc de communion, et se décide à interrompre sa poursuite.

Je ne prétends pas du tout qu'un thème de ce genre ne puisse être développé par un catholique. Il serait absurde, la Revue des lectures l'a dit cent fois, de vouloir interdire à l'écrivain chrétien la peinture des passions, même impures. L'Evangile lui-même parle de la femme adultère. Il ne s'agit donc pas le moins "du monde de réduire la littérature romanesque à la ce Bibliothèque Rose ».

Mais il y a la manière, et celle de M. Mauriac n'est pas la bonne. Qu'on nous permette ici une petite mise au point, dont on voudra bien excuser le pédantisme.

La description de la plupart des vices — ambition, colère, etc. -— n'a rien que de moral, parce qu'elle dégoûte du mal ; L'Avare de Molière n'a jamais fait des Harpagons. Mais l'impureté, elle, est essentiellement contagieuse. On en peut parler cependant, parce que le péril est nul ou très atténué quand ces questions délicates sont traitées en termes abstraits. L'idée toute sèche n'est guère motrice. Le danger commence quand.elle s'incarne dans une description détaillée ; elle acquiert alors, en s'adressant aux sens, la force propulsive- qui la fait redoutable.

Ainsi L'Isolée, cle M. René Bazin, met en scène une prostituée ■et reste pourtant un livre parfaitement chaste, parce qu'aucun mot n'éveille d'image troublante ou malsaine. Les enfants ne liront pas ce roman, mais les adultes ont beaucoup à gagner et il'ont rien à perdre à sa lecture.

Or, Le Fleuve d-e feu suit une. méthode fort différente. C'est Daniel Trasis, le débauché bestial, qui tient la scène pendant tonte la première partie du livre, et avec la plus soigneuse insistance, on nous détaille ses pensées, ses désirs, ses rêves, ses sensations. On s'ingénie, inconsciemment sans doute, je le veux bien, à donner au mal son maximum de pénétration et de nocivité. Sans cesse, le péché est médité, préparé, calculé, savouré, dégusté, reniflé. C'est écoeurant.

A ce péril, la conversion finale de l'héroïne n'apporte aucune compensation. Jamais changement intérieur ne fut décrit avec plus de rapidité. « Je n'y suis pour rien, pour, rien : c'est comme si quelqu'un se mettait à ma place... Comment t'expliquer ? En moi ce qui hurlait la faim se tut, alors une voix que je n'entendais plus s'éleva » (p. 182). Voilà tout ce que nous apprend Gi-


LES ROMANS - 505

sèle sur son retour au bien. Et d'ailleurs, elle pourrait avoir les analyses et les effusions d'un saint Augustin, cela n'empêcherait nullement l'impression d'ensemble laissée par le livre d'être parfaitement malsaine.

On dira que la morale chrétienne est ici représentée par,Lucile de Villeron. Il est vrai. Mais des trois personnages du livre, celuilà est le plus effacé et le moins réussi,. et ce triste champion du bien paraît vaincu d'avance.

Je n'insiste pas sur certaines remarques de détail, comme la bizarre tirade de la page g5, d'après.laquelle il semble que lutter contre le désir des sens, à la campagne, un jour d'orage, soit une impossibilité. Est-ce que le sixième commandement ne vaut que pour les villes et les jours froids ?

Ce qu'il faut.retenir, c'est que Le Fleuve de feu est un livre troublant et morbide, que ni jeunes filles ni jeunes gens, ne doivent lire, et que nous ne conseillons absolument à personne. Comment I dira-t-on, c'est ainsi que vous parlez d'un-romancier catholique ! Rigueur excessive 1 Vous voyez le mal partout !

Si mon jugement paraît trop rigoureux, que l'on s'en rapporte à M. Franc-Nohain, pour qui « ce mélange de sensualité et de religion, ces oraisons à côté de cette frénésie, laissent une impression de malaise et de trouble. Cela est déplaisant, choquant, pénible » (L'Echo de Paris, 7 juin). Qu'on écoute M. André Billy, qui appelle tout crûment Gisèle de Plailly « le type de garçonne le plus audacieux qui nous ait été présenté depuis que ce personnage romanesque a conquis dans^ la littérature la place de premier plan où nous l'avons vu captiver l'attention » {L'OEuvre, 29 mai) ; ou M. André Chaumeix, pour qui « ce qui domine dans cette oeuvre spiritualiste, c'est le prestige redoutable du péché, une odeur animale qui troublera bien des âmes » (Le Gaulois, 2 juin).

Dans L'Ere nouvelle du i5 juin, M. Pierre Bonardi écrit : « Je sais que le désir de cet écrivain est dé « faire 1-î bien ». Je ne vois guère comment ces pages apporteront un apaisement dans les âmes inquiètes, et changeront la concupiscence en sérénité. »

Je ne le vois pas davantage. Je vois très clairement, au contraire, tout le mal qu'elles peuvent causer. Et c'est pourquoi je me suis résigné à mettre mes lecteurs en garde, quoi qu'il m'en coûtât.

#*#

Apollonius et Bellarmin, les deux héros du roman espagnol de Ramon Pérez de Ayala, n'ont rien de commun avec le pythagoricien de Tyane ni avec le nouveau Bienheureux. Ce sont deux cor-


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donniers, dont le premier se croit dramaturge et le second métaphysicien. ;

L'auteur nous lès dépeint longuement, à petites touches, tout en s'arrêtant à de multiples digressions. H tient beaucoup moins à conter qu'à faire miroiter les facettes de son esprit. Méthode, ou plutôt manière, très voisine de celle d'Anatole France clans L'Orme du Mail ou La Rôtisserie de la Reine Pédauque.

Apollonius est un bon toqué ; mais Bellarmin, lui, pourrait bien avoir un grain de génie parmi ses folies. Du moins la question se. pose. Bellarmin, comme beaucoup de philosophes, se . fait un langage à lui, en attribuant aux mots des sens nouveaux basés sur de lointaines analogies. Derrière les nuages accumulés par ses paroles obscures, peut-être un rayon de vérité brille-t-il... Et la falote silhouette de ce savetier est une bonne caricature des philosophes modernes ou.anciens.

Par malheur, l'ouvrage ne rappelle pas seulement Anatole France par la nonchalance du récit et le goût de l'ironie, mais encore par un anticléricalisme violent et pénible.

Apollonius a un fils, qu'une protectrice fait entrer au grand séminaire. Pendant les vacances, le gaillard enlève la fille de Bellarmin. Malgré quoi, on le réintègre au séminaire, dont il nous fait lui-même une description répugnante et fielleuse, dans ' le goût des pages infectes consacrées par Stendhal au même sujet dans Le Rouge, et le Noir.

Le jeune homme une fois bouclé, la jeune fille tombe dans le ruisseau. Quelques années plus tard, le clerc devenu chanoine et moderniste — il est en grand renom comme prédicateur, mais ne croit plus à l'Evangile et fait gras pendant toute la Semaine Sainte — retrouve la malheureuse et la retire du vice.

Le livre vaut surtout, par les réflexions et les malices dont il est parsemé ; mais on voit assez quel en est l'esprit, et pourquoi il nous paraît condamnable, malgré certains agréments de détail. A la.page 227, il s'agit du duc de Gahdie devant le cadavre de l'impératrice. Pleine de bonne volonté, une note nous renseigne aussitôt en ces termes sur l'identité du personnage : et Saint François-Xavier »! On aime à penser que l'auteur espagnol connaît assez les gloires de son pays pour que cette note vienne plutôt des traducteurs.

II . - - ' • :.

Dans une figure du cancan, la danse célèbre du Moulin-Rouge, la danseuse, écartant les deux jambes de chaque côté du corps, semble « se fendre jusqu'au coeur. » Jean Cocteau, en quête d'une belle image, lui emprunte le titre de son roman, Le Grand écart.


LÈS'., ROMANS" 507

Jacques Forestier, jeune étudiant riche, a un idéal et deux vies.

Un idéal? « Le désir d'être ceux qu'il trouvait beaux et non^ de s'en faire aimer. Sa propre beauté lui déplaît. Il la trouve laide. » Cet idéal, celui de l'auteur sans doute et de quelques littérateurs de la nouvelle école, s'appelle le « narcissisme. » En voulez-vous des exemples concrets ? Jacques admire Idgi et son frère Tigrane d'Ibreo. « Idgi toussait. Elle était tuberculeuse... Tigrane se cassa la jambe au patinage... Jacques toussait... IL toussait par amour. Sur la roule, il boitait en cachette. »

Les deux vies de Jacques Forestier ? L'une, celle du petit lycéen, se passe en soupirs et en souhaits sur le programme du baccalauréat.

L'autre, la plus grande, l'absorbante, se consumé en amour et en folies pour Germaine, la protégée du banquier Osiris.

Mais cette seconde vie, dans laquelle doit s'épanouir le narcissisme de-Jacques, s'écroule en une crise de spleen. La coquette Germaine l'abandonne déjà,, au bras d'un, nouvel amant. Et le jeune sentimental, blasé de tout, n'a plus qu'une obsession : une dose massive de cocaïne dans du whisky. II avale le poison, mais sans autre succès... que huit pages où le lecteur ressentira avec lui tout le détail de ses impressions physiques.

Le' « looping » est terminé. Avec Jean Cocteau, suspendu à quelque trapèze, la tête, en bas, il ne nous reste plus qu'une vision -renversée où les objets tournent dans des sens opposés. Si bizarre que paraisse mon image, elle vous permettra de juger du ton général de l'ouvrage. .

Je louerai l'auteur de se montrer aussi adroit escamoteur de mots et d'idées et de ressembler à l'un de ses personnages qui, doué d'une « intelligence en pointe », « l'amincissait en la savourant, comme un sucre d'orge. » Il faut avoir de l'esprit, vraiment, pour trouver comme lui que le décor de Venise est « gondolé à force de s'en servir. »

Mais pourquoi l'avoir mis au service d'une histoire qui se maintient de tout son « grand écart » loin des chemins battus de la morale et de la saine littérature? Il a fendu ses personnages jusqu'au coeur, des jeunes gens cyniques, poseurs et débauchés, - pour nous présenter des images fortes, malgré leur « dadaïsme », si fortes et si fermentées même, qu'elles ne conviennent qu'aux esprits capables de décortiquer la toute petite idée morale enfermée dans le coeur blasé de Jacques.

M, ^ M. . '

André ÂRMANDY, Rapa-Nui, Calmann, 1923, 6 îr. 76. Ce roman-feuilleton ne manque pas d'allure. Il nous transporte en


508 LES ROMANS

Polynésie, dans l'île de Pâques. Vous la connaissez, n'est-ce pas, cette'île de Pâques, qui, dit-on, a récemment disparu dans une éruption volcanique et dont les journaux .ont parlé ?

Un vieux savant, le docteur Codrus, suivi de quatre désespé-' rés, s'embarque pour y découvrir un trésor caché. Un de ses compagnons, Hoedic,. avec qui il partage la fortune trouvée* y fait connaissance de la dernière reine des Incas, OEdidée. Le docteur Codrus, en voyant OEdidée, comprend l'amour, et se donne la mort, tandis qu'Hoedic vivra heureux avec sa nouvelle compagne. Tous deux s'aiment, en effet, et parfois avec une passion dont le roman détaille, avec trop de complaisance, les fureurs désordonnées.

V. BLASCO-IBANEZ, La Femme nue de Goya, roman traduit de l'espagnol par Alfred de Bengoechéa, Calmann, ig23, 6 fr. -]5. La « femme nue » de Goya est une des oeuvres les plus célèbres du musée du Prado. Elle domine, comme un symbole, tout ce roman qui déroule la vie d'un peintre partagé entre les ambitions de son art et les « préjugés » d'une femme ardemment jalouse.

Il y a là des tableaux puissants et vivement colorés, mais au travers desquels souffle la passion la plus fougueuse.

Pierre BROODCOORENS, Le Sang rouge des flamands, Lebègue. Bruxelles, 1922, C fr. Dans un certain coin de Flandre, la Flandre misérable, ignorante, ivrogne, avec ses kermesses, ses beuveries, ses cabarets, vit un ménagé : lui, un brave journalier, elle, une gantière frivole', plus jeune que lui de dix ans, et qui a gardé tout son amour jiour son premier amant. Et cela suffira pour que ce flamand voie rouge et dans un accès de jalousie, lue femme, rival et meure lui-même.

Je passerai sur une in-odigalité de belgicismes, insupportable parfois, mais qu'expliquent la nationalité de l'auteur et le choix du sujet. Je n'aurai pas la même indulgence pour le réalisme du récit et la complaisance qu'il témoigne à l'héroïne : et je ne recommande pas l'ouvrage.

Ferdinand DUCHÊNE, Thamilla, Albin Michel, 1923, G fr. 75. L'héroïne de cette douloureuse histoire, est une petite kabyle. Son nom signifie « tourterelle ».

Sachez d'abord que la femme kabyle est soumise à des lois draconiennes, les « kanouns », qui font d'elle une esclave plutôt qu'une épouse. Ce sont ces kanouns que M. Duchênc donne dans sa préface, et il s'empresse de les confirmer et de les compléter par le récit des souffrances de Thamilla.

Vendue par son père au cavalier Akli, pour être son épouse, elle a connu l'amour. Mais ce beau temps n'a duré que l'espace d'un rêve : Akli la chasse. Thamilla est revendue à un vieux


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LES ROMANS 509

cafetier qui la brutalise et tue son enfant. Jetée hors de chez elle par son père, elle devient une femme errante de la montagne, battue et exploitée de tous, secourue de personne. Et elle meurt à l'hôpital, près d'Akli impassible, le seul homme qu'elle ait aimé.

La « tourterelle » expire. Enterrons-la.

Maxime FORMONT, Le Plaisir de vivre, Lemerre, 1923, 6 fr. 75. Ce plaisir, c'est le 18e siècle finissant qui l'a particulièrement goûté : on connaît le mot de Talleyrand. C'est à cette époque frivole et libertine que ce roman nous transporte. Une idylle compliquée d'un duel, se termine par un mariage. Mais la Révolution survient, et les deux époux meurent sur l'échafaud.

Le récit n'offre rien d'imprévu ni de fort méchant. L'auteur s'est diverti à l'écrire ; nous ne savons pas si tous les lecteurs prendront le même plaisir à le lire.

F. G. de MAIGRET, La Femme de sable, Terigam, éditeur,. 29, quai Voltaire, Paris (7e), 1923, G fr. Une parisienne « sportwoman », en voyage avec son mari dans le Sahara, tombe comme en coup de soleil {c'est courant, là-bas !) dans un poste militaire du désert, que commande le chef de bataillon Martigues. Celui-ci, en présence de la parisienne, perd la tête et le coeur. Car la petite poupée joue avec une habileté perverse la comédie. Et dès qu'elle a affolé le commandant, elle repart avec... son mari.

Ce que va faire le commandant ? Un amoureux désespéré comme lui ne cherchera pas longtemps : clic, pan, browning et. suicide... et faire-part.

Le faire-part a été "envoyé par l'auteur à ses amis, à titre de réclame.

Et je m'attriste d'autant plus de la malsaine aventure du commandant Martigues que l'auteur lui a donné pour cadre les paysages sahariens dans tout leur flamboiement.

Rémy MONTALËE, Un Banquet, E. Figuière, 17, rue CampagnePremière, Paris (i4e), 1923, 5 fr. Fine et spirituelle satire de la manie actuelle des sociétés et des banquets.

Les « Macropogones », longues barbes, tiennent une réunion mensuelle dans un restaurant à la- mode. Depuis la lecture du menu, la timide réserve des conversations aux entrées jusqu'à l'émancipation générale amenée, par le Champagne, l'auteur décrit la fête avec une malice, où pétillent de-ci de-là quelques rosseries. Celles-ci n'épargnent pas toujours l'Ecriture sainte. On cite Salomon et la reine de Saba sur un ton trop proche do la grivoiserie.

A cause de ces irrévérences et de divers détails, on ne pourra pas-mettre celte esquisse entre toutes les mains, bien qu'elle soit


510 - - « LES ROMANS

suivie de deux autres nouvelles, Le Philosophe, et L'Accident, dont certaines pages s'inspirent visiblement de la piété chrétienne.

III

Donc le roman de Roland Dôrgelès, Le Réveil des morts, n'a pas obtenu le grand prix de l'Académie. Il n'en est pas moins- un grand roman, celui que devait écrire le célèbre auteur des Croix de bois. -',.'". . ,

Ce qu'il en faut penser au point de vue moral, nous allons le dire tout de suite.

D'abord, on ne saurait reprocher à l'auteur quelque intention malsaine : elle ne s'y trouve pas. Ce qu'on trouve et qu'il faut relever, c'est un souci exagéré de réalisme qui lui fait décrire tous les détails observés, même les détails malpropres, sans hyperbole, mais sans masque. .

Ce qu'il faut noter ensuite, c'est le pessimisme profond qui souffle à travers tout l'ouvrage. Sans doute, c'est par amour des bons, des héros, des malheureux que l'auteur est si dur x aux mauvais, aux oublieux et à cette misérable humanité moyenne qui n'est ni très bonne ni très mauvaise. Mais comme il veut voir beaucoup plus de médiocres que d'excellen.tSj l'impression qu'il laisse (involontairement sans doute) res'sortit finalement à une désolation et à un découragement infinis.

Ces observations faites, disons que l'action se passe, au lendemain de l'armistice, dans un petit village du Soissonnais qui, situé sur le fameux chemin des Dames, a particulièrement souffert de la bataille.

Patiemment, courageusement, les paysans reviennent à ce qui est devenu un inexprimable chaos. Ils se heurtent à la sottise malfaisante des bureaux, aux tracasseries de l'administration, etc. Mais ils agissent et pas un né fuit.

Parallèlement à cette action, se poursuit l'influence sourde et poignante des morts, de ceux qui sont tombés par dizaines de milliers sur ces plaines...

Enfin, greffée en symbole.sur ce sujet poignant, le drame psychologique de l'architecte Jacques le Vaudoyer. Au cours d'une permission de guerre, ce Jacques a rencontré Hélène Dêlbos et en a fait sans scrupule sa maîtresse, parce que son mari « n'était que cuirassier » ; puis il la laissa.

Peu après, il là retrouve veuve et il l'épouse. Maintenant, elle gère à Paris un commerce de fleurs et plumes et rejoint son second mari tous les huit ou quinze jours. Jacques a fait toute lii guerre comme fantassin. Hélène, est une petite personne comme il y en a tant, ni plus mauvaise, ni plus égoïste. Mais elle a


LES ROMANS ■ . 511

totalement oublié André, le premier mari. C'est Jacques qui, petit à petit, s'y attache, non pas par un sentiment de jalousie qu'on croit deviner, mais par un sentiment de profonde pitié. Il en vient à/exécrer'sa femme, si peu miséricordieuse au pauvre mort ; et finalement, il la quitte, excédé par la souffrance.

Encore une fois, le vrai drame consiste moins dans l'histoire de ce couple symbolique que dans la laborieuse reconstruction du. pays dévasté. Ou si l'on veut, il est dans le combat de la vie qui recommence et du souvenir qui persiste. L'action se déroule dans Je décor qui lui convient le mieux : de larges fresques illustrent chaque épisode, des fresques qui rappellent Zola, mais avec en plus un sentiment de sincérité, d'humanité, de profondeur, et parfois d'esprit chrétien.

Et tout cela constitue une oeuvre puissante, un document social, avec des pensées lourdes de sens, des raccourcis saisissants, des, évocations tragiques et hallucinantes, des trouvailles, heureuses et vives, des tableaux qui atteignent à une rare intensité d'émotion, en un mot, un grand roman.

Les Anglais sont gens pratiques, à l'ordinaire. Mais lorsque d'aventure ils ne le sont pas, nul ne les dépasse dans le domaine de la poésie pure, du rêve ou de l'absurde, trois pays limitrophes.

C'est du moins la conclusion qui me paraît se dégager du dernier volume de M. André Maurois, Ariel ou la vie de Shelley.

Décrit par M. Maurois, Shelley est un délicieux enfant planant éperdûment au-dessus de la terre, • épris d'idéal, vivant à l'aise dans les chimériques palais de nuages que lui bâtit incessamment son imagination philospphique, et qui se meurtrit cruellement chaque fois que ses mirages doivent céder la place à une maussade réalité.

Il se dit athée, parce que le formalisme et l'hypocrisie religieuse de quelques bourgeois l'ont dégoûté. Il se déclare ennemi du mariage, et partisan de l'union libre, ce qui ne l'empêchera pas de se marier deux fois avant vingt-cinq ans. Il veut affranchir l'humanité' de tous les préjugés. Il est complètement toqué, niais ■son charme est irrésistible.

Ses aventures ne sont pas toutes édifiantes, et cet Ariel a voltigé autour de plus d'une fleur ; M. Maurois raconte ces frasques avec la plus souriante indulgence, mais en termes décents.

Une sorte de morale se dégage pourtant du récit, En rompant en visière à tous les « jjréjugés », en suivant sa nature et son coeur à la manière de Jean-Jacques, Shelley n'est arrivé qu'à semer le malheur, la souffrance et la mort autour de lui. Et à sa grande surprise, il est forcé d'avouer que « en brisant les liens


512 . LES ROMANS

traditionnels, on délivre dans les hommes des forces inconnues qui agissent alors sans qu'on puisse prévoir les redoutables conséquences... » Il fallait être bien poète pour ne pas s'en être douté d'avance 1

M. Maurois met beaucoup d'art à conter cette étonnante bio- graphie, et son livre se lit avec un très vif intérêt. Il ne s'adresse point à la jeunesse, et la sympathie avec laquelle il expose les idées folles de son héros ne nous permet de recommander son livre qu'aux esprits mûrs et solidement formés. Tout en se bornant aux faits vrais, l'auteur les met en scène comme ferait un romancier, et au point de vue littéraire, ce tour de force est parfaitement réussi.

Mais comment un homme qui a tant d'esprit ose-t-il, page 3oo, faire du mot « effluves » un substantif féminin ?

„ *^

À force d'étudier le romantisme et le pré-romantisme, M. Ernest Seillière en est venu jusqu'aux lectures qui formèrent ou déformèrent le jeune Jean-Jacques Rousseau ; il a fait ainsi comparaître Madeleine de Scudéry, et n'a pas été insensible au charme fané de la célèbre Sapho, auteur de la carte du Tendre. Ibrahim ou l'Illustre pacha le séduisit particulièrement, au point qu'il se donna la jjeine de dégager l'aventure principale de sa gangue de fatras ; et il vient de nous la présenter sous le titre d'Isabelle Grimaldi, princesse de Monaco.

Isabelle aime le beau Justinian. Mariée par force au prince de Monaco, enlevée par le Grand Turc, elle s'est pourtant gardée pure pour celui qu'elle avait choisi, et qu'elle retrouve à Constanlinople. Il y a un hasard pour les amoureux, et pour les romanciers. Justinian, devenu le pacha Ibrahim, fléchit le sultan et après mille traverses, épouse Isabelle.

Un peu fade, l'histoire garde pourtant un charme archaïque et les lettrés la goûteront. Encore que la forme désuète du style atténue la vivacité des peintures, la passion y est pourtant décrite avec assez d'entrain pour que la petite jeunesse ne soit pas invitée à aller rêver par là.

JJ. * jt.

A son livre Le Caïd Abdallah, M. Paul Odinot a donné ce sous-titre : « roman ». La part de la-fiction doit pourtant être assez restreinte, dans ce journal d'un officier au Maroc. Il s'agit surtout de l'état d'esprit du narrateur et de ceux qui l'entourent, des dispositions plus ou moins bienveillantes, des tribus voisines, des meilleurs moyens de pénétration à employer, bref du problème de l'occupation marocaine hors des villes.


LES ROMANS 513

Le roman n'apparaît qu'à peine, en quelques pages où l'officier narre la fin d'une petite compagne indigène, tuée dans une révolte, et peut-être aussi dans l'histoire du caïd Abdallah, qui donne son nom au livre bien qu'elle n'en soit qu'un épisode.

Mais au point de vue documentaire, ce journal a son intérêt, pour qui veut tenter de connaître l'âme marocaine et les conditions de notre action sur les musulmans. Il est écrit avec simpli? ' cité, avec une netteté brusque, sans grandes prétentions littéraires.

Certaines idées exprimées ici semblent assez discutables, et l'auteur du reste, reconnaît loyalement dans sa préface que sur plus d'un point, il n'est pas arrivé à des conclusions très fermes. Décent dans l'expression, l'ouvrage n'est pourtant pas. destiné à tous. Divers désordres moraux y sont rapportés sans fard et sans blâme, et la dernière partie surtout, assez superflue, nous conte longuement des amours coloniales dont l'écrivain ne paraît pas soupçonner l'immoralité. Aussi fera-t-on bien de réserver le livre aux esprits formés.

■3Ï*

Raymond CLAUZEL, La Maison au soleil, Pion, 1923, 7 fr. Ce délicat roman a paru l'an dernier dans le supplément de L'Illustration et nous l'avons apprécié ici même en décembre 1922 (p. 898). Il a, rappelons-le, de réelles qualités littéraires ; mais il ne s'adresse pas à tous.

Thomas HARDY, Le Maire de Casterbridge, traduit de l'anglais par Philippe Neel, Nouvelle revue française, 1923, 9 fr. Comme les oeuvres précédentes de ce poète et romancier anglais, celle-ci s'enveloppe de tristesse.

Michel Henchard, un simple ouvrier, a, dans un moment d'ivresse, vendu sa femme et sa fille à un matelot. On le retrouve plus tard gros marchand de grains- et maire de Casterbridge. Et sa femme revient accompagnée d'une jeune fille qu'il prend pour la sienne. La découverte de l'origine réelle de cet enfant rappelle Henchard à sa brutalité passée. Sa femme meurt et lui, de malheur en malheur, retombe dans la ruine, puis va . mourir, seul, sur une lande déserte.

Comment ne pas se laisser prendre à l'habileté de l'intrigue et à la finesse des observations? Mais tout cela se module sur un ton tellement pessimiste, surtout dans le testament- du violent Hen-- chard, qu'il faut avoir l'âme bien ouverte sur la vie, pour lire sans danger Le Maire de Casterbridge.

Louis LEGOCQ et Charles HAGEL, L'Empire du monde, Fayard, 1923,'6 fr. 5o. Sur l'aventure amoureuse d'un jeune officier


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français, Berthier, et d'une habile espionne anglaise, Kate* se greffe un drame national et politique; Berthier, commandant un poste perdu du Tibesti, au Sahara, a la garde de concessions pétrolifères françaises.

La belle ' Kate, au service de l'Angleterre, se propose d'exploiter, au profit de son pays, les sentiments passionnés que lui manifeste Berthier.

Mais elle est prise à son propre jeu, et pour ne plus quitter Berthier, trahit maintenant l'Angleterre. Et son geste lui vaut la mort. Berthier, mêlant dans un même amour sa patrie et Kate, se prodigue dans un combat contre les Anglais, et meurt en criant sa haine contre eux.

Que le roman ail déplu à quelques milieux anglais, je me l'explique.

Cependant, pour la tenue littéraire de l'ouvrage, qui témoigne d'une grande connaissance de l'Afrique coloniale, je me garderais bien de partager cette sévérité. Mais je n'entends pas par là en autoriser la lecture sans distinction à- tout le monde : les hardiesses de certaines pages justifient cette dernière réserve.

Jean MARQUET, Nestor, patron pêcheur, éditions de la Nouvelle revue française, Paris, 1923, 6 fr. 75. Originaire de la Seyne-surVar, l'auteur-aime la mer et en parle avec chaleur. L'histoire de Nestor, d'ailleurs, sert de prétexte à son lyrisme ; elle y ajoute la saveur d'une étude vraie sur un patron pêcheur du port de Toulon.

Ce type rude, un peu à rebrousse-poil comme le stylé, prend de la couleur au milieu des détails techniques qui l'encadrent. Vieux pêcheur de tradition, Nestor recherche un trésor, dont parle quelque vague document découvert par hasard. Il voudrait associer à son oeuvre son petit-fils Manus : mais ce dernier s'est laissé enjôler par Lili, une fille de rien. Le marin les surprend tous deux dans sa barque. Marius part avec Lili, mais bientôt convaincu de sa légèreté, revient près de son grand'père. Et en route pour le trésor ! .

Le récit se termine en roman-feuilleton : il faut le regretter, et aussi l'intrusion de cette petite pervertie, qui ternit du souffle de sa passion, la fraîcheur de ce récit maritime.

Georges PÉRLN, Petite Madame Collomb, Rieder, 1923, 6 fr. 76. Un roman d'amour. Il met Un-moment en présence une jeune femme qui- dirige un magasin d'objets d'art, et un député socialiste. Mme Collomb veut être l'Egérie de ce réformateur. Mais un beau soir, elle s'aperçoit que son idole est creuse et le grand homme un imposteur. Elle le lâche, par conviction politique. Et.cette dernière oeuvre du poète mort récemment, n'a pas d'autre importance.


LES ROMANS

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C. F. RAMUZ, La Séparation des races, in-12, éditions du Monde Nouveau, 1923, 7 fr. Je ne demande pas mieux que de découArrir un homme de génie. Cet exercice est agréable et bienfaisant. Beaucoup de critiques s'y sont livrés à propos de M. Ramuz. Pour ma part, je préfère attendre une autre occasion.

M. Ramuz, qui est suisse, nous raconte avec force une histoire d'enlèvement. Firmin habite d'un côté de la montagne, il capture une fille qui vivait de l'autre côté. Elle feint de se résigner. Mais à la première occasion, elle se fait délivrer par leç siens, qui pendent le ravisseur et brûlent sa maison.

Le thènie est quelque peu scabreux, mais surtout le style est d'un rocailleux, d'un heurté, et d'un sans façon tout à fait excessifs. Il ne suffit pas de braver la syntaxe pour passer grand écrivain, et on ne peut guère applaudir des phrases comme celle-ci : « Alors lui là-dedans et de parmi là-dedans, la main au dessus des yeux. » II y a du reste, je me hâte de l'ajouter, des notations pittoresques beaucoup plus réussies, dans ce curieux roman. Mais l'admirer en bloc, non, je ne peux pas m'y résoudre.

IV

Publié dans La Revue Universelle, désigné à l'attention par le grand prix du roman, que vient de lui décerner l'Académie française, honoré par une distinction bien plus flatteuse encore, un long article élogieux de M. René Bazin dans Le Correspondant du 10 juin dernier, le récent livre de M. Alphonse de. Chateaubriant,.La Brière, est un chef-d'oeuvre authentique. .

Je voudrais en parler longuement ; je suis contraint de me borner à en indiquer les principales caractéristiques.

Roman psychologique, régional et descriptif, La Brière ne contient qu'un minimum de faits. Nous. assistons à un drame comme il s'en déroule fréquemment dans la réalité, raconté sans aucune surcharge.

La « Brière » est une grande tourbière de treize mille hectares, entre Nantes et Saint-Nazaire. Un vieux garde, Aoustin, férocement jaloux de son autorité familiale et fier de son marais natal, a chassé et maudit son fils, qui a osé épouser une Bretonne.

Voici que sa fille Théotiste, à son tour, s'éprend d'un paysan étranger. Aoustin déjoue toutes les tentatives des deux amoureux pour obtenir son consentement. Le gars, brutalement repoussé, finit par tirer sur Je vieux un coup de fusil qui lui fracasse la main gauche. Guéri, Aoustin prépare sa vengeance ; il va tuer son meurtrier, quand il apprend la folie de sa fille. Le malheur brise enfin son coeur, et il pardonne au coupable. Je n'ai jamais si bien compris à quel point c'est trahir un


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roman que de le résumer. Les lignes que je viens d'écrire ne peuvent pas plus donner l'idée du. livre qu'une étiquette et un nom latin ne font comprendre la beauté d'une fleur. En réalité, La Brière est une étude d'âmç d'une force et d'un relief exceptionnels. Aoustin est une de ces figures définitives, comme il n'en surgit pas cinquante par siècle dans le monde de la fiction.

Au drame domestique se mêle une question de race et de patriotisme local. La Brière est menacée par un danger vague et d'autant plus formidable ; Aoustin est chargé de retrouver les vieilles chartes qui peuvent prouver les privilèges des maraîchers, et il nous apparaît ainsi comme défendant à un double titre sa race et son pays, en protégeant son foyer contre les intrus et sa petite patrie contre les prétentions de la grande.

Et l'admirable, ici, c'est l'harmonie profonde entre le pays, la race et l'homme. Aoustin tout entier est conditionné par son milieu. Faguet explique la vie dont Balzac anime ses personnages par ce fait qu'ils ont «le caractère de leur origine et de leur complexion, les habitudes de leur caractère, les idées de leurs habitudes, les paroles de leurs idées, les actes de leur langage ; pleins, solides, organisés... » M. de Chateaubriant n'est pas sur ce point inférieur à Balzac.

Son héros d'ailleurs n'est pas « déterminé » comme le voudrait Taine. Il reste capable d'évolution. Aoustin, tyran domestique, père sans entrailles, a gardé sa foi de chrétien, et soùs le coup du malheur, son orgueil fléchit} son esprit conçoit qu'il y a, par delà la mort, des horizons plus vastes que ceux de sa Brière. Le livre si profondément humain de M. de Chateaubriant s'éclaire finalement d'une lueur qui ne vient pas du monde matériel.

Ecrit du resté avec une délicatesse parfaite, il peut être, lu par tous ceux qui ne sont plus des enfants. Il fait allusion à l'inconduite de la fille d'Aoustin, qui est même punie pour.infanticide, mais tout est dit en termes parfaitement décents.

Littérairement, il y a pourtant une réserve à faire, et qui a son importance. L'auteur a vécu longuement dans la Brière, et il la décrit avec beaucoup d'art ; peut-être même avec un art trop continu. Son livre, comme ceux de Flaubert, a été écrit lentement, avec un effort, qui ne se dissimule pas toujours. Des effets de style à chaque phrase ou à chaque paragraphe, c'est beaucoup. On voudrait respirer quelquefois et oublier un peu plus l'écrivain pour se livrer davantage à l'oeuvre. Et puis le vocabulaire de là-bas, si curieux et si évocateur qu'il soit, n'est pourtant pas compris de tout le monde. A chaque page, des mots surgissent, que pour ma part je n'entends point. Que M. de Chateaubriant les emploie, puisqu'eux seuls rendent sa pensée, à la bonne heure ; mais de grâce, qu'une incidente charitable ou


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une note bienveillante nous aide à le suivre sur ces terres inconnues ! —

Remarque de détail, et qui ne. doit pas faire oublier l'essentiel, à savoir que nous avons en français un chef-d'oeuvre de plus, et que ce chef-d'oeuvre peut être goûté de tous les lecteurs, dans il mesure que j'indiquais tout à l'heure.

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Je vais bien vous étonner. Le roman de M. Jean d'Esme, Les Dieux rouges, publié dans la Revue de France, puis, en librairie, dans une collection que dirige M. Marcel Prévost ; ce roman, que M. Marcel Prévost recommande aux suffrages de l'Académie,, sur le point de désigner son grand prix, n'est ni immoral, ni anticlérical, ni bolcheviste. Voire, il suffirait d'en élaguer une trentaine de lignes d'un ton trop chaud, vers la fin, pour qu'il fût parfaitement décent.

Et il est intéressant.

Il se déroule-en Indo-Chine, à l'extrémité du Haut-Laos, où Pierre de Lursac doit occuper, au titre d'administrateur civil, le poste 32, au pied du Pou-Kas. Pierre fait route avec Wanda Redeska, soeur du lieutenant Redeski, commandant" du poste. Mais celui-ci a disparu. Aidés par un vaillant missionnaire, le P. Ravennes, Pierre et Wanda, se mettent à sa recherche.

Le Pou-Kas est un pays inexploré, interdit aux Européens. Là vivent les « dieux rouges », des hommes gigantesques, qui dans un temple immense célèbrent des rites barbares. Wanda se mêle à un convoi de femmes indigènes, et pénètre dans le terrible sanctuaire.

Lursac et le P. Ravennes réussissent à y entrer après elle, et découvrent le cadavre de Redeski. Faits prisonniers aussitôt, condamnés aux pires-supplices, rien ne peut plus les sauver. Wanda pourtant, et c'est ici qu'il y aurait une page à supprimer ou à adoucir pour donner le livre aux adolescents, a remarque l'admiration que lui porte un des dieux rouges, Mââ-Wang. Elle réussit vite à s'en faire un allié ; Pierre et le missionnaire hissés par lui sur des éléphants, s'évadent.

Le prêtre succombe à ses blessures. Lursac se retrouve à demi halluciné, sur un. lit d'hôpital. Mais par une fenêtre ouverte, un passant inconnu lui jette un. paquet : c'est le bras de Wanda que les fanatiques ont dû supplicier là-bas.

Hallucination. Opium. Suicide de Pierre, vieilli de toute une vie après de pareilles aventures. Et le lecteur" est laissé libre de penser que tout cela n'est qu'un songe.

Agréable et fantastique, le livre rappelle ceux de Pierre Benoit et peut faire passer une ou deux heures intéressantes. C'est beau-


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coup déjà. N'exigeons pas autre chose, et rappelons-nous que ce plaisir n'est sans péril que pour les grandes personnes,

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Lé roman de M. Henri Bachelin; Le Chant du coq, ne se raconte pas. Peu ou point d'aventures, guère même de trame. C'est ' la simple autobiographie d'un homme qui, à quarante-cinq ans, entreprend de jeter un regard sur son enfance et sa prime jeunesse. Les faits n'y sont rien : les notations et les impressions y sont tout.

Le récit, un peu monotone peut-être, nous fait surprendre l'existence quotidienne de ces vieilles et dignes familles de petite province qui constituent la vraie France sérieuse et profonde. . Beaucoup de réflexions sur la vie et sa philosophie, le monde moderne, l'ancien régime.

Les écarts de jeunesse tiennent peu de place et sont décemment indiqués. Aucune description malsaine. Aucune nostalgie du mal ni de l'irrégulier. Je préviens cependant mes lecteurs que îe René de M. Bachelin, évadé de sa province, devenu à Paris journaliste révolutionnaire, vit deux ans, avec une actrice « dans des para■ doxes imbéciles et dans de basses débauches. » Son histoire n'est donc pas écrite pour la petite jeunesse.

Un beau matin, à la campagne, le chant du coq le réveille, et du coup réveille aussi sa conscience, comme celle de Saint Pierre. H rentre au logis paternel, il revient à la vie provinciale, à sa douceur apaisante. Il cultive sa terre, il veut faire du bien autour de lui, il Areut éleirer ses fils de son mieux, il a compris la force de la famille et de la petite patrie.

Il n'est pas croyant encore ; mais déjà le catholicisme lui apparaît « même si l'on n'admet pas la révélation, comme le plus ferme soutien des idées indispensables de probité pour l'individu, d'ordre pour la famille, de hiérarchie pour la société. »

Il faut louer hautement M. Bachelin de ce livre probe et sain. Dédaigneux des trucs littéraires, il a étudié une âme, avec une pénétration puissante et un vrai bonheur d'expression, dans une oeuvre qui a quelque chose de la sérénité classique, et nous apporte une noble leçon.

• #*#

François Coppée a écrit un drame en vers, Pour la couronne, dont le héros, prince d'un petit pays balkanique, surprend son père au moment où celui-ci va livrer le passage à l'infidèle, et le tue :

Mon père allait trahir sa patrie et sa foi : [

Etoiles! j'ai tué mon père, jugez-moi!


EESvROMANS

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Le drame que conte Mme T. Trilby dans La Roue du moulin est de nature plus bourgeoise, où, si l'on veut, plus paysanne.

Mme veuve Larnois possède, « adossé au domaine royal de Chambord », le magnifique domaine de la Sorcellerie. Elle y élève son fils unique, Pierre. Mais celui-ci vient à s'éprendre-, d'une jeune parisienne, Liane Durcel, dont le coeur est déjà; « flétri, usé par tous ses flirts ». La coquette recherche d'autant plus ardemment le riche mariage que son père a perdu, dans des spéculations véreusps, non seulement sa fortune, mais celle dés autres.

On devine que Liane, sitôt mariée, ne se plaît guère à habiter la Sorcellerie. Bien pis ! elle persuade Pierre, devenu le maître, de monter, avec. M. Durcel, une grande société anonyme où la Sorcellerie représenterait .à peu près tout l'apport réel et solide. Le marché est à la veille d'être conclu ; et Liane le notifie à Mme Larnois, dans une promenade qu'elle fait avec elle, à la découverte d'un vieux moulin à eau.

C'en est trop ! L'amour de la terre, la peur de la spéculation, la haine de la bru mauvaise et ensorceleuse : tous ces sentiments se rejoignent en un clin 'd'oeil. La vieille mère pousse à l'eau la jeune femme. Mais, bien vite prise de. remords, elle y descend .pour la reprendre. En vain.. Liane est entraînée sous la roue du moulin, son corps horriblement déchiqueté...

D'émotion, Mme Larnois pense mourir. Mais elle guérit. Et elle garde longtemps son secret.

Après quelque temps d'accalmie, quand Pierre s'est laissé remarier à une fiancée selon le coeur de sa mère, celle-ci avoue son crime à la jeune femme, le soir des noces. Et pour se punir, elle se condamne elle-même à partir, on ne. sait où, au loin, à jamais,

Elle ne reverra plus son fils. Elle ne connaîtra pas ses petitsenfants.

Cette sanction volontaire sauve donc la morale, que le reste du livre se garde bien d'offenser. L'ouvrage parfaitement honnête peut donc être lu par tous ceux qui ont la tête bien faite.

Mme Eveline Le Maire, l'auteur du Fiancé inconnu, connaît sûrement Les Romanesques de Rostand.

Sylvette et Percinet sont de longtemps destinés l'un à l'autre par leurs pères, veufs. Mais ce sont têtes romanesques qui ne s'accommodent pas d'épousailles arrangées.

Aussi, faut-il -feindre un enlèvement tragique. Percinet, au péril de la vie, sauve Sylvette ; les deux pères se réconcilieront à cet exploit et cèdent au désir des enfants...


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LES ROMANS

_ Comme Sylvette et comme Percinet, Denise, l'héroïne du • Fiancé inconnu, est éprise.de chimères. Sans, parents ni fortune, recueillie par une tante-millionnaire, elle repousse la demande en mariage d'un ami d'enfance, Georges Péral, et se met à aimer à la légère un inconnu dont elle a ramassé le portefeuille dans la rue.

Cet inconnu lui écrit, lui envoie des' fleurs, etc.

Disons tout de suite que c'est Georges Péral qui avait pris

l'aventure à son compte. Denise, enfin désabusée, a tout de même

le bon goût de s'y accommoder; Et elle épouse Georges Péral,

'devenu romanesque et sentimental lui-même afin de se faire

agréer,

L'aventure est honnête dans tous les sens du mot : les lecteurs et les lectrices de tout âge, qui recherchent le romanesque, y'prendront un réel agrément. On l'interdira cependant aux fillettes un peu écervelées qui y pourraient prendre... une leçon de choses.

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M, " .Ai. . .

Une brève histoire de frénésie sensuelle et d'adultère dépare L'Antarctique de M. D. Sévriat. Cet intéressant roman d'aventures n'avait vraiment pas besoin d'un tel ragoût. Quelques pages à couper, quelques mots à sauter : et ce serait parfait.

Nous sommes en pleine région antarctique et en plein hiver (nous vous faisons grâce et des degrés de latitude et des degrés centigrades!). Depuis deux ans, l'expédition Viral est partie de France, sur le bâtiment Le Téméraire, au secours de l'expédition LahayeBeaucoûrt, ou plutôt d'un seul homme que l'on sait avoir sur" vécu au désastre qui coûta la vie aux autres membres de l'expédilion.

A vrai dire, ce sont les invitations d'une religieuse contemplative, soeur Marie de la Passion, qui ont forcé la conviction et la résolution de Viral et de ses amis, leur montrant, perdue au milieu d'un monde de glace, une pauvre âme. qui réclamait du secours avant de mourir. Et ajoutons qu'un religieux, le père Prichat, est parti avec Viral. Effectivement, une partie de l'équipage débarque et, après de longues et dures péripéties, arrive à une caverne d'où.sort le bruit d'une voix humaine, psalmodiant : Si iniquitaies observaveris... On entre, on retrouve l'inconnu qui se confesse au père Prichat et lui remet une sorte de journal. Et l'on rejoint Le Téméraire.

Le père Prichat entame la lecture du manuscrit. L'inconnu est mort peu après son arrivée à bord, avec la joie d'avoir pu faire à un prêtre l'aveu de ses fautes, de les avoir en partie expiées et de partir de ce monde, une fois réconcilié avec Dieu.

Au rapport du manuscrit, l'inconnu est un lieutenant du.


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15e zouaves, Jérôme-Michel Cartinet. Ayant connu en Afrique le •lieutenant dé vaisseau Lahaye-Beaueourt et fait à Bordeaux la connaissance de sa femme, il a consenti à faire partie d'une expédition au Pôle. Petit à petit, une grande amitié intellectuelle s'éta? blit à bord entre Jérôme et Lydie. Lahaye-Beaueourt semble, par moments, s'en apercevoir et en souffrir : mais il n'y paraît guère . que par quelques crises de mauvaise humeur dans le commandement. -

Sur ce, l'on découvre l'Atlantide et son magnifique palais, d'une civilisation antérieure au déluge, continent devenu mobile et vagabond. Jérôme et Lydie y poussent une reconnaissance. Mais, à leur retour, ils trouvent l'expédition partie. Ils ont des vivres pour deux ans. Ils attendront.

Or, au cours d'une terrible tornade qui emporte leur imagina.- tion et exalte leurs sens, ils se laissent aller aux égarements d'un amour criminel. Un enfant naît et meurt aussitôt, tuant la mère. Et Jérôme ne vit plus que pour expier, pour racheter l'âme de Lydie, en attendant le secours d'un prêtre auquel il pourra demander le pardon de Dieu.

Reconnaissons-le, l'intérêt du livre ne se ralentit pas un instant ; d'autre part, l'amour coupable ne s'exprime nulle part en des termes bassement évocateurs ; si la terrible rançon de la faute ne paraissait un peu précipitée, l'histoire toucherait en tous points à la perfection. Telle qu'elle est, elle mérite une place de choix parmi les belles aventures et se recommande aux lecteurs véritablement avertis.

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Qui M. Pierre Soulaine, dans son roman, d'abord paru en feuilleton de L'Echo de Paris, désigne-t-il sous ce titre Les Héritiers ? Mais simplement ces « habiles, négociants en objets d'art, en tableaux, en curiosités » qui « se sont institués les héritiers de tous les artistes, de tous les grands artisans du passé. »

Ainsi, M. Pierre Soulaine nous introduit dans le monde des antiquaires : il n'avait pas tort de sous-intituler son ouvrage « roman de moeurs parisiennes ». Notons avec plaisir que, dans l'espèce, ces moeurs ne s'identifient pas avec les mauvaises moeurs.

Il fallait une intrigue pour lier tous les portraits de ces magnats de la brocante. Elle se fait si discrète qu'on a reproché à l'auteur de se contenter « d'anecdotes simplettes qui conviendraient à peine à des romans pour jeunes filles. »

J'y trouve tout bénéfice pour les lecteurs honnêtes et même pour les autres. Ils se découvriront de l'estime pour Frédéric Huet, ce jeune courtier aux prises avec les grands antiquaires. Un parti superbe s'offre à lui : la nièce de Siefermann, le fameux


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négociant « en Fragonards » de la rue de la Boètie. Modeste et amoureux, Huet préfère la ..fille d'un petit ingénieur. El pour contenter .tout le,monde, la fortune favorisera plus tard le jeune ménage.

Je vous l'ai dit; l'intérêt de l'ouvrage découle uniquement de cette peinture typique, prise sur le vif, par un observateur sagace. Il prétend ne pas avoir fait de roman à clef : peu importe, il a écrit un bon roman.

.-. Le roman de Mlle Mary Floran, S'il avait su! a le double mérite dé piquer la curiosité par une intrigue adroitement embrouillée, et de déz'ouler avec grâce les jolies scènes d'un amour naissant, grandissant. et partagé.

..- La psychologie des personnages y a peut-être été quelque peu .sacrifiée aux nécessités du scénario. Nous ne pouvions pas connaître trop à fond la charmante Marie-Rose, rencontrée par lé lieutenant de Mesmin dans une ferme de Picardie en 1915, car sur elle doit planer jusqu'aux dernières pages du livre un redoutable mystère. Est-elle la nièce d'une fermière comme elle s'est plu à le dire? est-elle la femme du colonel de Liston comme le prétendent les officiers P est-elle la pure et tendre jeune fille que l'amoureux lieutenant a cru voir en elle? Qu 'est-elle donc ? Vous ne le saurez qu'en lisant S'il avait su! Peut-être devinerez-vous tout le mystère un peu plus vite qu'Etienne de Mesmin, qui ne me paraît pas doué d'une pénétration bien subtile. Il est vrai qu'il est amoureux, circonstance atténuante.

Et vous admirerez l'ingéniosité de l'auteur, en regrettant que les trois cents pages du livre reposent sur quelques quiproquos, comme sur des pivots.un peu frêles. La vraisemblance de l'aventure n'est point sa qualité dominante, reconnaissons-le. Du moins le récit est preste, agréable et spirituel, encore qu'un peu long vers la fin.

Son inspiration est franchement chrétienne. Quelques rares passages ne sont point destinés à l'adolescence ; niais d'autres lecteurs y trouveront une charmante et inoffensive distraction.

M. Ambrose Bierce, dont la « Collection littéraire -et artistique internationale » publie Aux lisières de la mort, est un auteur américain, né en 1842, et qui a, paraît-il, disparu depuis igi3. La préfacé de M. Llona nous apprend qu'on l'a cru engagé au Mexique dans les bandes de Villa, mais que ce bruit a été démenti.

Quoi qu'il en soit, les nouvelles qui forment ce volume ont un


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réel intérêt. Elles nous rappellent Kipling, Gonan Doyle, et Edgar Pipe. Ce sont de courtes aventures, où il ne s'agit guère d'étudier des, caractères, mais seulement de provoquer, par des détails macabres, des énigmes troublantes, des faits tragiques et inexpliqués, un vif sentiment de curiosité et un petit frisson d'épouvante.

Le genre tient à la fois de l'art et de la mystification, un peu comme dans certaines nouvelles de Mérimée. Il exige une habileté consommée dans le dosage des éléments rni-réels et mi-fantastiques, et dans la préparation de la. solution finale du problème. Ambrose Bierce ne réussit pas également à tout coup, et quelques-unes de ses historiettes laissent voir l'artifice ; l'effet de terreur y est cherché un peu naïvement, et par suite manqué. Mais à d'autres fois, la communication s'établit et la petite secousse vous passe dans le dos.

L'ouvrage n'est donc à recommander qu'aux personnes calmes, qui ne craignent point les cauchemars. Il est décent, et n'attaque pas les moeurs ; quelques allusions à certains désordres y étonneraient les enfants, mais les adultes peuvent le lire, si le coeur leur en dit. Ils n'ont cependant rien à y apprendre. Ils n'y trouveront qu'une distraction quelque peu macabre, et des effets d'épouvante assez monotones. De ci de là, quelques mots indiquent chez les. personnages mis en scène un parfait scepticisme religieux. ■■•■■•

A l'atelier, le roman populaire et social de M. Jean de Dayes, fera merveille dans les bibliothèques des villes ouvrières. II met en scène, avec un vrai talent d'observation, les petites couturières employées par la maison Ramel. '

Olympe est une pauvre enfant malheureuse, laide, aigrie, mais au coeur droit. Elle ignore tout de la religion ; elle en deviendra l'apôtre, dès qu'elle en aura reconnu la vérité.

Autour d'elle s'agitent son amie, la petite Cécile, joyeuse et légère, Claire l'envieuse, qui ourdit mille plans ténébreux, et surtout l'aristocratique Yvonne, sur qui plane un mystère... Le mystère s'éclaircit, les bons sont récompensés, les méchants se convertissent, ou s'ils sont incorrigibles, se voient punis ; bref, tout s'arrange pour la plus grande joie des lectrices sensibles.

II y a, reconnaissons-le, quelque convention dans l'intrigue, qui n'est pas toujours menée d'une main assez ferme. Mais les caractères et le milieu sont dépeints avec une exactitude méritoire, qui donne au livre un vrai charme. Il est difficile de décrire les milieux ouvriers sans tomber dans le réalisme ou la


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fadeur. M. Jean ~de Dayes a évité ces deux périls. Et sans prétendre monter en chaire, sans déverser ni le sermon ni l'ennui, il a su faire sortir d'un récit dramatique de très utiles vérités sociales, que .patronnes, ouvrières et clientes feront bien de lire avec attention.

Au total, voici donc un profitable petit roman à propager.

Nous nous méfions des charlatans et des arracheurs de dents ; Jean-François Gobemouche, plus bonasse, prêtait créance à tous a lès marchands d'orviétan, vendeurs d'almanachs, avaleurs de sabres, charmeurs de serpents et diseurs de bonne aventure qu'il rencontrait sur les places publiques, » Mais Jean-François Gobemouche tissait à Reims, et ceci se passait sous le règne de Louis XIV. Ne vous moquez pas : on lutte avec peine contre l'atavisme, et M, Degobemouche, maître de forges en 1914, dans les Ardennes, gobait aussi - naïvement les mouches, que son trisaïeul. Pour vous en convaincre, consultez donc' Filiations, ce délicieux petit livre de soixante quinze pages environ que vient de publier M. Jacques Bainville.

Après l'histoire de La Famille Gobemouche, dont les membres, tisserands, fermiers généraux, préfets de l'Empire, poètes romantiques, députés libéraux, se laissent tous aussi facilement berner, à travers les.-âges, vous trouverez deux autres, petits contes de non moins belle humeur.

L'Enterrement civil persifle agréablement un bossu, anticlérical de i83o, se _ gaussant par avance du scandale que provoquera son enterrement civil. Mais ce bossu a la vie dure, et quand il meurt, son anticléricalisme est depuis longtemps passé de mode. .

Exquis, le troisième conte, La Visite de Thorane, ce jeune officier français qu'hébergea à Francfort, de 1759 à 1760, le père... de Goethe. Instructif aussi, car l'anecdote sert d'excipient à une rude leçon sur la mentalité de deux peuples.

Exquis d'ailleurs tout le livre, écrit dans ce ton enjoué et légèrement acidulé de Beaumarchais et de Voltaire. M. Bainville ne m'en voudra pas de taire par principe les applications politiques de son ouvrage : il me suffit qu'il ait écrit selon les règles de la morale et de la bonne langue française.

' ##* . '■ ■

Si vous attendez du roman d'Annettè Godin, L'Erreur de Nedjma, une intrigue neuve et poignante, vous fermerez le livre médiocrement satisfaits.

Nedjma, bretonne par son père, arabe par sa mère, ne se trouve


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pas dépaysée à la "colonie française de Tunis, où son oncle la reçoit, au sortir du pensionnat. Ses deux cousins, Amar et Ali, pivoteront autour d'elle. Amar lui déplaît. Mais le sensuel Ali obtiendrait plus de succès, si des événements fortuits ne jetaient Nedjma entre les bras d'un avocat français, Pierre Aubert.

Mais se reflétant dans les yeux de Nedjma, j'ai surtout admiré le grand ciel d'azur de la Tunisie, avec le fin croquis de ses maisons blanches. Je me suis attardé à y voir passer ses habitants de différentes races, à y .étudier ses moeurs musulmanes ou kabyles — oh ! décrites avec une telle délicatesse qu'elles ne choqueront personne, parmi les lecteurs sérieux.

■ ***

Sarah BERNHARDT, Joli Sosie, Nilsson, 1922, 6 fr. 75, Une assez gentille histoire, qui n'est peut-être pas de la plus foudroyante originalité.

Un charmant jeune homme rencontre une jeune fille charmante. Elle est milliardaire, mais, sentiment bien naturel, elle veut être aimée pour elle-même.

Alors elle se déguise en infirmière, et apparaît à Jacques — il s'appelle Jacques — sous deux aspects divers. Jacques tombe amoureux à la fois de l'infirmière et de la milliardaire Elly Gordon — elle s'appelle Elly Gordon.

Comme il y a pour veiller sur eux une romancière qui est grand'mère, et pitoyable aux amoureux,. tout finit bien, ainsi que vous pouviez le soupçonner aisément.

Elly révèle à Jacques sa double personnalité, et Jacques l'aime de son double amour. Mariage final. Un point.

H. CÉLA'RIË, La Bague antique, Colin, 1922, 7 fr. Mme Célarié, l'auteur de Monique la Romanesque, nous a fait connaître dans Au Pair la vie familiale en Allemagne. Petite Novia nous conduisait en Espagne ; La Bague antique nous emmène en Sicile.

Avec beaucoup de charme et de délicatesse, nous est contée l'histoire d'une jeune Française, recueillie à Palerme par un de ses oncles, et trouvant là le jeune ingénieur auprès duquel elle vivra heureuse.

Quant à la bague antique, elle faisait partie de la collection de l'oncle, qui avait toujours eu la pensée d'en faire un cadeau de noces. Vous voyez comme cela tombe bien !

Les descriptions de la Sicile, de son peuple, de ses coutumes pittoresques, sont présentées ici très gentiment.

P. GARROLD, Aventures d'un élève de Troisième, traduit de l'anglais, 166 p. in-8, illustré, Action Catholique, 79, chaussée de "Haeeht, Bruxelles, 1923, 2 fr. 5o. Un récit intéressant, et vi-


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siblement fait d'après nature. Il fallait l'observation patiente d'un éducateur de profession pour démêler ainsi la psychologie encore confuse de l'adolescent, ses défauts, ses amitiés et ses emballements. Les anecdotes amuseront les élèves, et les parents, les pro. fesseurs goûteront la vérité de cette simple histoire. Peut-être ne voit-on pas assez clair dans l'âme-des deux principaux amis du narrateur. Bryant et Dewsbury sont-ils, bons ou mauvais P La question n'est pas tranchée nettement, et si les amateurs dJanalyse apprécient cette complexité, les élèves de troisième risquent de s'y embrouiller.

Maurice LEVEL, L'île sans nom, Flammarion, 1923, .6 fr. (c Quel est le criminel qui fit sombrer en plein Océan le Sanghaï et ses trois cents passagers ? Quelle est cette voix qui, franchissant les continents et les mers, crie « Au secours ! », dicte ses ordres, et déconcerte les opérateurs de sans-fil du monde entier P »

Telle est l'angoissante question que pose l'éditeur de ce roman d'aventures. Je pourrais y répondre, et vous apprendre que ce criminel n'est pas celui qui est accusé, et que cette voix est celle de l'innocent qui voudrait être réhabilité... Mais ceci demanderait de longs développements.

. Lisez plutôt ce récit, habilement cuisiné selon d'immuables et excellentes formules, qui depuis Dumas père et Jules Verne n'ont pas cessé de connaître le plus vif succès auprès du public qui lit pour se distraire. •

L'île sans nom est un roman honnête et captivant. Ne lui en demandez pas plus. Mais quoi ! n'est-ce pas déjà beaucoup que de divertir les honnêtes gens P Molière n'a jamais cherché autre chose.

M.-E. NAEGELEN, La Conversion de Georges Burckar.dt, instituteur alsacien, Albin Michel, 1923, u. fr. 75. Un roman digne d'attention. Le héros, Georges Burckardt, alsacien élevé à l'école normale allemande, s'y est imbu des idées germaniques.

La guerre Te trouve officier de réserve dans l'armée impériale et combattant fanatique. L'armistice et la défaite ne l'ont pas changé. Il restera au service de l'Allemagne. Seulement, son père intervient alors, lui parle de la France : irréductible, Georges sentira pourtant l'instinct de la race refouler en lui la superficielle civilisation allemande, en recevant une lettre de Berthe, sa fiancée, la véritable alsacienne. Et voilà un Français et une Française de plus.

Cette chaste idylle, loin de nuire à la délicate analyse de cette crise'de conscience, l'affine, en fait quelque chose de grand et d'élevé: C'est une belle oeuvre écrite par un bon Français.

Paul SOUGHÔN, Le Meneur de chèvres, Delalain, 1922, 5 fr.


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Joli titre qui nous rappelle Bertrandou le fifre et la verte dou^r ceur des soirs sur .là Dôrdogne, Et pourtant il s'agit d'un livre de guerre.

Seulement François Lagnel, bien, que mobilisé, a décidé de ne pas la faire, la guerre. Et il épuise tous les moyens connus de s'embusquer. Enfin le voici « meneur de chèvres », chargé de ravitailler les Hindous, qui ne mangent pas d'autre viande.

Hélas ! un jour les Hindous partent pour le front. Les chèvres aussi. Et Lagnel va donc voir le feu.;. Et le pauvre homme, qui souffrait du coeur- encore qu'il en manquât, tombe mort, victime de la guerre.

M. Souchon a écrit avec esprit ce petit roman pour personnes d'âge convenable.

Ch. BOURDON.

Un danger insoupçonné

La presse française dans son ensemble, si tranchées qu'apparaissent ses différentes tendances, quelque diversité de doctrines ou d'intérêts particuliers qu'elle trahisse, et tout inégal que puisse être son personnel, a acquis depuis la guerre un instinct vraiment supérieur de sa mission nationale.

On pourrait même prétendre .qu'elle est devenue tout entière nationaliste, en ce sens qu'ellp ordonne son attitude générale, en dépit dés passions et des partis-pris, autour de l'axe patriotique : il y a là une préoccupation collective et dominante, qui était beaucoup moins sensible avant la guerre, dans la longue période où régna l'intellectualisme abstrait, marié, à une sentimentalité internationalisante.

Seul, aujourd'hui, le tout j>etit groupe des journaux communistes échappe au rayonnement de l'idée nationale. Encore n'y échappe-tril que par une sorte de paradoxe contraint et artificiel qui fait ressembler certains de ses porte-parole à des « défroqués » de la religion nationale.

On peut donc avoir confiance, quand l'intérêt national est en cause d'une manière évidente, dans l'instinct des dirigeants actuels de la presse française.

Mais les hommes d'Etat et les personnages responsables de l'avenir du pays ou de l'un quelconque des organes de sa vie, s'exposeraient à de bien grands risques, s'ils- ne se rendaient compte que la presse devient une force de plus en plus irrésistible, et que cette force prend un caractère de plus en plus industriel ~ et commercial. De sorte que la mission morale que s'attribue spontanément aujourd'hui la presse, elle se l'attribue par vertu et non point par profession. Juxtaposition singulièrement fragile de sentiments moraux et de nécessités économiques. (Lucien ROMIER, L'Opinion, 26 janvier rg23, pp. 439-44Q).


Les Collections

à bon marché

Collection Familia (in-i6 de 256 p. ; cartonné demi-toile ; II. Gautier et Languereau; 3 fr. 5o). — Pierre PERRAULT, Miguy. Ce roman, publié en 1902, ne semble pas présenter autant d'in térêt que les autres volumes de cette excellente collection.

A l'époque où il parut, il fut apprécié en ces termes "par le Polybiblion (1902, tome II, p. 427) : « Le lieutenant-colonel Samaran a juré de n'épouser, en secondes noces, qu'une femme très jeune : or, une vieille fille, Mlle de Maryls, exaspérée par l'indifférence du bel. officier, arrive à force de subterfuges, à le fiancer à une veuve, Mme de Trescault, dont elle falsifie l'acte de naissance. Beaucoup de duplicité et d'intrigue sont déployées pour arriver à ce mince résultat ; mais enfin tout se découvre, le mariage du veuf et de la veuve est rompu et le volume se ferme sur les fiançailles du fils de Mme de Trescault avec la fille un peu fantasque du lieutenant-colonel, union mieux assortie que la première. » •

Fenimôre COOPÈR, Le Dernier des Mohicans. L'ouvrage publié dans sa langue originale en-1826, a été traduit bu adapté en français bien des fois. On le lira toujours. Et on ne saurait trop louer les éditeurs d'avoir introduit dans leur collection ce célèbre roman populaire, qui nous transporte au sein des poétiques contrées baignées par l'Hudson et les lacs voisins.

Le dix-huitième siècle commencé sa seconde, moitié : la colonisation naissante, doit lutter à la fois contre la nature, contre les difficultés provenant de la guerre allumée entre la France et l'Angleterre, et contre les tribus indigènes. Jugez de l'effroi de deux jeunes filles de bonne race, Alice et Cora, à- l'approche des ennemis. Heureusement, un brillant officier, Duncan Heyward s'offre à protéger leur fuite. Mais trahis par un guide, tous trois tombent aux mains des Indiens.

Une vie aventureuse commencé pour eux, dont ils ne- sortiraient pas vivants, s'ils n'avaient l'appui d'Uncas, « le dernier des Mohicans » et de son ami OEil-de-Faucon. Les attaques des hordes ennemies redoublent de , violence. Cora succombe avec l'intrépide Uncas. Mais Alice échappe au péril et épouse Duncan, qui lui aussi a payé de sa personne..

J'ai eu tort de vous résumer cette histoire : on n'analyse pas un roman de. Fenimôre Cboper. Ses personnages, légèrement crayonnés, ne sont là que pour animer un coin de toile, alors que l'ensemble brosse vigoureusement des contrées entières. Avec -les fleuves, les grands lacs, les sombres et hautes forêts mystérieuses, vous ne pourrez voir un tableau plus grandiose.

Nouvelle série bijou (Bonne Presse, 2 fr.)."'— Guy WIRTA, Ninon-Rose. Titre charmant, qui évoque tout de suite une frimousse aux yeux vifs et aux boucles blondes indisciplinées;

Telle est bien la jeune Ninon dé Seryanè, gracieuse comme un bengali, et tout juste aussi réfléchie.


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Elle tombe dans le plus glacial et Je plus désagréable des milieux, chez un oncle et une tante, guindés et moroses ; elle y fait tout de suite l'effet d'un feu d'artifice dans une cave.

De plus, Ninon est une chrétienne intrépide, tandis que ses hôtes sont à peu près incroyants. De là des conflits quotidiens,

Après mille incidents désopilants ou tragiques, qui ne laissent pas refroidir une seconde l'intérêt, tout s'arrange comme il sied, et Ninon convole en justes noces, après avoir bien gagné son bonheur.

Le roman a fait la joie des abonnées du Noël ; il fera celle de bien d'autres lecteurs, et né tardera guère à se conquérir un vaste public.

Nouvelle bibliothèque d'éducation et de récréation (in-16 reliés pleine toile verte ; Hachette, 4 fr,). ■— Prosper MÉRIMÉE, Les Faux Démétrius. Voici de l'histoire : au moins cette nouvelle collection ne manque pas de variété. Prosper Mérimée a excellé dans le genre historique. L'épisode, réédité ici, a paru en i85s. Il nous reporte à la fin du XVIe siècle, en Russie, après la mort du czar Ivan IV le Terrible. Fédor, son fils, enfant débile, lui succède, niené en réalité par son premier ministre Boris Godounof. Fédor a un demi-frère, Démétrius, susceptible de monter sur le trône à son tour. Mais Boris ne tient nullement à changer de maître : il fait disparaître Démétrius. C'est alors que l^aràît un usurpateur, se faisant passer pour Démétrius. Il aurait échappé par ruse à Boris Godounoff. Le faux Démétrius redoublant d'intrigues, de violences, se rallie des partisans et finalement ceint la couronne impériale.

Racontée dans un style simple, ferme, concis, parfois piquant, cette page d'histoire authentique, appuyée sur des témoignages précis, sera très appréciée des lecteurs.

STAHL, Les quatre filles du docteur Marsh, adapté d'après L. M. Alcott, en 18S2, manque un peu de vie, comparé aux autres romans de la même collection. On s'ennuierait avec ce médecin blessé sur un champ de bataille, et que sa femme rejoint pour le mieux soigner, si on n'était intéressé par le sort de quatre jeunes filles, les enfants du docteur.

Le départ de leur mère les oblige à se tirer d'affaire toutes seules : une d'elles est pourtant .gravement malade. Et les voilà à l'oeuvre, dirigeant leurs études, leurs travaux cf. même leurs amours en petites personnes avisées.

Malheureusement, le récit traîne, le dénouement est prévu dès le début : il y a de plus charmantes choses parmi les oeuvres et les traductions de M. SLahl.

• STEVENSON, L'Ile au trésor, adapté de l'anglais par A. Laurie (i885), déjà analysé dans le numéro du i5 octobre 1922, P- 737La

737La collection de romans à mettre entre toutes les mains (un volume le 3e mercredi de chaque mois ; Pion, 2 fr. 5o). — N° 2/i. Pierre ALCIETTE,, Le Roman de Maddya. Jusqu'à présent, cette collection -n'a publié que des réimpressions. Elle s'estime maintenant suffisamment en vogue pour offrir à ses lectrices des oeuvres inédites. A en juger par celle-ci, cette innovation recueillera de nombreux applaudissements. Car, dès la première page, Maddya, une jeune basque sensible, qui vit un peu à l'étroit auprès d'une mère à l'affection jalouse, fera la conquête du lecteur.


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Maddya, de '. toute son âme rêveuse, appelle le prince charmant qui la libérera de son existence monotone. Elle croit le trouver chez une amie, qui l'a invitée à : passer près d'elle la saison de bains de mer à Biarritz, et chez qui fréquente un artiste parisien,, musicien, ami et collaborateur de son mari.

Dans ce milieu parisien, où la vie se fait plus caressante qu'au vieux domaine ancest.ral, Maddya espère, s'attache, aime. Aussi quelle cruelle désillusion quand elle comprend que le jeune artiste en mal d'aventures galantes, n'a jamais songé au mariage !

La jeune fille rentre à la maison 'maternelle, complètement désespérée. Heureusement qu'il y a là un bon curé pour recevoir ses confidences, ramener la confiance dans son coeur sensible et l'unir avec un bon et vrai basque qui la rendra heureuse.

Ecoulons avec lui ces confidences émouvantes, éclairées de soleil basque, au ton simple et charmant.

Foyer-Roinans (in-16, couverture trichromée ; Th. Hirt et fils, 4, avenue Jean-Jaurès, à Reims, 1 fr. 5o). — N° 10. Lionel, de MOV ET, Le Coffret byzantin. II contient, ce coffret, enfermés dans un compartiment secret, des papiers qui, produits au bon moment, aplaniront tous les obstacles qui s'opposaient au mariage du jeune et beau peintre Jean Valdemard avec la belle et jeune Béatrice.

D'ailleurs, nous n'avons jamais été bien inquiets sur le sort de ces tourtereaux. Le bon génie du feuilleton veillait sur eux avec une trop visible sollicitude.

Les intentions moralisatrices et chrétiennes de ce petit livre ne cherchent pas à se dissimuler. L'ensemble pourra faire du bien aux lecteurs populaires, que n'arrêtera point le ton légèrement conventionnel du dialogue, ni la lenteur de l'intrigue.

Bibliothèque de la jeunesse, nouvelle collection illustrée (in-8 raisin ; Hachette, a fr. 5o ; reliés, 3 fr. a5). — E. M. LAUMANN et H. LANOS, L'Aéro-bagne 32. Je ne sais pas si vraiment nos générations • futures verront Cayenne ou la Guyane réduites aux dimensions d'un avion géant. Mais enfin dans l'imagination de MM. Laumann et Lanos, l'avion-bagne 3.v. a existé.

L'Allemagne y tient en olàge un ingénieur français, Paul Ménestin, qui se refuse à livrer le secret d'un gaz nouveau. Les officiers qui le surveillent ne lui épargnent aucune vexation. La vie y devient intenable.

Elle ne l'est pas moins.pour la fiancée de Ménestin, sans nouvelles. Mais Le Monde publie un malin un reportage sensationnel. On a découvert une outre de cuir contenant les mémoires d'un ingénieur détenu dans un aéro:bagne allemand.

Reporters, aviateurs, yachtmen se mettent au service de la jeune fiancée. Looping, parachute, descente en feuille morte, rien ne manque aux péripéties aériennes, jusqu'au moment où l'appareil allemand « boulé » disparaît dans la mer...

Mais sauveteurs et sauvé échappent à la catastrophe générale. Il le fallait bien, n'est-ce pas, pour que Paul Ménestin, resté fidèle à sa fiancée, malgré les avances d'une allemande camouflée en lieutenant boche, épouse sa petite française.

Hurrah pour l'ingénieur, pour sa courageuse femme, pour le reporter et aussi pour les auteurs de celle fantaisie, alertement menée, pétillante d'imagination, au point de nous faire passer quelques invraisemblances, et très honnête.


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II. de GOUSSE,- Cinq semaines en aéroplane. Quelle cité connut de plus violentes émotions que la petite ville d'Albi, le jour où Prosper Fouïayac, caoutchouté des pieds à la tête, s'éleAra en aéroplane, aux cris enthousiastes de cinquante raille'personnes ! Fermez le ban ! Comment vous restez insensible devant cet héroïsme P J'ai donc oublié de vous dire qu'avant ce « great everit », Fouïayac moisissait dans une épicerie en... déconfiture. Il se' lamentait tout ' particulièrement de la déloyale concurrence d'un concitoyen, quand on lui annonça un héritage : deux millions. Fouïayac, s'illumina. Oui, mais... clause sine qua non du testament : Fouïayac devait aller toucher les deux millions à Lisbonne en aéroplane avant trois mois. Et ceci se passait en 1910, à une époque où Latécoère n'exploitait pas encore la ligne aérienne Toulouse-Casablanca. Fouïayac, épicier, obèse, hésita... . Heureusement pour Fouïayac, il avait un neveu débrouillard, Riquet. Alors comment oncle et neveu partirent pour Paris, firent achat d'un monoplan, et s'élevèrent un beau jour à midi sur l'aérodrome d'Albi... mais tout cela IL de Gorsse le conte avec une imagination et un enthousiasme juvéniles. Pourquoi il fallut à nos aviateurs cinq; semaines de voyage avant d'atterrir à Lisbonne ? Que vous importe ; Fouïayac arriva à temps pour devenir millionnaire. Quant aux péripéties du voyage, lisez-les plutôt vous-même.

Magdeleine du GENESTOUX, Jean-Louis le têtu. Vous avez bien lu le titre ? Bon, parce que dans la charmante histoire contée ici, vous n'entendrez plus parler du têtu, mais de JeanLouis Silly, un énergique bîondin de douze ans, orphelin depuis la guerre. . v

Jean-Louis ne s'est-il pas mis en tête de quitter ses parents adoptifs de Marseille pour aller rebâtir la maison du père, dans l'Aisne dévastée ? Et il faut le laisser partir, ou il se sauverait lui-même.

Seulement Jean-Louis n'a pas le sang d'un fainéant. Il se débrouille, il s'impose, il travaille. Et il s'attire la sympathie du maire de Poiriers-sur-Aisne, de l'aubergiste, des premiers habitants revenus dans leurs ruines.

Après quelques mois, il possède la première maison en bois démontable, avec jardin, prairie, basse-cour et même une vache que lui a offerte sa petite camarade Suzanne, la fille du maire. Oh ! il n'est pas question de mariage : ces enfants sont trop' jeunes -et si candides! L'auteur a trouvé un plus joli dénouement qu'une marche nuptiale sur les orgues de Poiriers-surAisne !

Jean-Louis écrit tout bonnement à ses parents adoptifs, les Cassis de Marseille. Et il installe toute la famille, huit gosses, dans la grande maison neuve... Ne trouvez-vous pas que c'est plus gentil ainsi !

A l'approche des distributions de prix, nous recommandons spécialement Jean-Louis le Têtu à tous les lauréats qui reviendront les mains vides, avec la seule mention « d'encouragement à mieux faire ». .

Jules ' VERNE,. Les Cinq cent millions de la Begtim. Ce Jules Verne, dès 1879, avait deviné la grosse Bertha !

Les cinq cents millions de la Begtim — tout le inonde sait qu'ainsi se nomment les princesses hindoues — sont partagés entre le docteur Sarrazin, un Français, et le professeur Schultze, un Allemand. Le Français fonde une ville modèle ; l'Allemand


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fond... un canon monstrueux pour anéantir la ville à dix lieues de distance, d'un seul coup.

Mais notre sur-Krupp dépasse le but. Son boulet a une telle vitesse initiale que la force centrifuge l'emporte définitivement sur la force centripète ; et, le projectile continuera à tourner éternellement autour de la terre! Tête du Schultze, qui en meurt, tandis que par un contre-coup surprenant mais logique, le courageux Marcel épouse l'aimable Jeanne...

Et tout est pour le mieux dans l'un des meilleurs romans d'aventures qu'on puisse offrir à la jeunesse.

Bibliothèque Pion (volumes à 3 fr., paraissant le 1e 1' mercredi de chaque mois). — N° 85. Eden PHILLPOTTS, La Ferme de la Dague, traduction de M. Délieutraz. Pourquoi Eve Newcombe a-t-elle surpris, dans une cabane de pêcheur, Quinton HoneyAvell, taillant dés mouches artificielles P Mais pourquoi John Newcombe, le propriétaire de la Dague, et le père d'Eve, et Roger Honeywell, oncle de Quinton, se haïssent-ils jusqu'à la mort P

Lés deux jeunes gens s'aimaient si chastement, si poétiquement! La querelle de Newcombe-Capulet et Honeywell-Monlaigu empêche ce Roméo et cette Julietle de s'épouser. Rien au contraire, le tendre idylle servira aux adversaires d'arme de vengeance.

Honeywell machine l'incorporation de Quinton sur.un navire de guerre ; car nous sommes en Angleterre, en I8I3, et il faut lutter à la fois contre la France et contre l'Amérique émancipée.

Honeywell, Arêtu de deuil, vient apprendre peu après à Eve la mort de son ami. La jeune fille désespérée se jette à l'eau. Sauvée à temps, elle devient folle.

Il faut le retour de Quinton, et la mort des deux fermiers ennemis, pour rendre la raison à Eve.

Si la scène ne.se passait dans un coin pittoresque de Cornouaille, et ne se mêlait de détails sur la guerre contre l'Amérique, l'idylle, très honnête, mais pas très neuve, n'offrirait qu'un intérêt limité. Mais il y a aussi des types de paysans anglais, de prisonniers américains bien campés et doiil la traduction française n'a pas brouillé les traits.

N° 86. André LICHTENBERGER, Biche. Dans la préface de cet ouvrage, publié en 1920, l'auteur écrit que Biche est le seizième et dernier roman d'une série inaugurée en 1898, où il a essayé de tracer ce qu'on pourrait appeler le portrait « composite » de la famille, bourgeoise française au début du XXe siècle. « Composite », adjectif nécessaire, assurément, car, s'il se rencontre des jeunes filles ou des jeunes femmes du genre de Biche dans nos familles bourgeoises, on a peine à s'imaginer qu'il y en ait tant qu'elles justifieraient la création d'un caractère comme celui-ci.

Biche est distraite, absente, rêveuse, pas méchante. D'une ex- . trême sensibilité, elle est aimée par un père faible, choyée par un parrain bourru, incomprise, sinon dédaignée, par une mère frivole ; et elle sait tout cela. Elle s'attache à René Videuil, qui l'a distinguée, qui ferait son bonheur, mais qu'elle dédaigne, parce qu'on l'y invile -.; puis elle accepte Paul de Magondal, trop séduisant pour être longtemps sérieux, et elle se lance avec lui dans une vie de dissipation, qui. la conduit rapidement à, la maladie de langueur dont elle est la. victime... Cette histoire est


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banale, sans doute, assez pour être vraie ; mais Biche a tellement peu de volonté, tellement peu d'allant et de ressort, et de vertu naturelle, et de quelconque idéal, elle. nous paraît, en somme, tellement anormale qu'elle ne peut être chez nous qu'une exception féminine. Une exception n'est pas un type.

Cependant, avec son talent original d'exposition, M. André Lichtenberger a su rendre intéressante, aimable même, pour les lecteurs avertis, sa petite païenne de Biche.

N° 87. Henri ARDEL, La Nuit tombe. Publié en 1913 et analysé ici dans le numéro du i5 septembre 1913, p. 764.

Une femme délaissée par son mari, recontre un homme avec qui elle engage un long flirt. Mais voici qu'elle se découvre un commencement de cancer. Il faudrait l'opérer immédiatement ; mais elle préfère goûter le plaisir. Et elle s'y livre, sans toutefois "commettre l'irréparable. Quand enfin elle se décide à aller trouver le chirurgien, il est trop tard. Elle meurt. C'est la nuit qui tombe.

Il règne tout le long de celte histoire une sentimentalité romanesque, traversée de velléités vers le bien, mais vide et trop troublante. Aussi, n'en permettrions-nous la lecture qu'à des personnes capables de maîtriser et de corriger les entraînements de leur sensibilité.

N° 88. Th. CHÈZE, Myriam de Magdala. Ce roman, publié en 1903, s'ouvre sur une préface, dans laquelle François Coppée souhaite à l'auteur, un « artiste et un chrétien », la bienvenue parmi les écrivains qui « affirment, et défendent leur croyance avec une admirable énergie. »

A dire vrai, les intentions de l'auteur, sont excellentes-; elles révèlent même un ami de notre religion ; mais son roman appelle, à ce point de vue, de très importa nies réserves.

Ce n'est point Marie Madeleine, la pénitenle, qu'il envisage, c'est la pécheresse, Myriam de Magdala. C'est sa vie de désordre qu'il étale, avec une impudeur qu'aggravent encore l'éclat et la préciosité du style.

Myriam rencontre Jésus ; mais elle ne reçoit pas le coup de foudre ; elle le revoit ; elle tarde à se convertir et longtemps le feu de la passion couve sous la cendre de la pénitence. Telle est du moins l'idée que le roman nous donne cle cette conversion. Et cette conception, si fâcheuse en soi, se développe dans des pages souverainement inconvenantes : Myriam, la courtisane, éprouve pour Jésus, des sentiments répréhensibles ; et Jésus ne repousse pas les provocations de cette fille chez qui l'amour puîné parvient pas à s'éveiller ; il va même plus loin. Devant ces contre-sens sacrilèges, devant ces déclamations maladroites où l'auteur mêle l'amour sincère de Dieu à des poussées de sensualité, on éprouve une tristesse profonde, on se sent choqué, on est déconcerté, et l'on se demande s'il ne faut pas décidément nier la foi catholique de celui qui se livre à de pareilles audaces.

En résumé, voilà donc un roman écrit par un homme de lalent et un catholique et dont nous devons nettement déconseiller la lecture à tous les catholiques que la théologie, l'Age et l'expérience n'ont pas fortement armés. Les autres, c'est-à-dire les femmes, et beaucoup d'hommes, et tous les jeunes gens, y prendraient non ce qu'on pourrait prendre, mais tout ce que l'auteur y a mis de malédifiant et ce qu'il n'y a pas mis ; ils s'en trouveraient choqués ou scandalisés.


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Collection .Fama (in-iG ; Demuylder ; î.i'r. ,5o). — Nos 5i et 52, Ger.tr.ude WARDEN, Maison hantée. A mon humble avis, ça ne tient pas debout.

Figurez-vous un jeu de jonchets en pagaïe, ou bien un puzzle emberlificoté, ou bien encore une de ces mécaniques de cauchemar, drolatiques, abracadabrantes, chères aux caricaturistes an■ glais, compliquées, à plaisir, d'engrenages en ronds de saucisson, rafistolées, à faire peur, avec de la mauvaise ficelle à sucre, des bâtons de chaises et des bouts d'allumettes, toujours sur le point de se démaniclaquer, mais aboutissant fout de même, à produire, par miracle, à l'extrémité d'une perspective cocasse de poulies et de courroies enchevêtrées, le joli petit chapeau en poil de lapin en vue duquel on avait introduit, à l'entrée des laminoirs, le classique angora qu'il s'agissait de transformer.

Ah ! dame... si l'on voulait, comme dans certain système célèbre, faire machine arrière, sous prétexte que le chapeau est arrivé à rebrousse poil, et renvoyer le lapin à ses choux, je ne garantirais pas le voyage de retour.. Dans tous les cas, ne comptez pas sur moi pour l'accompagner ; c'est bien assez qu'on m'ait posé le lapin au départ.

On ne m'y reprendra pas deux fois, ni surtout en deux volumes.

Grande collection nationale (grand in-8, couverture illustrée ; Rouff, 8, boulevard de Vaugirard, Paris, i5e, o fr. 65). — Nous avons dû, en raison de la surabondance des matières, interrompre l'étude de cette collection... et de plusieurs autres. Mais elle est tellement répandue qu'il nous a paru utile d'y revenir et d'en analyser les volumes avec quelques détails, d'autant plus que le mélange d'ivraie et de bon grain qui la caractérise demande un travail de discernement auxquels nos lecteurs n'ont pas le temps de se livrer. Nous présentons donc aujourd'hui quelques ouvrages ; d'autres suivront.

N° an. Claude LEMAITRE, Ma soeur Zabeile. Une de ces études du monde maritime comme l'auteur les aime et les réussit. Zabette, fille d'une riche « matelote », est contrainte par sa mère à épouser Joseph, qu'elle n'aime pas mais qui a' du bien ; et pourtant elle aimait Pierre, robuste matelot, qui ne s'en est jamais douté. Zabette devient la providence de sa famille, tire d'affaire un de ses frères conpromis dans une fâcheuse affaire. Devenue veuve, elle espère réaliser son, rêve ; niais Pierre a été caj)- livé par la grâce mutine de la petite Marie, la dernière soeur de Zabette. Et une fois de plus, la pauvre femme se sacrifie au bonheur des siens.

Le roman vaut par la peinture, exacte et sympathique, des caractères et du milieu. Il n'a pas le mouvement fébrile des feuilletons-cinés. Les lecteurs qui préfèrent un peu de vérité humaine à un enchevêtrement de catastrophes invraisemblables, goûteront le charme de cette lente histoire.

La religion n'y a guère de placer ; du moins l'exemple de l'héroïne donne au récit une saine moralité, et rien n'empêche ce roman d'être lu par de grandes personnes.

2i2. Léon GROC, L'Autobus évanoui. Histoire mystérieuse, surprenante, empoignante, et parfaitement honnête. Selon une formule qui a pour le moment beaucoup de succès, l'auteur s'inspire également de Conan Doyle et de Jules Verne. Police et science mêlées.


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Un autobus a disparu ; commissaire de police,'journalistes, se mettent en campagne, et après d'émouvantes péripéties, retrouvent la voiture et les voyageurs. Mais ceux-ci ne savent rien, ou plutôt ne veulent rien savoir. Un mystérieux pouvoir leur ferme la bouche ; un formidable appareil a confisqué leur personna» lité, et il faudra l'astuce d'un journaliste de génie pour les sauver en anéantissant l'appareil et en arrêtant le traître. Trois mariages suivent cet heureux, événement. L'auteur ne nous refuse aucune satisfaction !

Complètement invraisemblable, mais développé avec une certaine verve, ce roman populaire fera la joie des âmes simples. N° 2i3. MONTESQUIEU, Les plus jolies Lettres persanes. Ouvrage où abondent les détails licencieux; et qui a mérité la condamnation de l'Index.,Il contient des aperçus ingénieux, et aussi bien des traits qui ont aujourd'hui perdu leur intérêt avec leur actualité.

2i4-- Fernand LAFARGUE, Un coeur de père. Assez bizarre et peu vraisemblable, cette histoire d'un père qui ne demande que le bonheur de sa fille, et par suite d'un malentendu qui se prolonge, fait à ses yeux figure de tyran. Par suite de complications inutiles à résumer, M. de Soussans semble vouloir éloigner sa fille du jeune Norbert, mais il finit par la lui donner volontiers. Le récit n'est pas d'un intérêt bien vif ; il ne s'adresse ni aux enfants ni aux jeunes filles.

2i5. Pierre ZACGONE, Les Aventuriers de Paris. Terrible histoire, qui a l'air d'un exercice d'école pour jeunes feuilletonistes, et réunit.tous les clichés généralement usités dans les romans populaires. Un bandit atroce, homme du monde achevé, a jadis séduit une infortunée jeune fille et en a un un fils. La victime s'est mariée peu après ; elle est veuve. C'est une sainte, bien entendu. Son infâme séducteur lui fait endurer les plus effroyables . tortures morales. Il prétend faire tuer un fils légitime de l'infortunée par le fils illégitime qu'il a élevé. Une dizaine de catastrophes successives réduisent à la dernière extrémité tous les bons personnages et mettent les méchants au pinacle. Paf ! à la dernière page, un providentiel coup d'épée abat le monstre, les innocents sont délivrés, la douce jeune fille épouse celui qu'elle aime. Sauvés, mon Dieu ! — Les grandes personnes qui ont du temps à perdre, et qui ne tiennent ni au style, ni à la psychologie, ni à la vraisemblance, peuvent sans grand dommage savourer cette mixture. . .

N° 216. Jeanne RËGAMEY, La Toupie d'or. Il y avait une petite Alsacienne dont le père avait été acteur à Paris. Et dans la boutique de sa grand'mère, au village de Kaysersbcrg, en vendant des jouets d'enfant, elle rêvait de devenir tragédienne et d'éclipser Sarah Bernhardt. -

A vingt ans, elle vint à Paris, après la mort de sa grand'mère. Accompagnée d'un sage, tuteur, clic alla voir jouer du Racine au Théâtre-Français. Découragée par la perfection du jeu de ses futures rivales j et désillusionnée sur la vie des cabotins par un brave homme de sociétaire, elle revint en Alsace.

Or son tuteur l'aimait... et après avoir un instant caressé le rêve fou d'être épousée par le beau baron Maxime de Windeck, elle se mit bien sagement à aimer son tuteur, l'épousa et fut très heureuse. ,

Toutes les grandes jeunes filles peuvent lire cette jolie histoire, que déparent seulement l'irréligion du tuteur et une peu chré-


536 LES COLLECTIONS A BON MARCHÉ'

tienne tentative de suicide, que se permet l'héroïne.

N° 217. Claude TILLIER, Mon oncle Benjamin. Paru en 1842, au moment où le romantisme flambait encore, ce roman n'eut guère de succès.

Pour la forme comme pour le fond, c'était un livre du dixhuitième siècle, clair, sec, narquois et sceptique. L'oncle Benjamin est un jeune médecin d'avant la Révolution, viveur, philosophe, républicain, et ses aventures ne sont guère qu'une suite de beuveries, de farces et de galanteries, assaisonnées d'une intarissable bonne humeur.

Benjamin et son ami le docteur Minxit ont des réflexions qui sont parfois justes et souvent spirituelles. Par. malheur, un anticléricalisme étroit, persifleur, parfois blasphématoire, à la façon de Voltaire, vient tout gâter.

L'ouvrage doit donc être proscrit ; ceux-là seuls qui auraient une culture philosophique et religieuse vraiment approfondie le liraient sans péril.

N° 218. Henri GERMAIN, Le Baron Mystère. Cet ouvrage appartient, paraît-il, à un genre nouveau, le roman « cinématographique ».

Il respecte la morale et les convenances, et l'on pourrait le confier à des enfants, n'étaient quelques scènes d'amour un peu trop complaisamment décrites. Encore n'y a-t-il pas là d'indécences, à proprement parler. . .

Mais quelle suite tourbillonnante et folle d'invraisemblances et de sottises ! A chaque instant, comme un moteur qui a des ratés, tout s'arrête. Le baron Mystère est deviné, la blonde enfant trouvée, va tomber dans les bras de sa mère, qui la pleuré depuis douze ans, et dans ceux du protecteur tout-puissant qu'elle aime de tout son jeune coeur. Et pour retarder le dénouement, force est à l'auteur de recourir à une série d'hypothèses, d'accidents, de péripéties, totalement dénuées de toute apparence de vérité. Le roman populaire a des droits, nous ne le nierons pas. Mais celuici abuse par trop du fantastique, et met la bienveillante crédulité du lecteur à une épreuve vraiment excessive.

N° 219. J. BERR DE TURIQUE, L'Homme à l'auto grise. Roman populaire, à peu près honnête, à jDart quelques phrases et quelques aventures qui ne sont point faites pour l'adolescence.

L'homme à l'auto grise est un gaillard peu encombré de scrupules. Il j)ossède" une lettre compromettante pour l'honneur des Sigenac, et s'en sert pour briguer la main de la dernière héritière de cette noble famille, la blonde et délicieuse Suzanne.

Le peintre Jean Vertot ne peut soupçonner pareille infamie sans tomber amoureux de Suzanne et sans jurer qu'il arrachera au traître le papier malencontreux.

Grâce au dévoué César, son ami, policier amfiteur, il y parvient, après le nombre d'échecs et de péripéties nécessaire pour remplir 72 colonnes grand foi-mat. Tous les personnages sont d'une absolue, fidélité au type conventionnel des héros de feuilleton. Le vieux noble est ruiné, sa fille a un port de déesse, le traître a la carrure brutale d'un toucheur de boeufs, le peintre est jeune, beau, et finement moustachu, le policier amateur est génial et goguenard, le vieux château recèle le nombre voulu de cachettes dans ses murs, le bon docteur répond de la vie du sympathique assassiné, et nous nous acheminons vers le plus prévu des dénouements, avec la plus entière sécurité, à travers le plus connu des pays de connaissance.


Les meilleures nouveautés

LISTE CHOISIE DE LIVRES RÉCENTS

à l'usage des bibliothèques populaires des libraires catholiques et des lecteurs cultivés

■Il y a erreur, m'écriai-je un matin, en trouvant dans une revue de province, l'annonce d'un ouvrage intéressant, publié par un grand éditeur catholique. Si cet ouvrage existait, ça se saurait... Mademoiselle, voulez-vous voir?

'— Nous n'avons :rien, Monsieur, rien dans nos dossiers,, rien dans les fiches du dépôt légal, rien dans la Bibliographie française.

—.Pourtant, cette annonce!... AIlo, Paris, voulez-vous aller immédiatement acheter chez l'éditeur X, l'ouvrage de Y, intitulé Z. •—(Un temps).

— Allô, Lille, l'éditeur X dit que l'ouvrage de Y, intitulé Z, n'est pas de son fonds.

— Pas de son fonds? Je vous envoie l'annonce payante qu'il a fait insérer dans une revue de province. ■— (Un temps).

— AIlo, Lille, je suis retourné chez l'éditeur X ; il m'a confirmé que l'ouvrage de Y, intitulé Z n'est pas de son fonds ; je lui ai mis son annonce sous les yeux ; on a fait des recherches et on â acquis la conviction que l'ouvrage de Y intitulé Z est bien du fonds de l'éditeur X. J'ai donc acheté l'ouvrage et je vous l'expédie ; vous pourrez en faire le compte-rendu. Les clients persévérants parviendront peut-être à se' procurer l'ouvra- • ge, s'ils ne tardent pas à en faire la demande à l'éditeur X ; l'édition est intacte ; vous êtes le premier acquéreur.

Cette histoire, vraie dans les moindres détails, montre qu'il est parfois plus difficile de découvrir les bons livres que d'en prendre un mauvais dans un kiosque ou une bibliothèque de gare. Nous tâchons de les découvrir tous et nous les signalons ici. Ce n'est d'ailleurs pas le seul mérite de cette liste..-.

I. ■— Livres spécialement destinés au clergé.

: Mère Louise-Marguerite. CLARET DE LA TOUCHE, Au service

,de Jésus Prêtre, noies intimes tirées des écrits de Mère LouiseMarguerite Claret de la Touche, I, Les voies de Dieu, in-8 de 3oo p., Marietti, à Turin, 1922, 5 fr. L'auteur est une religieuse française (née. à- Saint-Germain-e.n-Laye, entrée à la Visitation de

.Romans en 1890, exilée, en Italie.lors de la suppression des Congrégations en 1906, et morte en IOI5, à l'âge.de 47 -ans).. Elle a, de. son vivant, publié Le Sacré Coeur .et le sacerdoce et un

■Appel aux prêtres. C'est l'alliance sacerdotale qu'elle a fondée qui a pris l'initiative d'éditer ce .nouvel ouvrage dont le premier

. A'plume vient de paraître, en français.-Les écrivains ascétiques eh ont fait le plus grand éloge. : nous le. recphimandons.


538 LES MEILLEURES NOUVEAUTÉS

IL —r Doctrine catholique et apologétique.

Saint AUGUSTIN, Confessions de .Saint Auguslin, traduction nouvelle de Dom Louis Gougaud, bénédictin de Saint-Michel de Farnborough, in-16 de 4o4 p-, Crès, collection « Le Livre catholique », 1923, 33 fr. Il serait bien inutile de redire une fois de plus'ici ce que nul n'ignore, l'intérêt passionnant de ce chefd'oeuvre de S. Augustin. Les Confessions sont un de. ces grands livres dont l'influence non seulement dure encore malgré tant de siècles écoulés, mais augmente sans cesse. On sait combien ces pages si humaines et si profondes sont actuelles, aujourd'hui que . tant d'esprits reviennent à Dieu, par des chemins parallèles à ceux que suivit Augustin.. Le présent volume, soigneusement et luxueusement présenté, satisfera les bibliophiles, et permettra à tous — j'entends à tous ceux qui en ont l'âge-, car les aveux du Saint ne s'adressent pas à l'enfance — de relire un des plus beaux livres du inonde en une édition digne de lui. — F. CAVALLERA, professeur aux Facultés catholiques de Toulouse, Samt Jérôme, sa vie et son oeuvre, première partie, tome I (Biographie) ; première partie, tome II (Chronologie, notes complémentaires, regesla, tables générales de la première partie), 2 vol. in-8 de xi-344 et 22g p., Champion, 5, quai Malaquais, Paris, 6e, 36 fr. les 2 volumes. 11 ne s'agit encore ici que de la vie de S. Jérôme ; l'oeuvre sera étudiée dans les volumes suivants. Au point de vue historique, le travail de M. Cavallera est magistral. Et cependant rien de touffu, d'obscur ni de pédant ; aussi bon écrivain qu'érudil sagace, l'auteur a su disposer ses richesses, com. poser un large tableau, clair, aéré, plein de vie, d'une des époques les plus brillantes et les plus fécondes de l'histoire de l'Eglise. Même sagesse, même hauteur de vue, dans le jugement porté sur les polémiques retentissantes du héros. M. Cavallera ne marchande pas à S. Jérôme l'admiration qu'il mérite, mais il tient • trop à l'équité pour accabler ses adversaires et ' Origène comme Rufin d'Aquilée bénéficient cle ce souci d'impartialité. Au total, cette belle oeuvre nous j^'mett 1" 1 de mieux connaître une des plus belles périodes, et. certaines des plus curieuses et des plus attirantes figures, de l'histoire de l'Eglise. — Chanoine A. CRAMPON, La Sainte Bible, traduction- d'après les textes originaux, édition revisée par des Pères de la Compagnie de Jésus avec la collaboration de professeurs, cartes et illustrations, petit in-8 de 1800 p., Desclée, 1923, 20 fr., relié toile anglaise, 26 fr. On sait que celte traduction, est non seulement la moins coûteuse, mais la meilleure que nous possédions en français : sérieusement revue, elle mérite, plus encore que par le passé, l'estime des exégètes et des fidèles. Le papier et l'impression laissent parfois à désirer ; certaines notes devraient être rajeunies ; mais telle, qu'elle est, cette,oeuvre est appelée à une grande diffusion, et elle en est digne. — Abbé F. DUBOIS, curérdoyen de Notre-Dame de Fives, Le Problème religieux, ï84 p. in-12, Duvivier, rue du Haze, à Tourcoing, 1923, sans indication de prix. Ce petit livre est d'un maître. L'ancien chroniqueur de théologie de la Revue du Clergé français y a mis non seulement; sa science apologétique, mais son coeur et toute son âme. Avec une clarté parfaite et une méthode rigoureuse, il exposé tout le-problème, religieux, défini par ces trois questions : l'appel de la nature humaine vers Dieu, c'est-à-dire le besoin religieux, besoin de l'intelligence, besoin de Ii volonté, besoin du coeur ; la réponse de Pieu à l'homme, ou


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Ju Révélation, avec la divine histoire de notre déchéance, de noire relèvement f>ar le Christ, de la prolongation de l'action du Christ par l'Eglise ; enfin la rencontre de Dieu et de l'homme par la loi ; acte complexe où la raison et la AroIonté interviennent, où l'homme se décide librement à croire, et où pourtant' la grâce joue un rôle capital. Trois actes du drame éternel dont nous sommes les personnages et où se décide notre bonheur. Riche d'idées, plein de substance malgré sa brièveté, lucide et abordable pour tous malgré sa densité, ce petit livre portera la lumière à bien des âmes troublées et fournira à tous une précieuse synthèse de la seule question qui doit nous préoccuper. Répandons-le j c'est semer de la vie. — Abbé A. VIGOUREL, La Messe primitive, problèmes, solutions, in-8 de 4o p., Lelhie'lleux, 1923, 1 fr. 25. Quelle était la messe primitive ? Le problème intéresse toutes les âmes pieuses. Le savant sulpicien l'expose dans des pages curieuses, en étudiant notamment YAnaphore apostolique qui a été découverte à Vérone en 1900.

III. —Piété et vie chrétienne.

R. P. Denis BUZY, Pensées de Soeur Marie de Jésus crucifié, in-12 de 126 p., librairie Saint-Paul, 6, rue Cassette, Paris (6e), 1ÇJ22, 4 fr. Cette religieuse carmélite (184G-1878), dont nous avons annoncé la biographie dans notre numéro de décembre 1922, p. 929, avait laissé, au Carmel- de Bethléem où elle est morte en odeur de sainteté, un recueil de pensées édifiantes et savoureuses : on a bien fait de les publier. — A. COMMERSON, Entretiens spirituels -sur le Sacré-Coeur et la Garde d'honneur, in-12 de 4oo p. ; La Sainte Messe, les Vêpres, 72 p., tous deux à la Librairie catholique, à Chambéry (Savoie), sans indication de prix. Le premier de ces deux ouvrages traite, en quarante instructions, de toutes les questions relatives à la Garde d'honneur dans les collèges et pensionnats. La. forme est simple, familière et permet une facile utilisation. La brochure sur la messe et les vêpres comprend des prières dialoguées, un examen de conscience et des cantiques. Le tout rendra service aux éducateurs. — P. GEREST, O. P., Mémento de la vie spirituelle, in-x8 de 4n p., Lethielleux, 1920, 7 fr. 5o. Ce livre, écrit L'Ami du Clergé (i4 juin 1923, p. 876), a toutes les qualités d'un bon mémento : clarté, méthode, plénitude, vigueur d'expression... 11 y a 'là ■ 400 pages d'une rare densité. Une table alphabétique permet de retrouver sur l'heure le détail précis dont on a besoin. La Synthèse de vie spirituelle du -même auteur (in-1.8 de 72 p., Lethielleux, 1923, 1 fr. 5o) sera, pour toute âme familiarisée avec la méditation, une lecture-salutaire, surtout singulièrement encourageante. — J.-E. LABORDE, S. J., Dévotion à. la Très sainte Trinité, in-12, ■ 200 p., Casterman à Tournai, 1922, 4 fr. Le sujet est transcendant ; mais l'auteur y a projeté toutes les lumières de son érudition pieuse ; il l'a éclairé de citations, de traits, de considéralions théologiques ; tellement que le prêtre peut en traiter avec • intérêt, et les fidèles y trouver uii surcroît de dévotion. — Soeur MARIE-AIMÉE DE JÉSUS, ■Jésus^Christ dans le Saint Evangile et sa vie dans l'âme fidèle,-6 volumes in-12, au-Carmel, 9, rue du Moulin, Créteil (Sëiné),'-igâS,.: 7 ' fr. chaque volume. Ces pages furent écrites par une carmélite-dé l'avenue de Saxe à Paris, en l'espace de quatre-ans, de 186S à 186g. Renan venait de publier .sa Vie de Jésus: Ik sainte religieuse se sentit le coeur brisé, et


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elle se mit à épancher sur le papier les suggestions qu'elle recevait dans l'oraison, à la lecture de l'Evangile. Mgr Chollet, à qui ses manuscrits furent soumis, fut tellement touché de leur lecture qu'il voulut en préparer la publication, après les avoir annotés. Ils viennent de paraître : on les trouve à ladite adresse, ainsi que la Vie de Soeur Marie-Aimée de Jésus (2 vol. 10 fr.) et la Vie abrégée de Soeur Marie-Aimée de Jésus (un vol. in-12, 3 fr. 5o). — G. MARTIN, Supérieur des Missionnaires diocésains de Vendée, La « Petite voie » d'enfance spirituelle, d'après la vie et les écrits de la Bienheureuse Thérèse de l'Enfant Jésus, i32 p. in-12, librairie Saint-Paul, 6, rue Cassette, et chez M. de Rercegol, à l'Office centrale dé la Bienheureuse Thérèse, à- Lisieux (Calvados), 1923, 2 fr.. 5o, franco 3 fr. Les enseignements de la Rienheureuse, ce qu'elle appelle elle-même sa « petite voie » ou sa « petite doctrine », ont été parfois suspectés ou mal compris. Les paroles des Souverains Pontifes ont mis toutes choses au £>oint ; mais il était bon qu'un théologien exposât en détail cette méthode d'après les paroles même de la Soeur Thérèse. Le travail est fait ici, et avec grand soin. L'auteur précise le sens des expressions qui risqueraient d'être mal comprises. La « petite voie », ainsi présentée par celui qui fui le prédicateur très ap. précié du Triduum solennel de béatification au Carmel de Lisieux, ralliera assurément tous les suffrages. — Princesse Caroline de SAYN-WITTGENSTEIN, La Vie chrétienne au milieu du monde et en notre siècle, entretiens pratiques recueillis, revisés et publiés par Henri Lasserre, 19e édition (la ire en 1875), in-18 de 35a p., Fayard, 192,3, 6 fr. 5o. L'illustre princesse polonaise, Caroline de Sayn-Wittgenstein (1819-1887), avait écrit en français plusieurs ouvrages : c'est l'un d'entre eux que M. Lasserre a publié, après en avoir enlevé tout ce qu'il avait « de lourd, de triste, de tudesque et de chaotique » et y avoir apporté une très large part de mise eh ordre et peut-être de matériaux. Dans les Etudes (iSgfi, tome 67, p. 677), le P. Van den Brûle concluait ainsi un long article à la louange de cet ouvrage : « Ami lecteur, prends ce petit livre d'or et lis-le. Médite-le surtout dans tes heures de solitude apaisée, et pratique-le dans tes journées de vie mondaine ou de vie chrétienne. Je te le promets, tu y puiseras du charme d'abord, le désir de t'élever ensuite, et pour finir, la perfection que Dieu réclame de ta faiblesse. » — Abbé A. TEXIER, Méditations pour les jeunes, en vacances, in-12 de xvn-4oo p., librairie Sainte-Marie, i44> avenue de Paris, Niort (Deux-Sèvres), 1923, franco 8 fr. 5o. Des méditations qui n'ont rien d'aride ou de soporifique. Au contraire, elles parlent à l'imagination, à l'esprit, au coeur, un langage saisissant, imagé, plein de poésie et. de vie. Elles fourniront aux jeunes gens des collèges et aux enfants cultivés de nos oeuvres un aliment spirituel très assimilable, parce que d'abord elles ont le souci, trop rare, de plaire aux âmes qu'elles veulent édifier. — Le connaître, c'est l'aimer, in-18 de 80 p., collection « Avec Dieu », à la Croisade, 11, rue Dupin, Paris, 6e, 1923, 1 fr. On a rassemblé dans cette brochure divers textes tirés des écrivains ascétiques, sur Dieu, sa nature, ses perfections, son service.

IV. — Hagiographie.

Georges GOYAU, Saint Pierre, in-8, 6/1 p., 35 illustrations, collection « L'Art et les Saints », Henri Laurens, éditeur, 6, rue de


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Tournon, Paris (6e), 1923, 3 fr. 3o. Comme les précédents de la même collection, ce petit ouvrage se recommande par le souci artistique de son édition. Mais cette fois les gravures encadrent un texte de premier choix. Nul, mieux que M. G. Goyau, ne pouvait en si peu de pages, conter de façon neuve et intéressante ' la vie du premier pape et définir tout ce que lui doit l'art religieux. — Gabriel LEDOS, Saint Pierre Claver (I585-I654), in-ifi de xiv-177 p., Gabalda, collection « Les Saints », 1923, 3 fr. 5o. Saint Pierre Claver est bien connu et admiré comme apôtre des nègres ; sa vie toutefois, racontée plus d'une fois en français pour l'édification des fidèles, n'avait jamais été étudiée par un historien de profession. M. Ledos a consacré à celle entreprise toute sa science et toute sa critique. Son héros d'ailleurs est de ceux qui ne peuvent que.gagner à une étude attentive et rigoureuse. En un court volume, l'auteur a su nous donner les résultats essentiels de son enquête, et nous faire connaître, d'une manière évidemment sommaire, mais complète et sûre, un de ces Saints surprenants dont l'héroïsme déconcerte. L'exotisme et l'étrangeté du milieu ajoutent à ce portrait un- élément pittoresque qui en augmente encore l'intérêt. — Auguste MARGUILLIER, Saint Georges, 64 p. in-12, collection « L'Art et les Saints », H. Lam rens, 1923, 3 fr. L'iconographie de S. Georges est des plus abondantes, et l'auteur la parcourt avec beaucoup de science et d'agrément ; les reproductions, comme dans tous les volumes de cette jolie collection, sont excellentes. Quant à la vie même du martyr, M. Marguiliier nous donne sur ce sujet le résumé des conclusions de l'histoire : la fameuse aventure du dragon n'a guère de fondement, mais le Saint est bien un personnage réel, qui souffrit pour sa foi au temps des dernières persécutions. — R. P. Joseph THERMES, S. J., Le Bienheureux Robert Bellarmin (1542I62i), Gabalda, collection ce Les Saints », in-16 de vi-204 p., 3 fr. 5o. Cette vie est une des plus attrayantes de la collection. Sans entrer dans les détails techniques qu'on trouvera, en d'autres ouvrages plus volumineux, sur l'oeuvre ascétique et théologique de Bellarmin, l'auteur s'en est tenu aux faits, et son récit, très concret, très vivant, nous donne du nouveau Bienheureux un excellent portrait, égayé par de nombreuses anecdotes. Le livre aura, près de tous ceux qui s'intéressent aux gloires de l'Eglise, un succès très vif et bien mérité.

V. — Education, morale.

Mgr DUPANLOUP, Les Meilleures pages de Mgr Dupanloup, recueillies et préfacées par M. le chanoine Henri Dutoit, XL-475 p. in-12, collection « Les Meilleures pages », Duvivier à Tourcoing, ig23, 7 fr. Les quarante pages d'introduction qui nous donnent le résumé de la vie de Mgr Dupanloup sont excellentes. Pleines de faits, précises, nettes, elles apportent sur ce délicat sujet tout l'essentiel, et traitent avec une sereine impartialité les questions qui jadis mirent les catholiques le plus âprement aux prises. Quant au choix des morceaux cités, il a été fait avec autant de soin que dé compétence, de manière à faire connaître les principaux aspects de l'oeuvre et à répandre les pages qui répondent le mieux aux besoins d'aujourd'hui. Les questions d'éducation occupent, comme il convient, une grande partie du volume ; l'apologétique, la piété, la politique religieuse et la sociologie se


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partagent le reste, c'est-à-dire plus de deux cents pages encore. Des tables très complètes font du livre un instrument de travail tout à fait pratique, et les parents, les éducateurs, les hommes d'oeuvres, tous les chrétiens instruits, seront reconnaissants à M. le chanoine Dutoit de l'aide précieuse qu'il leur apporte. — L.-Cl:'FILLION, prêtre-de Saint-Sulpicé, Le Bon emploi du temps, in-32 de ifa p., Gigord, 1923, 2 fr.. 5o. Le moment où je parle est déjà loin de moi, écrivait Boileau : le temps est court, dit à son tour le sage moraliste de Saint-Sulpice ; il faut le bien employer,' et surtout utiliser le moment présent. Ces vérités fondamentales sont établies, d'après la foi et l'expérience et confirmées par de nombreuses citations qui rendent l'ouvrage d'une lecture aussi attrayante qu'utile. Oh ! le bon emploi du temps ! Si on voulait le bien comprendre, la face du monde en serait changée. e- Abbé GODEFROY, Manuel de l'écolier chrétien en vacances, in-32 de i55 p., Cattier à Tours, relié toile 3 fr. 5o. Réédition d'un ouvrage publié en 190g et qui, sous un format commode, contient une trentaine de méditations et de visites au Saint Sacrement substantielles et pratiques. — G. de LA' CROIX, Pour nos enfants, récits e'I nouvelles, 186 p. in-12, aux bureaux de L'Ange Gardien, 45 bis, rue du Sahel, Paris (12°), 192.3, 3 fr. 20. Très simples et doucement pieuses, ces pages feront certainement du bien aux fillettes et garçonnets de huit à douze ans. Les histoires sont à leur portée, elles sont présentées avec charme et vivacité, et la leçon chrétienne s'en dégage tout naturellement, sans que le souci de moraliser assombrisse la narration. Nous signalons ce petit livre aux mères de famille et aux directrices de patronage. — Mgr TISSIER, évêque de Châlons, La Mère et ses enfants, in-12 de 128 p., Téqui, 1923, 3 fr. Dans les trois conférences qui composent ce volume, l'éloquent évêque étudie : la mère et les études .des enfants, leurs récréations et leur vocation. .

VI. — Médecine, hygiène.

Dr Léon BIZARD, médecin de Saint-Lazare, Conférences sur. les maladies vénériennes, 2e édition, 118 p. in-12, Maloine,- 1920, 5 fr. Claires et pratiques, ces pages donnent sur les maladies vénériennes des détails nombreux, et s'achèvent par une. protestation justifiée contre la littérature et les spectacles d'aujourd'hui. Le premier chapitre expose l'état actuel, çle. la prostitution à. Paris. Il est clair que le livre n'est pas fait ppur n'importe qui ; aux prêtres, aux éducateurs, de discerner: lé; moment où il sera utile de faire connaître à un jeune homme ces. renseignements médicaux. — D 1' MOUNIER, La Voix, unaiomie, physiologie, conseils- et soins médicaux, iri-16 de,,.88..p.., .avec 31,. figures, Vigot, 1923, 3 fr. 5o. '— D 1' PIRONNEAU, Préservez 'vos enfants de la tuberculose, in-16 de 200 p., Garnier, 1923, 5. fr. Un pareil ouvragé constitue un bienfait social. La tuberculose choisit ses victimes parmi lés enfants ; qu'ils soient/ou non nés de parents phtisiques, ils sont exposés à se contaminer par contagion. Il faut les préserver, il faut éventuellement les guérir, en prenant le mal à ses débuts : ce petit livre, qui expose les moyens apprendre, nous paraît indispensable aux mères de famille.

VII. — Sciences.

Maurice LARROUY, Le Ballon et l'avion, la route aérienne,


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in-16, vin-2ii6 p., avec 25 figures, Colin,. 1923, 5 fr. Tout' le monde parlé aviation maintenant, comme on parle automobile. Aussi on accueillera bien l'ouvrage de M. Larrouy, ex-professeur de pilotes, qui a su doser vulgarisation et données techniques. Dans un. exposé clair, ferme, coupé toujours à propos de .formules mathématiques ou schématiques, il a dit tout ce qu'il suffisait de dire sur le milieu, la constitution des couches aériennes; et sur les appareils, structure de l'avion, du ballon libre et du ballon dirigeable, sur l'orientation, la force de propulsion. Il ramasse toutes ces idées dans un Etat actuel de la navigation aérienne, et y ajoute une bibliographie de l'aviation, pas parfaite peutêtre, mais sûrement très utile. — Charles NORDMANN, Le Royaume des deux, un peu du secret des étoiles, petit in-8 de 2(3o p., Hachette, 1923, 7 fr. Les livres de M. Nordmann ont le grand avantage cle parler agréablement de choses difficiles. En style clair et imagé, il nous entretient ici de la rotation de la terre, de la structure des étoiles, de leur parallaxe, et de plusieurs autres belles choses. Vulgarisateur de talent, M. Nordmann est-il un philosophe très sûr? Certains lui ont reproché un engouement excessif pour.les théories d'Einstein. Il y a plus grave ; son dernier chapitre nous apprend des choses bien singulières sur la religion qui, paraît-il, est « hors des atteintes des critères expérimentaux », et. sur le déterminisme, qui « manifeste... la divinité de l'Univers. » Quand il "se hasarde sur ce terrain, M. Nordmann vacille et patauge, et ne démontre guère que son incompétence. Aussi déclarons-nous que ce livre de vulgarisation ne convient qu'aux rares lecteurs assez solidement armés pour repousser certains sophismes.

VIII. — Géographie, voyages, colonisation.

bonis ARNOULD, A'os amis les Canadiens, préface de M. Etienne Lamy, in-16, LX-364 p., Marne, 1923, 5 fr. Réédition d'un ouvrage paru avant igi4, et bonne esquisse géographique, historique, ethnographique du Canada. Deux grands courants opposés le traversent : l'attachement héréditaire à la France, et l'influence économique anglo-américaine. Un excellent chapitre sur la vie catholique dans les villes et dans les villages révèle les sources de jeunesse et d'enthousiasme du Canada. Quelques notes sur la langue et sur la littérature complètent le travail. La guerre n'a pas changé nos frères d'outre-mer : ils restent bien, comme on les dépeint ici, de notre race. -^ Comte CARTON DE WIART, ministre d'Etat, Mes Vacances au Congo, in-16 de i47 p., illustré, Pietle à Bruxelles, 1923, 3 fr. L'éminent homme d'Etat n'est pas allé au Congo pour y étudier des problèmes politiques ; il y a passé ses vacances, et ce ;sont des noies de touriste et des impressions d'artiste qu'il a publiées dans ce petit ouvrage plein de couleur, et de charme. — E.-F. GAUTIER, professeur à l'Université d'Alger, Le Sahara, in-i6, collection Payot, 1923, 4 fr. Le Sahara, la barrière réputée jadis infranchissable entre l'Europe et l'Afrique tropicale, se rétrécit de jour en jour. Les progrès de l'aviation, de l'automobile, effritent la muraille de sable. Mais sa contexture géographique, son histoire géologique s'embarrassaient encore d'énigmes ou de légendes. Un professeur et un voyageur, qui connaît l'Afrique du Nord, a fouillé le désert en compagnie d'un collègue d'Oran, M. Chudeau. Rattachant ses éludes aux précédentes explorations, il tire de ses voyages un


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livre intéressant sur une question géographique jusqu'ici voilée d'obscurités. — André HALLAYS, En flânant à travers la France : 'Bourgogne, Bourbonnais, Velay et Auvergne, in-8 écu illustré, Perrin, 1923, 12* fr. Nos vieilles provinces de France, avec leurs gens du passé et du présent ! En flânant avec M. Hallays, comme on lie vite connaissance avec eux. Artiste, archéologue* historien, paléographe, anecdotier, l'auteur excelle à fixer les paysages des contrées traversées. Dans ce décor, il évoque si habilement les fantômes du passé! Leurs grandes figures se précisent. Un trait ■inédit, bien spécial, et le fusain flou devient une image vivante. Eïi Rourgogne, près du mont Auxois, voici Bussy-Rabutin, menant grande réclame autour de son château. A Bourbon-1'Archambault, . voilà le « tout-Paris » du dix-septième siècle venu pour la saison... même Boileau qui soigne une extinction de voix ! Dans le parc de Montbard, en « robe de chambre jaune parsemée de raies blanches et de fleurs bleues », Buffon, qui relève de maladie, se promène aussi « frais qu'un enfant ». Mais je m'arrête : si je vous contais tout, vous ne liriez plus André Hallays. Et vous perdriez beaucoup ! Que de voyages en perspective pour l'hiver, que de cathédrales ou de vieux monuments à visiter sans se presser, en dilettante ; que de jolies reconstitutions du passé! Ah! M. Hallays, dépêchez-vous de continuer votre tour de France. —:• François de TESSAN, Dans l'Asie qui s'éveille, essais indo-chinois, in-18 jésus de 370 p., avec i<5 photographies et 2 cartes, Renaissance du livre, 78, boulevard. SaintMichel, Paris (6e), 1928, 10 fr. Ouvrage de propagande, d'une facture agréable, franche, découpée en croquis modestement colorés. François dé Tessan ne se perd pas dans une vague poésie •de l'Indo-Chine. II cherche à marquer l'effort de la civilisation et du progrès, par la colonisation française, en Cochinchine, en Aiinam, au Laos, au Tônkin : et il ramène à ses justes proportions un pays trop fréquemment, enveloppé de mystère,

IX. "'— Littérature.

Gaston GAYROU, professeur au lycée Janson de Sailly, Le Français classique, lexique de la langue du XVIIe siècle, expliquant, d'après les dictionnaires du temps et les remarques des grammairiens, le sens et l'usage des mois aujourd'hui vieillis ou différemment employés, in-8 de g5o p.; avec de nombreuses illustrations documentaires, Didier, 6, rue.dé la Sorbonne, Paris (5e), '1923," 10 fr. — Henry CÉARD, de l'Académie Goncourl, Le Mauvais livre et quelques autres comédies, in-8 de 224 p., librairie française, 15, quai de Conti, Paris (6e), 1923, 0 fr. 75. Les interjù*ètes défigurent bien souvent la pensée des auteurs : Henry Céârd, qui en a crainte, y remédie en innovant un « théâtre sans acteurs ». Et pourtant la série de comédies, qu'ouvre Le Mauvais -livré, affronteraient avec succès le plateau. A part Le Mandra-' gore, assez épicée, toutes sont contemporaines. Elles nous ramènent à ces vingt;'dernières années, moins tourmentées'' que les nôtres, où l'on faisait-plus dé place au Sentiment et moins à la 'perversité; Soir de fête excelle dans ce genre. Mais n'oublions pas que M. Henry Céàrd fit partie des «" Soirées de Médan » et aussi de là troupe qui afeçômpagha Antoine au premier Théâtï'é"Libre. Et puis écoutez cette finale I désabusée de Soeur Claire (trois actes) : <c Je n'ai jamais vu que du désappointement sur la face dés morts. » — DANTE,..Là Divine comédie de Dante Alighieri,


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traduite par André Pératé, in-8 raisin de xni-750 p., orné de dessins de Bôtticelli gravés sur bois par J. Reltrànd, librairie de l'art catholique, 6, place Saint-Sulpice, Paris (6e), 1923, 00 fr. ; 120 exemplaires de luxé, 100 fr. Voici une traduction nouvelle de ce chef-d'oeuvre ; elle est, comme l'original, en tercets de prose décasyllabique, elle est aride, austère, « un peu farouche » selon le mot du traducteur lui-même. Aussi ne sera-t-elle goûtée que des esprits cultivés et délicats ; mais ceux-ci applaudiront. — Louis HUMBLET, S. J., Esthétique et littérature, seconde série, in-12 de 43o p., Dewit à Bruxelles, 1923, 10 fr. Ces dissertations littéraires sont d'un homme de goût et d'érudition. Le R. P. Humblet aime les lettres, il en parle, avec compétence et chaleur. La poésie lyrique, le roman, le conte, l'éloquence, toutes les formes de l'art de bien dire l'intéressent et retiennent son attention. Il est sagace et lucide ; les enivrements romantiques ne lui ont pas fait oublier la supériorité de l'ordre et de la raison. Classique sans étroitèsse, il comprend et aime la beauté, partout il la trouve, mais ses préférences vont aux génies équilibrés, et nous l'en félicitons. — Adolphe RETTÉ. Léon Bloy, essai de critique équitable, in-12 de i44 p-, Rloud et Gay, 1923, 5 fr. Ces liages, publiées en 1921 dans Le Mercure de France, sont probablement ce que nous avons de plus juste et de plus sensé sur Léon Bloy, et elles font grand honneur au jugement et au sens critique de M. Adolphe Retté. Bloy a eu des ennemis et des panégyristes ; M. Retté n'est ni l'un ni l'autre ; sympathique au rude écrivain, il met en lumière son beau talent lyrique et oratoire, son christianisme réel et intense. Mais respectueux de la vérité, il expose, à regret mais sans faiblesse, les tares indéniables de l'homme", son orgueil, sa susceptibilité, ses rancunes, ses extraordinaires erreurs de jugement, le peu de consistance de sa philosophie. N'allez jias en conclure qu'il l'éreinte ; nullement, il en parle avec une réelle affection, et insisté plus sur les beaux côtés que sur le reste. Mais il veut être impartial, il l'est, et son petit volume donne de l'homme et.de l'écrivain un portrait nuancé, intéressant, exact. Voulez-vous savoir la ■ vérité sur Bloy, lisez Retté.! — Jean ROSTAND, Ignace ou l'écrivain, 224 p. in-12; Fasquelle, ig23, 6'fr. 76. Un portrait à la façon de." La Bruyère, mais en deux cents pages, ce qui est vraiment excessif. M. Rostand,, qui est un écrivain de race et qui a l'esprit singulièrement aiguisé, travaillé à la façon des rongeurs. Il s'acharne sur son sujet, le mordille à petits coups, le dépècej le disséqué, avec un acharnement qui ressemble à de la cruauté. Sa mâchoire est terriblement endentée, et chaque coup enlève le morceau. Bien des hommes de lettres savoureront ce joli travail, en remplaçant le rtom du héros par celui de leurs meilleurs amis. Rarement, l'on a décortiqué .plus allègrement la vanité de l'homme dé lettres'. Le livre est à conseiller à l'irritable race des écrivains, et aux jeunes gens que tourmente l'ambition littéraire. Aux autres, malgré son impitoyable malice, il paraîtra long. Deux cents pages pour ■un portrait ! à ce compte, combien de centaines d'in-folios faùdrâil-il pour refaire Les Caractères ? '—. Henri SIENKIEWICZ', traduction autorisée, introduction et notes par Je D 1' V. Bugiel, collection K Lés Cent chefs-d'oeuvre étrangers », in-16 de 192 .p., Renaissance du Livré, 1923, 4 fr; En ce petit volunle sont rassemblées les meilleures nouvelles'du grand écrivain polonais; Le chef indien, Orso,' etc., 'et quelques belles pages descriptives. L'ensemble; donne une idée du talent souple et'fort du célèbre auteur. Rien


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à reprendre au point de vue moral et religieux ; regrettons seulement quelques idées fausses de la préface, qui défend Quo Vadis contre le terrible réproche d'avoir été trop sympathique à l'Eglise. « Cette oeuvre d'art pur ne mérite pas, nous dit-on, cette sousestimation » (p. 4). Mais les pages de Sienkiewicz lui-même méritent d'être connues et répandues. — Miguel de UNAMUNO, L'Essence de l'Espagne, traduit par Marcel Bataillon, in-12 de rx3oo p., Pion, 1923, 7 fr. L'ouvrage original a pour titre ce Autour du casticisme, » A ce titre, le traducteur français en a substitué un autre. Plus compréhensible d'abord,, il marque aussi en quoi ce livre intéressera les lecteurs étrangers à l'Espagne. A tout prendre, le sujet dominant des cinq études ici rassemblées, c'est l'individualité spirituelle des peuples.. Chaque nation posera-t-elle la sienne comme un idéal ? ou comme un problème? Le livre fera beaucoup penser et réfléchir ; il est rempli d'idées, mais inélégant et monotone ; la pensée y demeure parfois prisonnière des images ; elle subit des solutions de continuité décevantes, des. arrêts,, et devient même souvent obscure (pp. 115, 169). De ci, de là, des affirmations bien absolues (pp. 178, i84-..)- Le lecteur catholique se souviendra que l'auteur n'a plus la foi. Nous n'aimons pas beaucoup ces expressions : catholicisme dominicain, catholicisme jésuitique... (p. i83). La théologie n'est-elle vraiment qu' et ingéniosité d'esprit » ? (p. -iS4). Enfin, les réserves qu'appellerait le chapitre IV (mystique et humanisme, pp. 197-260) sont trop nombreuses pour pouvoir être présentées ici. — VEGA, Les Présences invisibles, préface de M. Goyau, in-12 de ix-255 p., Perrin, 1923, 6 fr. Après tant d'ouvrages malsains, produits de l'imagination ou de la technique spirites, voici enfin un volume qui repose et console les coeurs dévastés. Une voix chrétienne et anonyme vient nous dire : « Nos morts vivent près de nous ; sachons rester près d'eux. » Et voici, sous la réconfortante épigraphe « Je crois la Communion des Saints, la Vie éternelle » une suite • de chapitres judicieusement pensés, lumineusement écrits, parfaitement orthodo'xes. Ce sont des promenades à travers l'Evangile et l'Ancien Testament, des aperçus sur l'autre monde, sur les anges et les saints, sur le Purgatoire, sans rien de mièvre ni de banal. Et, séparant chacune des 37 divisions, des sonnets, des poésies de tous rythmes et de toutes mesures nous portent et nous élèvent plus haut encore que les proses précédentes : en plein ciel. L'auteur a voulu .garder l'anonymat, mais la préface signée de M. Goyau nous est une garantie de sa haute valeur littéraire en même temps que morale.

X. — Beaux-arts.

Maurice BRILLANT, La. Bienheureuse Thérèse de l'Enfant Jésus, Canlilène pour une jeune sainte, poèmes par Maurice Brillant, illustrations de Maurice Denis et de Mlle Faure, in-4, Bloud,-1923, (tirage limité à 3oo exemplaires), i5o et 100 fr. — Gustave COQUIOT, Vincent Van Gogh, in-8 de 334 p., 24 reproductions horstexte, Oliendorff, 1923, 20 fr. On trouvera ici les deux vies d'un peintre étrange, dont le génie côtoya sans cesse la folie, Vincent Van Gogh, un « avant-garde » incomplet de i885. Après l'existence matérielle dure, nomade, de Van Gogh traînant son inquiétude et sa misère de Belgique et de Hollande en France, l'auteur s'attache à nous convaincre du travail esthétique sans cesse en évolution dans ce cerveau malade. Van Gogh ne suivit sa vocation d'artiste qu'à trente ans. II peint la tristesse des villages hollan-


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dais, à Nuenen, la gravité émouvante de Rembrandt à Anvers, la lumière et la gaieté à Paris et à Arles, quatre cents toiles au total, jusqu'au moment où il succombe à une crise de folié. Les artistes qui n'ont pas peur d'un style parfois dur et cru,! liront avec attention et intérêt le livre qui lui est consacré.'"— Edme CÙUTY, Le Dessin et la composition décorative appliqués aux .industries d'art, 3i4 p., Dunod; 47, quai des Grands-Âug'ustins, Paris (6°), 1922, 12 fr. Les artistes en espérance accueilleront avec joie cet ouvrage qui sait se mettre à leur portée sans se confiner, dans une banale vulgarisation. Les exercices appuient les principes, la méthode tend à la réalisation pratique ; et, comme on ne saurait toujours exiger d'un ouvrage de ce genre un style impeccable, on retiendra sa valeur technique. ■— Benedetto CROCE, Bréviaire esthétique, traduction de Georges Bourgin, in-12, xiv-186 p., Payot, 1923, 5 fr. Philosophe italien, Benedelto Croce a fait .partie du cabinet Giolilli, qui lui confia le jiortefeuille de l'Instruction publique. On le connaît peu chez nous, sinon par des traductions de ses essais sur Hegel, sur Vico, ou sur le matérialisme historique. En s'avehturant dans le domaine esthétique,- il ne s'avance qu'appuyé sur des données philosophiques. En quatre conférences, données au Texas, et deux articles, il cherche à déterminer, au travers des préjugés, de la critique et de l'histoire, la place de l'art, ce « quelque chosede nettement distinct et autonome », « vision ou intuition », et dont il exclut radicalement ce tout élément logique et intellectuel. » Je laisse à d'autres le soin de subtiliser sur une définition discutable. Je note seulement que les idées de Benedetto Crbce • sympathisent bien avec celles de Bergson. — François FOSCA, Renoir, in-8 de i44 -p., 4o héliqtypies, Riedér, collection dés' ce Maîtres de l'art moderne », 1923, 10 fr. Sous la direction de M. Tristan Klingsor se publie une série d'études sur les principaux maîtres de l'art moderne. M. François Fosca fait les honneurs de la première monographie à Renoir, Renoir impressionniste, évoluant, devenant le peintre du volume, auteur du ce Moulin de la Galette » et des ce Baigneurs ». M. Fosca ne s'illusionne-l-il pas on cédant le pas à Renoir sur Ingres ? En tous cas, nous ne saurions partager toute son admiration : Renoir eut avant tout le culte de l'art sensuel, et, à cause des ce nus », disséminés en nombre au cours de quarante superbes héliotypics, on ne laissera pas tomber cet. ouvrage, destiné plutôt aux artistes, entre les mains des enfants ou des trop jeunes gens. — Gabriel SÉAILLES, Eugène Carrière, essai de biographie psychologique, in-8, 272 p., avec 8 . planches hors texte, Colin, 1920, 5 fr. Cette, élude, consciencieuse et fouillée, n'intéressera que quelques initiés : elle s'attache à l'élaboration de l'idée artistique dans l'âme du peintre-Eugène Carrière et à l'évolution de son oeuvre, considérée ' davantage dans ses éléments psychologiques que techniques. Si les pensées solides ne vous font pas peur,, vous trouverez là matière à suggestions et à réflexions curieuses .'et .sérieuses. ...

XI. — Sociologie, politique.

Paul BUREAU, Ld Science des moeurs : introduction à ki mé-\ thode sociologique, in-8 de 328 p., Bloud, 1923,' i5--fr. Cet ouvrage important, publié par M. Bureau à la veille de sa mort, esl le fruit de trente-cinq années d'étude.. II répond à ,un véritable besoin d'aujourd'hui, en démonliant combien caduque et-


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naïve est la^ théorie qui prétend tirer une morale de la seule sociologie. L'auteur expose, dans sa première et sa troisième parties, les conditions intellectuelles et morales des recherches sociologiques. La seconde partie détermine les éléments psychologiques et spirituels du fait social, et insiste sur l'importance des croyances religieuses et des opinions philosophiques dans l'organisation des familles et. dès sociétés. Enfin, la quatrième partie montre quels services peut rendre la science sociale dans fa direction de la conduite. Elle est un auxiliaire puissant, elle éclaire la route ; mais il est puéril de lui demander d'assigner un but à la vie humaine ; aucune science, pas plus la sociologie qu'une -autre, ne peut fonder une morale. Dans son journal Pour la Vie, l'auteur disait, le Ier juin dernier, que son désir était de venir en aide aux prêtres, aux instituteurs, aux professeurs, aux directeurs de cercles d'études, à .tous ceux qu'intéressent l'éducation morale et la régénération du pays. Ce désir Sera certainement réalisé. —- J. GONTARD, Paris au travail, in-8 écu de 280 p., avec 10 planches et un plan ; Pierre Roger, 54, rue Jacob, Paris (6e), 1923, 8 fr. Cet ouvrage met bien des choses au point. Au lieu du Paris noctambule, il montre le Paris des ouvriers, des employés se levant tôt pour le travail ; lès grandes usines où on ce travaille dans » l'automobile, l'aviation, l'alimentation. Et quand on aura constaté avec lui la situation difficile des travailleurs de toute classe, —: ce sont ceux-là qui ont créé l'essor industriel et économique du Paris d'après-guerre, et ce sont ceux-là les vrais Parisiens qui comptent —'■ avant de. parler de la ce Babylone moderne », on se mordra la langue en pensant au bon livre de M. Gontard. — Léon PRIEUR, Dante et l'ordre social, le droit public dans la Divine Comédie, préface de Mgr Baudrillart, in-16 de 280 p., Perrin, 1920, 8 fr. Ces pages, qui reproduisent des conférences données à l'Institut catholique de Paris, d'avril à juin 1921, étudient La Divine Comédie à un point de vue particulier et original. Italianisant et juriste de valeur, l'auteur montre que Dante avait médité et approfondi les principes essentiels, de l'ordre social, tels que les conçoit la doctrine catholique et tels que les avait formulés Saint Thomas d'Aquin. M. Prieur nous apprend à mieux connaître à la fois et le chef-d'oeuvre du grand Florentin, et la doctrine sociale de l'Eglise. Double avantage, dont ses lecteurs lui seront reconnaissants. — Achille VIALLATE, L'Impérialisme économique et les relations internationales pendant le dernier demi-siècle (1870-1920), in-18, x-3i6 p., Colin, 1923, 8 fr. L'expansion industrielle des plus puissantes nations d'avant-guerre favorisa l'éclosion de monopoles financiers : à ce régime économique, on donna le nom d'impérialisme. La guerre a bouleversé l'équilibre. Revient-il à l'impérialisme économique de conjurer cette crise, ou faut-il donner plutôt confiance à un internationalisme économique, dans lequel les intérêts de chaque nation se solidariseraient ? Voilà tout, le problème étudié par M. Viallate, qui accorde ses préférences au second régime : mais il sait reconnaître les difficultés entravant sa réalisation actuelle. Tous ceux qui auront pris soin de rafraîchir leurs notions de droit, aborderont aisément la lecture d'un livre dont les aperçus opportuns sont loin d'être négligeables à notre époque.

XII. — Livres de guerre et d'après-guerre.

Paul COLIN, Allemagne (1918-1921), in-12 de. 286 p., Rieder,


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1923, 7 fr. Le livre est choquant, exaspérant : écrit par un belge qui connaît l'Allemagne et lui a gardé ses sympathies, il ne parvient pas à rester objectif, comme il en a pris l'engagement dans sa préface. Malgré tout, il expose sur l'Allemagne intellectuelle et scientifique, des vues si précises, que les dirigeants y prendront un réel intérêt et des sujets de réflexion. C'est à ce titre que nous le signalons. — Général A. I. DENIKINE, La Décomposition de l'armée et du.pouvoir, iri-8, 344 ]?■> Povolozky, 1923r 20 fr. L'histoire de la révolution russe s'enrichit d'un documentnouveau et important avec l'oeuvre de ce général, qui commanda l'armée russe sous le tsar et sous le gouvernement provisoirependant la guerre mondiale, comme commandant en chef de l'armée volontaire. Il élabora son travail en exil, et malgré une carence complète d'archives, il rassembla une documentation suffisante pour nous faire suivre pas à pas l'armée russe". Il la montre dans sa force impérialiste d'avant-guerre. Puis il étudie son attitude à l'annonce de la révolution, la part qu'elle y prend, la désagrégation de ses ressources morales, son effondrement final. Vous trouverez peut-être excessif d'acheter cette simple page historique vingt-cinq francs ? Oui, mais le texte s'illustre de nombreuses photographies hors-texte des plus curieuses, qui en accroissent la valeur. — Lucien DETREZ, L'Agonie de Bailleul, (1914-1918), in-8, 125- p., 4o cartes et illustrations hors-texte, Ficheroulle, éditeur, Grand'PIace, Bailleul (Nord), 1923, 8 fr. 5o. Qui connaît Bailleul ? Le communiqué a pourtant cité plusieurs fois, au cours de la guerre, cette petite cité demeurée jusqu'en juillet igi4 archaïquement flamande, et dont il ne reste aujourd'hui que des ruines. Un coin de France, une page de la guerre : après tout, vous pensez, n'est-ce pas, que les oeuvres du même genre foisonnent ! Laissez-vous tenter encore. Lisez l'histoire de Bailleul, occupé une première fois en igi4, repris et servant de pivot à la résistance anglaise jusqu'en 191S, où bombardé, pilonné, il retombe pour quelques mois, aux. mains des Boches. M. Lucien Detrez, un enfant de Bailleul, a su sauvegarder, parmi le détail des opérations militaires, la physionomie de la petite ville de province supportant gaillardement occupations, raids aériens, bombardements et évoluant lentement sous l'influence des diverses ambiances. Les gravures, photographies, reproductions de tableaux parmi lesquels trois Pharaon de Wynter très expressifs, s'harmonisent au texte. L'Agonie de Bailleul marque dans lé réveil de nos provinces dévastées. un regain d'activité intellectuelle dont nous ne pouvons pas nous désintéresser : et la signature de M. Detrez, dont nous avons déjà analysé ici plusieurs ouvrages suffit à nous assurer encore un tableau d'une touche sobre, tracée à grands traits réguliers, une ce nouvelle fresque à la Flandrin » ainsi qu'avait été qualifiée son Hécatombe sacrée de la Flandre française. —' Marcel GILLARD, La Roumanie nouvelle : là société roumaine et les minorités ethniques, la crise économique, l'évolution politique, in-12, 216 p., Alcan, 1923, 9 fr. Ne nous désintéressons pas de la Roumanie d'après-guerre, aux frontières élargies. L'Orient, comme le prouve la situation sociale, politique, économique de la Roumanie actuelle, reste un danger pour l'Occident ; et ce petit livre sobre et consciencieux expose vigoureusement cet état de choses. — Ambroise GOT, L'Allemagne à nu, in-12 de 260 p., La Pensée française, 37, rue Falguière, 1923, 6 fr. 5o. M. Got est un spécialiste des choses


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'd'Allemagne, qui a publié sur nos voisins de l'Est une demidouzaine de. ^olumes depuis la guerre. Celui-ci, écrit en grande partie avant l'occupation de la Ruhr,'n'en est pas moins d'un vif intérêt, et peut nous aider beaucoup à mieux apprécier les idées, les . désirsj les réelles difficultés aussi, de l'Allemagne actuelle, L'ensemble est touffu, et il n'y faut pas chercher l'élégance du style ; mais les renseignements y sont nombreux et précieux. Un trop long chapitre sur les moeurs contre nature et l'incroyable impudence de ceux qui s'y adonnent, doit faire strictement réserver l'ouvrage aux lecteurs d'âge mûr et d'esprit formé.' — L..-H. GRONDYS, La Guerre en Russie et en Sibérie, aAranl-propos de Maurice Paléologue, préface d'Emile Ilaumant, in-8, 574 p., Bossart, 1922, 33 fr. Que sait-on sur la Russie de 1917, sur la chute du tzarisme et la désagrégation des armées russes ? Peu de choses. Grâce à son carnet, de route, M. Grondys, ]irofessèur hollandais, ..qui fut correspondant de guerre successivement, en France, en Russie, en Sibérie, nous livre sur ce coin de l'histoire des détails d'une vérité attachante. Enrichi de photographies, son document a la force d'un récit vécu. — R. P. Michel d'HERRIGNY, S. J., président de l'Institut pontifical oriental à Rome, La. Tyrannie soviétique et le malheur russe, 260 p. in-12, éditions Spes, 17, rue Soufflot, ig'i3, 8 fr. Rien de plus tragique, de plus angoissant, de plus tristement actuel, que les problèïnes étudiés dans ce livre par un spécialiste dont la compétence est universellement reconnue. Comment le bolchevisme peut-il durer ; la famine ; les réfugiés ; les mouvements religieux parmi les Russes depuis l'avènement du bolchevisme ; l'aide £>ontificale aux affamés de Russie ; telles sont Jes cinq questions auxquelles le R. P. d'Herbigny consacre cet ouvrage. Inutile de faire ressortir, leur importance ; chacun devine l'intérêt et l'actualité de ce travail, que, nous engageons tous nos lecteurs à répandre. Savoir et faire connaître la vérité sur le bolchevisme est aujourd'hui un devoir social ; savoir et faire connaître l'effort du Saint-Siège pour secourir un peuple affamé, c'est contribuer à une besogne apologétique' ; savoir cl faire connaître l'état religieux du peuple russe, attirer vers lui des prières et des secours temporels et spirituels, c'est pratiquer à la fois la charité et le zèle. L'ouvrage du R. P. d'Herbigny est donc aussi bienfaisant, qu'intéressant à lire. — Edouard HERRIOT, La Russie nouvelle,, in-8, 3o2 p.; Ferenczy, 1923, 8 fr. La l'évolution russe est terminée ; Lénine, Trolski . et Cie, après la malheureuse tentative du communiste, reviennent insensiblement a 11 droit de propriété et au régime capitaliste. Mais la nouvelle Russie convalescente a besoin d'appuis financiers : ouyre ta bourse, brave France... Ce.tableau optimiste n'est pas de mon crû, mais le témoignage impartial du député-maire de Lyon. Oh! ce ce fin lettré » est sincère : il ne dit que ce qu'il a vu. Malheureusement, M. Herriol, radical-socialiste, maire, etc...,, a vu la Russie entre son sleeping, l'hôtel où il est descendu et l'oeil... américain des délégués-policiers russes. Au total, il connaît la Russie un peu plus que .vous et moi ne connaissons la Patagonie d'après. l'Atlas, le guide Michelin et le Larousse: illustré! — Colonel HC-USE et Charles SEYMOUR, Ce qui se passa réellement à Paris en 1918-1919, histoire de la conférence de la paix par les Américains, in-8 de 348 p., Pavot,- 1923, i5 fr. L'ou-.- vrage, -malgré l'apparence confuse qu'il présente, garde un intérêt exceptionnel : écrit avec sincérité, avec vivacité, avec pittoresque, et avec une grande abondance d'informations, il donne,


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non seulement le point de vue américain sur ces épineuses questions, mais des aperçus qu'il n'est pas permis d'ignorer, quand on aborde cette phase de l'histoire. — Général MANGIN, Des Hommes et des faits, in-16. de 270-x p.. Pion, 1923,' 7 fr. Aux yeux du public, jamais le général Mangin n'aura eu à se réhabiliter. Mais la disgrâce dont il fut victime l'autorisait à parler de sou oeuvre de guerre. En nous parlant de Hoche, Marceau,, Napoléon, Galliéni, il trouve dans leur vie des épisodes utiles à sa propre défense. Voilà pour les hommes. En retraçant les rudescombats de la Marne, de Verdun, de la délivrance de Laoïi,. voilà pour les faits, il relève discrètement mais nettement les jalons de son histoire héroïque. M. Painlevé apparaît à la fin de l'ouvrage, et le général Mangin, de son oeil froid, le regarde, puis lui dit son fait. Si l'histoire de votre pays vous intéresse, lisez ces pages. II faut savoir comment un chef de la trempe de Mangin a été injustement brimé, et combien il en a souffert. — Paul JPILANT-; Le Rôle du général Galliéni (août-septembre 1914), collection ce Documents et témoignages contemporains » publiée sous la direcLion de Jean de Pierrefeu, in-18 Jésus, 129 p., La Renaissance du Livre, T923, 4 fr. 5o. Quelques journées, les plus inquiétantes d'août et de septembre i'gi4, tiennent en ces pages dont le général Galliéni est le héros. En douze chapitres, nerveusement menés et bien documentés, d'une lecture facile, le lecteur croira revivre ces heures historiques. — Léon PINEAU, recteur de l'Académie de Poitiers, Pour vaincre dans la. paix, allocutions de guerre et d'après-guerre, in-8 de 288 p., Rloud et Gay, 1923, 10 fr. M. Pineau est un patriote fervent, et ses discours académiques ont généralement pour thème les gloires et les droits de la patrie. Thème traité avec sagesse, érudition et chaleur. On trouvera en particulier dans ce volume des citations très caractéristiques empruntées aux auteurs allemands, aux généraux, aux industriels, au Kaiser lui-même, et qui nous remettent en mémoire les principes et les méthodes de la Kultur. Aujourd'hui que les agresseurs de naguère veulent faire figuré de victimes, il est utile d'empêcher un oubli trop rapide de ce que nous avons vu et entendu. Il ne s'agit pas d'ailleurs de fomenter des haines néfastes,, il s'agit de rappeler la vérité, afin de; travailler au règne de la justice. L'ouvrage de M. Pineau peut y contribuer efficacement. L'officielle neutralité en a banni à peu près toute allusion religieuse. — A. POIDEBARD, Au carrefour des routes de Perse, in-16 de vr-326 p., illustré de 12 planches et de 8 cartes, Crès, 1923, 8 fr. On trouvera dans cet ouvrage, dont plusieurs chapitres ont paru dans les Etudes en 1920, non seulement des descriptions pittoresques et des observations économiques ou historiques, mais la clef de tous les problèmes qui s'agitent aujourd'hui autour de l'Asie. C'est assez dire l'intérêt et le profit que les hommes réfléchis prendront dans cette lecture. — Firmin ROZ, L'Amérique nouvelle : Les Etats-Unis et la guerre, les Etats-Unis et la paix, ih-18 Jésus de 288 p., Flammarion, 1923, 7 fr. 5o. Etude de la société américaine, et des partis qui l'ont engagée partiellement, et momentanément, dans une politique d'isolement. Un aperçu encourageant sur les progrès de l'idée religieuse en Amérique rend le livre doublement intéressant.

XIII. — Théâtre d'oeuvres.

DRAMES POUR JEUNES GENS. . L. BOILLTN, Le Martyre de Jeanne d'Arc, drame en 3 actes,


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en prose, n personnages, plus des figurants, Besançon (Doubs), Imprimerie de l'Est, i fr. 5o. L'auteur a prudemment circonscrit lç sujet. Au lieu de tableaux plus ou nioins décousus, il nous met sous les yeux les derniers interrogatoires de la Sainte ; et tout ce qui, dans le dialogue, est conforme à la vérité historique, est extrêmement émouvant. Quelques coupures, dans le reste, et surtout dans les longs monologues que se permettent divers personnages seraient bienfaisantes, et feraient de cette pièce un spectacle original et pathétique, — Théodore BOTREL, Notre-Dame-Guesclin, drame en 3 actes, 17 personnages, Roulord, i5, place du Temple, Niort (Deux-Sèvres), 3 fr. On a bien fait de rééditer cette pièce, où le grand guerrier breton est dignement célébré par un compatriote. Du Guesclin revient d'Espagne ; une apparition de Roland arrête un assassin qui allait le tuer, et engage le noble soldat à se dévouer au salut de la France menacée. Bertrand, tout enflammé par cette voix, entraîne ses compagnons d'armes. Beaucoup plus lyrique que dramatique, la pièce n'est pas très mouvementée ; mais elle est écrite avec une verve, ■ un élan, une ardeur patriotique qui en font un spectacle des plus •émouvants. Joué avant la guerre, à une époque où chacun sentait que la France aurait besoin bientôt de tous les Français, ce drame n'a pas iierdu, hélas, cette triste actualité. Raison de plus pour lui faire bon accueil dans les collèges et les oeuvres. — Henri GUESDON et Jean LASSUS, La Conversion de Faust, draille en un acte, sans droits d'auteur, et en vers ; 3 hommes, 2 enfants de 12 et 9 ans, Paillard, '5i, boulevard Raspail, Paris, 1923, saris indication de prix. Reprendre la légende de Faust après Goethé, Gôuiiod et tant d'autres, est d'une belle audace. Mais cette fois encore, selon le -mot de Virgile, la fortune a aidé les - audacieux. MM. Guesdon et Lassus, en vers corrects et harmonieux, nous montrent un vieux Faust décidé à en finir avec la vie, résistant brutalement,aux prières et aux efforts d'un moine austère, mais se laissant attendrir par l'innocence de ses deux 'petits-enfants. Finalement, il est amené par eux au repentir et échappe ainsi à Méphistophélès. Cette variante .chrétienne de 'Faust est écrite avec talent et elle, aura certainement du succès dans les collèges et les oeuvres des villes.

'. 2° COMÉDIES POUR JEUNES GENS. ....

Eugène BOULY'de LESDAIN, Le Déjeûner de garçons, un,acte, . 7, personnages, 2'fr. 5o ; Les Tribulations du marquis de la Gre. nouillère, un acte, 7 personnages, 2 fr. ; Les Brigands invisibles,

un acte,-8'.personnages, 2 fr. ; Don Quichotte, 3 actes, 9 person. nages, 3 fr. ■; Monsieur l'Inspecteur, un. acte, 7 personnages,

1 fr. 5o*; La Chasse aux ortolans, un acte, 3 personnages, o fr. 70. ; ■■Le. Chat:-de' la mère. Michel, pantomime, un acte, 6 personnages,

2, fr. 20 -; Le Violon de Stradivarius,, un acte, 3 personnages,

1 fr. 60 ; Les Oreilles de Midas, un acte, 8 personnages, 2 fr. 5o ; L'Homme rouge, ou un Poisson d'avril, un acte, 7 personnages. ,-2-fr.- ; chez-Coisel,' 19, rue Saint-Pierre, à Béauvais (Oise). Toutes ces pièces sont connues de longue date dans les oeuvres-; depuis si" longtemps même qu'en bien des endroits elles auront le charme de la nouveauté. Elles ont du mouvement, et l'intrigue y est assez bien menée .; ne leur demandez d'ailleurs ni style, ni psychologie. La plaisanterie y est abondante, plutôt que fine ; avec quelques coupures, car il y a des longueurs, on trouvera là un répertoire bien fourni, qui. apportera,. aux jours de mardi-


LÉS MEILLEURES NOUVEAUTES

gras et de kermesse, une joie copieuse aux auditoires de faubourg ou de campagne. ■— Justin CHABOT, L'Affaire du .tuyau de poêle, comédie-bouffe pour écoliers, 7 rôles principaux, figurants ; au Bon Répertoire, i5, rue des Ecoles, Paris, 5°, 1921, 1 fr. 5o. Petite pièce assez, joyeuse, où des écoliers .s'amusent à jouer au tribunal et au voleur, et se font pincer par le maître. Le dialogue est naturel, et la pièce peut amuser dans un patronage. — Géo NOTTALE, Noël d'Alsace, conte lyrique en un acte, 9 hommes et quelques enfants ;' Le Petit bosco, un acte, 5 hommes et des enfants ; Le Noël des petits bûcherons, un acte, 8 hommes ou enfants ; Le Vieux maître, un acte, un homme, une femme, 6 enfants. Ces quatre pièces sont éditées par le Patronage S. Thomas d'Aquin, 9, rue des Ormeaux, Le Havre (Seine-Inférieure). Elles sont charmantes de verve et d'émotion. La première met en scène le retour d'un poilu au pays, de façon ingénieuse et touchante ; la seconde, courte et dramatique, expose le dévouement d'un enfant pendant la guerre ; la troisième reprend le thème de la première d'une manière gaiement originale ; enfin, la dernière conte l'aventure d'un maître d'école auquel ses élèves veulent jouer de mauvais' tours ; mais ils se repentent en apprenant ce que le vieil instituteur a fait pour eux, et obtiennent vite leur pardon. Courtes, vives, d'allure franche, et directe, ces petites pièces plairont assurément aux auditoires populaires et nous les recommandons aux directeurs de patronages. ■— Georges VILLARD, Bêche ou le Savetier philosophe, comédie en un acte, en vers, 3 hommes., Lesot, 10, rue de l'Eperon, Paris, 1923, sans indication de prix. Bêche, savetier, a reçu d'un financier avare une fortune ; il en rend la moitié, à condition que l'Harpagon sache combattre son vice. Historiette plutôt bizarre, car on ne conçoit guère un avare se dépouillant ainsi. Mais les vers de M. Villard sont charmants, et d'une fantaisie gracieuse qui fait songer à Rostand.

XIV. — Divers.

Paul DOUMER, Le Livre de mes fils, nouvelle édition (la iro en 1905), Vuibert, 1923. C'est, écrit Le Temps (12 juin 1923), ce le traité de morale, tel que l'enseignent nos maîtres d'école, un catéchisme laïque impératif et doctrinaire. On y trouve toute une religion... Dieu seul en est absent... » Voilà qui est dit : quelle que soit l'inspiration de noblesse, de vaillance, de patriotisme, de vertu même dont ce livre est rëhipli, il reste vide aux yeux du chrétien. — HENRI-ROBERT, L'Avocat, in-16, Hachette, collection ce Les Caractères de ce temps », 1923, 5 fr. L'avocat? Le portrait qu'en trace, à la fine manière d'un La Bruyère, M° Henri-Robert, plaira aux délicats. Il ne suffit plus à . ce jeune docteur en droit qui se présente au barreau d'un plaidoyer enflammé : l'avocat moderne explore toutes les branches dés connaissances, toutes les techniques dont les secrets lui fourniront des arguments souvent décisifs. Et Me Henri Robert nous ouvre passage au Palais à travers la cohue des jours de référés, ou d'audiences de la première chambre. L'avocat fiévreux dont la journée est morcelée, encombrée, sort, met la dernière main à l'élaboration d'un autre dossier, se- rend à Saint-Lazare, ou à la Santé. Parfois le grave magistrat se cache sous les dehors gracieux d'une femme... Et les portraits défilent, avec légèreté, clarté, discrètement nuancés d'ironie,- en tous cas


554 LES - MEILLEURES NOUVEAUTÉS

si particuliers, si nouvelle école qu'on viendra- en foule à ce salon de Me Henri-Robert. — G. de LAMARZELLE, Renan, Reaur chésne,. ig&3, 1 fr. 5o. Cette brochure reproduit le discours prononcé au Sénat par le grand orateur catholique : elle rnontre par des citations authentiques ce. qu'était Renan, comme homme politique, comme patriote et comme blasphémateur de JésusChiist. — Gharles RïCHET, Le Savant, in-16, Hachette, collection ce Les Caractères de ce temps », 1923, 5 fr. Voilà le premier bijou d'une collection qu'on annonce sans grands sons de trompe, mais qui fera pourtant son petit effet. Toute la société moderne doit y passer : H. Bordeaux préparerait Le Paysan, l'abbé H. Bremond Le Prêtre, et M. Richet ouvre le feu avec Le Savant. Qu'estce qu'uii savant ? Devant la galerie, Ch. Richet en trace le portrait, les manières, et les habitudes de vie., les méthodes de travail, et tout bas, on dirait qu'il ajoute : ce Comme moi... » qu'il se mette en scène? Non, puisqu'aveo un peu de pénétration, vous devinerez l'identité des personnages qui ont posé pour ses quelques silhouettes. Et en somme, la finesse de ses anecdotes comme l'exactitude de ses observations scientifiques sauvent M. Richet de cette mesquinerie. Et puis, comme la conclusion tourne au plaidoyer en faveur des savants, nous ne saurions rester sourds .à son invitation. — F. SOENENS, Les Edifices du culte et leurs conceptions nouvelles, i4o p. in-8, imprimerie Delannoy-Flipo, 81, Grande-Rue, à Roubaix (Nord), 1920, 5 fr. Un remarquable petit livre, qui fait réfléchir. Il étudie la Construction et le style des églises, rappelle leur triple but : elles sont des lieux de réunion, de spectacle et d'enseignement. Quelques pages sont encore consacrées à ce l'architecture et la collectivité chrétienne », et émettent sur ce sujet de très sages et opportunes suggestions. Architectes, prêtres, donateurs, auront grand profit, à lire ces pages, toutes pleines de bon sens, et auxquelles la reconstruction de tant d'églises donne une pressante actualité. —- Un Cardinalat. Documents et discours relatifs au Cardinalat de S. E. le Cardinal Touchel, évêque d'Orléans, in-16 de 110 p., Lethielleux, 1923, 5 fr. 45 franco. On trouvera dans ce petit livre les détails les plus circonstanciés sur tout ce qui a rapport au cardinalat de l'émiiient évêque d'Orléans : communiqué des Vicaires Généraux, discours du Saint-Père, félicitations adressées au nouveau cardinal, réponses de celui-ci, description des diverses cérémonies de Rome, ce. remise du billet », ce imposition de la barette, de la mozette, du- chapeau », retour à Orléans, réceptions diverses, etc. Tous ceux qui onT applaudi à la distinction conférée par le Pape au champion de Jeanne d'Arc, se réjouiront d'apprendre avec quelle joie unanime la nouvelle en a été reçue partout.

XV. — Surchoix d'ouvrages pour les bibliothèques et les familles.

Confessions de Saint Augustin. — Chanoine Crampon, La Sainte Bible. —'. Abbé F. Dubois, Le Problème religieux. — Princesse de Sayn-Wittgenstein, La Vie chrétienne. — Abbé Texier, Méditations pour les jeunes, en vacances. — G. Goyau, Saint Pierre. — G. Ledos, Saint Pierre Claver. — Les Meilleures pages de Mgr Dupanloup. —■ André Hallays, -En flânant à travers la France. -— Dante, La. Divine comédie, traduction Pératé. — A'. Retté, Léon Bloy. — Vega, Les Présences invisibles. — Paul Bureau, La Science des moeurs. — Henri-Robert, L'Avocat.


Notre Souscription

de Propagande

..-.Il y a aussi les procès. Et de fait, nous avons deux procès :. l'un, en correctionnelle, et l'autre, au tribunal civil.

On nous réclame d'une part, 5o.ooo francs ; et d'autre part, 100.000 francs. -,

' La plupart de nos lecteurs comprendront tout de suite le rapport qui existe entre nos procès et notre souscription. Quelques uns ne comprendront pas.

Nous n'avons donc pas à insister. Ceux qui ont compris, ont compris. Et il serait superflu, voire même impertinent, de leur donner des explications.

Quant à ceux qui n'ont pas compris, il serait vain, et sui'toul impertinent de chercher à les persuader : ils ne comprendront jamais.

Trêve de paroles. Tout le monde versera selon ses moyens, à notre souscription de défense nationale.. ;

LISTE ARRÊTÉE LE 3o JUIN rg23

Mlle M. V., à Béziers, 4 fr. — M. B., Deux-Sèvres, 4 fr. — Mme O., à Paris, 8 fr: — M. l'abbé IL, à Puzieux, 3 fr. 5o. — Un abonné polytechnicien, io fr. — M. l'abbé B., à Motez, 3 fr. 35. — R. P. D., à Mons, 5 fr. — Mme L., à Renaix, 23 fr. 6o. — Un abonné de Paris, 200 fr. — M. F. G., à Lyon, go fr. J— Un Auvergnat, i5 fi-. — M. l'abbé R., à Longuyon, 10 fr. — Mme P., à Coudres, 4 fr. — Mlle F., à Tours, 10 fr. — Anonyme, 2 fr. — M, et Mme J. M., à Lille, 5 fr. — M. de la

J., à Bordeaux, 10 fr. Anonyme, à Troyes, 6 fr. — S. et M.,

à Lyon, 5 fr. — Anonyme, 1 fr. — Mme I. F., à Lille, 5o fr. — M. le Comte de V., à Paris, 20 fr. — Mme H. G., à Paris, 5 fr.

— M. de. M., à Paris, 10 fr. — Anonyme, à Blois, 2 fr. — Mlle M. P., à Bordeaux, 5 fr. — M. le Dr D., 5 fr.. — Anonyme, 2 fr.

— Famille chrétienne, 25 fr. — Anonyme, 100 fr. —Mlle S. J., à Lille, 5 fr. — M. l'abbé A. B., à New-Bedford, 80 fr. — Une jeune fille, à Lille, 34 fr. — Mgr S., à Kati, 4 fr. — M. D.,'à Nancy, 4 fr. — Mme B., à Nantes, 2 fr. — Anonyme, ce pour votre, souscription 'si ardue », 100 fr. — Mlle M. S. L., à Québec, 10 fr. — M. P. L., à St-Pourçain, 4 fr- — Un groupe d'élèves ; prélèvement sou par sou sur leurs friandises, 5 fr. — D; T., Tunis, 20 fr. -— Mme C, à Uzemain, 5 fr. "— M. R. L., à Bondeville, 4 fr.

Total de la quarante-sixième liste : fr. . 1.000 45

Total des listes précédentes : 79.561 i5

J ■ . Total : 8o.5gi 60


PETIT COURRIER

Les personnes qui nous écrivent et nous demandent une réponse sont priées de vouloir bien : 1 ° signer leurs lettres;-2° écrire lisiblement leur nom; 3° indiquer leur adresse complète. Faute de ce. minimum de renseignements, nous ne pouvons pas, malgré toute notre bonne volonté, répondre à leurs questions, si importantes et si urgentes qu'elles soient.

Les correspondants et correspondantes qui connaissent le prix du temps portent Vamabilité jusqu'à ajouter à l'indication de leur ville l'indication du département. Cette obligeante et délicate attention nous dispense de: 1° chercher à déchiffrer le nom du département qui devrait être imprimé par la poste sur le timbre, mais qui reste toujours indéchiffrable quand on a besoin de le connaître; 2° de recourir à l'employé chargé du fichier des abonnés 'et qui d'ordinaire a tout autre chose à faire; 3° de consultef le dictionnaire des communes qui indique parfois dix ou vingt communes du même nom et nous jette ainsi dans un embarras de plus; 4° enfin de nous forcer nous-mêmes à avouer que nous ne savons plus ce qu'on nous a appris de géographie, alors que nous fréquentions l'école primaire; etc.

a3. — Une idée que peut-être vous pourriez suggérer à vos lecteurs : je laisse des exemplaires du tract sur les illustrés pour enfants dans tous les lieux publics où je passe, gares, métro, trains, salles d'attente, etc., etc., de façon qu'ils soient ramassés, naturellement. -

R. — L'idée nous paraît très bonne ; elle paraîtra .même très bonne à tous nos lecteurs. Mais vous savez qu'il y a loin de l'idée à l'acte, au moins quand ce sont les gens de bien qui doivent y aller.

Très bien, très bien, votre idée, diront M. et Mme Untel, traduisant en français le Video meliora proboque du poète latin. Mais si vous leur proposez de poursuivre l'idée, ils invoqueront mille et une raisons pour la laisser tomber dans Vin pace où s'entassent, après avoir été applaudies, acclamées, approuvées, toutes les bonnes idées, les bonnes intentions, les bonnes résolutions qu'ont émises les hommes et les femmes depuis plus de six mille ans,


PETIT COURRIER

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Dieu merci, il se trouve, parmi nos lecteurs, des personnes qui ne tiennent ni d'Ovide, ni de la famille Untel. Celles-là nous demanderont des tracts et les répandront.

24. — La réception de la Revue des lectures qui m'a causé le plaisir habituel m'a fait penser à deux choses : la première de vous envoyer de quoi alimenter la souscription en renouvelant le petit billet d'il y a quelques mois. La seconde de vous faire part d'une triste expérience personnelle.

La voici : me trouvant dans une grande gare à Paris avec mes enfants et devant des ce illustrés », il s'agissait de choisir. Je me souviens de l'affiche indiquant les bonnes et mauvaises publications, mais ma mémoire n'est guère fidèle, tel et tel illustré est-il bon, médiocre ou mauvais (car les très bons que je connais ne sont pas légion et mes enfants y sont abonnés) ? Dans l'incertitude, il me semble me souvenir que le Petit illustré est bon ou passable, nous l'achetons... et le. lendemain je vois sur l'affiche qu'il ne brille pas à la bonne place. Je suis fort marrie de mon manque de mémoire, j'ai peur que d'autres personnes me ressemblent quelque peu. ,

Ne serait-ce pas possible par les comités de presse de Paris de faire accepter- par les tenancières, une petite affiche faisant réclame de la part de la Revue des lectures pour les illustrés honnêtes pour enfants en commençant par les plus chrétiens, mais sans indiquer cette nuance. Naturellement, on ne parlerait pas des mauvais, les personnes chrétiennes sauraient par là à quoi s'en tenir et cela n'offusquerait pas les autres, ni la marchande qui ne serait peut-être pas fâchée de voie une pciile réclame pour ses livres. Je sais que mon idée peut avoir des objections. mais je vous la soumets tout de même.

On a parlé de la Revue des lectures au Congrès de la Ligue patriotique des françaises, à X, le 10 avril, une personne a dit toute l'aide qu'elle en reçoit pour une bibliothèque populaire. J'ai été heureuse d'entendre nommer la revue dans cette assemblée devant un vicaire général. ' •

R. ■— Voilà une lettre excellente. Il est excellent de.renouveler la souscription ; il est excellent de recommander'la revue dans les congrès... Ce qui serait excellent aussi, ce serait de réaliser l'idée suggérée par notre correspondante : renseigner les gérantes de bibliothèques, et leur suggérer des moyens d'activer leur vente tout en pratiquant l'apostolat.

Nous nous engageons à faire faire, par l'un de nos voyageurs, les démarches nécessaires dans le courant de l'année et nous garantissons le succès... Nous commencerons la campagne aussitôt que nous aurons trouvé un voyageur. Nous le trouverons demain, si demain nous avons de quoi le rétribuer...

2'5. —Je voudrais savoir si je peux reproduire vos articles dans h journal hebdomadaire que je dirige, etc., etc.

R- — Mais, mon cher confrère, c'est tout naturel, ce que vous demandez là. Voyons, j'ai creusé à grands frais un puits, non pas pour mon usage, mais pour obliger mes frères qui mouraient de soif. Et vous me demandez si vous pouvez y puiser pour l'alimentation de vos parents, amis et clients. A quoi pensez-vous donc que mon puits doit servir, s'il ne vous sert pas?


558 • PETIT COURRIER

Vous me direz peut-être que le propriétaire du puits voisin et d'autres propriétaires de.puits ne sont pas si accommodants, qu'il y faut la croix et la bannière pour obtenir un peu d'eau.

C'est que sans doute ces Messieurs, lorsqu'ils ont décidé de creuser un puits, ont surtout pensé.à eux-mêmes et qu'ils entendent n'abandonner aucune goutte d'eau, sans en tirer profit pour eux-mêmes. C'est leur droit, n'est-ce pas? Tout propriétaire a le droit de disposer de son bien. Je revendique ce même droit et je dispose de mon bien pour les autres. Puisez donc, mon cher confrère, puisez à pleines pages.

Une victime du cinéma

•Devant la cour d'assises de Bruxelles, présidée par M. le conseiller Steyaert, comparaissait le jeudi i5 février 1923, un jeune bandit, Louis Chops, natif des environs de Louvain, qui a assailli au bois de Moerdael, près de Blanden, le malheureux vieillard Lemmens, domicilié à Forest, et le dépouilla de sa montre.

L'accusé ne nie pas les faits, mais prétend qu'il a voulu imiter ce Nelly », le héros d'un drame du cinéma, ainsi'que Cody. Il reconnaît qu'il lit des romans à sensasions. Il n'a pas voulu tuer sa victime, mais la voler et la faire tomber en syncope...

La Cour condamne l'accusé à quinze ans de travaux forcés et à i5.ooo francs de dommages-intérêts. (La Libre Belgique, 16 février ig23).

Il faudrait des livres pour les hommes

Chaque mois, des milliers d'industriels et d'ingénieurs viennent de toutes les provinces de la France passer, quelques jours à Paris jiour leurs affaires. Et chaque mois, ceux que je rencontre me posent la même question : ce Quels--livres faut-il acheter? » J'ose affirmer qu'il n'est pas facile de répondre... Et ces acheteurs repartent, munis à peine d'un ou deux volumes, et n'ayant pas dépensé pour les livres la moitié de ce qu'ils auraient voulu dépenser. J'estime que le marché des lettres perd ainsi des millions.

Il y a donc un hiatus béant entre l'offre et la demande, Une contradiction paradoxale entre l'apparente surproduction littéraire et la famine de lecture qui se manifeste dans le public. Or, ce phénomène ne s'explique, encore, que par la violation des lois économiques sur le marché littéraire. Car, en économique, s'il ne peut y avoir déséquilibre entre l'offre et la demande, il ne peut y avoir hiatus, et surtout il ne peut y avoir à la fois surproduction et disette puisque la production est essentiellement orientée vers la demande. L'analyse économique de la crise nous impose, par conséquent, cette conclusion qui touche la fibre la plus délicate des écrivains et des artistes : à savoir qu'apparemment du moms, la production ne répond pas en qualité à la demande. Sous l'influence d'un préjugé commercial, qui est une erreur économique, de trop nombreux auteurs français n'écrivent que pour la femme. (Lucien ROMIER, L'Opinion, 2/1 novembre 1922, pp. 939-940).


L'AImanach de la Lecture pour 1924

A PARU

Déjà ! L'AImanach de la. lecture pour 1924 a paru.

D'autres ont paru avant lui : mais ces autres, qu'ils s'adressent aux adultes ou à la jeunesse, ne doivent pas trouver place dans les familles, parce qu'ils sont licencieux ou abêtissants.

Alors, les familles seront-elles privées de leur almanach ? Non. Car nous y avons j>om*vu, en publiant dès maintenant l'Almanach de la lecture dont l'opportunité et l'importance sont ainsi suffisamment démontrées.

On voit donc le but que nous visons et que doivent chercher à atteindre avec nous tous ceux qui ne pratiquent pas le christianisme des bras croisés.

Du reste, notre almanach est facile à propager : non seulement parce qu'il est un almanach, mais parce-qu'il offre à. toutes les classes de lecteurs un divertissement abondant et de bon. goût.

Prix : 95 CENTIMES.

Par quantité, voici les prix :

par 6 exemplaires au moins, remise : 33 %

20 » » )> 4o %

ioo ■» » )> 5o %

Un colis postal de 3 kilos contient 48 exemplaires cl coûte 27 fr. 35 net, plus 1 fr. 4o de port.

Un colis postal de 5 kilos contient. 80 exemplaires et coûte 45 fr. 60 net, plus 1 fr. 90 de port.

Un colis postal de 10 kilos contient 160 exemplaires et coûte 76 fr. net, plus 3 fr. i5 de port.

(Pour l'étranger, tenir compte des différences de prix dans les ports).


Lisez, je vous prie, ces avis

I. Pour compléter nos collections. — Nous recevrons toujours avec reconnaissance et nous paierons à bon prix les numéros qui manquent à nos collections, c'est-à-dire les numéros du 1er semestre 1909 ; novembre 1909 ; juin, juillet, août, septembre, octobre, novembre 1910 ; les tables 1909 et 1910. ".-.

II. Notre service d'achats. — Ceux de nos abonnés qui n'ont pas de librairie à leur portée peuvent adresser leurs commandes de livres à nos bureaux de Paris, en indiquant l'auteur, le titre et l'EDITEUR. Ces commandes sont servies avec soin et rapidité.

Nous nous chargeons de commander les livres édités en province ; mais pour des raisons indépendantes de notre volonté, un délai de quinze jours et même d'un mois doit être prévu.

N. B. — Les services de la Maison du Livre français sont exclusivement réservés aux libraires et aux éditeurs. Les particuliers, les oeuvres et institutions, etc., perdraient donc leur temps à s'y adresser directement.

III. Correspondance. — Nous prions instamment nos lecteurs de : 1° n'adresser à M. Bethléem que les lettres rigoureusement personnelles ; 2° adresser aux bureaux de la Revue (sans nom propre), les lettres qui ne sont pas personnelles au directeur ; 3° écrire sur des feuilles séparées les diverses questions qui font l'objet de la correspondance, de manière qu'il y ait une feuille distincte pour les choses de la rédaction, une feuille distincte pour les choses de l'administration, etc. ; 4° envoyer un timbre pour la réponse, donner nom et adresse complète, dans chaque lettre.

IV. Deux avis essentiels. — 1° L'abonnement est payable d'avance ;-2° l'abonnement continue sauf avis contraire.