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Titre : Journal de la Société des américanistes

Auteur : Société des américanistes (France). Auteur du texte

Éditeur : Société des américanistes (Paris)

Date d'édition : 1929

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb343492856

Notice du catalogue : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb343492856/date

Type : texte

Type : publication en série imprimée

Langue : français

Langue : anglais

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Description : 1929

Description : 1929 (T21,FASC1).

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k57351079

Source : Bibliothèque nationale de France

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 20/12/2010

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JOURNAL

■ DE LA

SOCIÉTÉ DES AMÉRIGANISTES

DE PARIS

(RECONNUE D'UTILITÉ PUBLIQUE)

NOUVELLE SÉRIE — TOME XXI

(Fasc. I).

AU SIÈGE DE LA SOCIÉTÉ

61, HUE DE BUFFON', 61

1929


FEDERATION *

DES. "

SOCIÉTÉS DE SCIENCES NATURELLES.

Secrétariat général. :

M. J. Verne, Secrétariat de l'Association ■ Française pour l'Avancement des Sciences, 28, rue Serpente, Paris (6e).

I; — Faune de France, publiée par l'Office central de Faunistique. Volumes parus : Echinodermes, par Koehler, 50 fr.— Oiseaux, pai; Paris, 58 fr. — Orthoptères, par Ghopard, 30 fr. ■— Sipunculiens, etc., par Cuénot, 5 fr. 50. —Polychètes errantes, parP^. Fauvel, 60 fr. — Diptères ânlho-: myides, par E. Séguy, 1.00 fr.— Pycnogonides, par Bouvier, 12, fr. -—: Tipulid.es, par Pierre, 32 fr. — Amphipodes, par Chevreux et Fage, 65 fr. — Hyménoptères vespiformes I, par L. Berland, 55 fr. —Némàlocères piqueurs : Chironomidae, par Kieffer, 25 fr." — Némàlocères piqueurs : Simuliidae, Culicidae, Psychodidae, par E, Séguy, 22.fr. — Diptères brachycères, par Séguy, 55 fr. — Diptères p'ùpiparès, par Falcoz, 12 fr. 50. •— Diptères némàlocères : Chironomidae tanypodinae, par M. Goetghebuer, 18 fr. -— Polychètes sédentaires, par P. Fauvel, 75 fr. — Diptères brachycères : Asilidse, par E. Séguy, 35 fr.-'■— Diptères némàlocères : Chironomidae III, Chironomaria;, par M.-Goetghebuer, 32 fr. — Hyménoptères vespiformes II, par L. Bertrand, 36 fr. S'adresserau Secrétariat général de )a Fédération.

II. —■ Année Biologique. Comptes rendus des^ travaux de biologie générale. Abonnement annuel : France : 75 fr. ; Etranger : 100 fr. S'adresserau Secrétariat général de la Fédération. - •

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IV. — Bibliographie botanique, publiée par les Sociétés botanique et mycologique de France el'dislribuée avec les Bulletins de ces Sociétés. S'adresser à'ia Société botanique, 84, rue de Grenelle, Paris (7e).

V. — Bibliographie américaniste, publiée par la Société des Américanistes de Paris et distribuée avec son bulletin, le Journal de la Société des.Américanistes de Paris, 61, > rue de Buffon, Paris (5e). Abonnement : 60 fr.

VI. — Bibliographie géographique, publiée par l'Association des Géographes français, Institut de géographie de la Faculté des lettres de l'Université de Paris, 191, rue Saint-Jacques, Paris (5e).

PRINCIPAUX ARTICLES PARUS

DANS LES DERNIERS TOMES DU

JOURNAL DE LA SOCIÉTÉ DES AMÉRICANISTES.

TOME XVII (1925); xxi-509 p., 60 fr. ' _

Ti. LENOIR. Les fêtes de boisson en Amérique du Sud. — P. RADIN. The distribution and phonetics of the Zapolec dialects. — A. GUIMABÂES. OS Portuguezes na conquista do Novo Beino de Granada. •— E. B. RENAUD. Notes sur la céramique indienne du sud-ouest des Etats-Unis (1 carte) ; Fabrication de la céramique indienne du sud-ouest des Etats-Unis. — M. DE VILLIERS. Extrait d'un journal de voyage en Louisiane du Père Paul du Ru (1700). — G. NIMUENDAJÛ. As tribus do alto Madeira. — G. MONTEIX. Le




JOURNAL

DE LA

SOCIETE DES AMERICANISTES DE PARIS



JOURNAL

DELA

SOCIÉTÉ DES AMÉRICANISTES

DE PARIS

(RECONNUE D'UTILITÉ PUBLIQUE) NOUVELLE SÉRIE —. TOME XXI

AU SIÈGE DE LA SOCIÉTÉ

fil, RUE DE BUFFON, 61

1929


Copyright, 1929, by Société des Àméricanistes de Paris.


LA LOUISIANE

HISTOIRE DE SON NOM

• . ET DE SES

FRONTIÈRES SUCCESSIVES

(1681-1819) PAR LE BARON MARC DE VILLIERS.

PREMIÈRE PARTIE LE NOM DE LOUISIANE

CHAPITRE PREMIER ORIGINES DU NOM DR LOUISIANE

Cavelier de La, Salle et l'abbé Bernou.

Quelques amateurs d'étymologies historiques ont cru découvrir dans la formation du nom de Louisiane — écrit d'abord le plus souvent avec •deux N — une savante-association des prénoms de Louis XIV et d'Anne d'Autriche '. Malheureusement pour cette explication, vraiment trop ingénieuse, la Reine Mère s'éteignit en 1666, dans la retraite, et personne, quinze ans plus tard, ne pouvait plus songer à rappeler son souvenir en Amérique.

Le nom de Louis se prête d'ailleurs assez niai a la formation de nombreux dérivés, et iahe constitue simplement une désinence particulièrement sonore. Bougainville, quand il voulut baptiser un archipel voisin ■de la Nouvelle-Guinée en l'honneur de Louis XVI, dut se contenter de Louisiade, nom certainement moins euphonique.

L'orthographe de Louisiane resta longtemps fort incertaine. Cavelier

1. Encore tout récemment, la traductrice de Monsieur Motte, roman de Miss Grâce King, auteur bien connue par ses ouvrages sur la Louisiane, a indiqué très sérieuse•ment, dans sa préface, cette étrange étymologie.

Société des Américunisles de Pai-is. 1


2 SOCIÉTÉ DES AMÉRICANISTES DE PARIS

de La Salle écrivait Loaysiane ; le Père Hennepin imprima Louisiane et inscrivit même sur la carte d'un de ses ouvrages ; Louisiaene ; l Henry de Tonty et d'autres auteurs employèrent Louisianne ; enfin, quand les Conseils du Roi finirent, en 17 î 2, par admettre définitivement ce nom, presque toutes les Lettres Patentes et Arrêts, portèrent Louizianne, pendant dix ans. On trouve même, aux Archives du Ministère des Affaires Etrangères et dans celles des Colonies, divers Mémoires, pourtant très correctement rédigés, où les noms étranges de IJAlouisianne, ou de VAllouisiane, se détachent en belles majuscules.

Le géographe Homann, de Nuremberg 1 grava, sur plusieurs de ses cartes de l'Amérique, le nom savant de Ludoviciana, et le Pape Innocent XI accorda divers privilèges aux Récollets chargés d'établir une mission « in insulâ vulgo dicta Luisianâ in Américâ. »

Ce terme d'île, appliqué à la Louisiane, a toujours paru une énigme ; son explication semble pourtant assez simple. Le Décret de la Congrégation de la Propagande du 8 janvier 1685, et le Rescrit pontifical du 12 mai suivant, s'étant évidemment bornés à reproduire les termes mêmes de la Requête en faveur des Récollets français, présentée par le Cardinal d'Estrées 2.

Or, l'éminent prélat avait précisément, pour secrétaire à Rome, l'abbé Bernou, un des plus fidèles amis de La Salle. Si cet excellent géographe, qui appelait la Louisiane'« son diocèse », transforma en île la contrée du Mississipi, ce fut, tout simplement, pour des raisons diplomatiques. Profitant de ce que La Salle venait de partir pour les Antilles, Bernou réussit, par l'emploi du terme d'île, à dérouter complètement la Congrégation de la Propagande, qui, sans pareil subterfuge, n'aurait certainement jamais accordé à des Religieux français' la permission de s'établir dans une contrée relevant, au moins théoriquement, du Roi d'Espagne. En 1701, Philippe V eut bien soin, quand il protesta contre l'établissement des Français à l'embouchure du Mississipi, de rappeler la célèbre Bulle du Pape Alexandre VI.

L'opposilion de l'évêque de Québec, contre la délivrance de pouvoirs spéciaux aux Récollets accompagnant La Salle,, dut certainement confirmer la Cour pontificale dans l'idée que la Louisiane dépendait bien du Canada, et le pape Innocent XI les accorda, sur la remarque du Cardinal

1. Nouvelle Découverte d'un très grand Pai/s situé dans l'Amérique entre le NouveauMexique et la Mer Glaciale... Ulrechl (1697).

2. « Referjntii Em" Cardinale Esti-eo, Sancla Congregatio missionorum... » Voir M'ii'gry, Mê:m;.ros et D >ci:n'.nts pour servir à VHist >ire des origines françaises des Pat/s d'Outremer... Paris, 1879-18 ->8, tome II, p. 476. •


LE NOM DE LA LOUISIANE d

d'Estrées « que la distance des lieues était de neuf cents ou mille lieues, depuis Québec ».

Le nom de Louisiane, fort à la mode en 1683, disparut ensuite presque complètement pendant vingt-cinq ans. Le désastre de la dernière expédition de La Salle, suivi des hâbleries du Père Hennepin, durent inciter les Ministres à ne pas mêler le nom du Roi à des tentatives, non seulement hasardeuses, mais qui devaient encore susciter fatalement la jalousie de l'Angleterre et provoquer des réclamations de la part de l'Espagne. Si la Description de la Louisiane put jaaraître, en 1683, avec ce titre, c'est que la contrée, décrite sous ce nom, se réduisait encore à une région septentrionale, 'située entièrement à l'occident du Canada.

On chercherait en vain le nom de Louisiane dans les Instructions remises à La Salle en 1684, et toutes celles données à d'Iberville l, de 1698 à 1702, parlent uniquement de « l'Establissement » ou delà « Colonie du Mississipi. »

Malgré cette indifférence diplomatique, Louis XIV n'oublia pourtant jamais complètement sa filleule, et on trouve même, comme on le verra plus loin, le nom de Louysiane emj>loyé une fois dans les instructions remises aux plénipotentiaires chargés de négocier la paix de Ryswick.

Les géographes se trouvèrent, assez longtemps, fort embarrassés pour donner un nom à la colonie fondée par d'Iberville. La Louisiane resta encore quelques années sur les cartes une province essentiellement canadienne, et la Floride continua même à voisiner avec le Nouveau-Mexique ; Nicolas de Fer, en 1702, Guillaume de L'Isle, en 1703 marquent encore le nouvel établissement français situé en plein territoire espagnol ! D'autres cartographes, tel Mathieu Scutter, préférèrent, dans le doute, inscrire les deux noms de Louisiane et de Floride placés exactement l'un sous l'autre.

De Fer publia, à la fin de 1702, une nouvelle carte, et, sur celle-ci, le • c Canada ou Nouvelle-France » atteint la Mer de Floride, mais la Louisiane ne dépasse pas encore la rive droite de l'Ohio.

En 1712, la Louisiane du Père Hennepin n'existait plus, et Antoine Crozat reçut la concession « du pays connu à présent sous le nom de Louisiane ». Les Lettres patentes du 14 septembre sont un des très rares documents de cette époque où le nom de la nouvelle colonie se trouve écrit correctement, mais, sans doute à cause de cette reconnaissance un peu tardive, le Mississipi resta longtemps bien plus connu en France

1. D'Iberville ne s'est même servi qu'une ou deux fois du nom de Louisiane dans sa correspondance; encore élait-ce avant son premier voyage au Mississipi.


4 SOCIETE DES AUERICAN1STES DE PARIS

que la Louisiane. Le grand fleuve attira sur lui la malédiction des actionnaires de la banque de Law, et Dumont de Montigny intitula encore son étrange poème didactique, terminé seulement en 1742, Les Etablissements du Mississipi {. Louisiane, incontestablement, aurait été plus poétique!

Louisiane semble, en effet, un fort joli nom ; et notre ancienne colonie l'a, peut-être, échappé belle s'il fut, à un moment, véritablement question d'appeler Manitoumie la région du Mississipi. Une très ancienne carte, conservée à la Bibliothèque Nationale, porte pour titre : Carte de la Nouvelle découverte que les Pères Jésuites 'ont faite en Vannée 1672, et continuée par le Père Jacques Marquette de la mesme compagnie, accompagné de quelques François en Vannée 1(173, qu'on pourra nommer en françois la Manitoumie, à cause de la statue qui s'est trouvée dans une très belle vallée et que les Sauvages vont reconoilre pour leur divinité qu'ils appelait Manitou, ce qui signifie Esprit ou Génie,

Marquette fut, il est vrai, extrêmement frajupé, peu après avoir dépassé le Missouri, par l'aspect de « deux monstres en peinture » dont il nous a laissé une description terrifiante 2 ; pourtant le très pieux missionnaire qui voulait donner au Mississipi le nom de Rivière de la Conception 3, n'a jamais dû songer à désigner les contrées qu'il découvrit du mot trop païen de Manitoumie. Chaque Sauvage, d'ailleurs possédant, selon Marquette, un manitou particulier, il aurait au moins fallu dire : Le pays des Manitous.

Jolliet inscrivit successivement, sur deux de ses premières cartes, les noms de Colbertie ou Amérique occidentale et de Fronlenasie ; seulement ces termes désignaient uniquement la région de la rive gauche du Mississipi, comprise entre le Wisconsin et la Rivière des Illinois, contrée qui resta toujours beaucoup plus canadienne que louisianaise. Jolliet attribua en même temps le nom de Divine, surnom de la Comtesse de Frontenac, à la Rivière des Illinois ; mais le Gouverneur, en mari peu galant, trouvant sans doute inutile de perpétuer le souvenir de sa femme en Amérique, changea le nom en L'Outrelaise.

Mme de Frontenac et M"''de L'Outrelaise, amies inséparables, donnaient alors le ton à Paris, et leur entourage les traitait de « Déesses». « Elles

1. Nous avons publié une note sur ce poème dans le Journal de lu Société des Américanisles, 1914 (t. XI, p. 35 à 56).

2. Joulel aperçut simplement « deux méchantes ligures crayonnées en rouge, sur la face (l'un rocher de huit ou dix \nev. » (Journal Historique du dernier Voyage de M. de La Salle. Paris, 1713, p. 325).

3. Marquette avait reçu du comte de Frontenac les instructions nécessaires pour entreprendre la découverte du Mississipi le jour de la fêle de l'Immaculée Conception.


LE NOM DE LA LOUISIANE 5

exigeaient, dit Saint-Simon, l'encens comme Déesses, et ce fut, toute leur vie, à qui leur en prodiguerait. » Le Duc ajoute ailleurs : « Frontenac préféra vivre et mourir à Québec, plutôt que de mourir de faim ici, en .mortel, auprès d'une Divine. »

■ Une belle oeuvre, dénuée de titre, semblant toujours incomplète, {Cavelier de La Salle se garda bien de commettre l'oubli de Marquette, et suivit, au contraire, l'exemple des auteurs qui arrêtent le titre de leur ouvrage avant d'en avoir écrit la moindre ligne. Dès que le programme de ses explorations se trouva tant soit peu fixé dans son esprit, le futur Découvreur s'empressa de baptiser du nom de Louisiane les contrées avoisinant les Grands Lacs et toutes celles où le conduiraient un jour le courant du Mississipi'ou les flots de la mystérieuse Chukagua i.

La Salle alla même encore plus loin ; et du simple titre de ses découvertes, encore extrêmement conjecturales, prétendit tirer un bon titre depropriété sur des milliers et des milliers de lieues carrées. D'après lui, son domaine particulier s'étendait déjà, en 1681, sur toute la région avoisinant le lac Michigan, et il s'éleva avec violence contre une demande de concession faite par Jolliet, qui avait pourtant découvert, six ans avant lui, la Rivière des Illinois. L'indignation de La Salle, possédant lui-même un poste clandestin de traite à la baie des Puants ~, éclata également d'une façon fort bruyante à la nouvelle que Greysolon du Lhut, « un déserteur », imitait son exemple dans le pays des Sioux.

Du Lhut avait commis aux yeux de La Salle un véritable acte de brigandage en se permettant de découvrir toute une partie de la contrée des Sioux un an avant l'arrivée du Père Hennepin, et en plantant les armes du Roi, dès le 2 juillet 1679, au village des Isatis 3. La Salle ignorait alors que du Lhut se livrait à la traite, non seulement pour son compte, mais encore pour celui de Frontenac'

Le Père Hennepin, malgré les diverses insinuations qu'il lança, ne prit, très certainement, aucune part au baptême de la Louisiane, et La

L Voir p. 32.

2. Green bay, située au Nord-Ouest du lac Michigan. La Salle s'était engagé « à ne faire aucun commercé, ni dans le lac Supérieur, ni dans la- Baye des Puants », et, bien qu'il raconte lui-même son séjour en cet endroit, il déclara ensuite :« Je n'ai été ni dans la baye des Puants, ni dans le lac Supérieur. » (Margry, II, p. 231). - 3. Ces Indiens, dénommés plus tard, Santee, formaient une des tribus Dakota de la nation Sioux. Les Isatis habitaient alors dans les environs du lac appelé maintenant Mill Lake. •


6 SOCIÉTÉ DES AMÉIUCANISTES DE PARIS

Salle, à qui revient l'honneur de sa découverte, peut être considéré comm le parrain de la vallée du Mississipi.

Nous ajouterons cependant, à titre de conjecture, que l'abbé Bernou, « agent » et conseiller géographique de l'intrépide explorateur, pourrait bien avoir suggéré le choix du nom ;.c'est en effet dans une lettre, écrite le 22 août 1G81 en réponse aux conseils et aux questions de Bernou ', que La Salle employa pour la première fois, dans sa correspondance, le nom de Louysiane ; et le savant ecclésiastique semblait déjà connaître ce nom, en France, à la même époque.

L'abbé Bernou, en utilisant la correspondance de La Salle, rédigea, après l'avoir développée, corrigée et entièrement refondue, une Relation des Descouvertes et des voyages du sieur de La Salle, seigneur et gouverneur du fort Frontenac, au delà des grands lacs de la Nouvelle-France, faite par l'ordre de Monseigneur Colbert. 1679-1680-1681. On peut facilement dater l'achèvement de ce très long Mémoire du printemps de l'année 1682, puisqu'il se termine ainsi : « La Salle arriva au commencement d'août à Teyoyagon ; il employa quinze jours à faire transporter tout son équipage sur les bords du lac Taronto ~, sur lequel il s'embarqua à la fin du même mois d'août de l'année dernière, 1681. » Un post-scriptum ajoute : « On apprendra, à la fin de cette année 1682, le succès de sa découverte qu'il avait résolu d'achever, au plus tard, le printemps dernier, ou de périr en y travaillant. »

Bernou se servit, pour terminer son oeuvre, de la lettre datée du 22 août 1681:! où La Salle disait : « A l'esgard de la Louj'siane — et non Louisiane comme l'a transcrit M. Margry— la bonté du pays et l'abondance qui s'y trouve dès choses nécessaires à la vie pourront servir de fonds à un establissement bien plus solide que tous ceux qu'on peut faire en Canada ''. »

Seulement, ce n'est pas ce passage qu'utilisa Bernou quand il baptisa du nom de Louisiane la région des grands Lacs, mais une simple indicai.

indicai. lettre de Bernou, malheureusement perdue, était datée du 2 avril 1680; La Salle lui répondit, en s'excusantde son retard, le 25 août 1681.

2. Le lac Taronto n'est pas le lac Ontario, comme le croyait Gabriel Gravier, mais le lac Simcoe par où passa La Salle. Teyoyagon se trouvait situé sur la côte nord du lac Ontario, un peu au nord-est de la ville actuelle de Toronto.

3. Celte lettre, ou plutôt sa copie, porte :« Au fort de Frontenac le 22 août / 682 », seulement l'année indiquée résulte, très certainement, d'une erreur de transcription dont M. Margry ne s'est pas aperçu. II suffit pourtant de lire ce document, antérieur à la découvertedu Mississipi,pour se rendre compte qu'il fut rédigé en 1681. La Salle se trouvait d'ailleurs, au mois d'août 1682, à plus de trois cents lieues de Frontenac.

4. Margry, II, p. 243. Cette Louisiane, rappelons-le, ne dépassait pas encore la région méridionale du lac Michigan.


LE NOM DE LA LOUISIANE /

tion contenue dans une Note géographique, datée du 9 novembre 1680. L'abbé Bernou excellait à présenter avantageusement les découvertes de La Salle, et, au début de sa Relation, qui dut lui demander plusieurs mois de travail, retoucha de cette façon la prose de l'explorateur :

La Salle Bernou

« Il y a aussi quelques campagnes « On trouve beaucoup d'autres

sèches et de très bonnes terres, rem- sortes d'animaux dans ces vastes

plies d'unnombreincroyable d'ours, plaines de la Louiziane ; les cerfs,

cerfs, chevreuils, et poules d'In- les chevreuils, les castors, les loutres

de. » y sont communs »1

La Salle ne parle pas une seule fois de la Louisiane, ni dans cette Note, ni dans les très longs documents qu'il expédia en France également au mois de novembre 16S0 ; Bernou baptise au contraire, ces vagues campagnes du nom séduisant de Louiziane, élimine les terres arides, et remplace, prudemment, les ours, bêtes trop féroces, par des castors et des loutres, animaux beaucoup plus appréciés.

Même si l'abbé Bernou ne fut pas le parrain de la Louisiane, il faut, en tout cas, le considérer comme le véritable promoteur de sa découverte. Quand il rédigea son Mémoire sur le projet du Sieur de La Salle pour la descouverte de la partie occidentale de l'Amérique septentrionale, il avait eu soin de préciser : « entre la Nouvelle-France, la Floride et le Mexique. » Ainsi, Bernou, dès le commencement de 1678, assigna à la future Louisiane les frontières mêmes que La Salle devait lui attribuer seulement quatre ans plus tard, et l'abbé pouvait à bon droit écrire, le 11 avril 1684, à une époque où La Salle était en France : « C'est moy qui lui ay donné la pensée du grand dessein auquel il ne songeait pas 2. » Les conceptions géographiques du futur explorateur étaient, d'ailleurs, avant sa rencontre avec Bernou, extrêmement vagues, et, à son premier retour en France, il se leurrait encore de l'espoir d'atteindre la Chine en suivant le cours de l'Ohio !

La Salle obtint, le 12 mai 1678, « la permission de travailler àla descouverte de la partie occidentale de la Nouvelle-France », et s'embarqua deux mois plus tard pour le Canada ; seulement il commença par se livrer à la traite, et ses projets de découvertes restèrent encore fort imprécis pendant deux ans ; les exposer sortirait du cadre de cette étude et nous.les avons déjà étudiés dans La Découverte du Missouri 3.

1. Margry, II, p. 97, et I, p. 465.

2. Margry, III, p, 84.

3., Paris, Champion, 1925.


SOCIÉTÉ DES AMÉRICAN1STES DE PARIS

D'après M. Margry, l'apparition du nom de Louisiane remonterait à 1679, et il reproduit une donation de La Salle concédant « à François

Daupin escuyer, sieur de La Forest et à ses hoirs, successeurs et

ayant cause, l'isle appelée Belle-Isle et par les Iroquois nommée Yanouniouen ', située à l'embouchure du lac Frontenac [Lac Ontario], entre les deux isles de Kaouenesgoan. » La Salle stipule, entre autres clauses, que La Forest devra « tenir ou faire tenir feu et lieu sur ladite terre et faire travailler au défrichement d'icelle, dans un an du jour de notre retour du voyage que nous allons faire pour la descouverte de la Louisiane 2 ».

Cet acte, enregistré seulement à Montréal le 11 avril 1682,- porte effectivement : « Fait au Fort Frontenac 3, le 10 juin 1679 » ; néanmoins,, nous sommes convaincus, pour diverses raisons, que cette donation a été antidatée de deux ans.

La Salle, d'abord, ne s'est jamais servi dans sa correspondance du terme de Louisiane avant le mois d'août 1681. Comment expliquer alors que ce nom, auquel il tenait pourtant beaucoup, ne soit plus réapparu sous sa plume pendant deux ans?

La seconde raison consiste dans la difficulté de comprendre pour quels motifs inexplicables La Forest aurait attendu près de trois ans pour faire valider ses droits de propriété par un notaire royal.

Enfin, La Salle, avant son départ pour les Illinois, écrivit le 22 août 1681 : « C'est pour me débarrasser du soin du fort Frontenac que je suis résolu de le donner à ferme au sieur de La Forest, à qui j'en ai laissé la direction pour cette année 4. » En 1679, et même l'année suivante, quand La Salle revint à Frontenac, ses projets n'étaient pas encore suffisamment fixés pour qu'il ait pu songer k prendre des dispositions définitives en vue d'une longue absence. Au contraire, ce fut précisément pendant ses séjours à Frontenac et à Montréal, durant les mois de juin=et août 1681,

1. Cette p.'tite île, marquée sous le nom de l'Ile à La Forest sur la carte d'Anville, reproduite par Margry en tête de son deuxième volume, se trouve située un peu au nord-ouest de l'île Wolfe.

2. Margry, II, p. 21. Archives Nationales. Colonies C"c. VII, f'° 248. Il devait y avoir certainement Louvsiane sur l'original comme sur l'acte de prise de possession de la Louysiane et sur le placet adressé par La Salle le 5 octobre 1682 au gouverneur de Québec.

3. Le Fort Frontenac, appelé plus lard Catarocouy, se trouvait établi sur l'emplacement de Kingston.

4. Margry, II, p. 22.


LE NOM DE LA LOUISIANE 9

que La Salle entreprit de mettre un peu d'ordre dans ses affaires fort embrouillées.

Le 11 août 1681, il légua, pour reconnaître « les grandes obligations... et les services signalés » que lui avait rendus son cousin François Plet, «en cas de mort, la seigneurie, propriété de fond et superficie du fort de Frontenac et terres en dépendantes... [ ». La Salle connaissait la rigueur .de ses créanciers, qui ne se gênaient pas pour faire saisir ses marchandises," et prit, pour éviter toute contestation ultérieure sur la propriété de Belle-Isle, l'utile précaution d'antidater sa donation. Le « fidèle » La Forest semble d'ailleurs n'avoir été qu'un simple prête-nom, dont se servit La Salle, pour conserver, quoi qu'il advienne pendant son voyage de découverte, un poste d'observation à proximité de Frontenac. - Cet acte présente cependant un grand intérêt pour la Louisiane, car La Salle, s'étant évidemment borné à modifier l'année, la donation fut rédigée le 11 juin 1681, deux bons mois avant la lettre adressée à Bernou, Cette pièce, même postdatée de deux ans, constitue donc le plus ancien document connu où figure le nomsde la Louisiane.

Le 9 avril 1682, La Salle prit possession de tout « le pays de la Louysiane. » Par une coïncidence assez singulière, l'acte de concession de BelleIsle fut « collationné â l'original'» le 11 avril 1682; ainsi, à plus de cinq cents lieues de distance, le nom de Louysiane se trouvait, simultanément, enregistré d'une manière officielle par Jacques de La Métairie, « Notaire du fort Frontenac, estably et commis pour exercer ladite fonction pendant le voyage de la Louysiane en l'Amérique Septentrionale de M. de La Salle », et par son confrère Rageot, « Notaire royal en la prévosté de Québec. »

Donner de sa propre initiative le nom du Roi à une nouvelle contrée ne manquait pas d'une certaine audace, surtout quand on ignorait encore complètement si des Espagnols de la Floride ou du Nouveau-Mexique ne s'y trouvaient pas déjà installés, et une grande circonspection s'imposait incontestablement. Dans sa très longue Relation, Bernou n'employa qu'une seule fois le nom de Louisiane — en quelque sorte à titre de ballon d'essai — et se montra tout aussi circonspect dans son Mémoire pour le marquis de Seignelay sur les découvertes du Sieur de La Salle au sud et à l'ouest des grands lacs, où il introduisit simplement deux fois le terme de Louisiane.

Deux passages d'une lettre de La Salle, datée d'octobre 1682, semblent indiquer qu'il pensait également donner, à cette époque, le nom de Louisiane à l'Ohio : « La Louysiane, dit-il, n'étant pas à deux-journées du lac

1. Margry, II, p. 163.


10 SOCIÉTÉ DES AMÉR1CANISTES DE PARIS

Erié qui joint le lac Frontenac, qui est un grand fleuve naviguable avec lequel le fleuve Colbert se mesle... Le fleuve Colbertet la Louisiane estant naviguables en barques et sans aucuns rapides, ni saut depuis les lieux voisins des Sauvages qui fournissent les pelleteries au Canada... l »

*

Rappelons enfin pour terminer l'histoire du nom de Louisiane, qu'on rencontre assez souvent, à la fin du xvnie siècle, l'expression des Deux Louisianes, et Perrin du Lac intitula son ouvrage, paru en 1805, Voyage dans les Deux-Louisianes. L'une était la Basse, l'autre la Haute, bien plus connue, pendant longtemps, sous le nom d'Etablissement, ou de Gouvernement des Illinois.

Il ne faut pourtant pas confondre, malgré la similitude de noms, le Pays des Illinois, situé sur la rivière du même nom et où La Salle construisit les forts Crèyecoeur et Saint-Louis^, avec les Établissements des Illinois fondés vingt-cinq ans plus tard 2, sur la rive gauche du Mississipi, un peu en amont de l'embouchure de la rivière de Kaskaskias. Entre le village de ce nom et celui de Cahokias, Boisbriant construisit, en 1720, le fort de Chartres qui devint, par la suite, le centre d'assez nombreuses concessions.

Aucune délimitation précise ne semble jamais avoir existé entre la Haute et la Basse-Louisiane. La seconde dépendait étroitement de la NouvelleOrléans, et nul colon, pendant la domination française, ne se risqua, par crainte des Chikachas, à s'établir entre l'Arkansas et l'embouchure de l'Ohio.

Le Page du Pratz proposa même de diviser notre ancienne colonie en trois parties : La Louisiane Méridionale, la Haute et la Contrée des Illinois. « La Haute, dit-il, serait celle où on trouve des pierres, dont les premières se rencontrent entre les Rivières des Natchez et des Yazouts, qui forment un Ecore de grais (grès) très fin, et la bornerons à Manchac où finissent les terres Hautes. La Basse-Louisiane s'étendrait de là, jusqu'à la mer. 3 »

En 1763, la Louisiane perdit son nom français : la partie devenue anglaise prit le nom de Louisiana et les Espagnols donnèrent, trois ans plus tard, à la rive droite du Mississipi celui de Luisiana.

i. Margry, II, p. 293.

2. Le père Marest fonda la mission de Kaskakisas en 1700.

3. Histoire de la Louisiane, Paris, 1758, L, p. 162.


LE NOM DE LA LOUISIANE 11

CHAPITRE II LE SOLEIL « LOUIS » DES ISATIS

La Description de la Louisiane, publiée, en 1683, sous le nom du Père Hennepin, fut le premier ouvrage où le nom de Louisiane se trouva imprimé. L'auteur de l'Adresse au Roy, qui ne peut certainement pas être le très peu lettré Récollet, tira, d'un simple détail, un petit chef-d'oeuvre de flatterie, et, sous la plume d'un habile courtisan, cette remarque : « Il (Un Sauvage) jettait quelquefois les yeux au ciel, proférait souvent ce nom de Louis [prénom du Récollet] qui veut dire le soleil l », se transforma pompeusement de cette façon : « Sire... Nous avons donné le nom de la Louisiane à cette grande Découverte, estant persuadez que Vôtre Majesté ne désapprouverait pas qu'une partie de la terre arrosée d'un fleuve de plus de huit cens lieues, et beaucoup plus grande que l'Europe, que nous pouvons appeler les Délices de l'Amérique, et qui est capable de former un grand Empire, fût, dorénavant connue sous l'Auguste nom de Louis... Il semble, Sire, que Dieu vous avait destiné pour en être le Maître, par le rapport heureux qu'il y a de votre glorieux Nom au Soleil, qu'ils appellent en leur langue Louis, et auquel, pour marque de leur respectet de leur adoration, avant que de fumer, ils présentent leur pipe avec ces paroles : Tchendiouba Louis; c'est à dire, Fume Soleil ; ainsi le nom de Votre Majesté est à tous momens dans leur bouche, ne faisant rien qu'après avoir rendu hommage au Soleil sous ce nom de Louis. »

D'après Carver 2, Baudry des Lozières 3 et Umfreville 4, les anciens Dakotas désignaient le Soleil et le Feu, par le mot Patah, et la Lune, par Oweeh ou Aoui. Par contre, MM. Francis Parkman 5 et Stephen Return Riggs 6 donnent au mot Oouee ou Wi la double signification de Soleil et de Lune. Le son représenté par un L se rencontrant très rarement dans la langue Dakota, le rapprochement de Oui, prononciation française, avec le nom. de Louis paraît assez ingénieuse.

Toutefois, non seulement le Père Hennepin ne participa en rien au baptême de la Louisiane, mais il avait encore sans doute eu connaissance à Michillimackinac, où il passa l'hiver 1680-1681, de la Relation de Mar1.

Mar1. de la Louisiane, p. 224.

2. Travels through the inlerior parts of North America Dublin, 1779, p. 408.

L'édition française traduit awali par oih.

3. Voyage àlaLouisiane Paris, an IX, p. 349.

4. The présent of the Hudson's bay. Londres, 1790.

5. The Discovery of the. Greal West, Londres, 1869, p. 329.

6. A Dakota-English Diclionnarij, Washington, 1890,


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quette, dont le manuscrit resta longtemps conservé dans cette mission. On peut doncse demander si ces deux passages n'avaient pas attiré son attention? « Et de fait, déclare Marquette en parlant du calumet du Soleil, ils le lui présentent pour fumer quand ils veulent obtenir du calme, de la pluye ou du beau temps » et, précédemment, en racontant son arrivée chez les Illinois, il avait dit : « Cet homme estoit debout et tout nuds tenant ses mains estendue et levée vers le soleil... quand nous fûmes proches de luy, il nous fit ce compliment : — Que le soleil est beau, François, quand tu viens nous visiter! »

En 1697, Hennepin, réfugié à Utrecht, publia, sans nul doute en collaboration avec quelque Huguenot, .un ouvrage intitulé Nouvelle Découverte d'un très grand Pays, situé dans l'Amérique, entre le Nouveau-Mexique

et la Mer-Glaciale L'oeuvre était modestement présentée |comme la

« Relation de la plus grande et de la plus belle Découverte qui ait été faite dans ce siècle » — « La plus difficile descouverte qui ait jamais été faite par aucun François » avait dit La Salle —. Aussi, pour justifier pareille assertion, le Récollet poussa l'impudence jusqu'à prétendre avoir découvert l'embouchure du Mississipi, deux années avant Cavelier de La Salle !

L'ouvrage était dédié au roi d'Angleterre Guillaume III, et l'auteur offrait généreusement au Prince d'Orange non seulement sa Louisiane, mais encore toute la vallée du Mississipi. « Je recueillerai, disait-il, un glorieux fruit de mes pénibles voyages. Sire, s'il pouvait contribuer un jour à faire connaître ces vastes Pays sous l'Auguste nom de Votre Majesté. » Cette offre, qui pouvait sembler une simple gasconnade ', faillit pourtant enlever à la France la possession de la Louisiane ; un navire anglais pénétra dans le Mississipi, six mois seulement après le débarquement de d'Iberville 2.

Hennepin n'alla pas jusqu'à donner à ses découvertes, qui se réduisent en réalité à la partie du cours du Mississipi, comprise entre l'embouchure du Wisconsin et. la région située en amont du Saut Saint-Antoine, le nom de Guillaumania, mais il eut soin, naturellement, de supprimer de l'Adresse le rapprochement, devenu compromettant, entre le Roi Soleil et l'Astre du Jour des Isatis 3.

Louis XIV et le Récollet portaient heureusement le même prénom, et Hennepin se substitua modestement au Grand Roi, d'autant plus facilement

1. Le succès des ouvrages du Père Hennepin fut certainement considérable^ M. Dionne en a compté, quarante-six éditions, contrefaçons ou traductions.

2. Voir page 43.

3. A partir de 1704, le nom de Louisiane réapparaît, mais simplement en soustitre, sur les ouvrages d'Hennepin; par contre, sur certaines de ses cartes, le nom de Louisiane disparaît.


LE NOM DE LA LOUISIANE 13

qu'il avait écrit, dans la Description de la Louisiane, en parlant de sa chasuble dont un Sauvage se pavanait : « Le fils d'Aquipaguetin portait en triomphe ce qu'ilappelait Père Louis Chinnen, qui signifie, comme je l'ai appris depuis, la Robe de celuy qui se nommait le Soleil. »

« Au reste, raconte Hennepin dans la Nouvelle Découverte, cette rencontre du mot Louis, qui est souvent dans la bouche de ces Barbares, me donna quelque espérance du succès de mon entreprise, parce que c'est mon nom de Religion et'qu'ils le prononçaient continuellement. Ils ne continuent en effet à fumer qu'après avoir rendu hommage au soleil sous ce nom de Louis '. » Sachons encore gré à Hennepin de n'avoir pas déclaré que la Louisiane avait été baptisée en son honneur !

CHAPITRE III

« LA DESCRIPTION DE LA LOUISIANE .. Le Père Hennepin et l'abbé Bernou.

La Description de la Louisiane, nouvellement découverte au Sud-Ouest de la Nouvelle France, par ordre du Roy. Avec la carte duj>ays : les Moeurs et la manière de vivre des Sauvages, dédiée à Sa Majesté, par le R. P. Louis Hennepin, Missionnaire Récollet et Notaire Apostolique (A Paris, chez "la veuve Sébastien Huré, rue Saint- Jacques à l'Image S. Jérôme, près S. Séverin, MD. LXXXIII, avec privilège du Roy) porte la mention : « Achevé d'imprimer pour la première fois, le 5 janvier 1683 2. » A la suite de la Description, se trouve un opuscule, possédant une pagination spéciale, intitulé Les Moeurs des Sauvages, dont nous n'avons pas à parler dans cette étude.

Un très grand nombre de pages de la Relation des Descouvertes et des Voyages du Sieur de La Salle, composée par l'abbé Bernou, se retrouvent copiées presque mot pour mot, dans la Description de la Louisiane; aussi Monsieur Margry, et bien d'autres auteurs après lui, ont signalé et vilipendé ce « plagiat » du Père Hennepin.

Nous allons, cependant, prendre cette fois la défense du très peu intéressant Récollet, et montrer que loin d'avoir pillé secrètement la Relation, il s'est évidemment borné à introduire dans un ouvrage, dont l'idée lui fut même peut-être suggérée, quelque deux cents pages remaniées à son usage par un écrivain habile, ami dévoué de l'explorateur.

1. Nouvelles Découvertes, Amsterdam 1698, p. 303. ' 2. Une seconde édition fut publiée en 1684 et une troisième, beaucoup plus rare, en 1688.


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Bernou, l'abbé Eusèbe Renaudot, directeur de la Gazette de France, et Cabart de Villermont, nous semblent avoir d'abord simplement voulu se servir du Récollet pour faire paraître une Relation de la Louisiane rédigée comme ils l'entendaient ; seulement, dès que le Père Hennepin eut entre les mains la carte et les documents dont il avait besoin, il s'empressa, sans le moindre scrupule, de se séparer de collaborateurs, jugés par lui trop autoritaires, et termina, à sa façon, le récit de ses voyages.

En tout cas, même si Hennepin avait déjà commencé à écrire un récit de son séjour en Amérique, les amis de La Salle comprirent vite qu'il fallait empêchera tout prix le Récollet de narrer à sa guise les événements' survenus pendant qu'il accompagnait La Salle ; et, c'est incontestablement dans l'intérêt du Découvreur, que Bernou substitua sa prose à celle du Père Hennepin, et ne le laissa, bien malgré lui d'ailleurs, suivre son imagination qu'à partir du 1er mars 1680, date à laquelle La Salle prit le chemin de Frontenac et le Récollet celui du Haut-Mississipi.

Hennepin s'était mis en rapport, dès son retour en France, avec Bernou et Renaudot. La Salle, en annonçant au premier la prochaine arrivée du missionnaire, avait eu soin de le mettre en garde contre ses hâbleries. « Il faut, disait-il, un peu le connaître, car il ne manquera pas d'exagérer toutes choses ; c'est son caractère ; et à moi-même, il m'a écrit comme s'il eust été tout près d'être brûlé, quoy qu'il n'en ait pas été seulement en danger; mais il croit qu'il lui est honorable de le faire de la sorte, et il parle plus^ conformément à ce qu'il veut qu'à ce qu'il sait f. »

« Le pauvre esclave des barbares » — c'est ainsi qu'Hennepin signa une lettre adressée à Renaudot— semblait en effet atteint de la monomanie de la persécution. Voici, à titre d'exemple, un des « outrages » dont Use plaignit vivement d'avoir été victime : « Les insultes, dit-il, que ces sauvages nous firent furent incroj'ables, car, voyant que notre canot était beaucoup plus grand et plus chargé que les leurs... et que nous ne pouvions aller plus vite qu'eux (sic), ils y faisaient entrer des guerriers pour nous aider à ramer, afin de nous obliger à les suivre ~. » Sans le secours, parfois sans doute, un peu brutal des Sauvages, Hennepin pourtant n'aurait jamais pu atteindre le lac Buade (Mill Lake), et il eut,, bien souvent, couru le plus grand risque de mourir de faim.

Les cent dernières pages de la Description de la Louisiane permettent amplement de se rendre compte de la façon fantaisiste et-personnelle dont le Père Hennepin, abandonné à ses propres inspirations, aurait conté la première année de son voyage en Amérique.

1. Margry, II, p. 259.

2. Description, de la Louisiane, p. 215.


LE NOM DE LA LOUISIANE 15

Hennepin déclare, dans l'Avis aux Lecteurs des Dernières Découvertes : (( Je revins à Québec, en 1682 »; toutefois, il est certain qu'il arriva à Montréal, où il ne dut pas séjourner très longtemps, vers le mois de mai 1681, et il partit probablement pour la France deux ou trois mois plus tard. La Salle, le 22 août 1681, croyait que le Père Hennepin s'était déjà embarqué.

Le privilège de la Description de la Louisiane portant la date du 3 septembre 1682, sept à huit mois, tout au plus, s'écoulèrent donc entre l'arrivée d'Hennepin à Paris et la remise de son manuscrit au Censeur royal. Le missionnaire rapportait probablement du Canada, quelques notes et diverses copies, notamment celle d'un vocabulaire de Racines agnières composé par le Père Bruyas ; néanmoins, sans collaborateur, sans protecteur, en mauvais termes avec les Jésuites, et même avec quelques Provinciaux de son Ordre, malgré les imprimatur des Pères Harveau et Micault, Hennepin n'aurait jamais pu, en quelques mois, se procurer (on ne voit d'ailleurs pas comment) le manuscrit de Bernou, le remanier habilement, trouver un éditeur et, enfin, obtenir si rapidement un Privilège pour un ouvrage consacré à la Nouvelle-France, sujet tout particulièrement délicat, à cette époque de rivalités multiples.

« Le principal intérêt de la Relation de l'abbé Bernou, dit M. Margry ', est dans le fait qu'elle fut présentée à Colbert et aussi communiquée au Père Hennepin par son auteur... l'impudent Récollet a commencé ces plagiats par ce document. » Seulement, Bernou, Renaudot et Villermont possédaient trop de relations dans les bureaux de la Marine, ou dans celui de la Librairie, pour qu'ils aient pu ne pas avoir connaissance d'un manuscrit déposé clandestinement par le Père Hennepin, et si l'ouvrage, sous sa forme définitive, leur avait paru présenter finalement plus d'inconvénients que d'avantages, ils n'auraient eu qu'un mot à dire pour en empêcher la publication. « Le bon effet du mauvais livre du Père Hennepin me réjouit », dira plus tard l'abbé Bernou.

Il suffit de lire attentivement la Description de la Louisiane pour s'apercevoir qu'elle se divise en deux parties bien distinctes. Bernou, si on ne tient pas compte de quelques intercalations possibles dans les feuillets de raccordement, nous semble avoir définitivement abandonné la plume au Père Hennepin à la page 206.

Le paragraphe commençant par « Nous avions considéré le fleuve Colbèrt avec beaucoup de plaisir, et sans aucun obstacle, pour sçavoir s'il estoit naviguable haut et bas, nous estions chargez de sept à huit

1. Margry, I, p. xxr.'


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cocqs d'Inde qui multiplient d'eux-mêmes dans ces païs » contraste étrangement, par son style barbare, avec la prose des pages précédentes.

Les "modifications ou corrections nécessaires à apporter au texte de la Relation de Bernou pour permettre de la publier sous le nom du Père Hennepin étaient nombreuses et souvent fort délicates. L' « ignorant » Récollet — ainsi l'appelait d'Iberville qui l'avait connu personnellement — eut été bien incapable de les effectuer. Comment aurait-il pu connaître, par exemple, les toutes récentes conceptions de La Salle sur le cours de l'Ohio, établir la carte, être au courant des nouveaux noms que les géographes proposaient d'infliger aux lacs canadiens, et savoir qu'il convenait d'adresser un compliment discret au puissant Bellinzani, dont La Salle devait acheter fort secrètement la protection? Seul, un ami très intime de La Salle pouvait connaître aussi bien toutes ses affaires personnelles.

L'auteur de la Relation tenait d'ailleurs trop à son oeuvre pour avoir laissé personne y toucher, et il n'admettait même pas que La Salle rédigeât un nouveau récit de ses vovages. Bernou écrit de Rome le 28 mars 1684 à Renaudot, après sa réconciliation avec l'explorateur : « Il ne faudrait pas qu'il fasse une Relation, mais seulement des notes de correction et augmentation, chiffrer toutes les pages de ma Relationnel il n'aura qu'à marquer la page et un mot ou deux pour servir de renvoy l. »

Une étude complète du texte de la Description de la Louisiane nous éloignerait beaucoup trop de la véritable Louisiane, et nous allons simplement indiquer les principales modifications apportées au texte de la Relation.

1° Suppression de tous les passages consacrés trop spécialement aux affaires personnelles de La Salle.

2° Quelques rares rectifications ; la plus typique concerne l'Ohio, décrit, pour la première fois, comme une rivière se jetant dans le Mississipi.

3° Assez nombreuses corrections purement de style, ou nécessaires à la clarté du texte. Ainsi, « Dans cette pensée » devient « Dans ce dessein » (p. 2). Ensuite remplace Enfin (p. 49) et « Le gouvernement de ce dernier », pouvant amener une confusion, est corrigé par ci Le gouvernement du Fort Frontenac », etc. Hennepin n'était certainement pas capable d'exécuter ces savantes retouches.

Par contre, les copistes ou les imprimeurs ont introduit quelques

1. Margry, III, p. 79.


LE NOM DE LA LOUISIANE 17

coquilles, dont la plus amusante est la transformation en « perroquets » des « pirogues » des Illinois (p. 49).

4° Remplacement sj^stématique, souvent aux dépens de la vraisemblance, de La Salle ou de II, par Nous ou On.

5° Introduction d'un certain nombre d'éloges en l'honneur de l'oeuvre des Récollets au Canada. Bernou dut les écrire d'autant plus volontiers qu'il détestait R. N. (Les robes noires des Jésuites) aussi cordialement que La Salle et Renaudot.

6° Développement de quelques passages où la Relation résumait très brièvement diverses excursions du Père Hennepin, notamment celle qu'il accomplit en compagnie de La Motte chez les Iroquois (p. 33-42). • Enfin, additions diverses, rédigées évidemment d'après les indications du Récollet, témoin oculaire. Bernou s'efforce de préciser les moindres détails de sa Relation, et ajoute, par exemple, après raisins, « dont les grains sont aussi gros que des prunes de Damas » (p. 89), complète la description du Fort Conty, par : « A côté, il 3^ a un fort beau havre pour retirer les barques », (p. 32) écrit Le Griffon ', au lieu de « la barque de M. de La Salle», etc.

Hennepin renseigna également l'abbé sur la façon dont chassaient les Indiens, lui décrivit le fameux « manteau d'écarlate bordé d'or » dont La Salle se paraît le dimanche ", et lui fournit un certain nombre d'autres menus détails. '

La Description parle beaucoup plus longuement que la Relation de l'ouragan qui mit en péril Le Griffon, le 26 août 1679, sur le lac Huron. « Le Sieur La Salle, dit la première, promit à Dieu s'il nous faisait la grâce de nous délivrer de la tourmente que la première chapelle qu'il ferait ériger dans la Louisiane, serait dédiée à saint Antoine de Padoue. » Ce texte ne peut servir d'argument pour faire remonter l'origine du nom de Louisiane à l'année 1679, car ces lignes furent incontestablement écrites en 1682. Il nous paraît même fort peu probable que le Père Hennepin ait jamais connu le nom de Louisiane au Canada.

La Salle débarqua en France le 23 décembre 1683, très irrité contre la publication de l'ouvrage du Père Hennepin ; il se brouilla bientôt avec Cabart de Villermont, qu'il accusait d'indiscrétion', et se méfia même de l'abbé Bernou pendant deux mois.

1. Ainsi nommé « par honneur aux armes de M. de Frontenac».

2. La Salle emporta ce manteau dans sa dernière expédition. Après avoir bien failli être perdu dans le naufrage de La Belle, il finit par couvrir les épaules d'un des assassins du malheureux explorateur. « Ce qui me faisait bien de la peine, raconte Joutel, c'est que Hiems se quarrait des hardes de feu M. de La Salle, dont un d'écarlate. »

Sociitè des Américanisies de Paris. 2


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Bernou, très certainement de concert avec Renaudot, avait pourtant sagement agi dans l'intérêt de La Salle, et l'explorateur ne pouvait guère leur reprocher que d'avoir mis, ou laissé mettre, Louisiane sur le titre d'un ouvrage paru sous le nom du Père Hennepin. La Salle considérait îe nom de Louisiane comme sa propriété exclusive ; toutefois — si nos conjectures précédentes sont exactes — Bernou pouvait peut-être se considérer également comme le parrain de « son diocèse ».

M. Margry cite, dans l'Introduction de son quatrième volume, sans d'ailleurs donner le plus souvent de dates ni de références, quelques extraits de lettres dans lesquelles Bernou semble protester contre toute participation à la Description de la Louisiane ; seulement ces dénégations diplomatiques, souvent contradictoires, prouvent simplement qu'il cherchait alors à détourner la colère de La Salle.

Bernou n'avait du reste jamais reconnu sa collaboration à la Description,^ se brouilla complètement avec Hennepin avant même l'apparition de l'ouvrage ; il paraît donc très naturel qu'il écrive : « Je ne dis rien à M. de La Salle du livre du Père Hempin ' parce qu'il m'a mis trop en colère en le lisant en voyage. Il serait pourtant bon que M. de La Salle en eust un exemplaire 2 », et, un peu plus tard : « Qu'il n'oublie pas de donner honnestement sur le dos de Dom Hempin pour faire sa vengeance et la mienne. » Hennepin avait évidemment apporté, dans la Description, des additions qui déplurent à l'abbé.

Quand le ressentiment de La Salle commença à se calmer, Bernou écrivit à Renaudot ces lignes pleines de sous-entendus : « Ce que vous me dites du bon effet du méchant livre du Père Hempin me réjouit. » Ce qui voulait dire que si la publication de la Description de la Louisiane avait pu blesser l'amour-propre de La Salle, ce dernier commençait pourtant à reconnaître qu'elle facilitait, en faisant connaître son nom et ses voyages, la réalisation de ses nouveaux projets. Le Roi n'avait-il pas écrit, le 4 août 1683, à M. de La Barre, gouverneur du Canada: « Je suis persuadé comme vous que la descouverte du Sieur de La Salle est fort inutile 3. »

« J'ai pensé et repensé, écrit Bernou à Renaudot, à ce que vous me dites de la relation manuscrite de notre amy [La Salle], mais je ne peux pas l'avoir prestée ni à luy [Villermontj, ni à personne, vous excepté, et je m'en défendais, parce qu'il y était parlé de ses affaires particulières.

1. La Salle, Bernou et Tonty écrivent Hempin ou Henpin. Comme on ne possède aucun renseignement sur l'état-civil du Récollet, c'était, peut-être, son véritable nom.

2. Cette lettre est datée du 1er février 1684.

3. Margry, II, p. 310.


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Je croirais bien plustost que le mal aurait été fait au Canada ou en chemin, le paquet m'ayant été rendu décacheté et des pages entières effacées, comme vous le savez, qui me donnèrent tant de peine à déchiffrer et où estait ce qu'il y avait de vérités plus fâcheuses... Ce qui me fait croire que je ne luy ai pas donné [à Villermont], c'est que j'ai toujours été d'avis qu'il ne fallait pas faire imprimer sa Relation, n'y publier le détail de ses affaires '. »

Le document dont il s'agit est peut-être la lettre publiée par M. Margry sous le titre de Relation de Cavelier de La Salle du 22 août 1680 à l'automne de 1681 (?) ; elle faisait suite à celle du 29 septembre 1680, et permit à Bernou de terminer sa Relation des voyages et des Descouvertes du Sieur de La Salle, 1679-1680-1681 ; seulement, pas une seule ligne, écrite par La Salle, ne se retrouve dans la Description de la Louisiane, et Hennepin n'a certainement jamais eu connaissance de la correspondance de La Salle. L'explication proposée par Bernou semble d'ailleurs assez puérile ; les ennemis de La Salle, au lieu d'effacer quelques passages, en effet assez compromettants, auraient eu, au contraire, le plus grand soin de les conserver après les avoir copiés.

Le 29 février 1684, Bernou écrivit de Rome à l'abbé Renaudot ; « ...Tout cela sans préjudice de la carte de M. de La Salle, et de la suite de ses descouvertes, pour lesquelles je vous recommande, iterum atque iterum, de l enfermer dans votre chambre. Si vous estiez à ma place et moy à la vostre, je ne serais pas bon à donner aux chiens L » Bernou, pour nous, fait sans doute allusion à la carte reproduite dans la Description de la Louisiane, dont l'auteur ne peut évidemment pas être le Père Hennepin.

Renaudot parvint à calmer La Salle et à le réconcilier avec Bernou qui s'empressa alors d'écrire le 28 mars : « Notre ami, Dieu merci, m'a escrit. . . Il me promet carte, mémoire et relation, ce que vous croyiez impossible, parce que vous vous défiez de la Providence de Dieu » ; puis parlant ouvertement de sa Relation, jusque-là bonne à être mise sous clef, il ajoute : « Il ne faudra pas qu'il fasse une Relation, mais seulement des notes de correction et augmentation, chiffrer toutes les pages de ma relation... »

Nous n'avons malheureusement pu découvrir aucun renseignement biographique sur l'abbé Bernou qui a tant contribué à la découverte de la Louisiane. Il était en relations avec Coronelli et tous les savants de l'époque ; il écrivit dans la Gazette de France et dans le Mercure, mais son nom ne figure pas au catalogue de la Bibliothèque Nationale.

L Margry, IV, p. ix. 2. Margry, III, p. 74'.


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Bernou resta toujours l'ami et le conseiller dévoué de La Salle, même quand ce dernier oubliait complètement de régler ses engagements pécuniaires, et pouvait, à bon droit, parler « de l'inclination qu'il avait eue toute sa vie, et dont il n'était pas le maître, pour les colonies françaises 4 ».

1. Margry, III, p. 38.


DEUXIÈME PARTIE

LES FRONTIÈRES DE LA LOUISIANE DE 1682 A 1819

CHAPITRE IV

: ' LA LOUISIANE DE LA SALLE

Prise de possession de la vallée du Mississipi. —La Rivière des Palmes. — La Chukagua. — La mystérieuse haie de Spiritu-Santo.

Greysolon du Lhut prit possession du pays des Isatis, appelés également Nadouessioxrx, le 2 juillet 1679, et le Père Hennepin grava les armes du Roi, l'année suivante, sur un arbre de leur village. Des deux Louisianes, la Louisiane canadienne fut donc la première découverte. On peut essayer de la délimiter, en disant que La Salle revendiquait approximativement, en 1681, une grande partie des États de l'Ohio, du Wisconsin et du Minnesota, un angle du Michigan, l'Indiana, l'Illinois, l'Iowa et même le Missouri, par suite de la rencontre d'une bande d'Otos, indiens établis près de l'embouchure de la rivière Platte.

Cavelier de La Salle s'embarqua sur le Mississipi le 13 février 1682, accompagné de vingt-deux Français et d'une trentaine de Sauvages ou de Sauvagesses, et parvint sans incident à l'embouchure de la rivière des Arkansas, point où Louis Jolliet et le Père Marquette s'étaient arrêtés en 1673.

Le 13 mars 1682, La Salle prit solennellement possession, « du consentement de la nation des Arkansas assemblés an bourg de Kapaha... en vertu de la commission de sa Majesté... du pays de la Louysiane et de toutes les terres, provinces, pays, peuples, nations, mines, minières, ports, havres, mers, destroits et rades, et de chacune d'icelles comprises depuis l'embouchure du fleuve Saint-Louys appelé, Ohio, Olighinsipou et Chukagoua, et le long d'iceluy et de toutes et chacune des rivières qui s'y deschargent du costé du Levant [;] jusques à l'embouchure delà Rivière des Palmes du costé du couchant; le long du fleuve Colbert


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appelé Mississipi, et de toutes les rivières qui s'y déchargent du costé du levant. . . »

Une cérémonie, encore plus imposante, se renouvela le 9 avril, sur la rive droite du Mississipi « un peu au-dessus du confluent [à environ trois lieues, déclare Nicolas de La Salle, des trois canaux par lesquels le fleuve Colbert se décharge dans la mer l ». Un second procès-verbal fut dressé, et La Salle prit soin d'introduire un certain nombre de modifications et d'additions au texte de la prise de possession, rédigé chez les Arkansas.

M. Margry a reproduit ces deux documents ; toutefois, quand il s'agira du second, nous nous servirons, en certains endroits, de la version publiée par M. Gabriel Gravier, d'après l'opuscule introuvable de M. Boimare, dont le texte et l'orthographe semblent parfois préférables 2.

Jacques de La Métairie, notaire de l'expédition, spécifia le 9 avril; « ...Depuis l'emboucheure du grand fleuve Saint-Louys, du costé de Vest, appelé autrement Ohio, Olighin-Sipou 3, ou Chukagoua, et ce, du consentement des Chaouenons 4 Chicachas et autres peuples y demeurant », ajoute à son énumération de provinces, pays, etc., «villes, bourgs, villages. .. pesches, fleuves et rivières », annexe à la Louisiane les contrées parcourues par le père Hennepin, et complète la prise de possession du Colbert-Mississipi par : « Depuis sa naissance, au delà du païs des Scioux, ou Nadouessioux, et ce de leur consentement et de celuy des Otontatas [Otos], Illinois, Matchigamias [Metchigamias], Akansas, Natchez, Koroas,.. jusqu'à son emboucheure dans la mer ou golfe du Mexique, environ les 27 degrés d'élévation du pôle septentrional, jusqu'à l'emboucheure de la rivière des Palmes... » Le texte reproduit par M. Margry porte simplement : « l'embouchure des Palmes. »

Le cérémonial de la prise de possession de la Louisiane a été raconté par plusieurs membres de l'expédition et La Salle en fit rédiger un compte rendu passablement embelli.

Un fond de chaudière en cuivre, sur lequel on grava des fleurs de lys

1. Cet endroit, d'après nous, devait se trouver par environ 29 degrés et 13 ou 14 minutes de latitude. Voir La prise de la possession de la I^ouisiane (Revue Historique des Antilles. Octobre 1928, n° 1, p. 3).

2. Margry, II, p. 184 et 191, et Gabriel Gravier : Découvertes et Établissements de Cavelier de La Salle. (Paris, 1870, p. 390). L'orthographe de toutes ces copies a certainement été retouchée et il devait y avoir partout : Louysiane, emboucheure, etc.

3. Sipou signifiait rivière. Par suite d'une erreur évidente, la version publiée par M. Gravier porte : Olighig.;

4. Un chef Chaouenon, venu au fort Crèvecoeur des Illinois au mois de février 1681, avait informé La Salle « qu'il demeurait sur une grande rivière qui tombe dans celle de l'Ohio, et, de là, dans le Mississipi » (Margry, II, p. 142).


LES FRONTIÈRES DE LA LOUISIANE 23

fut simplement cloué à un poteau « esquari » à coups de hache, et une plaque de plomb portant : Au nom de Louis XIV, Roy de France et de Navarre, 9 avril 1682 l fut enterrée au pied d'un gros arbre, où on attacha une croix rustique. Le Père Zénobe chanta un Vexilla Régis et un Te Deum, puis trois décharges de mousqueterie terminèrent la cérémonie. La savante inscription latine :Robertus Cavelier, cum domino de Tonly legato, R. P. Zenobio Membre Recollecto, et vigenti Galli», primus hoc flumen, inde ah Illineorum pago, enavigavit ejusque oslium fecit pervium, nono Aprilis 1682, et la liste gravée des noms de tous les membres de l'expédition n'ont jamais existé que dans l'imagination de La Salle et dans celle du Père Zénobe.

Certains termes géographiques, contenus dans les procès-verbaux du 13 mars et du 9 avril 1682, manquent évidemment de clarté et, pour déterminer les frontières de la Louisiane, telles que les revendiquait alors La Salle, il faut, non seulement tenir compte des intentions réelles du Découvreur, mais encore étudier les cartes antérieures dont il se servit, et se souvenir également que VHisloria del adelantado Hernando de Soto, composée par Garcilaso de la Vega, et traduite en 1670 par Richelet 2, était son livre de chevet. L'attribution du nom de Kapahah au village des Arkansas constitue une première réminiscence du voyage du Conquistador ; nous en aurons bien d'autres à signaler.

« Le grand fleuve Saint-Louis, appelé autrement Ohio, Olighin-Sipou, ou Chukagoua 3 », paraît une rivière plutôt énigmatique, et la mention de la Rivière des Palmes demande quelques explications d'autant plus nécessaires que M. Frank Bond, dans une étude, publiée en 1912 par les soins du gouvernement des Etats-Unis k, a placé ce petit fleuve à quatre cents bonnes lieues de son véritable emplacement !

La Salle, si l'on a soin de rétablir la ponctuation nécessaire, indique très clairement, sur l'acte du 13 mars, la Rivière des Palmes « du costé du couchant ». Pierre Bertius, Sanson d'Abbeville et Hubert Jaillot avaient d'ailleurs, fort bien marqué sur leurs cartes de 1598, 16Î50 et de 1674,

1. Ou : Louis le Grand, Roy de France et. de Navarre règne. Le 9 avril {682.

2. Histoire de la Floride ou Relation de ce qui s'est passé au voyage de Ferdinand de Soto, pour la conqueste de ce pays, composée en Es]>agnol par l'inca Garcilaso de La Vega, traduite en françois par P. Richelel. Paris, ■1670. Une nouvelle édition parut en 1711.

3. La Salle écrivait Chukagua indifféremment de diverses manières.

4. Hislorical sketch of « I^ouisiana » and the Louisiana Purchase. Washington, overnement Printing Office, 1912.


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FemjDlacement de ce petit fleuve dont les eaux arrosent le Mexique septentrional ; néanmoins, M. Bond s'appuyant sur ce que Pamphilo de Narvaez avait obtenu, en 1526, la concession de toutes les contrées qu'il découvrirait entre le Cap de Floride et la Rivière des.Palmes, en a conclu que ce fleuve coulait en Floride, et l'a même identifié avec un des petits cours d'eau qui se jettent dans Saratosa bay, prolongement méridional de la grande baie de Tampa.

Par suite de cette erreur fondamentale, qui n'est hélas ! pas la seule '., M. Bond attribue à la Louisiane française du xvme siècle plus de cent cinquante lieues de côtes orientales sur lesquelles la France n'émit jamais de prétentions, et la configuration de notre ancienne colonie se trouve étrangement défigurée sur la plupart des cartes historiques jointes à son ouvrage. Si Louis XIV et Bonaparte demandèrent, d'ailleurs en vain, à l'Espagne, le premier Pensacola, le second la frontière des Àpalaches, ce fut toujours à titre de cession bénévole 2.

Les Conquistadors — et La Salle rêva toujours d'ajouter son nom aux leurs — ne se contentaient pas de prélever un ou deux pouces de côtes marquées sur quelque portulan, et Narvaez s'était, en réalité, fait octroyer par le roi d'Espagne toutes les contrées, encore complètemen, inconnues, situées entre la pointe de la Floride 3 et le Rio de las Palmas, désigné, en 1521, pour servir de limite, entre le Mexique et un hypothétique Gobierno de Las Palmas.

La conquête des plaines extrêmement arides qui s'étendent au nord de la Rivière des Palmes ne dut guère tenter les compagnons de Cortez, partis à la découverte du littoral du golfe du Mexique, et leurs'bandes ne semblent pas avoir dépassé l'embouchure de cette rivière ; telle fut sans doute la raison pour laquelle ce cours d'eau sans grande importance, dénommé par la suite Rio San Fernando, Presasetdel Tigre, servit d'abord de limite septentrionale au gouvernement de Panuco, et, par suite, de frontière entre le Vieux et le Nouveau Mexique 4.

Narvaez périt tragiquement, en 1528, sur la côte de son nouveau domaine 5 ; Hernando de Soto mourut en 1542 sur les bords du Mississipi sans avoir découvert la moindre mine ; la tentative faite par Tristan de

1. Voir p. 37, 49, 61 et 63.

2. Voir pages 50 et 61.

3. La côte orientale de la Floride avait été découverte, en 1512, par Ponce de Léon.

4. Un peu.plus tard, le Guastecas s'étendit jusqu'au Rio Bravo, puis, quand la province de Nuevo Santander fut créée, le Mexique atteignit le Nueces, petit fleuve du Texas.

5. Sa barque gagna le large et « depuis, dit son compagnon Nuirez, on n'en entendit plus parler ».


LES FRONTIÈRES DE LA LOUISIANE 25

Luna de s'établir en 1559 dans la baie de La Mobile échoua piteusement, et les Espagnols délaissèrent alors, pendant cent-cinquante ans, toutes les contrées situées entre la presqu'île de la Floride et le NouveauMexique.

La Salle choisit la Rivière des Palmes pour servir de limite'à ses futures conquêtes, non seulement parce que Sanson d'Abbeville et Jaillot indiquaient ce petit fleuve comme frontière septentrionale du Mexique, ■mais encore pour la raison que Garcilaso de La Vega en parlait •comme d'une rivière où les Espagnols ne s'étaient pas établis : « Les Espagnols, dit-il, se gouvernèrent de la sorte treize jours et firent plusieurs lieues, sans qu'ils en puissent dire positivement le nombre. Car ils n'avaient fait aucune réflexion, et n'avaient songé qu'à aborder au fleuve des Palmes dont ils croyaient n'être pas fort loin l. »

Les compagnons de Soto mirent en réalité sept semaines pour atteindre Panuco dans leurs mauvaises embarcations ; pourtant La Salle trouvait ■ce chiffre dé treize jours exagéré. « Le temps, dit-il, qu'il leur fallut pour se rendre au Mexique a encore moins de vraisemblance, l'embouchure du Mississipi n'en pouvant être loin, puisque nous avons veu une •chemise de maille, deux mousquets et des estocades-espagnols dans deux villages, l'un situé sous le 29e degré, et l'autre sur le 30° degré, qu'ils nous ont fait entendre avoir veu des gens barbus comme nous 2...»

Certains de ces objets pouvaient provenir de l'expédition de Soto, d'autres, du débarquement ou du naufrage de quelques flibustiers, mais La Salle tenait à faire tomber le Mississipi dans le voisinage du NouveauMexique, et il déclara dans sa Relation de 1683 3. « Le Mississipi est éloigné d'environ 30 lieues du Rio Bravo, de 60 du Rio des Palmes et de 90 à 100 lieues du Rio Panuco, où est la plus prochaine des habitations espagnoles sur la coste. » Ces trois distances, en suivant le littoral, sont, en réalité, de 250, 285 et 340 lieues.

La Salle ne pensait donc avoir pris possscssion le 9 avril 1682, que d'une

1. TraductiondeRichelet, p. 371. « Jean Danhusco, raconte le gentilhommed'Elvas; ■compagnon de Soto, soutint que selon les cartes qu'il avait vues, la côte, jusqu'à la rivière des Palmas courait de l'est à l'ouest, et que, depuis cette rivière jusqu'à la Nouvelle-Espagne, elle allait du nord au sud. » Hist. de la Conquête de la Floride par un gentilhomme d'Elvas, traduction deD. M. C. (Citri de La Guette), Paris, 168S p. 272.

2. Margry, II, p. 198.

3. Relation de la Descouverle de l'embouchure de la Rivière du Mississipi dans le golfe du Mexique, faite par le sieur de La Salle, l'année passée i68'2. (Arch. Hydr. 67, n° 15.) Ce mémoire a été publié par Thomassy (Géologie pratique de la Louisiane. Paris, 1880), et reproduit également par M. Gravier (Découvertes et Etablissements de Cavelier de La Salle. Paris, 1870, p. 377).


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soixantaine de lieues de côtes, toutes situées à l'Ouest du MississipL Ses prétentions étaient modestes, mais les Américains, par la suite, se sont chargés de rectifier l'erreur de La Salle, en son nom, mais à leur profit '.

* * *

La Salle et l'abbé Barnou, son conseiller scientifique jusqu'en 1683, avaient soigneusement étudié tontes les cartes du golfe du Mexique connues de leur temps. Nous allons simplement en signaler quelquesunes qui permettent de se rendre compte des connaissances géographiques de La Salle en 16S2, ou en 1684, et expliquent, du moins en partie, ses erreurs et ses contradictions perpétuelles.

Ces documents consistent : d'abord dans quelque portulan espagnol assez semblable à celui que conserve la bibliothèque de Weimar, ensuite, dans diverses cartes de Pierre Bertius ou. de Pierre du Val, notamment celle que ce dernier publia en 1672, dans la Géographie 'Universelle, enfin dans l'Atlas de Sanson d'Abbeville et la Carte de VAmérique septentrionale, divisée en ses principales parties, dressée par Hubert Jaillot, en 1674.

Le portulan espagnol de Weimar fut dessiné vers 1526, peu de temps après le retour de l'expédition de Francisco de Garay et de Pineda. Sur l'emplacement de la future Louisiane se trouve inscrit : « Tierra que aora va apoblar Panfilo de Narbaez 2. »

Une carte de ce genre servit à La Salle, au moins pendant sa navigation dans le golfe du Mexique. Beaujeu, commandant du Joly, écrivit du Petit Goave, le 24 octobre 1684 : « Du Chesne m'a prêté un routier espagnol du golfe écrit à la main. » Le portulan de Weimar explique pourquoi Beaujeu comptait aller mettre son navire dans l'estuaire inexistant de la Madeleine, non marqué sur la carte de Jaillot, et les trois indications de Motas (Levées), de San Salvador, précédé d'une ancre, et d'Ancones (Havre), dont les pilotes du Joly firent, d'après Jaillot, le Matas (Petits arbres) de San Salvador, montrent comment le niouillage de San Salvador devint un cap broussailleux.

Sur ce vieux portulan, dont nous donnons un croquis simplifié, la P. Llana (La pointe Plate), environnée de trois îlots, représente très certainement le delta du Mississipi, terminé par trois pointes, disposées en éventail. L'Ancon Baxo figure la baie d'Apalaches, et les Rios de San Juhan, de Mébes et de Flores ne peuvent être que l'Apalachicola, l'Escambia et la Rivière de La Mobile.

1. Voir p. 49 et 80.

2. « Terre que va maintenant peupler Pamphile de Narvaes. »


LES FRONTIERES DE LA LOUISIANE

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El Canaveral (Le champ de cannes) paraît n'avoir ici qu'une signification descriptive, comme tant d'autre indications marquées sur la carte, mais ce mot devint par la suite le nom d'un fleuve fantaisiste qui pouvait représenter tantôt le Mississipi, tantôt la Rivière de La Mobile.

A l'ouest de la Punta Llana, YAncones (Havre) placé près du nom de San Salvador, doit être l'embouchure de la Sabine, et Molas indique

Carte 1. — Croquis simplifié du portulan de Weimar, 1520.

très probablement la configuration de l'étroite presqu'île de Bolivar qui ferme au sud-est la baie de Galveston.

La Mar Pequena représente incontestablement cette dernière baie, dont les contours, malgré la mauvaise orientation de la côte, se trouvent assez bien reproduits pour l'époque, et qui, de toutes les lagunes de la côte, pénètre le plus avant dans les terres. Le Rio Spirilu Santo, qui fit, par la suite, donner son nom à'ia baie, placé à l'ouest, se superpose mieux au San Jacinto qu'à la Trinity, fleuve cependant plus important.

Alphonse de Saintonge, dans sa Cosmographie, terminée en 1854 l indique déjà très correctement « la baie du Sainct-Esprit à cens ou censcinq lieues à l'occident de la rivière qui a tant de baptures. ... et qui

1. Publiée par M. Musset. Paris, 1904.


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est par les vingt-et-neuf-degrés », latitude exacte du delta du Mississipi.

L'identification des noms, à l'ouest de la Mar Pequena, devient .plus délicate, par suite de diverses erreurs de tracés et de distances. Pourtant, étant donné qu'entre le Rio Panuco et le Rio Grande ou Bravo, il n'existe que deux petits fleuves, et que toute la région du littoral du Texas est extrêmement plate, le Rio de San Benito et le Rio Hertnoso, près duquel se trouve inscrit arenas (sables) doivent être le Rio Soto la Marina et le Rio del Tigre ou San Fernando, la véritable Rivière des Palmes. Le Rio de Monlanas altas (Rivière des Hautes Forêts) serait ainsi le Rio Bravo 1, au sud duquel commencent, en effet, les ramifications indiquées de la Sierra Madré.

Les autres noms deviennent alors un peu plus faciles à identifier, sauf la P. de Arrecifes, banc de sable sans doute disparu comme certaine pointe aperçue dans la même région par La Salle, le 18 janvier 1685. Le Rio del Oro représente le Brazos, et le Rio Sco ndido (Rivière Cachée), le Colorado dont l'embouchure se trouve située au fond d'une des anses de la baie de Matagorda. .

Le vaste estuaire où se jette la Magdalena pourrait représenter ou la baie San Antonio ou celle de Corpus Christi, au fond desquelles se jettent le Guadalupe et le Nueces, mais ce nom de Madeleine a été appliqué successivement à presque toutes les rivières du Texas, même à la Sabine, et, sur beaucoup d'anciennes cartes, la Madeleine paraît représenter le plus souvent le Rio Bravo. «Je compte, déclarait en 1697 M. déLouvigny, remonter le Rio Bravo, que les Français ont nommé la Madeleine. » Ce fleuve ne possède pas d'estuaire, mais se jette entre les lagunes Madré qui, du nord au sud, s'étendent sur une longueur de près de cent lieues.

Un peu à l'ouest de l'embouchure de la Madelaine, se trouve inscrit Las Palmas ; toutefois ce nom ne semble avoir ici qu'une signification descriptive, comme arenas, motas, matas, medanos (dunes) oucanaveral, et nous traduirons « Las Palmas » simplement par Palmeraie ; seulement ce mot a dû être transformé par la suite, comme Canaveral, en nom de rivière.

L'acte de prise de possession du 13 avril 1682, porterait simplement « l'embouchure des Palmes », suivant le texte publié par M. Margry. Si cette version se trouvait être la plus exacte, ne serait-ce pas, en examinant une ancienne carte espagnole portant, près d'un large estuaire, la simple indication de Palmas, que La Salle supprima le mot rivière ?

La Carte de l'Amérique, corrigée et augmentée dessus toutes les autres

i. Le Rio Bravo, appelé également Rio Grande ou Rio del Norte, portait encore parfois le nom de Rivière Verte à la fin du xvne siècle.


LES FRONTIÈRES DE LA LOUISIANE

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ci devant faides, publiée par Pierre Bertius en 1598, présente non seulement l'intérêt d'indiquer déjà d'une façon assez exacte la position de la rivière des Palmes, mais encore de tracer un Rio Cariaveral et une rivière du Saint-Esprit formant une sorte d'U renversé. Pierre du Val adopta cet étrange système hydrographique, et c'est très certainement l'étude

Carte 2. — Croquis simplifié de ,1a carte de Pierre Bertius.

des cartes de ces deux géographes qui, jointe à la lecture, continuelle de l'ouvrage de Garcilaso de La Vega, affermit La Salle dans l'idée de l'existence d'une très grande Chukagua « plus large que le Colbert » qui, tout en communiquant avec le. Mississipi, constituait pourtant une rivière indépendante.

La Carte de VAmérique septentrionale, publiée en 1674 par Hubert Jaillot, montre la façon dont les géographes français se représentaient alors le littoral du golfe du Mexique. Minet, l'ingénieur de la dernière expédition de La Salle, traça sa carte sur celle de Jaillot, tout en y apportant un certain nombre de modifications d'après les indications de La Salle.

Ces changements furent la plupart des plus fâcheux. La Salle commença, pour pouvoir tracer à son aise un immense Ohio-Chukagua, par reporter de dix degrés vers l'est — c'est-à-dire en plein Atlantique — toutes les côtes du Maine et du Canada, puis repoussa également du côté de la Floride. Achusi ' et le Rio Grande, nom donné au Mississipi, avec celui de Chukagua, par les compagnons de Soto.

1. Ce village indien était situé, d'après certains auteurs, dans la baie de Pensacola, selon d'autres, du côté de La Mobile.


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32 SOCIÉTÉ DES AMÉRICANISTES DE PARIS

La Salle, adoptant ensuite à la lettre toutes les indications complètement imaginaires de Garcilaso de La Vega, tripla les dimensions, déjà fortement exagérées sur les cartes antérieures, de la baie du Saint-Esprit, — l'ancienne Mar Pequena — et en fit un immense golfe, au fond duquel tombait une seconde Chukagua.

Enfin, quand il s'aperçut que la possession des mines de la NouvelleBiscaye, ou l'établissement d'un grand entrepôt de contrebande intéressait décidément beaucoup plus Seignelay que la colonisation du Mississipi,, La Salle modifia sa première carte de la Louisiane, et oubliant qu'il venait d'écrire » Toutes les caries ne valent rien où l'embouchure du fleuve Colhert est proche du Nouveau-Mexique » ', dessina, pour mieux convaincre le ministre, un étrange Colbert coulant pendant plus.de deux cents lieues de l'est à l'ouest entre l'Ohio et la rivière des Arkansas. La Salle était un observateur beaucoup trop habile pour avoir pu commettre involontairement une telle erreur d'orientation 2.

Finalement" le Mississipi vient se jeter complaisamment dans le golfe du Mexique sous une longitude qui plaçait son embouchure à plus de six cents kilomètres de son véritable emplacement et tout près du Rio> Bravo.

Revenons maintenant au fleuve « appelé Saint-Louis, Ohio, OlighinSipou et Chukagua », auquel La Salle avait également attribué, en 1680> ou 1681, et presque indifféremment, les noms de Ouabache et de Baudrane.

L'Ohio, en 1682, n'intéressait plus guère La Salle, et seul le RioGrande ou Chukagua, sur lequel avaient navigué les survivants de l'expédition de Soto, continuait à l'attirer. Ce fleuve irrystérieux était tout simplement le Mississipi dont les Espagnols semblaient avoir presque complètement oublié l'existence. Leurs pilotes connaissaient pourtant sonembouchure et l'appelaient la Palizada, à cause de l'enchevêtrement de troncs d'arbres pétrifiés qui obstruaient ses bouches 3, mais ils avaient toujours grand soin de passer au large de cette pointe, rendue très dangereuse par le grand nombre d'îlots et de bancs de sable qui s'étendent au nord-est.

Le problème de la Chukagua, résolu définitivement par la découverte1.

découverte1. II, p. 198.

2. Nous reviendrons prochainement d'une façon plus précise sur cette question dans une Étude consacrée à la Navigation de La Salle dans le golfe du Mexique.

3. « Le Mississipi que nous appelons le fleuve de la Palissade.. .<> dit le Mémoire de la Junte de Guerre de Madrid, daté du ;> juillet 1701. (Margry, IV, p. S65)


LES FRONTIÈRES DE LA LOUISIANE 33

de l'embouchure du Mississipi % n'en continua pourtant pas moins à hanter l'esprit de La.Salle. Un des défauts du grand explorateur était l'orgueil, et, s'il consentait à suivre les traces d'un célèbre Conquistador, il lui répugnait de se borner à compléter une découverte commencée par un simple Jésuite et un explorateur canadien.

Telle fut la principale raison pour laquelle Cavelier de La Salle baptisa d'un nouveau nom le cours inférieur du Colbert. Si d'autres, avant lui, avaient navigué sur la rivière du Mississipi, le fleuve Saint-Louis et la Chukagua lui appartenaient, depuis leurs sources jusques à leurs embouchures. N'avait-il pas laissé l'abbé Renaudot soutenir — car lui-même ne Ta jamais prétendu— qu'il avait, en 1670, descendu presque tout le cours de l'Ohio 2! Sur sa Carte de la Louisiane, La Salle inscrivit simplement « pays qu'il a découverts... les années 1679, 1680, 1681 et 1682 ».

« Il a, remarque-t-il fièrement, dans sa Relation de la descouverte de l'embouchure du Mississipi, achevé la plus difficile descouverte qui ait jamais été faite par aucun François, sans avoir perdu un seul homme, dans des pays où Jean Ponce de Léon, Pamphile de Narvaez et Fernand

Soto ont péri sans aucun succès, avec plus de deux mille Espagnols »

La Salle exagérait un peu, car Marquette et Jolliet, accompagnés simplement de cinq Coureurs de bois, étaient parvenus, sans grande difficulté, jusqu'à l'embouchure de l'Arkansas.

Le Saint-Louis-Chukagua-Mississipi, le grand fleuve où fut enseveli Hernando de Soto, posséda successivement, dans les idées du Découvreur, autant de sources et d'embouchures qu'un monstre de la Fable comptait de têtes et de queues. L'Ohio ou Olighin Sipou prenait ses sources près du lac Frontenac (Ontario) ; le Ouabache, non loin du lac Erié ; la Baudrane, « derrière Oneiout;i » ; la Chukagua, au nord de la Virginie et la Suskakoa « proche de la Caroline à trois cents lieues à l'est de la rivière Colbert, dans la Floride française proche du Palache (Appalache) 4 ». Enfin La Salle identifia encore le Saint-Louis avec l'Escondido '■>.

Cette rivière hybride, après avoir d'abord failli atteindre la Chine, ne sut jamais si elle devait se réunir, soit directement, soit par l'Ohio, au

1. Certains auteurs ont cependant cherché, contre toute vraisemblance, à identifier la Chukagua soit avec le Tennessee, soit avec la rivière de Tombigbée.

2. Voir La Découverte du Missouri, chapitre premier (Paris, 1925).

3. Margry, II, p. 80. Le village des Oneiouts se trouvait au sud-ouest du lac Oneida.

4. Cette rivière, dont La Salle ne parle qu'une seule fois, et sur laquelle habitaient les Chikachas, doit être tout simplement une variante de la Chukagoa ; pourtant il peut s'agir par suite d'une confusion, de la Susquahenna qui prend sa source dans le pays des anciens Oneiouts, mais va se jeter dans la baie de Delaware.

5. Margry, II, 198.

Société des Américanisles de Paris. 3


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LES FRONTIÈRES DE LA LOUISIANE 35

Mississipi, ou aller tomber directement dans le golfe du Mexique. La Salle adopta même un système intermédiaire et, sur sa Carte de la Louisiane en VAmérique septentrionale 1, le « fleuve Saint-Louis ou Chukagua ou Casquina Mpogamon 2 », va se jeter dans le golfe du côté du Mexique, après avoir suivi approximativement le cours du Tennessee et s'être grossi de l'Ohio et de la rivière Mississipi ou Colbert. Seulement, tous les affluents méridionaux de la Chukagua communiquent, d'une façon fort étrange, avec une rivière de Spiritu, qui se déversait dans la baie du Saint-Esprit, tandis qu'un autre Spiritu Santo coule en Floride, mais prend ses sources sur les bords de la Chukagua.

Finalement, sur la carte dessinée par l'ingénieur Minet, qui reproduit évidemment les dernières conceptions de l'explorateur, la Chukagua se dédouble, l'une devient la Chukagua-Ouabache et l'autre un fleuve, complètement distinct du précédent qui va tomber dans la baie du SaintEsprit !

Les hésitations de La Salle paraîtraient inexplicables si on ne connaissait sa confiance exagérée dans l'Histoire de la Floride. « Les Espagnols, raconte La Vega, crurent d'autant plus facilement qu'ils approchaient de la mer, que la Chukagua commençait à avoir quinze lieues de large 3, si bien qu'on ne découvrait la terre de costé ni d'autre. On voyait seulement, vers l'un des bords de ce fleuve, une quantité de joncs si hauts, qu'il semblait que ce fussent des arbres, et peut-être que la vue ne se trompait pas. Mais on ne s'en voulut point éclaircir davantage Le

quatrième jour, ils reconnurent tout à fait la mer, et virent, à leur gauche, une quantité d'arbres entassés l'un sur l'autre 3 »

La Salle avait souvent relu ce passage : « Cette largeur prodigieuse, dit-il, qu'ils attribuent au canal du Chucagoa, en sorte que, du milieu, ils ne pouvaient discerner si ce qu'ils voyaient du rivage étaient des arbres ou des joncs. . . n'a point de rapport avec la largeur du Mississipi, qui n'est guère plus large que la Loire, même où il tombe dans la mer. »

Tous les chiffres indiqués par La Vega paraissent prodigieusement exagérés, et le gentilhomme d'Elvas, dans son Histoire de la conquête de la Floride, dit simplement : « Le fleuve se partage en deux branches,

1. Carte de la Louisiane en l'Amérique septentrionale, depuis la Nouvelle France jusqu'au golfe du Mexique, ou sont, décris les pays que le Sieur de La Salle s découverts dans un grand continent compris depuis 50" de l'élévation du Pôlejusques à 25, les années 1679, 80, 8i, 82. Cette carte a été reproduite par Margry au commencement de son troisième volume.

2. Ce nom rappelle évidemment celui des Casquins, Sauvages établis sur la rive gauche du Mississipi, dont parle longuement La Vega.

3. Op. cit., tome II, p. 357.


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et chacune d'elles a bien une lieue et demie de large. » Seulement La Salle n'a pas dû connaître cet ouvrage, dont la première traduction française parut seulement en 1685.

Bien d'autres difficultés embarrassaient encore La Salle ; ainsi, il n'avait aperçu nulle part « la grande hauteur de l'escarpe des rivages » qui avait souvent, d'après La Véga, gêné Soto pour débarquer. « Il marchait, ajoute La Salle, à cheval et a souvent côtoyé de même les rivages du Chucagoa. Cela est impossible dans toute l'étendue du Mississipi, où l'épaisseur des cannes est telle partout qu'elle rend les chemins très difficiles à des hommes à pied, et on a besoin de ses deux mains pour s'en tirer. Ils sont inaccessibles aux chevaux '. » .

La Salle, en donnant au Mississipi huit cents lieues de longueur, comme Garcilaso de La Vega à la Chukagua, en baptisant un village arkansas du nom de Kapaha, et en marquant sur sa carte, sur les bords du Saint-Louis, « le fort basty à la prise des Cicachas [par Soto] » semblait identifier complètement les deux fleuves, et, pourtant, il ne renonça jamais à découvrir une Chukagua, sinon tout à fait distincte du Mississipi, du moins formant « une de ses grandes embouchures ».

Finalement, de retour en France, La Salle avouait : « Je ne saurai bonnement dire si ces deux fleuves [le Mississipi et le Chukagoa] se joignent 2. »

*

~ Le Saint-Louis-Chukagua de La Salle ne pouvant être le Tombigbée, une des deux rivières formant celle de La Mobile, et se confondant incontestablement avec le Mississipi, le grand explorateur prit simplement possession du delta du fleuve, et sa Louisiane s'arrêtait, du côté de la Floride, à l'embouchure de la rivière des Perles (Pearl River) qui forme encore actuellement la limite orientale de l'Etat américain de Louisiana, ou, tout au plus, à la rivière des Pascagoulas.

La Mobile, et même peut-être Biloxi, les deux premiers postes français établis sur la côte, se trouvaient en dehors de la « Louisiane de La Salle », et Louis XIV hésita plus d'un an avant d'autoriser d'Iberville à s'installer définitivement dans la baie de La Mobile, où Tristan de Luna avait fondé un établissement éphémère en 1559 3.

M. Bond écrit néanmoins dans son ouvrage déjà cité : « Le resserrement de la frontière, malgré les droits que les Etats-Unis avaient acquis

1. Margry, II, p. 198 et 199.

2. Margry, II, p. 197.

3. Après deux ans de privations, les soldats et les colons se révoltèrent et s'embarquèrent pour Cuba.


LES FRONTIÈRES DE LA LOUISIANE 37

par le traité de 1803, à la région située à l'ouest de la rivière Perdido, résulte sans doute du fait que les Espagnols s'étaient établis très anciennement dans la baie de Pensacola et au fort Saint-Mark de la rivière des Apalaches, et à l'ignorance générale des véritables droits des EtatsUnis sur tout le territoire situé au sud du 31° compris dans la Louisiane dont La Salle avait pris jadis possessioti... Les véritables droits qu'avait acquis La Salle sur la côte orientale du golfe du Mexique jusqu'à la rivière des Palmes semblent avoir été oubliés. »

L'auteur de cette étrange publication officielle, ajoute même : « Les droits de la France sur le littoral du golfe entre le Mississipi et la rivière des Palmes [en Floride !] comme faisant partie de l'ancienne Louisiane, étaient aussi fondés que ceux de la France sur la vallée du Mississipi '. » Il semble également assez curieux de voir la Louisiane de La Salle délimitée déjà par le 31e degré, quatre-vingts ans avant le Traité de Paris !

Si M. Bond s'était douté où coulait véritablement la-Rivière des Palmes, il eut sans doute immédiatement réclamé l'annexion aux Etats-Unis d'une nouvelle région de la province mexicaine de Tamaulipas, déjà rognée en 1848 par les Américains, toujours en vertu des droits incontestables de La Salle et de Bonaparte 2 !

Louis XIV approuva l'annexion de la Louisiane au Canada, et accorda le 14 avril 1684, à Cavelier de La Salle « le commandement tant dans les pays qui seront assujétis de nouveau sous nostre domination dans l'Amérique septentrionale, depuis le fort Saint-Louis sur la rivière des Islinois jusqu'à la Nouvelle-Biscaye, qu'aux François et Sauvages qu'il employera dans les entreprises dont nous l'avons chargé 3 ».

Ces entreprises énigmatiques consistaient à remonter d'abord le Mississipi pour fonder un fort à l'embouchure de la rivière Seignelay (Rivière Rouge), ensuite à trouver un bon port sur la côte et enfin à exécuter, si possible, un coup de main sur les côtes du Nouveau-Mexique.

Le premier janvier 1685, La Salle débarqua sans s'en douter un instant à une douzaine de lieues à l'ouest du delta du Mississipi, et son compagnon Joutel remarqua, sur le rivage, les troncs d'arbres rejetés par le grand

1. Op. cit, p. lOetll. Cette publication, préparée par les soins des départements de l'Intérieur et du Commerce, fut approuvée par les chefs de ces deux départements.

2. La République du Texas avait bien — comme Bonaparte — réclamé, eu 1836, la frontière du Rio Bravo, mais elle n'avait pourtant jamais essayé d'occuper la rive gauche de ce fleuve. Voir page 50.

3. Margry, II, p. 382.


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fleuve; malheureusement, l'explorateur, convaincu que les courants l'avaient porté sur les côtes de la Floride, crut avoir abordé dans les parages de la baie des Apalaches, et prit le parti de longer la côte vers l'ouest dans l'espoir de découvrir la grande baie du Saint-Esprit, où devait se déverser la Chukagua, et c'est même dans cette baie, passablement imaginaire, qu'il donna un premier rendez-vous à Beaujeu.

La Salle dépassa, pendant la nuit du 13 au 14 janvier, la baie de Galveston, sans l'apercevoir, et, finalement, prit le parti de débarquer le 15 février à l'embouchure de la baie de Matagorda. Le Découvreur la baptisa, au mois de novembre 1685, du nom de Saint-Louis, « à la louange du Roy, dit Joutel, et du pays nommé la Louisiane », mais, comme la baie se trouvait incontestablement à l'est de la rivière des Palmes, La Salle ne semble pas avoir jugé nécessaire d'en prendre solennellement possession. Pourtant il annexa à la Louisiane le pays des Cenis, et Joutel retrouva, en 1687, près des bords du Neches, un eopal sur lequel La Salle « avait fait marquer les armes du Roy » l'année précédente, et d'autres arbres « auxquels divers particuliers avaient fait des croix, le tout taillé dans l'écorce ».

Quelques Cenis connaissaient déjà le Nouveau-Mexique, d'où ils avaient ramené des chevaux et rapporté divers objets de provenance espagnole, voire même des Indulgences pontificales ; pourtant, la prise de possession de leur contrée nous semble parfaitement légitime. Par contre, les Sauvages des alentours de la baie Saint-Louis étaient depuis plus longtemps en rapports au moins occasionnels avec les Espagnols, et La Salle trouva dans des huttes indiennes, tout près du Colorado, des boutons dorés, un soulier, deux épées, un chapelet en coco et des médailles de SaintJacques. Ces simples objets devinrent, sous la plume de l'abbé Cavelier qui voulait faire croire à Seignelay que le Mississipi tombait bien sur les confins du Nouveau-Mexique, des écussons portant les - armes du roi d'Espagne avec la date de 1588, une couleuvrine en bronze, des enclumes et même une cheminée ! Sans tenir le moindre de compte des hâbleries de Cavelier, la région de la baie Saint-Louis pouvait être, dès cette époque, assez légitimement considérée par l'Espagne comme comprise dans ce que l'on appellerait maintenant sa zone d'influence.

Il vaut donc mieux ne jamais parler des droits « incontestables » de La Salle sur la rive gauche de la rivière des Palmes, ni même sur celle du Rio Bravo. A la fin du xvu° siècle, on ne prenait déjà plus d'un trait de plume la moitié d'un continent, dont une partie était revendiquée par une autre puissance, et nous considérons que les véritables limites de la Louisiane de La Salle ne pouvaient guère — du moins en 1682 — dépasser vers l'ouest le Rio Brazos.


LES FRONTIÈRES DE LA LOUISIANE 39

L'occupation de la baie de Matagorda de 1685 à 1689 ne réussit malheureusement pas à agrandir la Louisiane ; toutefois la France pouvait, mais seulement en invoquant les droits de premier occupant, réclamer en 1720, à l'occasion d'un traité, la frontière du San Antonio '.

CHAPITRE V

« L'ESTABLISSEMENT DU MISSISSIPI »

L'expédition de Le Moyne d'Iberville. — Prétentions du Père Hennepin. — Tentatives des Anglais et des Espagnols pour s'emparer du Mississipi et de Biloxi. — Rivalité du Canada et de la Louisiane.

L'honneur d'avoir découvert l'embouchure du Mississipi, et d'avoir pris possession de la Louisiane, revient à Cavelier de La Salle ; malheureusement tous ses efforts n'aboutirent — en dehors du pays des Illinois — à aucun résultat durable ; et, peu de temps après son assassinat, les seules traces de ses deux grandes explorations se "réduisaient à quelques poteaux de prise de possession, vite abattus, et à un tout petit poste établi par quelques compagnons de Tonty, en 1686, sur la rivière des Arkansas, à cinq lieues de son embouchure.

L'abbé Cavelier indiqua, dans un Mémoire, l'importance « de conserver le pays des Illinois et de se rendre maître de celui qui, de chez eux, s'estend jusqu'à la mer du golfe du Mexique », seulement, comme à la même époque, « ne voyant présentement quoy que ce soit à faire pour le soulagement de ceux qu'il a laissez auprès du golfe du Mexique, il attendra des conjectures plus favorables et profitera des ouvertures que la Providence pourroit donner pour les soustenir 2 », son Mémoire était simplement rédigé dans le but d'obtenir le remboursement des frais de voyage des Français et des Sauvages ramenés par lui du Canada.

L'abbé Cavelier, personnage fort peu sympathique, avait caché soigneusement la mort de La Salle pendant dix-huit mois pour retirer le plus d'argent possible de ses affaires commerciales. Non seulement il frusta les créanciers de son frère, mais son avarice et son égoïsme furent probablement la cause du massacre des malheureux Français restés au fort Saint-Louis, que Tonty, prévenu plus tôt 3, aurait sans doute pu sauver*

1. Voir page 82.

2. Margry, III, p. 586 et 585.

3. Touty apprit la mort de La Salle par un nommé Couture, installé aux Arkansas, à qui l'abbé Cavelier n'avait pu cacher l'assassinat de son frère.


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Dès lors, pendant près de dix ans, on n'entendit plus guère parler de îa Louisiane, sauf par Tonty qui, à plusieurs reprises, notamment en 1694, demanda « à accomplir la descouverte de M. de la Salle », et par MM. de Louvigny et de Mantet qui proposèrent la même année, de reprendre les projets de La Salle; pourtant, lors des préliminaires de la paix de Ryswick, Louis XIV prescrivit à ses représentants de ne pas abandonner aux Anglais les pays situés au sud de nos possessions en Amérique. « Sa Majesté, écrivit le Ministre au mois de mai 1697, croit devoir leur faire observer à cet égard que cette rivière [le Mississipi] est le seul endroit par où on peut tirer les marchandises de la Louisiane que Sa Majesté a fait descouvrir il y a plusieurs années et qui lui deviendrait inutile si elle n'estoit pas maistresse de cette emboucheure. » Le même document annonçait secrètement le dessein du Roi « d'envoyer dans peu de temps des vaisseaux pour s'assurer de la possession de ce pays, dont elle peut tirer dans la suite de très grands avantages ».

Ces projets durent être bientôt connus en France, car au mois de décembre de la même année, Argoud, Remonville et plusieurs autres armateurs « sachant que feu M. de Seignelay avait toujours eu le dessein d'établir une colonie puissante dans la Louisiane, et que la guerre seule l'avait empêché de l'exécuter », proposèrent de fonder « une nouvelle colonie au Mississipi ou Louisiane », et demandèrent la concession « en toute propriété, justice et seigneurie, de toutes les terres, places et isles qu'elle pourra occuper dans toute l'étendue du golfe du Mexique, à compter depuis la dernière des habitations espagnoles dans la Floride, jusqu'au Nouveau-Mexique, et, dans la terre ferme, depuis les rivages du golphe jusques à la Rivière des Illinois, soit qu'elles soient abandonnées, désertes ou habitées par les Barbares ; ensemble celle qu'elle pourra conquérir sur les ennemis 1 ».

Si La Salle' restera toujours le grand explorateur du Mississipi, Le Mojme d'Iberville fut le véritable fondateur de la colonie de la Louisiane ou, plus exactement, puisque ce nom semblait alors fort peu employé, de VEstablissement du Mississipi. Les chaloupes du Marin ~ et de La Badine reconnurent la baie de La Mobile le 1er février 1699; d'Iberville pénétra dans le delta du Mississipi le 3 mars, et les travaux du premier fort de

1. Margry, IV, p. 34.

2. D'Iberville donne à son navire le nom de Marin, mais Guillaume de L'Isle, toujours très précis, l'appelle Le Cheval Marin.


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Biloxi, établi un peu à l'ouest de l'embouchure de la rivière des Pasca goulas, commencèrent le 5 avril 1699.

Enfin, pour compléter l'occupation française du littoral, d'Iberville traça au mois de janvier 1702, le plan du fort de La Mobile. Notre nouvelle •colonie se trouva, dès lors solidement établie ; elle avait pourtant couru — sans même parler de l'hostilité du Canada, qui la déclarait parfaitement inutile, voire même dangereuse — deux périls très sérieux pendant la première année de son existence.

En 1698, deux Louisianes rivales, celle découverte par La Salle et celle revendiquée par le Père Hennepin, se disputaient encore la possession du Mississipi; et le moine tant soit peu défroqué l, venait, nous l'avons déjà indiqué, d'offrir à Guillaume III « un très grand pays, situé dans l'Amérique, entre le Nouveau-Mexique et la Mer Glaciale. »

« J'ai découvert, affirmait le Récollet dans l'Epître dédicatoire du Voyage ou Nouvelle Découverte d'un très grand pays, entre le Nouveau-Mexique ■et la mer Glaciale, de nouvelles contrées, qu'on peut appeler, avec justice, les délices de ce Nouveau Monde, et qui sont plus grandes que l'Europe entière. On les voit, dans l'espace de plus dé huit cens lieues, arrosées d'un grand fleuve, sur les bords duquel on pourrait former un des plus puisans Empires de l'Univers. »

Hennepin s'appropriait, dans son nouvel ouvrage, toutes les découvertes de La Salle, et pillait effrontément pour les décrire, le manuscrit de Marquette, Les dernières Découvertes dans l'Amérique septentrionale de M. de La Salle par le chevalier Tonty, Le premier Etablissement de la foy dans la Nouvelle France du Père Chrestien Le Clercq et quelque copie de la Relation de la Descouverte de l'embouchure de la Rivière du Mississipi dans le golfe du Mexique.

La. Nouvelle Découverte ne fournit, naturellement, aucun renseignement nouveau sur le cours inférieur du Mississipi. La carte restitue au Mississipi sa direction nord-sud, mais reproduit toutes les erreurs de longitudes commises par La Salle. Elle montre, également, la façon ingénieuse dont le Récollet savait truquer ses « découvertes ». Il fait tomber le Wisconsin, sur lequel il avait pourtant navigué, dans le Michigan, afin de pouvoir offrir aux Anglais un débouché sur ce lac, place les Illinois dans sa Louisiane, à plus de cent lieues au nord de leur contrée, et repousse vers le nord les Isatis, pour les soustraire du Canada et les rapprocher des postes de la baie d'Hudson.

1. On pourrait même croire qu'il avait définitivement jeté son froc aux orties, si on ne le retrouvait un peu plus tard à Rome au couvent de Ara Coeli. Dubos écrit à Thoinard, le 1er mars 1701, « qu'il avait emberlificoté le cardinal Spada, lequel lui faisait le fond d'une nouvelle mission pour les pays Mississipiens ».


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Carte 6. —• Croquis simplifié du Voyage ou Nouvelle Découverte du Père Hennepin.


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Bien d'autres erreurs ou fantaisies peuvent être encore relevées : Hennepin fait du Ouabache, le village de Cua Bâche ; trace la Rivière Tamaroà (R. de Kaskaskias) sur la rive droite du Mississipi, et l'embouchure du Missourite en amont de celle de la Rivière des Illinois. De plus, il place les Chiquachas à l'ouest du Mechasipi et, par contre, les Akansas et les Coenis, à l'est !

Sur les bords du golfe du Mexique, la baie Saint-Louis se trouve entre le Mississipi et la Baie de Spiritu Santo dans laquelle se jette la Chucagua ; le Rio Grande coule en Floride ; le Rio del Norte se déverse dans le Pacifique, et une de ses branches, (le Rio Bravo) va, sous le nom de Rivière de Magdeleine, se jeter dans le golfe du Mexique.

La façon dont est placé le nom de Louisiaene (sic) sur la carte ne laisse aucun doute sur les territoires mis à la disposition de l'Angleterre. Ils s'étendaient du Missouri à la baie d'Hudson, et touchaient à la Mer Glaciale, sorte de Passage du Nord-Ouest, et aux lacs Supérieur et-Michigan.

« Les délices du Nouveau Monde » présentaient pourtant, avant les découvertes de La Salle, le très grand inconvénient de n'être accessibles que par le Canada. Si le Père Hennepin prétendit avoir, le premier, atteint le golfe du Mexique, ce ne fut nullement, comme on le suppose, par simple vantardise, mais uniquement pour permettre aux Anglais de revendiquer et d'occuper tout le cours du Mississipi.

L'Angleterre, dont la politique consistait à encercler le Canada par le nord et par le sud, jugea la proposition intéressante et fit partir, au mois d'octobre 1698 l, de nombreux Huguenots, embarqués sur trois navires sous la conduite d'un nommé Leu. Seulement le convoi passa l'hiver' à Charleston où beaucoup de réfugiés résolurent de se fixer, un des navires retourna en Angleterre, et les deux autres ne mirent à la voile qu'en mai 1699, deux mois après l'occupation du Mississipi par d'Iberville.

Hennepin, reproduisant naturellement toutes les erreurs commises par de La Salle, avait placé l'embouchure du Mississipi sous le 274e méridien de l'île de Fer ; les pilotes anglais, qui n'avaient pas d'autre carte pour se guider, commencèrent donc par aller chercher le fleuve au fond du golfe du Mexique et ne découvrirent que le fortin établi par les Espagnols à la suite de la dernière expédition de La Salle.

Les commandants résolurent alors de continuer leurs recherches séparément, après s'être donné rendez-vous à un Cap Blanco marqué sous le 26e degré ', où ils durent avoir, plus tard, quelque peine à se rejoindre.

1. D'Iberville quitta Brest le 24 octobre 1698.

2. D'après certaines anciennes cartes espagnoles, ce cap paraît être le cap San Blas, situé près delà rivière des Appalaches.


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Le mieux armé se dirigea vers le sud ; l'autre, armé de douze canons et commandé par le capitaine Bank, longea la côte vers l'orient et finit par pénétrer, au mois de septembre, dans le Mississipi.

Bienville le rencontra par hasard, à environ vingt-cinq lieues de l'embouchure, près de l'endroit appelé encore de nos jours le Détour à l'Anglais, et, payant d'audace, parvint, bien qu'il n'eut que cinq hommes avec lui, à déterminer Bank à regagner la haute mer. La retraite des Anglais a été expliquée de diverses façons, toutes assez peu vraisemblables ; pour nous, la véritable doit être que Bank, peu sûr de ses passagers, connaissait Bienville *, savait qu'il était Canadien et dut croire tout le Mississipi déjà occupé par les redoutables Coureurs des Bois.

Un Français, « fort suspect aux Anglais », se trouvait à bord. « Il fit connaître et témoigna à mon frère, raconte d'Iberville, qu'il souhaiterait de tout son coeur, et tout ce qu'ils étaient de François réfugiés, que le Roy leur voulust permettre de s'establir en ce pays, sous son obéissance, avec la liberté de conscience ; qu'il respondait qu'il serait bientôt nombre icy, qui estoient malheureux sous la domination anglaise, qui ne pouvoit compatir à l'humeur françoise, et le pria de me charger de la demande pour eux au Roy, et me laissa son adresse à la Caroline et à Londres. » 2

Un autre danger, beaucoup plus sérieux, menaça l'Etablissement du Mississipi l'année suivante. Le gouverneur de La Vera Cruz avait envoyé, quatre mois avant l'arrivée de d'Iberville, deux cent-cinquante hommes occuper la baie de Pensacola « sur l'avis qu'il avait eu que d'Europe on y devait venir. » Le choix de cet emplacement montre à quel point les Espagnols connaissaient mal l'existence du Mississipi.

Une flottille espagnole, composée d'une frégate, d'un brigantin et de deux grandes chaloupes, se présenta, le 23 mars 1700, devant l'entrée de Biloxi. Andrez de Riola, gouverneur de Pensacola se trouvait à bord avec l'ordre formel du vice-roi du Mexique, de s'emparer de tout établissement français ou anglais, fondé sur le littoral du golfe ; seulement la présence, tout à fait inattendue, de trois navires bien armés modifia ses dispositions belliqueuses, « et les visites, qu'on fit de part et d'autre, se passèrent avec beaucoup d'honnêteté. »

Riola repartit le 30 mars, se bornant à laisser à l'adressede d'Iberville, alors absent, une protestation contre l'établissement des Français, « toute la côte et tout le continent (sic) se trouvant sous la domination du Roi d'Espagne. » La frégate de Riola se perdit le lendemain, pendant un orage, sur un banc de sable, et le gouverneur, « en simple veste, » dut venir, dans un canot, chercher du secours à Biloxi.

1. D'Iberville avait fait Bank prisonnier à la baie d'Hudson en 1694.

2. Margry, IV, p. 397.


LES FRONTIÈRES DE LA LOUISIANE 45

Les cent quarante matelots ou soldats en détresse sur un îlot furent ramenés à terre dès que le temps le permit ; « on régala » et habilla les naufragés, puis les officiers servirent à M. de Riola « des repas magnifiques qui, en France, dans les bonnes tables, n'auraient pas été plus réguliers. » Bref, écrivit M. de Ricouart, commandant de La Renommée, «nous leur avons rendu le bien pour le mal ; à-quoi, nous n'avons nul regret 1 ».

L'hostilité du Canada contre tout établissement dans le voisinage de l'embouchure du Mississipi fut certainement, avec la guerre de la ligue d'Augsbourg, une des raisons qui empêchèrent, pendant douze ans, de reprendre le projet conçu par La Salle.

L'occupation de Biloxi mécontenta grandement les habitants du Canada qui redoutaient de voir descendre par le grand fleuve une partie impor• tante de la traite du castor. De nombreuses réclamations furent adressées en France à ce sujet, et Callières, gouverneur de Montréal, après avoir commencé par réclamer inutilement le rattachement au Canada de tous les nouveaux postes, demanda, que la région duOuabache fut, du moins, réunie à son gouvernement.

Louis XIV décida néanmoins, au mois de mai 1701, de rendre « la colonie du Bas du Mississipi » complètement indépendante de la NouvelleFrance. Un Mémoire sur l'Etablissement de La Mobile et du Mississipi, rédigé sur les indications de d'Iberville, pour réfuter les prétentions de Callières, déclarait : « pour les limites du Mississipi, par rapport au Canada, toutes les rivières qui tombent dans le Mississipi jusqu'à leur source, et les nations, qui sont dessus, doivent dépendre du Mississipi, comme peuvent être toute la nation des Illinois, les Miamis de la fourche de la rivière des Illinois, ou ceux de Ouisconsin, les Pegoucoquias, les Maskoutens,

Maskoutens, Kikapous Ceux qui doivent dépendre du Canada sont les

Sauvages sur les rivières qui tombent du côté du Canada, comme sont les Miamis de Chicagou. . . tous les Sauvages qui sont sur les rivières qui tombent dans la baye des Puants 2.. . »

Le Ouabache — l'Ohio était à cette époque considéré comme son affluent — fut rattaché, le 14 septembre 1712, au pays connu à présent sous le nom de gouvernement de la Louisiane, et le Roi, par Lettres patentes, « établissait le Sieur Crozat pour faire seul le commerce dans toutes les terres par nous possédées et bornées par le Nouveau-Mexique, et par celles des Anglais de la Caroline, tous les établissements, ports,

1. Margry, IV, p. 383, 391 et 540.

2. Margry, IV, p. 591.


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havres, rivières, et principalement le port et havre de l'Isle Dauphine, appelée autrefois de Massacre, le fleuve Saint-Louis, autrefois appelé Mississipy, depuis le port de la mer jusqu'aux Illinois, ensemble les rivières Saint-Philippe, autrefois appelée des Missourys, et Saint-Hiérome, autrefois appelé Ouabache, avec tous les pays, contrées, lacs dans les terres et les rivières qui tombent directement ou indirectement dans cette partie du fleuve Saint-Louis *. »

La possession du Ouabache présentait une grande importance pour la Louisiane, cette rivière étant devenue la principale voie de communication avec le Canada ; La Mothe-Cadillac, le nouveau gouverneur de la Louisiane, était pourtant d'un avis contraire, car il reçut, le 8 décembre 1712, un blâme, « pour avoir dit à M. Crozat qu'il ne fallait pas parler de limites, ni de séparer le gouvernement de la Louisiane de celui du Canada, et que cela formerait des contestations qui ne produiraient rien de bon 2. » ■

Dans un Mémoire, daté du lo janvier 1714, le missionnaire Lemaire déclarait : « Le pays de la Louisiane se termine, du côté du Nord, au lieu appelé le Détroit entre le lac Erié et le lac Huron, qui est un gouvernement à part... » La Louisiane n'atteignit jamais les Grands lacs, pourtant elle ne tarda pas à s'en rapprocher.

Les lettres patentés, délivrées à la Compagnie d'Occident le 6 septembre 1717, lui concédaient « la Louisiane avec la même étendue que le Roi l'avait accordée au Sieur Crozat ». Toutefois, trois semaines plus tard, le Roi, <c estimant qu'il convient, pour le bien de son service et pour l'avantage et utilité de la Compagnie d'Occident, d'augmenter le gouvernement de la Louisianne, » décida, le 27 septembre, « d'y joindre le pays des sauvages Islinois. »

Le géographe Homann, de Nuremberg, publia, au commencement du xvnie siècle, diverses cartes de l'Amérique du Nord. Sur l'une d'elles, non datée, mais qui a dû être retouchée vers 1718 ou 1719, puisque la Nouvelle-Orléans ne s'y trouve pas encore marquée, les limites de la Louisiane sont indiquées d'une façon extrêmement fantaisiste.

Si Homann, qui note pourtant soigneusement Pensacola, Saint-Joseph, Santa Maria di Apalachi (sic) et Saint-Augustin comme appartenant à l'Espagne, englobe néanmoins toute la Floride dans la Ludoviciana, c'est parce que cette carte lui avait été évidemment commandée par la Com1.

Com1. Recueil ou Collection des litres, édils... concernant la Compagnie des Indes. Paris, 1745-1746, II, p. 503.

2. Arch. Nat. Colonies F\ XXIV, f« 126.


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pagnie des Indes pour servir à sa propagande en Allemagne, où elle recruta d'assez nombreux colons. La Compagnie fit exécuter, semble-t-il, des cartes analogues en Angleterre, et Hermann Moll inscrivit sur une des siennes : « Tins country is full of mines. »

Aucune frontière précise ne semble jamais avoir été fixée entre le Canada et la Louisiane. Vaudreuil, gouverneur du Canada et Boisbriant, nommé commandant du Fort de Chartres en 1718, eurent bien quelques petits différends au sujet des limites du pays des Illinois, toutefois, les contestations entre nos deux colonies furent extrêmement rares ; les colons manquaient totalement dans les territoires indéterminés, et les Coureurs de Bois se souciaient fort peu de savoir s'ils relevaient de Québec ou de la Nouvelle-Orléans. La carte détaillée de l'Ohio, dressée par Mandeville en Î740, n'indique encore aucun poste sur cette rivière L

Le cours supérieur du Ouabache, en fait, ne dépendit jamais de la Louisiane et le fort de Vincennes fut même fondé par des officiers canadiens. II y eut à certaines époques un commandant du Haut-Mississipi, qui, tout en relevant de Québec, demeurait le plus souvent aux Illinois, et la mission du lac Pépin, formé par un élargissement du Mississipi, ressortit, tant qu'elle vécut, du Canada.

En 1731, date à laquelle la Compagnie des Indes renonça à son privilège et rétrocéda la Louisiane au gouvernement royal, on peut admettre que cette province s'étendait approximativement, au nord, sur la région sud-ouest de l'Etat d'Indiana, qu'elle englobait plus des trois quarts de l'Illinois, et la partie de l'Iowa située au sud de la Rivière des Moines ; mais, seuls, de hardis Coureurs de Bois parcouraient en maîtres la plus grande partie de ces contrées, et la plupart d'entre eux étaient Canadiens.

La Louisiane française ne connut jamais ses limites au nord-ouest, ni ses frontières avec les provinces septentrionales du Nouveau-Mexique. Les trappeurs remontèrent parfois très loin le cours du Missouri, et l'un d'eux se trouvait en 1743 installé dans la région du North Dakota; mais ces contrées se trouvèrent théoriquement rattachées à la Nouvelle-France quand le chevalier de La Verendrye, parti du fort La Reine (Winnipeg), prit, en 1742, possession du pays des Gens de la Petite Cerise, qui devaient habiter du côté de l'embouchure du Petit Missouri. Seuls, le Père Hennepin et Philippe Buache, pourtant savant géographe, pouvaient s'amuser à faire baigner les rivages de la Louisiane par les flots de la mystérieuse Mer Glaciale, ou par ceux de la légendaire Mer de l'Ouest. Par contre, une grande partie des Etats américains de Nebraska, Kansas et Oklahoma se trouvait comprise dans la zone d'influence française.

1. Arch. Hydrog. 4044e Cartes particulières, n° 54.


LES FRONTIÈRES DE LA LOUISIANE 49

Les Américains ne se contentèrent pas longtemps d'avoir acquis de Bonaparte toutes les régions explorées par les Français, et le gouverne, ment des États-Unis ne tarda pas à repousser ses frontières occidentales aux cimes des Montagnes Rocheuses L

Pour justifier cette extension, les fameux « droits de La Salle » furent rappelés. Selon M. Bond, notre grand compatriote ayant pris possession de toutes les rivières qui tombent dans le Mississipi, la Louisiane comprenait incontestablement la partie orientale des États du Montana et du Wyoming 2, et même les sources du Canadian, situées à une douzaine de lieues de Santa Fé, ville fondée par les Espagnols cinquante ans avant la naissance de La Salle 3 !

Seulement, si La Salle, en enterrant une plaque en plomb, avait pu prendre possession d'un territoire cinq fois grand que celui des colonies anglaises d'Amérique, on s'explique mal pour quelle raison M. Bond exclut de cette grande Louisiane une partie du cours de la rivière Milk, affluent septentrional du Missouri, et l'attribue, dès la fin du xvne siècle, au Dominion of Canada ! Seule, une partie du Wisconsin, le bassin de la Rivière Rouge du Nord, se trouve en dehors de la fameuse Louisiane de La Salle.

Bonaparte était moins ambitieux, et les instructions remises le 5 frimaire an XI au général Victor portaient simplement : « La ligne de démarcation est indéterminée vers le nord-ouest, ainsi que toutes celles du nord, qui se perd dans les vastes solitudes dénuées d'établissements européens, où l'on ne paraît pas encore avoir éprouvé la nécessité des limites entre le Canada et la Louisiane ». Néanmoins, M. Bond nous apprend que la France céda, en 1803 aux État-Unis 924, 279 miles carrés, dont la République américaine, se contenta, provisoirement, d'occuper d'abord 827, 987 *.

La Salle, très certainement, servit fort bien la France, mais encore bien mieux les États-Unis, si on juge par l'abus que fit de son nom et de sa Louisiane le gouvernement américain pendant la première moitié du xixe siècle.

1. La région située au sud delà rivière Arkansas et à l'ouest du 100e méridien ne fut annexée aux États-Unis qu'en 1846.

2. Ces contrées étaient encore presques inconnues des géographes, même à la fin .du xvine siècle. L'exploration méthodique du Haut-Missouri fut exécutée de 1804 à

1805 par les capitaines Lewis et Clarkeet celle des sources de l'Arkansas, du Kansas et la Platte fut commencée, en 1805, par le Major Pike.

3. Francisco Vasquez Coronado, dès 1542, avait pris possession des territoires situés au Nord-Est de la Rivière Rouge, et même, d'après certains auteurs, traversé I'Arkansas.

4. Op. cit., p. 13.

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Le cours du San Antonio, parfois le Rio Nueces ou le Guadaloupe, avaient toujours servi de limites occidentales à la province espagnole ou mexicaine du Texas '; néanmoins les Américains s'empressèrent, quand ils eurent annexé, en 1845, la République du Texas, de réclamer, toujours en vertu des fameux droits de La Salle et de Bonaparte, le Rio Grande comme frontière avec le Mexique. Puis, quelques aventuriers sans scrupules ayant été tués, peu de temps après, sur les bords de ce fleuve, le Président Polk adressa un message au Congrès pour demander qu'on venge le sang des citoyens américains tombés sur le sol des ÉtatsUnis, *( on our own soil », déclara-t-il.

Le fougueux Président fit déclarer la guerre, le Mexique succomba, et, en 1848, la Louisiane américaine de La Salle (« original Louisiana ») rentra en possession de 1,477 nouveaux miles carrés, toujours suivant les chiffres indiqués par M. Bond.

La « Louisiane de La Salle » n'est pourtant pas encore complètement américaine, et, seul, l'avenir nous apprendra si le drapeau étoile flottera un jour sur les bords de l'ancienne rivière des Palmes.

CHAPITRE VI LES FRONTIÈRES OCCIDENTALES ET ORIENTALES DE LA LOUISIANE

Les explorations françaises vers l'ouest. — Hostilités entre la France et l'Espagne — Limites de la Louisiane et des colonies anglaises.

Avant l'époque où les pilotes eurent découvert, ou plutôt été autorisés à chercher le moyen de faire entrer les navires dans le Mississipi (1718), la Louisiane manquait de bon port, les Espagnols s'étant installés, dès 1698, à Pensacola, seule bonne rade du littoral.

Cette place forte, mal armée, port de relâche situé en dehors des grandes voies maritimes, sans grand commerce — les négociants espagnols se hasardant peu chez les Indiens. — n'avait d'autre utilité que de servir de poste frontière, et ses seuls jours de prospérité furent ceux où ses gouverneurs se livrèrent à une vaste contrebande.

D'Iberville se leurra pendant un an de l'espoir que l'Espagne consentirait à nous céder bénévolement Pensacola, dont l'entretien lui coûtaitfort cher, et Louis XIV, sur ses instances, engagea des pourparlers avec

1. Voir p. 61. Dans les derniers temps de la domination espagnole, le Rio Médina affluent septentrional du San Antonio, servait de délimitation entre la province du Texas et celles de Coahuila et de Nuevo Santander, dont la partie restée mexicaine porte maintenant le nom d'Etal de Tamaulipas.


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la cour de Madrid pour obtenir l'abandon de cette rade, mais la Junte de Guerre protesta, au mois de juillet 1701, contre toute aliénation territoriale en Floride, et Philippe V ajouta même que « le Mississipi était le plus grand ornement de sa couronne » !

D'Iberville fut' alors autorisé à fortifier La Mobile et, dès lors, la frontière orientale de la Louisiane se trouva définitivement fixée par le cours du Rio Perdido, petit fleuve dont l'embouchure se trouve située entre les baies de Pensacola et de La Mobile. Son nom rappelle le naufrage d'un navire espagnol dont tout l'équipage s'était noyé.

Vers 1711, Bienville et le gouverneur de Pensacola résolurent de placer quelques bornes frontières ; mais certaines difficultés surgirent au sujet de leur emplacement, et ce projet fut ensuite abandonné quand Bienville eut reçu une dépêche, datée du 8 décembre 1712, l'informant « que Sa Majesté ne jugeait pas nécessaire de régler à présent aucune limite. »

Celles qui séparent actuellement, dans l'État de l'Alabama, le comté de Monroe, de ceux d'Escambia et de Conecuh, doivent, très probablement, indiquer l'ancienne frontière de la Floride et de la Louisiane française.

Pendant la guerre de la succession d'Espagne, plusieurs expéditions furent envoyées en Floride ou au Texas, et un des premiers actes de la Compagnie d'Occident consista à prescrire l'occupation de la baie SaintJoseph, située à une quarantaine de lieues à l'est de La Mobile. Chateaugué alla la reconnaître au commencement de 1718 ; seulement le frère de Bienville trouva le mouillage assez médiocre et, surtout, les alentours extrêmement arides. La baie Saint-Joseph était d'ailleurs beaucoup trop éloignée de nos établissements, et les quelques hommes débarqués furent rapatriés dès le mois de juin de la même année.

Bienville et Sérigny s'emparèrent de Pensacola le 15 avril 1719; les Espagnols reprirent la ville le 6 août, mais en furent de nouveau chassés le 13 septembre. Les Français occupèrent ensuite Pensacola pendant deux ans, et ne se retirèrent qu'au mois de septembre 1722, après la fin. des hostilités entre la France et l'Espagne.

Le gouvernement de la Régence avait d'abord commencé, pendant les pourparlers qui précédèrent la paix, par réclamer la Rivière des Apaches et le Rio Bravo comme frontières de la Louisiane ; mais le marquis de Maulevrier, notre ambassadeur à Madrid, se heurta toujours au refus catégorique de Philippe V, qui répétait sans cesse : « Je veux qu'on me rende Pensacola. »

Le cardinal Dubois se faisait d'ailleurs peu d'illusions sur la cession de


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la rive gauche du Rio Bravo « jusqu'au Presidio de Saint-Baptiste » *, et prévenait le marquis de Maulevrier « qu'on n'en ferait la demande que pour obtenir la baye Saint-Bernard, avec le terrain arrosé par les petites rivières qui y tombent, lesquels sont indispensablement nécessaires pour soutenir l'établissement déjà ordonné dans cette baye... qui nous appartient de droit 2 ».

Philippe V se refusa à toute concession, et on ne reparla plus de la baie où débarqua La Salle, de 1721 jusqu'à l'époque où l'Espagne rétrocéda la Louisiane à Bonaparte.

Le gouvernement du Mexique ignora longtemps le débarquement de La Salle dans la baie Saint-Louis, appelée ensuite Saint-Bernard et actuellement Matagorda. Dès qu'il en eut connaissance, en 1686, il envoya plusieurs expéditions pour chasser les Français ; mais le « pays des Tejas » (Texas) était alors si peu connu des Espagnols que les trois premières revinrent sans avoir pu découvrir l'emplacement du fort SaintLouis, situé sur les bords de la Rivière aux Boeufs, petit fleuve qui, malgré la coïncidence des noms, n'est certainement pas le Rio Lavaca, mais le Rio Garcitas. En 1689, Alonso de Léon finit pourtant par l'atteindre peu de temps après le massacre des habitants par les Sauvages, et ramena au Nouveau-Mexique trois hommes, trois jeunes gens, une jeune fille et trois enfants 3.

Plusieurs autres expéditions partirent encore pour achever la destruction du fort, explorer les régions avoisinantes et fonder la mission de San Francisco de las Tejas 4. Le capitaine Teran atteignit, croit-on, la Rivière Rouge en 1691, et les Capucins fondèrent au Texas, dans les dernières années du xvne siècle, quelques missions, la plupart d'ailleurs temporaires ; l'une d'elle se trouvait, au commencement du xvme siècle, dans les environs de Nacogdotchez.

Les Espagnols ne songèrent jamais —au moins du temps de l'occupation française de la Louisiane, — à coloniser véritablement le Texas, et s'ils.en revendiquèrent toujours énergiquement la possession, même après 1803, ce fut surtout pour servir de zone protectrice à leur province du Nouveau-Mexique.

Les Français ne tardèrent pas à entreprendre l'exploration des régions occidentales du Mississipi et Bienville remonta, en 1700, le cours de la

1. Cet établissement, fondé en 1700, était situé sur la rive gauche du Rio Grande, à deux lieues du fleuve et à une quinzaine au sud d'Eagle Pass.

2. Ministère des Affaires Etrangères. Correspondance générale ; t. 245, f° 59.

3. Cent quatre-vingt personnes environ débarquèrent à la baie Saint-Louis au mois de février 1685 ; quatre ans plus tard, le nombre des survivants se réduisait à seize.

4. Cette mission, abandonnée en 1693, devait se trouver sur les bords du Guadalupe.


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Rivière Rouge jusqu'au village des Yatachez, situé près de l'emplacement de la ville actuelle de Natchitochez '. Juchereau de Saint-Denis gagna par terre le Nouveau-Mexique à deux reprises : d'abord en 1714, et, ensuite, deux ans plus tard. Ses aventures romanesques sont bien connues ; malheureusement, pour sortir de prison, sauver ses marchandises confisquées, épouser Manuela Sancho de Navarre, nièce d'un gouverneur, et, aussi, dans l'espoir de faciliter les relations commerciales entre la Louisiane et le Nouveau-Mexique, il consentit à montrer aux Espagnols la route qu'il avait suivie.

Guidé par Juchereau, Martin de Alarcorn vint fonder divers postes dans le Texas oriental ; heureusement, La Mothe-Cadillac, prévenu à temps, avait, dès le mois de janvier de la même année, fait .occuper sur la Rivière Rouge, l'île des Natchitotchez, et les Espagnols durent se borner à protester, à rétablir le poste de Nacogdotchez, et à construire le petit fortin des Adayes, situé à sept lieues au sud-ouest de Natchitotchez. Dès lors, la frontière se trouva fixée à cet endroit entre ces deux établissements.

Bénard de la Harpe remonta la Rivière Rouge en 1719, atteignit les villages des Cadodaquis, puis celui des Nassonites ou il établit un petit poste, probablement situé un peu à l'est de la limite actuelle des États de l'Arkânsas et de l'Oklahoma.

Par suite de l'établissement de ce fortin, le cours supérieur de la Rivière Rouge, en amont des Natchitotchez, servit de frontière à la Louisiane, Martin de Alarcôn protesta pourtant, mais surtout pour la forme, et écrivit à La Harpe « que le poste des Nassonites, et toutes les terres situées à l'ouest, étaient de la dépendance du Nouveau-Mexique ».

Après leur malheureuse expédition de 1720, les Espagnols n'émirent 23lus de prétentions sur la rive septentrionale de la Rivière Rouge. Ils tenaient, par contre, beaucoup à la possession de toute la rive droite, et l'enseigne Joseph Gonzalez, lieutenant-général aux Adayes de la province de la Nouvelle-Philippine, écrivit, en décembre 1735, à Saint-Denis, commandant des Natchitotchez : « J'ai informé mes Supérieurs que vous aviez l'intention de bâtir un fort sur notre terre, de l'autre côté [au sud] de la rivière... Je vous supplie, Monsieur, de vous contenir dans les bornes de vos limites, et de bâtir sur la partie de la terre qui a toujours été reconnue appartenir à la couronne du Roi très chrétien de France 2. »

1. L'expédition entreprise par Tonty en 1688 pour secourir les compagnons de La Salle, et qui l'aurait mené chez les « Ovadiches », nous paraît avoir été, pour le moins, fort amplifiée par le rédacteur des Dernières Découvertes dans l'Amérique de M. de La Salle.

2. Margry, VI, p. 237.


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Cette protestation n'empêcha d'ailleurs nullement Saint-Denis de s'établir sur la rive droite de la Rivière Rouge.

La branche nord de cette rivière servit, en 1819, de frontière entre l'Espagne et les Etats-Unis ; on peut également la considérer comme la limite théorique de la Louisiane française.

La Harpe entreprit, pendant son séjour chez les Nassonites, une exploration vers le nord-ouest. II crut avoir atteint « la branche du sud-ouest de la rivière des Arkansas », mais les indications de son Journal sont trop confuses pour qu'il soit jamais, semble-t-il, possible de reconstituer son itinéraire. D'après la carte de son voyage, il devrait plutôt avoir franchi le Canadian et s'être arrêté sur les bords du Cimarron (?)

Vényardde Bourgmont remonta, en 1714, le Missouri jusqu'à la Platte et les Coureurs de Bois atteignirent quelques années plus tard, la Rivière de l'Eau qui court (Niobrara). Bourgmont fonda en 1723, le fort d'Orléans, un peu en amont de la Grand Biver, et parvint, l'année suivante, chez les Padoukas, campés alors au nord du grand coude de la rivière des Arkansas K

Un simple incident, deux expéditions inutiles et un désastre subi par les Espagnols, sans qu'aucun Français y participe, marquèrent, à l'occident du Mississipi, la période des hostilités entre la France et l'Espagne.

En 1719, Blondel, commandant du poste des Natchitotchez s'empara d'autant plus facilement du fortin des Adayes que la petite garnison s'était hâtée de s'enfuir à la nouvelle de son approche. Malheureusement pour la gloire de Blondel, la mission des Adayes, constituait un poste très actif de contrebande, et Bienville reprocha à son subordonné sa malencontreuse initiative. Le pauvre lieutenant dut écrire aux Capucins de revenir au plus vite avec leurs marchandises, et protester que sa seule intention avait été de les protéger contre une attaque des Sauvages !

Bienville était complètement opposé à la fondation de tout nouvel établissement sur la côte ; toutefois, sur l'ordre formel de la Compagnie des Indes, il fit partir, au mois d'août 1720, le Saint-Joseph, commandé par Béranger, pour aller prendre possession de la baie Saint-Louis ou Saint-Bernard. Béranger la dépassa sans la reconnaître et pénétra dans la baie Saint-Joseph (Aransas bay), d'où il repartit au bout de quinze jours en y laissant cinq hommes, que Bienville, après avoir reconnu l'erreur de Béranger, abandonna à leur triste sort. On n'entendit plus jamais parler de ces malheureux.

1. Voir La Découverte du Missouri.


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Cet échec ne découragea pas la Compagnie des Indes, qui espérait rendre à la Louisiane ses limites du temps de La Salle ; elle envoya de nouvelles instructions à Bienville et, l'année suivante, Bénard de La Harpe partit pour retrouver la baie Saint-Louis. Seulement Béranger, qui commandait Le Subtile, par crainte de la dépasser comme l'année précédente, ne longea pas la côte assez longtemps, et pénétra cette fois dans la baie de Galveston. La Harpe voulut établir un fort au fond de la baie, mais l'hostilité des Sauvages l'obligea de reprendre la mer, au bout de trois semaines 5.

Les Espagnols, de leur côté, résolurent en 1720, de détruire les postes français qu'ils croyaient, sur de faux rapports, établis dans la région du Haut-Missouri.

Pedro de Villasur, accompagné d'une soixantaine de soldats ou de colons et de soixante-dix Indiens, partit de Santa Fé au commencement de juin 1720. Il traversa la Culebra Range près de Taos, suivit le cours de la rivière Las Animas ou Purgatory, puis, quelque temps celui de l'Arkansas. Les Espagnols se dirigèrent ensuite vers le nord-est, traversèrent la Rivière Platte le 6 août, un peu en aval de Grand Island, et franchirent sans doute le Loup, trois jours plus tard. Le Journal d'un officier espagnol, que nous avons publié dans le Journal de la Société des Américanistes 2, s'arrête à la date du 10, et les Indiens et les survivants de l'expédition ont raconté de diverses façons les événements qui se passèrent le lendemain et le surlendemain.

Les Panis et les Otos étaient campés de l'autre côté de la rivière, et la journée du 11 se passa en conciliabules entre les officiers et en pourparlers avec les Sauvages. Villasur s'imaginant que des Européens devaient se trouver parmi les Indiens, leur adressa deux lettres, l'une écrite en français et l'autre en espagnol ; d'après l'un des survivants, il aurait reçu une réponse « sur un vieux bout de papier et complètement incompréhensible ».

Suivant Raelde Aguilar, les Espagnols décidèrent de battre en retraite le 11 août, retraversèrent le lendemain le « Saint-Laurent », et le mas1.

mas1. Les Indiens du Texas et les Expéditions françaises de 1720 et 172.1 à la Baie \Sainl-Bernard (Journal de la Société des Américanistes de Paris. Nouv. série, XI, 1914-1919, p. 403-442).

2. Nouv. série. XIII, 1921, p. 239-255. Quand la Nebraska, State Hist. Soc. connut cette étude, elle envoya une mission pour étudier, sur place, l'itinéraire des Espagnols et plusieurs numéros de son Bulletin (Nebraska Hislory. VI, n° d ; VII, nos 3 et 4) contiennent d'intéressants articles de Mgr Shine et M. A. B. Thomas, et de M. Addison E. Sheldon. Le premier cite des documents de provenance espagnole et les deux derniers ont reconstitué l'itinéraire de Villasur.


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sacre aurait eu lieu le 13 au moment où ils levaient le camp. Selon les Otos, ils avaient proposé aux Espagnols d'assister à une fête, leur avaient demandé des lances pour une « danse iroquoise », puis, à un signal de leur chef, les avaient exterminés.

Le masssacre dut avoir lieu au nord du Prairie creek et au sud-ouest de la petite ville de Monroe (comté de Platte). Dans les environs de cette ville, et dans ceux de Genoa (comté de Nance), on a découvert des monnaies espagnoles et divers objets provenant, très certainement, de l'expédition de Villasur. Un aumônier et trois soldats échappèrent seuls au carnage.

. Les Otos vengèrent, sans s'en douter, Cavelier de La Salle ; parmi les morts, se trouvait l'interprète de l'expédition, Jean L'Archevêque ', un des assassins du grand explorateur.

La frontière théorique de la Louisiane et des colonies anglaises suivait incontestablement la chaîne des Montagnes Bleues (Blue Ridges) qul sépare le bassin du Mississipi du versant de l'Atlantique ; il serait pourtant assez puéril d'attribuer à la Louisiane des régions où jamais, sans doute, aucun Coureur de Bois franco-canadien ne construisit la moindre hutte, et ce serait quelque peu imiter les Virginiens qui reculaient leurs frontières occidentales jusqu'aux rivages du Pacifique ~, parce que Francis Drake avait, en 1577, pris possession de la Nouvelle-Albion, située au nord de la Californie !

Les vallées hautes du Tennessee et de la plupart de ses affluents orientaux ne furent, en réalité, jamais françaises, et il faut reporter aux Montagnes de Cumberland, les limites extrêmes de la véritable Louisiane.

Le fort Duquesne (Pittsburg) et le cours supérieur de l'Ohio ayant toujours dépendu en réalité du Canada, aucun territoire compris dans les États de Géorgie, de la Caroline du Nord, des deux Virginie et de la Pensylvanie n'a jamais véritablement relevé de la Louisiane. Le nord de

1. L'Archevêque avait accompagné Juan de Uribarri en 1706 dans l'expédition où il atteignit la région occidentale du Kansas. Il s'était marié au Nouveau-Mexique, était devenu un riche traitant, et emmenait avec lui, quand il accompagna Villasur,. dix chevaux et six mulets chargés de marchandises. Ses descendants vivraient encore au Mexique, selon M. Bandelier.

2. D'après la carte de VAmerica seplentrionalis, a map of the Bristish Enpire with the French and Spanish setllements, de Henry Popple, la Virginie atteignait la Californie ; la Caroline, le Nouveau-Mexique, et la Géorgie englobait la moitié de la presqu'île de Floride. La Louisiane n'occupe guère qu'une partie de l'Etat du Mississipi et le sud de celui de la Louisiana.


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l'Alabama, une grande partie du Tennessee et toute la partie orientale du. Kentucky, sans être occupés en permanence par les Anglais, passèrent très rapidement sous leur influence.

Les colons de la Caroline et de la Virginie hésitèrent longtemps, surtout par crainte des Sauvages, à franchir les Montagnes Bleues. Ils fondèrent pourtant, vers 1720, quelques établissements sur le versant occidental, mais les squatters les plus hardis ne commencèrent guère à s'installer avant 1750 au pied des Monts Cumberland ou dans la partie orientale du Kentucky.

Par contre, les émissaires et les trafiquants anglais avaient pénétré, dès 1699, chez les Chérakis, et même l'un d'eux atteignit le Mississipi l'année suivante. Ce furent eux et nullement les colons, qui firent, en gagnant petit à petit diverses tribus indiennes, la conquête de la Louisiane orientale, aussi bien d'ailleurs en pleine paix qu'en temps de guerre.

En 1710, un corsaire de la Jamaïque s'empara de l'île Massacre (Dauphine) et en pilla les magasins. Pendant la guerre de la Grande Alliance, les Anglais faillirent s'emparer de la Louisiane complètement démunie, à cette époque, de troupes et d'approvisionnements. Les Caroliniens étaient parvenus, dès 1709, à gagner une grande partie des Alibamous, et, pendant les années suivantes, quelques autres nations voisines. Deux expéditions bien armées allaient partir en 1715, l'une contre La Mobile, l'autre vers le Ouabache, pour couper la Louisiane du Canada, quand la brutalité, la mauvaise foi et les fraudes des traitants anglais provoquèrent contre eux un soulèvement général des Indiens.

Devenus par la suite plus circonspects, et à force de présents, les Anglais parvinrent cependant à regagner les Sauvages. Ils firent alliance en 1720, avec les Chikachas ; en 1728 avec les Natchez, les Caouitas et les Tallapouses et, finalement, obtinrent en 1730, que la puissante nation des Chéraquis se plaçât sous le protectorat de l'Angleterre.

La France perdit ainsi le cours supérieur des rivières des Alibamous et de Tombigbee, dont la réunion forme la Rivière de La Mobile, et la plus grande partie des bassins du Tennessee et du Cumberland. Le massacre des colons du Fort Rosalie, accompli par les Natchez en 1728, compromit à tout jamais notre prestige dans ces régions orientales. Ni Perrier, ni Bienville, ni Vaudreuil ne parvinrent à le rétablir.

Deux grandes expéditions furent organisées en 1736 et en 1739 contre les Chikachas, chez lesquels s'étaient réfugiés les derniers Natchez, mais la première s'acheva par un sanglant désastre, et la seconde, terminée s malgré d'importants préparatifs, avant d'avoir été presque commencée, n'aboutit qu'à une paix boiteuse, dont le seul résultat fut de rendre les Chikachas peut-être un peu moins agressifs.


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Kerlérec, gouverneur de la Louisiane, parvint, en 1760, à détacher de l'influence anglaise quelques tribus Chéraquis, mais il était déjà beaucoup trop tard.

CHAPITRE VII CESSION DE LA LOUISIANE Louisiana anglaise— Luisiana espagnole —La Lousiane de Bonaparte.

Une des clauses du traité de Paris, signé le 10 février 1763, abandonnait à l'Angleterre toute la rive gauche du Mississipi, à l'exception de r«Ile de la Nouvelle-Orléans ». Ce terme assez singulier désignait le territoire délimité à l'ouest par le Mississipi ; au sud et à l'est, par le golfe du Mexique et; au nord, par la rivière d'Iberville, qui formait encore à cette époque un déversoir, fort envasé, du Mississipi, et par les lacs Maurepas, Pontchartrain et Borgne.

La Mobile fut occupée parles troupes anglaises le 22 octobre 1764, et le fort de Chartres des Illinois, le 10 octobre de l'année suivante. Une première expédition, comprenant quelques colons et trois cent soixante soldats, sous les ordres du Major Loftus, était partie de la Nouvelle-Orléans au mois de février 1765 ; mais elle fut mise en déroute, près de La Roche à D avion l, par une trentaine de Chaktas et de Tonicas embusqués sur les rives du Mississipi. Une décharge tua six Anglais, et le convoi se hâta de regagner la Nouvelle-Orléans, sans avoir tiré un coup de fusil.

Louis XV, pour dédommager l'Espagne de la perte inévitable'de la Floride, lui avait, dès le 3 novembre 1762, abandonné la Nouvelle-Orléans et toute la Louisiane occidentale ; la cession, toutefois, ne fut pas rendue publique avant le 21 avril 1764.

L'Espagne accepta sans grand enthousiasme cette précieuse compensation, et attendit le 5 mars 1766 pour en prendre possession. Les habitants de la Nouvelle-Orléans se révoltèrent en 1768 contre la domination espagnole, et le gouverneur Antonio de Ulloa dut se rembarquer le 1er novembre. Une sorte de «République» française se constitua alors et administra la ville pendant neuf mois. Alexandre O'Reilly, accompagné de trois bataillons, débarqua à la Nouvelle-Orléans le 18 août 1769 sans le moindre incident, mais ternit malheureusement son arrivée par des représailles sanglantes et injustifiées.

1. Située près de la limite actuelle des États de la Louisiane et du Mississipi.


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Le drapeau français flotta encore à Sainte-Geneviève (Missouri) jusqu'au printemps 1770. O'Reilly, ne pouvant faire voyager de troupes pendant l'hiver, pria Saint-Ange de Bellerive de conserver le commandement des établissements fondés par les colons français sur la rive droite du Mississipi, après la cession aux Anglais du fort de Chartres et de Kaskaskias.

L'Angleterre rendit à l'Espagne, par le traité de Versailles du 3 septembre 1783, la Floride, et lui abandonna également la partie de l'ancienne Louisiane française, comprise eutre le Rio Perdido et le Mississipi. Bernardo de Galvez, capitaine-général de la Luisiana, qui s'était d'ailleurs emparé de La Mobile dès le 14 mars 1780, occupa Pensacola, au mois de mars de l'année suivante l.

Les Espagnols donnèrent à ce nouveau territoire, délimité au nord par le 31e degré de latitude, le nom de Floride occidentale. En seize ans, es habitants de La Mobile avaient changé trois fois de nationalité.

*

* *

Â.près de longues hésitations, le gouvernement espagnol s'était finalement résigné à rétrocéder la Louisiane à la France par le septième article additionnel et secret du traité signé à Saint-Ildefonse le 27 juin 1796. Malheureusement de nouvelles exigences du Directoire, notamment l'abandon de tout le territoire situé à l'ouest de la rivière des Apalaches, modifièrent les dispositions de l'Espagne, et le traité définitif du 19 août 1796 ne parle plus de la Louisiane.

Par un nouveau traité, également « préliminaire et secret », signé le 1er octobre 1800, comme le premier, à Saint-Ildefonse, Charles IV s'engagea « à rétrocéder à la République Française, six mois après l'exécution pleine et entière des conditions et.stipulations ci-dessus relatives à S. A. R. le Duc de Parmes, la colonie ou province de la Louisiane, avec la même étendue qu'elle a actuellement'entre les mains de l'Espagne et qu'elle avait lorsque la France la possédait et telle qu'elle doit être d'après les traités passés subséquémment entre l'Espagne et d'autres États. »

Cette clause resta deux ans secrète, et l'ambassadeur d'Espagne à Paris ne remit officiellement la Louisiane à la France que le 25 octobre 1802, une semaine après la signature du traité d'Amiens. Quelque temps auparavant, Bonaparte avait essayé d'obtenir pour frontières orientales

1. Trois navires français Le Palmier, Le Destin et Le Triton, commandés par le chef d'escadre de Monteil, se joignirent aux Espagnols, et le corps de débarquement était commandé par un Breton, le chevalier Du Botdéru.


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Carte 8, — Carte historique de la Basse-Louisiane,


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de la Louisiane la rivière des Apalaches, et, vers l'ouest, le cours du Rio "Bravo jusqu'à sa rencontre avec le 29e degré de latitude, mais l'Espagne ne consentit jamais à admettre pareilles prétentions. Néanmoins, M. Bond englobe, « dans les territoires cédés à la France par le traité de SaintIldefonse », toutes les côtes orientales du golfe du Mexique, situées au nord de l'imaginaire Rivière des Palmes 1. Bonaparte n'insista pas pour obtenir la rive droite de l'Apalache ; par contre, les instructions remises le 9 décembre 1802 au général Victor, nommé Capitaine-général de la Louisiane, portaient : <c Le traité de Saint-Ildefonse a donné à la Louisiane pour délimitation, la rivière Bravo depuis son embouchure jusqu'au 30e degré Nord, d'où la ligne de démarcation est indéterminée vers le Nord-Ouest, ainsi que toutes celles du Nord, qui se perd dans les vastes solitudes dénuées d'établissements européens. » En réalité, l'article 3 du traité de Saint-Ildefonse du 9 vendémiaire an IX n'indiquait nullement les limites occidentales de la Louisiane.

La rupture du traité d'Amiens empêcha le départ de la flotille réunie à Helvoett Sluys, près de Rotterdam, pour aller occuper la Louisiane ; et Bonaparte, se rendant compte qu'il ne pourrait l'occuper, et encore moins la conserver, résolut de la céder aux États-Unis, moyennant une indemnité de quatre-vingts millions. La convention, signée à Paris le 30 avril 1803, fut ratifiée à Washington le 21 octobre suivant.

Pierre de Laussat, nommé Préfet colonial de la Louisiane se trouvait à la Nouvelle-Orléans depuis le 23 mars ; mais il prit simplement possession de la ville pour en faire la remise aux Américains, et le drapeau français flotta tout juste pendant dix jours * sur le Calbildo, du 30 novembre au 10 décembre 1803 2.

La France céda la Louisiane aux États-Unis telle qu'elle l'avait reçue elle-même par le traité de Saint-Ildefonse, c'est-à-dire avec des limites extrêmement vagues. L'Espagne qui possédait pourtant, en vertu d'un accord signé le 22 octobre 1802, un droit de reprise sur la Louisiane, en cas où la France renoncerait à en pendre possession, se borna à protester pour la forme à Washington, mais, par contre, refusa énergiquement de céder aux États-Unis la partie de l'ancienne Louisiane française que l'Angleterre lui avait abandonnée en 1783, et La Mobile resta encore espagole pendant dix ans.

1. Op. cit, carte n° 3. Au sujet de la situation de la Rivière des Palmes, voir p. 23.

2. Voir notre ouvrage sur Les dernières années de la Louisiane française Paris, 1904. Chapitre XVII.


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CHAPITRE VIII

LA LOUISIANE AMÉRICAINE

Le congrès de Washington divisa, le 26 mars 1804, sa nouvelle acquisition en deux parties: la région, située au nord du 33e degré de latitude, forma le District of Louisiana rattaché primitivement au territoire d'Indiana, et la Basse-Louisiane, réduite sur la rive gauche du Mississipi, à l'cclle de la Nouvelle-Orléans», prit le nom de Territory of Orléans.

Les Américains occupèrent la ville de Saint-Louis (Missouri.) le 9 mars 1804, et le « District » de la Louisiane fut transformé en « Territory » du même nom, le 3 mars 1805, puis en Territoire du Missouri le 4.juin 1812 1.

Un bill, approuvé le 20 février 1811, fixa les limites occidentales du Territoire d'Orléans <( ...par une ligne partant de l'embouchure de la Sabine, suivant le milieu du lit de cette rivière et comprenant toutes les îles, jusques à la rencontre du 32° degré de latitude. De ce point, par une ligne se dirigant droit au nord jusques au 33e degré de latitude... »

La frontière suivait le 17e degré de longitude ouest de Washington qui coïncide, à une lieue près, avec le 94° degré du méridien de Greenwich.

Le territoire d'Orléans disparut le 8 avril 1812 2 et reprit, en s'élevant au rang d'État, le nom de State of Louisiana, bien que quelques Américains pur sang proposassent de le baptiser Jefferson. Le quinzième État de l'Union, s'agrandit, six jours plus tard, des « paroisses » situées à l'ouest de la Rivière des Perles (Pearl river) et au sud du 31e degré de latitude, limite méridionale du Territoire du Mississipi 3.

Deux ans auparavant, cette région de la Floride occidentale s'était soulevée contre l'Espagne, à l'instigation des Américains. Les insurgés s'emparèrent de Bâton Rouge k, le 22 septembre 1810, et proclamèrent leur indépendance, mais le Président Madison ordonna aussitôt à Claiborne d'occuper la nouvelle république, qui devint le District of Bâton Rouge.

Les troupes américaines entrèrent dans La Mobile le 15 avril 1813, et toute la partie orientale de l'ancienne Louisiane française se trouva ainsi devenue américaine.

1. Le territoire de l'Arkansas fut créé au mois de février 1819.

2. L'acte du Congrès ne devait toutefois entrer en vigueur que le 30 avril, date du neuvième anniversaire de l'acquisition de la Louisiane.

3. Élevé au rang d'État en 1817.

4. Cette ville devint, en 1850, la capitale de la Louisiane.


LES FRONTIÈRES DE LA LOUISIANE 63

Malgré le Bill du 20 février 1811, les limites occidentales de l'État de Louisiane ne furent définitivement fixées qu'en 1819, époque à laquelle l'Espagne dut céder la Floride aux États-Unis ', qui, en échange, renoncèrent — du moins provisoirement — à toute prétention ou réclamation sur la province du Texas 2.

L'acte du 26 mars 1804, qui traçait les limites du Territoire d'Orléans au nord et à l'est, ajoutait simplement qu'il « s'étendait, vers l'ouest (au sud du 33°) jusqu'aux frontières occidentales des territoires cédés ». Le gouvernement américain commença par émettre, à l'exemple de Bonaparte, de vagues prétentions sur toute la province du Texas, puis réduisit ses prétentions à la frontière du Brazos, mais il se heurta toujours à un refus catégorique de l'Espagne de céder aucune partie de ses territoires.

En 1806, le gouverneur du Texas fit même réoccuper l'ancien poste espagnol des Adayes ; le major Porter, commandant des Natchitotchez protesta immédiatement en déclarant que le Territoire d'Orléans s'étendait jusques à la Sabine. Les Espagnols reculèrent un peu, mais s'installèrent sur le bayou Pierre, qui forme, sur la rive gauche de la Rivière Rouge, la limite nord du comté actuel de Natchitotchez. Un conflit sanglant paraissait inévitable quand Herrera et Wilkinson, commandants des troupes en présence, convinrent, le 6 novembre 1806, de neutraliser le territoire contesté.

Seulement, comme cette zone ne fut délimitée avec les Espagnols que sur un seul point —- entre le rio Mexicano (Sabine) et le bayou Hondo, appelé parfois Fonda, qui avait, jadis, servi de frontière entre le fortin, espagnol des Adayes et le poste français des Natchitotchez — toute la rive gauche de la Sabine, et les contrées marécageuses du littoral devinrent bientôt un véritable repaire de nègres marrons, de contrebandiers et de malandrins.

M. Bond fixe sur les cartes de la Louisiane Purchase la limite occidentale de l'ancienne Louisiane à la rivière Vermillon; nous ignorons la raison de ce choix, car l'Espagne n'a jamais revendiqué aucun des territoires situés sur la rive gauche du Calcassieu, et c'est à ce petit fleuve que nous avons fixé, sur nos cartes, la frontière de la Louisiane française.

Le cours du Calcassieu aurait dû servir également de limite extrême orientale au Neutral Territory et certains documents du temps lui assignent

1. Le traité fut signé à Washington le 22 février 1819, mais l'Espagne ne se décida à le ratifier que deux ans plus tard.

2. Le Texas se souleva contre la domination espagnole en 1820, se sépara du Mexique seize ans plus tard et tinalement se réunit volontairement aux États-Unis en 1845.


64 SOCIÉTÉ DES AMÉRICANISTES DE PARIS

en effet, comme frontière théorique, le Culashu, déformation d'autant plus probable du mot Quelque chose, qu'un..affluent occidental du Calcassieu porte encore, sur les cartes américaines modernes, le nom de Bayou Quequeshoe ; néanmoins le territoire contesté, grâce à de nombreuses complaisances, finit par atteindre presque la rive droite du Mississipi!

Jean et Pierre Laffite, tantôt corsaires, tantôt pirates, parfois les deux en même temps, régnèrent incontestablement en maîtres, de 1808 à 1816 à Barataria, en plein territoire américain ; mais si la zone neutre persista si longtemps et s'étendit démesurément vers l'est, c'est qu'elle constituait un admirable entrepôt de contrebande, dont bon nombre de citoyens de la Nouvelle-Orléans retiraient un très grand profit.


Carte des frontières successives de la Louisiane.



INDEX DES NOMS

Achusi, 29.

Adayes, 53, 54, 63.

Aguilar (Rael de), 55.

Akansas. V. Arkansas.

Alabama (État del'), 51, 56, 62.

Alarcôn (Martin de), 53.

Alexandre VI, 2.

Alibamous, 57.

Ancon baxo, 26.

Anhusco (Juan d'), 25.

Anne d'Autriche, 1.

Anville (Bourguignon d'), 8.

Apalaches (Baie d'), 26, 38.

Apalaches (Riv. des) ou Apalachicola, 24,

26, 33, 43,51,61. Àquipagetin, 13. Aransas bay, 54. Argoud, 40.

Arkansas (Indiens), 21, 22, 23, 43. Arkansas (Poste des), 39. Arkansas (Riv. des), 10, 21, 32, 33, 49,

54, 55. Arkansas (État, 53, 62. Arrefices (Pointe de), 28. Bandelier (Adolf), 56. Bank (Capitaine), 44. Bâton Rouge, 62. Barataria (Baie de), 64. Baudrane (Riv.), 32, 33. Baudry des Lozières, 11. Beaujeu (Le Gallois de), 26, 38. Belle-Isle (Lac Ontario), 8, 9. Bellinzani, 16.

Bénard de la Harpe, 53 à 55. Béranger, 54, 55.

Bernou (Abbé), 2, 6, 7, 9, 13 à 20, 26. Bertius (Pierre), 23, 26, 29. Bienville (Le Moyne de), 44, 51, 53 à 55,

57. Biloxi, 36, 41, 44, 45. Blanco (Cap), 43. Blondel (Lieutenant), 54. Blue Ridges (Montagnes Bleues), 36, 57.

Société des Américanistes de Paris.

Boeufs (Riv. aux), 52.

Boimare, 22.

Boisbriant (Capitaine de), 10, 48.

Bolivar (Presqu'île de), 27.

Bonaparte,24, 37, 49, 50, 52, 59, 61, 63.

Bond (Frank), 23, 24, 36, 37, 49, 50, 61,

63. Borgne (Lac), 58. Botdéru (Chev. du), 59. Bougainville (Louis de), 1. Bourgmont (Veynard de), 54. Bravo (Rio), 24, 25, 28, 32, 37, 38, 43, 51,

52, 61, 63. Brazos (Rio), 28, 38, 63. Bruyas(Le Père), 15. Buache (Philippe), 48. Buade (Lac), 14.

Cabartde Villermont, 14, 15, 17 à 19. Cadodaqui, 53. Cahokias, 10. Calcassieu (Riv.), 63. Californie, 56. Callières (Le Chev. de), 45. Canada, 2, 3, 6, 7, 10, 15, 17, 18, 19, 29,

37, 41, 43, 45, 46, 48, 49, 56, 57. . Canadian River, 49, 54. Canaveral (El), 27. Caîiaveral (Rio), 29. Cannes (Riv. aux), Caouitas, 57. Caroline, 33, 44, 45, 57. Carver (Jonathan), 11. Casquina Mpogamon (Riv.), 35. Casquins, 35. Catarocouy, 8. Caroline, 33, 45, 56, 57. Cavelier (abbé Jean), 38, 39. Cavelier de La Salle (Robert), 2, 3, 5 à 9, 12, 14 à 19, 21 à 26, 28, 29, 32 à 41, 49, 50, 52, 56. Cenis 38, 43. Chaktas, 58. Chaouanons, 22.

3


66

SOCIÉTÉ DES AMÉRICANISTES DE PARIS

Charles IV, 59.

Charleston, 43.

Chartres (Fort de), 10, 48, 58, 59.

Chaleauguc (Le Moyne de), 51.

Chéraquis, 57, 58.

Chicagou, 45.

Chikachas, 10, 22, 36, 57, 58.

Chine, 7, 33.

Chucagua ou Chukagoua, 5, 21 à 23, 29,

32, 33, 35, 36, 38, 43. Cimarron River, 54.

Citri de la Guête, 23.

Claiborne, 62.

Clarke (Capitaine), 49.

Cohahuila (Province de), 50.

Colbert (MiE de), 6, 15.

Colbert (Fleuve), 15, 21, 29, 32, 33.

Colbertie, 4.

Colorado (Rio), 28, 38.

Conception (Riv. de la), 4.

Coronelli (Le P.), 19.

Conecuh (Comté de), 51. ,

Conty (Fort), 17.

Coronado (Vasquez), 49.

Corpus Chrisli (Baie de), 28. v

Corlez (Fernand), 24.

Coulure, 39.

Crèvecoeur (Fort), 10, 22.

Crozat (Antoine), 3, 45, 46.

Culachu (Riv.), 64.

Culebra Range, 55.

Cumberland (Monts), 56, 57.

Cumberland River, 37.

Dakotas, 5, 11.

Dakota (North), 48.

Dauphine (Ile), 46, 57.

Daupin, V. La L'oresl.

Delaware (Baie de), 33.

Demis, 46.

Détour à l'Anglais, 44.

Détroit, 46.

Dionne (M. Narcisse), 12.

Divine (Riv.), 4.

Drake (Francis), 56.

Du Botderu (Chev)., 59.

Dubois (Cardinal), 51.

Dubos, 41.

Du Chesne, 26.

Du Lhut (Greysolon), 5, 21.

Dumont de Montigny, 4.

Duqucsne (Fort), 56.

Du Val (Pierre), 26, 29.

Eagle Pass, 52.

Eau qui court (Riv. de 1'), 54.

Elvas (Le Gentilhomme d'), -25, 35.

Erié (Lac), 10, 33, 46.

Escambia (Rio), 26.

Escambia (Comté d'), 61.

Escondido (Rio), 33.

Estrées (Cardinal d'), 2 et 3.

Fer (Nicolas de), 3.

Florès (Rio de), 26.

Floride, 3, 7, 9, 24, 25, 33, 38, 40, 46, 51, 59, 63. , Floride Occidentale, 59, 62.

Fonda (Bayou), 63.

Frontenac (Comte de), 4, 5, 17.

Frontenac (Comtesse de), 4.

Frontenac (Fort), 5, 6, 8, 9, 10, 14, 16.

Frontenac (Lac), 8, 33.

Frontenasie, 4.

Galveston (Baie de), 27, 38, 55.

Galvez (Bernardo de), 59.

Garay (Francisco de), 26.

Garcilaso de La Vega, 23, 25, 29, 32, 35,

36. Garcitas (Rio), 52. Genoa (Nebraska), 56. Géorgie, 56.

Glaciale (Mer), 2, 12, 41, 43,48. Gonzalès (Joseph), 53. Grand Island (Neb.), 55. Grand River, 54.

Grande (Rio) ou Mississipi, 29, 32. Grande (Rio) V. Bravo. Gravier (Gabriel), 6, 22, 25. Green bay, 5. Greysolon. V. Du Luth. Guadaloupe, (Rio), 28, 50, 52. ' Guaslecas, 24. Guillaume III, 12, 41. Harveau (Le Père), 15. Helvoet-Sluys, 61. Hennepin (Le Père), 2, 3, 5, 11 à 19, 21,

22, 41 à 43, 48. Hermoso (Rio), 28. Herrera, 63. Iliems, 17.


INDEX DES NOMS

67

Homann, 2, 46, 47.

Hondo (Bayou), 63.

Hudson (Baie d'), 11, 41, 43, 44.

Huré (Sébastien), 13.

Huron (Lac), 17, 46.

Iberville (Le Moyne d'), 3, 12, 16, 30, 40,

41, 43 à 45, 50. Iberville (Riv. d'), 58. Illinois (État de 1'), 21, 48. Illinois (Établissements des), 10, 48. Illinois (Indiens), 6, 10, 12, 17, 22, 41,

45, 46. Illinois (Riv. des), 4, 5, 40. Indiana (État d'), 21, 48,'62. Innocent XI, 2. Iowa (État d'), 21, 48. Iroquois, 17. Isatis, 5, 11, 12, 20, 41. Jaillot (Hubert), 23, 25, 26, 29, 30. Jefferson, 62.

Jolliet (Louis), 4, 5,21, 33. Joutel (Henry), 4, 17, 37, 38. Juchereau de Saint-Denis, 53, 54. Kansas (État du), 48. Kansas (Riv.), 49. Kaouenesgoan (Iles), 8. Kapaha, 21, 23, 36. Kaskakias, 10, 59. Kaskakias (Riv.), 43. Kentucky (État du), 57. Kerlérec (Louis Billouart de), 57. Kikapous, 45. King (Miss Grâce), 1. Kingston, 8, Koroas, 22.

La Barre (Lefebvre de), 18. Laffite (Jean et Pierre), 64. La Forest (Daupin de), 8, 9. La Harpe. V. Bénard. La Jamaïque, 57. La Métairie (Jacques de), 9, 22. La Mobile, 36, 40, 41, 45, 51,58,59,61,62 La Mobile (Baie de), 25, 29. La Mobile (Riv. de), 26, 27, 36, 57. La Mothe-Cadillac (Antoine de), 46, 53. La Motte (de), 17. L'Archevêque (Jean), 56. La Reine (Fort), 48. La Salle (Nicolas de), 22.

La Salle. V. Cavelier.

Las Animas (Riv. de), 55.

Laussat (Pierre de), 6t.

Lavaca (Rio), 52.

La Verendrye (Chev. de), 48.

Law (John), 4.

Le Clercq (Le P. Chrestien), 41.

Le Maire (Missionnaire), 46.

Le Moyne. V. Bienville.

Chaleaugué* Iberville. Sérigny. Léon (Alonso de), 52. Le Page du Prats, 10. Leu, 43.

Lewis (Capitaine), 49. LTsle (Guillaume de), 3. Llana (Punta), 20, 27. Loftus (Major), 58. Louis XIV 1, 3, 11, 12, 23, 24, 36, 37, 40,

45, 50. Louis XV, 58. Louis XVI, 1. Louisiade, 1.

Louisiana anglaise, 10, 58. Louisiana américaine, 62 à 64. Louisiana (District of),62. Louisiane. Passim. Louisiane (Basse), 10, 62. Louisiane (Haute), 10. Louisiane (Deux), 10. Louisiane (Riv. de la), 9, 10.

L'Outrelaise (M 110 de), 4,

Loup (Riv.), 53.

Louvigny (M. de), 28, 40.

Ludoviciana, 2, 46.

Luisiana espagnole, 10, 58 à 61.

Luna (Tristan de), 25, 36.

Madeleine (Riv. de la), 26, 28, 43.

Madison (Président), 62.

Madré (Laguna), 28. . Madré (Sierra), 28.

Maine (État du), 29.

Manchac, 10.

Mandeville(de), 48.

Manitoumie, 4.

Mantet (de), 40.

Marest (Le P.), 10.

Margry (Pierre), 2, 6 à 10, 13 à 15, 18


68

SOClÉTli DES AMÉRICANISTES DE PARIS

à 20, 22, 25, 28, 32, 33, 33 à 37, 39, 40, 44, 45, 53.

Mar Pequena, 27, 28, 32. Marquette (Le P.), 4, 12, 21, 33, 41. Maskoutins, 45.

Massacre (Ile). V. Dauphine.

Matagorda (Baie de), 28, 38, 39, 52.

Matas ou Molas del Salvador, 26.

Maulévrier (Marquis de), 51, 52.

Maurepas(Lac), 58.

Mebes (Rio de), 26.

Médina (Rio), 50.

Membre (Le Père Zénobe), 23.

Metchigamias, 22.

Mexicano (Rio), 63.

Mexique, 7, 24, 25, 39, 52, 56, 63.

Mexique (Golfe du), 24, 26, 29, 32, 35, 39, 41,43,58,63.

Miamis, 45.

Micault (Le Père), 15.

Michigan (État du), 21.

Michigan (Lac), 6, 6, 41, 43.

Michillimackinac, 11.

Mill Lake, 5, 14.

Milk River, 49.

Minet, 29, 30, 31, 35.

Minnesota (État du), 21.

Mississipi, 2 à 6, 10, 12, 16, 21, 22, 25 à 27 29, 32, 33, 35 à 41, 43 à 46, 49, 53, 58, 64.

Mississippi (État du), 56, 58.

Missouri, 7, 43, 46, 48, 49, 57.

Missouri (Petit), 48.

Missouri (Etat du), 21.

Missouri (Territoire du), 62.

Moines (Riv. des), 48.

Moll (Hermann), 48.

Monroe (Comté de) Alabama, 51.

Monroe (Nebraska), 56.

Montana (Etal de), 48.

Montanas allas (Rio de), 28.

Monteil (de), 59.

Montréal, 8, 15, 43.

Musset (Georges), 27.

Nacogdotchez, 32, 53. '

Nadouessioux, 21, 22.

Nance (Comté de), 56.

Narvaez (Pamphilo de), 24, 26, 33.

Nassonites, 53, 54.

Natchez, 10, 22, 57.

Natchitotchez, 53, 54, 63.

Nebraska (État de), 48, 55.

Niobrara River, 54.

Norte (Rio del),V. Bravo.

Nouveau-Mexique, 3, 9, 12, 24, 25, 32, 37,

38,40, 41, 45, 48, 52,33. Nouvelle-Albion, 56. Nouvelle-Biscaye, 32, 37. Nouvelle-France, V. Canada. Nouvelle-Guinée, 1. Nouvelle-Orléans, 10, 46, 48, 58, 39, 61,

64. Nouvelle-Philippine, 53. Nueces (Rio), 24, 28, 50. Nuevo-Santander, 24, 50. Nunez, 24. Oklahoma,48, 53. Ohio(Étatde 1'), 21. Ohio(Riv. de I'), 3, 9, 10, 16, 21, 22, 23,

29, 32, 33, 35, 45, 48, 56. Olighin Sipou, 21, 22, 23, 32. . Oneida (Lac), 33. Oneiouts, 33. Ontario (Lac), 6, 8, 33. Orléans (Fort d'), 54. Orléans (Territory of), 62, 63. O' Reilly (Alexandre), 58. Oro (Rio del), 28. Otos ou Otontates, 21. 22, 55, 56. Ouabache (Riv.), 32, 33, 43,45, 46, 48, 57. Ouadiches, 53. Ouest (Mer de 1'), 48. Padoukas, 54. Palizada (La), 32. Palmes (Riv. des), 21 à 23, 28, 37, 38, 50,

61. Panis, 55. Panuco, 24. Panuco (Rio), 25, 28. Parkman (Francis), 11. Parmes(Ducde), 59. Pascagoulas (Riv. des), 36, 41. Pearl River, V. Perles. Pegoucoquias, 45.

Pensacola, 24, 37, 44, 46, 50, 51, 59. Pensylvanie, 56. Pépin (Lac), 48. Petit Goave, 26.


INDEX DES NOMS

69

Perdido (Rio), 21, 59, 02.

Perles (Riv. des), 36.

Perrier, 57.

Perrin Du Lac, 10.

Philippe V, 2, 51, 52.

Pierre (Bayou), 63.

Pike (Major), 49.

Pineda, 26.

Pittsburg, 56.

Platte (Riv.), 21, 49, 55.

Plet (François), 9.

Polk (Président), 50.

Ponce de Léon, 24, 33.

Pontchartrain (Lac), 58.

Popple (Henry), 56.

Porter (Major), 63..

Prairie creek, 56.

Presas (Rio), 24.

Puants (Baie des), 5, 45.

Purg-atory river, 55.

Québec, 2, 3, 5, 8, 9,15, 48.

Quequeshoe (Bayou), 64.

Rageot (Notaire), 9.

Remonville (de), 40.

Renaudot (Abbé Eusèbe),14, 15, 17 à 19,

33. Return Riggs (Stephen), 11. Richelet, 23. 25. Ricouart (de), 45. Riola (Andrez de), 44, 45. Roche à Davion (La), 58, Rocheuses (Montagnes), 49. Rosalie (Fort), 57. Rouge (Rivière), 37, 49, 52 à 54, 63. Rouge du Nord (Rivière), 49. Ryswick, 3, 40. Sabine River, 27, 28, 62, 63. Saintonge (Alphonse de), 27. Saint-Ange de Bellerive (Louis), 59. Saint-Antoine (Saut), 12. Saint-Bernard (Baie), 52. Saint-Denis. V. Juchereau. Saint-Esprit (Baie du), 27, 32, 35, 38, 43. Saint-Esprit, (Riv.), 29. Saint-Jean-Baptiste (Presidio de), 52. Saint-Ildefonse, 59, 61. Saint-Jérôme (Riv.), 46. Saint-Joseph en Floride (Baie de), 46, 51. Saint-Joseph au Texas (Baie de), 54.

Saint-Laurent (Riv.), 55.

Saint-Louis (Fleuve), 21, 22, 32, 33, 46.

Saint-Louis (Baie), 38, 43, 52.

Saint-Louis (Fort) des Illinois, 10, 37.

Saint-Louis, (Fort), au Texas, 39, 52.

Saint-Louis (Ville de), 62.

Saint-Philippe (Riv.), 46.

Saint-Simon (Duc de), 5.

Sainte-Geneviève, 59.

Saint-Mark, 37, 46.

San Antonio (Baie et Rio de), 28, 39, 50.

San Augustine, 46.

San Benito (Rio), 28.

San Blas (Cap), 43.

San Fernando (Rio), 24, 28.

San Francisco de las Tejas, 52.

San Jacinto (Rio), 27.

San Juhan (Rio), 26.

San Salvador tBaie de), 26, 27.

Sanson d'Abbeville, Vi, 25, 26.

Santa-Fé, 49, 55.

Sancho de Navarre (Manuela), 53.

Santee (Indiens), 5. Saràtosa (Baie de), 24.

Scondido (Rio), 28.

Scuttcr (Mathieu), 3.

Seignelay (Marquis de), 9, 32, 38, 40.

Seignelay (Riv.), 37.

Sérigny (Le Moyne de), 51.

Sheldon (Addison), 55.

Shine (Mgr), 55.

Sierra Madré, 28.

Simcoe (Lac), 6.

Sioux, 5, 22.

Soto (Hernando de), 23 à 25, 29, 32, 33,

36. Soto la Marina (Rio), 28. Spada (Cardinal), 41. Spiritu Santo (Baie de). V. S' Esprit. Spiritu Santo (Rio de) 27, 35. Supérieur (Lac), 5, 43. Suskakoa (Riv.), 33. Susquehana (Riv.), 33. Tallapouses, 57. Tamarois, 43.

Tamaulipas (État de), 37, 50. Tampa (Baie de), 24. Taos, 55. Taronto (Lac), 6.


70 SOCIÉTÉ DES AMÉRICANISTES DE PARIS

Tennessee (État du), 57.

Tennessee (Riv.), 33, 35, 56, 57.

Téran (Capitaine), 52.

Texas, 24, 28, 37, 30 à 53, 53, 63.

Teyoyagon, 6.

Thoinard,. 41.

Thomas (A. B.), 55.

Thomassy, 25.

Tigre (Rio del), 24, 28.

Tombigbee (Riv. de), 33,. 36.

Tonicas, 58.

Tonty (Henry de), 2, 18, 23, 39, 40, 41,

53. Toronto, 6. Trinity river, 27. Ulloa (Antonio de), 58. Umfre ville, 11. Urib'arri (Juan de), 56. Vaudreuil (Marquis de), 48, 57.

Vera^Cruz (La), 44.

Vermillon (Riv.), 63.

yerte (Riv.), 28.

Victor (Général), 49, 61.

Villasur (Pedro de), 55.

Vincennes (Fort de), 48.

Virginie, 33, 56, 57.

Weimar, 26, 27.

Wilkinson, 63.

Winnipeg, 48.

Wiseonsin (État du), 21, 41, 49.

Wisconsin (Riv.), 4, 41, 45.

Wolfe island, 8.

Wyoming, 49.

Yanoumouen (Iles), 8.

Yatatchez, 53.

Yazous (Riv. des), 10.

Zénobe (Le P.), V. Membre.


NOCIONES SOBRE CREENCIAS,

USOS Y COSÏUMBRES DE LOS CATIOS

DEL OCCIDENTE DE ANTIOQUIA 1.

JAIBANÂ.

Entre las muchas particularidades que ofrece el estudio de las costumbres, usos y creencias delà raza Catia, descuella en primer termine el jaibanismo. La palabra jaibanâ traduce libremente doctor, médico : j'ai signitica enfermedad ; banâ es derivado de capanâ que quiere decir manada y de pana que quiere decir conjunto. Hay que advertir que la p y la h tienen en muchos casos un mismo uso en la lengua catia. La palabra pana no tiene aisladamente traducciôn, pero en frase se traduce conjunto, compahia, réunion y es lo mismo decir banâ que pana.

Consiste el jaibanismo en un sistema de ceremonias, que constituyen como una especie de culto, hechas por el jaibanâ. Este puede ser hombre o mujer, aunque mujeres hay pocas que se dedican a ésto.

La acciôn del jaibanâ se extiende a todo, como lo veremos mâs adelante. En su persona no tiene ningûn distintivo, a no ser en los hombres un pequeno bastôn diferente en algo a las varitas que los otros usan. Este bastôn consiste en una macana tersa, cuyo mango es generalmente una cara tosca, labrada en la niisma macana, o la figura de un mango de espada. Esta vara o bastôn participa de los mismos privilegios que los santos, jais, o munecos, como ellos llaman a unas figuras de madera a las que tributan un culto espocial, como veremos.

1. Notre excellent collègue, le l'ère Rochereau, m'a envoyé ces notes recueillies chez les Indiens Catios de Colombie par les Soeurs missionnaires de l'Immaculée Conception et de Sainte-Catherine de Sienne, de Sauta Rosa de Osos. Bien qu'elles aient déjà été en partie utilisées pour la rédaction d'un ouvrage sur ces Indiens (Fr. SEVEIUNO DU SANTA TERF.SA. Creencias, ritos, usos y coslumhres de los Indios Catios de la prefectura aposlôlica de Urahâ. Bogota, 1924), je n'hésite pas à les publier à nouveau, en raison de leur importance, pour les faire connaître de tous les américanistes et de tous les ethnologues. J'ai tenu à respecter la forme adoptée par les auteurs de cette étude ; il m'a paru, en effet, que tout arrangement risquerait de faire perdre à cet intéressant document son originalité et sa saveur.

p. R.


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Pero empecemos la historia del jaibanâ desde los primeras pasos de su carrera. Muchas veces desde antes de nacer, reciben en la persona de su madré muchas ceremonias, como especie de consagraciôn que hace algûn jaibanâ al aûn no nacido, para que este, si quiere decidirse a ser jaibanâ, cuando sea grandecido, saïga jaibanâ ara, como dicen ellos, es decir buen jaibanâ o jaibanâ fino. Hay muchos a quienes no se les espéra la determinaciôn de serlo, sino que empiezan el aprendizaje cuando el nino apenas empieza a darse cuenta de la vida. Sigue recibiendo periôdicamente las funestas ensenanzas, que siempre son nocturnas y de las cuales se darâ reseîia en otra relaciôn. A cierta edad, dispuesta por el jaibanâ ensehante, recibe el ensenado sus grados de doctor.

Esta ceremonia, aunque es la mâs intima, fué presenciada por cuatro hermanas y unsacerdote, quienes, por circunstancias especiales, pudieran tener cabida alla. También sera referida a su tiempo.

El jaibanâ, ya en posesiôn de su arte, que bien puede llamarse diabôIico, pues ya no nos queda duda de que es un pacto, trato, e intimidad con el demonio, da principio al arreglo de su allar (chimiâ-egô-hari) que es lo que minuciosamente vamos a describir ahora. En un extremo de la habitaciôn indigena (que tiene la figura de un gran kiosko), hay en un lugar hecho ex profeso y que se caracteriza por un levantamiento del techopara formar una especie de lugar principal, hay, digo, una especie de camita, formada de varas delgadas, y sobre ellas, mâs o menos, segûn la capacidad jaibanistica del propietario, los objetos siguientes : un espejo cuadrado, enmarcado en madera por ellos mismos y de un tamano vario entre diez o veinte centimetros de largo por cinco o diez de ancho. Este espejo desempena un papel importante en las curaciones y ocupa un lugar importante en el chimiâ-egô-hari, pero no es el objeto principalisimo. El principalisimo, y sin el cual el jaibanâ es cosa nula, es un bastôn distinto del primero, no en su forma exterior, sino en el poder de que lo creen inv'estido. Todas las noches lo toma el jaibanâ del chimiâegô-hari y lo pone junto a si, para dormir en su compania. Este bastôn se Uama anyi jai ara. Los otros objetos son : unos munecos de madera, toscamente labrados, y varios pequenos de macana en numéro correspondiente a las enfermedades que saben curar, pues cada enfermedad tiene su patron o encargado, a quien llaman jai uaua. Ademâs hay cierto numéro de botellas y frascos, de colores determinados, cada uno de los cuales desempena su papel. Igualando en dignidad y oficio al espejo esta la cruz, que es una tabla pequeha de madera, labrada a machete, dibujada con colores negros y rojos. Los diversos dibujos consisten en imitaciones de pâjaros y munecos, de figuras extravagantes, simétricamente colocados. Deben haber en cada chimiâ-egô-hari una tabla de estas,


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pero puede haber varias y es ésto de gran prestigio para el jaibanâ. Para terminai' la descripciôn del chimia-egô^bari, dire que, cada cierto tiempo, el jaibanâ, obedeciendo a ciertos suehos, de que en adelante hablaré, proporciona a sus jais una comida, que ha de ser dispuesta y preparada tal como la sonô y en la cual no debe faltar un poco de agua panela, distribuida en unas totumitas colocadas al frente de cada jai. Ahi permanece cierto tiempo, entre très y ocho dias.

Después, quitan de ahi los comestibles y se los corne el jaibanâ, a excepciôn del agua panela, que tiene que ser arrojada en una corriente de agua.

El jaibanâ no solo cura sino que embrujia como dicen ellos. De aqui que los que non son jaibanâes les tengan a ésto s un miedo espantoso. Un jaibanâ no le tiene miedo a otro de su profesiôn ; pues cada uno se crée inexpugnable. Un jaibanâ joven no es buen curador ni puede embrujar porque la edad influye mucho en eso. Cuanto mâs viejo sea, mâs fâcilmente cura y embruja a diestra y siniestra sin quedar burlado, al menos asi lo creen. Si, por ejemplp, alguno le niega al jaibanâ un favor, o le molesta en algo, o tienen entre si o con su familia algûn disgustillo, a la mejor del tiempo se encuentra embrujado, sea sûbitamente, o sea despues de algûn tiempo. Ya sea sugestiôn, ya intervencion del demonio, o lo que fuere (que ésto no me toca analizarlo a mi, ni sabria hacerlo), èl hecho es que hemos visto muchos casos y nos han referido muchos los mismos indios, en que familias enteras han sido yictimas de un jaibanâ. En cuanto a las curaciones, también las hemos visto prodigiosas y muy repentinas. Estas son muy numerosas. Voy a exponer en seguida los modos que usan para embrujar y los procedimientos de algunas curaciones.

Para embrujar, muchas veces basta una mirada fija y persistente del jaibanâ a la persona a quien quiere perjudicar (a otro indio, se entiende, pues solamente entre si reconocen valor a sus funciones). Otras veces, el jaibanâ le da de beber o corner, extiende hacia él el bastôn o la mano, le tira a la cara menudas salivas, le dâ palmaditas amigables en la espalda u hombro, o bien, con solo el hecho de quererlos embrujar, ya dizque quedan embrujados. Este ûltimo caso lo usan los jaibanâes que saben mucho su artey que son muy viejos. El jaibanâ procura hacer esas pantomimas sin que lo note el perjudicado.

Cuando ataca a los indios sûbitamente alguna enfermedad, dicen que

-estân embrujados y sehalan de quien recibieron el perjuicio. Suehan persistentemente

persistentemente un jaibanâ determinado y que este los mira con mirada

torva, o que los asecha con lanzas o escopetas, y de ahi toman pié para

créer que el doctor con quien suehan es el mismo que los ha embrujado.


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Sucede también que, para persuadirse mâs de quien es el embrujador, buscan otro jaibanâ para que, también por medio de suehos, les descubra quien es el que les ha hecho mal y aseguran que corresponde el con quien sueha el jaibanâ al con quien sueha el embrujado. Aqui tengo que abrir un paréntesis para hablar algo de los suenos, pues en ellos se basa toda la trama del jaibanismo y asî es preciso darlos a conocer para mejor darse cuenta de las operaciones del jaibanâ. Tan pronto como un jaibanâ recibe el doctoradô, se le entrega là vara o bastôn principal, del cual he hablado y con él, el poder de sonar. Todas las noches, quiera que no, sueha el jaibanâ con cosas relativas a su oficio. En el sueno 'hay invariablemente una persoha que les habla y les enseha y a la cual ellos le preguntan sus dudas. Generalmente suehan que ven una multitud de indios y animales de distintas figuras, muchas especies de yerbas, y mil cosas mâs. De entre esa multitud sale la persona con quien hablan, que, segûn ellos dicen, es su patron o jai, el cualtienen ellos representado por la vara principal. Si ven en el sueho, por ejemplo, que un animal se esta comiendo un indio, deducen de ahi que un jaibanâ esta embrujando a aquel o también comiéndole el aima. El indio a quien el jaibanâ le ha comido el aima no tiene cura, y desde que suenan asi de un enfermo a quien recetan, lo deshaucian. Si el aima esta solamente eseondida, si entran en curaciôn. No solamente a las personas, sino a las habitaeiones, ârboles y lugares, se extiende el poder del jaibanâ o brujb. Cuando llega a conocimiento de los indios que hubo un embrujamiento de las cosas arriba citadas, si es una habitaciôn, la abandonan, y no solo eso, sino que la queman. Si es un lugar, evitan pasar por él, y si es un ârbol, no comen de sus frutos. Esto asi porque creen que, viviendo en una habitaciôn embrujada, la muerte acaba pronto con sus habitantes, y que, pasando por un lugar embrujado contraen, enfermedades, y comiendo frutos de ârboles, también embrujados, desde la primera fruta o parte de ella que se coman, empieza la enfermedad, que pronto los llevarâ a la tumba. El embrujamiento de los lugares y ârboles es semejanteal de las personas, haciéndolea aquellos los que les son mâs apropiados, segûn su calidad de cosas. Los lugares pueden también ser desembrujados por algûn doctor. No hemos visto de éstos ; dizque son muy costosos. De personas y cosas si. A continuaciôn contaré el desembrujamiento de una habitaciôn. El encargâdo de hacerlo sohô que la familia de dicha casa estaba enferma a consecuencia de los muchos ninduhurûs (animales, diablos) que cierto jaibanâ habia introducido alla. Su patron o jai le dijo que hiciera vestir dos indias jôvenes con jampuries rojos y amhuraes azules oscuros (jampuri es el vestido que las mujeres usan .de la cintura para abajo ; consiste en très varas de tela envuelta fuertemente


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en derredor; el borde les llega a la rodilla ; burubâ es el manto o paruma que suelen echarse encima a guisa de capa, con elegancia ûnica por cierto). Las indias dichas habian de estai- con muchos collares y espejos, los dientes muy negros, y esmeradamente pintadâs de guija y jagua (la guija es una pasta de achiote y grasa, compuesta por ellos mismos ; con ella se pintan ; la jagua es una especie de tinta sacada de una fruta que lleva el mismo nombre). Con jagua se hacen unas pinturas, como especie de finisimos calados, de simetrîa admirable. Todo esto a pulso. De trecho en trecho intercalan lineas rojas, hechas con guija. Ordinariamente pulen mejor la pintura de la cara. También se pintan los brazos y las piernas y aûn la mayor parte del cuerpo. Por mano de las dos indias antes dichas y asi aderezadis habian de hacerse los preparativos para el desembrujamiento.

Estas tuvieron que ir a coger ramas de cierto ârbol, traer agua cenagosa, hacer la chicha para el jaibanâ y moler y asar arepas para el mismo. Un dia gastaron en taies faenas, silenciosas, sérias y sin ocuparse en otra cosa. Mientras tanto, el jaibanâ improvisô un chimiâ-egôhari para sus munecos. Por la noche hubo baile, mûsica de pitos, tamboresy tiples y, sobre todo, embriaguez excesiva, principalmenle de parte del jaibanâ. No sabemos que otras ceremonias noclurnas habia, pues es de advertir que ocultan con muclio cuidado esta clase de fieslas, como las llaman.

Mucha observaciôn nos ha costado lo que de ésto les conocemos, tanto mâs cuanto que tenemos que reprocharles estas cosas e irlos sacando de taies costumbres y usos, a los cuales estân tan adheridos como a su misma aima... No supimos, pues, lo que de noche ocurriô fuera de lo que dije.

El bohio quedaba vecino a nuestra casa y de alli pudimos oir ésto que yadije y los silbidos y cantos del jaibanâ (caracteristicos). Al dia siguiente, nos colocamos en lugar de donde pudiéramos observar. El jaibanâ, que era un indio de aspecto salvaje y cabellos largos, bajô las escalas del bohio. Luego, las indias vëstidas llevaron el agua cenagosa y las ramas de ârbol y otras de palma. Los demis estaban silenciosos y quietos. Kl jaibanâ, embriagado todavia, fué colocando las ramas como sembradas en cuatro puntos distintos, al rededor del bohio. En seguida, diô principio a una série como de conjuras y de asperges, hechos con el agua cenagosa y las ramas de palma. Iba de un punto a otro deteniéndose en los lugares en donde estaban sembradas las ramas de ârbol, hasta que diô unas cuatro vueltas en derredor. Cada vez que se detenia, entonaba un canto y haciaun asperge, acompahado de mil pantomimas. Para terminai', encendiô a las ramas de ârboles y de palma y echaba lejos las cenizas. Para ayudar a eompletar aquel cuadro verdàderamenle salvaje, se levante, quizâ de


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una pequeha ciénaga vecina, un gran numéro de mosquitos, que en bandada pasaron por el lugar en donde estaba el jaibanâ, y después cerca a nosotras. El jaibanâ no dejaria de créer que en estos mosquitos irian los ninduhurûs o diablos que él alejaba de esa habitaciôn. Como dije antes, el jaibanâ oculta el fin u objeto de sus fiestas. Sin embargo, tienen sus ratos en que algo dicen, principalmente si nos valemos de hacer alarde de lo que ya sabemos, sin dar a entender que solamente a eso se reducen nuestros conocimientos a este respecto. Creyéndonos en posesiôn de sus secretos, no temen anadir otro poco mâs, creyendo que nos dicen lo que ya sabemos. También sucede otras veces que, estando en medio de sus ceremonias, Uegamos y, como parece que no les es licito interrumpirlas, las continuai! muy a su pesar, por tener que hacerlo delante de nosotras.

Hay muchas variaciones en las curaciones, tantas cuantas enfermedades sepresenten, o cuantas condiciones exija el patron ojai. Hay veces que el bano que le han de dar al enfermo va seguido de una fricciôn de plumas de gallina, de color determinado. Otras veces, hay que matar un pato blanco y con la sangre friccionar el estômago del enfermo. En fin, hay mil modos, pero las condiciones mâs salientes son :

1° Que las cosas necesarias para la curaciôn sean preparadas y tocadas ûnicamente por las elegidas para el caso y que estas tengan el vestido prescrito ;

2° Que el jaibanâ suene y que cante y haga ciertas invocaciones a su jai o patron ;

3° Que el animal que se ha de emplear en la curaciôn esté partido en dos y colgado en el chimiâ-egô-hari, y que en medio de las dos partes del animal esté el espejo de] jaibanâ;

i° Que no faite de alli la vara principal ;

5° Que, por el lugar en donde va a hacerse la curaciôn, no pase ni persona ni animal, y para distinguir mejor, hacen un tendido de hojas de plâtanos y un toldo de hurubas ; alli solo pueden entrar las elegidas;

6° Finalmente que no se derrame ni una sola gota del agua de los bahos, antes de echârsela al paciente porque pierde el baho su virtud cura ti va.

En una curaciôn nocturna, a la cual asistimos, por tratarse de una indiaagonizante, que estaba en poder de seis jaibanâes, los cuales a todo trance querîan quitarle el santo escapulario, observamos muchas cosas. Entre ellas, lo siguiente : la enferma a menudo se asfixiaba (moria de tisis) y en los momentos de mâs asfixia, le soplaban fuertemente por las yemas de los dedos de las manos, haciéndole desaparecer la asfixia. Otras veces, ponian en frente de su cara', livida y desfigurada ya por la


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agonia, un espejo de jaibanâ. Que horrible cuadro aquel ! Los ojos empanados de la enferma no verian ya su imagen en el espejo, pero, para los circunstantes, omejorpara nosotras, aquello era terrible. Y digo, para nosotras, porque los indios no se dieron por entendidos.

Antes de t.erminar esta sucinta resena de las jaibanâes, quiero anotar otra cosa curiosa observada en una curaciôn reciente. Un pâjaro (toche) permaneciô ocho dias muerto, colgado en frente del enfermo. El jaibanâ decia que a ese remedio combinado con otros no se resistiria la enfermedad. Sus esperanzas le salieron fallidas, pues el enfermo muriô. Aûn despues de la muerte, estaba el pâjaro enel mismo sitio, desempehando su triste papel. El jaibanâ decia : « muheco va no cura bien : mucho curaciôn es daîïao ya. Cuando soba enfermo con muîïeco, mâs apura achaque ». Es que las hermanas ocultamenle banan los pobres munecos con agua bendita y ese baho no sera muy del agrado del demonio, quien por medio de esos munecos los induce a la supersticiôn.

BAUTISMOS.

El indio, habitualmente retraido, aûn con sus convecinos, pues no suelen visitarse (salvo el caso de los convites y velorios, de los cuales hablaremos), tiene, no obstante, dos fiestas sensacionales llamadas por ellos bautismos. Estos son diversos entre si y se administra el uno a los ninos de ambos sexos, a una edad de uno a dos ahos, y el otro a las jovencitas. De estos ûltimos no hemos presenciado, por haberse celebrado de noche. A bautismos de ninos, si, hemos asistido. Dicen que « bautismo de moza » (asi llaman el de las jôvenes) es mâs bonito. La ûnica diferencia que en los dos ha}', segûn informaciones, es que en el de estas es indispensable un poco de aguardiente, para administrarle a la bautizada, antes de la ceremonia. Si la joven al primer trago pequeno de aguardiente queda como aletargada, dicen que era virgen (chatuagai). Si, a pesar de varios tragos, pierde el juicio y se embriaga, pero no se aletarga como muerta, dicen que no lo era, y en ese caso, también se hace la fiesta, no sin ser un chasco muy comentado por ellos. De aqui que tengan con las ninas un escrupuloso cuidado, para que el bautismo no tenga ningûn tropiezo.

Veamos ahora el bautismo de pârvulos. La familia del bautizando prépara unos grandes cântaros de chicha. Hay varios modos de preparar esta como veremos en otra parte. En ellaboreo de ella gastan una semana o poco menos, pues la cantidad es exorbitante. Hacen circular la noticia de que va a haber fiesta y todos seponen en vueltas de conseguir huruha o paruma nueva, jampuries, y panuelos rojospara el pecho. La vispera de


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la fiesta se hacen las invitaciones. Salen dos o très muchachos o mujeres ; se van cada uno por su parte e invitan sin excepciôn. De aqui que aûn muchos dias antes de la fiesta, todos tenganya listo su trajé de gala, pues, saben no serân excluidos. La formula de la invitaciôn (no la hay fîja) es mâs o menos asi, traducida lileralmente : « mahana esta hora, o manana, cuando gallo cantando, fiesta es. Si quiere, siempre puede caminar pa ver». Van concurriendo con poca puntualidad y empiezan los hombres a tomar chicha. Cuando a consecuencia de la bebida van perdiendo la timidez con que Uegaron, entonces se dice que comenzô la fiesta. Alli cualquiera esdueho de la cantina. Asi es que al llegar alguno, cualquiera de los que le precediô le suministra una, dos, y mâs totumas de chicha. A poco va asentarse, como sus predecesores, alpié del cântaro que éstan consumiendo y a hacer con los que llegan lo que con él hicieron.

Las mujeres y ninos también concurren, todos muy pintados y vestidos de gala. El que no tiene hurubâ enteramente nuevo, tihe con guija el usado y asi se présenta. Los burubâes asi preparados son también de îujo. El bohio no recibe mâs arreglo para la fiesta, que el siguiente : la vispera, se quitan canastas, ollas, enceres, y se colocan en el zarzo o cama alta y solo quedan abajo los cântaros y piedras de moler. Por asientos no hay cuidado, que no los acostumbran. Las mujeres se reunen con sus pequenitos cerca del fogôn generalmente, y ni jôvenes ni viejas tienen cuentas con los hombres, ni aûn con sus maridos. Los indios no llegan donde estân ellas, ni viceversa. Una que otra vez, la dueha de la casa lleva al grupo de mujeres un poquito de chicha, de la cual toman algunos. traguitos, pero no es raro el caso en que alguna se embriague. Para los bailes y demâs fiestas, tampoco haj^ mezcla de hombres y mujeres. El baile de los hombres es un baile comûn. El de las mujeres es caracteristico : se reunen lodas en semicirculo, cogiendo cada una a la que le antécédente por la cintura. A la cabeza va una india que tiene en su mano un pequeho tambor, el cual hace sonar con el indice y el cordial. Al sonido de ese tambor van avanzado, o mejor, volteando, siempre en semicirculo, con el cuerpo un poco inclinado hacia adelante y la cabeza hacia el lado izquierdo. Mueven los pies con simetria admirable y hacen ciertos dengues y meneos muy acompasados y acordes con el ruido del tambor. Al fin de cada vuelta, dan todas al tiempo unos gritos en forma de carcajadas, pero muy agudos, y mientras los dan, saltan también a un mismo tiempo. Los saltos son pequeîïos, en la misma posiciôn que tenian al bailar, pero con el cuerpo tan agachado, que ponen la cabeza junto alaspiernas, volviendo el rostroun poco de frente. Mientras esto sucede, ninguno presta atenciôn a dicho baile ni a nada. Parece que cada cual se exhibiera para si mismo. Ya es uno que canta sin que nadie


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le atienda, otro que habla para el primera que le oiga, otro que grita y silba, otro que pelea, pero este si tiene quien le responda. Alguno de tantos sale a encararse con él ; luchan a mano (las armas han sido entregadas, al llegar, al dueho de la casa, salvo el caso de uno u otro que dejan para estos casos oculto algûn cuchillo pequeho.El dueho de la casa, ayudado de algunos « de los que mucho no hay cabeza perdido » (es decir de los que" no estân muy embriagados), aparta los contrincantes y si la escena se va poniendo fuerte, al cepo con ellos ! En cada casa de fiesta, ponen, como primer preparativo, el poco élégante adorno de un cepo, enteramente indispensable para evitar grandes fracasos.

Aquello es pues una Babilonia. Los mûsicos con sus instrumentes se situan en alguna parte reunidos. Sus instrumentos son : tiples, tambores, guaches (éstos los hacen de pedazos de guadua bien tapados; por dentro les ponen granos de maiz para producir sonido). Pretenden dominar la algarabia con la mûsica, pero por mâs que hacen desesperados esfuerzos, sacândole a los instrumentos voces tan fuertes que estos no pueden resistir, quedan desengahados del éxito, pues la algarabia continua y los instrumentos se rompen las mâs de-las veces; con todo, mientras mas bulla hay en una fiesta, dicen que mâs bonita ha estado. Las cosas ya en este punto, se procède al bautismo. El nino o niha debe estar de antemano banado con jagua y, por tanto, estânegro como un diablito. La madré baja con el nino y lo sumerge en un pozo de agua (estos nunca faltan, vecinos a la habitaciôn). De ahi lo sacan pronto y lo visten generalmente con vestido rojo y en la cabeza ponen una corona de guasca y cintas. La guasca para dicha corona es la corteza pelada de un ârbol, tersa y brillante como marfil. Sobre ella colocan una cinta vistosa, anchaunpoco menos que la corteza, y sobre'esta, otra que deje ver parte de la anterior, y asi sucesivamente hasta ponerle cuatro o cinco. La corona no es solamente circular, sino que con corteza de la misma le hacen una especie de cruz côneava, que va sobre la cabeza, y hacia atrâs quedan. los extremos de las cintas de la corona. Ya asi las cosas, toma en sus brazos al nino el indio mâs anciano y se organiza una procesiôn, encabezada por el nino y su carguero, rodeados de las mujeres, sin exceptuar las viejas, pues estas desempehan en las fiestas de ese género un papel muy Iucido. Algunas toman los extremos de las cintas de la corona, y todas bailan de la manera antes dicha, pero sin cogerse por la cintura. Cantan algunas palabras en elogio del nino, improvisadas por cada una. La procesiôn se hace dentro del bohiô y en cada poste se detiene unos minutos, durante los cuales elniho es arrimado contra el poste. La procesiôn consta de cuatro vueltas. Terminadas estas, uno de los circunstantes, generalmente el padre del nino, toma una totuma de chicha y tira su


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contenido a lo alto, de manera que caiga sobre los circunstantes en forma de baho de ducha. Igual cosa se hace con una totuma de maiz y con algunas patâ-pono, o sea flores de plâtano. La fiesta se da enfonces por terminada. Con todo, si aûn hay chicha, permanecen los indios ahi hasta que dejan los cântaros vacios. Las indias y sus ninos si regresan en seguida a suscasas. En esta fiesta no le ponen nombre indigena al bautizando. Cualquier dia empiezan a llamarle con el nombre que se les ocurra. Otras veces ha de sonar el nombre un jaibanâ. Es de advertir que, aunque es costumbre gênerai el hacer los bautismos, hay casos en que no los hacen, ya por prever que las jôvenes les harân pasar un cbasco, ya porque no haya habido el suficiente interés en preparar las cosas a su debido tiempo y esté el nino mâs crecidito de lo que es costumbre, y en este caso se expondrian al ridiculo. La supresiôn de esta ceremonia no tiene ninguna trascendencia.

CONVITES.

Los convites consisten en la réunion de varios indios en un bohio determinado, para hacer juntos algûn trabajo en pro de quien los ha invitado. Llegan, toman alguna cosa, generalmente frijoles y arepa-, y van en seguida al lugar designado, sea a rozar, sembrar, coger maiz, etc. Gritan mucho y llevan calabazos llenos de chicha. A menudo interrumpen el trabajo para ponerse a tomar, volviendo en seguida a reanudarlo. A eso de las dos o très, cuando ya el efecto de la chicha no los déjà trabajar bien, se vienen al bohio y se situan al pié de los cântaros de chicha, hasta que los consumen. Bailan, tocan, gritan y silban durante toda la noche o parte de ella. Después, se echan a dormir, unos ahi mismo, otros se van a sus casas respectivas. En estos convites se mezclan poco las mujeres. Hacen los preparativos las duehas de la casa, y las demâs, cuando ya se ha acabado la chicha, vienen a llevarse sus maridos, quienes quedan las mâs de las veces con la cabeza tan perdida, que son incapaces de ponerse en camino, si no hay quien les ayude. Después de los convites, es muy comûn que los maridos den a sus mujeres una buena paliza, con motivo o sin él, por causas viejas o nuevas. Los convites son muy frecuentes y cuando hay varios a la vez, los que acaban de tomarse el contenido de los cântaros en una parte se van a otra y después a otra, hasta que acaban con todo, quedando a veces enfermos, de tanto excéso en la bebida.

Otras veces llega un grupo de indios a un bohio donde hay chicha y proponen al dueno se los deje tomar bari, es decir gratis, por el momento, obligândose a trabajar después, cualquier otro dia, y dejando en prenda alguna cosa de algûn valor, como el machete, etc. En estos convites se suscilan rencores y peleas, se hieren a menudo y aûn suceden asesinatos.


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VELORIOS.

La noche, durante la cual estân en vêla delante del cadâver de alguno, la llaman velorio. Para ésto no tienen ninguna ceremonia determinada. Si alguno ha muerto embrujado, le soban la cara con ceniza hûmeda, o mejor, le ponen una capa de ceniza mojada y la cubren. Al otro dia, muy temprano, antes de llevarlo a enterrar, quitan la ceniza y la cara del muerto ha de estar parecida al embrujador. Asi que al descubrirla prorrumpen en voces, diciendo a quien quedô semejante. Como la ceniza descompone mucho el rostro, al verlo asi arrugado se les antoja igual al de algûn viejo jaibanâ. A continuaciôn, referiré uno de estos velorios. El indio habia muerto a las nueve de la noche. A esa hora, todos estaban ya dormidos, cansados de verle agonizar, pues habia sido muy larga la comida. Unicamente estâbamos en vêla unas hermanas que habiamos ido esa tarde, sin tiempo de volver a nuestra casa, y la suegra del agonizante. Este ténia mujer é hijos. Apenas expirô, diô aviso la vieja. La mujer del muerto levante un poco la cabeza y después siguié durmiendo. Lo mismo hicieron los demâs a excepciôn de un hermano del difunto, quien se apresurô a tomar un tiple y tocar en el pa ispantar sueîlo (son sus palabras). La suegra arreglô bien el cadâver envolviéndole en una paruma nueva y untândole la cara de guija. Le puso ademâs varios collares de chaquiras y encendiô una lamparâ que colocô junto al cadâver y se retiré junto al fogôn. Alli se puso a asar unos pedazos de ahullama, sin pensar siquiera en lavarse las manos. De ellos nos diô v ella procediô a corner inmediatamente. La lâmpara se apagaba a menudo, a consecuencia del viento, que no encontraba resistencia por estar los flancos de la habitaciôn al descubierto. Por fortuna, habia una luna hermosa, que se encargaba de iluminar aquel triste cuadro.

Al tocador de tiple le acompahaba en su tarea de hacer ruido un perro que, dormido, gruhia a intérvalos.

Al amanecer, todos se sentaron con la espalda vuelta hacia la habitaciôn y los pies colgados fuera del tablado, posiciôn esta muy comûn entre ellos. Cuando nosotras nos pusimos en marcha, comenzaron a llorar su muerto. Elllanto es una especie de canto tristisimo en elogio del difunto y un largo interrogatorio de « Quien harâ ahora mi rocita ? Quien sembrarâ platanal ? Quien traerâ salecita ? », etc. Los hombres no lloran. Las mujeres se cubren la cara. con los cabellos. Al cementerio van los hombres présentes. Cavan un hoyo profundo y dentro de él uno latéral y en este depositan el cadâver. Separan el primera del segundo con una division de hojas y caftas y al hoyo primera le hechan la tierra y la pisan. Asi dispuesto el sepulcro, no le cae tierra al cadâver y queda como en bôveda subterrânea.

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SUPERSTICIONES.

En seguida, veremos las principales supersticiones que sobre muertos y demâs cosas tienen.

Hay entre los indios très animales sabios o sagrados.

El primera es el uacô o sea una ave llamada vulgarmente guarana o valdivia por los libres. Es una especie de pâjaro parecido al gavilân y que tiene dos rnodos de graznar : con el uno anuncia las cosas favorables, con el otro las adversas. Cuando van de camino a ver a un enfermo y oyen el graznido adverso, deducen que el enfermo ha muerto. Cuando o}ren el favorable, se alientan, pues hallarân en mejor estado al enfermo y asi en los demâs casos.

El segundo animal es el baracoco o sea lo que nosotros llamamos lechuza. Une tradiciôn catia dice que Dios convirtiô a su mujer en îechuza porque le fué infiel. Relatan asi el caso : Caragabi (Dios), sospeehando de su mujer, quisô probar por si mismo su fidelidad y se fingiô leproso. Todo su cuerpo apareciô fétido y cubierto de llagas, pero eso era como un vestido. Hubo unjemenede (fiesta) y la mujer de Dios se préparé a ella y le dijô a su marido, por cumplir, que la acompaftara. Ella sabia que él en ese estado no concurriria. En efecto, le dijo que se fuera, ya queélno podia ir. Tan pronto como ella saliô, dejô él su vestido de lepra, cambiô de semblante y traje y se fué transformado al lugar de la fiesta. Una vez alla, se le acercô a su mujer y se hicieron promesas de amor. El le aranô la cara en senal de su eompromiso y se retiré a su casa. Toniô aprisa su vestido de lepra y, al regreso de su mujer, le preguntô porqué ténia la cara aranada y ella le contestô que se habia embriagado y que no sabia la causa. El mismo caso se repitiô otra vez y Dios, en presencia de los circunstantes y en plena fiesta, tomô a su mujer, le diô média vuelta en el aire, le estirô la boca en forma de pico, y la dejô, en castigo, convertida en baracoco. Dios tomô para si una euftada suya y se subiô con ella al cielo, en donde viven ambos vida de ângeles y el baracoco, entre tanto, pasa las noches mirando al cielo y cantando tristemente.

El tercer animal es el uaua jaramia, o sea el que conocemos con el nombre de manta religiosa (vulgarmente molendera). Uaua jaramia traduce literalmente « el que dice de los ninos ». Este animalito es interrogado por cualquiera de los indios, haciéndole antes una aspersion de menudos salivazos, y preguntândole si el nino que ha de nacer de tal o cual mujer sera macho o hembra. Si elanimalejo extiende hacia adelante îas patas delanteras, y las mueve en actitud de moler, dicen que sera mujer, y si extiende mâs una pata que otra y la pone como quien va a nescar, sera hombre.


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Despues de muerto un indio, su aima seguirâ vagando hasta encontrar un companero, para no andar solo en las desconocidas regiones de la otra vida. Todos temen ser elegidos por el muerto y esta cita misteriosa se harâ ineludiblemente si en cada casa no se pone un haz de hojas de lobo (moindû) en los cuatro ângulos de la habitaciôn, o al menos, enfrente de la escalera. Ocho dias mâs o menos, hay que tener esta precauciôn, pues pasado este tiempo, el penarata (espiritu de la otra vida) déjà en paz a las gentes. Con todo, si alguna vez se hace sentir de nuevo, se colocan nue vas hojas de tobo y no porfîarâ mâs el penarata.

Los ninos uo'deben corner sesos de ningûn animal, pues si asi lo hacen, serân muy estûpidos.

Plâtanos mellizos (pegados entre si) no pueden corner las niftas, pues, cuando sean madrés, lo serân de mellizos y a ésto lo temen y lo tienen a feo y l'idiculo.

Las jôvenes, antes de su bautismo, durante un encerramiento que les hacen de quince dias, no pueden tomar comidas calientes, porque se les pondrân malos los dientes y les entrarâ caries. Igual cosa pasarâ a los viudos, si no obsërvan esta prescripciôn, durante los primeras quince dias de viudez. El viudo o viuda se darâ unos bahos, segûn indique un jaibanâ, y se abstendrâ de hablar con toda clase de personas, exclusion hecha del jaibanâ y padres del banando. Si habia a otros, se volverâ llagoso, y a quien hable, si es indio, también le darân llagas. Los banos tienden a comunicarle vigor, pues dicen que queda el cuerpo flojo con la muerte del consorte. Ademâs, el muerto no dejarâ de perturbar y molestar a quien no esté preparado con los bahos. Cuando el jaibanâ da por terminada su tarea con el viudo, le hace dar un salto desde el tablado al patio 1, tirândose él en seguida, y después le da un puùetazo en la espalda.

Como preservativos contra elrayo tienen los siguientes : alnacer el nino o niha, se le untan los labios de barra mojado, o lo frotan con mariposas pequenas, antes de alimentarle la primera vez. Cuando, estando en su hamaca, haya tempestad, se le pone una totuma sobre el estômago, como preservativo. Las personas mayores deben salivai' al estallido del trueno.

En el nacimiento de los ninos, debe matarse una ave (pato o gallina) y consumirse en la primera comida, dândole abundantemente a todos para que el nino sea generoso. Inmediatamente despues de nacido un nino, le colocan de manera que reciba el humo de varias astillitas de maderas finas, preparadas de antemano y quemadas en una vasija, con el fin de que el nino sea vigoroso. A los quince dias, se le da unbaho de

1. El tablado de los bohios es alto, pudiéndose meter debajo de él personas y animales.


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jagua para que sea buen pescador. Con el mismo objeto le soban la fïor de una yedra : a los hombres para que pesquen bien con anzuelo y a las mujeres para que sean afortunadas en la pesca de cangrejosyjum/jes (jumpé es un pescadito que se cria pegado a las piedras y que se coje con la mano ; ellas no usan el anzuelo).

Las espinas de los pescados han de quemarse.

A los ninos no se les ha de pegar en la boca, porque no llegarân a ser buenos matadores de pâjaros.

En espejo de jaibanâ no ha de mirarse ninguno, principalmente las mujeres, pues se enceguecerân.

Los cabellos cortados no han de quemarse, pues la persona de quien se hayan quemado estarâ en la otra vida como sin sangre y como sin vida.

El recién viudo debe pasar por debajo del bohio en donde esta el cadâver de su consorte y dar cuatro vueltas, guiado por un jaibanâ. De ahi va a casa de ese u otro jaibanâ a recibir ciertos bahos y tratamiento.

Cuando un nino muere, alguna de las mujeres de la casa hace salir el gato y el perro por el mismo sitio por donde sacaron el cadâver del nino o nina.

La ûltima totumita que el muerto usô o su tronco de madera en forma de muneca (si era niha) y algo de plâtanos y de agua quedan sobre la sepultura como oferta de gente previsiva que quiere dejar auxilios a sus muertos, por si acaso vienen a buscarlos.

EL INDIO PRIMITIVO (LA RAZA LLAMADA BURUMIÂ).

Los indios primitivos eran antropôfagos y se unieron con mujeres diablas. Se llamaban burumiâ. Vivian en unos ârboles inmensos llamados jenené (iguales al ârbol de Gentserâ, del cual hablaremos después). Estos ârboles eran cuatro. Los burumiâ vivian desnudos y no tenian herramientas. Los diablos les enseftaron a valerse de las manos, como si fuerân molinos para sacar el oro de sus filones y también con solo sus manos derribaban ârboles y cortaban con ellas cuanto necesitaban. Para matar pâjaros, usaban una especie de caha hueca que les servia de bodoquera o cerbatana suministrada por una planta parecida al murrapo. Dios, irritado con ellos porque comian carne humana, hizô que los quemaran dentro de los mismos ârboles. No huyeron del fuego porque eran muy dormilones y la ûltima hora los sorprendiô entregados al sueho.

EL INDIO DE LA 2a EDAD. Después résulté, no se sabe como, la raza de los Carautas, indios muy


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ricos y trabajadores del oro. Estos no eran antropôfagos, pero si muy pecadores. Tenian uniones matrimoniales entre padres e hijos, hermanos y hermanas." A estos los castigô Dios, convirtiéndolos a todos en animales. En el instante en que esto sucedia, algunos se enojaronpor tamano castigo y estos que se enojaron quedaron convertidos en animales lieros, tigres, etc., los quo nada dijeron en animales mansos.

EL INDIO ACTUAL.

Dios hizô dos munecos de barra y soplândolos les diô vida. De éstos descienden los indios actuales.

MlTOLOGIA.

Tutruicâ (o Trituca, segûn otros), el dios de abajo, tuvô la ocurrencia de tirar al espacio un poco de agua,- que se convirtiô en euma, ésto es : arco iris. El arco iris cuando se présenta a la vista es asi como lo vemos, pero cuando esta oculto, es un burro sediento que toma la forma de arco para beber en las quebradas y rios. Cuando aparecen varios arcos, va a morir algûn gran jaibanâ.

Trueno es el ruido que produce, al girar, un tamborcito de oro, tirado por un nino cualquiera de los habitantes de arriba. El rayo (relâmpago y chispa) es la risa de alguno de los habitantes de arriba. Los truenos anuncian con dias de anticipaciôn la llegada de grandes jaibanâes. En la direcciôn que han de venir, se oyen los precursores.

Nunsi es una especie de pez, habitante de los grandes rios. Algunos piensan que las aimas de los jaibanâes brujos se vuelven nunsi. Los nunsi viven en el fondo de los pozos y se comen aima y cuerpo de quien se bahe en ellos. Salen de noche y los ojos resplandecen como fuego.

Otros dicen del arco-iris que era^un nino desmesuradamente grande. Creciô tanto que no cabia en ninguna casa, por grande que fuese. Enfonces, resolviô enterrarse. Hizô un hueco énorme y unparapetoaltisimo y de este se tiré a aquel y quedô sepultado. Cuando tiembla la tierra, es que Euma se mueve, y sale como arco cuando anuncia que no temblarâ.

Otros dicen que Caragabi tiene entre sus très dedos primeras de la mano derecha el mundo, y que este tiembla, cuando Caragabi, por descansar, lo pasa a la mano izquierda.

TRADICIONES. Los Catios tienen varias. Segûn la tribu, difieren unas de otras,


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pero no en la esencial, sino en detalles accesorios. Algunas no tienen hilaciôn y otras se contradicen (como en el origen del fuego, por ejemplo, producido este, como se verâ en su lugar, por la muerte de Antomiâ paima (diablo negro), envenenado por haber comido moindû, cocido en pleno fuego). Con todo no dejan de ser muy interesantes y en partes se trasciende alguna idea histôrica o pasajes relacionados con la historia.

Empecemos por la entrevista que tuvieron dos dioses, pues ese es el punto de partida de sus tradiciones, ya que se empieza a tener noticia de dios a su modo.

Al principio, el dios de arriba, llamado Caragabi, divisé una cosa oscura, aqui, en donde es nuestra tierra, y quisô ver lo que ésto fuera. Vinô, y en efecto, viô esta tierra, pero oscura porque no habia luz. De repente, se encontre con un personaje, Yâbea (quiere decir contemporâneo), desconocido, el cual era dios en las regiones de abajo, no de dentro de la tierra, sino del lado opuesto (al explicar ésto dan definiciôn muy clara de los antipodas) y se trabô entre ellos el siguiente diâlogo :

£ Quien ères tû, preguntô Caragabi ?

Yo sojr Tutruicâ, el dios de abajo, contesté el Yâbea.

Caragabi— Naciste?

Tutruicâ — No. Résulté solo. Nadie me hizô. Y tu, como naciste?

Caragabi — Yo naci de un salivazo de uno de mis antepasados.

Tutruicâ — Yo no tengo antepasados.

Caragabi — Vamos a probarnos mutuamente, si somos o no dioses.

Tutruicâ — Bien. Probemos.

Caragabi — Que hacemos para probarlo ?

Tutruicâ — Yo trabajaré el barro.

Caragabi — Yo trabajaré la piedra.

Acabado este diâlogo, se separaron. Pasadoun aho, Caragabi dijô : voy a trabajar en mi obra, y diô principio a un par de munecos de piedra, con intenciôn o deseo de que quedaran convertidos en personas.

Luego que los terminé, les soplô en la frente, con el fin de darles vida, y en efecto, los munecos abrieron losojosy se sonrefan, pero no pudieron levantarse. Entonces, Caragabi averiguô y supô que Tutruicâ habia hecho un par de munecos de barro, que los habia soplado en la frente y que no solamente se reian sino que hablaban y tenian movimiento. Entonces, escribiô a Tutruicâ diciéndole que le enseftara como habia hecho para que su creaciôn hablara y se moviera. Tutruicâ se negô a ensehar y contesté en términoa descomedidos. Caragabi no se desanimô, sino que en viô un nuevo mensajero pidiéndole barro, pues el dueno del barro era Tutruicâ. Este se negô, y Caragabi enviô un tercer mensajero, pidiendo unpedacito tan pequeno como la lengua de una paloma. Tutruicâ lo concediô y en


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manos de Caragabi, se creciô llegando a ser cantidad suficiente para hacer un mufieco. Después de formarlo, se sacô un pedacito de costilla y con ella soplô en la frente y en cada una de las extremidades del muneco, quien con este soplo viô, hablô y se levante. Caragabi se alegrô mucho y le dijô que se arrodillara para darle la bendiciôn. Hecho esto, Caragabi se fué a recorrer. Pasados diez ahos, pensé en darle compaïïera al hombre que habia hecho y enviô otro mensajero a Tutruicâ, pidiéndole otro poco de barro porque la primera cantidad se le habia dahado. Tutruicâ creyô este engafto y le enviô una cantidad semejante a la primera. Con esta, hizô Caragabi una muneca y para soplarla, le quitô al hombre la primera lata de costilla del Iado derecho. Con ésto le diô vida y se alegrô mucho Caragabi.

Después, pensô en arreglar el sol y la luna. Llamô al primera y le senalô el lugar en donde debia situarse para alumbrar la tierra, y de la misma manera hizô con la luna. Esta le replicô diciéndole que se iba a situar mas lejos de lo que él decia, porque su frio era muy intenso, para estar tan vecina de la tierra. El sol entonces también hizô su reclamo, diciendo que sus rayos eran muy fuertes para estar tan cerca. Ambos fueron atendidos y se colocaron mâs lejos.

Arreglô en seguida la luz y las estrellas y, algûn tiempo después, se fué a recorrer de nuevo toda la tierra, con el lin de darle nombre a todas las cosas, y parece que a hacerlas, con solo decir. También a ponerles un precio alto. Esta ûltima disposiciôn fué deshechada por los dioses viejos, quienes le dijeron que no debia poner precio alto a las cosas, pero Caragabi contestô que él iba a poner una ley nueva, distinta, en la tierra que habia arreglado.

Escribiô en seguida a todas partes, diciendo que se pusieran a trabajar de distintos modos y empezô su correria. Al pasar por donde estaban trabajando los habitantes de la tierra, preguntaba : « que haces ahi ? » y alguno contestaba : « siembro piedras », é inmediatamente se convertiâea piedras lo que hacia. « Y tu que haces ? », preguntaba al otro. « Siembro maiz », contestaba, y lo que sembraba resultaba maiz. Igual cosa sucediô con todo lo demâs, menos con los animales, que entonces no los habia. (Apesar de decir que no habia animales, ya ha figurado la paloma y no tardarân en figurar el colibri y otros). Tampoco habia agua. Las gentes que trabajaban le dijeron a Caragabi que querian agua y el mismo sentia necesidad de ella. Enviô mensajeros a buscar agua por todas partes y no pudieron encontrar. Uno de ellos viô una india que ténia jumpés (especie de peces que se crian pegados a las piedras, dentro del agua) y se le notaba que acababa de bafiarse. Esta india se llamaba Gentserâ. Le preguntaron en donde recogia agua y en donde se baïïaba. Ella les


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seftalô un lugar en donde nada veian, pues era por enganarlos que los hacia ir alla. Al tener Dios noticia de esto, mandé un colibri a examinar bien el campo y este viô que Gentserâ penetraba por una puerta invisible en un ârbol colosal, llamado jencné. Dentro del ârbol habia una inmensidad de agua. Gentserâ se baftô y pescô. El colibri revoloteando lo veia todo y cuando Gentserâ saliô, se apresurô él también a salir. Al tener Caragabi noticias de ésto, pensé derribar el jenené y se pusô en la fabricaciôn de hachas de hierro y las mandô amolar. Dieron principio al trabajo y por la tarde se fueron a descansar. Al dia siguiente, encontraron el gran jenené sin lésion alguna y asi sucesivamente cada dia hasta que las hachas se gastaron. Entonces, se le ocurriô a Caragabi hacer hachas de hierro y acero mezclados. Estas si resultaron resistentes. El ârbol se ponia a punto de caer, pero volvia a su primera posiciôn. Asi pasaron nueve meses. Por fin, un dia déterminé Caragabi ir él mismo en persona a la misteriosa puerta. Gentserâ estaba dentro : tocô Caragabi y no contesté ella. Esto se repitiô por très veces. A la cuarta pregunto Gentserâ : « quien es? » y Caragabi contestô : « soy yo ». Entonces pidiô agua y Gentserâ se la negô. Caragabi la cogiô por la cintura y la partie en dos partes, quedando convertida en hormiga (la que los indios conocen con el nombre de Gentserâ y que es una hormiga grande y negra ; dicen que continuamente tiene cerca a la boca una gota de agua, para eterna memoria de su descomedimiento con Caragabi ; las-gentserâ que hay ahora son descendientes de la primera). Despues de esto, Caragabi se reuniô con los derribadores del jenené, viendo al fin coronados sus esfuerzos. El ârbol cayô, pero no del todo. El copo se quedô enredado en unos bejucos y el agua no se veria hasta que cayese del todo. Caragabi mandô varios animales a ensayarse para ver cual podria desenredar el gran jenené, y como ensayo déterminé que el animal que diera alcance a una fruta tirada de lo alto hacia abajo por el mismo que debia alcanzarla, o caer al mismo tiempo que la fruta, séria ese el ûnico que podria arreglar el jenené, pues a su caida se habia de inundar la tierra y era preciso ser agilisimo para defenderse y no ahogarse, alejândose del rededor del jenené.

Probaron inutilmenle con la fruta un gran numéro de animales : micos, monos, ardillas, hasta que llegô el turno a Chidima, que es el tipo de ardillas mâs pequeho y âgil. Chidima cayô antes que la fruta y en consecuencia, le tocô desenredar el jenené. Una vez desenredado, cayô y todo se llenô de agua, dividiéndose en seguida asi : el tronco es el mar o mares ; los grandes brazos son los rios caudalosos y los pequenos brazos son los rios no grandes, arroyos, etc

Caragabi se alegrô mucho y el agua era tan abundante que era mucho


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mayor que la porciôn de tierra. El mar se ensanchaba mâs de lo conveniente porque sus olas daban muy fuertemente contra la orilla y entonces Caragabi pensé en dividir el mar en porciones mâs pequenas, separândolas entre si por inmensas pehas, cubiertas de tierra, a fin de que las olas encontraran algo mâs resistente que la tierra sola y asi lo hizo ; de modo que el mar rodea varias de estas grandisimas penas y como la tierra es redonda, voltea el mar de la misma manera al lado opuesto. Para que el îirmamento quedara mâs bonito, Caragabi lo hizô côncavo, en forma de plato. Mucho tiempo después de ésto, en una época en que castigô una pareja porque era union entre hermano y hermana, déterminé Caragabi ponerle a cada familia su apellido, para que no hubiera uniones ilicitas, y estando los indios reunidos en una bebezôn, empezô adecirles alosjefes de familia, asi, a cada uno respectivamente : su familia sera Sinigûi, là del otro, Chavari, Domicô, Barlarin, Guaserucamâ, Carupia, Celis, etc. Pasado otro tiempo, hubo otra bebezôn y en ella sucediô la metamorfosis de la mujer de Dios en baracoco, como esta relatado antes. Ese mismo dia y en el mismo sitio, convirtiô Caragabi los indios en animales, porque eran pecadores, a ejemplo de su mujer. El mundo quedô surtido de animales y Caragabi emprendiô viaje al cielo con su cuîlada, como queda dicho en otra parte.

Los desafios de los dioses no han terminado. Antes de la subida de Caragabi al cielo sucedieron nuevos encuentros de los Yâbea de la manera siguiente : Caragabi hizo de un salivazo un nuevo personaje a quien liamô su liijo y otro tanto hizo Tutruicâ. El de este no se sabe de que lo hizo ; e instruyô cada uno al suyo a ver cual resultaba mâs sabio. El dia del examen llegô, y résulté que ambos igualaban en sabiduria y se separaron pensando cada uno lo que urdiria para sorprender a su contrario. Una vez, pasado algûn tiempo, Caragabi hizo una canoa y se fué a pescar. Presentia que algo raro iba a pasarle, pues asi habia sohado, pero se fué confiado en su poder. Cuando estaba pescando (en el mar), se derrumbô una enormisima roca, que cubriô gran parte del agua, y debajo de aquella mole quedô Caragabi. Una voz le dijo : cuidado ! Era la voz de Tutruicâ. Caragabi se convirtiô en un hilo de agua, dicen unos, y otros, que en un pedazo de plomo y en esta forma entré en lucha para salirse de aquel lugar. Difieren también las opinionesrespecto al tiempo que tardé en salir : unos dicen que durante un dia estuvo alli, otros que durante algunos meses, y hay quien diga que durante arios. El hecho fué que al fin saliô y volviô a su casa. Dijo a su familia que, si no hubiera salido, el mundo se habria acabado. Después le tocô su turno a Tutruicâ. Le sucediô igual cosa que a Caragabi y saliô victoriosamente y mâs pronto que el primera.

Se sometieron luego a la prueba del fuego de esta manera : hicieron


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una grande hoguera en la cual fué colocado un énorme cântaro lleno de agua y dentro de él se metiô Caragabi. Entre tanto, Tutruicâ hacia las veces de fogonero. El cântaro hervia lapado. Por la tarde, destapô Tutruicâ y se encontre frente a frente de Caragabi, quien salia de ahi sin lésion alguna. Igual cosa sucediô a Tutruicâ haciendo Caragabi las veces de fogonero. Un tigre, que dizque era el diablo, quiso hacer la misma prueba y en efecto se hizo meter en la olla hirviente. A la tarde, cuando destaparon la olla, encontraron ûnicamente los huesos, pues la carne se habia desleido. Desde entonces, el barro es frâgil ; anteriormente ténia resistencia como de métal. Este fué el ûltimo desafio entre los Yâbea y tuvo origen en otro diâlogo en el cual Tutruicâ le dijo a Caragabi que le cediera los habitantes de este mundo. Para que quieres cosas que no son tuyas, puesto que no las lias hecho? respondiô Caragabi. Tutruicâ contesta diciendo que las gentes hechas por él no morian, sino que eran siempre jôvenes, en tanto que las gentes de Caragabi tenian un cuerpo flojo puesto que se podrian, a lo cual replicô Caragabi que no era falta de poder, sino que asi le gustaba, que él, en el cielo, recibia las aimas de los que morian y que asi era mejor. Para probar que hacia cuanto queria, fué que se sometiô a la prueba del fuego, que dejamos dicha.

Algunos cuentan un detalle muy interesante respecto al gran jenené. Antes de caer el jenené, Caragabi se dirigiô con su gente a una altisima peha para precaverse de la inundaciôn. Un ano se estuvieron alli mientras se calmaban las aguas, y al cabo.de este tiempo enviô una garza para que explorara la tierra y dijera que sitio estaba mejor para irse a establecer alli. La garza encontrô muchos peces, se engolosinô comiendo y no volviô a dar cuenta. Entonces enviô un cuervo (ancosô) y este se entretuvo comiéndose los peces podridos. Caragabi dispuso que la garza se llamara asi y se alimentara de peces vivos y que el cuervo sirviera para limpiar la tierra. Enviô una paloma y esta si volviô y trajo noticias de una tierra que reunia las mejores condiciones para vivir en ella.

De las gentes que acompaftaban a Caragabi, quedaron algunos convertidos en animales, porque él les decia que presentaran la mano y lesarran caba el pulgar e inmediatamente quedaban metamorfoseados en micosA algunos les pidiô la mano y se la presentaran vuelta, de manera que el pulgar quedase escondido y éstos, aunque quedaron convertidos en monos, tienen cinco dedos. Dicen también que Caragabi fabricô cuatro énormes vêlas de métal y las colocô al rededor del jenené, cuando lo estaban derribando, para alumbrarse durante la noche y no tener que suspender el trabajo en fuerza de la oscuridad. El mundo se incendiarâ y el incendio tendra principio en el lugar en donde arden dichas vêlas que permanecerân encendidas hasta esos tiempos. Después del incendio gênerai, el mundo


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quedarâ hermosisimo y solo, y Caragabi se vendra a vivir en élcon todos los suyos.

TRADICIONES RELATIVAS A LA CONQUISTA.

Hace mucho tiempo, alla muy lejos, en otra tierra, mâs alla del mar, vivian dos reyes blancos, rey y reina. De este lado del mar vivian también dos reyes indios, rey y reina. Estos tenian muchas riquezas, entre ellas cuatro casas de oro y adornadas todas de oro. Los reyes blancos supieron ésto y arreglaron una expediciôn para arreglar amigablemente con los reyes indios la particiôn de esas riquezas, pero el rey indio se negô y se entablô la lucha.

Los indios eran valientes, pero fueron vencidos por la superioridad de las armas extranjeras. Los soldados blancos cortaron la cabeza al rey indio, tomaron cautiva a la reina y se partieron : la mitad a dar cuenta al rey blanco, a presentarle la cabeza del rey indio y la viuda cautiva ; la otra mitad se quedô con el propôsito de apoderarse de los tesoros, mientras los demâs daban cuenta al rey de su expediciôn. El rey blanco, al oir las noticias de los soldados y ver la cabeza del rey indio y a la reina cautiva, se indignô contra ellos e hizo que se sentara en su presencia la reina cautiva, como para consolarla, pero ella lloraba mucho. El rey enviô otra expediciôn con nuevas ôrdenes de traer riquezas, pero cuando esta segunda expediciôn llegô, los soldados de la primera, que se habian quedado, tenian ocultos todos los tesoros y aûn permanecen ocultos.

En tiempo de la venida de los espaholes habia un jefe indio de extraordinario valor y destreza militar, llamado Ambeu. Este luchô valerosamente por salvar su raza de los espaholes, y aunque su gente fuese vencida, formaba nuevas tropas y hacia resistencia. Los espaholes le perseguian sin descanso y una vez idearon un medio de hacerle morir (a fuerza de balas no habian podido) : hicieron un hoyo profundo y cubierto de ramas. El en un combate corriô por ahi ignorando el peligro. Se fué a lo profundo y los espaholes se acercaron a tirarle fléchas y piedras hasta que muriô. Corpus y Umucumia eran sus hijos y ayudantes, valerosos como él.

ORIGEN DE LOS JAIBANÂES.

Una diabla se robô dos indios, nino y nifta, y se los llevô a los montes y alli vagando de un monte a otro les enseftaba a ser jaibanâes, sometiéndolos a una vida muy dura. Hasta entonces, nada mâs que los


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diablos eran jaibanâes. La diabla no les enseftaba como ensehan ahora, sino que, por ejemplo, cogia una espina y se la clavaba a alguno de los ninos en cualquiera parte del cuerpo y en seguida chupando se la sacaba. En todo les enseftaba prâcticamente. Cuando iban de camino y cantaba algûn diostedé, la diabla le tiraba un pedacito de madera y con eso lo mataba y, después de muerto y asoleado, se lo daba a los ninos para que cornieran, dândoles también cascajo para que hicieran cuenta de que dicho cascajo era maiz tostado y se lo cornieran. Los ninos lloraban ante la idea de comerse aquello y entonces la diabla se iba a los bohios de los indios y robaba de las allas comida para los ninos. Los bohios que elegia para robar eran aquellos en que habia alguna persona prôxima a morir (no una muerte inmediata sino que dentro de unos très o cuatro meses sucederia). Desde entonces, los indios conocen cuando visitarâ la muerte un bohio, pues con anticipaciôn se pierde de la olla alguna porciôn de carne o pescado. El diablo aûn roba, dando ésto como seha de muerte. La diabla acostumbraba también llevarlos a las penas y a los desfiladeros y alli los tiraba a lo alto para recibirlos después en sus brazos, y asi les quitaba toda clase de miedos.

Una vez la diabla les dijo : hoy viene mi marido, escôndanse, porque él no los querrâ. En efecto, vino el diablo a estar con la diabla y noté, por el olor, que habia indios y le diô orden a esta que los despidiera. El diablo se fué y desde entonces la india pensé en matarlos, pero ya el nino era jaibanâ porque la diabla le habia soplado en las extremidades y la cabeza comunicândole su poder. El nuevo jaibanâ (ya era joven) sonô que, al dia siguiente, la diabla lo enviaria a él a cortar lefta todo el dia y a su hermanita a llevarla a casa para en seguida cocerlos y comérselos. Ese fué el primer sueîio del jaibanâ. En el sueno fué advertido de que la diabla pondrïa très ollas énormes al fuego y que, cuando el agua estuviese hirviendo, ella les diria que se asomaran y entonces, al tener ellos la posiciôn de mirar al fondo de las ollas, serian empujados a ellas, que, cuando la diabla les propusiera eso, le preguntaran de que manera habrian de asomarse}r ella se pondria en esa posiciôn y entonces la emjrajaran y que5 cuando la diabla hubiese muerto, la abrierany le sacaran un perrito blanco que habia concebido, que ese perrito se llamaria Toma. Tal como lo sonô> sucediô, y después de que ejecutaron lo sonado, salieron de alli con Toma. Llegaron a un lugar subterrâneo en donde habian très hijas de un rey bajo la tutela de una culebra de siete cabezas y, aunque llamaron a la puerta las hijas del rey, no querian abrir diciendo al joven que séria victima de esa culebra, y entonces él les contô de fuera su historia, diciéndoles que se enfrentaria con la culebra. Abrieron y a poco llegô el monstruo que era énorme, pero Toma se la avalanzô y ambos se agigantaron durante la lucha,


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en la cual quedô vencedor Toma. El indio arreglô matrimonio con una de esas très mujeres y se ausentô un tiempo, dejando la hermanitay el perro. A su regreso, encontre que la pretendida se habia casado con otro. El dia del matrimonio, el perro, injuriado por la burla a su amo, sacaba de los platos de los esposos las viandas para llevarlas a otra parte y no dejarlos corner. Cuando vino el indio, su hermanita pensé matarlo y para ésto, puso sobre la cama en que él debia acostarse un huesito de culebra. Al acostarsese, le clavô y poco después muriô. Al morir, el papa, de las très muchachas quiso hacerse duefto del perro y lo atô con una fuerte cadena, pero el perro se zafàba de. ella sin romperla y se situaba en el sepulcro del amo. Al cabo de cierto tiempo, lo desenterrô y lamiô todo el cadâver, chupândolo en el lugar en que se le habia clavado el hueso de la culebra. Con ésto saeô la espina y el indio resucitô. Se vengô de sa hermana dândole la misma muerte que él habia recibido, pero ella no tuvo quien la resucitara. El indio y su perro no han muerto todavia y andan vagando de monte en monte.

FRAGMENTOS DE OTRAS TRADICIONES.

Caragabi hizo un hombre y una mujer que no eran dioses. Anteriormente todo ser vivo racional era divino. Caragabi quiso hacer gentes que no participaran del poder divino. A estas dos personas les exigiô que no cornieran de cierto fruto que encontrarian en el lugar que les désigné para vivir. Ellos asi lo prometieron y Caragabi les enseftô el ârbol para que lo conociesen bien. Una vez se présenté una serpiente a la mujer y la incité a corner del fruto del ârbol. Ella se negô alegando la prohibieiôn de Caragabi, pero la serpiente le mostrô varios ârboles semejantes al de la prohibieiôn, llenos todos de frutos. La mujer creyô que la serpiente sabia mâs que Caragabi, pues este les habia asegurado que no habia en toda la tierra mâs ârbol de esa especie que el que él les mostraba. Cuando Caragabi dijo ésto, no habia en verdad sino uno ; pero la serpiente maliciosamente sembrô varios, cogiendo semilla del plantado o creado por Caragabi, para hacer perder al hombre y a la mujer su felicidad. Ellos aceptaron el fruto y en cas! igo quedaron desnudos y Caragab no los reconocia como cosa suya. (Esta tradiciôn tiene de curioso, que nos fué contada por un indio que no habia oido ninguna enseftanza a ese respecto. La habia oido de su padre, viejo totalmente salvaje y que no la sabia sino en su lengua).

Los habitantes de la tierra hechos, por Caragabi tenian trato frecuente con el cielo, moradade este y de muchos otros dioses. Habia una escalera, formadapor dos tallos de una planta bellisima,y cuyos peldaftos estaban


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formados de botones, tallos y flores de la misma planta. Era transparente como el cristal la escalera. Se apoyaba de un extremo en la tierra y de otro en el cielo. Este no era ni es lejos. Por causa de varios crimenes de las gentes, Caragabi pasô como un vélo enganoso por los ojos de las gentes para que vieran muy lejos el cielo y no se comunicaran con él ni vieran lo que alla pasaba. Pero sigamos con la escalera. Incesantemente subian y bajaban por ella, visitando el cielo como casa de su padre. Era condiciôn indispensable notocarlas flores de la escalera. Un dia, entre los muchos que iban y venian, subiauna india con un nino de brazos a laespalda (segûn la costumbre de ellas de cargarlos asi). En un momento de distracciôn de ella, el nino echô mano de una flor, arrancândola de su tallo. Inmediatamente se hizo trizas la escalera : la gente que iba de la mitad para arriba trepô hasta el cielo y la que estaba de la mitad para abajo cayô bruscamente a la tierra y adios cielo ! Esto sucediô en Giorô, tierra de Quibdô. Es considerada como tierra sagrada y en ella ha hecho Caragabi muchas hazanas como es la de convertir su mujer en baracoco como hemos visto, la de subirse al cielo con su cuftada, etc.. Aûn se ven en Giorô restos de la escalera, o al menos sus bases, pues estaba puesta sobre una gran piedra lisa que aûn se ve.

ARIBAMIAS.

El Aribamia es un animal temible (mitolôgico) en el cual réside una aima de jaibanâ. Los jaibanâes, o cualquier indio que desee volverse Aribamia después de muerto, toman, mientras viven, una hoja que Ilaman gùibân Colorado. Mueren como cualquier sujeto y poco después se encuentra la sepultura abierta y no hay senales de cadâver. Esto indica que ya se volviô Aribamia. Otros dicen que como, a los quince dias de muerto el sujeto, aparece sobre la sepultura una espumita blanca que va creciendo y dando forma al Aribamia ; otros, que el sujeto desde la agonia se va cubriendo de pelos hasta quedar en Aribamia. La forma de este es : un gran cuadrûpedo de cabeza énorme, en forma de cântaro, que se corne al que encuentra. Vive en los montes sombrios y solitarios y no se le puede herir, porque, a mâs de no morir, de cada gota de su sangre surge otre nuevo Aribamia, y quien es el que se escapa de tantos si uno solo es terrible? Se alimentan de cangrejos. Los grandes jaibanâes si sueftan como los pueden matar, y no puede ser un indio cualqui era. E agua caliente hace incapaz de reproducirse la sangre del Aribamia. Dicen que si conocen las reglas, pero que no han dado muerte al primera.


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ICADÉ (SAME).

Unos diablos gigan^tes se comian los ninos huérfanos de madré. Un dia un indio hizo una trampa y en ella puso a su hijo para que el diablo -cayera en el lazo. Asi sucediô. El' indio atisbaba desde lejos. Tan pronto ■como viô que el diablo estaba preso, le diô un golpazo con una barra de hierro. Antomia quedô despedazado y de sus despojos se formé el ftame actual y creo que a toda planta de la familia (yuca, arracacha) le dan la misma procedencia.

COSTÉ.

Habian unos diablos que eran de oro y eran los duehos del oro. Se llamaban Costé y eran cuatro. Constantemente se perdian indios y era que algûn Costé los mataba. Una vez saliô una expediciôn de unos diez indios en busca de Costé. Este saliô a su encuentro y abrazô al primera. Con solo abrazarlo, le cortô la cabeza. A Costé le tiraban con todo lo que podian y no lograban darle muerte. Entonces un indio que « pensaha hastante » le tiré flechazos a los ojos y con eso muriô.

Los indios creyeron que ya no tenian mâs peligros y se fueron a cazar. Très veces fueron y regresaron sin ninguna aventura, pero a la •cuarta vez no regresaron y fueron veinte indios a averiguar la suerte de sus compafteros. Encontraron que los indios perdidos habian sido presa de Costé. Se enfrentaron contra Costé y este diô muerte a cinco, pero los indios, al fin, haciendo esfuerzos desesperados, lograron matar a Costé. Este Costé-segundo ténia el corazôn colocado en el dedo pulgar del pié izquierdo y por eso les costô tanta dificultad darle muerte. Pasado algûn tiempo, volvieron' los indios a cazar, creyendose libres de todo peligro, cuando se encontraron de manos a boca con Costé-tercero, en la cueva de una pena. Costé diô muerte a uno de los indios, y los otros huyeron. Llenos de valor, volvieron después con otros companeros a darle a Costé su merecido. Lo encontraron en una cueva en donde ténia los restos de los indios muertos. Le tiraron a los ojos y con esto muriô. Eneendieron una hoguera para quemar su cadâver y lo dejaron medio quemado. Hasta la casa de los indios llegô una luz quemante. Costé•cuarto se convirtiô en cuatro tigres y los indios mataron dos. Los otros dos vinieron a comerse unos animales de los indios y entre tanto la tigre (que era uno de los dos que habian venido) tuvo dos tigrecitos, bajo un gran ârbol de comba. Los indios mataron la tigre y se cogieron los cachorritos para domesticarlos. Cuando ya fueron grandes, se fueron al monte en donde les dieron muerte dos indios, les sacaron el cuero y lo vendieron.


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BlBIDI GOMIA.

Habian unos seres raros, mezcla de diablo, animal e indio, llamados Bibidi gomia. Vivian en la copa de los ârboles mâs gigantescos (ya no existen ârboles de ese tamano). Sus mânos eran cuchillos. Su jefe se 11amaba Juratsarra. Una vez bajô de sus alturas un Bibidi gomia y llegô hasta un bohio ; en él encontre una mujer y la matô. El dueno de la casa no estaba présente y cuando volviô, déterminé ira perseguirlo. Asi lo hizo, hasta que Ilégo al ârbol. Lo inspeccionô muy bien y noté que aûn no habia subido el Bibidi ; entonces, se trepô por un bejuco que pendia del ârbol y llegô hasta la copa. Alli encontre un tigre, que era el guardiân de la morada del Bibidi. Lo matô y se puso a esperar al Bididi. El bejuco por el cual habia subido el indio era el mismo por donde el Bibidi subia. El indio lo recogiô y lo colocô todo arriba, de modo que al llegar el Bibidi no viô ni bejuco ni indio, pero por el olfato se diô cuenta de la presencia del indio. Este flechaba desde arriba al Bibidi y el Bibidi no podia hacer punteria porque el indio quedaba cubierto por el follaje del ârbol. El resultado de esta Iucha fué la muerte del Bibidi.

Un Bibidi cogiô prisioneros a dos burumiâs y los volvieron eunucos para que engordaran para comérselos. Uno de ellos se escapô, reuniô un ejército de burumiâs y vino a atacar a los Bibidi, pero ya se habian comido al otro burumiâ. Una vieja bibidi, indignada por la mala raciôn que le habia tocado en suerte (le tocô un ôrgano vergonzoso), cuando se comian el burumiâ, lloraba inconsolable y ayudô para que los burumiâs triunfasen de los Bibidi. Estos quedaron aniquilados. El tigre guardiân se llamaba imamâ pacoré (tigre-suegra).

ANTOMIÂ PAIMA (EL DIABLO NEGRO).

Hay dos clases de diablos : Antomiâ torro (diablo blanco) y Antomiâ paima (diablo negro). Ambos tienen sus hazanas. El diablo negrô es horriblemente ladrôn. Sucediô que habia una india jaibanâ a quien atormentaba mucho Antomiâ paima, robândole toda cuanta comida hacia. A la india le gustaba mucho pasear y dejaba su bohio arreglado con ollas de chicha, plâtanos maduros, caldos y pescados. A su vuelta nada encontraba : todo se lo habia comido el horrible tragôn. La india de lejos observaba que él Uegaba muy contento, cantandoy bailando. En el canto decia : « que comida me tendra hoy mi nuerita ? Habrâ caldo, pescado, o carne de monte? » Un dia, la india pensô matar al diablo, por el hecho de que le dejaba limpias las ollas, y para matarlo, préparé una gran olla de caldo de pescado y en lugar de ponerle plâtano, yuca, etc., le puso raiz de moindû


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(tobo), que parece arracacha, pero que ensancha los intestinos y produce la muerte. EL diablo, al ver la olla, se puso mâs contento que siempre y la india, de fuera escondida, observaba. Antomiâ paima consumiô el contenido y se paré junto a la escalera. Ya ténia inflado el estômago. Cayô al suelo desde el tablado y se reventô con una explosion grandisima. De su vientre saliô fuego, humo y piedras. Antes, no habia ésto (no obstante haber muerto a cônsecuencia de un cocido). Si Antomiâ paima no hubiese muerto, no tendriamos dichas cosas y los rios fueran lisos, sin nada de piedras.

GlIERRAS DE LOS CuNAS.

Caragabi hizo, con cierta agua generadora, que ténia en un frasco azul, dos munecos a quienes diô vida y les dijo : « Hagan Ustedes, con esa misma agua con que yo trabajé, unos munecos semejantes a sus personas, para que se diviertan », y se fué a recorrer. Los munecos sacaron con el dedo dos gotas del frasco y con ellas hicieron otro par, segûn orden de Caragabi, pero como el dedo les quedô humedecido, lo sacudieron y de las menudisimas gotas que cayeron se formaron muchas personas mâs, como cincuenta. Consistiô ésto en que Caragabi no les explicô que, para cuando no se quisiera que el agua fuera generadora, habia que taparla con totumitas nuevas al caer en gotas. Esa gente que résulté era en extremo belicosa, asi que, al Uegar Caragabi, como no lo conoçian, empezaron a dispararle flechazos en lo cual eran muy diestros. Caragabi les diô mujeres hechas de barro y los echô de esos lugares y enseftô a los de él (hechos de gotas, que ya eran también muchos) a manejar la flécha con verdadera disciplina. Los principales eran cinco y uno se llamaba Séver. Hijos de Séver eran : Guiano, Dragâbari, Jainâeru, Emângai. Caragabi los sobô con una mezcla compuesta de-ojos de tigre y de gato. Veian en la oscuridad. Séver quiso una vez hacer una exploraciôn a las tierras habitadas por las gentes belicosas, para ver que indole tenian. Gastô en el viaje cuatro dias. Antes de llegar, depositô sus fléchas en la raiz de un jenené y se asomô a atisbar a los belicosos, que se llamaban Cunas. Cuando los Cunas lo vieron, se le fueron con veinte fléchas y el se situô debajo del jenené y con destreza admirable esquivaba los flechazos y recogia las fléchas con que le tiraban a él para tirarlas a ellos y con esas mismas fléchas los venciô. El jefe cuna habia dicho a los suyos que, si vencian a Séver, vendria con sus générales mayores al campamento a celebrar el triunfo ; pero Séver fué el vencedor. Los jefes cunas se ponian allas coronas de plumas de guacamaya e iraca. Séver se fué y adestrô a sus hijos en él manejo de la lanza. Estas eran fléchas terminadas en clavos. Célébré su triunfo en los Cunas con una bebezôn, y con los colraillos de los Cunas Société des Américanistes de Paris. 7


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muertos (habialos recogido Séver) formaron una especie de collar, que, al rociarlo con chicha o guarapo, sonaba como campanas. A los cuatro dias, volvieron él y Guiano a los Cunas. Estos estaban pescando en el Atrato y no conocieron a Séver, porque ténia enjaguada (pintada con jagua) la cara. Ademâs ellos no veian de noche, y Séver y Guiano si. Se trabô una lucha en la cual Séver y Guiano hicieron tal carniceria que solo dejaron uno para que fuera a dar la noticia de su derrota a los demâs Cunas. Estos vivian a las orillas del Atrato y Séver y los suyos hicieron su morada en las cabeceras del mismo. Caragabi se quedô solo con su mujer en donde siempre habia estado. Séver se puso a sembrar la tierra y después hizo una gran canoa de jenéné-pacurû y se fué de nuevo a los Cunas, acompanado de sus hijos. Se encontre con veinte canoas cunas y se trabô un combate naval en donde venciô Séver. A los très meses volviô hasta el puerto que llamaban « Puerto Cuna » y pelearon hasta que a Séver se le acabaron las fléchas. Este y los suyos volvieron a hacer mâs provision de fléchas para volver contra ellos a los cuatro meses, y los Cunas se previnieron para venir a encontrarle o buscarle a los dos meses y medio. Se fueron contra los Séver diez canoas, para atacarlos cuando estuviesen dormidos. Los Séver estaban en bebezôn cuando llegaron los Cunas y éstos tiraron una bomba. Al estallido de la bomba, Séver se tiré al agua, como a hacerles créer que huia, pero a poco resurgîô mâs valiente aûn, diô muerte a todos y les sacô los colmillos para tenerlos como trofeos de victoria. Al ano, tuvieron otro encuentro. Los Cunas tenian cincuenta canoas y Séver tuvo miedo. Los Cunas se emboscaron en un canaflechal y alli se pusieron en atisba, hasta que al fin flecharon a Guiano. Séver prendiô fuego al canaflechal y los hizo salir. Pelearon y los Cunas hicieron ftautas de los huesos de Guiano. Al tocarj las flautas se rompieron en senal de que los Cunas no vencerian. Al mes, volviô Séver con cinco fléchas y très compafteros. Se dejaban tirar, evilando los golpes. Después, recogiô las fléchas, los tiré con ellas, y los venciô.

Séver ténia otros dos hijos nacidos de hombre y mujer y el mayor se fué a cazar. Los Cunas le flecharon; corriô, herido, hasta la raiz de un almendro. Los Cunas le tomaron y se le llevaron a sus casas. Alli sanô. Entre tanto, Séver encontre rastro de su hijo y rastro de Cuna y coligiô lo que habia pasado. Se fué a buscarle y le viô meciéndose en una hamaca cuna, y pensô acabar con toda la raza. El hijo de Séver creciô entre los Cunas y un dia dijo a algunos de los Cunas que querian conservarle la vida : « Dejen que me ataquen. Si Ustedes ganan, bueno, y si no, yo ganaré ». Esto lo decia porque continuamente veia que el jefe cuna y sus principales le aborrecîan y querian salir de él. Los que defendian su vida le amaban mucho porque ténia prendas admirables. Hubo una lucha en la


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cual el hijo de Séver matô al jefe cuna y en seguida se fué a su casa. Séver célébré el aeontecimiento con una bebezôn en la cual bautizô a su hijo (le hizo jemenede). Después de ésto, se puso Séver a discipliner su gente y enseftô a pelear aûn a los pequeftos y se fué contra los Cunas haciendo en ellos gran carniceria.

Un dia, Séver se estaba banando, cuando fué sorprendido por los Cunas que hacian punteria en su cuerpo. El parecia un pez, esquivando los flechazos, pero al fin quedô herido y todo traspasado. Muriô y de sus huesos hicieron los Cunas flautas.

El hijo de Séver, que se habia criado entre los Cunas, se fué a vengar la muerte de su padre. Era valiente como su padre y gran arquera. En una de las batallas que diô a los Cunas, matô a todos, no volviendo a Puerto-Cuna mâs que las canoas ensangrentadas. Los Cunas también eran valientes, pues a pesar de osas sefias sangrientas, que los Séver les mandaban, de la destrucciôn del ejército, no se desanimaban ni rendian. Después de esta batalla, los Cunas se retiraron al mar, en donde han permanecido hasta ahora.

OTROS FRAGMENTOS.

Hay dos clases de Antomiâ (diablos) : Antomiâ paima (diablo negro), que es el diablo ladrôn y Antomiâ torro (diablo blanco), que fué el que enseftô el jaibanismo (Habfamos visto qne era una diabla, pero esta tradiciôn es distinta de la primera y la cuenta otra tribu). El primer jaibanâ se llamaba Picario. El y sus discipulos volaban, ayudados de su jai. Los mejores jaibanâes eran los de las orillas del mar. Caragabi una vez se embriagô y quedô desnudo. Uno de sus hijos, al verle, se burlô de él. El otro apenas se sonriô y un tercero le cubriô y después le contô lo sucedido. Caragabi maldijo al primera y a su descendenci'a : son los Negros. Se enojô con el segundo y le diô como descendencia a los Indios ; y al tercero le premiô dândole la descendencia de los Blancos.

Para ser buenos pescadores, tienen los indios varias contras como lie dicho antes, pero olvidé anotar las que a continuaciôn van. La cabeza de cierto pajarito del monte, incrustada en cera negra, es un pjoderoso auxiliar de los pescadores. Los ojos de ansâ-vidâ (martin pescador), frotados, son excelentes para el buen resultado de la pesca.

La curaciôn de los locos tiene su método especial. Se hace lo que el loco pide. Casi siempre, han de tomarse la sangre caliente de un animal, en el momento mismo en que lo degnellan. Antes de ser degollado el animal (cerdo, conejo, guagua, etc.), ellocu o loca ha de bailarcon él. amarrado a


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la espalda. Hay veces que la loca (los hombres casi no enferman de eso) présenta un aspecto singular : debajo de los brazos tiene cogidas dos gallinas, una de cada lado, y pendiente de la boca, cogido por la oreja, un cerdo pequeno, destinado a ser degollado y que, con el movimiento de la bailarina y la posiciôn que tiene, chilla a mâs no poder. Ella, con sus mejores galas, bailando de esa suerte delante de docenas de indios, silenciosa y con su aspecto de loca, no déjà de dar una impresiôn grande sobre sus costumbres tan salvajes. Cuando ha pasado el baile, le da el jaibanâ una botella de aguardiente y cuando cae en el adôrmecimiento propio de la embriaguez, le quitan sus galas cuidadosamente, sacândolas por la cabeza y el jaibanâ las sacude fuera con muchas ceremonias. Ahi debe salir el germen de la enfermedad.

Si una mujer encinta pasa debajo de un ârbol frulal, este queda estéril hasta el punto de que nunca vuelve a producir, a no ser que le hagan remedios. Gonsisten estos en hacerle asperges de arena o rasgar su corteza con garras de iguana.

GERÙ-POTÔ-UARRA (EL HIJO DE LA PANTORUILLA).

Un indio estaba disimulado cuando sintiô que un animal se le àsiô a la pantorrilla. Era una nutria. De esto résulté que el indio concibiô un hijo dentro de su pantorilla y lo diô a luz por entre el dedo pulgar y el indicé del mismo pié. A poco muriô el indio. El nino creciô, pero era un nino raro. No se alimentaba sino de substancias menstruales. Una vez, preguntô quien habia sido su madré y le contestaron que habia muerto. Quien la matô? preguntô. Le contestaron que una ballena. Hizo un harpon y se fué al mar a matar la ballena, pero esta se le tragô. Estuvo entero dos dias dentro de la ballena, hasta que saliô en una deposiciôn que ella hizo. Conociô que no debia su desventura a una ballena y preguntô mâs. Le contestaron que el autor de la muerte de su madré habia sido ancumia (animal marino) ; fué, conociô a ancumiay viô que ese no era. Le dijeron entonces que la luna, y él, en su empeho loco, se trepô a un sauce y gritaba uari, uari (crece, crece !). A su voz, el sauce crecia hasta que llegô a la cara de la luna, que es una hermosa mujer y le diô un bofetôn (esa es la mancha que a la luna se le observa). Pensaba en mâs, pero a ésto un pâjaro truenené (carpintero) estaba trabajando consupicopor derribar el sauce y lo consiguiô. El a todo trance queria favorecer a la luna. El ârbol al caer diô con el muchacho en la otra parte del mundo, una parte que hay, opuesta a la nuestra. Cuâl fué su admiracion al encontrarse en las tierras de Tutruicâ ! Son esas tierras perfectamente planas, sembradas de clionladuros (no se conoce otra vegetaciôn) y las piedras son azules, de


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amolar, pues son finas. La luna, al ser de noche alla, iba a pasearse como 16 hace de este lado, y ella era quien habia dado a los indios de acâ noticias de esas tierras. Era la ûnica extranjera que pasaba por alla y eso a una distancia respetable. Muchas cosas raras viô el extranjera alla : las gentes no morian, ni comian. Se alimentaban del vapor que despedian los chontaduros cocidos y por tanto no tenian ôrganos de defecaciôn. Al recién llegado se le ponian delante aquellos chontaduros, y ya puede juzgarse su gusto en comerlos, pues es entre los indios un gran manjar. Grande fué la admiracién de los otros al ver que este no aspiraba, sino que confia, y este no quedô menos admirado de laconducta de aquellos. Este les dijo que porque no comian, teniendo boca ? Que si el olor les parecia tan sabroso, como les pareceria el gustarlos ? En esto le diô una necesidad natural, y como los de alla no conocian taies cosas, tuvieron un asco grandisjmo y lo acosaron para que saliera. Très que habian cedido a la curiosidad de corner chontaduros se hallaban en aprietos y rogaron el extranjera que los rompiera, de résultas de lo cual murieron. De nuevo urgieron al forastero a que saliera, antes de que se le ocurriera segunda vez la dicha necesidad. Por el mismo tronco tendido de sauce saliô, guiado por una culebra. Los-perros de alla son culebras y las nuestras tienen origen en las de Tutruicâ. Esas tierras se Uaman Armucurâ. Olvidé decir que el padre de Gerû-potô-uarra, al morir, estallô y de si salieron los mosquitos, moscas, tâbanos. Esto sucediô asi porque ese indio era un gran brujo o. jaibanâ.

LLORÔ O GIORÔ.

Sucediô en Giorô que un par, hermano y hermana, vivian como si fuesen matrimonio. Caragabi los castigô dejândolos en la acciôn vergonzosa, sin po'derse desprender y el dia que se desprendan se acabarâ el mundo. Cuando logranapartarse unpoquito, suceden los éclipses, y Caragabi puso, como séria del lugar, una piedra énorme y, junto a ella, muchisimos ninos pequenitos (de brazos) que estâri ahi continuamente desenojando a Caragabi. El dia del casligo, hubo un gran éclipse, que parecia la nochej y cada vez que pretenden separarse, se repite, para mostrar Caragabi que aûn esta indignado. Los ninitos hay veces que Ilcran en clamor y Caraga bi manda quien les dé poquito dé carne molida y con eso se caïman.

TRADICIÔN DEL CERRO.

Una vez el diablo negro, o sea el ladrôn, estaba robando sin césar. El y varios colegas habitaban en el cerro vecino à Frontino, que ahora


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se llama el « cerro plateado ». Les robaba a los indios, que eran sus vecinos en Musinga. En cierta ocasiôn se le antojô robarse un nino y una' nifia. El primera se le escapô y la segunda quedô con los diablos. Para hacerse obedecer de ella, le pegaba con una culebrita verde. La nifta vivia asustada. Un dia vino su hermanito a buscarla y, al entra^ viô que los diablos celebraban una fiesta. Bailaban y tenian cuernos y cola. Muchos eran como gavilanes o como gallinazos. El nifio gritô : Ave Maria purisima ! y todas las luces se apagaron y quedô todo en silencio. Una mujer volviô a encender las luces y brindaba licores. El nino repitiô lo que antes y tuvo el mismo resultado. Solo que al fin el nino fué cogido y puesto en un lugar del cerro que da al abismo profundo y alli se sostiene, a punto de caer, pero sin poder caer. Con los reflejos de esas luces con que celebraban la fiesta, iluminô Antomiâ el pedazo de peha pelado, en donde esta el nino y por eso refleja como plata. Los indios que alli vivian hicieron un camino subterrâneo que. salia por Urrao, y se retiraron a otras partes. En el camino aprendieron a sacar espinas, chupando, como hacen los jaibanâes ; todavia frecuentan los Antomiâs las tierras del cerro y el nino esta alli en la misma posiciôn que antes.

LA BIRRI

Un indio ténia una hija muy desobediente y mala, y un dia esta se uniô en matrimonio con un birri a escondidas de su padre. Cuando este venia, la mujer escondia su birri-esposo debajo de la lena. Cierto dia, la mujer diô a luz un birricito y lo escondiô cuidadosamente, pero el padre diô con él, se puso furioso y lo matô. Los birries se juntaron a deplorar la pérdida (Aqui falta el desenlace, pero no la consecuencia, pues dicen que los indios son descendientes de birri y de indio).

CANTOS.

LOS cantos indios tienen un aire tristisimo y los cantan siempre a média voz, delicadamente. No usan cantar en las reuniones (convites, bebezones) sino los indios embriagados, y los cantos de éstos, aunque caracteristicos, son de aire topante. Las mujeres, solas, en sus casas o en los caminos, dejan oir sus cantos impregnados de tristeza, como he dicho. Cuentan en ellos hazanas antiguas, aventuras de las selvas, amores y muertes. No hay nada fijo, que pueda llamarse verso, ni consonancia, ni nada. Van dejando escapar sus sentimientos, a veces con comparaciones hermosas, tomadas del natural. En la relaciôn de un padre


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enojado con su hija dicen que se le pusieron los ojos airados y fieras al padre, como los de un leôn terrible que vagaba por esas montaftas. En la misma relaciôn, al contar la muerte de la joven, dicen que era ella como una florecita al pié de un rio, que llegô una onda gruesa y la arrancô de raiz. Hay algunas de estas relaciones populares ; le ponen una mûsica o tono y con ese la cantan todas, pero aftadiéndole o quitândole a la letra, segûn la expresiôn de cada cual. No ha}' que olvidar la trompa, aparatico de métal en el cual tocan imitando cantos de pâjaros, graznidos y chillidos de animales. La trompa da sonido muy dulce, semejante al del arpa, pero mâs apagado. Hay indias que tocan trocitos hermosos, todos llenos de melancolia.

A continuacién se verâ dos ejemplares de cantos indios. Estos y otro que comienza « baetsaque » son quizâ de lo mejor de sus mûsicas.

Daira ra ra.

Dairara-ra, Dairara-ra. Dosdromâ vida da-arâ. Chambararâ ne ea jaichâs. Ne ea mera-ara arâ-jm.

Tsrâ panua, tsrâ panua, tsrâ panûa jmUe

jmUe ue panua, ue panûa jm.

Pusa vida uera, pusa vida uera, pusa vida uera-jm.

Catû tsô ibu mau bari bema jm. Irû uera ta, irû uera ta.

Sanguba, jurusidade, iru uera jm iru uera jm.

Tsra pana, tsrâ pana, tsrâ pana. Ue panuâ, ue panûa, ue panua jm.

Nosotras somos habitantes de las riberas de los grandes rios, y somos gente que no tememos a nadie.

Muchas cunadas juntas vomitando.

Las mujeres del mar tienen corazôn de gato.

i Ah ! mujeres, estas, que mujeres!

A alguna de ellas busco yo.

Muchas cunadas juntas vomitando.


104 SOCIÉTÉ DES AMÉRICANISTES DE PARIS

Cliiraria. Chiraria, chiraria, cliiraria çhiraria jm.

Nau evari chitrunide eja ja, eja ja.

Imamâ pué yi pema pemarâ, eja, ja,

jaAribamia,

jaAribamia, bema eja jm, eja

ja, F- _____

Eja, eja, eja. eja eja ja. eja eja eja. ejaejaja.

Mu chi truade vida mu acade bari mubari mura eJa e ja, jaMuchi

jaMuchi jurude tseda da atâ eja eja eja, ejaejajm.

Mu cautsaqueta, bania ma uasia patâ edre etesiaimamamba.

En un dia oscuro. Vino el tigre. Y el aribamia también.

En mi tierra se cantaba asi ; por eso también yo canto.

Vine a buscar mi hijita.

Mi hijita se fué por agua y el tigre se la comiô debajo del platanal.

(Se repite lo primera).

Muchi uaua jurude tseda da atâ Mau pari mura, ejaeja jajm.

Naungû truade buru, maupa te edâ

JaTseda pase de, eja ja, ja.

Iru ueratsaque, tsaque ja-ja mu uaua juru tseda tseda da atâ.

Vine a buscar mi hijita. A eso solo vine.

En esta tierra vine a buscarla.

Era una jovencita mi hijita y vine por aqui a buscarla.


NOCTONES SOBRE CREENCIAS DE LOS CATIOS 105

Tomia uarra ndusiade ea jaja.

uera tsaque, tsaque uera da atâ.

Imamâ tsetsia

eJa eja jaja.

Mu uauâ etesia eja e ja ja.

El hijo de Tomia viô a la jovencita.

Y el tigre vino y se Uevô a mi hijita.



LES INDIENS WAITAKA

(A PROPOS D'UN MANUSCRIT INÉDIT DU COSMOGRAPHE

ANDRÉ THEVET),

PAR A. MÉTRAUX.

En examinant de près un manuscrit inédit du cosmographe français ANDRÉ THEVET, j'ai eu la bonne fortune de trouver, entre autres renseignements nouveaux sur l'ethnographie ancienne du Brésil, quelques pages consacrées aux Indiens Waitaka sur lesquels il avait pu réunir des informations lors de son séjour à Rio de Janeiro en 1550 et en 1554. Comme nos connaissances sur ces Indiens se bornent à peu de choses, j'ai pensé qu'il y aurait intérêt à publier ce texte qui complète sur quelques points de détails les rares données que nous pouvons glaner dans la littérature sur cette tribu aujourd'hui complètement éteinte. L'absence de toute bonne description des Waitaka est d'autant plus regrettable que les rares indications que nous possédons à leur sujet nous laissent entrevoir un ensemble de faits extrêmement curieux et peut-être d'une importance tout à fait exceptionnelle.

Situation géographique. — Les Indiens Waitaka (Goaytacâ, Goyataka, Goyaka, Goytakaz, Waitacazes, Ouetacâzes, Oueïtaca) faisaient probablement partie des anciennes populations qui occupaient la côte du Brésil bien avant que les Tupi s'en fussent rendus maîtres. Ils appartenaient sans doute à cette ancienne couche ethnique de l'Amérique du Sud dont les peuplades -zé sont les représentants les plus connus.

Au milieu du xvie siècle, époque à laquelle ils entrent dans l'histoire, les Waitaka occupaient la portion du littoral qui s'étend du rio Cricaré (aujourd'hui rio S. Matheus) au cap S. Thomé. Telles sont du moins les limites que leur assigne SOARES DE SOUZA (16, p. 77-78) qui est notre meilleure autorité pour la carte ethnique de l'ancien Brésil. LÉRY (10, 1.1, p. 78-80, et t. II, p. 130) les place sur les bords de la mer à la hauteur des «petites basses» entre « la rivière de Maq-hé et de Paraï». Le «Paraï» de notre voyageur n'est autre que le Parahyba et, quant au «Maq-hé», ce ne peut être qu'un cours d'eau se jetant non loin de Macahé où commençait le pays des Tamoyo ou Tupinamba de Rio de Janeiro.


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CARDIM (3, p. 211) se contente de citer les Waitaka comme une population nomade vivant sur la côte du Brésil entre Espirito Santo et Rio de Janeiro. Ces Indiens figurent également dans la liste des nations du littoral énumérées par KNIVET (9, p. 252). Selon cet auteur, ils vivaient au sud et au nord du Cap Frio, sur des terrains bas et marécageux. VASCONCELLOS (19, p. LUI) leur donne pour habitat tout le district compris entre le Rio Reritygba (appelé aujourd'hui Iritiba) et le cap de S. Thomé. Ce même chroniqueur (20, livre IV, chap. XI, p. 126), dans sa vie du P. Joào de Almeida, leur attribue seulement la possession des territoires s'étendant du rio Parahyba à Macahé. Enfin, selon le savant géographe MILLET DE SAINT-ADOLPHE (12, t. I, p. 388), le territoire de ces Indiens aurait eu pour limites, au. nord, le rio Cabapuana (probablement l'Itabapuana appelé aussi Comapuam ou Campapoana) et, au sud, le cap de S. Thomé. Si imprécises et contradictoires que soient nos sources au sujet des frontières exactes des Waitaka, elles s'accordent toutes pour voir en eux les maîtres incontestés de cette région plate, coupée d'étangs et de lacs, pauvre en arbres, mais extraordinairement fertile et propice à l'élevage, qui porte aujourd'hui encore le nom de Campos dos Guaitacazes et qui, commençant près de la Lagoa Feia, se termine à l'embouchure du Parahyba. La richesse de leur terre, que VASCONCELLOS compare aux Champs Elysées, en excitant la convoitise des Européens, provoqua l'extermination des Waitaka.

Au point de vue de la géographie historique, les Waitaka occupaient toute la capitainerie de S. Thomé et le sud de celle d'Espirito Santo. Ils avaient pour voisins, sur leurs frontières méridionales, les Tamoyo ou Tupinamba, au sud-est, les Timimino établis sur les îles du Parahyba, à l'est, les Ocauan et les Caraia, tribu souvent citée dans les chroniques et qu'il ne faut pas confondre avec les Karajâ qui vivent actuellement sur le haut Araguaya. Au nord-est, ils se heurtaient aux Papana qu'ils avaient chassés de la côte et refoulés dans l'intérieur des terres, et à une autre tribu inconnue désignée sous un sobriquet propre à diverses tribus tupi : les Tobajarâ. Au nord, ils avaient pour adversaires acharnés les Tupinikin. Les Waitaka se subdivisaient en trois groupes hostiles les uns aux autres, auxquels les Tupi donnaient les noms suivants : Waitaka-mopi, Waitaka-yakorito et Waitaka-wasu (19, p. LUI, et 20, livre IV, chap. XI, p. 125). Les deux premiers habitaient dans les Campos dos Goaytacazes proprement dits. Nous savons même que les Waitaka-yakorito étaient établis sur les rives du rio dos Bagres (20, livre IV, chap. XII, p. 142). Quant aux Waitaka-wasu, ils vivaient à l'est des précédents dans l'intérieur du sertào. Ils étaient les ennemis jurés des deux autres tribus auxquelles ils faisaient une guerre implacable (20, livre IV, chap. XI et


LES INDIENS WAITAKA 109

XII, p. 126 et 143). THEVET (cf. plus bas le texte inédit) ajoute à ces trois groupes celui des Waitaka-miri (Oueitaca-mery)et laisse entendre que les Waitaka-wasu étaient alliés avec les Waitaka-mopi contre les Waitakamiri et les Waitaka-yakorito, ce qui contredit dans une certaine mesure VASCONCELLOS.

Histoire des Waitaka. — (Sur ce sujet, consulter : 16, p. 74-78 ; 20, livre IV, chap. XI-XIV ; 1, t. II, p. 42-43 et 56-58 ; 17, t. I, p. 37-38 et t. II, p. 665-666 ; 14, t. II, p. 111-118 ; 12, t. I, p. 348-349 et t. II, p. 633-634,). Au début de la période historique, les Waitaka avaient pour voisins au nord les Papana qui les séparaient des Tupinikin. Ils menèrent contre les Papana une guerre si acharnée qu'ils les obligèrent à quitter la côte et à s'enfuir dans le sertào. Ils occupèrent le territoire conquis et se trouvèrent, de ce fait, en contact direct avec les Tupinikin avec lesquels ils engagèrent aussitôt des hostilités. Comme je l'ai déjà dit, les Waitaka, non contents d'inquiéter leurs voisins, étaient divisés en groupes hostiles qui se combattaient mutuellement. La majeure partie des régions qu'ils habitaient fut érigée par Jean III de Portugal en une capitainerie qu'il octroya à Pedro de Goes da Silva. Celui-ci vint en prendre possession en 1553. Les colons vécurent pendant deux ans en paix avec les Waitaka et leurs établissements prospérèrent. Mais ces bons rapports furent suivis d'une période de guerre qui dura cinq ans. Elle se termina par la défaite totale des Portugais qui se virent contraints d'abandonner la zone côtière où ils s'étaient fixés. Pedro de Goes da Silva sortit complètement ruiné de cette aventure.

La capitainerie voisine d'Espirito Santo eut également à souffrir des Waitaka. Vasco Fernandes Coutinho, qui en avait la jouissance, réussit d'abord à les refouler vers l'intérieur ; puis, ayant assuré la tranquillité de sa possession, il retourna en Europe pour y chercher du renfort. Pendant son absence, les Waitaka, alliés aux Tupinikin, reprirent l'offensive et se mirent à dévaster les « fazendas » des colons. Ils tuèrent même D. Jorge de Menezes qui exerçait le commandement en lieu et place "de Vasco Fernandes Coutinho. Son successeur, D. Simào de Castello Branco, eut le même sort. Les colons épouvantés abandonnèrent la ville de Nossa Senhora da Victoria qu'ils avaient fondée et se réfugièrent dans l'île de Duarte de Lemos. De retour dans sa capitainerie, Vasco Fernandes reprit la guerre contre les Waitaka, mais, se sentant trop faible pour les soumettre, il appela à son secours Mem de Sa, gouverneur général du Brésil. Celui-ci lui envoya son fils, Fernào de Sa, avec des troupes. Les Portugais, enhardis par ces renforts, reprirent l'offensive et firent subir de lourdes pertes aux tribus confédérées. Dans un de ces combats, Fernào de Sa fut battu et tué. Malgré cet échec, les Portugais réussirent à se maintenir dans la capitainerie d'Espirito Santo et à la pacifier.


HO SOCIÉTÉ DES AMÉRICANISTES DE PARIS

Une expédition aurait été dirigée contre les Waitaka par Gonsala (Gonsalez) Gorea-de Sasa (sic) à laquelle Knivet aurait pris part. Une trentaine de ces Indiens y auraient été faits prisonniers, mais auraient réussi à s'enfuir en brûlant les cordes qui liaient leurs mains. A ce propos, KNIVET raconte qu'autour de 1580(?), il avait fait campagne contre les Waitaka, en compagnie de Mendesaa "(Mem de Sa). Les Portugais furent secondés dans cette entreprise par une tribu tupi (Tamoyo) commandée par le cacique Abausanga et remportèrent une facile victoire en bombardant avec des pièces d'artillerie les malheureux Waitaka déjà si éprouvés parles assauts des Tupi (9, p. 252-254).

Ce ne fut cependant que beaucoup plus tard que le gros de la nation waitaka fut définitivement subjugué. Le désastre subi par Pedro de Goes da Silva avait écarté pour longtemps les Portugais de la région fertile arrosée par le bas Parahyba, personne ne se sentant assez audacieux ou assez fort pour entreprendre une campagne contre les terribles Waitaka. Pendant plus de soixante ans, ceux-ci purent jouir d'une complète indépendance et rendirent impossible tout voyage par terre entre Rio de Janeiro et la capitainerie d'Espirito Santo. Ils massacraient et mangeaient tous les voyageurs qui prenaient cette route. Néanmoins une tentative fut faite en 1619 pour les évangéliser. Le P. Joào de Almeida et le P. Lobato se rendirent chez les Waitâka-wasu après avoir traversé le pays des Waitaka-mopi et des Waitaka-yakorito et obtinrent d'eux la promesse de s'établir près des Portugais. Le seul résultat pratique de ce voyage fut de diminuer les hostilités entre cette tribu et les Blancs.

En 1623 ou 1627, des habitants fortunés de Rio de Janeiro s'associèrent pour exploiter ces Campos avec l'autorisation du fondé de pouvoir de Gil de Goes, successeur de Pedro de Goes da Silva. Grâce' à l'appui des personnages considérables de Rio, on put commencer en 1630 la conquête des territoires convoités. Les Waitaka furent battus, mis en fuite ou contraints de se réunir en aidées pour y être évangélisés. Un nombre considérable d'entre eux furent massacrés sous le fallacieux prétexte d'avoir tué l'équipage d'un bateau échoué sur la côte. Leurs anciens ennemis, les Tupi, quoique convertis et soumis, profitèrent de cette occasion pour tirer d'eux une vengeance complète.

C'est à cette époque que les anciens Waitaka se seraient mêlés aux Koropo et, se réfugiant dans les forêts du côté de la province de Minas Geraes, auraient perdu leur nom de Waitaka pour prendre celui de Koroado. Nous verrons plus loin ce qu'il convient de penser de cette métamorphose des Waitaka en Koroado. Si MILLET DE SAINT-ADOLPHE (12, t. I, p. 389) n'a pas, comme beaucoup d'auteurs, assimilé les Waitaka aux Koroado, il y aurait lieu de croire que ces Indiens vivaient encore


LES INDIENS WAITAKA 1 11

dans la première moitié du xixe siècle, dispersés dans les « comarcas » de Campos et de Cabo Frio et au sud de l'État d'Espirito Santo. Ils se seraient distingués par leur gaîté, leur intelligence et la douceur de leur caractère. Leurs seuls défauts auraient été l'ivrognerie et l'imprévoyance. Ils auraient en outre marqué une extrême répugnance à se mêler aux Blancs.

Il est certain que des descendants directs des Waitaka se sont maintenus jusqu'à une date tardive dans leur ancien territoire. Le prince MAXIMILIEN DE WIED-NEDVIED (20, t. I, p. 37) put voir, dans le village de S. Lourenzo près de Rio de Janeiro, des Indiens qui étaient issus des Waitaka réunis en aidées parles Jésuites. De même, le village de S. Pedro dos Indios semble avoir été composé avec un fort élément waitaka (21, t. I, p. 76). Ces derniers Waitaka étaient complètement assimilés et avaient perdu jusqu'au souvenir de leur passé.

Langue des Waitaka. — Les Waitaka parlaient une langue différente de celle des populations voisines. Nous savons notamment qu'elle ne présentait aucune analogie avec celle des Tupi, des Caraiaet des Ocauan. Les Waitaka sont, toujours mis au nombre des Tapuya (10, t. II, p. 130 ; 5, p. 77 ; 3, p. 211 ; 19, p. LUI). Ils auraient pu, paraît-il, s'entendre avec les Papana. Mais comme SOARES DE SOUZA (16, p. 78), qui nous signale ce fait, ajoute que les Papana comprenaient aussi la langue des Tupinikin, nous ne pouvons faire état d'un renseignement certainement entaché d'erreur. Peut-être les Papana, comme les Waitaka, avaientils suffisamment subi l'influence des Tupi pour se servir de leur parler comme d'une langue de relation.

EHRENREICH (6, p. 54 ; 6 bis, p. 114) et RIVET (13, p. 698) considèrent les Waitaka comme une tribu apparentée aux Koroado et aux Puri et les rangent tous trois dans la grande famille linguistique -zé dont ils constitueraient un sous-groupe. Comme nous ne connaissons pas un seul mot de la langue waitaka, cette classification doit être considérée, du moins en ce qui les concerne, comme tout à fait hypothétique.

Ethnographie des Waitaka. — Aucun des auteurs qui nous parlent des Waitaka ne semble avoir été en contact direct avec eux. Leurs dires sontleplus souvent fondés sur des informations de seconde main obtenues soit des tribus tupi en guerre avec ces Indiens, soit des colons qui eurent également à les combattre.

Les Waitaka nous sont dépeints comme des individus robustes, de haute taille, bien membres et d'une couleur plus claire que les Tupi, leurs voisins (16, p. 77 ; 20, liv. IV, ch. XI, p. 126). Les Waitaka-wasu se


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seraient notamment distingués du reste de la nation par leur grande stature et les belles proportions de leur corps, d'où le surnom, de wasu, « grand » en tupi, qui leur a été appliqué. Selon LÉRY (10, t. 1, p. 78), les Waitaka auraient porté les cheveux longs et pendants jusqu'aux fesses, ce qui contribuait à leur donner un aspect différent des Tupi qui se faisaient une tonsure sur le devant du crâne. KNIVET (9, p. 252) dit de même qu'ils avaient une longue chevelure, comme celle des Irlandais. Ces deux témoignages sont en contradiction formelle avec ceux de SOARES DE SOUZA(16, p. 78) et de VASCONCELLOS (20, liv. LI, ch. XI, p. 126) qui nous décrivent les hommes de la nation waitaka comme ayant la partie antérieure de la tête rasée et les cheveux tombant jusqu'aux épaules sur la partie postérieure.

Il n'est pas impossible que cette assertion ait été vrai dans les deux cas. Une grande partie de la nation waitaka a fort bien pu adopter la tonsure en usage chez les Tupi, leurs voisins, tandis que l'autre restait fidèle à l'ancien type de coiffure. Cette hypothèse est d'autant plus vraisemblable que la tonsure des Waitaka affecte la même forme que celle des Tupinamba de Rio de Janeiro. Nous savons d'autre part que beaucoup des tribus du Brésil oriental, appartenant à la même couche de civilisation primitive que les Waitaka, avaient pour caractère distinctif une longue chevelure.

Les Waitaka s'épilaient en outre soigneusement tous les poils du corps. Ils étaient encore célèbres par leur agilité qui leur aurait donné une supériorité incontestable sur tous leurs ennemis. Leur rapidité à la course est telle, nous dit LÉRY (10, t. I, p. 77 ; et 3, p. 211), « que s'ils sont pressez et poursuyvis de leurs ennemis (lesquels cependant ne les ont jamais sceu vaincre ny dompter) ils vont si bien du pied et courent si viste, que non seulement ils évitent en ceste sorte le danger de mort, mais mesmes aussi quand ils vont à la chasse, ils prennent à la course certaines bestes sauvages espèces de cerfs et biches ». Si réellement les Waitaka ont été des coureurs aussi remarquables, ils le doivent sans doute à la nature du sol qu'ils habitaient. Les grandes plaines, qui formaient le centre de leur domaine, ont certainement contribué à développer leur endurance dans un exercice auquel leurs voisins, qui vivaient au milieu des bois, ne pouvaient jamais se. livrer.

Le passage de TIIEVET publié ci-dessous nous montre par quels moyens les Waitaka développaient chez les enfants la souplesse du corps et la sûreté du coup d'oeil.

Leur habileté à la nage était tout aussi remarquable. Ils n'hésitaient pas à se jeter dans l'eau et à attaquer sans aide aucune les requins, n^'ant pour toute arme qu'un épieu pointu qu'ils introduisaient dans leur gueule


LES INDIENS WAITAKA 113

et qui leur permettaient de les étouffer et de les ramener vers le rivage. Ils se livraient à cette chasse périlleuse pour se procurer les dents du monstre dont ils faisaient des pointes de flèches (16, p. 78). Il est vrai que ce trait de moeurs nous est conté un peu différemment par VASCONCELLOS (20, liv. IV, ch. XI, p. 126). Les Indiens Waitaka se seraient rendus en troupe le long du rivage, là où l'eau était peu profonde, et encerclant les requins, les auraient tués en leur enfonçant dans la gueule un épieu court et acéré. Cette chasse au requin correspond à une réalité, car KNIVET (9, p. 252) rapporte que les Waitaka halaient ces animaux sur le rivage en les tirant par la queue.

Les Waitaka semblent avoir mené une vie semi-nomade et demandé à la chasse, à la pêche et à la cueillette des fruits la partie la plus importante de leur subsistance. Ils pratiquaient cependant l'agriculture, quoique sur une échelle bien moindre que les Tupi (16, p. 77). Ils ne cultivaient en effet que quelques plantes, dont le maïs et certains tubercules. Le manioc leur était resté inconnu (cf. THEVET, texte cité). Il est très probable que ces rudiments d'agriculture sont dus à l'influence des tribus tupi avoisinantes et qu'autrefois les Waitaka étaient entièrement nomades. VASCONCELLOS (20, liv. IV, ch. XI, p. 126) déclare formellement « qu'ils ne se souciaient pas de faire des abattis, ni d'élever des animaux ou de se livrer à quelque industrie que ce soit, et qu'ils demandaient toutes leurs ressources à leur arc ». Ici encore nous trouvons une de ces contradictions qui peut s'expliquer par le contraste que les Waitaka devaient présenter, au point de vue de la culture matérielle, suivant qu'ils étaient ou non soumis à l'influence des Tupi. Il est probable que les Waitaka, qui vivaient près de Macahé, .avaient emprunté à leurs voisins des éléments culturels ou des coutumes qui sont restées étrangers à ceux de l'intérieur. Suivant CARDIM (3, p. 211), les Waitaka auraient passé leurs journées sur leurs abattis ou dans les champs et n'auraient regagné leurs habitations que le soir pour y dormir.

On raconte d'eux qu'à l'endroit où ils tuaient un animal ou péchaient un poisson, ils le mangeaient incontinent sommairement grillé et dégoûtant de sang. Ils étaient si voraces qu'ils n'attendaient pas que les deux côtés en fussent rôtis, mais sitôt une des faces grillée, ils la mangeaient sans tarder et, le retournant sur l'autre côté, ils le dévoraient également, ne laissant que les os ou les arêtes. Avec le poisson ou la viande, ils ne consommaient jamais de farine de manioc, de légumes ou autre chose semblable (20, liv. IV, ch. XI, p. 126).

Bien que leur contrée fût traversée .par de nombreux cours d'eau et abondante en lacs, les Waitaka auraient marqué une préférence spéciale pour l'eau saumâtre qu'ils retiraient de puits creusés près du rivage de Société des Américanistes de Paris. 8


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la mer, coutume que VASCONCELLOS considère comme d'origine superstitieuse (20, liv. IV, ch. XI, p. 126).

Selon SOARES DÉ SOUZA, les Waitaka s'étendaient pour dormir à même le sol, sur des tas de feuilles (15, p. 78). VASCONCELLOS 1 (20, liv. IV, ch. XI, p. 126) nous fournit sur leur habitation des renseignements du plus haut intérêt : « Leurs villages se composaient de quelques cabanes qui, comme des pigeonniers, étaient construites sur une seule poutre, à cause des eaux. Ces demeures étaient très petites et couvertes de paille. Ils les appellent labûa. Leurs portes sont si petites que, pour y pénétrer, il est nécessaire d'aller à quatre pattes. Ils n'avaient pas de hamacs, ni de lits, ni de meubles, car toute leur richesse consistait en leurs arcs ».

Plus loin, le même VASCONCELLOS (20, liv. IV, ch. XI, p. 142) nous dit que les huttes des Waitaka-yako rito « étaient de pauvres petites cabanes, faites de paille et sans mobilier ».

Ce type de maison se rapproche singulièrement des habitations construites sur les arbres dont RIVET (13 bis, p. 144-145) a donné la distribution et qu'il rapproche de celles des Mers du Sud. Pour mémoire, je rappelle les régions où les tribus dans lesquelles des huttes ainsi disposées ont été signalées en Amérique du Sud. Ce sont : la Colombie, le cours inférieur de l'Atrato, les Motilon, les Guarauno, les Amahuaka et les Guayaki (?). MILLET DE SAINT-ADOLPHE (12, t. I, p. 388-389), qui dit avoir tiré de VASCONCELLOS les indications que nous trouvons dans son dictionnaire à l'article Goaitacâ, nous donne à propos de ces maisons une version quelque peu différente et les considère comme étant de véritables habitations sur arbres. Il est fort possible que notre auteur ait interprété le passage qu'il cite avec quelque fantaisie, mais peut-être aussi a-t-il eu sous les jreux quelque texte que je n'ai pu consulter. Je reproduis ses indications sous toute réserve : « Les Waitaka vivaient en communauté sur des terres entourées d'eau et dans des cabanes faites de feuilles de palmier suspendues aux troncs des arbres, et de ces tannières ils sortaient à l'improviste pour attaquer leurs ennemis, et si par hasard ils étaient

1. « Todo o editicio de suas aldêas vinha a parar em umas choupanas, a modo de pombaes, fabricadas sobre uni so esteio, por respeito das aguas ; estas muito pequenas, eobertas de pallias, a que chaman labûa, con portas tan pequenas, que para entrai' era necessario ir de gatinhas. Nâo linham rêdes, nem cama, nem enxoval, porque loda sua riquezaconsistia em seu arco. Seumodo de viver era pelos campos, caçando as feras, e pelas lagôas, rios e costas do mar, pescando o peixe, e em uma e outra parte ».

Le mot tabûa n'est probablement pas waitaka, il rappelle plutôt le mot tupi, laba, lava, qui signifie" hutte. Il est regrettable que nous ne possédions pas un seul mot de cette langue, ce qui nous aurait peut-être permis d'établir sa parenté.


LES INDIENS WAITAKA lia

repousses en raison de l'inégalité du nombre ou des armes à feu des Européens, ils se sauvaient à la nage et se retiraient sur ces bois où il était impossible à la cavalerie de les suivre sans se mettre manifestement en danger». Que les habitations des Waitaka aient eu pour supports des poutres ou des arbres, il s'agit en tous les cas d'un type de maison tout à fait particulier et extrêmement rare en Amérique du Sud.

Cependant il convient de faire observer que ni SOARES DE SOUZA, ni. THEVET, ni LÉRY, ni KNIVET ne disent mot de ce type d'habitation chez les Waitaka. Ce silence est étrange, d'autant plus qu'ils ont écrit à une date ancienne et que trois d'entre eux ont vécu dans le voisinage de ces Indiens. KNIVET nous donne même une description de leur maison qui ne cadre pas du tout avec celle que je viens de reproduire : « Leurs maisons sont très basses et petites. Ils ne dorment pas dans des filets comme lesTamoyo et les autres cannibales le font, mais comme des porcs, faisant du feu au milieu de leur maison (9, p. 252) ».

Les Waitaka, à l'instar de la plupart des populations côtières du Brésil, allaient complètement nus (10, t. I, p. 78; 16, p. 78). Pour armes, ils avaient l'arc et la flèche (20, liv. IV, ch. XI, p. 126). Comme leur pays est assez pauvre en bois, ils obtenaient leurs arcs de la tribu des Ocauan, qui avait pour habitat une région boisée, voisine de la leur (cf. THEVET, texte cité). Leur adresse au tir était fameuse (20, liv. IV, ch. XI, p. 125). Les femmes elles-mêmes tiraient aussi bien que les hommes (9, p. 252).

Les Waitaka étaient une nation belliqueuse et redoutable. LÉRY (10, t. 1, p. 78) les considère comme « des sauvages si farouches et estranges, que comme ils ne peuvent demeurer en paix l'un avec l'autre, aussi onteils guerre ouverte et continuelle, tant contre leurs voisins, que généralement contre tous les étrangers ». « Ils doivent estre tenus », ajoute-t-il plus loin, « et mis au rang des nations les plus barbares, cruelles et redoutées qui se puissent trouver en toute l'Inde occidentale et terre du Brésil ». Tous ceux qui ont parlé des Waitaka s'accordent sur ce point et, à défaut de ces témoignages, les victoires répétées qu'ils remportèrent sur les Portugais suffiraient à nous donner une haute idée de leur courage et de leur intrépidité.

Contrairement aux autres, ils acceptaient le combat en rase campagne, ce qui cependant était chez eux moins un trait de valeur qu'une nécessité imposée par le caractère même de leur paj^s (16, p. 78).

Ils auraient eu en commun avec les Tupi leurs coutumes anthropophagiques. « Ils se mangent l'un l'autre avec plus d'entrain que les bêtes féroces », nous dit VASCONCELLOS (19, p. LUI) dans sa Chronique, et dans sa vie du P. Joào de Almeida, il les définit comme des Indiens des bois, cannibales, qui vont à la chasse les uns des autres, comme des bêtes, et


î l G SOCIÉTÉ DES AMÉIUCAMSTES DE PARIS

qui trouvent plus de saveur à la chair de leurs captifs qu'à celle du gibier (20, liv. IV, ch. XI, p. 126). «Ils mangent toutes sortes de peuples, Français, Portugais et Nègres », nous dit KNIVET (9, p. 252), et plus loin il raconte qu'un bateau ayant échoué sur le cap Frio, tout son équipage fut mangé par les Waitaka.

Le passage de TFIEVÈT reproduit ci-dessous ne laisse subsister aucun doute sur ce sujet et donne même à entendre que ces Indiens dévoraient leurs ennemis suivant des rites qui devaient rappeler ceux des Tupi, quoique les exécutions se fissent chez eux à coups de flèches. Ceci me fait croire que ces Indiens ont peut-être emprunté cette coutume aux Tupi. Mon hypothèse est d'autant plus plausible que SOARES DE SOUZA (16, p. 75), sans nier qu'ils fussent anthropophages, se contente de dire qu'ils ne sont pas aussi portés à manger de la chair humaine que les tribus tupi. Comme on le sait, le cannibalisme.était beaucoup moins développé ou même pas du tout chez les tribus dites tapuya, appartenant à l'ancienne couche de population du Brésil, que chez les Tupi qui se sont substitués à elle.

Les Waitaka amoncelaient, sur les places de leurs villages, devant la porte de leurs huttes, les os des ennemis qu'ils avaient tués et mangés, et le rang et la considération dont jouissait chaque famille étaient en proportion de la hauteur de ce tas (20, liv. IV, ch. XI, p. 126, et ch. XII, p. 142 et 144). Le P. Joào de Almeida, en parcourant le pays des Waitaka-wasu, découvrit une fois au pied d'un arbre le squelette d'un prisonnier qu'on avait mangé tout récemment et qui était entièrement dépouillé de sa chair. Ces restes étaient destinés à effrayer les ennemis et à les tenir à distance (20, liv. IV, ch. XI, p. 126, et ch. XII, p. 142).

La soif de vengeance aurait été implacable chez ces Indiens. Un chef de la fraction des Waitaka-wasu, à la suite d'événements inconnus, s'était.réfugié avec quatre des siens chez les missionnaires du Cap Frio. Ses ennemis vinrent l'y relancer et ne cessèrent de le poursuivre et d'épier ses mouvements. Après la mort de ce chef, ses adversaires allèrent le déterrer et lui défoncèrent le crâne en guise de vengeance. Quant aux compagnons du fugitif, ils purent en capturer deux qu'ils tuèrent et mangèrent (19, p. LXXIX ; 20, liv. IV, ch. XI, p. 126). Comme cette histoire nous est aussi contée par SOARES DE SODZA (16, p. 308) à.propos des Tupi, il se peut qu'elle ait fait double emploi.

Les Waitaka commerçaient avec leurs voisins de la façon suivante : « Les Margaiat, Cai'a-ia, ou Tououpinamhoull (qui sont les noms des trois nations voisines d'eux) ou autres sauvages de ce pays là, sans se fier ni approcher de YOuelaca, luy monstrant de loin ce qu'il aura, soit serpe, cousteau^ peigne, miroir, ou autre marchandise et mercerie qu'on eur porte par-delà, luy fera entendre par signe s'il veut changer cela


LES INDIENS WAITAKA 117

à quelque autre chose. Que si l'autre de sa part s'y accorde, luy mpnstrant au réciproque de la plumasserie, des pierres vertes qu'ils mettent dans • leurs lèvres, ou autres choses de ce qu'ils ont dans leur pays, ils conviendront d'un lieu à trois ou quatre cens pas delà, où le premier a}rant porté sur une pierre ou busche de bois la chose qu'il voudra eschanger, il se reculera à costé ou en arrière. Apres cela YOuetaca la venant prendre et laissant semblablement au mesme lieu ce qu'il avoit monstre, en s'esloignant fera aussi place, et permettra que le Margaiat, ou autre, tel qu'il sera, la vienne quérir : tellement que jusques-là ils se tiennent promesse l'un l'autre. Mais chacun ayant son change, sitost qu'il est retourné, et a outrepassé les limites où il s'estoit venu présenter du commencement, les trêves estant rompues, c'est alors à qui pourra avoir et rattaindre son compagnon, à fin de luy enlever ce qu'il emportait : et je vous laisse à penser si YOuetaca courant comme un lévrier a l'avantage, et si poursuyvant de près son homme il le haste bien d'aller (10, t. I, p. 78-80) »."

Ce mode d'échange, qui a reçu le nom de commerce silencieux, doit être très rare en Amérique du Sud. Pour ma part, c'est le seul exemple que j'en connaisse.

Voici ce que VASCONCELLOS (20, liv. IV, ch. XI, p. 126) nous dit de leur religion : « Ils n'ont aucune religion, ni de divinité qu'ils adorent ; ils ne se soucient pas non plus de l'autre vie et croient que tout finit ici bas. Cependant ils ont des devins qui s'entendent aux sorcelleries pour faire du mal. Ils président l'issue des expéditions de guerre, de chasse et autres choses du même ordre ».

Pour manifester leurs sentiments pacifiques, ces Indiens touchaient avec leurs arcs ceux de leurs visiteurs. Lorsque les missionnaires vinrent les trouver, ils furent reçus par « quatre chefs avec leurs femmes et leurs enfants qui se rendirent au-devant d'eux au milieu de fêtes et de danses, selon leur coutume, et avec des présents de légumes (20, liv. IV, ch. XII, p. 143-144) ».

Le problème de la parenté des Waitaka et des Coroado. — Les ethnographes modernes considèrent les Waitaka comme étroitement apparentés aux Coroado et aux Puri et ils rangent le sous-groupe ainsi constitué dans la famille linguistique -se. Si nous examinons les faits sur lesquels repose l'assimilation des Waitaka aux Coroado, nous ne pouvons être que surpris de leur extrême fragilité et de l'absence de toute preuve scientifique nous autorisant à considérer ce rattachement comme certain.

Cette prétendue filiation directe entre les Coroado et les Waitaka repose entièrement sur le texte suivant dû à la plume de l'économiste por-


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tugais CUNHA DE AZEREDO COUTINHO (4, p. 64): « Les Indiens Ouetacâzes, après avoir conquis la peuplade des Coropôques, ou Coropôs, les incorporèrent dans leur nation, de sorte qu'aujourd'hui ils n'en forment plus • qu'une seule sous le nom vulgaire de Coroados, à cause de la manière dont ils se coupent les cheveux sur le pourtour et le haut de la tête. Ils occupent un vaste sertào de plus de cent lieues qui s'étend depuis les confins des Campos de Ouetacâzes en suivant la rive septentrionale du rio Parahyba jusqu'à la rive sud du rio Xipotô de la comarca de Villa - Rica ».

L'assertion de CDNHA DE AZEKEDO COUTINHO fut adoptée sans autre par AYRES DE CAZAL (1, t. II, p. 53). Le prince MAXIMILIEN DE WIED-NEUWIED (21, t. I, p. 129, note 2) émit cependant quelques doutes.au sujet de sa légitimité. Il est contredit sur ce point par SAINT-HILAIRE (14, t. II, p. 117119), qui se range entièrement à l'opinion de CUNHA DE AZÉREDO COUTINHO, qu'il considère comme faisant autorité en cette matière en raison des liens de parenté qui l'unissaient aux Pessanha, les pacificateurs et bienfaiteurs des Coroado.

A la suite de SAINT-HILAIRE, l'identification des Waitaka aux Coroado est devenue classique et n'a plus été soumise à aucun examen critique. Nous la trouvons entre autres présentée comme un fait acquis dans BURMEISTER (2, p. 246).

En l'absence de toute donnée linguistique, le problème du rattachement des Waitaka aux Coroado ne peut être tranché que par l'ethnographie ou l'histoire.

Ceux qui voient dans les Coroado les descendants des Waitaka oublient que les premiers sont étroitement apparentés aux Puriqui, dès le xvie siècle, sont signalés dans l'hinterland de Rio de Janeiro dans une région probablement voisine de celle qu'ils occupaient encore à une date très récente 1. KNIVET (9, passim), qui semble avoir été en rapport avec eux, les dépeint sous des traits qui conviennent plutôt aux Tupinamba. Il est possible qu'il ait commis une confusion, mais il n'est pas exclu non plus que les Puri dont il parle aient été fortement guaranisés. Peut-être les Coroado, dont la culture matérielle a fortement subi l'influence des tribus tupi',

1. Dans une carte du xvne siècle, îes Puri sont indiqués non loin de l'emplacement actuel des Coroado. Cf. carte de WILLIAM DELisLEdans l'édition espagnole de SCHMID:ÎL (Ulrich), Viaje al Rio de la Plata (traduit par Samuel A. Lafone-Quevedo). Biblioteca de la Junta de historïa y numismàtica americana. Buenos-Aires, t. I, 1903.

2. L'influence des Tupi sur les Coroado se manifeste par les éléments culturels suivants : la tonsure ('?), les huttes permanentes, le hamac en coton, la culture du tabac, des bananes, des pommes de terre, des cara, des haricots, des curcubilacées, etc., la céramique, le mortier taillé dans un tronc d'arbre, le souffle-feu, l'enterre-


LES INDIENS WAITAKA 119

sont-ils les descendants de ces anciens Puri décrits par KNIVET. Le centre de dispersion des Coroado étant sur le terrain même des Tupinamba, l'emprise que ceux-ci ont exercée sur eux s'explique facilement.

Les Puri proprement dits qui, de par leur situation géographique, ont échappé à ce contact, ont conservé dans presque toute son intégrité la culture primitive qui leur était autrefois commune avec les Coroado. Ceci nous prouve que les Coroado et les Puri existaient déjà en tant que nation avant même que la tribu des Waitaka eût été détruite et dispersée. Les récits historiques cités plus haut, qui nous racontent la lutte que les Portugais livrèrent contre les Waitaka au début du xvne siècle, laissent entendre qu'on procéda contre ceux-ci à une guerre d'extermination, Ceux qui survécurent furent établis en villages et convertis. Dans ces conditions, ils n'ont guère pu, même en se mêlant à une autre population, constituer une nouvelle nation qui, quoique décimée, comptait encore au début du xixe siècle près de 2.000 ou, si l'on y ajoute les Puri, plusieurs milliers d'individus.

L'habitat des Coroado et des Puri * coïncidait en bien des points avec celui des anciens Waitaka, mais alors que ces derniers étaientune population essentiellement côtière, les premiers sont toujours restés cantonnés dans la forêt, n'en sortant que pour entreprendre des incursions contre les colons de la côte.

Au point de vue ethnographique (pour l'ethnographie des Coroado et des Puri, cf. 2, p. 246-251 ; 4, p. 63-65 ; g ; 7, t. I, p. 107-197 ; 8 ; 14, t. II, p. 111-118; 18, t. I, p. 369-394 ; 21, t. I, p. 130-148), on ne peut établir aucun rapprochement entre le peu que nous savons de la civilisation matérielle des Waitaka et les informations plus copieuses que nous possédons sur les Coroado et les Puri. Les hommes d'aucune de ces deux tribus ne portaient les cheveux flottants ; les Coroado se faisaient une tonsure sur le haut du crâne comme les Franciscains, et les Puri se rognaient les cheveux sur la nuque ou se rasaient la tête. Les huttes Coroado ont la forme d'un toit à deux pentes posé sur le

ment en urnes, etc. Leurs proches parents, les Puri, ne cultivaient pas le sol, dormaient par terre dans la cendre, protégés des intempéries par un simple écran, cuisaient l'eaudans des tronçons de bambou, etc. L'influence des Tupi sur les Coroado a déjà été signalée par KurcKEBEno (9 AÏS, p. 285, 287 et 288).

1. Les Coroado habitaient au début du xixG siècle dans la plaine qui s'étend entre la Serra da Onça et celle de S. Geraldo sur les bords du rio Xipotô dos Coroados, affluent du rio Pomba . Quelques-uns vivaient sur la rive gauche, notamment à S. Fidelis.

Les Puri vivaient et vivent encore dans les forêts vierges au nord du Parahyba jusqu'aux frontières de Minas Geraes et dans la partie sud de la province d'Espirito Santo. Ils poussaient leurs incursions jusqu'au rio Doce et sur le littoral.


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sol. Quant aux Puri, ils ne construisaient que de simples abris contre le vent. Les uns comme les autres dormaient dans des hamacs, cependant à une date encore récente, les Puri s'étendaient la nuit dans la cendre de leurs foyers 1.

Alors que les Puri sont des nomades purs, les Coroado cultivaient un certain nombre déplantes dont ils tiraient une partie de leur subsistance. Comme tous les peuples chasseurs en passe de devenir agriculteurs, ils n'avaient pas la patience d'attendre la maturité des végétaux qu'ils semaient et les consommaient encore verts. On ne mentionne pas dans leurs abattis de tubercules de manioc.

Ils chassaient encore beaucoup et allaient à la cueillette des fruits pour subvenir à leur alimentation. A cet égard, ils se trouvaient dans une situation analogue â celle des Waitaka au début du xvie siècle. Chez les uns comme chez les autres, ce passage du nomadisme à la vie sédentaire est l'effet d'une influence tupi.

Les Coroado n'étaient pas à proprement parler des anthropophages. Lorsqu'ils avaient tué un ennemi, ils lui coupaient le bras et le ramenaient dans leur village. Ils organisaient alors une grande fête de boisson au cours de laquelle on criblait ce trophée de coups de flèches et on dansait tout autour. Un le trempait ensuite dans de la bière de maïs et chacun le suçait à tour de rôle à l'endroit de la coupure. Les os longs d'un adversaire mort servaient à faire des flûtes ; le crâne était aussi conservé (7, t. I, p. 127 ; 8, p. 270).

J'incline à voir dans les Coroado et les Puri ces populations tapujra désignées sous le nom d'Oucanan, Ouanem, Caraia, Papana, Guarus, Guarulhos et Sacarûs (10, t. Il, p. 130; 16, p. 78-79 ; 12, t. I, p. 338), qui vivaient dans l'hinterland de Rio de Janeiro, d'Espirito Santo et de Porto Seguro et qui étaient en guerre aussi bien avec les Tupi qu'avec les Waitaka. VASCONCELLOS (20, livre IV, chap. XI, p. 119) signale également l'existence de nombreuses tribus tapuya de langue différente dans,

1. Je tiens à reproduire ici le passage d'EscHWEGE (8, t, I, p. 199) où cet observateur d'une rare perpicacité nous décrit la manière dont les Puri se tatouaient : « BeideGeschlechter tatuiren sich, und zwar so, dass die Haut fest zusammendrûcken, und dann einen gefàrbten Faden vermittelst einer Nadel durchziehen. Die tatuirten Zeichen aber, da siein frùher Jugend solcbe zu machen pflegen, verwachsein wahrscheinlich, und verrathen wenig Kunsl ».

Cette technique du tatouage est extrêmement rare en Amérique du Sud. Pour ma part, c'est le seul exemple que j'en connaisse, Elle est par contre très répandue chez les Esquimaux. Le tatouage pratiqué de cette manière doit êtremisau nombre des éléments culturels communs à l'Amérique du Nord et du Sud et qui, dans ce dernier continent, sont particulièrement propres aux tribus du Sud ou à celles qui possèdent une civilisation très archaïque.


LES INDIENS WAITAKA 121

les montagnes qui bordent à l'ouest le paj^s des Waitaka. La situation géographique de ces Indiens et quelques détails de leurs moeurs donnent une base sérieuse à mon hypothèse.

Il n'est pas impossible que les Waitaka fussent apparentés linguistiquement aux Coroado et aux Puri et qu'ils fissent par conséquent partie de la famille -zé. Mais cette supposition est toute gratuite. Pour mon compte, en raison de certaines particularités ethnographiques qu'ils présentent, telles que les habitations aériennes, je serais plutôt tenté de les considérer comme un groupe isolé et appartenant à une couche de civilisation archaïque.

Le texte suivant est tiré d'un manuscrit de Thevet encore inédit, intitulé :

Histoire d'André Thevet Angoumoisin, cosmographe du Roy, de deux voyages par luy faits aux Indes Australes, et Occidentales. Contenant la façon de vivre des peuples Barbares, et observation des principaux points que doivent tenir en leur route les Pilotes, et mariniers, pour éviter le naufrage, et autres dangers de ce grand Océan, avec une response aux libelles d'injures, publiées contre le chevalier Villegagnon (Ecrit en 1593).

Ex Bibliotheca Mss. Coisliniana, olim Segueriana, quam Illust. Henricus du Cambout, Dux de Coislin, Par Franciae, Episcopus Metensis, etc. Monastério S. Germani à Pratis legavit. An.M.D. CC. XXXII.

Il se trouve à la Bibliothèque Nationale de Paris où il est catalogué sous la cote suivante : Fonds français, No. 15.454. Les pages que je reproduis ici occupent les feuillets 114 à 116.

Ce texte ne se rapporte pas exclusivement aux Waitaka, il comporte aussi un certain nombre de détails concernant les Oucanan (Coroado ?) et les tribus tapuya en général. Quelques passages ne sont que des répétitions de ce qu'il nous dit précédemment des Tupinamba : ainsi, par exemple, ses descriptions du hamac, du filage, des jeux, des flèches enflammées, du massacre rituel des prisonniers, sont autant de traits propres aux Tupinamba que, dans ce texte un peu confus, THEVET semble attribuer aux Tapuya. Je les cite néanmoins pour ne pas tronquer le texte.

La terre située en face des îles Maguehay (Macahé), dont THEVET nous donne le point, soit lat. 22. 40' et long. 344. 32', est habitée par les Waitaka.

« Nation fort sauvage, tant brutale que merveilles, qu'ils appellent


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Guaytacos. Leur langage ne peut être entendu d'aucun autre sauvage Ils vivent brutalement. Au reste sont vaillants, et vistes à courir, voire en telle dextérité qu'ils passent à la course un cerf. Ils ont continuelle et mortelle guerre contre les Toupinambaux noz allies et amis, qui leur sont proches voisins ». Fol. 101.

Fol. 114. « Or pour ce qu'il y a diverses sortes de peuples, et nations, qu'on couvre de la chappe de Margajats, je veux ici proposer la différence qui est entre eux. Je commenceray de la nation des Oueïtaca, qui sont gens robustes sans comparaison, et quiferont toujours la figue à quiconque s'attaquera à eux, moyenant qu'ils ne soient pris es bois, d'autant que leur puissance ne gist qu'en plaine campagne, et parmy marécages, où ils sont habitués, et prenent plaisir de n'en bouger. Ils exercent leurs enfans à se destourner dextrement, garantir et eschapper du descochement des flèches : premièrement avec de petits traits à teste ; puis pour les adextrer d'avantage, leur tirent des flèches plus dangereuses, dont en blessent parfois quelques uns, leur disans, j'ayme mieux que tu meures de ma main, que de mes ennemis. Car aussy ne me sçaurois tu défendre à mon besoing. Ils parlent autre langage, que ne font les Toupinambaux, Toupinenquin, Temeirynon, Touajat, et Carios, qui parlent un mesme langage. Les Ocauan parlent tout autrement, jaçoit qu'ils s'entendent quelque peu les uns les autres, ainsy que l'expérience me l'a appris, et la fréquentation, que j'ay eue avec l'une, et l'autre nation qui avoient apprins le langage des Toupinanquin, auquel tant les Oueïtaca, que les Ocauan me disoient plusieurs choses concernant leur trafficq par ensemble. De fait les Ocauan leur apportent des arcs, à raison qu'ils demeurent es bois, et montagnes, etlesOuitaca en plein pais marescageux, ains semble que ce ne soient que déserts. On ne scauroit mieux à propos rapporter cette grande province qu'à la contrée du fleuve Jourdain, fort sterille, pource qu'elle n'est pas cultivée à cause des Arabes y habitans ordinairement, qui ne sont gueres plus sages, ny plus humains, que ces nations sauvages, ainsi que j'ai veu par expérience, l'espace de six à sept. ans. Les Oueïtaca sont divisés en deux bandes adverses, (fol. 114 v.) qui se mangent l'un l'autre, et chacune bande en deux autres de ce nom seulement, c'est à sçavoir Oueïlaca-ouassou, et Oueïtaca-moupy, Oueïtaca-mery, et Jadruruto. Les premiers sont alliés contre les derniers. Noz amis les Toupinanquin ont forte guerre contre eux, mais en prenent peu souvent. Car (comme j'ay dit) ils sont plus experts en guerre que nulle autre nation, joint qu'ils sont quasi entiers imprenables, à cause des rivières, et marescages, qui les environnent. Ils prendront à la course une biche, des crocodiles en l'eau, et plusieurs autres poissons. Ils n'ont aucune de noz marchandises, sinon celles qui sont mieux faites sans comparaison que


LES INDIENS WAITAKA 123

nulles autres mais ne leur baillent que des ains, petits couteaux, des ciseaux et du fil de cotton pour lier leurs flèches. Quand ils prennent un de leurs ennemis, ils le mettent par pièces sur le champ, et mangent à demy cuit, comme font toutes autres viandes. Qui me fait croire qu'ils sont plus dignes d'estre appelés sauvages, que ceux avec lesquels nous conversons, et les Ocauan aussy, qui sont de quelque alliance ensemble. J'ai veu tuer des Oueïtaca, qui après avoir eu la teste cassée, et estre rués par terre, se sont relevés, et ont pris le baston de celuy qui les tuoit, avec telle roideur, qu'ils le renversèrent par terre. Ce que je n'eusses jamais creu si mes yeux ne mè l'eussent apprins. Quand ils ont prins leurs ennemis, ils le tuent à coups de flèches, ainsi qu'eux mesmes m'ont dit, et quelques Toupinanquins noz amis, qui en sont eschappés après y avoir esté long temps détenus, leur servans d'esclaves, attendant qu'ils fussent gras, et grands pour les 'manger. Ils labourent la terre pour faire des naveaux du mil, et autres petites choses, fors qu'ils ne font point de maniac [sic], qui est la chose la meilleure après le pain que Ion scauroit penser, jainsy qu'il sera dit en autre lieu. (Fol. 115.) Ils ont des loges fort longues, et non rondes, comme très faussement a dit le bourdeur Lery. Elles sont couvertes d'escorce de bois, et non d'herbe, comme il raconte : comme aumesme endroit ce galand dit que leurs lits sont faits d'escorce d'arbres, tant s'en faut, leurs lits (comme ailleurs j'ay dit, sont faits de fin cotton, comme sont les reizeaux, de quoy Ion prend les poissons par deçà, qu'on nomme mortugahes. Ils couchent assés prés de terre, sans autres lits ne couches, disans que tant plus l'homme est bien traitté, tant moins est il fort, et robuste. Ce que confessent plusieurs des Toupinambaux, qui se dorlotent, et traittent plus soûefment qu'aucun de toutes autres nations, comme il a esté déclaré en leur manière de vivre. Les Ocauan ne sont pas si hardis, adextres, ny vaillants en guerre que les Oueïtaca. Car j'en ay veu prendre innumerablement, et encores qu'ils se défendent si se trouvent ils à tous eoups battus, parce qu'ils ne sont leurrés aux stratagèmes et ruses de guerre, comme les autres. Cela fait qu'aucuns demeurint prins, les autres gaignent la garite, se sauvans par les bois, et buissons, où ils sont nourris. La plus part du temps ils errent, et vagabondent parmy les montagnes, ne vivent que de bestes sauvages, de poissons d'eau douce, avec des naveaux,. et mil qu'ils font d'aucune fois : mais le moins souvent qu'ils prennent de peur d'estre apperceus de leurs ennemis. Car ils sont toutes nations diverses. Vous avés ceux qui sont nommés Tapouyeste, c'est à dire homme à manger. Et disent les Toupinanquin qu'ils ont esté faits de tisons de feu par l'un des maires, à celle fin qu'ils fussent pour la proye et passetemps des autres, et pour leur exercice en guerre.


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Ils ne sont point de belle forme, comme les autres, mais sont gros courtaux, camus. (Fol. llo v.) Leurs femmes se tondent les cheveux comme les hommes. Ils ont toute autre manière de danser, et chanter, que les autres. A toutes heures ils usent de petun, et est la chose qu'ils ayment le plus, soit en compagnie, soit à leurs maisons, ou ailleurs. Ils en prenent tousjoûrs la fumée. Et disent ces Barbares que cela leur fait distiller les humeurs du cerveau superflues; et prenent de cette herbe dans un cornet de feuille de papier pendu à leur col. Quand ils mangent de quelque bonne chair ou poisson, les uns s'en frottent le corps, présumants que ce leur soit bonne médecine, sontgrands avalleurs decaoûyn plus que d'autre chose, et duquel ils s'enyvrent très bien, et chantent tousjoûrs en beuvant. Ils ont quelques cordes, desquelles ils se servent tant pour soustehir leurs lits, que pour lier leurs prisonniers, qu'ils font d'escorce d'arbres, et de cotton, qui se fait comme chanvre, que les femmes fillent sans fuseau, sur leurs

cuisses [Ils ont des] petits cofïins à porter leurs petites besongnes,

qu'ils nomment Caramenoo, et d'autres propres pour mettre leurs arcs, et leurs flésches, qui sont mal faits : mais ils tiennent qu'ils en sont d'autant plus dangereux. C'est un plaisir de les voir mutiner les uns contre les autres. Les plus vaillants d'entre eux s'avancent au choc avec les rondeles de peaux de bestes sauvages. Les autres mettent du vieil coton au bout de leurs flèches qu'ils allument, âpres ils tirent dans le village pour mettre le feu aux maisons. Quand ils vont à Morpiou contre les Touajat, et Portugais, ils portent de la poudre de poivre avec certaine graisse qu'ils mettent à l'entrée des maisons, les unes faites de pierre, les autres de bois pour estouffer les Portugais, comme regnards en leurs tanières, sans qu'ils osent sortir aucunement. Cela est cause qu'ils prenent souvent leurs esclaves femmes, et filles, et aucune fois les Portugais mesmes avec leurs enfans, comme j'ay veu assés souvent. (Fol. 116,) Quand ils ont prins quelques uns de leurs ennemis, ils les lient avec cordes de coton par les bras, et souvent à travers le corps, et devant qu'ils arrivent en leurs maisons, ils meinent leurs prisonniers sur le tombeau de leur père, frère ou parent, pour faire renouveler ladite sépulture, et cela se fait vers la rivière des Vases, et celle de Plate : puis après l'avoir dévalé dedans, se pourmenent dans le village avec certains accoustremens, et fronteaux, bonnets, et bracelets de diverses couleurs, mesme des robles. de plume qui sont très belles à les veoir de près, et de loing, et plusieurs autres cérémonies dont ils usent, que je vous ay descrites cy dessus, partant ne les repeteray icy. El voilà les façons de vivre de ces pauvres Barbares ».


LES INDIENS WAITAKA 125

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Cet ouvrage est très rare. Les chapitres XI, XII, XIII et XIV, qui traitent de la vie du Padre Joâo de Almeida et des Waitaka, ont été reproduits par MELLO MORAES dans la Revista da exposiçào anthropologica brazileira. Rio de Janeiro, 1882.

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LINGUA SERENTE 1,

POR CURT NIMUENDAJÛ.

Levantado com um casai de indios - desta tribu, da aldea do Morro Grande (Rio Araguaya), de visita em Belém do Para, em 1920.

Barba àa\ dabi

Bocca dax_ dawâ

Nariz da nëkri

Orelha da nîpôh;i

Mao da nipkra

Peito da nukçnô

Cabello da %ai

Labio dà% dawahi

Braço da pakrdâ

Dedo da nipkrai

Perna da hi

Pescoço dd bëdû Membrum masc. da% du.

Agua kj Lenha ' mi

Chuva là

Lua waEstrella

waEstrella

Pedra kënc

Rio ki

Rio Araguaya Me là

Rio Tocantins ki wâwëri

Belém do Para wëkay,rà S. Luiz do Maran- wêkaïrà

hâo

Campo tambi

Lingua da noitô

Dente da kwa

Olho da to

Cabeça da krâ

Pé da pra

Pelle da hi

Osso da hi

Hombro da nës'e

Antebraço dadëmi%û

Coxa da

Dedo do pé daprai

Unha da nikëbô Membrum fem. da tôrokwa

Fogo luzi

Ceu léwâ

Sol, bubi

Calor do sol stakrô

Terra tka

Mar kië part

Areia tka temorà

Fuma ça simêda^è

Carvào udiepro

Cinza sëmika

. Arco Iris ktehwapo Estrella (Jupiter?) wasitôprë

Morro sq.râ

1. Pour la transcription phonétique, cf. NIMUENDAJÛ (Curt), As tribus do alto Madeira. Journal de la Société des Américanistes de Paris, nouv. série, t. XVII, 1925, p. 148, note 1.


128 SOCIÉTÉ DES AMÉR1CANISTES DE PARIS

Casa • kri

Panella piça

Cachimbo pawi

Pente wàkrdâ

Canoa kubâ

Guia kukawi

E.steira krienamri e

Homem ambi

Minha mulher imrô

Pae imumà

Filho caçula asar'é

Irmâo, -à maior ikumrë

» menor inôrie

Chavante sakrikoâ

Carajâ wora^û intro

' Cànoeiros worayû krârïë

Phratrias : Akemëhâ

Krïëriëkamô

Krâra

/Partidos (politi- Siptatô (« concos?) : servador » ?)

Zçdakrâ

Sogro, -a 'êmoprië

Primo, -a maior ikumrë

» menor inôii

Companheh^o isiwaihë

Curador s'ikwà

Medo pahidë

Gemiterio ku^ëopre

Heroe lunar Wâirië

Vara de feitiço da xûudië

Caça kboeziëmbrà

Macaco kxkôri

Onça hijkû

Veado campeiro po

Veado matteiro pon'è

Mutum fava akàwarâ

Mutum pinima akahuk'ê

Rede këbâ^dîkri

Machado liera

Balsa uabà

Remo kubâ ^atie^c

Flécha tl

Arco wakrônëkà

Anzol &zp

Mulher pikô

Criança ëkëd'è

Màe idatki

Tio paterno imumà

» materno nokriôkwa

Cherente akwe kuitbi

os Ch. chegaram akwe matin

Cayapô Ka^apo

Indio brabo ' wora^û Hwabnari

Clans : Dakrâ Kro^akl Krlprëhi Sibëtildëdîëkwa

Casa dos solteiros. warâ

Chefe de guerra kwadëprëkrdâ

Gente ' • akwe

Avô, avô ' ikrda

Netto, -à inihëdâ

. Civilizado kliwanù

Velho, -a wawl

Maracâ . $

Festa do choro aikëmâ

Heroe solar Wapëtokuâ

La vem Wape- ' Wapëtokuâ iëmëtokuâ

iëmëtokuâ nïmô

Cachorro wapsàCachorrada

wapsàCachorrada nori

Anta këdi

Veado galheiro a^e.

Tamanduâ ban- padi

deira

Arara krdâ


LINGUA SERÉNTE 129

Jacaré kwihf

J.aboty kukâ

- Acary ktë%ûrû

Abelha kië

Arvore, pau wudi

Matto mârq.

Mandioca kupà

Algodào kqbâzi, këbazj

Carâ mokonl

Farinha kupa^û Banana grande wesupolië pâ

um sëmisi

dois ponëkwânë

très tnrëprânë

quatro sikwëmpsiè

cinco këmàmonotô

muito saktè %oarë

grande "saorëdi

frio hiëdi

boni wêki

aqui tûnemè

n ào are

eu ua hâ

tu tuka hâ

elle kù hà

nos uanori hâ

vos kanorl hâ

■elles konori hâ

uma mào da nipkra

minha mào i nipkra

tua mào a iipkra

Société des Américanisles de Paris.

Papagaio lia

Cobra hâmâke

Peixe tëbi

Pirarucû tpiè\aur'é

' Mel impi

Follia wiësâ

Milho noTJ,

Tabaco tuarï

Batata kumëdi

Banana spokrà

Beijû upârëmë Banana pequena wesupotië kturie

branco daiekâ

preto dawakëdi

vermelho prëdi

côr cabocla prëdi

pardo kadë

verde, azul kuqiràdë

amarello ptede

pequeno srurieki

quente wakrohi

mau wëkôde kônêde wastëde

la konemè

é meu uàl

é teu kde ti

é délie ku hà ti

é nosso wanôr ti

é vosso tokanorae ti

é délies honorai ti

uma casa kri

minha casa / norôwâ

tua casa a "srôwâ

9


130 SOCIÉTÉ DES AMERICAN!STICS DE l'ARIS

a mào délie kua nipkra

nossas màos wa nipkra

vossas màos a sipkra kwa

as màos délies konora sipkra

eu sou bom impsiëdicwâ

tu es bom dapaipië

eu quero këinë^apkddi

corner krcnëndâ

Iwmesidâ coma ! kr'ènë

matar molôurini

mata ! wiwirl

quero beber agua vamos para casa ! vamos para a casa amanhù ! Sidi veio de Conceiçào traga lenha !

amanhà vamos dormir em casa como te chamas? como se chaîna isto? os homens dançaram a noite toda J. matou uma onça matemos caça no matto as mulheres estào se banhando no

rio o mentno esta dormindo na esteira o inenino lem medo da onça o cigarro esta debaixo do chapeu corta corn a faca ! vamos pescar com timbô o arara sentou-se no galho do pau euvoujunto com minha mulher nào quebrou : foi corlado com faca briguemos com os Cayapô quero corner bananas me de bananas dê-lhe bananas

a casa délie kija nôwà

nossas casas wa norôwâ

vossas casas a sorôwa kwâ

as casas délies konora sorôwâ

me de ! wiemsomri

te m, ha tëtûtihiemba

nào tem hôëkoedi

beber ile^iq. krënëndd

beba ! ■çiëkrënë

dormir inilôda

durma ! aJôto

ki hintë ^ië krçnendà

arië ho kri tëmë

awëkù wanëmâ kri tëmë

Sidi matelemô Conceiçào àwi

mi wiëlùri

awèki't iua%â wa norôwâwanlôni

nanep asisiçë

nanëp kuhàfsisi^ë

lokaniaraiiâ todaii wapsi rêmàtâwë

J. main hitlm këiuëwi

aikitwâ luatuanémëna kbazjëmbrà %u

pihi nori adûtisô ki paître wa

adulenolô ëkëdë krieninor wâ

ëkëdë pahidë huhl pipatië

sikakilo sapé krowi

si^iri smiké^ë m ri nà

arie tëbi watltaorikwaba

krdâ niàciinëkwâra wudiënckrâ nà

wa mro me wa%a wanlmëni wanori

sihirëkondi, smikëzï mrië nà vacihi

Ka\apo m'g watoaskoapëdnë

wespokrë itkomèsidâ

wespokrë wië imekâdnâ waimà

wespokrë lemôMdnâ kuômâ


ZUR SPHAGHE DER MAUÉ-INDIANER,

Von CURT NIMUENDAJÛ.

Die erste der beiden Wortlisten wurde von mir 1922 mit dem MauéIndianer Antonio Ferreira Lima vom Rio Mauhé-Assû im Posto Indigena do Maicy (Madeiragebiet) aufgenommen. Die zweite nahm ich ein Jahr spàter mit verschiedenen Maué-Indianern wàhrend meines Aufenthaltes unter diesem Stamm am Rio Mariacuà auf.

â tonischer Accent

a kurzer Vokal

â langer Vokal

à Nasal

a Guttural

n wie im deutschen « eng »

ë wie deutsches à <,

e wie im deutschen « che »

o wie im deutschen « ohne »

y Zwischenlaut zwischen /( und o

s deutsches sch ; nur in Fremdwortern aus der Lingua Gérai.

(p) portugiesisehes Fremdwort.

Zunge uheùki'i, eënkû uenkû

Mund uyvé uyvé

Unterlippe uheinbé uhempe

Zahn iihâl uhài

Nase uyaùkwâd nyankwâd

Nasenloch iiyankwadopi uyankwaropï

Auge nhi'hd nhehâ

Ohr uyhapé uyahapé

Gehôrgang uhevaiiraopi uhevarekaâ

Kopf uyakidâ uyakâi'i

Stirn hbaivatuâ vhaïuati'ia


132 SOCIÉTÉ DES AMÉRICAN1STES DE PARIS

Haar ' uyasâb iiyasâb

Bart uyvesâb uyvesdb

Arm - uyékesuiâ uyiké

Unterarm uypoesuiâ

Ellenbogen * uypopiakânâ uypopiampad

Hand uypô uypô, uypâa

Handrùcken uypoogpé uypoogpë

Handflache uypaapiâwa uypoapiawa

Finger uypûia uypùïa, uypuïa

Fingernagel uypuyhampé uypuyhampé

Oberschenkel Uyuptû uyuptû

Unterschenkel uykanoktû uykansùya

Knie uypiakdnâ

Fuss uypi uypiara

Fussnagel uypihampé uypièhha

Genick uhundib

Brust uypotiâ uypoliâ

weibl. Brust mi uypotiâ

Rûcken uyapé uyogpé

Bauch uhunbia uhunbiâ

Pénis uhaâ, saâ ( =sein P.)

Vulva sia

Haut uypé uypé

Knochen ■• uykan

Fleisch ipili

Blut uhû, ësù (= dein F.)

Urin si uhi

Wasser ii ii

Fluss i watô

Rio Amazonas Okâra

Rio Tapajoz Tapayô

Rio Mariacuà Mariakûâ

Feuer aria arià

Brennholz aria arià

Rauch ehi ihï

Kohle aria sapdï aria sapin

Himmel atipl atipi

Regen iamân iaman

Wind iwitii wasëre.

Donner hurûe trovào (p.)


ZUR SPRACIIE DER MAUÉ-INDIANER 133

Blitz pirige mërëmëremë

Regenbogen wë ib wë ib

Sonne aâd aâd

Mond wati wât'i

Mondfinsternis wati hûé

Stem waikirù

Morgenstern wakiru walô

Siebengestirn mop'ty mopiy

Milchstrasse iwaipoâb iwaipoab

Tag ihodog enduë âd

Nacht wâtem wàtèm

Winter iaman mod iaman nwd

Sommer aàd piâd aâd piâd

Erde p> iy

Sand iykfd iykid

Stein no

Berg iytiPE î^'H^i

Haus nelab

Dach og

kleine Hutte og piây

Weg moab

Hàngematte ini im

Tontopf iykauyanuaà uââ

Bank banco (p.)

Stuhl apikâb

Axt iwihâb iwihâb

M'esser Usé kise

Boot iarâ kanâ

Ruder apokuitâb apokuitâ

Bogen moriwâd moriwàd

Pfeil moriâ moriâ

Angel - pinâ pinâ

Tragkorb panaku kurivû

Matte tupé tupé '■

Siêb panané , pananê

Pressschlauch mohorô mohorô

Reibbrett iwesé\ iwësï

Faden anihapô anihapô

Spindel penéma penéma

Tuch sogpc sogpe


13i SOCIÉTÉ DES AMÉR1CANISTES DE PARIS

meine Wâsche uhesogpe uhesogpë

Kûrbisschale kûya kûya

Kûrbisflasche kûirnâ

Streichholz aria vid aria hid

Mandiocamehl, F. d'agua ni ui sësë

» F. secca mangarât

Mandiocafladen man

Tapioka maniai maniai kèr'èi

Kaschiri kasiri mahi

Schnaps kàwi

Feuerfâcher mëmbi

Flôte kariwâ

Mann ihainyâ ihainyâ in (= die

Mànner)

Frau onyanyâ onyanyâ in {= Weibervolk)

Weibervolk)

mein Gatte uheaylô uheaytô

meine Gattin uyvari uyvari

mein Sohn cf uharu uhekurum-ï

» 9 uymenbid mimi hin

meine Tochter cf pihhi idiakiéd

» 9 uymembid pinhin

mein altérer Brader uheikeéd uheiked

uykiwid uykiwid

mein jungerer Brader cf uheikenhid uheiwid

» 9 uykiwid hid uykiwid hin

meine Schwester 9 uykipiid

meine altère Schw. cf uhenid uheinid

meine jùngere Schw. cf pinhin

mein Grossvater asëi

meine Grossmutter ari

mein Vater pâpay

sein Vater iwod iwod

meine Mutter mamâi

deine Mutter ëti

seine Mutter it[

mein mùtterl. Oheim hamù hamé

meine Tante titia (p.) iliwiid

mein Schwiegervater hamumbod hamumbôd

meine Schwiegermutter uhakidopôd uhakidù


ZUR SPRACIIE DER MAL'É-INDIANER 135

Greis * nyâ ahayvoria, asei

Greisin nyâ hari

Hauptling lu'sàu morekwad

Christ kristâo (p.) ahiâpôduria, karaiwâ

Neger tapây tapanyûna

wilder Indianer paritin paritin

Leute mîd mld in

Indianersprache tapiiya ria

Leiche ikurorokâd mot

Totenseele ahiân hehô

Schatten uypaâù ipaâû

Name uhéd

Krankheit ahû iahâ

Heilmittel mohân

Zauberer payni pàyni

Zigarre suhû

Haut ipé ipé

Schweif uaypô huaypô

Affe hanuân hanuân

Brûllaffe awiki awiki

Yaguar awiato tin awiato lin

Puma awiato hub awiato hub

Hund awaré awaré

Reh ///

grosses Wildschwein hamau watô hamaud watô

kleines Wildschwein hamau hïti hamaud sin

Tapir wë watô

Capivâra kapivâra wëre

Paca pâi pâi .

Aguti akuri akuri

Fledermaus haki hàkii

grosser Ameisenbar himpâ huna watô

kleiner Ameisenbar ariukeré wëhihid amanuai

grosses Faultier ariukeré watô ariukeré

Gùrteltier sahù sahii

Vogel weitâ

Flùgel ipepô ipeposâb

Ei hupiâ hupiâ


136 SOCIÉTÉ DES AMÉK1CANISTES DE PARIS

Feder hab hab

Falke hiwi hiwi

Harpye hiwi watô hiwi watô

Aasgeier uruvû urupû

Koenigsgeier uruvu yin uruvu apôrï

roter Arâra hanbn hanôn

gelber Arâra karû karû

Papagai ahûd

kleiner Papagai hiii

Mutum fava viavû

Mutum pinima miiùâà

Jacû miohôni miyûmbod

Huhn waypakâ waypakâ

Wildente ipeg

Schlange moi moi

Sucurijû sukuriyû sukuriyû

Giboya moi atô mongawaib

Jararâca moi pôrô moi pôrô

Krokodil yakaré wasb

Tejû anehà anëhû

grosse Flussschildkrote wawori watô amid

Landschildkrôte wawori wawori

Fisch pirâ

Piranha pirànya

Stechrochen arraia (p.) yawewira

Sorubim surubi surupl

Sarapô urewô

Yatauarâna pirayi pirahyîn

■ Floh inyù nyûtï

Laus Mb nib

Stechmùcke karapanâ wantiû

Pium upiû upiû

Biene awiâ

Honig êwid

Wespe nab nab

Spinne kïâ kïâ

Schmetterling morepéy morep'êy

Ameise sari sâri


ZUR SPRACHE DER MADÉ-INDIANER 137

Termite nupiâ nupiâ

Tausendfuss muh'id mukâd

Regenwurm tsivi'd sivui

Baum aria ib aria ib •

Wald naapi ianâmtô

Blatt ihôb upib

Blute ipohid

Frucht iapiib

grùne Frucht ia kid iivâ

reife Frucht ia là ia tan

Castanheira weinyâ ib wëinyâ

Wurzel aria ib sapô, hapo

Rinde iipé aria ipé

Assahy wasai

Bacaba haivuhui hawibiti

Pfeilrohr uvâ uwâ

Bambû kariwâ kariwâ

Timbô ukii ykû

Mais awali awali

Batate uriiirû

Carâ aivaiâ

Mandioka maniôg

susse Mandioka manséi

Bohnen kumanâ

Baumwolle amokiusuab amongisuâb

Pfeffer mose mose

Urucû wakàb wâkàb

Tabak subit sijhit

eins wëtub

zwei iîpid

drei maeim

vier tïpivëvôâ

fùnf wëtub kaviad, morânya

sechs kokâviad maitiâ

sieben mohâhab

acht mopiasëd

neun maewariwi âtupiad '

zehn maewariwi

viel ipoili


138 SOCIÉTÉ DES AMÉIUCAN1STES DE PARIS

weiss ikiàsin

schwarz hûn

dunkel iipirib

rot iht'tb

gelb ikàï

blau ibiriib

kalt naâg naâg

warm ■ hakûb hakûb

gross iwalô iwatô

hoch nwayli uwayti (= dort oben)

klein kurin

niedrig iyph' iyph'

gut ivaku wâku

taugt nichts enakui inbewakui

hûbsch ikahu ikâhu

hiisslich ipoytiy irikahu sesë

wenig tiypi kurïn

viel tiypiiy ibôiti bôiti

dick ikid ikàbi

mager ikanmôdë ikanmôdi

ait ipbdë

jung ipakûb ipakûbtë

nass iapùg iapùg

trocken indu inân

krank iabû iahû

tôt ikttrorokâd

gestern naadpô naadpô

morgen monkitë moûkité

heute koytûy mësù

jetzt mësuû koytui

hier meyâmpe meyu

dort meycmpe kuïpë

nahe idpiai idpiai

fera piâ piâ poite

redits uypo sesë hampigpaepô

links morân eporân

ja âré bel


ZUR SPRACIIE DER MAUÉ-1NDIANER 139

nein irani id, irân

auf dem Stein no toté no toté

in der Kiste caixâo me caixâo me

unter dem Stein no opiypé

geh nach Hause! mutoro netâb kapé

schneide mit dem Messer ! etiteglô Usé wo

in dem Haus netâ we tielâ we

in dem Boot tara pe iâra pe

ich uitô uitô

du en

er menyewad mil

wir aitô aitô

ihr eipë

sie menyewad mit

wir sind Indianer ' aitô tapiiya

wir sind Menschen mid in aitô

ist mein uywad uyâd

st dein ëwad

ist sein iwad iwad

ist unser ahuad aiwad

ist euer eiwàd eiwad

ist ihr iwad

fur mich uywanô

fur dich ëwanô

dieser menyewad minyewad (= jenes)

jener menyé

ich esse arenùg

ich habe schon gegessen arenùg taankûi

iss ! erenûg to

iss nicht! eretuuteiô

lasst uns essen ! heno atenug

essen miû

Esser ienugpoytihad

ich habe einen Tapir getôtet

getôtet we wato

tôte ihn ! etiaukâ ro

tôte ihn nicht ! eretiaukâ teyô

Ort des Tôtens atiaukahdb

Tôter iaukahâd


140 SOCIÉTÉ DES AMÉR1CANISTES DE PAKIS

komm ! eriôd

komm nicht ! eierioreyô

er ist schon gekommen furankwé

ich mâche dass er isst atoinainug arù

schnei.de ! etitegto

geh ! muté

lasst uns gehen ! toyrô

ich schlafe areked

er schlàft tokeré

er schlàft nicht itoked i

schlafe ! erekêro

schlafe nicht ! iderekéreyo

ich mâche dass er schlàft aatomohd arû

Schlafplatz eniandâb

ich sitze ara apig té

setze dich ! erapig

rudere ! ereapukuy rô

Ruderer veapukuyhdd

gieb mir ' eterûd

ich gebe dier atumarû épe

bring Wasser ! eherûd ii

er bringt toderud arû

gieb him etûm no

er ist gestorben ikurô, ikuroro an


LES RAPPORTS

ENTRE

L'ART, LA RELIGION ET LA MAGIE

CHEZ LES INDIENS GUNA ET CHOCÔ 1,

PAR ERLAND NORDENSKIÔLD.

Les Indiens Cuna et Chocô vivent dans l'isthme de Panama et sur la partie la plus septentrionale du continent sudaméricain. Je les ai visités en 1927 en compagnie de ma femme, de M. Linné et de mon fils. Nous avions à notre disposition pour voyager un bateau à moteur avec lequel nous navigâmes d'abord le long de la côte du Pacifique de l'isthme de Panama et ensuite le long de celle de l'Atlantique. Nous fîmes d'abord connaissance avec les Indiens Chocô qui habitent sur les rivières Sambû, Baudô et Docamparô, que nous remontâmes en canot. Quant aux Cuna, nous les avons rencontrés surtout dans les îles sur la côte de San Blas.

Les Indiens que l'on trouve dans l'isthme de Panama ne sont pas sans avoir subi l'influence des Blancs. Cependant ils ont conservé dans une très large mesure une civilisation originale digne d'être étudiée.

Je parlerai d'abord des Chocô. Ces Indiens, comme je viens de le dire, vivent principalement sur le versant du Pacifique de l'isthme de Panama. En règle générale ils n'habitent pas sur la côte. La plus grande partie des informations que j'ai pu recueillir sur leurs représentations, je les dois au vieux magicien Selimo Huacoriso qui nous a accompagnés pendant quatre mois principalement au cours de nos visites à ses frères de race.

Dans les mythes des Indiens de Chocô on parle de Dieu, dont le nom indigène est Acolé, comme du créateur des hommes et on le représente aussi comme un héros civilisateur. C'est lui par exemple qui sous la forme d'un poisson déroba le feu du caïman et c'est lui qui trouva l'eau dans l'arbre de vie. Dieu ne joue aucun rôle dans la vie journalière des

1. Conférence faite au Musée des Arts décoratifs de Paris.


142 SOCIÉTÉ DES AMÉRICANISTES DE PARIS

Indiens. Pour autant que je le sache, les Chocô ne lui demandent jamais rien et ne lui font aucune offrande. Ils ne parlent jamais d'un châtiment envoyé par Dieu, à l'exception toutefois de la loi rigoureuse qui interdit toute union entre parents du côté paternel. Dieu est offensé de ce qu'il se produit des alliances entre Nègres et Indiennes, bien qu'elles soient défendues. Dieu pense même détruire ce monde et en construire un nouveau, à ce que prétendait le magicien Selinïo. Les anciens Chocô ne disent jamais qu'à l'époque actuelle quelqu'un ait vu Dieu ou lui ait parlé. Ils ne s'en font aucune image.

Selon Selimo, l'homme a deux âmes. L'une monte au ciel après la mort et l'autre, « hauré », reste sur la terre. C'est lorsque cette dernière quitte le corps que l'homme meurt. Les Chocô croient aussi à un autre monde. Ce n'est pas un enfer pour les méchants, mais c'est là que ■ vivent d'autres êtres immortels que Dieu a formés avec du bois avant qu'il créât les Chocô. Ils ne jouent aucun rôle dans la vie de ces Indiens et ne présentent pour ainsi dire qu'un intérêt historique puisque c'est d'eux que les Chocô ont reçu le maïs.

Les âmes des hommes qui ont été bons pendant leur vie ne sont pas dangereuses et ne font guère qu'effrayer ceux qui les rencontrent la nuit. Par contre, celles des méchants se changent après la mort en mauvais esprits, « animâra ». Je ne sais si pour les Chocô tous les « animâra » ont été autrefois des hommes ; une chose est certaine c'est qu'il existe beaucoup d'animâra. Ce sont eux qui causent les maladies, du moins les maladies du pays.

A part les esprits inoffensifs qui ne font qu'effrayer la nuit et ceux qui répandent les maladies et la mort, il existe de bons esprits qui aident les hommes à combattre les mauvais, mais je ne saurais dire si ces derniers ont été à l'origine des hommes.

La lutte contre les mauvais esprits joue un rôle considérable dans la vie des Chocô. Si, parmi mes collections ethnographiques, je voulais choisir tout ce qui a rapport avec l'influence des « animâra » sur ces Indiens, il me faudrait prendre presque tous les objets qui présentent une ornementation ou une valeur artistique quelconque.

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L'ART, LA RELIGION ET LA MAG'.E CHEZ LES CUNA ET LES CHOCO 143

L'existence dé l'art et celle des mauvais esprits sont inséparables l'une de l'autre et ici c'est vraiment des conjurations contre les démons qu'est née l'oeuvre d'art.

Les Chocô ont la conviction curieuse qu'on peut guérir un malade, ou plus exactement quelqu'un qui est possédé par un « animâra», en peignant pour ainsi dire l'image du diable sur le mur. Par exemple, un Indien que Selimo voulait guérir par des chants et des incantations s'était peint sur

Fig. 2. — Hutte où l'homme-médecine soigne les malades, Chocô, rio Sambû (1/8).

le dos des démons à deux têtes. A cette même occasion, non seulement le malade, mais aussi la plupart de ceux qui assistaient à la cérémonie étaient couverts de peintures réellement assez artistiques.

On décore également un grand nombre d'objets qui, pendant la conjuration, sont suspendus dans la hutte de l'homme-médecine. On retrouve aussi ces ornements à la fois à l'intérieur et à l'extérieur des parois de la hutte en miniature où repose le malade pendant qu'on le guérit. Cette petite hutte qui se dresse à l'intérieur de la hutte sur pilotis est décorée


144 SOCIÉTÉ DES AMÉRICANISTES DE PARIS

de fleurs et de feuilles de palmier et tout autour sont suspendues des planchettes de bois dont les unes sont ovales, les autres en forme de croix, d'autres encore affectant la forme d'un visage humain souvent extrêmement stylisé. Tantôt ce n'est que la bouche, tantôt seulement le nez et la bouche qui sont indiqués. Quant à l'oeil, il n'est guère représenté que par l'ombre qui tombe du front fortement proéminent. Il est curieux qu'on n'ait jamais songé à peindre les yeux tandis que toutes les peintures du corps et du visage sont reproduites avec soin. Quelquefois ce sont des démons qui sont peints sur ces poteaux dont les plus grandes sont fixées aux piliers de la hutte. La fig. 1 représente un « animâra » à deux têtes qui tire une grande langue rouge et sur lequel sont peints d'autres « animâra ». En plusieurs cas, les deux têtes sont à la même extrémité, mais regardant dans des directions opposées.

La hutte où l'homme-médecine soigne les adultes ou les enfants d'un certain âge (fig. 2) est peinte d'ornements qui ressemblent à des fleurs, mais je crois que cette ressemblance n'est qu'accidentelle.

Lorsque c'est un enfant en bas âge qu'il s'agit de guérir, on dresse une hutte conique qui est construite de telle manière que l'enfant ne puisse pas se sauver pendant la cérémonie. C'est cette même petite cage que l'on emploie le jour du baptême, c'est-à-dire lorsque l'homme-médecine, par des chants et des incantations, procure à l'enfant un protecteur contre les animâra et lui remet une.poupée de bois dans laquelle habite cet esprit bienveillant. Du reste le petit Indien traite dans ses jeux cette poupée, qui est pourtant décorée de la même manière que les objets servant aux cérémonies religieuses, sans plus de respect que nos enfants les leurs.

Dans toutes les incantations, la bière de maïs joue un grand rôle. Lorsqu'on broie le maïs pour la préparation de la bière rituelle, le bâton contre lequel repose la pierre à broyer doit être ornementé et affecter la forme d'un animal, tandis que celui que l'on emploie tous les jours est sans décoration. L'alligator que représente la fig. 3, ou plus exactement le démon de l'alligator, sert de support à un petit mortier de pierre.

Les Chocô gardent la bière de maïs pour les incantations dans de beaux vases. Ce n'est qu'en de telles occasions qu'on sort les urnes anthropomorphes ou les calebasses ornées de crabes, de scorpions ou d'autr.es animaux dont quelques-uns sont vraiment bien reproduits. Je donne comme exemple la reproduction d'une de ces calebasses où est représenté un cerf qui détourne la tête (fig. 4). Pour l'usage quotidien, on se sert de vases d'argile et de calebasses non décorés ou à peine. C'est la première fois qu'une céramique vraiment artistique a été trouvée chez les Indiens vivant actuellement dans le nord-ouest de l'Amérique du Sud et le Sud


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de l'Amérique Centrale, régions dont l'archéologie est pourtant riche en belle céramique provenant de-; cimetières. Les Chocô emploient, lors de leurs cérémonies religieuses, des vases dont plusieurs types nous sont connus uniquement par des fouilles archéologiques, ainsi les urnes anthropomorphes, les vases en forme de sabot, le « paccha » etc. Ces derniers sont des vases où l'on boit par un petit tuyau pratiqué dans le fond ; ce sont des vases à surprise, comme ceux dont on se sert pour jouer des farces.

Pour les cérémonies rituelles, les hommes-médecine emploient des bâtons taillés dans un beau bois et sculptés de figures humaines d'une façon souvent assez naturaliste. Les yeux ne sont pas davantage indiqués que sur les planchettes suspendues autour de la hutte des malades. C'est dans ces bâtons que résident les bons' esprits, « hayhuava », qui aident l'homme-médecine à chasser les démons. Les sorciers les reçoivent après s'être initiés à. leur art et les gardent pendant toute leur vie. C'est pourquoi il est très difficile de s'en procurer, car s'ils les vendent, ils se défont non seulement du bâton mais aussi de l'esprit protecteur. Les huttes en miniature et les figures de bois peintes ou sculptées qui -sont suspendues tout autour sont taillées dans un bois extrêmement tendre et léger, le « palo balsa ». Après avoir joué leur rôle dans une cérémonie religieuse, ces objets sont dénués de toute valeur, car ils ne doivent être utilisés qu'une seule fois.

En fait de meubles, on ne voit dans les huttes de ces Indiens que de petits escabeaux. Ceux-ci aussi ne semblent présenter d'ornementation que lorsque l'hommemédecine ou ses disciples s'en servent. Lorsque Selimo s'initiait à la sorcellerie, il reçut un escabeau sur lequel il devait s'asseoir pendant que son maître chantait. Selimo l'avait fait lui-même et les femmes y avaient tracé des ornements semblables à ceux qu'on trouve sur les autres objets rituels.

J'ai dit tout à l'heure que c'est particulièrement à

l'occasion des cérémonies que les Chocô se peignent.

Les jeunes gens portent aussi alors de grands ornements

d'argent dans les oreilles ainsi que des bracelets d'argent

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aux bras et aux chevilles. On leur voit plus rarement un petit ornement d'argent pendant du nez sur la lèvre inférieure. Ils ont aussi des quantités de colliers et de ceintures en verroterie. Ce n'est que dans les cérémonies de conjuration qu'ils portent des couronnes tressées avec des

Fig. 4. — Calebasse ornée de toutes sortes d'animaux, Choco, rio Sambu (1/2).

pointes en bois peint. Les femmes s'en parent aussi, quoiqu'en général en de telles occasions elles aient beaucoup moins d'ornements que les hommes. Par contre, elles se peignent de la même manière et avec autant de soin qu'eux.

On voit parfois des tissus d'écorce peints, mais seulement pour être


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employés lors des cérémonies conjuratoires. Ils sont étendus sous le malade dans la hutte où on le soigne.

Les seuls objets ornementés, dont ces Indiens se servent dans la vie quotidienne, sont des paniers, dont plusieurs sont tressés avec art. L'ornementation simple et linéaire, que l'on voit sur ces paniers et qui apparaît automatiquement du fait même de la technique du tressage, n'est que fort rarement reproduite sur d'autres objets.

L'industrie artistique des Indiens est aux mains des hommes et des femmes à la fois. Les hommes seuls font le travail du bois. La décoration des huttes en miniature et des planchettes qu'on suspend autour est l'affaire des deux sexes, tandis que seules les femmes s'occupent de la céramique et du tressage des paniers. Un nombre restreint de vieilles femmes fabriquent les vases que les échanges commerciaux dispersent ensuite au loin. Les nègres et les mulâtres eux-mêmes, qui n'ont aucune industrie propre, se servent aussi de vases fabriqués par les Indiennes.

Tous ces faits que je viens de rapporter nous prouvent combien sont étroits les rapports qui unissent l'art industriel et l'ornementique des Chocô à leurs cérémonies de conjuration. A supposer que celles-ci disparaissent, ce serait la fin de l'art chocô, car ces Indiens ne semblent pas ressentir beaucoup le désir d'orner de quelque manière que ce soit les objets dont ils se servent tous les jours.

Je vais parler maintenant de l'art et de la religion de l'autre grande tribu indienne que nous avons visitée dans l'isthme de Panama. Quoique cette tribu soit plus développée que celle des Chocô, nous allons y trouver des conditions à peu près identiques.

Les Cuna vivent sur la côte de l'Atlantique. C'est une tribu assez curieuse à bien des égards, qui au xvmc siècle a entretenu des relations avec les Français. En effet, des huguenots mariés avec des Indiennes Cuna vivaient alors parmi eux. Malgré les rapports que les Cuna ont entretenus avec les Blancs, ils ont conservé en bonne partie leurs anciens mythes et leur religion d'autrefois.

Ils ont toujours défendu leur indépendance avec succès. En 1925 encore, une grande fraction de ces Indiens s'est révoltée pour la dernière fois et a fondé la république indépendante de Tule dont le président actuel est El Néle. Il est fort difficile de définir ce que représente vraiment Néle. Il est à la fois grand prêtre, historiographe et prophète. Néle, qui est un homme fort remarquable, a deux secrétaires qui savent l'espagnol et auxquels il a dicté l'histoire de sa tribu. J'ai été assez heureux pour obtenir la permission de copier ce précieux document. J'ai aussi trouvé chez les Cuna une masse d'autres documents rédigés sur-


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tout en pictographies mais aussi parfois en cuna avec des lettres latines. J'ai pu m'en procurer un assez grand nombre, une trentaine environ. Je voudrais pourtant faire remarquer que presque tous les documents de cet ordre que je possède n'ont pas été écrits sur ma demande mais se trouvaient déjà dans la tribu avant mon arrivée. Pour compléter les informations contenues dans ces documents cuna, je me suis adressé à Néle et à un homme-médecine ordinaire qui m'ont dicté des renseignements.

C'est avec l'aide de ce matériel que je vais tâcher de donner une idée de la représentation que se font du monde les Cuna.

D'après ce que m'a raconté Néle, un grand héros civilisateur, Ibeôrgun, vivait, il y a 800 ans, parmi eux et c'est lui qui leur a appris qu'il existe un être supérieur qui est le roi du monde. Ibeôrgun leur a enseigné que Dieu a créé le monde, les plantes, les animaux, les poissons, le ciel, les montagnes et les étoiles. Lors de la création, la terre n'était pas plus grande qu'une balle, mais elle s'accrut lentement. A l'origine, d'autres animaux y vivaient, mais ils rentrèrent dans la terre où leurs restes demeurent. C'est ce que firent aussi les arbres que nous y retrouvons maintenant à l'état de charbon. Les hommes alors n'existaient pas. Lesanimaux de cette époque reculée étaient très forts et vivaient pendant des siècles. Lorsqu'ils rentrèrent dans la terre, celle-ci devint très dure, et ensuite Dieu créa les arbres actuels, mais qui ne sont pas aussi forts que ceux de ce temps-là. Il créa alors aussi de nouveaux animaux, comme le jaguar, le puma, les poissons, mais ces animaux n'ont pas non plus la force de ceux d'autrefois.

Puis Dieu créa l'homme, Olopiliviléle, et la femme. Il ne voulut pas le créer avec la paume de sa main, car la main frappe, ni avec la plante de son pied, car le pied donne des coups, c'est pourquoi il le créa avec son coeur.

Dans les récits des Cuna, c'est Dieu qui a tout créé, qui sait tout et qui punit les pécheurs. Dieu a donc créé, et ensuite les héros civilisateurs ont montré à l'homme comment il doit se servir de la création, sans jamais avoir rien fait de nouveau, ce que Dieu seul peut. Les héros civilisateurs ont donc vécu autrefois, puis ont disparu, mais on ne nous dit jamais qu'ils existent encore et qu'ils continuent à exercer une influence sur la vie des hommes. Ils ont rempli leur tâche et appartiennent maintenant à l'histoire, tandis que Dieu existe toujours et continue à punir les pécheurs. Les héros civilisateurs ont introduit chez les hommes de nouvelles habitudes, ils leur ont donné de nouveaux mots, enrichissant ainsi leur langue, mais ce ne sont pas eux qui leur ont appris à parler. Les premiers héros civilisateurs, qu'on appelle Néle, sont descendus du ciel où ils n'avaient ni père ni mère. D'autres sont nés ici-bas sur la terre.


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Ibeléleoléle, qui vivait au ciel, est celui qui a découvert le remède contre les états de faiblesse. Un autre Néle descendu du ciel, Ibelélekâlikiapâléle, a trouvé que la pneumonie était causée par l'iguane. C'est à Ibeléletûmiskua que revient le. mérite d'avoir découvert les remèdes qui facilitent les accouchements. On attribue à un autre Néle la science de la céramique. Enumérons encore ceux qui ont trouvé les remèdes contre le rhumatisme, la colique, les morsures des serpents, etc.

Mais le plus grand de tous ces héros civilisateurs est Ibeôrgun qui des. cendit du ciel sur une barre d'or. C'est lui, comme je l'ai déjà dit, qui enseigna aux hommes qu'il existe un être supérieur. Il leur apprit aussi à se servir de l'or et c'est lui qui est l'inventeur de la pictographie. Il montra également aux hommes — c'est-à-dire aux Cuna — comment ils doivent se saluer. Il leur enseigna enfin les mots qui désignent les diverses relations de parenté, domaine dans lequel les langues indiennes sont riches.

Ibeôrgun remit en honneur la coutume de boire de Yinna, la bière de maïs, qu'Ibéléle avait introduite. C'est encore de lui que proviennent les cérémonies extrêmement compliquées que les jeunes filles doivent observer lorsqu'elles deviennent pubères et dont Néle a dicté une description détaillée à son secrétaire.

Je passe maintenant aux représentations que les Cuna se font des maladies et aux démons qui sont à l'origine de tout mal dans ce monde. Nous allons voir qu'ici aussi l'art et l'ornementique indiennes sont en rapports étroits avec les cérémonies conjuratoires.

J'ai déjà parlé de Néle, le président de la république de Tule, qui est en même temps une sorte d'historiographe. C'est aussi un grand médecin qui ne s'occupe pas du traitement des malades, mais qui se contente d'établir le diagnostic.

Les hommes-médecine proprement dits, qui vont cueillir les herbes, qui recherchent les âmes dérobées par les démons, etc., sont nommés Inatulédi. A l'heure actuelle, il n'y a qu'un Néle, mais plusieurs Inatulédi. La différence essentielle consiste Jen ceci que c'est la naissance qui confère le titre de Néle, tandis que chacun peut prétendre à celui d'Inatulédi s'il s'y est préparé. Les Néles et les Inatulédis sont en règle générale des hommes, mais ces charges peuvent être aussi remplies par des femmes.

Il existe encore une autre catégorie d'hommes-médecine, qu'on nomme Absogéti, et qui ont pour tâche de chasser par des chants et d'autres conjurations les épidémies de petite vérole, de rougeole, etc.

Comme beaucoup d'autres Indiens, les Cuna croient que les maladies sont causées par de mauvais esprits. Tandis que les Chocô parlent d'esprits d'une manière générale, les Cuna les divisent en plusieurs catégo-


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ries. Par exemple, lorsqu'une femme va accoucher, elle est en butte aux attaques de plusieurs espèces de mauvais esprits. C'est ce que nous appellerions les différents dangers de l'accouchement. Ces mauvais esprits qui cherchent à empêcher la naissance sont le démon du chien, le démon du serpent, le démon de l'étoile de mer, le démon du serpent de mer, celui de la tortue de mer, celui de l'alligator et celui du homard. C'est ce dernier qui est à l'oeuvre lorsqu'un enfant se présente par les pieds.

Un très grand groupe de maladies ou de mauvais esprits est formé par ceux qui sont rouges. Ils ont recule nom commun de « Pônikiniti », et je citerai parmi ceux-ci les hémorragies, les saignements de nez, les rêves où apparaissent des diables vêtus de rouge, etc. Beaucoup de= maladies appartiennent au groupe de maladies des serpents et parmi cellesci, beaucoup ne sont pas causées par des morsures de reptiles, mais par les démons des serpents.

Les démons des maladies se trouvent partout, dans les huit étages qui composent la terre. Ils se trouvent dans les vents et voyagent comme passagers sur les bateaux de la lune et du soleil. Le bateau du soleil tourne autour de la terre. Le matin, il fait halte un instant pour embarquer les passagers, c'est-à-dire les démons des maladies. Autour de la sphère solaire est enroulé un grand serpent. Parmi les passagers, on mentionne ledémon des singes, le démon noir, les démons rouges et bien d'autres. A l'avant du bateau, se tient un coq et c'est à son appel matinal que tous les coqs de la terre répondent.

La lune, qui voyage elle aussi dans un grand canot, a été autrefois, comme le soleil et les étoiles, une créature humaine. Les planètes, Vénus (« pûgsu ») entre autres, sont ses enfants. Sur le bateau lunaire, ce sont les maladies de la nuit qui s'embarquent comme passagers. Le pilote est « Chitchipniatûmadi », ce qui signifie le grand diable de la nuit. Parmi les voyageurs se trouve le chien noir. Lorsqu'il dévore la lune, il se produit une éclipse. Pendant ce phénomène, seuls les Indiens blancs peuvent rester dehors et tirer contre la luné de petites flèches pour effrayer le chien noir. En effet, une forte proportion d'albinos existe parmi les Cuna. On les a déjà signalés dans cette contrée au commencement du xvn° siècle et de nos jours ils ont fourni de nombreux articles aux journaux amateurs de nouvelles à sensation. On trouve aussi sur le bateau lunaire « Chichipâchudûvalet », qui est à moitié chien et à moitié femme. Lorsque quelqu'un divague ou veut se jeter dans la mer, c'est qu'il est possédé par ce démon. Et si l'on rêve d'un diable noir ailé, c'est un des passagers du bateau lunaire qui vous apparaît. Je ne sais d'où les Cuna ont reçu cette conception des bateaux de la lune et du soleil. Dans le nouveau monde, ils semblent être les seuls à l'avoir.


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Dans les chants de ces Indiens, il est surtout question de maladies. C'est avec un chant qu'on ramène l'âme que les mauvais esprits ont dérobée. C'est en chantant que l'homme-médecine recherche l'âme perdue

dans les huit différentes couches de la terre où habitent les mauvais esprits. Les esprits protecteurs, car il y en a aussi, aident le sorcier à ramener l'âme dérobée du malade. Ils sont souvent représentés sous une figure humaine, mais à mon avis, c'est surtout l'espèce de bois dans lequel ils sont taillés qui est significative, car cela veut dire que l'esprit protecteur se trouve dans un certain morceau de bois. Le fait qu'on lui ait donné ensuite la forme d'un homme n'a guère qu'une valeur décorative.

Les Cuna représentent l'homme d'une manière plus naturaliste que les Chocô. Leurs figures sont sculptées avec plus d'individualité et plusieurs d'entre elles semblent être les portraits de certaines personnes dont quelquesunes ont dû vivre il y a longtemps, comme on peut s'en rendre compte d'après le costume (fig. 5). En règle générale, ici aussi les yeux sont rarement peints et ne sont indiqués que par l'ombre qui tombe du front fortement proéminent. Parmi les accessoires de l'homme-médecine, [on trouve aussi des bâtons sculptés, mais je ne sais pas grand'- chose sur ces objets.

Les « acualélegâna » sont très importants. Voici ce qu'écrit sur eux un Indien en manière de commentaires pour les pictographies : « Les « Acualélegâna » sont une sorte de pierres qu'on trouve dans le lit des grands fleuves. Elles sont fort dures et lisses. Quand un non-initié brise une de ces pierres, il tombe malade et meurt s'il ne reçoit aucun

secours. Les Cuna s'en servent pour faire tomber la fièvre. Ces pierres ont une vie propre, comme les animaux, et toutes les autres pierres ne valent rien ». Le courant le plus fort ne peut pas déplacer une de ces pierres, bien qu'elles soient souvent plus petites que le poing. Un InatuFig.

InatuFig. — Figurine sculptée en bois par les Indiens Cuna (1/2).


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lédi me l'expliqua de la manière suivante : il plaça un Acualéle sur le sol et dessina tout autour des cercles concentriques. J'ai reçu d'un hommemédecine une de ces pierres qui renfermait encore son esprit protecteur lorsque j'étais chez les Cuna, mais je ne saurais dire s'il m'a suivi en Suède. L'homme-médecine m'a recommandé de bien surveiller pour qu'il ne se sauve pas.

A l'aide des Acualélegâna et des incantations 1, on ramène de l'autre monde les âmes dérobées par les démons, redonnant ainsi la santé au malade. Lorsque règne chez les Cuna une épidémie, comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire, un Absogéti place tout autour de la hutte des centaines de figures de bois, c'est-à-dire d'esprits protecteurs.

Ce sont des rapports extrêmement étroits qui unissent ces conjurations de maladies des Cuna et leurs pictographies. J'ai pu réunir chez ces Indiens un nombre très considérable de ces pictographies. Elles sont tracées sur du papier que les Cuna ont reçu des Blancs. En général, ils emploient des carnets de notes ou de comptes, mais aussi tout ce qui leur tombe sous la main. Dans quelques cas exceptionnels, on écrit sur des planchettes de bois, et d'après les dires des Cuna, ce serait là la matière originale. Une de ces planches avec les habitations des démons bien tracées en creux compte parmi les objets les plus précieux de notre collection. Les planchettes sculptées de pictographies sont destinées à être suspendues dans la hutte aux jours de fête. Le fait que le bois est la matière primitive, sur laquelle on traçait autrefois les pictographies, nous prouve bien que cette écriture est originale et n'est pas née sous l'influence des Blancs.

Ces manuscrits contiennent surtout des conjurations et des chants dont les hommes-médecine se servent pour guérir les malades, lorsqu'ils rassemblent des plantes dans les forêts, pour chasser les épidémies, pour instruire leurs jeunes disciples et enfin lors des enterrements.

Chaque homme-médecine à son propre système qu'il est le seul à pouA'oir enseigner à ses élèves. Et pourtant il règne une telle ressemblance dans les écrits des différents hommes-médecine que tout Indien qui sait déchiffrer les pictographies peut en comprendre à peu près le contenu. Certains signes ont toujours la même signification, ainsi celui du fleuve, de l'encensoir, ceux qui désignent les résidences de certains démons, etc. Mais il n'y a pas beaucoup d'Indiens qui puissent lire ces pictographies, et pas même tous les hommes-médecine.

Une pictographie indienne, qui sert d'aide-mémoire pendant une céré1.

céré1. (Erlaïul). Comparative ethnographical Sludies, vol. VII, part 1, Gôteborg, 1928.


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monie conjuratoire, n'en contient pas tout le texte, mais seulement les représentations des principaux mots. Lisons par exemple celle-ci (fig. 6),

Fig. 6. — Pictographie Cuna.

en haut, de droite à gauche, nous voyons : fleuve, Dieu, maison, puis les noms des trois pierres magiques, ensuite les noms des cinq médecines,


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etc. Lorsque l'Indien chante en se servant de cette pictographie, il dit à peu près ceci : là où les fleuves s'écoulent, Dieu a placé pour ton bien une maison (pour les bons esprits), puis vient rémunération des pierres magiques et des médecines, etc. La pictographie ne donne que l'essentiel de la conjuration que la mémoire doit compléter. Le tout décrit comment l'âme, dérobée parles démons dans l'autre monde, est ramenée chez elle. Bien que la pictographie ne contienne pas toute l'incantation, .elle est pourtant d'une grande aide pour la mémoire.

Une bonne partie des manuscrits contient des reproductions des plantes médicinales. Les Cuna sont convaincus que toutes les plantes ont une valeur médicale, il n'y a qu'à savoir les employer à propos. Ces plantes sont souvent dessiirées avec tant d'exactitude que même un étranger peut les reconnaître. Pour un Indien qui vit très près de la nature, ce doit être encore plus facile. Les arbres sont parfois stylisés avec art.

Les pictographies sont souvent polychromes, ce qui est particulièrement important lorsqu'il s'agit de plantes, car la teinte des plantes dessinées permet de les identifier sans difficulté. Les couleurs, dont les Cuna se servent pour peindre ces figures, proviennent actuellement des Blancs. Autrefois on employait des couleurs indigènes, telles que le roueou, le génipa, etc. Comme dans les manuscrits mexicains, les contours des figures sont souvent tracés en noir et ensuite l'intérieur est peint. Il est aussi fort probable que la couleur en elle-même a pour les Cuna une signification magique, comme nous pouvons le voir dans leur histoire de la création où il est question d'âmes bleues, jaunes ou rouges.

Dans ces pictographies, il est de petits détails qui ont leur importance. Un point jaune sur l'image d'un démon de maladie signifie que cette maladie marche sur la voie du soleil ; et si, à côté, on a dessiné un petit bateau, cela veut dire que le démon de la maladie est passager sur le bateau solaire ; ou si quatre petits traits surmontent une figure, il est question d'un démon qui habite dans le quatrième des huit étages qui forment la terre.

J'ai parlé des reproductions des plantes médicinales. Quant aux animaux ils représentent en général des démons. Ce sont souvent des serpents qui jouent un grand rôle dans ces conjurations. Mais on voit aussi des alligators, des grenouilles, des poissons, des scorpions, des écrevisses et des fourmis venimeuses. Parmi les oiseaux, on représente surtout ceux qui attrapent des serpents. On voit aussi des mammifères, mais ils sont en général plus mal dessinés que les oiseaux, les poissons ou les insectes.

Très fréquentes sont les figures d'hommes qui représentent la plupart du temps des démons. Dans ces pictographies, ils sont dessinés d'une


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manière très schématique. A part ces figures relativement petites, on trouve dans plusieurs manuscrits des images d'hommes dessinées sur une grande échelle et souvent deux par deux. Ces hommes sont vêtus de chemises, de pantalons et d'habits et portent parfois aussi un manteau. Sur la tête, ils ont souvent un ornement de plumes. Les Indiens m'ont assuré que ces figures ne faisaient pas partie de l'écriture. « Elles correspondent aux vignettes de vos livres », m'a dit l'un d'eux qui avait été à Panama.

Ces pictographies^avec les commentaires à l'appui, nous aident à comprendre comment les Indiens se représentent les maladies. J'ai déjà parlé des maladies sur le bateau du soleil et des démons qui habitent dans les huit étages de la terre. Les chiffres magiques des pictographies cuna sont 4 et 8. Le premier rappelle peut-être les quatre points cardinaux, mais quelle est l'origine du second ? J'ai une pictographie où il n'est question que de 8. Tout ceci ne peut être élucidé que si l'on compare les représentations des Cuna avec ce que nous savons des peuples de l'Amérique centrale et méridionale, mais il m'est impossible de le faire ici.

Je passe maintenant aux croyances des Cuna sur le royaume des morts. Dans ce domaine aussi, nous allons retrouver les pictographies.

Lorsqu'un Cuna est mort, on dépose auprès de lui dans son hamac quatre bâtons ornés de plumes jaunes. Ceux-ci renferment les bons esprits qui doivent l'accompagner dans le royaume des morts. Le défunt est conduit en canot au lieu de l'enterrement et pendant le trajet il est escorté d'un chanteur qui raconte tout ce qui l'attend au cours de son voyage dans l'autre monde, et cela avec une pictog-raphie comme aide-mémoire pendant le chant. Alors les bons esprits, nommés Mâsartûle, s'emparent de l'âme du mort. Quant au corps, il est resté dans la tombe.

Ils arrivent d'abord vers le fleuve Oloùbigûndiguar. Là tous les morts sont arrêtés et doivent se procurer un canot pour pouvoir continuer leur voyage. Il y en a là de toutes sortes, pour les hommes bons, pour les hommes-médecine, pour les Néles, pour les Cantûle qui chantent pendant les fêtes, et aussi pour les méchants. Le passage des hommes bons se fait rapidement dans un excellent canot. Ils arrivent ensuite à une forêt où le sable, les pierres, les arbres et leurs fruits sont en or. Les bons passent sur la rive droite du fleuve et les méchants sur la gauche. Les arbres et les pierres de la rive gauche sont en argent.

Ce fleuve est le père et la source de tous les autres fleuves. Le défunt en continuant son voyage arrive à plusieurs villages, Les habitants crient : « Tu t'en vas? » et le défunt répond : « Je m'en vais ». Il arrive alors en un endroit nommé «Tobin ». C'est là qu'est le grand réservoir d'eau du


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monde. Son propriétaire s'appelle Olohuigipipiléle. Quatre femmes veillent sur le réservoir et là on rencontre tous les chefs imaginables, comme les chefs des pigeons, ceux des tapirs et des pécaris. On trouve là aussi des chefs Cuna.

Ainsi débute le récit du voyage à travers le royaume des morts qui est beaucoup trop long pour que je le raconte ici en entier.

Un domaine où l'ornementique cuna est fort riche, c'est celui du vêtement féminin. Je suppose que là aussi il existe des relations avec les démons, mais on ne m'a rien dit à ce sujet. A l'heure actuelle, les femmes cuna s'entourent les reins d'une étoffe et portent en outre une blouse courte où l'on remarque des motifs d'application fort intéressants et souvent extrêmement décoratifs. D'où ont-ils reçu cette technique qui semble être moderne chez eux ? Je ne le sais, mais en tout cas les motifs sont anciens et ont dû être peints autrefois. Je ne sais'pas davantage à quelles conceptions se rattache cette ornementique, mais le fait qu'on la reproduit avec autant de conservatisme semble indiquer qu'elle a une signification magique. On m'a dit que l'un de ces motifs représentait des démons. Sur beaucoup d'autres, on voit des figures d'animaux qui peuvent ou ont pu être des démons.

Les objets que l'on emploie dans la vie de tous les jours ne sont presque pas décorés, si l'on excepte les motifs sur les paniers qui naissent pour ainsi dire mécaniquement du travail du tressage. Nous remarquons sur l'un de ces derniers une série de svasticas. Le même symbole occupe le centre du drapeau de la république de Tule, qui est peut-être l'inspiration d'un Américain, M. Marsh. Cet ornement n'apparaît jamais dans les pictographies, ce qui me donne à croire qu'il n'est pas indigène.

Mentionnons encore une série de figures d'argile assez grossières et d'autres en bois, dont quelques-unes sont sculptées avec habileté. Je les soupçonne aussi d'avoir à faire avec les cérémonies conjuratoires, mais sans en avoir de preuves certaines. Plusieurs des images d'animaux sont intéressantes, car, au contraire des figures humaines, elles ne sont pas stéréotypées, mais expriment un mouvement. Ainsi, par exemple, les animaux tournent la tête. Elles ne sont donc pas symétriques, ce qui est une chose fort rare pour le degré de civilisation qu'ont atteint les Cuna.

On voit combien sont intimes les relations qui unissent l'art des Chocô et des Cuna avec leurs conjurations de démons. Ici, l'oeuvre d'art n'a pas été inspirée par Dieu, les héros civilisateurs, les mythes et l'erotique, ou dans une très faible mesure. A part les exceptions que j'ai mentionnées du vêtement féminin et des paniers tressés, les objets d'usage quotidien sont à peine ornementés.


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Il nous est difficile de comprendre comment ces conjurations de démons ont inspiré aux Indiens une oeuvre artistique. Il faut nous contenter'de constater le fait et cela d'autant plus que nous avons ici à faire à des phénomènes extrêmement anciens, dont nous ne connaissons pas l'histoire et qui sont sûrement fort compliqués. II faut nous rappeler que les observations que nous avons faites chez les Cuna et les Chocô ne sont pas uniques dans leur genre. Dans beaucoup d'autres tribus indiennes, c'est aussi dans les cérémonies conjuratoires surtout qu'on emploie des objets ornementés. Et puis n'oublions pas non plus que les Chocô étaient autrefois entourés de voisins plus civilisés qu'eux, auxquels ils ont pu faire plusieurs emprunts.

Quant aux hommes-médecine auxquels sont confiés les conjurations, ils représentent la classe cultivée dans les sociétés indiennes, et ils tiennent beaucoup, pour renforcer leur situation sociale, à s'entourer d'un voile de mystère. Ils entreprennnent de grands voyages pour étendre leurs connaissances. Le vieux Selimo, qui a longtemps voyagé avec nous, avait une véritable passion de s'instruire. Quand il nous a quittés pour rentrer chez lui, il emportait toute une collection de curiosités sur lesquelles il comptait pour impressionner ses clients. Lorsqu'en sa compagnie nous visitions les Indiens Bogota qui vivent bien loin de sa patrie, je l'ai vu se donner une peine infinie pour étudier le plus possible leur science médicale. Il est donc bien naturel que ces hommes-médecines aient pu, au cours de leurs voyages et même dans le domaine artistique, acquérir de nouvelles connaissances, qui, à leur retour, ont trouvé leur application dans leur tribu.

Lorsque nous étudions les croyances des Chocô et des Cuna, il ne nous faut pas perdre de vue l'influence chrétienne. Leur concept de Dieu a été modifié au cours des siècles pendant lesquels ces Indiens ont subi le contact direct ou indirect des Blancs. Le concept des deux âmes dont l'une monte au ciel tandis que l'autre reste sur la terre peut avoir son origine dans le récit qu'ils ont entendu faire aux chrétiens des âmes des hommes bons qui vont au ciel. Leur croyance originelle a dû être que toutes les âmes des défunts demeurent sur la terre en tant que bons ou mauvais esprits.

Les figurines qu'on suspend autour de la hutte en miniature, dans laquelle l'homme-médecine traite son patient, sont nommées chez les Chocô « curûsu », ce qui vient évidemment du mot espagnol « cruz » c'est-à-dire croix. Quant aux poupées qui contiennent des esprits protecteurs, ils les appellent « curûsudyakô », ce qui signifie petite croix, preuve de l'influence chrétienne. Il est pourtant peu vraisemblable que les crucifix ou les images des saints, que les Indiens ont pu voir occa-


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sionnellement, leur aient servi de modèles. Il est plus probable que c'est la ressemblance des figures humaines stylisées avec une croix qui les a induits à les appeler « curûsu ». Je ne crois pas du tout que la sculpture de ces Indiens ait son origine dans une influence des chrétiens. L'art des Cuna et des Chocô est donc bien indien dans ses traits essentiels et plonge ses racines dans l'art précolombien. Il n'est pourtant pas exempt de toute influence des Blancs. De la même manière, leur religion et leur magie sont également bien indiennes, à part les quelques traces d'influence chrétienne qu'on y peut relever.


EL MORRO,

UNE PAGE D'HISTOIRE

SUR UN

ROCHER DU NOUVEAU-MEXIQUE.

PAR ETIENNE B. RENAUD. [Planches I-II).

Zuni, le premier lieu occupé par les Espagnols dans la région des Pueblos, quand Coronado y vint en 1540, est un village indien des plus pittoresques et des mieux préservés de l'influence américaine. Il est situé à plus de 70 kilomètres au sud de Gallup, la dernière ville du NouveauMexique, à l'ouest, sur la route du Colorado à la Californie. Zuîii était aussi l'objectif ultime d'un voyage archéologique que j'ai entrepris avec •deux de mes étudiants pendant l'été de 1926.

Le 14 juin, nous quittions ce village très curieux par un temps magnifique. Le soleil resplendissait dans un ciel de turquoise et nous étions tous heureux d'avoir pu nous procurer quelques spécimens intéressants de la céramique historique et moderne de Zuhi. Près de 42 kilomètres de route tortueuse à travers la « Réservation indienne » nous amenèrent au village de Ramah où « rancheros » et « cowboys » allaient et venaient à cheval. Puis le chemin commença à gravir un plateau de roc gris à pauvre végétation et sans arbre. Nous savions qu'à une soixantaine de kilomètres à l'est de notre point de départ, nous devions atteindre le but de notre première étape. Comme mon automobile cahotait sur les pierres entre les buissons bas, nous aperçûmes tout à coup la masse imposante d'Inscription Rock.

C'est un énorme bloc, presque vertical et haut d'environ 65 mètres, de grès dont les teintes vont de l'ocre jaune au brun foncé avec une coloration dominante d'un rouge chaud qui contraste avec le bleu pur du ciel, le vert sombre des pins qui s'abritent à ses pieds, et le gris verdâtre du plateau. Les éléments au cours des siècles ont érodé ce roc majestueux ■coupant ses flancs de lignes et fissures pei^iendiculaires, crénelant le sommet et lui donnant à distance cet aspect de château-fort massif qui


160 SOCIÉTÉ DES AMÉRICANISTES DE PARIS

lui valut le nom si bien choisi par lequel les Espagnols toujours le désignèrent sur leurs cartes et dans leurs écrits : « El Morro », la forteresse.

C'est encore son nom officiel, mais les Américains bien plus souvent l'appellent «Inscription Rock». Moins pittoresque et descriptive, c'est cependant une désignation appropriée, car ce qui rend cet énorme monolithe si célèbre et si remarquable, ce sont précisément les inscriptions historiques qui couvrent la partie lissée par le vent et la pluie à la base de ce Gibraltar indien. Là, sur le rocher rougeâtre, se groupent, se pressent ou s'étalent les étranges « escrituras », comme les appellent les Mexicains, inscriptions, datées et signées de cinq des premiers gouverneurs espagnols, d'officiers et soldats et des « padres » franciscains. Parfois elles fraternisent avec les pétroglyphes indiens profondément incisés dans la pierre à des époques plus ou moins anciennes."

El Morro est donc dans toute l'acception et la force du terme un monument naturel et historique de grand intérêt, un monument unique au Nouveau Monde, où conquérants, explorateurs et missionnaires ont laissé un souvenir indélébile de leurs passages en ces temps lointains et troublés.

Situé sur la première route de la colonie, le fameux « Zuni-Acoma Trail», qui allait du quartier général de Coronado au village indien d'Acoma, perche au sommet d'un rocher semblable, El Morro était un lieu indiqué pour une étape de repos. Une compagnie entière pouvait s'abriter du soleil, de la pluie, du vent et des ennemis, dans une encognure du côté sud où se trouve justement l'eau si nécessaire aux voyageurs en ces pays secs et chauds. Là, on était à l'abri des embuscades et des surprises, car la vue y domine le vaste plateau aride et rocailleux. Les pins ne se rencontrent qu'à l'approche immédiate du rocher et offrent une ombre tant désirée par les anciens voyageurs qui avaient fait 100 kilomètres à cheval en venant d'Acoma ou 60 s'ils arrivaient de Zuni. C'était un endroit excellent pour un camp à couvert de la tempête et des attaques, avec de l'eau pour les hommes et les animaux et de l'herbe suffisante pour les montures et les bêtes de somme. On y pouvait soutenir un siège, et une poignée de soldats, du haut de cette forteresse naturelle, pouvait s'y défendre sans peine tant que duraient munitions et provisions. Les Espagnols vigilants n'y craignaient ni les Pueblos malcontents, ni les Apaches maraudeurs. C'était donc un lieu connu des Blancs dès les premières années de leur occupation du pays, un endroit de prédilection où l'on pouvait se reposer sans crainte. Il n'est donc pas étonnant qu'à loisir capitaines et moines y gravèrent leurs noms, la date de leur passage et parfois même l'objet de leur mission, paragraphes authentiques et uniques écrits d'année en année par les héros mêmes de ces temps déjà lointains.


UNE PAGE D'HISTOIRE SUR UN ROCHER DU NOUVEAU MONDE 161

En tout, une cinquantaine d'inscriptions ont été reconnues, dont 28 anciennes inscriptions espagnoles soigneusement relevées par M. Evon Z. Vogt, gardien ou curateur en charge de « El Morro National Monument », établi par divers décrets du Congrès américain dont le dernier, en date du 18 juin 1917, protège 240 acres comprenant aussi des restes archéologiques intéressants.

La première inscription, irrégulièrement tracée sur le roc, est celle de

Fig. 7. — Inscription gravée en mémoire du passage du Gouverneur don Juan de Onate, le 16 avril 1605, à so'.i retour d'un voyage d'exploration au Golfe de Californie.

Don Juan de Onate, gouverneur du Nouveau-Mexique, fondateur de la « Villa de la Santa Fé de San Francisco ». Il fit halte en cet endroit le 16 avril 1606, à son retour d'un voyage d'exploration au Golfe de Californie qu'il appelle la Mer du Sud. Ses trois lignes s'enchevêtrent avec un pétroglyphe anthropomorphique plus ancien, d'origine indienne

(fig- 7).

La seconde en date est une belle inscription finement gravée où se lit

sans difficulté 29 juillet 1620. Elle se rapporte à un gouverneur qu'on n'a pas réussi à identifier avec certitude. Plusieurs noms, dont quelquesuns surmontés d'une croix, comme l'inscription même, accompagnent les cinq lignes d'élégante écriture. J'ai pu déchiffrer de gauche à droite : Joseph Erramos Diego, Diego Nunez Bellido, Grabyel Sapata, Bartolomé

Société des Amëricanistes de Paris. 11


162 SOCIÉTÉ DES AMÉR1CANISTES DE PARIS

Naranjo et Bartolomé Lopes Romero (PI. I). Cette inscription remarquable est généralement attribuée au capitaine-général Manuel de Silva Nieto qui amena les premiers missionnaires à Iiawikuh, un des anciens villages des Zuni. C'est à son retour qu'il laissa trace de son voyage en termes pompeux sur le flanc d'El Morro. C'est neuf ans et douze jours plus tard que furent gravées d'une main sûre les lignes de forme poétique où nous lisons sans peine le nom de Don Francisco Manuel de Silva Nieto, 9 août 1629 (PI. II, B). Accolé à la même année, nous voyons aussi profondément incisé le nom de Juan Gosales (probablement Gonzales) (PL II, A).

Fig. 8. — Inscription de Ramon Garzia Juldo en route pour Zuni en juin 1709.

Puis un officier, Arellano Lujan, mentionne simplement: « Ils ont passé le 23 mars 1632 pour venger la mort du Père Letrado ». Il fait allusion au voyage qu'il fit avec des soldats de la garnison de Santa Fé se rendant à Hawikuh, où le père franciscain avait été scalpé par les Indiens Zunis le 22 février 1623, juste un siècle avant la naissance de George Washington, remarque M. Vogt. Avec l'année 1636 se lisent quatre


SOCIÉTÉ DES AMÉRICANISTES DE PARIS, 1929. PLANCHE I

Inscription espagnole, de 1620. El Morro, Nouveau-Mexique.



SOCIÉTÉ DES AMÉRICANISTKS DE PARIS, 1929. PLANCHE II

A. — Inscription espagnole, de 1629. El Morro, Nouveau-Mexique.

B. — Inscription espagnole, de 1629. El Morro, Nouveau-Mexique.

C. — Inscription espagnole, de 1636. El Morro, Nouveau-Mexique.



UNE PAGE D'HISTOIRE SUR UN ROCHER DU NOUVEAU MONDE 163

noms très haut placés sur la falaise : Diego Garcia, Francisco Luxan, Francisco Garzya, Juan de Archuleta (PI. II, C). Aux dates 1640 et 1646, des inscriptions à peu près inintelligibles.

Après la première période de conquête et d'occupation progressive du pays, les Indiens Pueblos souvent maltraités et insultés se révoltèrent, tuèrent un grand nombre d'Espagnols, chassèrent les autres vers le Mexique. C'était en 1680. Douze ans plus tard, de Vargas, le vaillant général, reprit et recolonisa la province et laissa à El Morro la simple inscription suivante qui résume son oeuvre « Ici fut le général Don Diego de Vargas qui conquit pour notre Sainte Foi et la Couronne Royale tout le Nouveau Mexique à ses propres frais l'année 1692 ». Le corps du héros repose sous l'autel de l'église de Santa.Fé. Juste au-dessus des lignes de de Vargas se trouve le nom de Bartolomé de Sisneros et la date 1660 avec u.ne inscription presque invisible.

Le xviii 0 siècle est moins bien représenté. Il s'ouvre avec l'année 170( et une inscription illisible, puis le nom Arellano, 12 décembre 1701, et celui du capitaine Juan de Ulibarri, 1701, qui repassa par là en 1709. C'est aussi la date de l'inscription de Ramon Garzia Juldo qui, en juin, s'arrêta à El Morro se rendant à Zuni. Une croix franciscaine à dessin d'interprétation douteuse accompagne sa signature (fig. 8). Le gouverneur Don Félix Martinez signala son passage le 26 août 1716, et dix ans plus lard, nous trouvons l'inscription de Joseph de Payba Basconzelos que plusieurs ont daté à tort 1S26 au lieu de 1726, et celle de Cayados, 1727. • Deux lignes de majuscules parfois enchevêtrées nous disent que: «Le 14e jour de juillet 1736 passa par ici le Général Juan Paez Hurtado, Inspecteur », et une ligne d'un graphisme différent ajoute « Et en sa compagnie le caporal Joseph Truxillo » (fig 9).

On trouve trois inscriptions pour l'an 1737 : celles de Diego Belasquez, Juan Ignacio de Arrasain et la suivante qui contient nombre d'abréviations : « Le 28e jour de septembre 1737'arriva ici le très illustre Senor Docteur Don Elizacochea, Evoque de Durango, et le 29° jour il alla à à Zuni » (fig. 10).

Puis viennent les inscriptions de Pedro lloniero, 1758, et de Juan Garcia de la Rivas, 1761. Beaucoup d'autres ne sont que des signatures sans date et par suite d'intérêt relatif. La dernière inscription de la période est celle de Joseph Naranjo et d'Andres Romero en 1774.

C'est ainsi que pendant 168 ans EL Morro doit avoir été le lieu de campement régulier et d'étape traditionnelle des gouverneurs, officiers, inspecteurs, évèques et missionnaires, allant de Zuni à Acoina et à Santa Fé, ou voyageant en sens contraire, comme l'indiquent les nombreuses inscriptions mentionnées. Alors, soudainement, plus rien ; ni noms, ni


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dates n'apparaissent sur la falaise rougeâtre malgré de minutieuses recherches. Ce n'est qu'avec 1849 que nous retrouvons des inscriptions, et en anglais maintenant. Je fais allusion à l'inscription gravée par le

Fig. 9. — Inscription du Général Juan Paez Hrrtado, en tournée d'inspection, le 14 juillet 1736, avec le caporal Joseph Truxillo.

lieutenant, plus tard général," J. H. Simpson et l'artiste R. H. Kern qui l'accompagnait. Ils imitèrent leurs prédécesseurs espagnols et, depuis, un

Fig. 10. — Inscription de l'Évêque de Durango, Don Elizacochea, qui s'arrêta à El Morro, le 28 septembre 1737, se rendant à Zuîïi.

trop grand nombre de voyageurs, cow-boys, touristes et autres, infiniment moins illustres que les personnages cités, ont cru utile d'écrire leurs noms et parfois leurs dates de passage. Ceci est maintenant prohibé, le monument étant sous la protection du gouvernement fédéral et plusieurs graffiti modernes, qui nuisaient à la clarté des inscriptions anciennes, ont été effacés avec soin.


UNE PAGE D HISTOIRE SUR UN ROCHER DU NOUVEAU MONDE 165

On se demande naturellement pourquoi cette interruption subite et le manque total d'inscriptions pendant trois quarts de siècle, de 1774 à 1849. La différence de langue est clairement symptomatique du déclin de la puissance espagnole-mexicaine et de la pénétration anglo-saxonne américaine. Mais le changement de route et d'habitude demande une autre explication. Dans des temps troublés comme ceux de la conquête et de la colonisation espagnole dans le Sud-Ouest, il était important de voyager en pays découvert pour éviter les embûches, et le plateau semidésertique répondait bien à ce besoin et la protection offerte par El Morro permettait une étape en toute sécurité. Avec la période de paix, un chemin plus court et plus direct, en d'autres temps moins sûr parce que plus boisé et encaissé, fut choisi. C'est la route qui passe à environ 9 kilomètres au Nord-Est par la Tinaja et que suivent encore aujourd'hui les Indiens.

Inutile de parler des inscriptions en anglais, toutes très courtes, mentionnant seulement le nom, parfois la date, ne se rapportant qu'à la seconde moitié du xixe siècle ou plus récentes encore. Elles sont de peu d'intérêt malgré leur multiplicité banale en ces dernières années. Il y a lieu de protéger ce monument unique contre la curiosité et la bêtise des touristes qui sont nombreux, malgré la difficulté des routes. M. Vogt a construit une balustrade de branches de chênes permettant de s'approcher assez près des inscriptions basses pour les bien voir, mais trop loin pour les toucher du doigt. Il a aussi planté au pied de la falaise une broussaille de yuccas aux longues feuilles à pointes acérées empêchant les gens de venir y graver noms et dates comme dans le passé. Mieux que cela, pour protéger effectivement et ainsi conserver indéfiniment à la postérité ces inscriptions parmi les plus anciennes en Amérique, le gardien, avec l'aide d'experts de Washington, pendant l'été de 1926, a fait des expériences pour voir quel enduit transparent et sans couleur pourrait être appliqué sur les inscriptions. Il s'agit de prévenir l'érosion due à la pluie et au sable fouetté par le vent contre le rocher, tout en laissant les lignes bien visibles. Cet effort est des plus louables. J'ajouterai que les dix inscriptions les plus importantes sont reproduites en noir et blanc d'après de bonnes photographies et traduites en anglais. Le tout dans un cadre de bois rustique est placé bien en vue en face de l'original. On ne peut faire mieux pour l'éducation du public.

Je ne décrirai pas les nombreux pétroglyphes indiens de tous âges et de toutes formes disséminés sur les deux faces du gigantesque rocher. Leur intérêt historique est nul et leur interprétation toujours douteuse. Seule une étude comparative et systématique, encore à faire, pourrait conduire à des résultats satisfaisants et avec la coopération d'Indiens instruits aidant à les comprendre correctement.


166 SOCIÉTÉ DES AJ1ÉRICAMSTES DE PARIS

Sur la petite « mesa » ou plateau au sommet d'El Morro, il y a des sentiers indiens. Pour atteindre ce village si haut perché, il y a trois « trails ». Ce sont simplement des encoches pratiquées sur la surface de la falaise là où la paroi est légèrement inclinée. On se demande vraiment comment des êtres humains pouvaient si fréquemment grimper ce flanc si abrupt sans se rompre bras et jambes. Mais quand on a vu hommes, femmes et enfants escalader le rocher au sommet duquel Acoma est situé, on se rend compte que les Indiens d'aujourd'hui n'ont guère perdu de leur agilité primitive. Je me rappelle aussi les approches des « CliffDwellings » à la Mesa Verde, il y a une quinzaine d'années, avant qu'on établit des sentiers et des balustrades protectrices pour les touristes. C'était la même chose, et il fallait l'entraînement et la témérité des archéologues pour y pénétrer. Cependant il faut voir Indiens et Mexicains, pieds nus ou en sandales, escaladant la falaise avec l'agilité d'écureuils sauvages. Mais pour les Blancs, en bottes ou en souliers de marche, c'est une autre affaire. De plus le soleil rend la surface du rocher brûlante et les doigts qui se cramponnent avec crainte aux encoches trop peu profondes se fatiguent vite et même s'écorchent au grain de la pierre. Enfin, suant et soufflant, on arrive au sommet. Jetant un regard sur les grands pins qui semblent infimes au pied de la forteresse naturelle, on se prend à penser que la descente sera encore plus difficile que la montée, car à l'allée, on voit les encoches en face de soi. tandis qu'au retour, il faut les chercher d'un pied mal assuré, et pour qui tomberait ce serait une longue et dangereuse chute. Mais l'ascension vaut bien la peine. D'abord la vue est d'une beauté grandiose et sauvage. Le plateau désertique, seulement couvert d'herbes sèches, est borné à distance par les hautes buttes de lave aux noms espagnols : Cerro Alto, Cerro Prieto et Cerro del Agua Fria, au Sud et à l'Est. Au Nord et au Nord-Est, ce sont les sombres pins des Montagnes Zuni et à l'Ouest on aperçoit la Mesa de Zuni. Un soleil ardent baigne ce rude paysage d'une lumière crue, éblouissante, dans un ciel sans nuage. C'est une scène typique du Nouveau-Mexique.

Ces ruines indiennes de El Morro n'ont jamais été fouillées. Leur position presque inaccessible les a jusqu'à présent protégées des incursions des vandales et des archéologues. M. F. W. Hodge, qui a fait des fouilles remarquables à Hawikuh, un des anciens villages Zuni, juge que ces habitations sont antérieures à la première occupation de Hawikuh, c'est-à-dire vraiment préhistoriques. Je pense qu'elles appartiennent à la grande période de la culture des Pueblos, car la maçonnerie est très supérieure à celle des ruines Zuni protohistoriques.

Ce fut à regret qu'il nous fallut nous arracher à l'enchantement de ce


UNE PAGE D'HISTOIRE SUR UN ROCHER DU NOUVEAU MONDE 167

site étrange, majestueux, solitaire, unique monument partant tracé"sur ses flancs le succinct récit du passage d'hommes illustres, qui ont signé leurs noms du bout de leurs couteaux ou de leurs dagues, au retour d'explorations dangereuses ou d'expéditions punitives. Assis à l'ombre de l'énorme rocher historique, il faut peu d'imagination pour se représenter les scènes pittoresques dont il fut le témoin muet et avoir la vision de la caravane armée des « conquistadores », grands capitaines,' célèbres gouverneurs, braves hommes d'armes, pompeux évêques et humbles franciscains. C'est un passé émouvant qui est rendu présent par ces inscriptions aux caractères étranges, d'une éloquence si concise, et ces noms évocateurs de héros disparus '.

1. C'est grâce à l'amabilité de M. Evon Z. Vogt, de Ramah, que j'ai pu me procurer certains renseignements et les photographies utilisées pour cet article. Je lui en exprime ici mes remerciements.



L'APICULTURE INDIENNE,

PAR E. NORDENSKIÔLD.

{Planche III).

On sait, en général, très peu que la culture des abeilles existait déjà en Amérique à l'époque de la découverte. Ce n'est qu'en passant qu'on parle de l'apiculture indienne en Amérique dans un certain nombre de manuels ethnographiques. Je n'ai jamais trouvé, dans la littérature concernant l'Amérique, de données réunies, ce qui, pourtant, ne pourrait manquer de présenter un certain intérêt. Je ne crois pas non plus qu'on ait bien compris la grande importance que la cire des abeilles a eue et a encore pour les Indiens de l'Amérique tropicale.

Il est naturel qu'il y ait eu, dans la littérature de l'époque de la découverte de l'Amérique, un certain intérêt pour les abeilles et la cire, cette dernière ayant été au commencement du xvie siècle très précieuse pour l'éclairage. Le miel était à cette époque également beaucoup plus recherché que maintenant, étant donné qu'il remplaçait le sucre lequel était rare et cher. Lorsque la culture de la canne à sucre commença, le miel perdit de son importance et l'intérêt que l'on portait aux abeilles diminua d'autant Dans beaucoup de tribus indiennes, également, le produit de la canne à sucre a maintenant remplacé le miel.

Les Indiens modernes retirent la presque totalité de leur miel et de leur cire des abeilles sauvages et nous trouvons dans la littérature un certain nombre de renseignements sur l'importance que ces insectes ont pour eux. J'ai pu, moi-même, remarquer plusieurs fois à quel point la récolte du miel et de la cire provenant d'abeilles sauvages est importante pour les Indiens. C'est surtout le cas pour les Indiens vivant dans le Grand Chaco.

Il y a en Amérique des abeilles sauvages vivant en grandes communautés, surtout entre les tropiques. Ces abeilles appartiennent à la famille des Méliponidés. Dans l'Amérique du Nord, au nord du Mexique, il semble que la cire ne soit d'aucune importance pour les Indiens et les abeilles productrices de miel sont rares. Il y a au Chili des abeilles sauvages qui produisent une assez grande quantité de miel. La cire, dans ce pays, ne semble pas être d'une grande importance pour les Indiens.


170 SOCIÉTÉ DES AMÉRICANISTES DE PARIS

Une étude approfondie aété faite par vonlhering sur les espèces d'abeilles appartenant aux Méliponidés, existant dans le Brésil du sud. Il affirme que toutes les espèces d'abeilles, dont la population métisse du Brésil obtient le miel sauvage, sont encore connues sous leurs noms indiens qui sont parfois très caractéristiques. 11 est curieux que les Indiens ne parlent pas de l'abeille industrieuse comme nous le faisons ; cet insecte représente pour eux la vigilance. Le mot des Indiens Tupi pour abeille est « iramanha », venant de « ira » miel et « manha «vigilance.

Ce qu'il y a de typique pour ces abeilles ainsi que pour la plupart des abeilles américaines des tropiques, c'est que l'aiguillon est atrophié, ce qui fait qu'elles ne peuvent piquer.

Le miel de ces abeilles est d'un goût particulièrement agréable. Von Ihering dit que le miel de la plupart des espèces de Méliponidés est parfaitement comparable à celui que nous obtenons, nous Européens, de nos abeilles et serait même meilleur. Je sais, pour ma part, que le miel, généralement servi mélangé avec de l'eau, que j'ai mangé chez les Indiens, est d'un très bon goût, quoique parfois un peu sûr. On a remarqué une chose curieuse, c'est que ce miel ne se cristallise pas comme celui de nos abeilles quand il a été conservé un certain temps. Il n'est pas rare que les Indiens laissent fermenter l'eau de miel afin d'obtenir ainsi une boisson légèrement enivrante.

Il y a quelques espèces d'abeilles dont le miel ne peut être employé, et il y a même, selon quelques auteurs, du miel vénéneux. Si l'on mange de ce miel, même en petite quantité, on aurait des vomissements et des crampes. Chez les Guarayû de la Bolivie, Cardûs parle de miel vénéneux pouvant s'employer avec succès comme remède contre la paralysie. 11 y a du miel fortement laxatif, et même du miel enivrant.

Quelques ruches produisent une assez grande quantité de miel, en général de 0, 5 à 2 1. Les ruches d'une des espèces les plus importantes, la Melipona nigra, peuvent, paraît-il, donnerjusqu'à 10-15 1. de miel.

Toute la cire que j'ai vue chez les Indiens dans différentes parties de l'Amérique est d'une couleur très foncée, et même parfois d'un noir brun. C'est aussi le cas de la cire que nous avons au musée et qui provient de différentes parties de l'Amérique du Sud. La cire jaune existe également mais semble être rare. Les Indiens eux-mêmes n'ont jamais eu d'intérêt spécial pour cette cire si ce n'est comme article d'échange avec les Blancs. La cire d'abeilles noir foncé est très difficile à blanchir et je ne me rappelle pas avoir vu des Indiens faire des essais de blanchiment. Une partie de la cire des Indiens est fortement mélangée de résine. Il est souvent très difficile de récolter le miel et la cire des abeilles sauvages, les nids étant à l'intérieur détrônes d'arbres très durs.


L'APICULTURE INDIENNE 171

Il serait intéressant de savoir si l'usage principal des haches de pierre, appartenant à des tribus ne cultivant pas et n'ayant pas de canots creusés dans des troncs d'arbres, n'a pas été de faire des trous dans les troncs d'arbres afin de pouvoir atteindre le miel, dont les Indiens sont très friands, et la cire précieuse. C'est le cas de certaines tribus comme, par exemple, des Indiens Guayaqui du Paraguay qui se déplacent dans les forêts vierges et possèdent des haches de pierre sans, pour cela, se livrer à la culture. Les Indiens Tsirakua, dans le Chaco boréal, volent le fer aux Blancs, lorsqu'ils le peuvent, et à l'aide d'objets hétéroclites, comme, par exemple, des clavettes de roues de voitures, fabriquent une espèce de ciseau leur servant à creuser les troncs d'arbres et leur permettant ainsi de parvenir aux nids d'abeilles. Dans leurs pays, si riches en abeilles sauvages, le miel est, sans contredit, d'une très grande importance comme nourriture et ce ciseau est un moyen leur facilitant la lutte pour la vie. Les Indiens Guayaqui, cités plus haut, ont de longs pinceaux ressemblant à des blaireaux avec lesquels ils peuvent manger le miel à même le nid sans être obligés de briser le tronc. J'ai vu de tels pinceaux à manger le miel, mais plus courts et d'un usage général, chez les Indiens Ashluslay. Ceci me rappelle l'histoire suivante racontée par le jésuite espagnol Gumilla au xvme siècle. Il y a, dit-il, une certaine espèce de singes qui, lorsqu'ils ne peuvent introduire le bras dans un nid d'abeilles se trouvant dans un arbre, passent la queue par l'ouverture conduisant au nid, la trempent dans le miel, la retirent et lèchent ensuite le miel qui s'y trouve. Je laisse au jésuite Gumilla la responsabilité entière de cette his. toire. La difficulté d'atteindre les nids d'abeilles dans les troncs d'arbres à bois très dur est illustrée par une légende que j'ai entendu raconter par un Indien Cavina du Rio Béni en Bolivie. Une femme était montée dans un arbre afin d'aller chercher du miel pour son petit garçon à qui elle voulait offrir quelque chose de bon. Elle introduisit le bras dans le trou d'un arbre où se trouvait un nid d'abeilles, mais se trouva prise dans le trou sans pouvoir se dégager; on la retrouva, morte, toujours pendue par le bras qu'elle n'avait pu retirer; il se peut très bien qu'une pareille chose se soit réellement passée.

Les Indiens doivent parfois couvrir de longues distances afin de trouver les nids des abeilles sauvages. Il leur arrive de se donner pour cela un mal incroyable. On raconte qu'il y a des Indiens qui, afin de trouver un nid d'abeilles, poursuivent une abeille jusqu'à ce qu'elle ait atteint sa ruche, indiquant ainsi à son poursuivant l'endroit où le miel et la cire se trouvent. Pour la plupart des Indiens qui ne parcourent pas des régions d'une très grande étendue, la découverte d'un nid d'abeilles constitue plutôt un heureux hasard; et pour une population nombreuse, sédentaire,


172 SOCIÉTÉ DES AMÉR1CANISTES DE PARIS

le miel sauvage ne peut être d'une très grande utilité et il lui sera très difficile de se procurer toute la cire dont elle aura besoin pour répondre à des buts variés. Je sais également, par expérience, que la cire chez un certain nombre d'Indiens est considérée comme étant très coûteuse. Il est, par conséquent, très naturel que les Indiens aient cherché, au moyen de l'apiculture, à se procurer le miel et la cire plus facilement.

Si nous parcourons la littérature sur les Indiens d'Amérique, nous y trouvons de nombreux renseignements, concernant les commencements delà culture des abeilles. Laplupartdecesrenseignementsdatentdel'époque de la première découverte, c'est-à-dire de la première moitié du xvie siècle, alors que les Espagnols rencontrèrent la civilisation indienne en pleine floraison. L'apiculture, ainsi que bien d'autres choses encore, déclina ou perdit de son importance lorsque la civilisation des Indiens fut écrasée par les conquérants. C'est la raison pour laquelle l'importance de l'apiculture des Indiens n'a pas eu sa place dans la littérature moderne comme elle le méritait. Nous pouvons donc constater que l'apiculture indienne disparut ou diminua sous l'influence des Blancs et que ces derniers ont rarement contribué chez les Indiens à sa renaissance, ce qui pourrait, sans doute, avoir une importance économique assez grande pour eux, au moins dans certaines régions. L'apiculture est actuellement pratiquée, sur une grande échelle, aux Etats-Unis et même au Chili, mais ce sont les Blancs qui s'y adonnent et les abeilles servant à cette culture sont originaires d'Europe. Sous les tropiques, ce n'est que dans les régions élevées que les abeilles européennes peuvent supporter le climat. La culture de l'abeille européenne existe, par exemple, dans les parties hautes du Guatemala..

On peut dire que plusieurs tribus d'Indiens ont déjà fait un premier pas vers l'apiculture lorsqu'ils emportent chez eux, de la forêt, des nids entiers qu'ils suspendent aUprès de leurs huttes. C'est le cas, par exemple, des Indiens Makûna du Brésil nord-ouest et des Apapocûva-Guarani du Brésil du sud.

Ambrosetti raconte que, lorsque les Indiens Cainguâ découvrent un nid d'abeilles dans la forêt, ils ne le pillent pas de tout le miel qui s'jr trouve, mais en laissent une partie afin que les abeilles n'abandonnent pas leur nid. Ils ont soin également de réparer l'ouverture qu'ils ont faite en pillant le nid. Tout ceci indique bien un début dans Fart de l'apiculture, mais les Indiens ont sûrement déjà eu à l'époque précolombienne et possèdent encore une véritable apiculture, c'est-à-dire qu'ils ne se sont pas contentés d'aller chercher les nids à la forêt, mais ont également gardé les abeilles à proximité de leurs huttes, dans des ruches fabriquées à cet effet. Roquette-Pinto décrit une telle ruche provenant des Indiens Paressi du Matto-Grosso, formée d'une calebasse munie de deux ouver-


L APICULTURE INDIENNE

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tures, l'une pour les abeilleset l'autre pour la récolte du miel (fig. 11). C'est, pourtant, la seule ruche que j'aie vu reproduire provenant des Indiens actuellement vivants de l'Amérique du Sud, et on pourrait avoir de bonnes raisons de croire que les Indiens Paressi ont appris des Blancs à faire usage de ces ruches. Cela est, cependant, peu croyable, car Oviedoy Valdés parle déjà, vers 1540, d'après Rodrigo de Bastidas, d'une véritable culture des

Fig. 11. — Ruche des Indiens Paressi, d'après Iîoquette-Pinto. 1. Orifice d'entrée des abeilles; 2. Orifice pour l'extraction du miel.

abeilles qui aurait existé au Venezuela. L'évêque Bastidas, raconta à Oviedo que les Indiens de ce pays gardaient dans leurs huttes des abeilles apprivoisées logées dans des ruches faites de grosses calebasses, c'est-à-dire entièrement d'après la manière employée par les Indiens Paressi. Quant aux abeilles, on dit qu'elles étaient plus petites que les abeilles espagnoles et couvertes de poils. Elles ne pouvaient piquer. Les cellules à miel étaient de la grosseur d'un gland.- Il est donc hors de doute que l'apiculture existait au Venezuela au moment de la découverte. Il se peut que les Indiens de la Colombie et du Venezuela aient domestiqué quelque espèce de Melipona. La culture des abeilles paraît avoir été d'une grande importance chez les Indiens près de Santa Marta en Colombie. Un soldat


174 SOCIÉTÉ DES AMÉR1CANISTES DE PARIS

racontait qu'il avait vu, vers 1590, plus de 80.000 ruches, les Indiens employant à cet effet des vases d'argile. Même si ce chiffre est exagéré, il est évident que la culture des abeilles chez les Indiens de cette partie de la Colombie n'était pas sans avoir une certaine importance. Aux archéologues futurs de retrouver quelques spécimens de vases d'argile ayant été employés comme il est dit ci-dessus.

Du nord-ouest de l'Amérique du Sud, je n'ai trouvé qu'un seul renseignement concernant l'apiculture indienne réelle des temps modernes. Il s'agit des Indiens Ménimehé du Rio Yapurâ ; Whiffen mentionne qu'ils ' fabriquent des ruches de troncs d'arbres creusés, permettant aux abeilles d'y essaimer, et ils gardent ces ruches dans leurs huttes afin d'avoir toujours une provision de miel et de cire sous la main. Ces Indiens s'arrangeant de façon que les abeilles essaiment dans des ruches préparées par leurs soins, on peut dire qu'ils s'occupent vraiment d'apiculture.

Si nous passons maintenant en Amérique centrale, nous y trouvons de nombreux renseignements concernant l'apiculture indienne. Ainsi, le professeur C. V. Hartman a découvert que les Aztèques de San Salvador avaient deux espèces d'abeilles, l'une de la taille d'une mouche ordinaire, l'autre de la taille d'un moustique. Ils avaient domestiqué ces deux espèces et les logeaient dans des ruches constituées par l'écorce d'une petite calebasse et suspendues aux murs. On notera que les Indiens, dans ce cas également, faisaient usage de calebasses en guise de ruches.

Les informations que nous possédons du Yucatân, concernant la culture des abeilles, remontent aussi loin qu'on peut souhaiter. Lorsque Cortéz arriva dans l'île Cozumel, en 1519, il constata que les Indiens possédaient des milliers de ruches. Il est peu croyable que ces nids avaient été apportés de la forêt et placés là temporairement. Ces ruches sont également mentionnées lors de la visite de Grijalva à Cozumel en 1518.

Oviedo dit que les Mayas de Chitemal (Campeche) faisaient de l'apiculture en se servant de ruches de grandes dimensions qui avaient la forme de cylindres de bois très finement sculptés et portant la marque du propriétaire. Ces ruches étaient placées à terre. Le cylindre de bois, en forme de tambour, était de la longueur du bras d'un homme, de la même épaisseur que le tour de taille d'un homme, et les parois étaient de l'épaisseur du petit doigt. Les bouts étaient bouchés à l'aide de pierres et rendus étanches avec de la terre glaise. Ces ruches étaient, de plus, naturellement, munies de trous de vol permettant aux abeilles d'entrer et de sortir et arrangées de façon à faciliter la récolte du miel. Nous comprenons mieux l'importance que la culture des abeilles avait pour les Indiens du Yucatân, en lisant le récit écrit par l'Évêque Landa concernant les


L'APICULTURE INDIENNE 175

fêtes à retours périodiques chez les Mayas. Ces fêtes, au cours desquelles de nombreux sacrifices avaient lieu et 'même des sacrifices humains, aAraient, entre autres choses, pour but d'intercéder auprès des dieux afin d'obtenir d'eux bonne récolte, bonne chasse, bonne pêche et beaucoup de miel. Dans le mois de T z o z, les propriétaires des ruches se préparaient à la fête qui devait avoir lieu au mois de T z e c. Quoique la préparation principale consistât en un jeûne, il n'y avait que le prêtre et ses aides (chaces) qui y étaient contraints ; pour les autres, le jeûne était volontaire. Le moment de la fête arrivé, au mois de T z e c suivant, ils se réunissaient dans la maison où elle devait avoir lieu, et tout se passait comme pour les autres fêtes avec cette différence qu'il n'y avait pas d'effusion de sang. Les dieux des apiculteurs étaient des Bacabes et parmi ceux-ci, on cite particulièrement flobnil. Les apiculteurs faisaient de grands sacrifices surtout aux quatre « Chaces». Ils offraient, par exemple, quatre assiettes, aumilieu de chacune desquelles se trouvait une boule d'encens ; de plus, ces assiettes étaient peintes, autour de la boule, avec du miel, cette fête ayant lieu en vue d'obtenir du miel avec abondance. Ils terminaient, selon l'usage, par le vin (boisson au miel) dont ils buvaient beaucoup, car les propriétaires des ruches donnaient de grandes quantités de miel. Au mois de M o 1, les apiculteurs célébraient encore une fête ayant pour bût d'engager les dieux à procurer des fleurs aux abeilles.

C'est dans les ouvrages de Sapper et de Stoll qu'on trouve des renseignements de source moderne sur l'apiculture au Guatemala. Ce dernier était cependant d'avis que la véritable culture des abeilles avait d'abord été introduite par les Européens, ce qui, évidemment, est incorrect.

Cyrus Thomas s'est efforcé d'interpréter une partie d'un dessin Maya, le Codex Troano, comme un calendrier à l'usage des apiculteurs. L'insecte représenté dans ce dessin étant plutôt un cafard, on est en droit de douter de la justesse de cette interprétation {PL III, C).

Du Mexique, également, on possède des renseignements datant du commencement du xvie siècle sur l'apiculture dans la province Xalisco, d'où Oviedo fait une description étendue des ruches et de la récolte du miel. Il déclare que les abeilles étaient aussi grosses que des mouches et dépourvues d'aiguillon. En guise de ruches, on employait des troncs d'arbres creux que l'on suspendait dans les maisons. Ces ruches étaient arrangées de telle façon que l'on pouvait, au moyen d'une ouverture spéciale, récolter le miel sans les détruire et sans endommager ou déranger les abeilles. Une partie du miel et de la cire servait à l'usage domestique et l'autre d'article d'échange.

Dans les temps modernes, Starr parle de l'apiculture des Indiens Mixtek. Il à publié, également, de cet endroit, deux gravures intéressantes,


176 SOCIÉTÉ DES AMÉRICANISTES DE PARIS

représentant, l'une, une hutte mixtek, au dehors de laquelle des ruches sont suspendues {PL III, A), l'autre un abri construit spécialement pour les ruches d'abeilles {PL III, B). Les ruches étaient faites de baguettes réunies et enveloppées de nattes.

Diguet, de son côté, rapporte (p. 438-441) que les indigènes mexicains ont coutume de domestiquer comme auxiliaires de leur agriculture, outre l'abeille domestique, qui est d'importation européenne, plusieurs espèces de Mélipones se rencontrant à l'état sauvage dans le pays et des Vespidés. Les Mélipones, suivant leur mode d'existence, sont entretenues dans des caisses ou des poteries que l'on dispose non en alignement comme les ruches d'abeilles domestiques, mais de place en place entre les rameaux des plants de Cactacées cultivées. Diguet donne (p. 439) une photographie prise au village de San Marcos, près du lac de Zacoalco (Etat de Jalisco) où l'on voit au second plan un rucher indigène d'abeilles domestiques, dont les ruches constituées par des troncs d'arbres évidés sont soutenues au-dessus du sol par des tréteaux et recouvertes par des tuiles. Les Vespidés comprennent des guêpes de très moyenne dimension appartenant aux genres Polybia et Nectarinia qui construisent leurs nids en forme de cloche à l'aide d'un cartonnage constitué par des débris végétaux ; elles ne fabriquent pas de cire, mais donnent un miel de bonne qualité, qui, comme celui des Mélipones, est très apprécié des indigènes. Ces Vespidés concourent dans une assez grande mesure au maintien de la propreté delà plantation parce qu'elles utilisent, comme matériaux de nidification, tous les produits de désassimilation que peut produire la plante. ■ De plus, ces guêpes, étant carnassières, détruisent nombre de parasites particuliers au végétal qui leur offre le vivre et le couvert 1.

Nous voyons donc qu'une culture importante des abeilles existait, au moment de la découverte de l'Amérique, au Mexique, au Yucatân, en Colombie et au Venezuela, sur la frontière de Colombie, donc dans la région où les Indiens possédaient alors une réelle haute culture. On sait, toutefois, qu'au Pérou, c'est-à-dire dans le royaume des Incas, l'apiculture était inconnue.

Que les Indiens aient eu d'eux-mêmes, c'est-à-dire indépendamment de l'influence du vieux inonde, l'idée de domestiquer les abeilles, cela découle clairement du fait que l'on retrouve encore, en Amérique, les

1. Les indigènes respectent aussi les guêpiers qu'une autre espèce de Vespidés de plus grande taille, les Polystes, vient suspendre aux articles des Cactacées cultivées, bien que ces guêpes ne fournissent aucun produit d'utilisation économique, mais parce qu'elles sont très friandes de larves de coléoptères. Les indigènes, toutefois, limitent le nombre de ces guêpiers, car leur trop grande abondance pourrait devenir nuisible. Les nidifications des Polystes, contrairement à celles des Hyménoptères ci-dessus signalées, ne sont que momentanées et n'ont lieu que pendant une certaine saison de l'année.


SOCIÉTÉ DES AMÉRICANISTES DE PARIS, 1929. PLANCHE III

A. - Mexique. Maison mlxtèk avec ruches,

d'après Starr,

Ind. southern Mex., pi. LVIII.

B. - Maisonnette mlxtèk spéciale pour les

ruches, d'après Starr,

Ind. southern Mex., pi. LVIII.

C. — Portion du codex Troano représentant

un calendrier pour les apiculteurs,

d'après Cyrus Thomas.



L APICULTURE INDIENNE

177

différents stades du développement de cet étrange élevage d'animaux domestiques.

Il ne peut s'agir là d'un élément de culture malayo-polynésienne, car l'apiculture est inconnue en Océanie.

Fig. 12. —Carte delà distribution géographique de l'apiculture en Amérique.

§9 Apiculture indienne véritable. □ Apiculture temporaire.

La carte de distribution (fig. 12) semble indiquer que l'apiculture est originaire en Amérique de la région de culture de l'Amérique centrale, d'où elle s'est répandue ensuite jusque dans l'Amérique du Sud.

Société des Américaii:sles de Pdris. 12


178 SOCIÉTÉ DES AMÉR1CAN1STES DE PARIS

Distribution géographique de l'apiculture en Amérique.

Numéro de la TRIBUS. AUTEURS.

carte.

i

48 Makûna KOCH-GRUNBERG, vol. II, p. 291 : « Seltene « Haustiere » fanden wir in der Makûna-Maloka. An einem Hauspfosten war in einer Hôhe von etwazwei Metern ein Stiick eines hohlen Baumstammes mit Stricken festgebunden, ein Bienenstock ».

61 Menimehe WHIFPEN, p. 51 : « The Menimehe, whose housesare

more open, make hives of hollow trees for bées to swarvn in, and thèse are placedin their maloka^so that a store of honey and wax is always at hand ».

87 Métis de l'Est von IIIERING.

du Brésil

227 Apapocûva- NIMUENDAJÙ, p.340 : « InderLiniederoffenenFrontsteGuarani

InderLiniederoffenenFrontsteGuarani : ein Baumstumpf mit einem Nest der Jatei-Bienen,

Jatei-Bienen, Honig bei den religiôsen Handlungen,

nachst dem der'Mandasâia, ara meisten bevorzugt

wird ».

313 Indiens du OVIEDO, t. II, p. 331 : « Abejas hay muchas por los

Venezuela bosques salvajes... Algunas crian los indios en sus

casas en unos calabaços grandes : no pican ni tienen ponçona, é son mucho menores que las de Espana é mas vellosas ; y los vasillos de los panales, aunque las abejas son pequenas, como he dicho, son cada uno • tan grande como una bellota » (d'après RODRIGO de BASTIDAS).

832 Nègres des îles NOKDENSKIÔLD.

des Perles

388 Valle de Cal- SIMON, t. V, p. 192: « Decia unsoldadoquehabia vistoen

dera près de un colmenar en aquel valle màs de ochenta mil colS"

colS" menas, y era que las casas eran diez mil, y en cada

, una habia de diez para arriba ; eran unas ollas grandes

grandes mûcuras donde hacian su miel muy dulce, por ser de flor de guamos, unas abejas pequenuelas, no en panales, sino en boisas grandes de cera, y.olia à la Ûor ».


L'AI'ICCLTURE INDIENNE 179

'I

Numéro de la TRIBUS AUTEURS

carte

5 C Paressi ROQUETTE-PINTO, p. 13, fig. 3 et p. 341 : « Os Parecis

collocam dentro de uma grande cabaça um enxame da Jati. Obturam a abertura da colmeia, deixando, apenas, umpertuilode que os insectos fazem porta. Depois, perfuram a cabaça num ponto escolhido e tapam com cêra a abertura. Logo que as abeilhas lêm fabricado mel bastante, rompem os indios este tapuine de cêra e sem mais incommodo furlam, por ahi, o liquido delicioso, enquanto na colmeia o melificio continua. Sô conhecendo hem os habitos das nossas abelhas, poderiam terchegado a essa apicultura apurada. Em gérai as abelhas do Brasil fazem favos irregulares, incertos, anarchicos. Sô a Jati {Jati = a branca), entré tantas( Trigona Jati), reune os seus favos emdisposiçâo regular, em dados pontos, e assim permitte o bom exito do estralagema pai-eci ».

03 Indiens de la OVIEDO, t. HI, p. 561-562 :« É su segunda grangeria é

province de muy ordinaria es criar colmenas, é tiénenlas en las

Xalisco au casas colgadas en elayre; yen lugar decorchos(que

Mexique no los tienen) para los vassos de las abejas toman

un Iroço de ârbol é haçcnlo vacuo, del tamaiio é proportion que en Espana lo hacen de la corleça del alcornoque ; y en una casa diez y'en olra veynte 6 trcynta, é mâs 6 menos, tienen xolgadas sus colmenas, é alli crian sus panales é miel muy exçelente, é tal que la deÇerratoo de la Alcarria en Castilla, 6 la de Caspe en Aragon no le haçen ventaja en buen sabor é color y en todo lo que la buena miel se suele usar. Las abejas son pequenas é no mayoros que moscas, é son muchas, é no pican ni haçcn mal, porque son desarmadas. Para sacar la miel, de que usan corner y echar en sus manjares tienen una 6 dos colmenas diputadas para gastar délias ordinariamente (porque las demâs estân enteras para el tracto é rescate de la miel é de la ç.era, ques mercaduria de que mucho se aprovechan, é han por ella otras cosas, questos indios no alcançan). E meten por çierto agugero de la colmena, quitando un tapon, un palo liso que para aquello tienen fecho, é por alli destila é sale uno 6 dos açumbresdc miel_ 6 lo ([ue quieren sacar, sin desbaratar la colmena


180 SOCIÉTÉ DES AMÉIUCANISTLS DE PARIS

Numéro de la Tiunus AUTEURS

carte

ni haçerle detrimenlo ni causai' alteraçion à lasabejas ; é como son muchas las colmenas, assi es en grandissima cantidad la çera é muy buena ». Cf. aussi DIGUET, p. 438-441.

04 Mixlek STARR, Notes, t. VIII, p. 140: « At Yodocono, San Barloloand

Barloloand towns, theykeep many bées. The bee hivesare cylindrical foundations made of sticks tied together, winch are then wrapped in mailing and hung to thesidesof the housesor arranged unon supports over which protecling thatches are construcled. » Cf. aussi STARR, Ind. southern Mex., pi. LVIII ' a. b.

05 Yucatân; Isla GOMARA, p. 305: « Tienen tambien mucha miel, aunque

Cozumel agra un poco, y colmenares de â mil y mas colmenas,

colmenas, chicas.No sabianalumbrarse con la cera ». Cf. aussi BERNAI. DIAZ DEL CASTILLO, p. .9 ; OVIEDO, . t. I, p. 508.

06 Azlèk, SanSal- HARTMANN, p. 297. « Tvâ bi-arter, den ena av en vanlig

vador flugas, donandra afen myggas storlek,hafvaaztekerna

storlek,hafvaaztekerna och man ser dem inhysta i kupor av s ma pumpskal, som hanga pâ husvaggarna ».

029 IndiensdeChi- OVIEDO, t. III, p. 245-246 : «Alli hallaron mucha é

temal \ucii- muy buena miel é colmenares grandes de â mill

l-an é dos mill colmenas en troncos de ârboles, bien

fechos, con sus çebaderos y entradas ; y es grande

esta grangeria é contractaçion alli de la miel, é

no es menos buena que la de Castilla en color é

sabor ; pero lacera es negra, como açabache. Y es

cosa para notar la forma destas colmenas, porque

cada una es tau luenga como el braço lendido de

un hombre, à tan gruessa 6 masque por la çintura,

y esta en tierra tendida é tiene los extremos atapados

atapados una piedra de cada parte, é muy bien

embarrada. Por eneima é orillas de aqiiellas piedras

entran é salen las abejas por unagujero, que esta

eu la milad del vaso de la colmena, en la mas alla

parte délia; 6 hâçia la una piedra, desde le. mitad 6

desde el dicho agujerô, haçen su labor é panales é

sus çeldasévasillos muy bienordenados: éde aquellos

aquellos é sedestila la miel é va à la otra milad del

I vaso é cae en unas boisas de çera, é aquellas se


L'AfICULTORE INDIENNE 181

Numéro de la TRIBUS AUTEURS

carte

liinchen délia, é la otra cantidad mayor de la çera toda quedaâla otra parte de la colmena. E quando quieren sacar la miel é castrar las colmenas o qualquier délias, desalapan el vaso por aquella parle derecha hâçia donde estân las boisas, y en punçândolas, haçiéndoles un agujero tan gruesso 6 delgado, como quisieren que saïga el chorro de la miel, assi ella por alli haçe su curso, é viene mucho linda é sabrosa é limpia sin çera alguna, lan purificada, como si la oviessen colado por un muy limpio çedaço. Es cosa muclio para ver é contemplai-, é hay grandissima cantidad é traclo en aquella licrra de aquella miel, y espeçialmente alli.

Las abejas son en la forma c tamafio como las de Castilla, exçepto que en la color estotras son blancas é muy domésticas, porque ni huyen ni haçen mal; é tomandouna émastrujândola enlrelosdedos, huele muy bien. El vaso de la colmena, como he dicho, es un troço 6 pedaço de unârbol vaquado de denlro, é dexândole enlero como una caxa de un atambor, é tan delgado, despues de Iabrado, como el dedo menor de la mano, ô como le quieren dexar, é por ençima sin corleça é muy bien Iabrado, entalladas labores é follages de relieve; é cada vaso é colmena tiene esculpidala senal é marcadel seûor, cuyo es el colmenar ».

029 Lacandons SAPPER.P. 193.«DagegenhabendieIndianer,undihnen

nach da und dort auch die Misehlinge, die einheimischen Bienenarten (deren Honig auch im Walde ausgenommen zu werden pflegt) ans Haus... ».


182 SOCIÉTÉ DES AMÉRICANISTES DE PARIS

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DÉCOUVERTE D'UN SINGE

D'APPARENCE ANTHROPOÏDE

EN AMÉRIQUE DU SUD,

PAR LE DOCTEUR GEORGE MONTANDON.

{Planches IV et V).

La découverte que relatent ces lignes, si elle se confirme, ne sera pas sans conséquences dans le domaine zoo-anthropologique ; elle obligera à reviser certaines théories, elle soutiendra d'autres théories nouvelles *.

Carte 10. — La région du rio Tarra.

Mais il ne sera pas fait ici d'incursion dans le domaine spéculatif. L'exposé du fait nouveau suffira.

En 1917, M. François de Loys, Docteur es sciences, élève de Lugeon, se

1. Cf. note 1, p. 192.


181- SOCIÉTÉ DES AMERICANISTES DE PARIS

rendit en qualité de géologue au Venezuela. Il y demeura plus de trois ans, parcourant en divers sens les territoires baignés, si l'on va du Nord au Sud, par le rio Santa-Ana et son affluent le rio Ariquaisà, par le Catatumbo et ses affluents le rio de Oro et le rio Tarra, enfin par le rio Zulia (voir la carte). Ces territoires, couverts de forêts, étaient moins parcourus, surtout à cette époque, que les régions limitrophes du Venezuela et de la Colombie, du fait de la nocivité du climat de la zone entourant la lagune de Maracaïbo ; ils sont même en bonne partie vierges de tout pied européen et sont habités par les Indiens Motilones, nullement assimilés et vivant sur un pied constant de défense vis-à-vis des Blancs. C'est dans les profondeurs encore impénétrées de ces forêts que se lança de Loys.

Du point de vue géologique, l'expédition ne fut pas sans succès. Du point de vue proprement « expéditionnaire », elle fut moins plaisante, car de Loys ne ramena que quatre hommes parmi la vingtaine de ceux qui étaient partis avec lui, les autres étant restés en route, tués par les fièvres ou par les Motilones ; blessé lui-même d'une de leurs flèches, il eut du reste l'impression d'être constamment épié par eux, même lorsqu'ils ne faisaient pas remarquer leur présence. Du point de vue scientifique enfin, point de vue imprévu, l'expédition rapporta un document du plus haut intérêt, qui est la raison de ces lignes.

Ce document est unique, non seulement en ce sens qu'il signale un fait absolument nouveau, mais malheureusement aussi en ce sens qu'il n'est pas accompagné de pièces anatomiques. Dans les circonstances, dont le détail suit, de Loys a tué un grand singe inconnu. Aussitôt après, il l'assit sur une caisse et le photographia.

A la vérité, l'animal fut dépouillé et le crâne conservé. M. de Loys le confia au « cuisinier » de l'expédition. Celui-ci le convertit en réservoir à sel. Mais l'humidité et la chaleur produisirent une dissolution qui en fit sauter les sutures. Comme M. de Loys n'avait, après tout, pas de préoccupations zoologiques, comme l'expédition passait par des heures qui la mettaient tout entière en danger, il n'y a pas à s'étonner que les fragments crâniens aient été perdus. Cependant, M. de Loys, sachant parfaitement que son observation était nouvelle, conserva longtemps la mandibule, qui finit à son tour par disparaître au cours des péripéties de l'expédition. Il reste donc la photographie. Celle-ci paraît suffisante — M. le professeur Bourdelle, dans le ressort duquel se trouve la belle collection de singes vivants du Jardin des Plantes, est de notre avis du point de vue morphologique — paraît suffisante, dis-je, pour affirmer l'existence actuelle d'un grand singe inconnu en Amérique du Sud.

Le fait que le document n'est livré qu'aujourd'hui à la publicité néces-



SOCIÉTÉ DES AMÉRICANISTES DE PARIS, 1929.

PLANCHE IV

A. — Forêt du Tarra. Survivants de l'expédition au " Campamento Lovereis".

B. — Région de la source du Rio de Oro.

Grande construction des Motilones

leur servant d'arsenal.

C. — La même construction, de profil.

D. — Un angle de la même

construction, avec porte

d'entrée.


DÉCOUVERTE D'UN SINGE D'APPARENCE ANTHROPOÏDE 185

site maintenant une explication personnelle. Dans le même temps où mon ami de Loys se trouvait au Venezuela, je me rendais, par les Etats-Unis et le Japon, en Sibérie. Nous restâmes en communication et mon plan premier était de passer, au retour, le voir au Venezuela. Cependant, les circonstances de ma mission furent telles que j'eus à rester en ExtrêmeOrient, ce qui, du reste, me permit de visiter les Aïnou ', ainsi que de traverser les territoires russes de part en part, un record pour l'éjioque, de Vladivostok à Riga. C'est lorsque nous revînmes en Europe que j'eus connaissance des documents rapportés par de Loys, mais comme son tempérament ne le porte pas à faire parade de ce qu'il peut avoir vu ou découvert, comme il réserve ses aventures à lui-même, à ses proches et à ses amis, il est bien probable que le document en question n'aurait jamais vu le jour si je ne lui avais demandé de pouvoir le publier et s'il ne m'y avait autorisé. De mon côté, si je n'ai jamais parlé, même dans des conversations, de ce document, c'est que je comptais sur la possibilité de me rendre un jour dans la région en discussion et de rencontrer aussi le grand singe d'Amérique. Je vois maintenant, même après mes publications sur l'anthropologie des Aïnou et sur l'ologenèse humaine, que

je dois renoncer à ce projet et il ne me reste qu'à souhaiter que

d'autres le puissent réaliser.

* * *

Les figures de la planche IV situent le récit. Elles sont tirées de l'album personnel de photographies de M. de Loys, où se trouve aussi la photographie du singe. Trois de ces figures représentent une hutte immense des Motilones, à la source du rio de Oro, jouant le rôle d'arsenal, et à l'intérieur de laquelle se trouvaient, réunies en faisceaux, plusieurs milliers de flèches. La grande dimension de la hutte est particulièrement appréciable dans la figure où se distingue la porte d'entrée, porte basse il est vrai 2. La quatrième figure représente un arrêt des survivants de l'expédition, au « campement Lovereis », dans la même forêt du Tarra où fut tué le singe.

1. Voir : 1927. Au pays des Aïnou. Exploration anthropologique. Paris, Masson, in-8°, VIII-241 p., 3 cartes, 115 fig'., 4 graph. plus 49 planches hors texte.

2. Le professeur Rivet ayant bien voulu attirer notre attention sur l'article suivant : WILLCOX, H. CASE. 1921. An Exploration of the Rio de Oro, Colombia- Venezuela {New York, The American Geographical Society), The Geographical Review, t. 11, p. 372-383, 5 fig'., plus 1 carte hors texte, nous remarquons ce qui suit. L'exploration Willcox, quoiqu'elle crût être la première à avoir suivi le rio de Oro sur tout son cours, fut conduite d'octobre à décembre 1920, c'est-à-dire postérieurement à


186 SOCIÉTÉ DES AMÉRICAMSTES DE PARIS

Voici maintenant les circonstances dans lesquelles le fait se produisit. M. de Loys se trouvait au campement, sur une berge, à un coude d'un affluent de gauche du rio Tarra supérieur. Il entendit du bruit dans les arbres et fit quelques pas en avant. Il fut alors frappé d'entendre que le bruit ne venait pas du faîte, comme c'était toujours le cas lorsqu'il s'agissait des singes-araignées, ainsi qu'on appelle le brachytèle et les atèles de la forêt américaine. Tout à coup, il voit s'avancer deux êtres qu'il prend d'abord pour des ours 1. Ses compagnons et lui sautent sur leurs carabines prêts à recevoir le couple. Les deux animaux continuent à avancer, debout mais en se tenant aux arbustes, et cela dans un état de furie extrême, criant, gesticulant, cassant des branches et les maniant comme des armes, excrémentant enfin dans leurs mains et jetant ces excréments contre les hommes 2. Le mâle, qui était en avant, laissa passer la femelle, de sorte que c'était celle-ci qui s'avançait la première, quand le feu de salve des hommes la cloua sur place ; le mâle se retira alors et ne se montra plus. La bête tuée fut transportée sur la berge et aussitôt photographiée. Il est à remarquer qu'elle représentait, non pas peut-être pour les Motilones sauvages, mais pour les compagnons créoles du chef de l'expédition, une apparition tout a fait nouvelle.

Quand on se reporte à la planche V, le premier caractère qui frappe est la stature du singe. Il est assis sur une caisse contenant des récipients

l'expédition de Loys, lequel, il est vrai, ne publia rien. Deux des photographies Willcox intéressent à titre de comparaison. L'une représente des paquets de flèches, démontrant leur abondance. L'autre représente une grande hutte, vue à distance tout comme sur une de nos figures. Dans le texte, Fauteur dit-avoir rencontré quatre de ces,huttes (dont deux de construction récente) ; la tournure de phrase n'est pas parfaitement claire (p. 379), mais on pourrait croire que les quatre huttes étaient l'une à côté de l'autre, ce qui serait surprenant pour de si grandes constructions. Les photographies ne sont pas de Willcox, semble-t-il, mais lui ont été cédées par le « Carib Syndicate », un syndicat pétrolier vraisemblablement.

1. La forêt sud-américaine n'a pas d'ours. En utilisant ce terme, le chasseur veut exprimer l'impression ressentie au premier abord. Par ailleurs, on appelle ours, en Amérique du Sud, le grand fourmilier.

2. Le professeur Joleaud nous signale que cette dernière attitude a déjà été observée chez les atèles. Voir ses Remarques sur l'évolution des primates sud-américains à propos du grand singe du Venezuela dans la Revue scientifique illustrée du 11 mai 1929. L'auteur attribue à l'Amer-anthropoïdé une stature assise de 0 m. 75, alors qu'elle est de 0 m, 87. L'erreur a été corrigée dans les tirés à part. D'autre part, comme M. Joleaud le signale dans cet article pour les atèles, on remarquera que les seins paraissent masqués sous les aisselles chez l'Amer-anthropoïdé. Notons que l'homme peut montrer une réminiscence de cet état ; la figure 137 du Lehrbuch der Anthropologie de Rudolf Martin (seconde édition) représente, d'après F. Seiner, une femme hotlentote dont les seins, très petits, sont situés au rebord antérieur du creux axillaire.


SOCIÉTÉ DES AMÉRICANISTES DE PARIS, 1929. PLANCHE V

Amer-Anthropoides Loysi (Montandon).



DÉCOUVERTE D'UN SINGE D'APPARENCE' ANTHROPOÏDE 187

d'essence. Selon M. Cintract, photographe, qui en juge d'après le nombre des planchettes composant la paroi en hauteur et leur largeur normale, la caisse aurait une hauteur de 0 m, SO environ et la bête une stature, du talon au vertex, de 1 m. 30 à 1 m. 60 au moins. D'autre part, les caisses standardisées d'essence ont 0 m. 45 de hauteur et la bête étant d'une stature d'en tout cas 3 fois 1/3 la hauteur de la caisse, cela impliquerait une stature de 1 m. 50, disons de 1 m. et demi. Cependant, l'heureux chasseur l'avait mesurée et avait trouvé 1 m. 57 (ce qui signifie que la stature était en réalité de 3 fois 1/2 la hauteur d'une caisse standardisée de 0 m. 45)'. Mais la stature des singes ne se mesure en général pas comme pour l'homme ; la question sera reprise plus loin ; reproduisons ici simplement, quant aux anthropoïdes, les chiffres de la stature, comparable à celle de l'homme, donnés par Heck dans Brehm 2, l'auteur remarquant que chez les singes en général et surtout chez les anthropoïdes, l'écart entre les sexes est très grand :

gorille : les deux plus grands mâles observés : 2 m. et 2 m. 30 3. chimpanzé: mâles jusqu'à 1 in. 70, femelles jusqu'à 1 m. 30. orang : mâles passant pour grands : de 1 m. 18 à 1 m. 94. gibbon ^siamang) : mâles jusqu'à 1 mètre.

On peut donc dire, en schématisant, que le gorille est d'environ deux mètres, le chimpanzé et l'orang d'environ un mètre et demi, le gibbon d'environ un mètre, et que le grand singe d'Amérique est du même ordre de'grandeur que le chimpanzé et l'orange.

Le second caractère qui frappe chez notre singe, surtout si l'on se dit que la mandibule pend par le relâchement des muscles post mortem, c'est l'aspect relativement élevé — dans tous les sens du mot — de la face. Si l'on ne tient compte que de la moitié supérieure du visage, il est certain qu'aucun anthropoïde n'a un faciès aussi humain ; certains singes

1. Le chiffre de 1 m. 35, mentionné dans les Comptes rendus des Séances de l'Académie des Sciences {Séance du 11 mars 192,9) (Paris, Gauthier-Villars), reposait sur des souvenirs erronés. M. de Loys n'eut l'occasion de rechercher le document où était consigné le chiffre exact (une lettre à sa mère) qu'après la séance du 11 mars. Notons que M. Cintract avait déclaré le chiffre de 1 m. 35 impossible, manifestement trop petit.

2. BREHM, Alfred. 1912-1922. Die Sâugeliere (Le chapitre des Primates est de Lud^vig Heck). Leipzig, Bibliographisches Institut, 4 vol. in-8° illustrés.

3. Lo gorille de 2 m. 30 est celui observé, au Gabon, par Brussaux.

4. Le mâle, qui disparut dans le fourré, n'avait pas paru à M. de Loys plus grand que la femelle.


188 SOCIÉTÉ DES AMÉRICANISTES DE PARIS

de petite stature ont, il est vrai, un faciès assez humanoïde, mais cela attire l'attention quand le fait se reproduit sur un individu de grande taille. De plus, par rapport à la stature, la tête de notre singe est plus grande que ce n'est le cas chez les singes-araignées.

Au point de vue du sexe, nous avons affaire à une femelle. En effet, M- de Loys est tout à fait affîrmatif à ce sujet ; l'appendice pseudo-viril que l'on voit est un clitoris extraordinairement développé. M. Bourdelle nous a fait remarquer à ce propos, aussi bien sur des sujets empaillés que vivants du Jardin des Plantes, que divers cébidés (la grande famille des singes de l'Amérique du Sud), entre autres les atèles, ont parfois le clitoris extrêmement développé, pas autant cependant que notre sujet. Le fait se remarque aussi chez les singes de l'Ancien Monde, mais à un moindre degré que chez ceux du Nouveau Monde.

M. de Loys est tout aussi affîrmatif quant à deux autres caractères, incontrôlables par la photographie. La bête était sans appendice caudal et ceci serait tout à fait nouveau pour l'Amérique. On sait que tous les singes du Nouveau Monde sont munis de queue, préhensile ou non ; chez quelques-uns, l'appendice caudal est court et touffu, mais aucun n'en est dépourvu. D'autre part, la bête aurait eu 32 dents. Il est donc éminemment regrettable que la mandibule, à défaut du crâne complet, n'ait pu être conservée, puisque le manque d'appendice caudal et la formule dentaire rapprochent le sujet, non des singes d'Amérique, mais des singes anthropoïdes de l'Ancien Monde '. , ■

S'agirait-il d'orangs-outangs, de chimpanzés ou de gorilles qui se seraient sauvés d'une ménagerie ? L'aspect général de l'individu tué exclut cette hypothèse. Pour faire un rapprochement avec les anthropoïdes, il faut combiner leurs caractères ; en effet, comme M. Bourdelle nous le faisait remarquer, le corps ressemble à celui d'un gibbon géant, tandis que les membres sont ceux de l'orang-outang. Cela nous amène à aligner quelques chiffres relatifs aux proportions du corps.

La stature des singes ne se prenant pas comme pour l'homme, du, fait entre autres que les membres ne sont pas parfaitement extensibles, elle se mesure principalement de deux façons : ou bien, comme stature assise, du vertex à l'origine de l'appendice caudal (procédé plus profane), ou bien de l'incisure jugulaire du sternum au bord supérieur de la symphyse du pubis (procédé plus technique) 2. Si l'on part, pour notre sujet, de la

1. A la rigueur, 32 dents pourraient provenir du fait que 4 dents n'auraient pas percé, auraient élé petites au point de passer inaperçues ou seraient tombées.'

2. MOLLISON, Th. 1910. Die Kôrperproportionen der Prirnaten. (Leipzig) Morphologisches Jahrbuch, t. 42, p. 79-304, 91 figures, Mollison utilise naturellement le second procédé.-


DÉCOUVERTE D'UN SINGE D'APPARENCE ANTHROPOÏDE 189

stature totale de 1 m. 57, cela donne comme stature assise — au-dessus de la caisse.— 0 m. 87, stature dépassant celle de toutes les espèces connues du Nouveau Monde ; en effet, le brachytèle peut atteindre, d'après Daniel Elliot 1, 0 m. 61, l'atèle coaita, selon Brehm 2, 0 m. 65. Mais le brachytèle et les atèles ont des membres extrêmement déliés qui leur ont valu leur surnom de singes-araignées, tandis que notre sujet a un torse et des membres mieux développés en proportion de la stature. D'après la robustesse des membres, il se rapprocherait le plus du brachytèle, mais il doit en être séparé complètement, le brachytèle ayant une toison laineuse, tandis que le sujet en.question est recouvert de poils. Il est un singe d'Amérique parfois encore plus grand qu'atèles et brachytèle : c'est le Lagolhrix lagotricha (Humboldt), dont le plus grand individu observé mesurait 0 m. 70 détaille assise. Mais le lagotriche est encore plus différent de notre singe qu'atèles et brachytèle ; il a, comme le dit Heck, une véritable fourrure, sans parler d'une tête quadrangulaire foncièrement différente de celle de notre .sujet (une très belle illustration de ce grand lagotriche se trouve dans Brehm, démonstrative de l'absolue dissemblance des deux animaux). En fait — puisque la question du système pileux a été abordée — le singe de Tarra, au poil moins fourni et moins égal que les atèles, se rapproche le plus sous ce rapport de l'orang-outang, par la disposition en touffes longues et irrégulières.

Si nous passons à la mesure antérieure du tronc (sternum-symphyse), nous constatons que cette mesure sur notre sujet correspond exactement à la hauteur de la caisse, soit 0 m. 45 si l'on admet une caisse standardisée. Voici d'autre part les chiffres de cette dimension selon Mollison (pour les Badois, pris comme terme de comparaison, il s'agit d'une moyenne de 100 hommes ; pour les singes, nous avons noté le plus grand sujet de chaque série, les séries comprenant des mâles et des femelles) :

1, ELLIOT, Daniel Giraud. 1912. A Revieus of the Primates. New York, « Mono- • graphs of the American Muséum of Natural History », 3 vol. gd in-8° illustrés.

2. lre édition, version française : BHEHM, A. E. 1891. « Merveilles de la nature », Les Mammifères, par Z. Gerbe. Paris, Baillière, 2 vol. in-4° illustrés. Dans sa seconde édition allemande, Brehm ne parle plus de ce coaita de 65 cm., mais en cite un de 1 m. 35 queue comprise, laquelle faisait plus de la moitié, et dont la « hauteur d'épaule » mesurait 0 m. 40. — Le plus grand coaita, empaillé, de la galerie zoologique du Jardin des Plantes (Muséum national d'Histoire naturelle) a 0 m. 54 de stature assise.


190 SOCIÉTÉ DES AMÉRICANISTES DE PARIS

HAUTEUR ABSOLUE DU TRONC

de l'incisure jugulaire du sternum au bord supérieur ■ de la symphyse (maxima des séries ; les singes d'Amérique sont précédés d'un A)

cm

Badois (moyenne de 100 hommes) 52.—

A- Singe du Tarra 45.—

Cynocéphale Q (2 Choiropithecus anuhis) 41.9

Chimpanzé cf (8) 37.0

Cynocéphale cf (14 Choiropithecus sphinx) 36.4

Cercopithèque ppt dit 9 (12 Erythrocebus patas) 35.1

Gibbon cf (29 Symphalangus syndaclylns ) 33.6

Orangcf(5) ' 32.5

A Sajou cf (1 Cebus flavus) - 25.9

Lémurien Q (5 Lemur macao) 25.2

A Atèle cf (1 Aleles hyhridus) 20.4

Les proportions des membres, sur les tableaux qui suivent, sont calculées par Mollison par rapport au tronc antérieur, celui-ci étant mesuré comme dans le tableau précédent et sa valeur étant ramenée à 100. On remarquera, pour le membre inférieur, que si notre sujet a une apparence humanoïde, les atèles ont la proportion la plus proche de l'homme de tous les singes, anthropoïdes et autres, de l'Ancien et du Nouveau Monde.

RAPPORT DE RRAS PLUS AVANT-BRAS AU TRONC ANTÉRIEUR 10.0

(les chiffres expriment ici des moyennes)

Gibbons (29) 188.8

Orangs (S) 160.2

A Singe du Tarra env. 146

A Atèle (1) 140.0

Gorilles (2) 133.5

Chimpanzés (8) 122.6

■Badois (100) 115.9

Cynocéphales {Hamadryas hamadryas) (9) 111.8

Macaques {Ne/neslrinus nemestritius) (9) 101.6

A Sajou {Ccbus flavus) (1) 92.0

Cercopithèques ppt dits {Erythrocebus patas) (12) 87.2

Lémuriens [Nyticebus lardigradus) (6) 75.0

Les autres singes d'Amérique ont moins de 75.


DÉCOUVERTE D'UN SINGE D'APPARENCE ANTHROPOÏDE 191

RAPPORT DE CUISSE PLUS JAMBE AU TRONC ANTÉRIEUR 100

(les chiffres expriment ici aussi des moyennes)

Badois (100) 158.5

A Atèle {Atèles hybridus) (1) 139.0

Gibbons (28) 130.7

A Singe du Tarra env. 125

Cynocéphales {Papio cynocephalus) (7) 119.0

» {Hamadryas hamadryas') (9) 115.0

Chimpanzés (8) 113.2

Gorilles (2) 113.0

Orangs (5) 111.2

Cynocéphales {Choiropithecus sphinx) (13) 111.0

Lémuriens {Lemur calta) (3) 110.3

Macaques {Nemestrinus nemestrinus) (9) 110.2

A Sajou {Cebus flavus) (1) 107.0

Cercopithèques ppt dits {Cenocebus fuliginosus) (4) 105.7

Macaques {Cynopithecus niger) (4) 105.0

Lémuriens {Lemur macao) (5) 100.6

Les autres singes ont moins de 100.

A un autre point de vue, notre sujet est très proche des atèles, à savoir par les mains antérieures. On peut constater que les pouces en sont non seulement très réduits, mais, semble-t-il, inégaux (le gauche étant mieux formé que le droit) ; or, on observe parfois, chez le brachytèle et les atèles, que les moignons de pouce sont inégaux ou même qu'un des deux manque complètement. Notons que, parmi les anthropoïdes, c'est l'orang-outang qui a les pouces des mains antérieures les plus réduits.

Enfin, il est manifeste, de par l'écartement des narines, que notre sujet se place parmi les platyrhiniens, comme tous les singes du Nouveau Monde, par opposition aux catarhiniens à narines rapprochées, comme tous les singes de l'Ancien Monde.

En résumé, en nous en tenant aux seuls caractères révélés par la photographie, cet être ressemble, parmi les anthropoïdes, à un gibbon géant par la forme du corps, à l'orang-outang par l'aspect des membres et le pelage ; par les proportions des membres, il est également proche des anthropoïdes de l'Ancien Monde et des atèles du Nouveau-Monde ; mais il est platyrhinien, proche des atèles par la réduction des pouces antérieurs ainsi que par le développement et la disposition des parties sexuelles féminines ; il est cependant beaucoup plus grand qu'eux, plus massif, différemment poilu et a le clitoris encore plus développé ; enfin,


192 SOCIÉTÉ DES AMÉRICANISTES DE PARIS

il a une tête d'apparence plus humanoïde que tout autre singé, anthropoïde ou autre.

Si nous avons affaire à une nouvelle espèce, il n'y a pas à s'étonner que cette espèce présente des caractères mixtes. Qu'on se souvienne de la découverte de l'okapi ! Et l'on peut même dire que presque chaque espèce nouvelle devait paraître présenter, au moment de sa découverte, des caractères mixtes. Avant cependant de munir d'une étiquette ce qui paraît être une nouvelle espèce, nous avons un instant, du fait surtout de la tête humanoïde, émis de par devers nous l'hypothèse suivante, malgré l'impossibilité normale de la chose : aurions-nous affaire à un hybride entre l'homme et le singe, entre une indienne par exemple et un atèle ? CJ qui nous fait rejeter cette hypothèse, c'est que ce singe n'était pas seul. Ils étaient deux, semblables l'un à l'autre. En effet, si nous admettons la réalité de l'être qui est ici devant nous, nous n'avons pas le droit de mettre en doute la déclaration de l'explorateur affirmant que la bête avait un compagnon. Aussi, malgré toute la circonspection que nous savons devoir être de rigueur, nous n'arrivons pas à résoudre le problème autrement qu'en nous disant que nous avons affaire à une nouvelle espèce simienne.

Où allons-nous donc classer cet être ?

Dans L'Ologenèse humaine 1, procédant avec plus de précision que ce n'est généralement le cas lorsqu'il s'agit de la généalogie humaine, nous avons adopté une triple hiérarchie dans l'ascendance de l'homme, l'espèce humaine ou l'homme rentrant dans le genre non pas humain, mais hominien (hominien de Neandertal, hominien humain ou homme, etc.), le genre hominien rentrant, avec le genre pithécanthropien et le genre australopithécien, dans la famille des hominidés, la famille des hominidés formant enfin avec celle des singes anthropoïdes, celle des singes pithécidés, celle des singes cébidés, celle des singes hapalidés et celle des lémuridés : l'ordre des primates. Notons que les quatre familles de singes forment plus intimement bloc entre elles que ce n'est le cas avec les lémuridés d'une part, avec les hominidés d'autre part, et que les quatre familles de singes peuvent être réunies deux par deux en deux sous-ordres, les catarhiniens d'une part, comprenant les anthropoïdes et

1. 1928. L'Ologenèse humaine {Ologénisme). Paris, Félix Alcan, in-8°, xn478 p., 21 fig., 14 graphiques, 20 cartes, plus 3 cartes et 14 planches de portraits hors texte. — La présence d'un anthropoïde en Amérique soutient indirectement la théorie de Fologénisme ; ce faitabolit l'argument de la répartition des anthropoïdes à la périphérie de l'Ancien Monde — comme s'ils y avaient été chassés par les vagues concentriques de leurs successeurs—argument invoqué comme preuve du berceau de l'humanité en Asie centrale.


DÉCOUVERTE D'UN SINGE D'APPARENCE ANTHROPOÏDE 193

les pithécidés, les platyrhiniens d'autre part, comprenant les cébidés et les hapalidés ou singes à griffes. Si le front développé de notre sujet ne résulte pas simplement d'un effet d'optique, il ne serait pas à exclure que cet être fût un hominidé, d'un genre nouveau, à mettre en parallèle avec le genre pithéeanthropien. Étant donné cependant qu'il a non un pied, mais une main postérieure, étant donné que nous n'avons pas le crâne — car la mesure de la capacité crânienne nous paraît devoir être déterminante pour taxer un sujet d'hominidé —, nous ne lui ferons pas, pour l'instant du moins, franchir le stade des anthropoïdes.

En effet, tout en réservant la possibilité que nous nous trouvions simplement devant une nouvelle espèce d'atèle, espèce géante 2, il nous semble bien que c'est parmi les anthropoïdes provisoirement du moins, qu'il doit prendre place. La stature, harmonieuse et massive, le développement apparent crânien parlent pour cette solution. De plus, si le chiffre de trente-deux dents peut reposer sur une interprétation erronée, il n'est pas possible de ne pas tenir compte de la donnée de l'explorateur, selon laquelle l'absence d'appendice caudal était aussi totale que chez l'homme.

Parmi les diverses classifications des singes, celle de Daniel Elliot est aujourd'hui fort répandue. Elle a été adoptée, entres autres, par Gregory ■et,* dans le milieu des anthropologistes, par Giuffrida-Ruggeri. C'est elle aussi qu'adopte, somme toute, M. Bourdelle. Ce dernier supprime même complètement les sous-ordres des catarhiniens et des platyrhiniens, met-' tant les quatre familles de singes sur un seul rang. Il est clair, dans ce cas, que notre-être représenterait un nouveau genre de la famille des Anthropoidae ou Anthropomorphae ou Pongidae.

Mais la classification d'Elliot nous paraît avoir une terminologie bien malheureuse ; c'est ainsi qu'il appelle Anthropoidea l'ensemble des singes ■dans lesquels il fait du reste rentrer le pithécanthrope, qu'il appelle Simiidae l'ensemble des singes anthropoïdes, etc., etc., renversant pour ainsi dire la terminologie habituelle. Sans utiliser de termes latins, nous nous sommes rallié grosso modo, dans L'Ologenèse humaine, à la classification donnée par Rodolphe Martin, qui est de son côté celle du zoologiste Weber, et, nota hene, aussi celle de Heck dans la seconde édition allemande de Brehm, cette classification paraissant la plus propre aux fins de l'anthropologiste. Mais pour baptiser le nouvel être, nous utiliserons la terminologie latine.

1. Ce pourrait être une espèce géante nouvelle, mais pas un individu géant d'une espèce connue, car notre sujet ne présente pas de caractères de gigantisme (tels que tête et extrémités anormalement développées).

Société des Aniéricanistes de Paris. 13


194 SOCIÉTÉ DES AMÉRICAN1STES DE PARIS

Comme nous maintenons les deux sous-ordres des catarhiniens et des platyrhiniens — les caractères du nouvel être, qui représente un cas de parallélisme, paraissent même nécessiter ce maintien —, une nouvelle famille est à créer dans le sous-ordre des platyrhiniens ; le meilleur terme nous paraît être celui de Amer-anlhropoidae et cette famille fera pendant aux Anlhropoidae ou Anthropomorphae ou Pongidae catarhiniens de l'Ancien Monde. Cette famille des Amer-anlhropoidae ne comprendra jusqu'ici qu'un genre : Amer-anlhropoides. Nous ne connaissons en effet pas le terme par lequel les habitants de la forêt désignent cet être et nous appelons maintenant l'espèce du nom de celui qui l'a découverte et nous a procuré la possibilité de faire cette présentation : Amer-anlhropoides Loysi.

Au moment de la rédaction de ces pages, M. Vosy-Bourbon, bibliothécaire de la Société des Américanistes de Paris, nous donne connaissance du document suivant. Il est extrait et traduit de II Palacio (Santa Fé, Nouveau Mexique), t. 25, sept. 22-29, 1928, p. 188-189, qui lui-même l'a extrait de Science Service.

ARCHÉOLOGIE AMÉRICAINE

Statues rappelant le gorille au Yucatân.

De monstrueuses statues de pierre semblables au gorille, provenant de la contrée sans gorillesdes Maya, sont une des curiosités inexpliquées du Musée archéologique et historique de Merida (Yucatân). Ilya deux de ces créatures, sans jambes, mais se

tenant debout, d'une stature de plus de 5 pieds, sur leurs moignons de cuisses

elles ont été trouvées près de la ville de Tekax, Yucatân Une des statues semble

bisexuelle, car, tandis qu'elle a les caractéristiques masculines, elle porte un enfant sur le bras gauche, comme une mère. Les figures ont une position simienne frappante. Elles ont des sourcils prononcés, de larges poitrines el un dos voûté anthropoïde, représentant des créatures d'un physique puissant.- Il n'y a pas trace de légendes qui expliquent leur signification, et les habitants de Tekax savent seulement que les statues de pierre étaient depuis très longtemps dans leur site isolé sur la colline. — Emma Reh Stevenson dans Science Service.

Des pseudo-gorilles, ce pourrait être notre Amer-anthropoïdes. Des caractéristiques masculines d'une femelle, ce pourrait être le clitoris développé comme un membre viril. "Nous avons demandé à la Direction du Musée de Merida qu'elle voulût bien nous faire parvenir les photographies des dites statues.

D'autre part, M. Eugène Chabanier nons communiqne ce passage, tiré et traduit du chapitre 95 de la Crônica del Perû de Pedro Cieza de Leôn (milieu du 16? siècle).


DÉCOUVERTE D'UN SINGE D'APPAUENCG ANTHROPOÏDE 195

On dit aussi qu'en d'autres endroits il y a (mais pour moi je ne les ai pas vues) des guenons très grandes qui vont dans les arbres et dont (tentés par le démon qui cherche où et comment faire commettre aux Hommes les péchés les plus grands et les plus graves) des indigènes usent comme de femmes, et, affirme-t-on, certains de ces singes auraient accouché de monstres qui avaient la tête et les organes sexuels d'hommes et les pieds et mains de singes. Ils ont, dit-on, le corps petit et une grande stature, ils sont velus. Ils ressembleraient enfin (s'il est vrai qu'ils existent) au démon leur père. On dit en outre qu'ils n'ont pas de langage, mais un gémissement ou un aboiement plaintif.

La région des Motilones paraît enfin receler, encore aujourd'hui, des pygmées. Sans parler d'un autre passage de Cieza de Leôn (chap. 74) les données de Kollmann ' sont confirmées par les observations simultanées de P. Rivet et de E. Nordenskiôld faites sur des films de Bolinder. La théorie de l'ologénisme y trouvera, à notre sens, un nouvel appui et, de toute façon, les confins colombo-vénézuéliens méritent de plus amples investigations.

Attendons !

1. 1902. Pygmàen in Europa und America (Braunschweig) Globus, t. 81, p„ 32J327.



THE RUINS OF TLALOC

STAÏE OF MEXICO,

By CONSTANTINE G. RICKARDS,

British Vice Consul at Mexico City.

{Planches VI-VII).

Of themany ruins found near to the City of Mexico none are so rarely visitedby people interested in archaeological research as those which are known as the Ruins of Tlaloc, named after the mountain which bears the same name.

Tlaloc or "The god of Rain' was one of the oldest of the gods of ancient Mexican mythology and was worshipped by the tribes which inhabited the Valley of Mexico long before the Aztecs became owners of the land.

The Ruins of Tlaloc are situated on the highest point of the mountain called Tlaloc, 1890 meters above the Lake of Texcoco. Tins mountain lies on the boundary of the lands belonging to the Hacienda of Chapingo of which for many years the former Président of the Republic, General Manuel Gonzalez was the owner. This Hacienda is about two miles from the City of Texcoco. The nearest village to Tlaloc is Tequisquenahuae which lies about 14 miles to the S. E. From Tequisquenahuae there is a mountain trail for about eight miles and from there to the top of the mountain there is barely a beaten path through a wild région on which only grass can grow.

The approach to the ruins is marked b}' a long narrow entrance with walls on each side. Thèse walls hâve settled down completely, but are still in a straight line. Most of the stones used to build the walls are ' pièces of rock detached from the earth's crust and some of them are roughly eut to make them more or less of the same size. No cernent was •used to make the walls.

As can be seen by the sketch {iig. 13), following this entrance, a big square is still standing but in very few places, ail the walls having settled, and inside of this square is another square made of walls of the same structure.


198 SOCIÉTÉ DES AMÉR1CANISTES DE PARIS

The appearance of the ruins is that they must be very old and primitive. They lie' on the highest point of the mountain on a plateau from which a very extensive view can be obtained, for, on one side can be seen the Valley of Mexico with the City of Mexico, the Lake of Texcoco and

Fig. 13. — Ruins of Tlaloc.

the town of Texcoco and on the other side the City of Puebla can be seen.

In the centre of the inside square lie the remains of a monolith made of dark volcanic rock. It is impossible to ascertain how liigh this monolith was originally, as only parts of it are left, but a pièce which apparent-


SOCIÉTÉ DES AMÉRICANISTES DE PARIS, 1929. PLANCHE VI

A. — Ruins of walls. The Ixtlacihuatl in the distance.

B. — Entrance to the ruins. Walls settled down.

C. - Part of walls still standing. Ruins of Tlaloc, state of Mexico.



SOCIÉTÉ DES AMÉRICANISTES DE PARIS, 1929. PLANCHE VII

A. — View of the remains of the walls.

B. — Remains of monolith in centre of square.

C. — Ruins of walls.

Ruins of Tlaloc, state of Mexico.



THE UUINS OF TLALOC 199

ly was the top can still be seen and the carvings on it clearly represent the god Tlaloc with the eyes with a large ring around them.

The squares are thickly covered with the stones from the walls but in one of two spots where the ground is soft it is clearly visible that some digging lias been done and on the surface bits of pottery and obsidian flakes can be gathered.

Many stones hâve been carried away by the Indians to build houses in their villages.

There are manj^ legends told by the old Indians regarding this place, but no facts appear to be known regarding the history of this romantic spot.

The old legends claim that this was one of the places where the eagle settled on the cactus plant to indicate to the Mexicans where to settle.

It appears that this place was used as a shrine by the Indians and it must hâve been an important shrine to worship as there are no other ruins nearby. It must also hâve been used as a fortress on account of its position and thick walls.

On two sides of the shrine, the ground is very steep and on the other two sides the ground rises at a fairly pronounced angle, the least pronounced being th. side where the entrance is placed.

No water is to be seen on this mountain but a good stream passes at the bottom and goes to the village of Tequisquenahuae.

The ruins, although very simple, are most interesting and if restored, would make a very imposing sight especially on account of its surroundings.



THE WARAU INDIANS OF GUIANA

AND VOCABULARY OF THEIR LANGUAGE,

BY THE RÉVÉREND JAMES WILLIAMS K

590. Word, Commandment : B. Dibu, word, a-Ribu, his word; T.

Aribu, idioma; O. T. Dibu, Ord. Palabra; Aribo, Râd (=rôst). Consejo; Oribo, Samtal. Conversaciôn ; Ka-idâmo aribo, Leg (min hôvdings râd). Ley (el consejo de mi Cazique). (The word of our Chief. J. W.) (Cf. No. 70, J. W.)

591. Writing : S-G. Jabatae, escritura.

592. Writing-pen : S-G. Karata ajaba tanoko, pluma para escribir. (The

word 'karata' =Span. carta. J. W.)

6. lnsects.

603. Scorpion : T-A. Caje, alacrân.

604. Spider : T-A. Abuna mocco, arafia.

605. Spider (2) : T. Mahuai, arana. ,

606. Centipede : S-G. Jarat \ede, cienpiés.

607. White Ant. Termite : T-A. Chiucani, comején.

608. Termite (2) : T. Aji, comején ; S-G.Agimo, comején.

609. Wasp : T-A: Tomonojo, avispa.

'610. Wasp (2) : R. (p. 166) A dog called 'Warribisi' (lit., a wasp).

611. Marabunta : R. (p. 337) A black variety of marabunta 'oro' ( =

'yieseri' of the Arawaks).

612. A large Bee : S-G. Kaibo, cigarrôn.

613. Bee : R. (p. 200) Simo-ahawara (lit., bee tribe). (Cf. Nos. 436, 43,

J. W.).

614. Ant : S-G. Mûa, hormiga.

615. Ant (2) : T-A. Muja-zimo, hormiga (Cf. No. 1003. J. W.).

616. Ant (3) : R. (p. 126) Emesbi, a large red ant.

1. Continuée! from Journal de la Société des Américanistes de Paris, n1Ie série, t. XX, 1928, p. 193-252.


202 SOCIÉTÉ DES AMÉRICANISTES DE PARIS

617. Ant. (4) : Crevaux, 'Voyages', p. 612 : — "on lui applique des

fourmis appelées 'tari-tari-'

R. (p. 309) : — "Among the Warraus (mouth of Orinoco), the sufferer is put in his hammock ; they apply the taritari ants to him ; My Warrau friends on the Moruca recognize

recognize above-mentioned insects as their nataiari."

618. Ant (5) : S-G. Kuara, bachaco (Codazzi, 'Resûmen de la Geografia

Geografia Venezuela', p. 228 : ■—• " Bachaco, Hormiga colorada de cabeza grande y dos pinzas en la boca,. . ." The Atta Cephalotes.)

619. West Indian Firefly : T-A. (P. noctilucus) ; T.-A. Mûjerâ, cocuyo.

620. Butterfly : T-A. Uaro-uaro, mariposa ; R3. (p. 199) Waro-waro,

butterfly.

621. Gru-gru Grub (grub of the Calandra palmarum) ; R4. (p. 211)

— "The Warrau speak of it as mo. .. "

622. A certain Beetle (the large coleopterus insect Calandra palmarum)

palmarum) R. (p. 210) : — "They used to eat the grubs of a certain beetle (the hi-bomo of the Warraus) that grows in the ite palm."

623. Mosquito (Culicidae) : T-A. Jiguilu, mosquito.

624. Mosquito (2) : T-A. Cojoboio, zancudo ; T. Cojoboti, mosquito ;

Globus, XVII, 1870, pp. 316-8 : — "Eine Art Moskito Cajoboto" ; O. T. Kôhobôlo, Moskito. Fluga.

625. Mosquito (3) : T. Cojo, puyon ; O. T. Koho, Sandfluga {Marihui

se dice en Bolivia). ,

626. Sand-fly (Simuliidae) : T. Comocomoeo, jején.

627. Sand-fly (2) : S-G. Kabaoro, jején (This is an Arawak word! See

H. B-U. 'Kabâuru, kleine Fliegen'. J. W.)

628. Sand-fly (3) : S-G. U, mapire.

629. Fly : Globus, XVII, 1870, pp. 316-8 : — "eine andere sehr lastige

lastige Fliege, die 'Golosa' de Venezolaner, heiszt bei den Indianer 'Jurand'."

630. Cow-fly : Tabanus, Motûca Fly ('Hadrus lepidotus') ; T., T-A.

Cobo, tâbano ; T. Coboina, tâbano punta.

631. Sand-flea': Chigoe ('Sarcopsylla penetrans') ; S-G. Sikà, nigua ;

S-G. Sikaina, niguoso. (Abounding in jiggers, chigoes. J. W.)

632. Worm : T-A. Juba; gusano. (Cf. No. 675. J. W.)

633. Worm (2) : T. Tuo, gusano.

634. Cockroach : S-G. Baje mura, cucaracha.

635. Tick (lxodes) : T-A. E^erula, garrapata.

636. Tick (2) : Ji-zimo, chibacoa. (Cf. No. 1003 (J. W.)


THE WAKAU INDIANS OF GU1ANA 203

7. Fishes.

637. Fish : T. Jomasaba, pescado.

638. A Fish : T-A. Jumacaba, pez ; O. T. Homakâba, Fisk. Pescado. 639: Fresh-water Fish : G. Mubo, piscis aguadulce.

640. Shell : T. Jere, caracol ; T-A. Gerlé, caracol.

641. A Fish : (Gûn. I. 256. Genus No. 55. 'Centrarchus' ?) ; R. H. S.,

1843, p. 171 : - "Pomotis ? bono. Warrau 'Bono. "

642. Red-bellied Sciena : (Gûn. IL 284. Genus No. 7 'Scioena'.) ; R.

H. S., 1843, p. 153. Scioena? rubella. Bashaw. Warrau 'Oborohai'.

643. Lukunani : (Gûn. IV. 304, 1. 'Cichla ocellaris') ; R. (p. 181) : —

"Kwabaihi, a fish, big species of lukunanni, cichla ocellaris."

644. Large-lipped Cychla : (Gûn. IV. 308, 5. 'Creniciclila saxatilis'.) ;

R. H. S., 1843, p. 139 : — "Cichla labrina. Agas. Warrau 'Saboa'.

645. A Cat-fish : T. Ocobosimo, bagre amarillo (Siluridae, J. W.).

646. A Fish : (Gûn. V. 115 1. ' Pimelodus maculatus') ; R. H. S.,

1841, p. 175 : " Pimelodus (Bagrus) Maculatus. Warrau 'Mohocco', Lingua gérai 'Jandia' " ; G. Mujocu, piscis yapque.

647. Laulau (Siluridae) : S-G. Oru, laulau (pez) ; T. OU, laulau.

648. Marbled Arius : (Gûn. V. 194. Genus No. 75. 'Auchenipterus') ;

R.. H. S., 1841, p. 173 : — "Arius oncina. Warrau'Awàyu'."

649. Chestnut-bellied Doras : (Gûn. V. 200. Genus No. 80. 'Doras');

R. H. S., 1841, p. 161 : — "Doras castaneo-ventris. Warrau 'Mutu-mutu'." 650- The Guavina : (Gûn. V. 281, 1. 'Macrodon trahira'.) ; (R. H. S!, 1843, p. 207 : — "Erythrinus guavina, Humboldt") ; T-A. Çojo, guabina ; T. Caojo, guabina.

651. The Haimara : (Gûn. V. 283. 1. 'Erythrinus unitoeniatus') ; R. H

S., 1841, p. 256 : — "Haimura. Erythrinus Macrodon Agas' Arawak Huri. Warrau Cauhui. Lingua gérai Tari-îra" ; Ri. S., III, 632. Erythrinusunitaîniatus Spix. Die Arawaaks nennen den Fisch Huri, die Warraus Cauhui.

652. Pale Red-streaked Salmon-carp : (Gûn. V. 295. 4. 'Prochilodus

nigricans') ; Ri. S., III, 644 : — "Prochilodus rubro-toeniatus, Schomb. Warrau Yacotta."

653. Black-striped Chalceus : (Gûn. V. 309.11. 'Leporinus nigro-tseniatus')

nigro-tseniatus') R. H. S., 1841, p. 218, gives Waracu as Lingua gérai name ; Ri. S., III, 634, Leporinus nigro-toeniatus Mûll. Warrau Waraku.


204 SOCIÉTÉ DES AMÉRICANISTES DE PARIS

654. Blue-banded Chalceus : (Gûn. V. 333. Genus No. 23. 'Chalceus');

R. H. S., 1841, p. 210 : — "C? toeniatus, Blue-banded Chalceus. Warrau Hua.

655. Strong-toothed Hydrocyon : (Gûn. V. 358. 1. 'Cynodon scomberoides')

scomberoides') Ri. S., III, 636. Hydrolycus scomberoides Cuvier. Warrau Baiarra.

656. The Pirai : (Gûn. V. 368. 3. 'Serrasalmo piraya') ; S-G. Eje,

caribe (pez) ; S-G. Ejeina, sitio lleno de caribes (a place full of pirais. J. W.).

657. The Morocoto, or, Pacu : (Gûn. V. 374. 6. 'Myletes brachypomus')

brachypomus') R. H. S., 1841. p. 239 : — "one of the most delicious among this division is the morocoto, or osibu, of the Warraus, it inhabits only the estuaries, and does not occur in fresh water..."; S-G. Ojibo, osibo, pescado ; T. Josibo, morocoto.

658. The Electric Eel : (Gûn. VIII, 10. 1. ' Gymnotus electricus') ;

Cr. Ouciboutou, gymnote ! T-A. I-shibut, temblador.

659. The Ray : (Gûn. VIII. 482. 22. 'Trygon hystrix' ?) ; T-A. Jue,

raya, pez (Cf. s. v. 'Blue-banded Chalceus'); R3., p. 196 : — "The hu-e (War.) or 'sting-ray' fish."

660. The Ray : (2) R. H. S., 1843, p. 180. Many-spined Trygon,

Sipùrri ; H. G. D., IL 359 : — "A fourth species (i. e. of stingray. J. W.) Trygon hystrix, is called by the Warraus, Siparri..."

661. Crab : T-A. Je, cangrejo.

8. Reptiles.

662. Toad : R. (p. 132) Nanyobo, (lit., a big kind of frog) ; S-G. Nanioba,

Nanioba, ; T. Nanobo, sapo.

663. Frog : G. Guansa, rana.

664. Frog (2) : R. (p. 195) Warekki, large rain-frog.

665. Frog (3) : R. (p. 198) Ho-hâ-ra, the smaller rain-frog.

666. Frog (4) : S-G. Borabora, rana. (A frog called in British Guiana

Burâburâru, from the Arawak, sce H. B-U. Bûrruburâru. Perhaps this is the same. J. W.) 666a. Tree Frog : R. (p. 201) Wau-uta, the tree frog.

667. A Land Turtle : T. Guaco, morocoi; Cr. Ouaco, tortue: T-A.

Uacu, morrocoy ; O. T. Oâko, Skôldpadda. Tortuga ; R3. (p. 198) Waku, a turtle ; T. Guaco aji, huevos de tortuga. (Turtle's eggs.)

668. Turtle (2) : S-G. Joo niuako, terecay (A small turtle.)


THE WARAU INDIANS OF GUIANA 205

669. Turtle, Tortoise : T-A. Uacuira, tortuga.

670. Tortoise : G. Mejokobo, Cinosternum scorpioides.

671. Cayman : Cr. Harabaca, caïman.; T-A. Nija-arabac, caïman ; G.

Mija-arabaka, crocodilus ; T. Nijarabaca, caiman.

672. Cayman (2) : Cr. Dourou-dourou, caïman ; T-A. Duru-duru, bava.

(See Codazzi, 'Resûmen de la Geografia de Venezuela', p. 216 : — "La baba es una especie de caiman mas pequeîio y no tan feroz corne este." i. e. the preceding one. J. W.)

673. Lizard : S-G. Mera, lagartija.

674. Iguana ('Iguana tuberculata') : Cr. Guigana, iguane ; T-A. Yoana,

iguana.

675. Snake : T-A. Juba, culebra. (Cf. No. 632. J. W.) ; T. Juba, culebra

culebra O. T. Hûba, Orm. Vibora ; Cr. Houba, couleuvre.

676. Anaconda ('Eunectes murinus') ; B. ('Mission Work among the

Indian Tribes in the Forests of Guiana', p. 129). Wabma, water boa; R. (p. 143) Uamma, water-camudi ; Cr. Ouama, serpent à sonnettes. (This is the rattle snake, 'Crotalus terrificus'. J. W.)

677. Fang : T-A. Iuari, eolmillo.

9. Birds.

'C, in the following list, refers to the name and nuniber in 'The Birds of British Guiana' by Charles Chubb. 'Peu.' refers to the Penards' 'De Vogels van Guj'ana'. The Warrau names, except where otherwise stated, are from Richard Scomburgk's 'Reisen'. Vol. 111, and Schomburg'k's number and name for each bird is given after his Warrau name.

678. Great Tinamou : (C. 2. 'T. major') ; Tuba (353. Trachjqielmus

subcristatus Cab.) ; Tuba (Pen. I. 318. 'T. subcristatus, Cab.) ; Tubu, T., Gallina de monte.

679. Pileated Tinamou : (C. 5. 'C. soui') ; Dubquasimo (352. Cryplurus

Sovi Licht.) ; Dokosinio, G. Crax ; Docosimo, T., pavo.

680. Crested Curassow (C. 9. 'C. nigra') ; Yaruma (344. Crax alector

alector ; Yaruma, (Pen. I. 295. Crax alector) ; Yaromo, T., Pauji.

681. Cayennc Guan : (C. 14. 'P. marail') ; Marurih (340. Salpiza cristata

cristata ; Maroedie, (Pen. 1. 301. 'Pénélope jacupeba', Spix.)

682. Little Guan : (C. 16. 'O. motmot'.) ; Hannaqua (339. Ortalida

Motmot Wagl.) ; Hauahua (Pen. I. 304. 'Ortalis motmot'.)

683. White-headed Guan : (C. 17. 'C. cumanensis') ; Ouahenne (343,

Pénélope pipile Gm.) ; Ouahenne (Pen. I. 306. 'Pipile cumanensis, Gin.'.)


206 SOCIÉTÉ DES AMÉRICANISTES DE PARIS

684. Sonnini's Crested Quail : (C. 18. 'E. sonninii') ; Behesurae (348.

Ortyx cristatus G. R. Gray.)

685. Guiana Partridge : (C. 19. 'Odontophorus guianensis') ; Dakarre,

(34-9. O. guianensis) ; Doroquarra, R. (p. 128). Odontophorus guianensis.

686. Rufous Pigeon : (C. 21. 'C. rufina') ; Kukukae (334. Colomba

rufina Temm.)

687. Grey-fronted tDove : (G. 31. 'Leptoptila rufaxilla') ; Wassibicobo,

(337. Peristera jamaicensis Selby.)

688. The Hoatzin : (C: 33. 'O. hoazin') ; Nah (212. Opisthocomus cristatus

cristatus Bù-nia bird R. (p. 131). Opisthocomus.

689. Cayenne Wood-Rail : (C. 36.. 'Aramides cajanea'.) ; Aku, (402.

Ortygarchus caj'ennensis Cab.); Aku (Pen., I. 202. 'Aramides caj'anea'.)

690. Coot-Iike Heliornis : (C. 49. 'H. Mica') ; Oranih (423. Podoa

surinamensis 111.) ; Orani {Pen., I. 13. Heliornis fulica').

691. Black-tailed Skimmer : (C. 58. 'R. cinerascens') ; Wanarih,

(409. Rhynchops melanurus Sws.); Wanarie (Pen., I. 50. 'Rhynchops Melanura. Swains.')

692. Common Jacana [fassana) : (C. 87. 'J. spinosa'.) ; Nassitimg (400.

Parra jassana Lin.) ; Nassitung (Pen. I. 230. 'Jacana jacana, L.')

693. Sun Bittern : (C. 90. 'E. helias') ; Tuanna, (366. Eurypyga

Relias 111.) ; Tuanna (Pen., I. 193. 'Eurypyga helias, 111.) ; Tijana, S-G., Tigana.

694. Common Trumpeter : (C. 91. 'P. crepitans') ; Warracaba (362. Pso<r

phia crepitans Lin.) ; Guarakaba, G. Grus (a crâne) ; Ahamie (Pen., I. 222. 'P. crepitans'.)

695. Cayenne Ibis : (C. 93. 'H. cayennensis') ; Korro-korro (385. Ibis

infuscata Licht.) ; R3. p. 195 : — ". . .The nest of the 'Korrikorri (War.), a bird which I hâve neither seen nor . identified more than that it is ca sea-bird, is red ail over, and lias feet like a fowl'."

696. Scarlet Ibis : (C. 95. 'E. rubra') : Simôko, O. T. Ibis ; Timuku

(384. Ibis rubra Vieill.) ; Timoeksen (Pen., L 130. 'Eudocimus ruber, L.') ; Cimoco, T.. Cidra (egret).

697. Roseate Spoonbill : (C. 96. 'Ajaia ajaja') ; Ajaja (382. Platalea

ajaja Lin.); Ajaja (Pen., I. 136. 'Ajaja ajaja, L.')

698. Jabiru : (C. 99. 'J. mycteria') ; Doih (Ri. S., II. 153-4) ; Bai

(Pen., I. 142. 'Mycteria americana, L.')

699. Crâne, or, Héron : (Cf. No. 704. 'Capped Héron'); Wau-uno, R.


THE WARAU INDIANS OF GUIANA 207

(p. 338), the white crâne; Wauno, Timehri (Fr. Cooksey), Dec, 1912, p. 330 the crâne ; Uauno, T-A., Garza (Héron, Ardea. J. W.) ; Guauno, G., Ardea virescens.

700. Crâne, or, Héron (2) : Uara, T-A., Garza.

701. Agami Héron : (C. 105. 'D. agami'.) ; Okoh, (372. Ardea agami Gm.); Okok (Pen., I. 172. 'Agamia agami'.)

702. Tiger Bittern : (C. 111. 'T. lineatum') (Okoh (374.Tigrisoma tigrinum G. R. Gray) ; Okoh (375. T. brasiliense G. R. Gray.)

703. Boat-Bill : (C. 108. 'C. cochlearius') ; Wakaineh (381. Cancroma cochlearia Lin.)

704. Capped Héron : (C. 109. 'Pilherodius pileatus'.); Wonu (378.

Nycticorax pileatus G. R. Gray.); Wonu, (Pen., I. 174. 'Pilherodius pileatus, Bodd.')

705. Black-crowned Night Héron : (C. 106. 'Nycticorax ' naevius') ;

Wonu (Pen., I. 168. 'Nycticorax naevius, Bodd.'). (Cf. s. v. 'Crâne, or, Héron'.)

706. Pinnated Bittern : (C. 114. 'B. pinnatus') ; Unko (376. Botaurus

lentiginosus Shaw.) ; Unko, (Pen., I. 188. 'Botaurus pinnatus, Licht.')

707. Muscovy Duck : (C. 117. 'C. moschata'.); Unie, O. T. And. Pato

de monte; Oumeh (418. Carina moschata Flem.) ; Houmé, Cr. Canard; Oumee (Pen., I. 85. 'Cairina Moschata,L.') ; Hume, T., Pato.

708. White-faced Duck : (C. 118. 'D. viduata') ; Vis-sisi (414. Dendrocygna

Dendrocygna Eyton.)

709. American Darter : (C. 126. 'A. anhinga'); Mojoh (422. Plotus

anhinga Lin.); Majo, Pen., I. 69. 'Plotus anhinga, L.')

710. Black Vulture : (C. 131. 'Coragyps foetens') ; Bure, T-A., Zamuro

(probably the above C. 131. J. W.)

711. Sa vanna Kite, or, Audubon's Caracara (Lord Brabourne), (C.

133. 'Polyborus cheriway') ; Tosorih (326. Polyborus cherrwaj' Cab.)'

712. Yellow-throated Caracara : (C. 134. 'I. ater') ; Outuanaitye (328.

Daptrius ater Vieill.) ; Outuanaitye (Pen., I. 372. 'Icby ter ater Vieill.')

713. Red-throated Caracara : (C. 135. 'I. americanus') ; Yacka Tatta,

(329. Ibycteraquilinus G. R. Gray) ; R. (p. 202) : — " Yakahatata a sort of powis... " ; Yacka Talia (Pen., I. 373. 'I. americanus, ■ Bodd.').

714. Large-billed Hawk : (C. 153. 'R. magnirostris'); Ohtocamu (311.

Rupornis magnirostris, Kaup.) ; Ohtocamu {Pen., I. 399. 'Rupornis magnirostris, Gm.')


208 SOCIÉTÉ DES AMÉRICANISTES DE PARIS

715. Brazilian Eagle : (C. 156. 'Urubitinga urubitinga') ; Ohto (322.

Hypomorphus Urubitinga, Cab.) ; Ohto (Pen., I. 404. 'Urubitinga urubitinga, Gm.')

716. Laughing Hawk : (C. 165. 'H. cachinnans') ; Ohto (316. Herpetotheres

Herpetotheres Vieill.) ; Otto, T-A., Gavilan (Sparrow-haAvk, this bird is also called the 'White-breasted Chicken Hawk. J. W.); Oto, R. (p. 186) : — '.'oto, a bird bigger than the Baridi Hawk."

717. Double-toothed Hawk : (C. 172. 'H. bidentatus') ; Otàcaraeyou

(301. Harpagus bidentatus Vig.)

718. Venezuelan Horned Owl (C. 180. 'B. scotinus') ; Wokoboko (297.

Bubo virginianus Les.); Boku-boku, R. (p. 276), the night-owl.

719. Spix's Scops Owl : (C. 182. 'O. crucigerus') ; Muro (296. Scops

Àsio) (is perhaps C. 182.)

720. Blue" and Yellow Macaw : (C. 189. 'A. ararauna'); Apohuima (288.

Macrocercus Ararauna); Apahuima (Pen., I. 475. 'Ara ararauna. L.'); Apugené, T-A., Guacamaya'; Aboun-neh, Timehri, Dec, 1883, p. 235 : — "the blue and yellow macaw (ara ararauna) the 'abounneh' ofthe Warraus";Abu ene, S-G., Guacamaya

721. Scarlet Macaw ('Red and Yellow Macaw') : (C. 180. 'Ara macao');

Apahaera (287. Macrocercus Aracanga); Apaheara (Pen., I. 479. 'Ara macao, L.')

722. Yellow Parrot : (C. 195. 'A. solstitialis') ; Kuyaeseh (282. Conurus

solstitialis Kuhl.); Kujaese (Pen., I. 487. 'Conurus solstitialis L.')

723. Golden-crowned Parrot : (C. 198. 'Aratinga aurea'); Tyoyatsuya

(279. Conurus canicularis) ; Tiojatsoeja, (Pen., I. 492. 'Conurus aureus, Gm.')

724. Blue-winged Parrot : (C. 199. 'Pyrrhurapicta'); Wacarlaluccu (280.

Conurusversicolor); Wakarlaloekoe (Pen., L 493. 'Pyrrhurapicta')

725. Mealy Amazon : (C. 206. 'A. farinosa'); Torom (269. Psittacus pulverulentus,

pulverulentus, Turumu, T-A., Loro (a parrot. 'Torông' is the Makuchi word for'bird'in gênerai. J. W.); Torom (Pen., I. 506. 'Amazona farinosa'); Torômo, O. T. Papegoja. Loro.

726. Red-vented Parrot : (C. 212. Pionus menstruus'); Toinana (263.

Psittacus menstruus, Lin.); Tomana (Pen., I. 516. 'Pionus menstruus, L.')

727. A Parrot : Kuôro, O. T. Papegoja. Loro.

728. A Parrot : Kôrosâka, O. T. Papegoja. Loro.

729. A Parrot : Sarâma, O. T. Papegoja. Loro. (Warauword? J. W.)

730. Hawk-headed Gaique : (C. 214. 'D. accipitrinus') ; Paratakia (273.

Deroptyus accipitrinus, Wagl.); Paratakia (Pen., I. 520. 'Deroptyus accipitrinus, L.')


THE WARAU INDIANS OF GUIANA 209

731. Black-headed Caique : (C. 219. 'Pionites melanocephala') ; Tischib

(265. P. melanocephalus, Lin.); Tiesie (Pen., 1.526. 'Pionites melanocephala, L.'); Disi, Dokasa, S-G., perico (Codazzi, 'Resûmen de la Geografia de Venezuela', p. 197 : — "El perico (toni-ete) tiene la forma del loro, pero mui pequeno. ."

732. Great Grey Kingfisher : (C. 222. 'M. torquata'); Hapitataka (171.

Alcedo torquata L. Gm.); Hapitataka (Pen., IL 59. fCeryle torquata, L.') •

733. Great Green Kingfisher : (C. 223. 'C. amazona'); Sohi (172. Alcedo

Amazona Lath.)

734. Common Motmot : (C. 227. 'M. momota') ; Cosae, (176. Prionites

momota 111.) ; Kosee (Pen., II. 54. 'Momotus momota, L.')

735. Green Trogon : (C. 293. 'T. viridis') ; Taitapih (241. Trogon melanopterus

melanopterus ; Taitapie, Pen., IL 48. 'Trogon viridis'.)

736. Mangrove Cuckoo : (C. 296. 'Coccyzus minor") ; Kuaguei (220. Coccygus

Coccygus Cab.)

737. Chestnut Cuckoo : (C. 300. 'Piaya cayana'); Pika-ruano (217. Pyrrhococcyx

Pyrrhococcyx Cab.) (In Spanish 'Pica' enters into the names of various birds, as, 'Picacero', 'Picaflor', 'Picaposte','Picamaderos' : and, 'ruano' in the same language signifies 'roan', 'sorrelcoloured'. J. W.) ; Pika-ruano (Pen., IL 27. 'Piaya cayana, L.')

738. Black-bellied Cuckoo : (C. 301. 'Piaya melanogaster') ; P'ika-tuapa.

(218. P. brachypterus Cab.); Little Cuckoo : (C. 302. 'Piaya rutila'); Pika-tuapa (Pen., IL 29. 'Piaya minuta, Vieill.)

739. Toco Toucan : (C. 309. 'R. toco') ; Haritya (258. Rhamphastos Toco

Gm.); Harietia (Pen., II. 6. 'Ramphastostoco, Mûll.')

740. Red-billed Toucan : (C. 310. 'R. monilis'); Ahaesimu (259. R.

evvt\\vovhync\\nsQm.);Aheesimoe (Pen., IL 7. 'Ramphastos erythrcrhyncus, Gm.')

741. Sulphur-and-White-breasted Toucan : (C. 312. 'R. vitellinus") ;

Hariahiapi (260. Ramphastos vitellinus 111.); Hariahiapi (Pen., IL 10. 'Ramphastos vitellinus, Lichl.')

742. Mount Roraima Aracari ('Araçari') : (C. 313. 'P. roraimae') ; Teifari

(250. Pteroglossusaracari 111.); Teiwari, (Pen., IL 11. 'Pteroglossus aracari, L.')

743. Green Aracari: (C. 314. 'P. viridis'); Yahi (251. P. viridis 111.);

Jahi (Pen., II. 15. 'Pteroglossus viridis, L.')

744. Natterer's Toucanet : (C. 316. 'S. nattereri'); Wabacktsebeh (255.

P. Nattererii Gould.); Wabacktsebeh (Pen., IL 15. 'Selenidera nattereri'.)

745. Paradise Jaeamar: (C. 318. 'U. dea'); Nabowuscb (237. Galbulaparadisea

Galbulaparadisea Nabowoes (Pen., I. 573. 'Urogalba paradisea, L.') Société des Américanistes de Paris. Ii


210 SOCIÉTÉ DES AMÉRICANISTES DE PARIS

746. Common Jaeamar : (C. 319. 'G. galbula'); Torong (234. Calbula

viridicauda Sws.); Torong (Pen., I. 574. 'Galbula viridis, L.') ; (But cf. s. v. 'Mealy Amazon'.)

747. Golden Jaeamar : (C. 324. 'J. aurea'.) ; Pohuorong, (240. Lamproptila

grandis) Pohuorong, (Pen., I. 579. 'Jacamerops grandis, Gm.')

748. Black Puff-Bird : (C. 330. 'Monasa niger'); Horaptipara (247. Monasta

Monasta Vieill.); Horatipara (Pen., I. 568. 'Monacha nigra'.)

749. Little Black Woodpecker : (C. 335. 'M. cruentatus'); Palletute (222.

Centurus hirundinaceus G. R. Gray.) ; Paleloete (Pen., I. 540. 'Melanerpes cruentatus'.)

750. Red-necked Woodpecker : (C. 344. 'C. rubricollis'); Yoho (233.

Campephilus rubricollis G. R. Gray);/oAo (Pen., I. 553. 'Campophilus rubricollis'. )

751. Lineated Woodpecker : (C. 346. 'C. lineatus') ; Haehae (231. Dryocopus

Dryocopus G. H. Gray.)

752. Black-and-White Woodpecker :(C. 345. 'Campophilusmelanoleucus');

Heehee (Pen., I. 554. 'Campophilus melanoleucus, Gm.')

753. White-barred Bush-Shrike : (C. 355. 'T. doliatus'); Dobenakuh (99.

Thamnophilus doliatus Vieill.); Dabenakoe (Pen., II. 307. 'Thamnophilus doliatus'.)

754. Boddaert's ant-Thrush : (C. 395. 'Formicarius colma') ; Hebakatinerarub

Hebakatinerarub Myiotliera colma 111.); Hebakatinerarub (Pen., IL 334. 'Formicarius colma, Gm.')

755. Orange-headed Manakin : (C. 508. 'P. auréola'); Ohles (136. Pipra

auréola Lin.); Ohles (Pen., IL 188. 'Pipra auréola, L.')

756. Blue-backed Manakin : (C. 518. 'C, pareola'); Ponoromih. (133. Chiroxiphia

Chiroxiphia Cab.)

757. Grey-screaming Piha : (C. 530. 'Lathria cinerea'); Paia-paia (129.

Lipangus cineraceus Cab.); Pajapaja (Pen., IL 157. 'Lathria cinerea, Vieill.')

758. Purple Fruit-Crow : (C. 547. 'Querula purpurata') ; Naikamaruka (121.

Threnoëdu's rubricollis Cab.); Naikamaroeka (Pen., II. 174. 'Querula cruenta, Bodd.')

759. Capuchin-Bird : (C. 550. 'Calvifrons calvus') ; Quow (119. Gymnocephalus

Gymnocephalus Hahn.); Kao (Pen., II. 176. 'Gymnocephalus calvus, Gm.')

760. Bare-necked Grackle : (G. 551. 'Gymnoderus foetidus'); Sachia (123.

G. foetidus Strickl.)

761. Olive Kernel-eater : (C. 633. 'Caryothraustes canadensis'); Waeruhi

(55. Pitylus canadensis Cuv.)

762. Sulphur-bellied Tanager : (C. 672. 'Tangara mexicana'); Mohebera


THE WARAU INDIANS OF GUIANA . 211

(20. Callospiza mexicana) ; Mohebera (Pen., II. 438. 'Calliste flaviventris, Vieill.')

763. Western Palm Tanager : (C. 676. 'Thraupis melanoptera') ; Muhi

(24. Tanagra olivascens Licht.); Moehie (Pen., II. 445. 'Tanagra palmarum, Max.')

764. Silver-beaked Tanager : (C. 677. Raniphocoelus carbo'); Porokeda

(12. Rhamphopis alrococcineus Sws.); Porokeda (Pen., II. 446. 'R. jacapa, L.')

765. Magpie-Tanager : (C. 695. 'Cissopis leveriana') ; Ouahorum (56.

Cissopisminor Tschudi) ; Kwahoroem (Pen., 11. 464. 'Cissopis leveriana' . )

766. Great Green Cacique : (C. 698. 'Ostinops viridis') ; Konuh (70.

Cassicus viridis Vieill.)

767. Great Crested Cacique : (C. 697. 'Ostinops Decumanus') ; Konoe

(Pen., H. 347. 'Ostinops decumanus, Pall.')

768. Yellow-backed Cacique : (C. 699. 'C. cela') ; Komiana (72. Cassicus

Cassicus Daud.) ; Komiana (Pen., II. 353. 'Cassicus persicus'.)

769. Cayenne Red-breasted Marsh-Bird : (C. 706. 'Leistes militaris');

Ohsi (75. Leistes americanus Vig.) ; Osie (Pen., IL 371. 'Leistes guianensis, L.')

770. Moriche Oriole : (C. 711. 'Melanopsar Chrysocephalus') (68. Icterus

Icterus Spix. Schomburgk gives the name 'Dom-sanika', which means'little bird', cf. s. v. 'Bird' and s. v. 'Little'); Dom. sanieka (Pen., IL 376. 'Octerus chrysocephalus, L.')

771. Yellow Oriole : (C. 710. 'Icterus Xanthornus') ; Ziwitau (67. Icterus

Icterus Daud.) ; Ziewietaw (Peu., II. 377. 'Icterus xanthornus, Gm.') 771a. White-necked or Guiana Jay : (C. 715. 'Cyanocorax cayanus'); Palletute (82. C. cayanus) ; Palleloete, (Pen., IL 509. 'Cyanocorax cayana, L.'); (Cf. No. 749, where the same name is given to another bird. J. W.)

772. Bird : T-A. Dom, pâjaro; G. Doiiw, avis; T. Domu, pâjaro; O. T.

Dômo, Fogel. Pâjaro.

773. Feathers : T-A. Ajiji, plumas; T. Ahuiji, Pluma ; O. T. Ahûhi,

Fjader. Pluma.

774. Nest : T-A. Domo-aja, nido.

775. Egg: T-A. Aji, huevo. (Cf. No. 567. J. W.); S-G. Agi, huevo;

O. T. Jhi, Âgg. Huevo.

776. Humming Bird : R. (p. 196), Huku-hitku, humming bird.

777. A Bird : R. (p. 226), The Aruresso bird (the 'Korasiri' of the Arawaks).

Arawaks).


212 .SOCIÉTÉ DES AMÉRICANISTES DE PARIS

10. Mammalia.

778. Animal: T-A. Yabata nucca, animal.

779. Animal (2) : B. ('Brett's 'Questions', No. 149.) Domu (Cf. No. 772,

J. W.) ; O.T. Tôma, Djur. Animal; Dômo, Tarn. Manso. (Tame. J. W.)

780. Tail : T-A. Ajùi, rabo.

781. Red Howler, or, Howling Baboon ('Mycetes seniculus'), T. Huai,

Arahuato ; T-A. Uai, Araguato ; (Cr. gives this name 'Arouata, singe rouge', which, however, is from the Carib languages.. J-W.)

782. Monkey : T-A. Nacco, mono; T. Naco, mono.

783. Bat : T-A. Zda, murciélago.

784. Jaguar ('Felis onça') : Cr. Toupé, jaguar ; I. Th. Tobi, jaguar ; T-A.,

Tope, tigre ; R. (p. 213) — " 'Tobe-horo-anna', signifying literally in Warrau ' Tiger-black-skin ' is the name given to an immense cruelly-savage beast believed to exist in the depths of the forest. » O. T. Tôbâ, Jaguar. Tigre ; T. Tobe, tigre.

785. Puma ( ' Felis concolor ' ), T. Tobecimo, leôn ; O. T. Tobàsimo,

Puma.

786. Crab-eating Racoon ( ' Procyon cancrivorus ' ), Ri S. (III. Mammals,

Mammals, 14) Oghia, P. cancrivorus Crabdog.

787. Kinkajou, Potto, or, Macanco ( ' Cercoleptes caudivolvulus), Ri S.

(III. Mammals, No. 18) Uvari, C. caudivolvulus 111. H. G. D. (IL 456) : — " The potto-kinkajou... is called.. by the Warraus ' noari '. "

788. Squirrel ('Sciurus aastuans '), R. (p. 196) Hûra (Sciurus eestuans),

the little squirrel.

789. Water-dog : S-G. Joo tobo, perro de agua. (Cf. Nos. 201, 784.

J. W).

790. Acouri, or, Agouti ('Dasyprocta agouti '), T-A. Uamara, picure ;

T. Huamara, acuri.

791. Labba, or, Paca (' Coelogenys paca'), T-A. Etepo, lapa ; S-G.

Eteko, lapa ; G. Esteko, coelogenys paca ; T. Teco, lapa.

792. Capybara, or, Water-haas (' Hydrochasrus capybara'), Cr. Hapahapa,

Hapahapa, ; T-A. Jaba, chigûire ; T. Jaba, chigûire.

793. Tapir, or, Danta ('T. americanus'), T-A. Napa, danta ; G. Heaba,

tapirus ; R. (p. 214) ; Naba, tapir ; T. Naba, danta.

794. Deer ; T-A. Massi, venado ; G. Marsi, cervus ; T. Mashi, venado.

795. Collared Peccary ('Dicotyles torquatus ',T-A. Cocbi, marrano; G.

Kocji, sus ; T. Coshi, cochino. (A borrowed word, probablyused


THE WARAU INDIANS OF GUIANA 213

for any pig. See Ovideo, 1526. fo, xxj, c. xx) : — Pero d los

naturales puercos de la tierra firme ay muchos saluages

Estos puercos son algo menores q los nfos, y mas peludos, o

cubiertos de lana, y tienê el onbligo en medio del espinazo, .

y llamà al puerco, chuche... » And Dr. E. W. Middendorfs' ' Wôrterbuch des Runa Simi oder Keshua-Sprache', Leipzig, 1890, p. 28 " kuchi, s. das Schwein. el puerco, cerdo. »

J. W.)

796. Collared Peccary (2) : Ri S. (III, Mammals, No. 66) Pakilye, Dicotyles

torquatus Cuv.

797. White-lipped Peccary ('D. labiatus '. Ri. S. (III. Mammals, No.

67) Ipuré, D. labiatus ; Cr. Hibouri, pécari ; T-A. Ibure, cerdo, bâquiro. R. (p. 187) Eburi, the timid hog : Eburi-oriassi, the very savage one. (Cf. No.'526. J. W.) Globus XVII. 1870; pp. 316-8. Jibure, Pekarischwein. Jibure-baca, sein Fleisch T. Ebure, baquiro.

798. Sea-cow, or, Manati, (' Manatus americanus '), T. Joninaba, manati.

Cf. Nos. 912, 128,214. J. W.)

799. Three-toed Sloth ('Bradypus tridactylus') ; Ri S. (III. Mammals,

No. 53) Pouraka, B. tridactylus ; T. Buraca, pereza.

800. Great Ant-eater (' Myrmecophaga jubata '), Ri S. III. Mammals,

No. 62) Hubitya, Myrmecophaga jubata Lin.

801. Créât Ant-eater (2) : T-A. Bajio omuira, oso palmero.

802. Great Ant-eater (3) : T. Ebure arami, oso palmero.

803. Bear : T-A. Juji, oso {i Oso melero? Tamandua tridactyla. J. W.)

804. Broad-banded Armadillo, or, Tatouay ('Lysiurus unicinctus'), Ri.

S. (III. Mammals, No. 60). Oka, Dasypus tatouay Desm. ; T-A.. Ocgâ, càchicamo ; T. Oca, cachicamo.

805. Common Opossum ('Didelphys marsupialis', or. 'D. Opossum' ?),

Ri. S. (III. Mammals, No. 3&)Nopu, Didelphys cancrivora Lin. ; T. Nobu, rabopelado, manicou.

806. Philander Opossum ('D. philander'), Ri. S. (III. Mammals, No. 38)

Pikanappa, D. philander Lin.

11. Trees, etc.

807. Tree, Stick : P. Daù, Daou, arbre; T-A. Dau, palo. Dagô, ârbol; Ch.

Daù ; O.T. Dau ; Trâd. Ârbol ; G ? Dasona, arbor.

808. Fruit : T-A. Dago cuaja, fruta ; T. Daucuajo, frutas; S-G. Akuaja,

fruta.

809. Leaves : T-A. Yarocco, hojas; O. T. Yârôko, Arokô, Blad. Hoja.


214 SOCIÉTÉ DES AMÉRICANISTES DE PARIS

810. Thorn. T.//', Coie, espina ; S-G. Gir, espina.

811. Sprig, Branch : S-G. Akaja mana, rama.

812. Sprig, Branch (2) : O-T. Auâku, Gren. Rama.

813. Sap : S.G. Daunamulo, savia.

814. Wood, Forest : O. T. Dàuna, Skog. Bosque ; G. Daunaida, silva.

815. Bark, Peel, Skin : S-G. Ajoro, corteza (Cf. No. 109. J. W.).

816. Flower : T-A. Tocuyo, flor. O. T. Tokôjo, Blomma, Flor.

817. Corn Cob : T-A. Amuju, tusa, Amujo, mazorca.

818. Husk : T-A. Amaca, vaina.

819. Herb : T-A. Jaca, yerba, S. G. Jaka, yerba.

820. Herb (2) : S-G. Bebe, yerba ; B. ('Legends and Myths', p. 63) :

— « Bade them take the 'Bahbi'wood, Safeto float amidstthe flood. »

821. Herb, fragrant : S-G. Jonaba, aroma; Dijabera, aroma.

822. Grass, Herbage : O. T. Homahâ, Gras. Pasto.

823. Radish : (IL, I. 101. No. 164. 'Raphanus'). T. Jimuru, râbanos.

('Raphanus sativus )

824. Ruku : (IL, I. 125. No. 3. 'Bixa Orellana') T. Mubusimo, onoto ;

R4 (p. 89) Mubosimo, Bixa orellana Linn.

825. Cotton (H., I. 209. No. 39. 'Gossypium') ; Cr. Acoboto, coton. -

826. The Manni Tree (H., I. 174. No. 13. 'Moronobea, Aubl.') ; R4.

(p. 82) Ohori, Moronobea coccinea, Aubl.

827. Gum of Manni Tree, R4. (p. 83) Abiyeweri, the gum derived from

this tree (Moronobea coccinea Aubl.)

828. Cotton (2) T-A. âharuamuto, algodôn.

829. A Tree: (H., I. 309. No. 5. 'Simaruba, Aubl.') ; R4. (p. 466) : —

" the Simaruba of the Warrau...

830. Hâiawa Tree : (H., I. 323. No. 5. 'Prôtium heptapliylum') (The

following tree is of an allied species to the above) ; L. S. H. (p. 270) Siburu, the Warau name of Kurakai; ('Kurukai)'. " An aromatic gum is obtained from this tree, similar to Haiawa,..." R4. (p. 80) Shipu, or, Sibu, Prolium heptaphyllum.

831. Crab-woodTree. Crab Oil, (H., I, 338. No. 29. 'Carapaguianensis') ;

T.Jioru, carap ; Jiornatoi, carapaaceite. (Cf. No. 441. J. W.) Yorocuaja, carapo.

832. Red Cedar ; (H., I. 339. No. 35. 'Cedrela odorota') ; G. Samaria,

cedrela odorata ; T. Zaïnaria, cedro.

833. Cashew Tree : (H., I. 420. No. 8, 'Anacardium occidentale'); G?

Uiuecho, anacardium occ. 804. Cashew Tree (2) : S. G. Mereji, merey. (Schulz gives 'Maerehû' as the Arawak name. Dr. Lisandro Alvarado, 'Glosario de


THE WARAU INDIANS OF GUIANA 215

Voces indigenas de Venezuela', Caracas. 1921, p. 219, says :

"Meréi. Anacardium occidentale Voz carinaca : en

caribe bôrai, en galibi mué, en aruaca mârehi. Caulin, con todo, da a entender que no es voz indigena. Armas la dériva del arâbigo " J. W.)

835. Cashew Grove : S. G. Merejina, sitiolleno de Mereyes. (Cf. no. 194.

J. W.)

836. HogPlumTree: (H., I. 426. No. 36. 'Spondias lutea'.) Cr. Outchira,

mombin.

837. Beans ; (H. I. 538. No. 221. 'Phaseolus vulgaris') ; S-G. Kumata,

fréjol; T. Camata, fréjoles.

838. Mangrove Tree (H., I. 678. No. 1. 'Rhizophera mangle') ; T. Bujai,

mangle ; 0. T. Bo, Mangrove.

839. Sapucaya, or, Kakarelli Tree (H., I. 723. No. 69. 'Lecythis ollaria'?)

ollaria'?) R. (p. 216) : — " the Daiba is the tree (Lecj'this), the cortex of which is used, after pounding and other préparation, for rnaking apron-belts, chemises, and cloaks.

840. Henriettea succosa : DC. (for red paint) ; (H., I. 768. No. 122. Henriettea

Henriettea ; R4. (p. 90) Sakuapéra. 841 ? Homalium sp. (H., I. 800. No. 15. 'Homalium') ; R4. (p. 90) Saamabusi.

842. Pumpkin : (H., I. 828. No. 28. Cucurbita pepo') ; S-G. Aui-iama,

auyama.

843. A Plant : (H., IL 582. No. 4. 'Gualtheria') I. Th. ('Among the

Indians of Guiana', p. 257) : — " That used by the Warraus is eut either from a plant called by them 'Yoarno' (Gualtheria uregon', Aublet)."

844. Balata Tree (H., IL 661. No. 22. 'Mimusops globosa', Gaert.) ; G.

Kuberi, mimusops globosa ; S-G. Kubero, purguo ; im Thurn ('Timehri(, IV. 1885, p. 176) ; Koobi arri, bullet tree.

845. Balata Grove : S-G. Kuberina, sitio lleno de purguos. (Cf. No. 194.

J. W.)

846. Balata : iiuThurn ('Timehri', IV. 1885, p. 176) ; Koobi armut, balata.

847. SweetPotato : (H., II. 872. No. 9, 'Ipoimea'. Batatas). G. Orairai,

ipomoea batatas. 84S. Capsicum : (H., II. 892. No. 10. 'Capsicum') ; T-A. Jucca, agi; G. ?

Horka, capsicum ; G. Tuks {sic J. W.), capsicum ; T. Juca,

pimienta. 849. Tobacco : (H., II. 906. No 51. 'Nicotiana'); H. Aoha, tobacco; Ri. S.

Ahà, Tabak; Cr. Aha, tabac; T-A. Aja, tabaco ; G. ? Asbâ, Akae,

nicotiana.; S-G., T. Aja, Tabaco; O.T.Ahâ. Tobak. Tabaco.


216 SOCIÉTÉ DES AMÉIUCANISTES DE PARIS

850. Long John : (H., III. 104. No. 28. 'Triplaris surinamensis') ; Ri.

S. IL 450) : — " Die Warraus nennen den Baum Ipuahari, was soviel als Ameisen-baum bedeutet. "

851. Laurel : (IL, III. 143. No 32. 'Laurus') ; S-G. Jebure, laurel.

852. Laurel Grove : S-G. Jeburina, sitio lleno de laureles.

853. Ocotea Tree : (H., III. 157. No. 19. 'Ocotea') ; T. Silvabal, sasafrâs.

854. Water Grass : (H., III. 200) ; T. Mosore, camelote.

855. Cassava, Manioc (IL, III. 306. No. 112. 'Manihot utilissima') ; P.

Aru, pain (toute sorte) ; Cr. Arou, cassave ; B. Haru, bread ; T-A. Aru, yuca, casabe; R 4. (p. 216) : " The présent day Moruca River Warrau and Arawak call both cassava and ite starch aru or haru."

856. A Tree : 'Ficus sp.' (H., III. 367. No. 39. 'Ficus sp.') ; L. S. H.

(p. 269) : — " Kumaka-Balli,, or Daia {Hebburu = Warau name) Yields a white sticky latex.

857. Trumpet-wood Tree : (H., III. 378. No. 62. 'Cecropia peitata') ;

Larouse says : — " Cécropi...,; La plus remarquable est la

cécropie à feuilles peltées, cecropia peitata lui a valu les

noms vulgaires de 'bois-canon' et de 'bois-trompette',... ') ; Cr. Ouraa, bois canon ; R4. (p. 195) : — " The cylinder fall trap of the Arawak and Warau on the Pomeroon and Moruca is called ku-yamma, after the tree wlience the cylinder is obtained... " (It isnot quite certain whether the référence hère is to the Cecropia peitata. J. W.)

858. Banana (H., III. 655. No. 34. 'Musa Sapientum') ; Cr. Hiro, bacove.

859. Banana (2) : S-G. Juakoko, Mujutu boto, cambur. T. Mujutoboto, camburo.

camburo.

860. Banana (3) ; Cr. Simo, banane. (Cf. No. 1003. J. W.)

861. A Fruit : (H. III, 660. No. 3, 'Karatas') ; T. Corobisoro, curujul,

wild pine. ('Curujujul' ? J W.)

862. Pine-Apple : (H., III. 662. No. 11. 'Ananas'. 'Ananassa sativa') î

T-A. Nana, pina>.

863. Silk-Grass Plant : (H., III. 738. No. 60. 'Agave') ; Cr. Couraouatou,

fibres d'agave ; G. Ruranalu, fibrae (Agaves).

864. Manaca Palm : (H., III. 896, No. 29. 'Euterpe oleracea') ; G. Moru,

Euterpe oleracea (manaca) ; I. Th. (Timehri', III. 1884, p. 229) weenamàri.

865. Manicole Palm : (IL, III. 896. No. 29. Euterpe edulis.) ; L Th.

('Timehri', III. 1884, p. 227) Morrokke, Euterpe edulis.

866. 'Seje' Palm : (H. III, 897. No. 30. 'Oenocarpus Batauâ') ; Jahn,

Mohi, Oenocarpus bataua. I. Th. (Timehri', III. 1884, p. 232), Mohee.


THE WAttAU INDIANS OF GUIANA 217

867. Temiche, or, Trooli Palm : (H., III., 919. No. 76. 'Manicaria saccifera')

saccifera') A. E. L. (p. 59) : "El temiche, â que ellos llaman con el nombre poético de 'pluma del sol' {Ya-jAji) ; " P.

574) : — " les feuilles de palmier timîche {'iajuiquï des

Guaraunos) ; " I. Th. ('Timehri', III, 1884, p. 242) Ya-hoo-i ; T-A. Ya-juji, techo (i. e 'roof, made, no doubt. of the leaves of this palm-tree. J.W.) ; T. Januhuiji, timiche ; G. Iyajuje, palma.

868. Temiche (2) : S-G. Noi, temiche (palma).

869. Temiche Grove : S-G. Noiina. sitio lleno de temiches.

870. A Palm Tree: (H., III, 900. No. 36. 'Iriartea') ; I. Th. ('Timehri',

III. 1884, p. 236) ; Mocanare ; R3. (p. 198) : — " A palm with long radiating roots, perhaps the 'Iriartia exorrhiza', muanuru (War.)... "

871. Ivory Palm : (H., III. 921. No. 79. 'Phytelephas macrocarpa'); G.?

Aguara, palma (Corozo).

872. Moriche, Miriti, or, Ité, Palm : (H., III. 936. No. 114. 'Mauritia

flexuosa') ; J. G. (I. 263) : — " las Palmas que llaman

en su lengua Murichi..."

873. Moriche (2) : I. Th. ('Among the Indians of Guiana', p. 268) : —

" The oeta tree and the drink procured from it are alike called 'gwy' by the Macusis, 'a?ta' by the-Warraus."

874. Moriche (3) I. Th. ('Timehri', III. 1884, p. 245) Oheed ; Cr. Ohiri,

Miritis (Palmier) ; R3. (p. 198) Ohi-ju, Mauritia flexuosa.

875. Moriche Grove : T. Ojiduina {sic), morichal.

876. Leafstalk of Ité Palm : R4. (p. 493) Naba, leafstalk of Ite palm.

877. A Palm Tree :'(H., III, 941. No. 120. 'Bactris') ; Jahn : Yaruba,

Bactris leptocarpa) ; 1. Th. ('Timeheri', IL 1883, p. 232) ; — " a

small 'Bactris' called by the Warraus of this district yaroba,

occurs in very great abundance on the lower part of the Barama,... "

878. Munbaca Palm : (IL, III. 942. No. 122. 'Astrocaryum') ; I. Th.

('Timehri'. III. 1884, p. 263) Hee, Astrocaryum gynacanthum, Mart.)

879. Awarra Palm : ('Astrocaryum Tucumoides') ; Coll (p. 508) : — "de

awari-nool, in 't Warausch nickerie (met den klemtoon op rie) genaamd. " (The stress on the last syllable.) M. D. T. (I,

p. 115) : —• " De Nickeri, eene rivier ontving haaren

naam, volgens zeggen van sommige Indianen, van eene soort van noten, welke de Indianen Nickeri heeten (met den klemtoon op ri of rie uitgesprocken. " ** " Nickeri is eene zeer


218 SOCIÉTÉ DES AMÉR1CANITES DE PARIS

harde noot, wordende de noot zelve te Paramaribo awari

genoemd. "

880. Cokerite Palm : (H., III. 946. No. 128. 'Maximiliana regia', or, as

otherwise called 'Englerophoenix regia') ; Jahn Du-é, Maximiliana regia ; I. Th. ('Timehri', III. 1884, p. 273) Doe-è.

881. Liana, or : Bush-rope, (H., III. 953. No. 2. 'Carludovica') ; T-A.,

T. Ero, bejuco.

882. Maize, or : Indian Corn, (IL, III. 1115. No. 38. 'Zea mays') ; Cr.

Mai'-camo, Neo-camo, maïs ; T-A. Neu-camo, maiz, Neu-camo-amujo, mazorca ; G.? Nowkam, zea mays; T. Naucam, maiz.

883. Reed, Bamboo : (H. III. 1210. No., 286. 'Bambusa'); G. Camoata,

bambusa guadua; R4. (p. 456) Kamuatla, a bamboo.

884. Reed (2) : B. C, Ap. VII, p. 23 (Report of R. H. Schomburgk) :

— "so named from species of bamboo which grows at its mouth, and which the Warraus call Wanama."

885. A Tree : R4. (p. 466) Omu, a tree (from wilich body of drum is

ma de).

886. A Tree : L. S. H. (p. 261) : — "Himaheri, (Warrau lndiari name).

Used for catching a fire by rubbing sticks together. . ."

887. A Tree : R.(p. 130) Usi-diu (lit.,.seed tree).

888. A Tree :_ S-G. Nabaru, ârbol (un).

889. ? : G. Iduvaca, boman certa. (Possibly this is 'Bowmania Verbascifolia Gardn.' ? See "Icônes Plantarum" by Sir William Jackson Hooker. Vol. IL New Séries. London. 1843. Tabs. DXIX.-DXX. N. O. Compos. — Mutisiaceae. But perhaps 'boman certa' is intended to be the Warau name of one of the palmlike plants of Carludovica? J. W.)

12. Adjectives.

890. Ail : B. Kôkotikà (Brett's 'Questions'. No. 37.); Cr. Isaco cocokita,

allons-nous-en tous! ; T. Cocoluca, todo ; O. T. Kôkotùka, Alla, Todos. (Ail, Everybody. J. W.) ; Kôhotûga, Allting. Todo. (Ail, Eveything. J. W.)

891. Ail (Substantive?) : B. Jiatika (Brett's 'Questions', No. 389).

892. Bad : Cr. Asida, mauvais ; B. Asida, bad. Asida-a : Asida-asi (Brett's

'Questions', No. 111, No. 26.); T-A. Ayra, malo, fea; T. Taishia, Asira, malo ; Ori-asida, bravo ; To. Nibor-asida, nombre malo ; S-G. Nibora a%ira , nombre malo ; O. T. Asiki, Asida, Dâlig. Malo.

893. Black : S-G. Joo ana, agua negra. Ana, negro ; G. ? Anera, niger ;

O. T. Anèra, Svart. Negro ; T-A. Mécoroana, negro {mécoro = negro, and ana.)


THE WARAU INDIANS OF GUIANA 219

894. Blind : T-A. Mojasi, ciego ; O. T. Mohâ buhâna, Blind. Ciego.

895. Blue : T-A. Ajebura, azul ; G. Jeburida, caeruleus ; O. T. Heborâu,

Blâ. Azul.

896. Bold, Daring : S-G. Oriji sir a, atrevido.

897. Bold, Daring (2) : 0. T. Detanâha, Djârv. Valiente.

898. Broad, Wide : T-A. Cauajera, ancho; T. Guajera, Uano. (i. e. liât,

plane. J. W.)

899. Broad, Wide (2) : T. Arimtjo, ancho.

900. Broad, Wide (3) : O. T. Basâutia, Bred, Ancho.

901. Broad, Wide (4) : O. T. Orida, Bred. Ancho.

902. Broken : O. T.Asatai, Sonder. Roto.

903. Brown : O. T. Simau, Brun. Color café.

904. Cheap : T. Amoarequida, barato.

905. Clean : T. Yacaratane, limpia. (Cf. No. 932. J. W.)

906. Clear : S-G. Jikera, claro.

907. Cold : Cr. Dèouroùhi, froid; T-A. Daira, frio; T. Dejoro, frio ; S-G.

Dejoroji, frio. Joo daida, agua fria ; O. T'. Dehôrohére, Kall. Frio. Grym. Malo.

908. Crooked : S-G. Mara, torcido.

909. Crooked, Bent : O. T. Kâsi (tia), Krokig (den ar). Corvo.

910. Dead : T. Guabai, Muerto. (Cf. No. 497. J. W.)

911. Dear : T. Amoara taira huito, caro.

912. Deep : T-A. Joni; hondo ; T. Hunida huito, hondo.

913. Différent : S-G. Monu kaiana, diferente ; O. T. Taymoykena {layana

mônika), Olika. Diferente.

914. Difficult : O. T. Monidâuto, Svârt. Dificil.

915. Dirty : T. Anana, sucio.

916. Dry : S-G. Uajera, seco ; T. Guaja, seco, Dauhuaja, palo seco ; O. T.

Oahéra, Torr. Seco.

917. Early : T, Janiaco, temprano ; Anijaco, naciente. (i. e. growing or

rising, as 'la naciente estrella', the rising star. J. W.)

918. Easy : S-G. Taeraiana, fâcil.

919. Easy (2) : O. T. Indre, Latt, Fâcil.

920. Empty, Hollow : G. Jarajàra, vacuus (hueco).

921. Empty (2) : O. T. Éko, Tom. Vacio.

922. Equal : S-G. Monuka, igual.

923. Falling : Fr. Cooksey ('Timehri', Dec, 1912, p. 330) : — "Ho

sororo : falling water." (Cf. No. 257. J. W.)

924. Far : Cr. Itira, loin.

925. Fat : G. Tomerada, crassus.

926. Fat, Stout (2) : O. T. Dauranài, Fet. Gordo.


220 SOCIÉTÉ DES AMÉRICANISTES DE PARIS

927. Filthy, Ugly : G. Tuma, foedus.

928. Fine, Elégant : O. T. Môko mokére, Fin. Elégante.

929. Fine, Ground : T. Bamu huere, sal molida. (Cf. No. 437. J. W.)

930. First : T. Huajabara, primero.

931. Fiat : S-G. Atejo kabukira, chato, corto. (Fiat. Short. J. W.)

932. Good, Contented, Glad, Pretty : B. Yakira, good-, P. (p. 576)

Yaqueda, bon, bien, joli ; Cr. Yacara, bon, Bonjour : T-A. Yacara, bueno, bonito, Yacara, contento ; G. Yakera, bonus, venustulum ; T. Yaquera, bueno, Yaqueraje, bonito, Yaqueraja, simpâtica ; S-G. Iakaera, honrado. Nïbora iakarâ, hombre bueno; Ch. Yacaeda, bon, joli; O. T. Yakéré, God. Bueno. Kvick, Inteligente. Det arbraEsta bien, Yakërç, Ja. Si. (Yes). Glorious (See No. 547.)

933. Greedy, Covetous : T. Coji, avariento.

934. Green : T-A. Jeburida, verde. (Cf. No. 895. J. W.) ; G.Jebura, viridis.

viridis.

935. Green (2) : S-G. Gido, verde (color) ; T. Danjidu (sic, daujidu?

J. W.), palo verde. (Cf. No. 807. J. W.) ; Jidu, nuevo. (New. J. W.) ; O. T. Hido, Ny. Nuevo, Hido,XJng. Joven. (Young. J. W.)

936. Green (3) : S-G. Agene, verde (color).

937. Half : T. Ashibi, medio (Cf. Nos. 34, 35) ; O. T. Asébi, Halv. Mitad.

938. Happ}'. Cheerful : O. T. Hiâka, Glad. Alegre; Olinâkâ. Lycklig.

Feliz.

939. High : G. Jeokanaja, altus.

940. High (2) : S-G. Kuâi, alto, arriba ; T. Cuai, alto,arriba.

941. Hot : Cr. Cdourou, chaud.

942. Hot (2) : S-G. Igira, caliente. Joo igira , agua caliente ; O. T. Ehitaù,

Het. Caliente (Cf. No. 1222. J. W.)

943. Impossible : P. (p. 576) : — "On modifie souvent la prononciation

de certaines lettres. Ainsi le mot 'monida', impossible est prononcé 'montra par quelques tribus qui changeut le 'd' en 'r'." ; Globus, XVII. 1870, pp. 316-8. Monirà, schwierig.

944. Insolent : S-G. Inare tano, insolente.

945. Invisible : O. T. Mikomôni, Asynlig. Invisible.

946. Jealous : T. Miajitoma, celoso.

947. Large, Great : Cr. Caouahera, grand ; T-A. Urirâ, grande ; G. Urida,

magnus ; T. Uridaja, grande.

948. Last : Ayajo, ûltimo.

949. Late : S-G. Anae, tarde; T. Anacuarica, tarde.

950. Lazy, Slack, Weak : T. Huaquera, haragân, flojo.

951. Light. Active : T-A. Dubujura, ligero ; G. Dibujira, celeritas; T.

Dibujira, ligero; S-G. Dabujira nar û, anda ligero.


THE WARAU INDIANS OF GUIANA 221

952. Light (2) : T. Oquera, liviano.

953. Long : T-A. Cabajira, largo.

954. Long, Tall, High : O. T. Bomido, Lâng. Largo.

955. Mad : S-G. Bure, loco.

956. Married : T-A. Diana tatira-jâ, casado.

957. New : T. Jidu, nuevo. (Cf. No. 935. J. W.) ; O. T. Hido, Ny.

Nuevo.

958. Old : T. Damo, viejo.

959. Old (2) : O. T. Nôbo, Gammal. Viejo.

960. Open : O. T. Iyakanai, Oppen. Abierto.

961. Other : T. Naucorre, otra.

962. Pale : T. Jenetia, pâlida.

963. Past : T. Jocane, pasado.

964. Pleasant, merry : O. T. Orioaka-kitani, Rolig. Divertido.

965. Poor : T. Sanera, pobre ; O.T.Sanéra, Fattig. Pobre.

966. Powerful : B. Kwarika. (Brett's 'Questions', No. 29.)

967. Red : O. T. Simèra, Rôd. Colorado.

968. Rich : T. Danio, rico.

969. Rotten O. T. : Bôtonai, Rutten. Podrido.

970. Round : O. T. Kôbo, Rund. Redondo.

971. Sad : T-A. InareUa, triste.

972. Sharp, Pointed : Ihilida, Vass-skarp. Agudo.

973. Short : S-G.'Atejo kabukira, corto. (Cf. Nos. 106, 564. J. W.) ; T-A.

Caboquira, corto ; O. T. Kâbiddda, Kort. Corto.

974. Sick, 111 : B. Waba. (Brett's 'Questions', No. 476.) ; T-A. Uabaya,

enfermo. (Cf. No. 497. J. W.) ; S-G. âuabae, borracho. ('intoxicated'. J. W.), Boiabae, borracho ; T. Guabai, Guabaia, enfermo ; O. T. Oabâia, Sjuk. Enfermo; T-A. Uapaya, dolor.

975. Sick, 111 (2) : O. T. Ahére, Sjuk. Enfermo.

976. Shut : S-G. Emokorae, cerrado.

977. Slow : T-A. Uiriâ, despacio.

978. Slow (2) : O. T. Abâni, Lângsam. Despacio. Sakta. Despacio.

979. Small : Cr. Sanouk-ira, petit; T-A. Sanuca, pequeno. Sanica, sanuca,

chiquito: T. Sanuca, pequeno; S-G. Sanuka, pedazo. (a pièce. J. W.); O. T. Sanôko, Stycke. Pedazo; Sanûka, Del (= liten). Parte (pequeno); Sànokida, Liten. Pequeno. Small. Angosto. (Narrow. J. W.)

980. Soft, Smooth : S-G. Boto botera, blando ; O. T. Bôtobôlo, Mjuk.

Tierno.

981. Stinking, Putrified, Nasty : T-A. Cuera, Hediondo, putrefacto ;

S-G. Kuera, asqueroso.


222 SOCIÉTÉ DES AMÉRICANISTES DE PARIS

982. Straight, Upright, Erect : 0. T. Nôme, Rak (sann). Derecho.

983. Stupid, Dnll : 0. T. Kâyamûni, Dum. Tonto.

984. Stupid, Dull (2) : Dibunahivi, Dum. Tonto. (Cf. N. 590. J. W.)

985. Sour, Acrid : S-G. Desera, agrio.

986. Sour, Acrid (2) : 0. T. Bâmu, Sur. Agrido. (Cf. No. 437. J. W.)

987. Sweet : S-G. Diabera, dulce '. T. Japea, dulce ; 0. T. Diabéra, Sot.

Dulce.

988. Swift, Quick : Catacoure, vite.

989. Swift, Quick (2) : Cr\ Suatana, vite.

990. Swift, Quick (3) : T. Quiricolo, ligero, hala (to speed paddlers).

991. Tame : T. Dobera, manso.

992. Thin, Lean, Slender :T-A. Bolu-quirâ, flaco ; G. Boio-kidâ, macer;

S-G. Atejo sanukira, delgado; 0. T. Bôtokida, Mager. Flaco.

993. Thin, Slender (2) : 0. T. Amaoil, Smart. Delgado.

994. Timorous : 0. T. Detai, Radd. Miedoso.

995. Tired : T-A. Uabauitae, cansado ; B. Wabboulaa. (Brett's 'Questions',

'Questions', 338.)

996. Visible : 0. T. Mikitani, Synlig. Visible.

997. Weak, Infirm : 0. T. Obokèna nâriey, Svag. Débil.

998. Wet : T. Jurai, mojada.

999. White : Cr. Dahé, blanc.

1000. White (2) : 0. T. Hokira, Vit. Blanco; G. Jokera, albus.

1001. White (3) : T-A. Ajocco, blanco; T. Ajoco, blanco.

1002. Wounded : O. T. Aheratâney, Sârad. Herido.

1003. Yellow, Coloured, Red : T-A. A^imo, amarillo, Colorado ; G. Simo, flavus; Sumo, ruber ; T. Simo, amarillo ; Nasi simo, cuentas coloradas. (Cf. Nos. 291 and 436, 615, 860. J. W.)

13. Pronouns.

1004. I, Me, Mine : B. Hine : 'ne : Ma- : Me- : M- ; Cr. Iné, moi, mien : Ma-ha, mon hamac ; T-A. Ine : Ma- : mi, mio ; T; Ine, yo ; S-G, Ma, mi ; O. T. Ine, Jag. Yo.

1005. Mine : T. Mabitu, mio ; S-G. Mabitu, mio.

.1006. With Me : T. Maishico, conmigo ; S-G. Ma içiko, conmigo.

1007. We, Our, Ours : B. Hoko, we : Ka- : Kai- : K- : T. Oco, nosotros; S-G. Ka, Oh, nosotros ; O. T. Ka, Vi. Nosotros; Oko, Vi. Nosotros (dos ?)

1008. Our : S-G. Kabiiu, nuestro ; T. Ocoabitu, nuestras.

1009. Thou, Thy, Thine, You, Ye, Your : B. Hihi : Hi- : H-: I-; Cr.

Ihé, toi : Ihi-ha, son hamac {sic, J. W.) ; T-A. Iji, Ji-, tu, tuyo


THE WARAU INDIANS OF GUIANA 223

Janocco-ji, tu casa ; G. Ijé, tu ; S-G. //, Iji, Jibilu, tu, tuyo ; T. Iji, usted. Jïbutu, suyo ; O. T. Ihi, Du. Tû.

1010. With Thee : S-G. Iji ixiko, contigo.

1011. He, She, It, Him, His, Her, Hers, Its, They, Them, Theirs : B. A- : Ai- : T. Tai, él, aquél ; S-G. Tai, él, este; O. T. Tai, Han. El. Hon. Ella.

1012. Them : B. Tatima. (Brett's 'Questions', No. 122) ; T. Tatuma, ellos ; B. Tatituma. (Brett's 'Questions', p. 478.)

1013. With Him : S-G. Tama I~Kïko, con él.

1014. This : B. Tamaha, Tamaha yah, this day. (Brett's 'Questions', No.

14); T. Tamaja, esta.

1015. This (2) : O. T. Hisâka, Denna. Este. (Cf. No. 1. J. W.)

1016. This One : Cr. Haho, celui-ci.

1017. That : S-G. Amaja, aquél.

1018. Other : B. Daii-sia. (Brett's 'Questions', No. 177.)

1019. Any Other : T. Araisha, otro cualquier.

1020. Who, Which : B. Kasikaa (Brett's 'Questions', No. 212.)

1021. Who? : B. Sina (Brett's 'Questions', No. 504); O. T. Sina, Vem. iQuién? Vad. Que.

1022. Who is it? : S-G. Sineta korel ^Quién es?.

1023. Which : T. Casabuca, cual.

1024. What : T. Bitu, que. (Cf. No. 569. J. W.)

14. Verbs.

1025. Abandon, Renounce : B. labah (Brett's 'Questions', No. 349) ; B. Ibahre- (Brett's 'Questions', No. 369)'; O. T. Yaba-kitâni, Overgiva. Abandonar. (To abandon.)

1026. To Add to, Increase : O. T. Orikuâre, Oka. Aumentar.

1027. Advise : O. T. Aribômoa-kïtâni, Râda. Aconsejar. (To advise.)

1028. To be Angry with : O. T. Oliasi-kitâm, Vredgas. Enojarse.

1029. To Approach : O. T. Aoeri, Nalkas. Acercarse.

1030. Arrive : T. Mabacabai, llega.

1031. When did you arrive? S-G. Katuka koro nabakanael <,Cuândo 11egaste ?

1032. Ask, Pray : B. Eybu. (Brett's 'Questions', No. 103.)

1033. To Ask a question : O. T. Denèko-kitâni, Frâga. Preguntar.

1034. To Attack : O. T. Âtai hase {mahàni), Anfalla. Atacar. (à = nasal).

1035. To Bathe oneself : S-G. Najo-kitane, banarse ; T. Naco-guiiane,


224 SOCIÉTÉ DES AMÉRICANISTES DE PARIS

banar; O. T. Naku-kitâni, Bada. Baîiarse; Oko déku nakûki, Bada. Banarse; T-A. Nacco-quitane, baùo.

1036. Be, Make : B. Ha-. (Brett's 'Questions', No. 5.)

1037. Who are You ? : T. Iji ein. a, i Quién es Vd. ? (Cf. No. 1021.

J. W.)'

1038. You are very wicked : Cr. Hebou era ouilo, vous êtes très méchant.

1039. Be boni : B. -Dihowra. '(Brett's 'Questions', No. 49.)

1040. Be buried : B. Hoita. (Brett's 'Questions', No, 54.)

1041. Believe : B. Nomeaba. (Brett's 'Questions', No. 34.)

1042. To Bend : T. Cashi, doblar.

1043. To Bite : O. T. Abu-kitâni, Bita. Morder.

1044. Boiling : T. Correa, hirviendo.

1045. Bring me : G. Kuna, affer mihi ; T. Tamate cuna-u, traerme.

{Conaro, lleva.)

1046. To Burn : O. T. Doh'mai, Brinna. Quemar.

1047. Buy this : T. Amoar abane, compra ésto. (Cf. No. 1162. J. W.)

1048. How muchfor the fowl? : Cr. Tatamema carina, Combien la poule?

1049. How much is it worth? : S. G. Katamoni iji ebuia? ^Cuânto vale?

1050. I cannot : T. Monida, no puedo. (Cf. No. 943. J. W.)

1051. Be careful, Take care : T. Oi, cuidado.

1052. Call, Name:B. Yehebi-a. (Brett's 'Questions', No. 305) ; T. Yejebu,

llatna.

1053. What is your name ? : G. Ajiguai kalu-kana ? Quo nomine vocaris ? ;

S-G. Ji uaïka tukane? i Cômo te Hamas?; T. Jihuai catucani ? I Nombre, cômo ?

1054. How do you call this? : S-G. Ka tukane? i Cômo se Uama eslo ?

(How is this called?) ; Cr. Guaroucera, comment s'appelle cela? (How do you call that? How is that called?)

1055. Carry : T. Conaro, lleva.

1056. To climb a tree : O. T. Yaburiàha, Klattra. Subir a un ârbol.

1057. To be cold : O. T. Dehorohére-kitano, Frysa. Tener frio.

1058. To Comb : O. T. Koanehôbu-kitâni, Kamma. Peinar.

1059. Corne : B. Now. (Brett's 'Questions', No. 7.) ; Cr. Nao, viens ici î

(Corne hère!) ; T. Nau, venga; Naute, vuelva (return.) ; O. T. Naoui, Komma. Venir ; Nau-kitâni, Komma. Venir.

1060. Stranger cornes : T. Jolarao nouya, extranjero viene.

1061. Where do yon corne from ? T. Casabame jinahuai, i De donde viene ?

1062. When are you coming? : S-G. Katuka koronaute? i Cuândo vienes?

1063. Come and feetch us : R. (p. 150) : — " the monkey cried, 'Katannitôri

'Katannitôri e. come and fetch us). "

1064. Come, Descend : B. Yaro. (Brett's 'Questions', No. 65.)


THE WARAU INDIANS OF GUIANA 225

1065. Command, Speak : B. Ti-iya. (Brett's 'Questions', No. 166.)

1066. Command, Speak (2) : B. Rair-iya. (Brett's 'Questions', No. 206.)

1067. To Command, Order (3) : O. T. Nitâte, Befalla. Ordenar.

1068. Commit Adultery : B. Mareyra-ha. (Brett's 'Questions', No. 178.)

1069. To Compare: O. T. Sinâlya-kitâni, Jamfôra. Comparar.

1070. To Contain : O. T. Ahoka-kitdni, Ekuha-kitâni, Innehâlla. Conterier.

Conterier.

1071. To Converse : O. T. {t)Aribo-kitani, Samtala. Conversar. (Cf.

Nos. 1011, 590. J. W.)

1072. To Cook : S-G. Jishaba kitane, cocinar ; T. Jishaba-guitane, cocinar ;

O. T. Hisaba-kitâni, Koka. Cocinar. (Cook, Boil.)

1073. To Cough : O. T. Obo-kitâni, Hosta. Toser.

1074. To Cover :■ S-G. Kukurane, tapar.

1075. Crouched : S-G. Gina munetia, agachado.

1076. To Cry out : S-G. Dojojo iâia, gritar.

1077. To Cut : S-G. Kabataiâ, cortar, Kabatane, cortar, Kabatanae, cortado.

cortado. ; T. Cabatate, côrtalo. (Cut it.) ; O. T. Kabatdnai, Skâra. Cortar ; Kabata-kitâni, Klippa v. Cortar.

1078. To Dance : P. Jojo, danser. (Cf. No. 501. J. W.) ; S-G. Jojokitane,

Jojokitane, Jojo-kitana? j, Quieres bailar ? ; T. Jojo-guitam, baile ; Ch. Jojo, danser ; O. T. Hoko-kitâni, Dansa. Bailar. i079. To Defecate : S-G. Kaimi-kitane, defecar.

1080. To Descend : B. Nanaka. (Brett's 'Questions', No. 55.)

1081. To Descend, Return : B. Nabako. (Brett's 'Questions', No. 273.) ;

S-G. Nabakane, bajar; T. Nabaca-quitane, saltarse ; B. Nabaka. (Brett's 'Questions', No. 307.)

1082. To Die : B. Waaba. (Brett's 'Questions', No. 54.) ; S-G. Uabâe, se

muriô. (Cf. Nos. 497, 910, 482. J. W.)

1083. To Dig : O. T. Eoui-kitâni, Grava. Cavar.

1084. It will not do : Appun (Das Ausland, Vol. 42 p. 207), Kannekanne,

Es gent nicht. 1086. To Drink : B. Obi. (Brett's 'Questions', No. 388.) ; S-G. Jobia, beber; T. Bi-quitane, bebe ; Jobiajera, tengo sed. (I am thirsty.) ; O. T. Hobi-kilâni, Dricka. Tomar.

1086. Drowned : S-G. Joo abae, ahogado.

1087. To Dry : O. T. Inaoaba-kitâni, Torka. Secar.

1088. To Ea*t : B. Nahoro. (Brett's 'Questions', No. 384.) ; Cr. Mahouria,

manger; T-A. Najoro-quitana, corner; G. Najoro; edere. (Cf. No. 421. J. W.)

1089. Embark : T. Ecumacao, embârquese.

1090. Embrace : S-G. Ori majae, abrazo.

Société des Américanistes de Paris. 15


226 SOCIÉTÉ DES AMÉRICANISTES DE PARIS

1091. To Enamour : S-G. Turi-kitane, enamorar.

1092. To Enter, Go in : O. T. Éku nâro, Intrâda. Entrar.

1093. To Fall : B. Naka. (Brett's 'Questions', No. 23) ; R. (p. 127)

Na-kai, to fall down ; O. T. Nâkai, Falla. Caer.

1094. To be Fastened, Nailed : B. Eyshier-iya. (Brett's 'Questions,

No. 53.)

1095. To Fight : S-G. Kuba-kitane, pelear ; T. Oriabu-quitare, pelear ; O. T. Orabu-kilâni,' Strida. Pelear.

1096. To Find, Discover : O. T. Taime-kitâno,Witta. Encontrar.

1097. It is Finished : T-A. Ecoranai, se acabô ; S-G. Ekoronâe, se acabô ;

T. Ecoronai, se acabô, Yehuarunai, termino ; O. T. Ekorânai, Sluta. Acabar. (To finish.)

1098. To Fish : O. T. Ine nisâti homakâba, Fiska (jag). Pescar. (Ine =

I : Homakâba = fish. J. W. )

1099. It Flows : T. Jan-.i ejobonai, cano sale, Jana ejobonaja, cano no sale.

1100. To Fly : O. T„ Manâmo kohobôto,F\yga. Volar.

1101. To Forget : T. Omi, olvido.

1102. To Forget (2) : O. T. Moséba kanokide, Glômma. Olvidarse.

1103. To becoine Frightened : O. T. Détanâha, Bliva râdd. Asus tarse.

1104. Give, To give : B. Moa. (Brett's 'Questions', No. 16.) ; T. Mâ-u,

da ; O. T. Mooaha-kitâni, Giva. Dar, Toi moau, Giva. Dar.

1105. Give me: T-A. Ma-mo, dame ; T. Mamu, dame; S-G. Joo mamu,

dame agua. (Give me water. J. W.) ; Cr. Arou ma-mou sanouca, donne-moi de la cassave. (Give me a little cassava) ; Oucibou ma-mou noera ua, donne-moi du morocoto, j'ai faim. (Cf. No. 657. J. W.) ; Appun ('Das Ausland', Vol. 41. 1868. p. 894). Hobi matnû, gib mir Rum.

1106. I will give : T. Ine muarte, daré.

1107. Go : B. Aba. (Brett's 'Questions', No. 289.)

1108. To Go, Départ : B. Nare, (Brett's 'Questions', No. 292.) ; P. Naru,

marcher ; Cr. Narou, allez-vous-en ! ; T-A. Diana-naru, vête ; G. Diana-naria, abimus ; S-G. Nar-i-a, caminar, Nari-a, andar, Narûae, se fué ; Nar-û, anda tû, Dabujira nar-â, anda lijero ; Katuka koro nantie 1 ^cuândo te vas ? ; G. Kasava nariané'l quo vadis ? (Whither goest thou?) ; Ch. Naru, marcher ; O. T. Nâdu, Gà. Irse.

1109. I go away : G. Diana, abeo ; T. Diana, listo. (Ready. J. W.) :

Adios. (Good-bye. J. W.)

1110. Let us go ! Let us ail go ! : Cr. Ishal, allons ! Isaco cocokita, allonsnous

allonsnous tous.

1111. I ara going now : Fr. Cooksey (TimiherF, Dec, 1912, p. 330),

Mariau dian, I am going now. Equivalent to our good-bye.


THE WARAU 1NDIANS OF GUIANA 227

1112. Go, Go up, Mount : B. Nahrezva. (Brett's'Questions', No. 60.)

1113. I will do g-ood : B. Hine yakira-le (Brett's 'Questions', No. 123.).

1114. To Grow : 0. T. Ida-kitâni, Vaxa. Crecer.

1115. Guard, Protect, Défend : B. lbowro. (Brett's 'Questions', No. 23.)

1116. To Hang : 0. T. lbatokonai, Hânga. Colgar.

1117. To Harpoon : 0. T. Nahâida-kitani, Harpunera. Arponear.

1118. Hâve : To. Ma cuareja, yo tengo ; To, Y ca, usted tiene (sing. you

hâve) ; To. Ti cuareja, él tiene (he has) ; To. Oco cacatucaja, nosotros tenemos (we hâve) ; To. Ato abiloja, ustedes tienen (plu. you hâve) ; T-A. Equira eine, no tengo. (Cf. Nos. 1004, 564. J. W.) ; T. fa tiene, ; O. T. Ine tai obonbya, Hava. Tener, Oakitâni, Hâlla (to hold, keep, J. W.). Tener.

1119. To Hear. Hearken : O. T. Hiyo, Hôra. Entender (sic).

1120. To Hear, Hearken (2) : O. T.Noko kitani, Hôra. Oir.

1121. I haveheard say : T. Ine noc/iai, oi decir.

1122. Help: B. Sanito. (Brett's 'Questions', No. 208.)

1123. Hide : T. Eresbiani, esconde. (Cf. No. 1203. J. W.)

1124. Hide it : T. Jedishana abano, escôndalo Vd.

1125. To Hunt : O. T. Kohoto-kilani, Jaga. Cazar.

1126. To Imitate : O. T. Nomitia-kitâni, Harma. Imitar. (But cf. No.

1219. J. W.)

1127. To Judge : B. Senare-a (Brett's 'Questions', No. 67.)

1128. To Jump : O. T. Ndboldhe-kitâni, Hoppa, Saltar.

1129. Keep it : T. Diuran naban, guârdalo.

1130. Kill, be Killed, Suffer : B. Na-ia (Brett's 'Questions', No. 51.);'

S-G. Nan, matar ; O. T. Na-hitâni, Dôda. Matar.

1131. Kill : (2) : G. Guapae, necare. (Cf. No. 497. J. W.)

1132. Kill it : T.fubao, mâtalo.

1133. Kill with the arm. R. (p. 157). Mahara-ko, to kill with the arm.

1134. To Kiss : O. T. Koajoara-kiiâni, Kyssa. Besar.

1135. Kneel down : B. Mokunamu. (Brett's 'Questions', No. 101.)

1136. I Know : T. Namina, se.

1137. I do not know : T. Naminahaja, no se.

1138. To Know, Understand, Feel : 0. T. Nahobo-kitdni, Kânna. Sentir.

1139. To Know, Be Able : O. T. Takûna, Kunna. Poder.

1140. To Laugh:T. Eno, reirse ; O. T. Anoy-hitâni, Skratta, Reir.

1141. To Lie, Joke : O. T. Obarâhota-kitâni, Ljuga. Skiimta. Mentir.

Embromar.

1142. To be Lying down : O. T. Yahi-Htâni, Ligga ned. Estar acostado.

1143. Laid down : S-G. Jai kuya gina, acostado.

1144. To Lend, Borrow : O. T. Nebo-kitâni, Lâna. Prestar.


228 SOCIÉTÉ DES AMÉRICANISTES DE PARIS

1145. Lend me : T. Mancvano, préstame.

1146. Light it (Take it, i. e. fire) : T. Shabano, préndese.

1147. To Live, Dwell : B. Kwàri-mahaba-kitani. (Brett's 'Questions', No.

172.)

1148. Look! : Cr. Mianoco, regarde !

1149. Love, Long for, Covet : B. Obono. (Brett's 'Questions', No. 9.),

Oubono. (Brett's 'Questions', No. 112.)

1150. To Lose : O. T. Hahinai, Fôrlora. Perder.

1151. To Make : B. Nom. (Brett's'Questions, No. 10.); T. Nona-u,

hâgalo (make it). Iîaciendo (making) ; O. T. Nona-kitdni, Gôra). Hacer.

1152. To Make (2) : O. T. Taitdna, Gora. Hacer.

1153. I shall make : O. T. Ine taitâte, Jag skall gora. Haré.

1154. To Mark. Sign : O. T. Amehôkohita-Mtâni, Teckna. Sehalar.

1155. To Marry, Give inmarriage : O. T'. Arimôhooa-Mtâni, Gifta. Casarse.

1156. To Meet : O. T. Oridobôtonâi, Môta. Encontrar.

1157. To Mix : O. T. Olikuâll aba-kitâni, Blanda. Mezclar.

1158. Moorthe corial, T. Huaibaca cuyano, amarra la curiara. (Cf. No. 321

J. W.) 1-159. To Mourn, Be Afflicted : O. T. Abonobu-kitani, Sôrja. Estar con pena.

1160. Obey : B. Noko. (Brett's 'Questions', No. 493.); O. T. A-ribonoko-kitâni,

A-ribonoko-kitâni, Obedecer. (a-ribo, his word. J. W.)

1161. To Open : O. T. Yaka-kitâni, Ôppna. Abrir.

1162. 1 willpay : T. Amoar abale, pagaré. (Cf. No. 1047 J. W.)

1163. To Place, Make : B. Abana. (Brett's 'Questions', No. 164.) ; T. faban

tatuca, pôngalo. (place it), Shinarija abane, ponga marca. (put on a mark, but cf. No. 289. J. W.); O.T. Aba-kitdni, Stalla. Poner. Abâ! Stâll ! Poner (imperativo). 11.64. To Pla3r : T. Cotubo, jugar ; O. T. Kotobu-kitâni, Leka. Jugar.

1165. To Prop, Support, Help. O. T. Yatidma-kitâni, Stôd. Apoyo.

1166. To Punish. Grow Angry : B. Orieyse (Brett's 'Questions', No. 18.).

Oreasi. (Brett's'Questions', No. 107.) ; T. Yehuerete, castigar.

1167. To Rain : O. T. Ndhaebo-kitâni, Régna. Llover ; T-A. Naja-eboya,

lloviendo.

1168. Raise up, To Rise : B. Kanamu. (Brett's 'Questions', Nos. 57, 84.).

Kanama (Brett's 'Questions', No. 287.) ; O. T. Kanama-kitdm, Resa sig. Levantarse ; Kanama-kitâni, Stâ. Estar parado.

1169. To Raise, Lift, : O. T. Koboka-hitâni', Lyfta. Levantar.

1170. To Read : S-G. Terib'ia, Ieer.

1171. To Read (2) : T. Carata guara-quilane, leer.


THE WARAU INDIANS OF GL'IANA 229

1172. To Re-enter, Return : B. Bahe. (Brett's 'Questions', No. 566.)

1173. Remember, jThink : B. Obonobo. (Brett's 'Questions', No. 135.) ;

1174. To Remind. (Call to niind ?) : 0. T. Mobuhâna aisidha, Erinra.

Acordarse.-

1175. Remove,' Take away : B. Hara. (Brett's'Questions', No. 27.)

1176. To Rest :|S-G. Oribita-Btane, folgar. (= holgar? J. W.) 1L77. To Retiré : T. Emo, retirarse.

1178. Respect, Keep (theJCommandments) : B. Oraba (Brett's 'Questions',

No. 121.)

1179. Révérence : B. Yowra, Yoiuro. (Brett's 'QuesLions', No. 136.)

1180. To Roast : T. Jebu-quitane, asar.

1181. To Run : P. Tijdca, jacana, courir.

1182. To Search : T. Najobo-quitane, buscar.

1183. What are you looking for ? : T. Sina inajobuya, ;,qué busca?

1184. See : T. Mamicote, vea, mirame.

1185. I see already : T. Inejitniai, veo ya.

1186. To See, Look : O. T. Mi-kitâni, Se. Ver. (Cf. Nos. 1190, 1218.

J. W.)

1187. To Sell : G. Guabia, vendere.

1188. To Sew : T. Çoje*guitane, coser.

1189. To Shed, Spill, Pour, Fall (of liquids) : B. Sororoe-a. (Brett's 'Questions,

'Questions, 408.)

1190. To Shew me : T. Mi-quitane, mostrarme. (But cf. No. 1186.

J. W.)

1191. To Shoot, Push, Thrust : O. T. Hatu-hilâni, Skjuta. Tirar.

1192. Be silent : T. Enarelano, câllese; O. T. Inaretdnu, Tiga. Callarse.

(Tobesilent.)

1193. Send : B. Inataba. (Brett's 'Questions', No. 225.)

1194. To be sick : B. Waba-iya kore, when sheissick. (Brett's 'Questions',

No. 476.)

1195. To Sing : P. Docotu, chanter; T. Docoto, cantar ; Ch. Docotu, chanter;

chanter; T. Dokôto-oara-kilâni, Sjunga. Cantar.

1196. To Sing (2) : B. foa, chanter.

1197. ToSing (3) : O. T. Eheuvére-kitdni, Sjunga. Cantar.

1198. To Sit down, Rest : B. Tuara, Etuara (Brett's 'Questions', Nos. 64,

341.); T. Duyane, Juano, Ohua-quitane, sentarse ; O. T. Dohakitani, Sitta. Estarsentado. (To sit, be seated. J. W.)

1199. To Sleep: B. Huba (Brett's]'Questions',No. 559.); P. Ubâ, dormir;

Ch. Ceba, dormir; Cr. Oubaya, dormir; T-A. Ubaya, dormir; G. Abaya, somnus; T. Uba-quitane, dormir; O. T. Uba-kitdni, Sova. Dormir.


230 SOCIÉTÉ DES AMÉRICANISTES DE PARIS

1200. To Smell : O. T. Aha-kitdni, Lukta. Oler.

1201. To Smoke : S-G. Bajdia, fumar; T.'Baja-quitane, fumar.

1202. To Speak : B. Dibu-. (Brett's 'Questions', No. 310.); S-G. Dibia,

hablar ; T. Dibuyane, habla. (Speak); O. T. Diba-kitdne, Tala. Hablar.

1203. To Steal, Rob : B. Errehisia. (Brett's 'Questions', No. 179.) (Cf.

Nos. 86, 1123. J. W.) ; O. T. Erihisa-kitain, Stjala. Robar.

1204. To Stop, Stay, Rest, Pause : O. T. Ha-kitdni, Stanna. Parar.

1205. To Succeed (in), Be Successful (in), Oblain : O. T. Olind-kiiàni,

Lyckas. Lograr

1206. To Sweep : T. fobai, barrer. Jobai janoco, barrer la casa, Jobai berequitane,

berequitane, el suelo.

1207. To Swim : S-G. Nojo-kitane, nadar; O. T. Nako-Hidni, Simma.

Nadar.

1208. ToTake, Receive : B. Nisha. (Brett's 'Questions', No. 325.); T. Ishan,

côgelo ; O. T. Isa-kitdni, Taga. Tomar (prendre).

1209. Take! Take thou : O. T. lsâno, Tag ! Tome! ; T-A. Ma, toma tû

1210. To Teach : O. T. Ai, Lara. Aprender [sic).

1211. To Tell, Narrate : O. T. Ine sâba toatdii, Beriitta. Contar (Dire).

1212. Tell me : T. Masaba dibano, digame.

1213. I will think : T. Ine mile, pensaré.

1214. To Throw down, Throw, Cast : S-G. Toane, tumbar; O. T. Toakitâni,

Toakitâni, Echar.

1215. Trace : T. Sbisi, pica. (Picar undebujo, to trace out a design. J. W.),

foshisi, pica con palo. (Trace with stick. J. W.)

1216. I do not understand : T. Noconaja, no comprendo.

1217. To urinate : S-G. Agibo-kitane, orinar.

1218. Visit : B. Mi-. (Brett's 'Questions', No. 109.)

1219. Wake : B. Nomina. (Brett's 'Questions', No. 561.)

1220. Wait! : G. Mate, exspecta ! ; Mata, espère, Mata sanvea, espère un

momento. (Wait a moment) ; G. Mate huike, exspecta paulisper. (Wait a little.) ; G. Mavuakao, exspecta me. (Wait for me.); R. (p. 266) : — " he kept on singing Mawa-kalwtâ (lit., for me — wait.), Appun ('Das Ausland', Vol. 41. 1868, p. 893.), Mate, Mate, warte, warfe

1221. To Walk: B. Kuhu-ia. (Brett's 'Questions', No. 564.); P. Cuju, marcher

marcher S-G. Kuju-kilane, caminar ; T. Cuju-quitane, paseando; Cabu-quitane, pasear.

1222. To Warm : O. T. Ehilaû-Htdno, Varma. Caliente (sic). (Cf. No. 942.

J. W.)

1223. To Wash it : T. jarao, lavarlo.


THE WARAU INDIANS OF GUIANA 231

1224. Wed : B. Koha (Brett's 'Questions', No. 547.)

1225. To Weep : Ona,T. Uorando. (Weeping.) ; Onanaca, no llores. (Do not

weep.)

1226. To Whisper : 0. T. Kodnadibdno, Viska. Chuchear.

1227. To Whistle: S-G. fotdia, silbar.

1228. To Wish for, Désire : 0. T. Obono-kitdni, Ônska. Desear.

1229. I do not wish : T. Bononaja, no deseo.

1230. He wish.es : T. Bononoia, quiere.

1231. He does not wish : T. Abonanaja, no quiere.

1232. If you wish : T. Jiobonona, si Vd. quiere.

1233. To Work : B. Yowta. (Brett's 'Questions', No. 140.); O. T. Yâuta,

Arbeta. Trabajar.

1234. To Wound : O. T. Kabata-kitani, Sâra. Herir.

1235. To Write : T. Carata jaba-quitane, escribir. {Carata — Span. carta,

letter. J. W.)

1236. To Yavrà, Gape : S-G. Naja uabaiâ, bostezar.

15. Adverbs.

1237. Now : T. Amabulo, ahora; O. T. Amaûilo,Nu. Ahora.

1238. Never : O. T. Todta kunalai, Aldrig. Nunca.

1239. Again, Once more : O. T. Atai, Ater. De nuevo.

1240. To-day : T-A., T. Ama, hoy ; B.Hamai (Brett's 'Questions', No. 511.)

O. T. Ama, i Dag. Hoy.

1241. Mid-day : T-A. Yacua jayca, medio dia.

1242. Yesterday : T. Caja, ayer; T-A. Caji, ayer.

1243. Some time ago : O. T. Isdna sdbâka, For en tid sedan. Hace algûn

tiempo.

1244. To-morrow :T-A., T. faque, mahanà; O. T. Hdki, iMorgon. Manana.

1245. Long (adv.) : O. T. Atibé, Lange. Mucho tiempo.

1246. Already : S-G. Dijana, va (adverbio).

1247. Immediately, Soon, Quick : S-G. Dubujira, pronto ; O. T. Dôbohida,

Genast. Ahora mismo.

1248. After, Later on : S-G. Misika, después, mâs tarde.

1249. When, When? : T. Catucacole, cuando ; B. Katika-kore? (Brett's

'Questions', No. 270.) ; T-A. Catuca-coro ? l cuândo ? ; S-G. Katuka koro naute? ^cuândo vienes? (When art thou coming ?) ; O. T. Kâti'ikàkdri, Nâr. Cuândo, Katu (ko) liori, Nâr (; (idâ). Cuando; Kdtokakori, Kanske. Talvez. (Perhaps. J. W.) ; Kâtaukôli, Dâ-nar. Cuando.

1250. While, Whilst : O. T. Todta-koré, Medan. Mientras.


232 SOCIÉTÉ DES AMÉRICANISTES DE PARIS

1251. Always, Often : T. Gwajanaca, siempre ; 0. T. Oâbanâka, Oabandka,

Oabandka, alltid. Muchas veces, siempre.

1252. Hère: S-G. Tomalika, aqui; T. Tamaluka, Tamasia, aqui.

1253. Hither : T-A. Pono, acâ.

1254. There : T-A. Tamaluka, allî. (Cf. No. 1252. J. W.) ; G. Tamatika,

istic ; R. (p. 202) Ija-ko-i sanuka tataha. (lit., Sister-little-there.)

1255. There (2) : S-G., T. Ole, alla, (there, yonder. J. W.); T-A. Ole,

alla; G. Ooote, procul valde;0. T. Ole, Diir. Alla, Tdta, Di'ir. Alla.

1256. Near : T. Jiguere, Maguere, cerca; O. T. Aueri, Niira. Cerca.

1257. In the middle : 0. T.Aillu, Midt. En el medio.

1258. Other side : T. Caianuca, otro lado.

1259. On the other side : 0. T. Tdta sdba, Pâ andra sidan. Al otro lado.

1260. On this side : O. T. Tdmasdba, Pâ dennasidan. En estelado; T. Tamasaba,

Tamasaba, lado.

1261. Inside, Within : S-G. Inabo, dentro, adentro.

1262. Under, Below : S-G. fuaika, debajo, Noika, debajo, abajo ;T. Noica,

abajo.

1263. Behind : T. Maiamo, detrâs.

1264. On theJiight : B. a-Wau-sabasaba. (Brett's 'Questions', No. 63.)

1265. On the Right (2) : O. T. [he mohu)oito, Hôger. A la derecha.

1266. On the left : O. T. [hemohu) lâna, Vânster. A la izquierda.

1267. East : O. T..Hokûhi ajaburonôko, Oster. Este.

1268. West : O. T. Hohihi solonôlw, Vaster. Oeste.

1269. Where, Where? Whither? : B. Kasahba. (Brett's 'Questions', Nos. 229,

20.); T-A. Casabamo? ^ dônde ? ; G. Kasâva nariané? quo vadis?; T. Casaba, {, dônde ?, Casabano, de donde, Casabame jinahuai ? làe dônde viene ? S-G. Kasaba iji janolw, i dônde vives? (lit., Where is thy house? J. W.); 0. T. Kâsâbd, Hvar. Donde.

1270. Why, Wherefore : O. T. Kalukehéme, Yarfôr. Porque.

1271. Everywhere : O. T. Kalolûka kualika. Overallt. En todas partes.

1272. How?: B. Katikani. (Brett's 'Questions', No. 239.); O. T. KdtoMni,

Hur. ^.Cémo ? ; Kdluhdni, Hur. i Cômo ?

1273. Like, As : B. Munika, (Brett's 'Questions', No. 13.); O. T. Monika,

Lik. Semejante.

1274. So, Thus : B. Tan. (Brett's 'Questions', No. 6.), Tuata-ni, (Brett's

'Questions, No. 19), Tuata-ia. (Brett's 'Questions, No. 104.); T. Nome, asi

1275. Only : B. Witu. (Brett's 'Questions', No. 91.), Nome-witu-aa.

Brett's 'Questions, No. 412)

1276. Alone, Onljr : T. Ishameca, solo.


THE WARAU INDIANS OF GUIANA 233

1277. Alone (2) : 0. T. Toatani hakûnalai, Aliéna. Solo. 1278.Slowly: T. Oriasabuca, despacio; S-G. Uria uria,poco apoco. (Little by little. J. W.)

1279. Suddenly : 0. T. Âtokaût, Plôtsligt/ De repente.

1280. Otherwise, Else : 0. T. Arlâisa, Annars. En otro caso.

1281. Forward : S-G. A uaji abara, adelante; T. Cuarica, adelante

1282. Together : B. Ori-ko (Brett's 'Questions', No. 469); Ori-sabba

No. 78)

1283. Ho\vmany?B. Katamono (Brett's'Questions', No. 216) ;0. T. Kaldmona,

Kaldmona, mycket? i Cuânto ? (How much. J. W.) 128i. Enough, Much, Many : B. Eyra-ha, much, many; Cr. Eraouti, assez. Era, beaucoup; T-A. Éera, bastante, mucho ; T. Era, mucho ; 0. T. Era, Nog. Sufîciente

1285. A little : Cr. Sanouca, peu; T-A. Sanuca-jaine, poco ; Sanuquira,

poquito; O. T. Sanoho, Mychet liten. Muy pequeho. (But cf. No. 979. J. W.)

1286. Yes : Nome (Brett's 'Questions', No. 284) ; T. Nome catane, si, si :

Catane, si; O. T. Nomi, Ja. Si

1287. No, Not : 0. T. Tanaha, Icke. No (ne pas); Taidna, Icke. Ne pas

16. Prépositions, Postpositions, etc.

1288. Also, And : B. Arakatle. (Brett's 'Questions', No. 68.) ; T. Racate,

y, Dacaie, también.

1289. Because : T. Calugueme, porque.

1290. Because, Why : T. Shinacuare, porque.

1291. Before : B. Ebbeka. (Brett's 'Questions', No. 368.)

1292. Between : 0. T. Kâoanâia, Emellan. Entre.

1293. But : T. Tacore, pero.

1294. From, Of : B. Eymo. (Brett's 'Questions', No. 26.) ; Isbimo, lsimo

(Brett's 'Questions', Nos. 48, 79.)

1295. From (2) : B. Atukom. (Brett's 'Questions', No. 58.), T-atuJwm,

from there. (do., No. 65); Hamai atukamo, from now (do., No. 511.)

1296. For, To : B. Kwari. (Brett's 'Questions'', No. 257.)

1297. For, To (2) : B. Sabba. (Brett's 'Questions', No. 311.), T. Tatuma

saba, para ellos, Tamasaba, este lado. (lit., 'this-to'. J. W.)

1298. In, Into : B. Atta. (Brett's 'Questions', No. 59.)

1299. In, On : B. Heyku. (Brett's 'Questions', No. 55.); 0. T. Éku, InAdentro,

InAdentro, i Huset. En la casa.

1300. In, Under : B. Nimo. (Brett's 'Questions', No. 97.)

1301. Near : Cr. Aloukira, près.

1302. On, Upon : B. Rai. (Brett's 'Questions', No. 11.) ; 0. T. Orai, Pâ.

Sobre.


234 SOCIÉTÉ DES AMÉRICANISTES DE PARIS

1303. On. To : B. IValoto. (Brett's 'Questions',-No. 52.)

1304. On account of, By : B. Me. (Brett's 'Questions', No. 111.)

1305. Over, Beyond : O. T. Matansdba, Over (en flod). Inglés = over

(en 'look over').

1306. Over us, Above us : O. T. Ku kualika, Over oss. Encima de nosotros.

nosotros.

1307. To the other side : G. Oteria nanê (al otro lado), eo ultra.

1308. Until : B. Ebbesbabba. (Brett's'Questions', No. 540.)

1309. With, Near, Close : B. Kaiika. (Brett's 'Questions', No. 296.)

1310. With, Together with : B. Aisiko. (Brett's 'Questions', No. 40.) ;

O. T. Hisiko, Med. Con.

1311. With (3) : O.T. Aydmo, Med. Con.

1312. Without : R. (p. 335) : — " we Waraus call it (i.'e. an island

peopled by women. J. W.) Nibo-yuni (lit., man-without) ".

1313. With respect to, Concerning, On : B. Isbia, Shia. (Brett s'Questions',

Nos. 42, 430.)

1314. Exclamation of Surprise : R. (p. 195) : — Akkâ ! Akkd!, exclama

tion of surprise. 17. Salutations, etc.

1315. Good Day : O. T. BdhuMja, Goddag. Buenos dias.

1316. Good-bye : O. T. Nâridni, Farvâl. Adios. (Cf. Nos. 1111, 1109.

J. W.)

1317. Thanks : T. Yaquera hinto, gracias. (Cf. No. 932. J. W.) ; O. T.

Sey, Tack. Gracias.

18. Proper Names.

1318. Trinidad : T. Acohuata, Trinidad.

1319. Orinoco : Fr. Cooksey ('Timehri', Dec. 1912, p. 330) Wirrinoko.

1320. Morawhanna, N. W. District, British Guiana.; Fr. Cooksey (as in

preceding) : — " Mora-bo-wbanna : the water passage of the Mora trees.

1321. Hobima (Creek) im Thurn (No. 77, p. 224), 'said to mean tigerwater

tigerwater refers to the custom of the Waraus of calling them-selves by the names of wild animais. (Globus, 1870. Vol XVII, pp. 316-318 : — " dasz jederden Namen eines wilden Thieres annimmt. ") Hegives the following : —

Ar émana Baraca

Aroibe Banahuari

Arehoroma Botuara


THE WARAU IND1ANS OF GUIANA 235

Cojocoida

Coieima

Daobo

Guanamara

Icuara

Niboraida

Tagilirima

Copeanima Curunaguare Guabo Gucareima fabure Sanucabare

Cocojobuina

Cuabaca

Guaquèn

Guajabaraca

Mujuraje

Taro

Dr. Roth (R., p. 675.) says : — " The only information obtainable in this connection with regard to the Pomeroon Warrau (is that, according to John Coxall, the Moruca River Warrau captain, they (i. e. the Warraus. J. W.) name themselves after the creeks on the Orinoco watershed, from where they are believed to hâve corne, e. g., Orozvaarau (noise of sea-breakers, creek), Kaiwaba-arau (dry wood creek), Noi-arau (troolie-seed, creek), He-ubassa-arau (flat-quartz, creek), Winnïkinni-arau, Maresa-arau, Mawanabu-arau, etc.

R. (p. 122) Mayara-lwto (a man),(p. 123) Wau-ula (a piai woman).

R. (p. 126) Uri-Kaddo. (a wife, 'darkness people', or, 'worker in darkness\)

R. (p. 130) Nabakoboni ('the one who eats plenty'), an old man.

R. (p. 133) Makunaima, Pia (two boys).

R. (p. 217) Tobe-akuba, Sika-waka (lit., 'jigger-plenty'), two men.

R. (p. 255) Waiamari, Okoâhi, two men.

R. (p. 326) Yaburaivdko, woman.

R. (p. 336) Komatari, the first medicine-man.

R. (p. 122) Hâburi (a boy.)

B. ('Legends and Myths', p. 76) ; — " Pray tell of Aboré, your first navigator ".

B. ('Legends and Myths', p. 64) : — « At length fair Korobonu said (The elder sister she) ».

B. C, Ap. VIL (Report of R. H. Schomburgk), p. 19 : —

Arua-caima Uruaballia

Curiaba Wacaraba

Mayucare Yarow-anari

19. Days of the Week, etc.

Sunday, Week : To., G. Misa, Diessolis. (Span. 'misa'. J. W.) ; T. Misa,

Domingo, semana. Monday : To. Ya-isbaca, lunes, ('one sun'. J. W.) Monday (2) : G. Yota, dies lunae ; T. Yota, lunes. Tuesday : To. Yaimunamo, martes, ('two sun'. J. W.) ; G., T. Yota

nianamo, dies Martis.


236 SOCIÉTÉ DES AMÉRICANISTES DE PARIS

Wednesday : To. Yaidijanan, miércoles. ('three sun.' J. W.) ; G. Dija,

namo, dies Mercurii ; T. YolaDianam, miércoles. Thursday : To. Yaioravacaya, jueves. ('four sun.' J. W.) ; G. Orabakayadies

Orabakayadies ; T. Rabacaia, jueves. Friday : To. Yaimojaba, viernes. ('five sun.' J. W.) ; G. Mojabasi, dies

Veneris ; T. Muabasi, viernes. Saturday : So. Nau-sanuca, sâbado.

Saturday (2) : G. Sabudro, Sabbatum. (Span. 'sâbado'. J. W.) Saturday (3) : T. Mojamalasa, sâbado. (Cf. No. 9. J. W.) Christmas : B. C, Ap. VII, p. 218 : — " Christmas called by English

Warraus Sundaka-Ida (Little Sunday), by Spanish Warraus Yah Olewaliab

Olewaliab of gladness). " (Sundaka is not 'sanuca', small, -but Dutch

'Zondag', Sunday. 'Ida' is probably 'urida', great. 'Yah' is sun, dajr.

'Olewakah is probably 'Olinaka', happy, cheerful. J. W.)

20. Borrowed Words.

Bee : G. Abiji, apis. (Globus, XVII. 1870, pp. 316-318 :— " sie sammeln das Wachs [âbî] und nennen die aus demselben gefertigten Lichter abije (beide Worter kommen wohl vom Spanischen 'abeja'). "

Black : S-G. Mekoro, negro. (Span. 'negro'.) ; T-A. Mecorozjocco, persona negra ; T. Micorro, negro.

Bolivar : T. Beseta, bolivar, 20 cents. (Span. 'Peseta'.)

Bottle ; T. Botoru, botella. (Span. 'botella'.) ; G. Botoro, lagena (flask.)

Button : T. Botona, botôn (Span 'botôn').

Cat : T-A. Mi t%i, gato (Span. 'miz', 'mizita'. J. W.) ; T. Meshi, gato : O. T. Miâsi, Katl. Gato (doméstico).

Cloth : Ri. S. Camisa, Leinewand. (Span. 'camisa'.)

Coffee : G. Kabê, coffee. (Span. 'café'.)

Cow : Ri. S. Bacca, Kuh. (Span. 'vaca'.)

Cross : T-A. Curuqa-, cruz. (Span. 'cruz'.); B. Cruso, cross.

Dog : R. H. S. Perero, dog. (Span. 'perro'.) ; Cr. Perouro, chien ; G. Bedore, canis ; T. Perron, perro ; T-A. Peroro, perro ; O. T. Bàrôro, Hund. Perro.

Fowl : Ri. S. Cariwina, hen. (Span. 'gallina'.) ; T-A. Carina, gallo, gallina ; G. Garina, gallus ; T. Carina, gallina, Carina aji, huevos de gallina ; T-A. Carina moco moco, pollito.

Gold, Money : Ri. S. Brala, Gold. (Span. 'Plata'.)

Silver : T-A. Burata, dinero, moneda, Burat %iiiio, oro ; Burata jocco, plata. (silver.) ; T. Burata, plata, Burata-simo, oro.

Gun : Ri. S.Arakabusa, Flinte. (Span. 'arcabuz'.) ; T-A. Aracabu^a, escopeta, fusil ; T. Arocobolo, escopeta ; O. T. Arrakabôssa, Bossa. Escopeta.

Hat : Ri. S. Sombrero, Hut (Span. 'sombrero').


THE WARAU INDIANS OF GDIANA 237

Horse : Ri. S. Cavari, Pferd. (Span. 'caballo') ; O. T. Cavdio. Hast.

Cavallo. Light : T-A. Abije, luz. (Cf. above s. v. 'Bee'.) Kerosine : T. Oleo-toi, kerosine. (Span. 'oleo'.) Needle : S-G. Akosa, aguja (Span. 'aguja'.) ; T. Acosa, agujas. Paper, Letter, Book : Ri. S. Carta, Papier. (Span. 'carta'.) ; T-A. Curata,

papel ; T. Carata, carta, Curata, libro. Pipe :0. T. Baiba, Pipa. Pipa. (Span. 'pipa'.) Plantain : T-A. Pdlatano, plâtano. (Span. 'plâtano'.) ; G. Buratara, Musa

paradisiaca ; S-G. Burâlând, plâtano ; T. Burdldna, plâtano ; Ch. Burdtana,

Burdtana, Powder : Ri. S. Cruword, Pulver. (Span. 'pôlvora'.); T. Corobârâ, pôlvora'. Rice : T. Arise, arroz. (Span. 'arroz'.) Shoe : Ri. S. Zapdto, Schuhe. (Span. 'zapato'.) Sloop : T. Baroco, barco. (Span. 'barco'.) Soap : T. fdbona, jabôn (Span. 'jabôn'.) Sugar Cane : Cr. Cicaro, canne à sucre. (Span. 'azûcar'.) ; S-G. T%ikaro,

caria dulce ; T. Cbicaro amutu, azucar; H. Secara-mutub, sugar. Teacher : T. Caratarao, maestro. (Span. 'carta'.) Tin : T. Buroma, lata. (Span. 'Plomo'.) Wax : Cr. Avé, cire. (Cf. above, s. v. 'Bee'.) ; T. AU, cera.

(See also No. 737, 'Pikà-rudno'.)

Grammar Notes.

\. GENDER. There is no distinction in gender, as : — 'Tamaha nebora\ this man : 'Tamaha tida', tliis woman : 'Hi-uka', thy son : 'Hi-uka-tida', thjr 'daughter.

2. NUMKER. Distinction in number appears only in the imperative. See par. 34.

3. PROJNOUNS. Personal.

Sing. 1. B. Hine : 'ne : Plur. 1. Hoko :

Cr. Ine : 2. B. Hihi : Cr. Ihé.

4. PRONOONS. Démonstrative.

^a). 'Tamaha'. As : 'Tamaha ma-botuV, this (is) My Blood; 'Tamaha a-ishia', with respect to that; 'Tamaha wilu ishakka yowro-kitan , to révérence this one only; 'Tamaha moho-iseykuhu , with this ring.

(b). 'Taiï. As : 'Taii ka-nona-tu a-meyhoiukohi nona-e , the Spirit of God


238 SOCIÉTÉ DES AMÉKICAMSTE8 DE PARIS

caused Him ('that one') to be conceived; ' Taiiyah beyhi , onthat day ;

'Taii eykuno', that fire. (c). 'Tatima. As : 'Talima sabba , to them. (d). 'Tatiluma'. As : 'Kohtika talituma bi-abahterd, wilt thou forsake

ail those? (or, the others.)

5. PRONODNS. Incorporated.

Sing. 1. ma-: me-: m-:

2. hi-: h-: i-:

3. a-: ai-:

Plur. 1. ha-: kai-: k-:

2. hi-:

3. a-:

Incorporated pronouns are prelixed to nouns, to postpositions, and to verbal roots.

6. NOUNS. Sing. 1. 'Ma-teyho', my body : 'Ma-nebord, my husband : 'Ma-anoko, my house : 'Ma-muhii', my hand (R. H. S) : 'Ma-mu, my eye (R. H. S.) : 'Ma-uca-tird, (my) daughter (Cr.) : 'Ma-hotuh' myblood :

'Ma-ribu , myword : 'Mà-hobe\ my heart : 'Ma-rabd, my mouth (R. H. S.) : Me-hekadi', my nose (R. H. S.) : 'Ma-tidd, my wife : Ma-bitu, mygood.

7. NOUNS. Sing. 2. 'Hi-tidd', thy wife : 'Hi-anokd', thy house : 'Hi-uka-tida', thy daughter: 'Hi-nona-tu , thy Creator : 'Hi-nebora\ thy husband : 'Hi-kobe, thy heart :

'Hi-idamo', thy chief : ' Hi-meyhowkohf, thy Spirit : 'Hi-ribu , thy word : 'Hi-waï', thy name : 'Hi-owla', thy work : 1 H-obono-na\ thy love.

8. NOUNS. Sing. 3. 'A-teyho\ lus body : 'A-ribu , his word : 'A-rahn , his mother : 'A-meyhowkohi , his Spirit : 'Ai-owtd, his works : 'A-hotuh\ hisblood :

'A-kobe\ his heart : 'A-rima\ his father : 'Ai-yaii', his day. 'A-tida'', his wife : 'A-waï, his name.

9. NOUNS. Plur. 1. 'Ka-rima\ our Father : 'Ka-nona-Ui, our Creator : 'Ka-warau , our neighbour : 'Ca-ican , (our) nose (Cr.) : 'Ca-mumu-ihi (our) eyebrows(Cr.) : Ca-mulm (our) hand (Cr.) :

'Kai-idamo', our chief : 'Ka-lwbe , our heart : 'Ka-meyhowhohï, our spirit : 'Ca-uno' (our) tongue(Cr.) : 'Ca-ruco-ihi , (our) beard (Cr.) : 'Ca-muicu, (our) knee (Cr.), etc.


THE WARAU INDIANS OF GUIANA 239

10. NOUNS. Plur. 3.

'A-rimd, their fathers : 'A-nobotomd, theirchildren.

11. POSTPOSITIONS . (With Incorporated Pronoun, Sing. 1.)

'Ma-sahba , towards me, to me : 'Ma-kwari', towards me :

'Ma-kaiikd, at my side, with me.

12. POSTPOSITIONS. (With Incorporated Pronoun, Sing. 2.) 'Hi-sahbd, to thee :

13. POSTPOSITIONS. (With Incorporated Pronoun, Sing. 3.)

'Arikobo a-ishid, with respect to the bread (bread, it eoncerning.) ; 'Winea-ishid, with respect to the wine (wine, it eoncerning.); 'Hine nomeaba-iya Ka-nona tu a-ishia, I believe in our Creator (I believe our Creator, him eoncerning.)

14. POSTPOSITIONS. (With Incorporated Pronoun, Plur. 1.)

'Ka-kaiika , with us. 'Ka-sabbd, tous : 'Ka-ishid, eoncerning us :

'Kai-isimo', 'h-eynw , from us. ' Ka-kwari', for us :

15. OBJECT OF THE ACTION. The Incorporated Pronoun prefixed to a verb invariably represents the 'object' of the action. The 'subject' of the action is indicated by anoun, pronoun, or démonstrative pronoun.

16. ORJECT of theaction. Sing. 1. 'Ma-ihowro , protect me ! 'Ma-sanito-u , helpme!

'Nahoro ma-moa-u , give me food :

'Eyraha thousandwarau-oubono-ia kore

when thousands of men love me.

17. OBJECT of the action. Sing. 2. 'Hine i-koha-id, I thee wed : 'Hokoi-eybu-id, we pray thee :

'I-moa-ia 'ne', I give thee :

'Hine i-nisha-te\ I will take thee :

rime i-obono-iai-oraba-kitani , i love thee to chenshthee.

18. ÛBjECTof the action. Plur. 1.

'Ka-iho-wro', protect us ! 'Ka-sanito-ii', Help us !

'Haru ka-moa-tle bibi , thou wilt give us cassava :

'Jésus Christ k-oubono-ia-me', by the love Jésus Christ has for us.

19. OBJECT of the Action. Plur. 2.

'Hine hi-etuara-te , I will give you rest. POSTPOSITIONS indicate RELATIONSHIP BETWEEN WORDS.

20. The GENITIVE is expressed by placing the object possessed preceded by the incorporated pronoun of the third person after the word signifying the possessor, as : —

'Jésus Christ a-teyo\ the Body of Jésus Christ : 'hi-iuarau a-tidd, thy neighbour's wife :


240 SOCIÉTÉ DES AMÉRICANISTES DE PARIS

'Hi-idamo a-wai , thy Lord's name :

' Kai-idamo a-nohoro\ the Supper of our Lord :

'Jésus a-rahn., the Mother of Jésus :

'Hi-nona-tu ai-yah- the day of thy Creator :

'Heybo ai-owtd, the works of the devil :

'Moanna a-îeyhd, the bodies of the dead :

'Ka-nona-tu a-ribd, the commandments of our Creator.

21. The LOCATiVEand the relations called Inessiveand Illative are expressed by the jiostpositions : —

(a). Heyku. As : — ' Tamaha yah heyku, on this day : Taii yah heykd, on that day :

'Church heyku , in the Church : 'Hell heyku , in Hell : 'Hoeyu heyku', in a rock : 'Eykuno heyku', in the fire : 'Yah kokotika heyku', on ail the days, ail thedays : 'Anoko yakira-a heyku', in a holy house :

(b). Iatta, Alta, As : — 'Bethlehem iatta dihowra-e', He was born atBethl. 'Nahamutu atta', into heaven : 'Anoko atta', in the house.

22. The ABLATIVE and Delative are expressed by the postpositions : —

(a). Eymo. As : — 'Ka-ihowro kokotika asida-a-si eymo', protect us from ail evil : 'ahere-a arakatte eymon from dangers also : 'Asida-a-si keymo hara-in', deliver us from evil :

(b). Ish-imo, ls-imo. As : — 'Virgin Mary ishimo dihowra-e', He was born of the Virgin Mary : 'Kai-isimo' from us.

23. The DATIVE is expressed by the postposition : —

Sahba. As : — 'Jésus tuata-ni dibu-ia a-neybo sahba', Jésus spoke thus to His disciples.

24. The CAUSATIVE is expressed by the postposition : —

Me. As : — A-rima asida-a-me', onaccountof the sins of their fathers : 'hibi yakira me ha-ihowro', Thou by grâce défend us! (or, by Thy grâce protect us!) 'KoJwlika hoko asida-a-mé', on account of the sins of us ail.

25. INSTROMENTALITY is expressed by the postposition : —

Aisïko. As : — 'Ho aisiko', with water : 'Hi-kobe aisiko"', with thy heart : ' Tamaha moho-iseyku-hu , with this ring : 'Bitu aisiko', with what?

26. The NOUN GOVERNED BY A VERB isusually placed before it, as : ■—- 'Haru ka-moa-tte hihi , thou wilt give us cassava :

'Nahamutu nona-i', He créated the heaven :

'Hi-warau anoko hihi obono-nakd, thou shalt not covet thy neighbour's

house:


THE WARAU INDIANS OF GUIANA 241

'Ka-nona-tu kokotika nona-id, our Creator created ail : - ' Waba-moanna senarea takitan , to judge the dead : 'Tamaha tida hibinisha-te-rd' wilt thou take this woman?

27. The language possesses also the following POSTPOSITIONS : — (a). Isbia, shia. As : —

'Waaba-shia obono kitan , to think on His death :

'Hi-warau-shia obarrako dibu-nakd, thou shaltnotbear false witness

against thy neighbour :

' Wine a-ishid, eoncerning the wine :

'Jésus Christa-ishia hoko nomeaba-te', we shall believe in Jésus Christ. (b). Atukamo : Atukom. As : —

'Hamai atukamo', from this day forward.

'Kanamu-na-e waaba atukord, He rose fromamong the dead.

' T-atukom yaro-tè, from thence He will corne. (c). Munikaa. As : —

'Nobotomo munikad, like children : 'Hihimunikd, likethee:

'Nahamutu atta bitu munikaa', like the things in heaven : (d). Rai. As : —

'Hota-rai', on earth : (e). Noika. As : —

'Pontius Pilate noika na-i-e, He suffered under Pontius Pilate : (f). Ebbeka. As : — .

'A-waaba ebbeka', before His death : (g). Watoto. As : —

'Cruso watoto eyshier-iya-e , He was nailed on a cross : (h). Kwari. As : —

'Jésus kwari', for Jésus.

28. a) INTERROGATIVE PRONOUNS AND ADVERBS.

Sina. As : — 'Sina moa-iya tamaha tida tamaha nebora kaiika ha-kitani'., Who giveth this woman to be with this man ?

29. b) 'Kasikaa Jésus a-rahn, Who (was) the Mother of Jésus?

'Kasikaa kokotika nona-id, Who created ail?

'Kasikaa nisba-na Jésus a-teybo', who receives the Body of Jésus?

'Kasikaa yah heyku kanamu-na-e, On what day did He rise again ?

'Katika kore now-te babamd', When will He corne again?

' Katika ni Jesiis dibu-id, How did Jésus speak? (or, What did Jésus

say?)

'Kasahba dihowra-e Jésus Christ', Where was Jésus Christ born?

'Katamonoka-nona-tu', How many gods (are there)?

30. c) The word 'BITU'is also used in interrogations. Its primary meaning Société des Américanistes de Paris. 16


242 * SOCIÉTÉ DES AMÉRICANISTES DE PARIS

is 'thirfg, goods, possession', as clearly appears in the two following passages : — 'Kokotika bi-warau a-bilu obono-nakd, covet not thy neighbour'sgoods : 'Hotd-rai bitu, the things (which are) on earth. As : — 'Bitu kokotika Churchyakirad, Whatis the Holy Catholic Church?

'Bitu heybo ai-owtd, What (are) the works of the devil?

'Bitu takiiani nabaiw-te', Why will He return?

'Bitu tan, Why ?

31. VERBS. The PAST is expressed by suffixing c-e', '-i', '-i-è, to the verb. As : —

'Hi-idamo nahamutu nona-e', Thy Lord created heaven :

'Nahamutu nona-e', He created heaven : 'Dihowra-e' He was born :

'Na-i-e', He suffered :

' Waaba-e', He died : 'Hoita-e'., He was buried :

'Nandkâ-e', He descended : 'Nahrewa-e', He ascended :

'Kanamu-na-e', He rose again :

'Tuara-e', He sat down : 'Abana-e', He made, placed.

32. VERBS. The FUTURE is expressed by suffixing '-te' to the verb. As : — 'Hoko nona-te', we shall make :

' T-atukom yaro-té', from thence He will corne :

' Senarea-te', He will judge : 'Kanamu-tè, they shall rise (Adam gives,

'il ressuscitera'.) :

'Waba-nnaha ha-te', they willbeimmortal.

'Hihi obonobo-te', thou shalt remember :

'Yowra-ne yowro-te', thou shalt révérence :

'Hihi yowta-tè', thou shalt labour :

'Hihi obono-te , thou shalt love : how-te', He will come :

'Nabako-te', He will return : Aba-te', they will go :

'Hine bi-etuara-te yakird, I will rest thee well :

'Hoko-ibabre-tle', we shall renounce :

'Hoko nomeaba-te', v> e shall believe :

'Hoko ha-te', we shall be :

'hoko iabah-te', we shall renounce :

'Hihi oraba-te' ,thou shalt respect :

'Hine yowro-te', Iwill révérence :

'Hine-i-nisha-le', I Avili take thee.

33. VERBS; The suffix '-id, '-iyd, expresses both the PRÉSENT and the PAST.

(a). As : — 'Hine nomeaba-iyd, I believe : 'Sina moa-iyd,who gives? 'Hine-i-obono-id, I love thee: 'Hine i-koha~id', I thee wed:


THE WARAU 1NDIANS OF GUIANA 243

'Tuata-ni ma-ribu dibu-ia hi-sahba', Thus my word I speak

to thee, (' thereto I plight thee my troth'. ) : 'Tmoa-ia', I give thee : 'Hoko i-eybu-id, webeseech thee. (b). As : — 'Kasikaa kokotika nona-id, Who created ail?

'Ka-nona-tu kokotika nona-id', Our Creator created ail. 'Kasikaa inataba-iya Jésus Christ hota-raï', Who sent Jésus

Christ on to the earth? 1A-rima inataba-iya hota-rai',' His Father sent (Him) on to the earth : 'Jésus tuata-ni dibu-ia a-neybo sahba', Jésus thus spoke to His

disciples : 'Kokotika asida-a yeheb-id, Hecalled ail sinners. (c). In the following examplcs the suffix is '-a :

'Bitu tdkitani arikobo hoko nohoro-d, Why do we eat the

bread? 'Bitu takitani wine hoko obi-d, Why do we drink the wine?

34. VERBS. The IMPERATIVE is formed by suffixing to the verb, '-«' for the

singular, and '-kote' for the plural. As : — (a). 'Nahoro ma-moa-u Give thou me food :

'Nahoro ma-sahba yakira nona-u', provide food good for me :

'Ma-kaiïka ha-u'; Be Thou with me! '' Ka-sanito-u' Help Thou us! (b). 'Kokotika hota-rai nare-kote', Go ye through ail the world !

'Dibu-yakira diba-kolè, Proclaim ye the glad tidings!

'Now-kote', come ye! 'Nish-ia-kote', Take ye !

'Obi-lwte', Drink'ye. (c). The imperative is sometimes expressed without any suffix. As : —

'Tamaya yah heyku ka-ihowro', Protect us this day :

'Hi-rima-si yowra-neyowro', Honour thyfather.

35. VERBS. A kind of CONJUNCTIVE is formed by the particlë 'kore, kori' suffixed

suffixed postposited ('en suffixant ou en postposant,) either to the root, or, to the root with '-ia', 'iyd attached. As : —

'Thousand m-ôubono-ia kore', when a thousand Love me :

'Obohonamo a-ishia a-wai hihi dibu-ia kore', if thou take His name in vain :

'Hine huba-ia kore', when I sleep :

'Hine nomina kore', when I wake :

'Hine kuhu-ia kore', when I go out :

'hine waba-iya kore', when I die :

'Ma-ribu oraba-ia kore', when they respect my word :

'Kokotika hihi obono-kori', whateverThou longest for.


244 SOCIÉTÉ DES AMÉRICANISTES DE PARIS

36. VERBS. A kind of SUPINE oraccusative gerundive is formed by suffixing or postpositing the particle, 'kitani, kitan, lakitan to the verb.

As : 'Ka-kobe heyku hi-ribu aban-u hoko oraba-kitan, Place Thy svord in our

hearts that we may keep it. 'T-atuliom yaro-tewaba-moanna senarea-takitan,From thence He shall

corne to judge the dead persons : 'Nish-ia-kole nahoro-kitan , Take ye to eat: 'Jésus Christ a-leyho a-isbia obonobo-kitani, ka-kwari na-i-e, to remember

remember Jésus Christ's Body killed for us : 'Ka-meyhowltohi lairaa ha-kitan , to make our spirit strong : 'Jésusyeheb-ia kokotika daiisia neybo nabaka-kitani Church heyku', Does

Jésus call ail other people to enter into the Church?

37. VEIIBS. The verb in the future in the following examples has the suffix

suffix : —

'Tamaha tida hihi nisha-te-rd, Wilt thou take this woman?

'Tamaha tida hihi obono-te-rd, Wilt thou love this woman?

38. The VERR IN THE NÉGATIVE.

Thenegative verb is formed by suffixing, '-nakd, '-nahd, '-naa'. As : — 'Nona-nakd', make not : 'Dibu-ndkd, speak not : 'Yowta-nakd, work not! : 'Obono-naka ! covet not : 'Errehisia-nakd, stealnot !

'Hine m-oubono-naha-asi', those who love me not : 'hihi waba-nnaba ha-kitan , Thou art immortal. ('Thou dead not to be'.) 'Nomeaba-naa', he who believes not.

TEXT. BRETT'S 'QUESTIONS'.

No. 14 in the Bibliography, 'Questions on the Aposlles' Creed, etc. by the Rev. W. IL Brett, are hère reproduced with an attempted lileral translation, (a) Pater noster : —

1. Ra-rima : Our Father

2. kwai arowte hihi ! : high shalt be reverenced Thou !

3. Hi-wai : Thy name

4. yakira : good

5. ha-kitani : to be

6. Kai-idamo-tan.: Our Lord as.

7. now : corne.

8. Kokotika Hihi : ail, everything Thou.


THE WARAU INDIANS OF GUIANA 245

9. obono-kori : longest for when

10. holio nona-te : we.will make

11. hota-rai : earth on,

12. nahamutu atta : heaven in

13. munika : as.

14. Tamaha yah heyku : This day on.

15. haru : cassava (manioc).

16. ka-moa-tte hihi : us wilt give Thou.

17. Hoko asida koroni : (A. 'koroni?') (us evil doing?)

18. h-orieysi-naka : Thou punish not;

19. tua-tani warau : as people

20. kasahba asida : when evil.

21. koroni hoko sahba : (doing?) us to

22. orieysi-naha : (we) punish not.

23. Ka-ihowro : us protect

24. asida-asi heyku : evil into

25. naka-nnaka takilan : not to fall.

26. Asida-asi k-eymo : evil us from

27. hara-in : remove.

28. Hihi kokotika : Thou ail

26. kwarika kai-idamo : powerful our Lord,

30. tai-raa, eyburidaa : (Perhaps the final 'a in both words is for 'ha', and would mean)

be (with) power, be (with) glory.

31. Hihi : Thou.

32. waba-nnaha : not dead

33. ha-kitan. Amen: to be. Amen, (b) Credo.

34. Hine nomeaba-iya : I believe

35. Ka-nona-tu : (The One who) us makes = 'our Creator'.

36. a-isbia : Him eoncerning,

37. kokotika kwarika : ail powerful

38. Ka-rima : our Father :

39. nahamutu nona-i : heaven (He) created,

40. hota aisiko : earth with

41. Hine nomeaba-iya : I believe

42. Jésus Christa-ishia : Jésus Christ Him eoncerning

43. Ka-nona-tu : our Creator

44. a-uka (Brett's 'Howkd) ishakka : His Son one :

45. Kai-idamo : our Lord.

46. Taii Ka-nona-tu : That one our Creator.


246 SOCIÉTÉ DES AMÉRICANISTES DE PARIS

47. a-Meyhowkohi nona-e : His Spirit made :

48. Virgin Maryishimo : Virgin Mary of (the)

49. dihowra-e : Hewas born

50. Pontius Pilate noika : Pontius Pilate under

51. na-i-e : He suffered.

52. Cruso watoto : cross on.

53. eyshier-iya-e : Hewasnailed.

54. Waaba-e. Hoita-e : He died. Hewasburied.

55. Hell heyku nanalia-e : Hell into Hedescended.

56. Yah dianam heyku : Day three on

57. kanamu-na-e : He rose

58. waaba atukom : the dead from among.

59. Nabamuiu atta : Heaven into

60. nahreiva-e : He Avent up.

61. Ka-nona-tu kokotika : Our Creator ail

62. kwarika Ka-rima : poAverful our Father.

63. a-wau-sabasaba : His right (on).

64. tuara-e : He sat down.

65. T-aiukom yaro-te : That (place) from He will come

66. waba-moanna : (the) dead persons

67. senare-atakitan : to judge,

68. moannaa-arakatte : (the) persons also,

69. senare-a-ie : He will judge.

70. Hine nomeaba-iya : I believe.

71. Ka-nona-tu : Our Creator.

72. a-Meyhowkohi : His Spirit.

73. Yakira-a- a-ishia : mode good Him eoncerning.

74. Kokotika Church : Ail Church

75. yakira : good.

76. Ka-nona-tu-m : Our Creator

77. -a-neybu : Hispeople

78. ori-sabba-yakira : (together?) good.

79. Asida-asi kai-isimo : evil us from.

80. Ka-nona-tu : Our Creator.

81. hara-ku-na : (brings a remoyal of ?).

82. Kokotika moanna : Ail persons

83. a-teyho : theirbodies

84. kanamu-tetai : shall rise (again?).

85. Waba-nnaha ha-te. Amen. Dead not Avili be. Amen. (c) The Ten Commandments : —

86. Tamaha dibu : This Avord (is)


THE WARAU INDIANS OF GUIANA 247

87. Ka-nona-tu a-ribu : Our Creator His word. First.

88. Hi-idamo Hi-nona-tu : Thy Lord Thy Creator

89. Hine : daiisia : I (am) : other

90. hi-nona-tueykida : thy creator there is not. ' 91. Hine witu ishakka : I only one (am).

92. hi-sahba : thee to.

Second.

93. Siitaa nona-naka : (An) idol make not.

94. hi-sahba : nahamutu : thyselffor : heaven.

95. alla bitu munika-a : in a thing liké.

96. hota-rai bitu : earth on a thing

97. munika-a : ho nimo : like : Avater in

98. bitu munika-a: a thing like :

99. siita-a nona-naka : (an) idol make not.

100. Taii sahba : That one to

101. mokunamu-naka : kneel not

102. Taii sahba : That one to

103. eybu-naka : ask not :

104. hihi-tuat-ia kore: (if thou doest thus ?).

105. Hine Hi-idamo : I thy Lord

106. Hi-nond-tu : thy Creator

107. oreasi-te : will punish

108. a-nobotomo : their children

109. mi-kitdni now-tf: to visit will corne

110. Hine, a-rima : I, their fathers

111. dsida-a-me : on account of the sins (of)

112. Hine m-oubono-naha : I me love not

113. -asi : with respect to those (AVIIO)

114. a-noto-romo : their grandchildren

115. a-nobotomo : their children.

116. a-nobotomo-arakalte ; their children also.

117. Eyra-hà thousand : Many thousand

118. warau :-people

119. m-oubono-ia kore : when me love

120. — md-ribu : —- my word

121. oraba-ia kore : — : when (they) respect, —

122. talima sahba Hine : the m to I

123. Yakira-te : will do good

124. akwanobi aba-te : I Avili return. (See p. 261).


248 SOCIÉTÉ DES AMÉR1CANISTES DE PARIS

Third.

125. Hi-idamo Hi-nona-tu : Thy Lord, Thy Creator

126. a-wai obohonamo : his name (irreverently)

127. a-ishia dibu-naka : it with respect to speak not

128. dsidd : obohonamo : evil : (irreverently?)

129. a-ishia a<xiai : it Avith respect to his name

130. hihi dibu-ia-kore : w lien thou speakest;

131. Hi-idamo hi-sahba : thy Lord thee to

132. oreasi-te : will punish.

Fourth.

133. Sabbath yah : The Sabbath day

134. a-ishia hihi : it with respect to thou

135. obonobo-te : shalt remember

136. yowra-ne yowro-te : (making itholy? thou) shalt révérence.

137. Ydh momatani-shakka : Day s six

138. heyku hihi yowta-le : on thou shalt work.

139. kokotika hi-owld hihi : ail thy work

140. yowta-te : thou shalt AArork :

141. yah momalâni-manam : day seAren

142. Sabbath Hi-idamo : (is) Sabbath thy Lord.

143. Hi-nona-tu ai-yah : Thy Creator his day.

144. Taii yah heyku : That day on

145. yowla-nalza : — hihi : work not : — thou ;

146. hi-uka ; hi-uka-tida : thy son ; thy daughter :

147. hi-neybo-rate : thy servant :

148. tida- 'neybo-rate : maid-servant.

.149. hi-domu: tinakabumo : thy animal : stranger

150. hi-anoko heyku : thy house in :

151. kokotilm-yowta-nalia : ail work not.

152. Yah momatani-shakka : Days six

153. heyku Hi-idamo : on thy Lord

154. nahamutu nona-e : heaven created ;

155. hota arakatle : earth and

156. nabba araliatte : sea and

157. kokotika arakatle : ail and

158. nona-e : He made :

159. ydh momatani-manam : day seAren

160. heyku tuara-e : on He rested

161. tudlakore (Cf. above, No. 104) (when He does thus?)

162. yah momatani-manam : day seven

163. yakira ai-yah : (is) good his day


THE WARAU INDIANS OF GUIANA 249

164. abana-e : He made.

165. yowra-ne yowro : (making it holy ? it) révérence,

166. ti-iya Hi-idamo: commands thy Lord ' Fifth.

167. Hi-rima-si : Thy father (eoncerning)

168. yowra-ne yowro : (with révérence ?) révérence

169. hi-dahne-ma aisiko : thy mother (at the same time?) together with :

(Cf. Vocabulary, No. 1240.)

170. eyraha yah heyku : many day s on (during)

171. hihi : tboy.

172. kwari-mahàba-kitani : for to dwell.

173. tamaha hota-rai : this land on.

174. Hi-idamo Hi-nona-tu : Thy Lord thy Creator

175. i-moa-asi :thee giveth (with respect to that which ?)

176. a-rai : it on.

Sixth.

177. Daiisia na-naka : Anotherkill not.

Seventh.

178. Mareyra-ha-naka : Adultery commit not.

Eighth.

179. Errehisia-naka : Steal not.

Ninth.

180. Hi-warau-shia : Thy family eoncerning

181. obarrako dibu-naka : falsehood speak not.

Tenth.

182. Hi-warau anoko : Thy neighbour's house

183. hihi obono-naka : thou long for not .

184. hi-warau a-tida : thy neighbour his wife

185. obono-naka : long for not :

186. a-neybo-rate : his servant

187. arakatte : and :

188. tida-a-neybo-rate : his maid-servant

189. arakatte : a-baka : also : his ox

190. arakatte :mora : also : mule

191. a.akatte : kokotika : also : ail

192. hi-warau a-bitu : thy neighbour his goods

193. obono-naka : long for not.

(d) St. Luke X. 27 : — « Thou shalt love the Lord thy God with ail thy heart, and with ail thy soûl, and with ail thy strength, and with ail thy mind ; and thy neighbour as thyself ».

194. Hihi obono-te : Thou shalt love


250 SOCIÉTÉ DES AMÉRICANISTES DE PARIS

195. Kai-idamo Ka-nonalu : our Lord our Creator

196. kokotika hi-kobe : ail thy heart

197. aisiko, kokotika: Avith; ail.

198. hi-meyhowkohi aisiko : thy spirit with ;

199. kokotika 'tai-raa : ail (thy) power

200. aisiko; liokotika : Avith ; ail

201. b-obono-na aisilto : thy (mind?) with.

202. Hihi obono-te : Thou shalt loAre

203. hi-warau : thy neighbour

204. '.hihi munika : thee like.

205. Tani Kai-idamo : Thus our Lord

206. ka-rair-iya : us commands.

207. " Kai-idamo : " Our Lord,

208. lia-sanito-u : us help thou :

209. ka-kobe heyku : our hearts in

210. hi-ribu aban-u : thy word place Thou

211. hokooraba-kitan " : (for) us to keep".

(e) Simples Questions on the Apostles' Creed, etc. : —

212. (1) Kasikaa : Who

213. kokotika nona-ia ?: ail created?

214. Ka-nona-tu : Our Creator

215. kokotika-nona-ia : ail created.

216. (2) Katamono Ka-nona-tu : ? How many Créa tors (are there) ?

217. Ishakka. Ka-rima : One. Our Father :

218. a-Vka (Howkd) : His Son:

219. Ka-nona-tu : our Creator

220. a-Meyhowkohi : His Spirit

221. Yakira-a : made good.

222. (3) Kasikaa : Who

223. Ka-nona-tu a-Uka ['Howkd) : (is) our Creator His Son? Jésus Christ'. Jésus Christ.

224. (4) Kasikaa : Who

225. inataba-iya Jésus Christ : sent Jésus Christ

226. hota-rai'? : earth on?

227. A-rima inataba-iya : His Father sent (Him).

228. hota-rai : earth on.

229. (5) Kasahba : Where

230. dihowra-e Jésus Christ ? : was born Jésus Christ?

231. Bethlehem iatta dihowra-e]:'*Betb.\ehem in He was born.

232. (6) Kasikaa Jésus a-rahn ? Who (was) Jésus His Mother?

233. Virgin Mary Jésus a-rahn : The Virgin Mary (Avas) Jésus His Mother.


THE WARAU INDIANS OF GUIANA 251

234. (7). Bitu tan Ka-nona-tu : Why our Creator.

235. inataba-iya a-uka {'Howkd) : sent His Son

236. hota-rai ? : earth on ?

237. Kokotika neybo : Ail people

238. yakira-ha-kitani : to make good.

239. (8) Katikani : How

240. yakira-ta-ia bahama? good (made He again ?)

241. Kokotika neybo : Ail people (their)

242. asida-a-me : sins on account of

243. na-ie : He died.

244. (9) Rashaba na-ie ? : Where died He ?

245. Jérusalem iatta na-ie : Jérusalem at He died.

246. (10) Kasikaa Pontius Pilate ? : Who (was) Pontius Pilate?

247. Judea a-iina idamo : Judaea its land Lord :

248. taii seyge Jésus : that one (through ?)

249. na-ie : Jésus died

250. Jew a-neybo tuala-ne : Jews His people thus

251. abana-e: He made.

252. (11) Kasikaa neybo What people (their)

253. asida-a-me waaba-e? : sins on account of died He?

254. Kokotika hoko : AU our

255. asida-a-me waaba-e : sins on account of He died.

256. (12) Jésus Christ asida-a ? Did Jésus Christ sin?

257. Jésus kwari dibu : Jésus for (the) word (is)

258. asida-a eykida : He sinned not.

259. (13) Rasahba hoita-e : Where was He buried

260. waaba-e atukom ? : He died after ?

261. Hoeyu heyku hoita-e : Rock in He was buried.

262. [M)'Kasikaa yah heyku : What day on

263. kanamu-na-e ? : did Herise?

264. Yah dianam heyku : Day three on

265. kanamu-na-e : He rose.

266. (15) Kasahba nahrewà : Where Avent He up

267. bahama?'. (again?)

268. Nahamutu atta : Heaven into

269. nahrewa-e : He went up.

270. (16) Katika kore : When?

271. nowle bahama ? : will He corne (again?)

272. Yah ai-yahu heyku : Day His day on

273. nabako-tte : He will return.

274. (17) Bitu takitani : For what object


252 SOCIÉTÉ DES AMÉRICANISTES DE PARIS

275. nabako-tte ? : will He return ?

276. Senare-a-kitani : To judge

277. kokotika neybu : ail people

278. waba-moanna : dead persons

279. senare-a takitan : to judge

280. moannaa arakatte : persons also 281-. senare-a-te : He will judge.

282. (18) Kokotika-neybu : AU people

283. waaba-atukom : they die after

284. kanama-te? Nome : will He raise? Ycs ?

285. Jésus Christ sahba : Jésus Christ to

286. diba kore : Avhen they speak

287. kanama-te : He Avili raise (them ?).

288. (19) Kasahba neybo : Where will people

289. asida-a aba-te ? : Avho sin go?

290. Hell eykuno heyku : Hell fixe into

291. aba-te :taii eykuno : they will go : that fire

292. nare-naaha-te : will not go away.

293. (20) Kasahba neybo : Where Avili people

294. yakira-a aba-te : who do good go ?

295. Anoko yakira-a heyku aba-te? house made good into they will go

296. a-weyri kaiilta : (their ?) near

297. ha-kitani : to be,

298. waba-nnaha ha-kitan : dead notto be.

299. (21) Bitu Kokotika : What (is) AU

300. Church yakira-a ? : the Church made good ?

301. Christ a-neybo : Christ His people

302. kokotika hota-rai : ail earth on

303. tatima Church : those persons (are) the Church

304. yakira-a : made good.

305. (22) Jésus yeheb-ia : Does Jésus call

306. kokotika daiisia : ail other.

307. neybo nabaka-kitani : people to enter

308. Church heyku ? Nome : Church into? Yes :

309. Jésus tuatani : Jésus thus

310. dibu-ia a-neybo : spoke His disciples

311. sahba ; " kokotika : to ; ail.

312. hota-rai nare-kote : earth on go ye :

313. dibu yakira-a diba-kole : a word made good speak y e 3\i. jiatika neybo sahba : every person to.

315. Nomeaba-iya-a : He (AVIIO) believes,


THE AA'ARAU IND1ANS OF GUIANA" 253

316. ho-ara—iya-a : he (who) descends into water

317. Baptism heyku : Baptism in.

318. yakira-a heyku : made good (it) in

319. ha-te, — nomeaba-naa : shall be, — he (AVIIO) believes not

320. asida-asi heyku : evil into

321. aba-te ; '' tani : shall go ; " thus

322. Jésus dibu-ia : Jésus spoke. (St. Mark XVI. 15, 16.)

323. (23) Nobotomo : Children

324. arakatte Jésus : also does Jésus

325. nisha-ia ? Nome : receive ? Yes :

326. " Nobotomo now-kote : Children corne ye

327. ma-sahba ; nobotomo : Me to ; children

328. munika-a a-kobe : (made) like their hearts

329. aisiko now-te : Avith ye shall come

330. Ka-nona-tu anoko : our Creator's house

331. atta : " tani Jésus : into : " thus Jésus

332. dibu-ia: spoke. (St. Mark X. 14.)

333. (24) Sanera-a arakatte : The poor also

334. Jésus yeheb-ia ? : does Jésus call?

335. Nome ■: ' ' Ma-kwari : Yes : Me to

336. now-kote : come ye

337. jiatika : every

338. yatu wahbouta-a : (? 'one AVIIO is') tired,

339. hurida-asi aisiko : burdenwith:

340. ma-huari now-kote : Me to come ye,

341. Hine hi-etua-ra-le : I thee will make rest.

342. yakira : " tani Jésus dibu-ia : good : " thus Jésus spoke

343. sanera-a sahba : the poorto. (St. Matt. XL 28.)

344. (25) Asida-a araltalte : Jésus The evil also

345. yeheb-ia? Nome : does Jésus call? Yes

346. Kokotika asida-a : ail the evil:

347. yeheb-ia ; kokotika : He calls, ail

348. asida-asi : evil (eoncerning?)

349. iabah-kitani : to abandon. (St. Matt. IX. 13.) (f). On the Holy Sacraments : —

350. (1) Katamono : How many

351. Sacrament Jésus Christ : Sacraments lias Jésus Christ

352. ka-mo-iya? : us give?

353. Manam. — Baptism : TAVO. — Baptism,

354. ishakka : Kai-idamo : one : our Lord

355. a-nohoro ; manam : His meal ; two.


254 SOCIÉTÉ DES AMÉRICANTSTES DE PARIS

356. (2) Bitu aisiko hoko : What with us

357. nahko-ai Baptism : (does He Avash?) Baptism

358. heyku ? Ho aisiko . in? Water with.

359. (3) Kasikaa a-wai : Who His name

360. aisiko ? Ka-rima : with ? Our Father

361. a-wai aisiko : His name Avith :

362: a-Uka a-wai aisilw : His Son His name with

363. Ka-nona-tu : our Creator

364. a-Meyhowliohi : His Spirit

365. Yakira-a a-wai : made good His name

366. aisiko : with

367. (4) Katikani hoko : HOAA^ shall Ave

368. ha-te Baptism ebbeka? : be Baptism before ?

369. Hoko ibah-re-tte : we shall renounce

370. asida-asi omi : evil (altogether ?)

371. Jésus Christ a-ishia : Jésus Christ Him eoncerning.

372. hoko nomeaba-te : we shall belieAre.

373. (5) Bitu Kai-idamo : What (is) our Lord

374. a-Nohoro? Arïlwbo : His meal? Bread

375. wine aisiko : Aviné AArith.

376. (6) Kasikaa taii : Who that

377. Sacramenl ka-mo-iya? Sacrament us ga\'e ?

378. Kai-idamo Jésus Christ : our Lord Jésus Christ

379. ka-mo-iya : (it) us gave.

380. (7) Katikani Jésus : How (did) Jésus

381. dibu-ia arikobo : speak the bread ■

382. a-ishia ? : it eoncerning ? ,383. " Nish-ia-kote : Take ye

384. nahoro-kilan : to eat (it),

385. tamaha ma-teyho ! " This (is) my Body. (St. Matt. XXVI. 26.

386. (8) Katikani Jésus : HOAV (did) Jésus

387. dibu-ia wine a-ishia ? : speak the Aviné it eoncerning?

388. " Tamaha obi-kote : This drinkye

389. jialika, tamaha : ail ; this (is)

390. ma-hotuh" tani : My Blood; " thus

391. Jésus dibu-ia : Jésus spoke

392. a-neybo sahba : Ris disciples to. (St. Matt. XXVI. 27, 28.)

393. (9) Katika kore : When

394. tamaha a-isbia : this it eoncerning

395. Jésus dibu-ia ? (did) Jésus speak ?

396. ana-kore dibu-ia : at night He spoke


THE WARAU UNDIANS OF GUIANA 255

397. a-waaba ebbeka : His death before.

398. (10) Bitu taldtani : For Avhat object

399. arikobo hoko : the bread \Are

400. nohoro-al Jésus Christ : eat? Jésus Christ

401. a-teyho a-ishia : His Body it eoncerning

402. obonobo-kitani : to remember;

403. ka-kwari na-ie : us for He was killed.

404. (11) Bitu takitani : For what object

405. wine hoko obi-aï : AAdne (do) wedrink?

406. Jésus Christ a-hotuh : Jésus Christ His Blood -407. a-ishia obonobo-kitani : it eoncerning to remember ;

408. ka-kwari sororoe-a : us for He shed (it).

409. (12) Kasikaa nisha-na : Who receive

410. Jésus a-teyho : Jésus His Body,

411. a-hotuh aisiko : His Blood Avith; 411 a. Sacrament heykul : Sacrament in?

412. nome-witu-aa a-neybo : only His people

413. nisha-na : receive.

414. (13) Bitu tani : Why

415. kasahba yâkira : us for (is) good

416. taii Sacrament ? : that Sacrament? -417. Ka-meyhowkohi : our spirit

418. tairaa ha-kitan : strong to make ,

419. yakira-asi aisiko : good with.

420. (14) Ratikani hoko : How shall Ave •421. ha-te taii : be that

422. Sacrament ebbeka? : Sacrament before ?

423. Hoko namena-kitan : We to knoAAr

42i. ka-kobe a-ishia : our hearts them eoncerning :

425. kokotika asida-asi : ail evil

426. hoko iabah-te : AA'e shall renounce :

427. Jésus Christ a-ishia : Jésus-Christ Him eoncerning

428. hoko nomeaba-te : Ave shall believe.

429. ka-kobe aisiko : our hearts Avith :

430. waabaa-shia : (His) death eoncerning : .431. obonobo-kitan : to remember :

432. kokotika ka-tuarau : ail our famih'.

433. sahba hoko yakira : to we good.

434. ha-kitan : to make. (g) The Baptismal Vow. —

435. (I). Hibi heybo : Dost thou the devil


256 SOCIÉTÉ DES AMÉRICANISTES DE PARIS

436. iabah-ne ; beybo : renounce, the devil

437. ai-owta : his AArorks*

438. h-iabab-m? : dost thou renounce?

439. kokotika : ail

440. asida-asi h-iabah-ne? : evil dost thou renounce?

441. Hine kokotika- : I ail

442. iabah-ne : renounce.

■443. (2) Ka-nona-tu : Our Creator

444. a-ishia dibu : Him eoncerning déclare (thou).

445. hihi-nomeaba-iya : dost thou believe a 446- Chrisliano-munika ? : Christian like ?

(Hère repeat the Apostles ' Creed in Warrau).

447. Hine nomeaba-iya : I believe

448. ma kobe : my heart

449. aisiko, kokotika! : Avith, ail !

450. (3). Ka-nona-tu : Our Creator

451. a-ribu hihi or aba-te : His word wilt thou respect,

452. yah kokotika heyku? : days ail on?

453. Yah kokotilm heyku : Days ail on

454. hine yowro-te : I will révérence (them) :

455. Ka-nona-tu ma-sanito-u! : our Creator, me help thou!

456. Note* Bitu beybo : What (are) the devil

457. ai-owta? a-kobe : his works ? his heart

458. asida-a : -ako-bakka : made evil, murders :

459. mareyra-ha : adulteries :

460. errehisia : robberies :

461. obarrako : lies :

462. dibu-sabahna : false witness :

463. wisida-a : sorceries :

464. buiabbaa : (?drunkenness : )

465. Jwlwtika asida-a : ail evils (of)

466. beybo ai-owta : the deA'il his Avorks (St. Matt. XV. 19; Gai. V. 19

20, 21 ; 1 St. John III. 8.) (h) The Vows in the Form of the Solemnization of Matrimony. (Question) " Wilt thou hâve this Woman ?" etc.

467. (M.) Tamaha tida hihi : (M) This woman wilt thou

468. nisba-te-ra hi-tida : receive thy wife

469. tani : yakira oriko : as : good together

470. ha-kitani Ka-nona-tu : to be (as) our Creator

471. a-rïbu-ia? : it commanded?

472. Tamaha tida hihi : This woman AArilt thou


THE WARAU INDIANS OF GUIANA 257

473. obono-te-ra; sahba : love; (lier) to

474. yakira ha-te-ra : good wilt thou be,

475. oraba-te-ra, yowro-te-ra? : wilt thou respect (lier), reArerence (her).

476. waba-iya kore : when she is sick ;

477. bahouka-kore : when (in) health :

478. kokotika tatituma : ail those (females ?)

479. bi-abab-te-ra : AAÙU thou renounce,

480. tamaha witu ishakka. : this only one

481. yowro-kilan : to révérence,

482. wadba kore : whe she dies.

483. ebbe-shaba? : until?

484. (Answer) Hine tuata-te : I will do so. (Question) " Wilt thou hâve this Man?" etc.

485. (N.) Tamaha nebora : (N.) This man

486. hihi nisha-te-ra : wilt thou receive.

487. hi-nebora tani : thy husband as ;

488. yakira oriko : good together

489. ha-kitani Ka-nona-tu : to be (as) our Creator

490. a-ribu-ia? : itcommanded?

491. Tamaha nebora : This man

492. a-ribu yakira : his word good

493. hihi noko-te-ra : wilt thou obey ;

494.. obono-te-ra ; oraba-te-ra : wilt thou love (him) ; wilt thou respect (him) ;

495. yowro-te-ra? : Avilt thou révérence (him)?

496. waba iya-kore : when he is sick ;

497. bahouka kore : when (in) health ;

498. kokotika nebora : ail men

499. hi-abah te-ra : wilt thou renounce,

500. tamaha nebora shakka : this man one

501. witu yowro-kitan : only to révérence,

502. wadba kore ebbe-shabba? : Avhen he dies until?

503. (AnsAver) Hine tuata-te : I will do so. (Question) '' Who giAreth this Woman ? " etc.

504. Sina moa-iya tamaha : Who giveth this

505. tida tamaha nebora : woman this man

506. kaiika ha-kitani? : with to be? " I, M., take thee N.," etc.

507. Hine, M., i-nisha-te N. : I, M., thee N. wil take

508. ma-tida tani : my wife as ;

509. ma-kaiika : me with

Société des Américanistes de Paris. 1"


258 SOCIÉTÉ DES AMERICAN 1STES DE PARIS

510. ha-kitani : to be

511. hamai atukamo : now from ;

512. hihi yakira : thou good

513. sabuka kore : (when seasons are?)

514. hihi asida-sabuka kore : thou bad (when seasons are?)

515. hihi irida-sabuka-kore : thou (Avhen seasons are?) rich;

516. hihi sanera-sabuka kore : thou (when seasons are?) poor;

517. waba-iya kore : Avhen thou art sick ;

518. bahouka-kore : AA'hen (in) health :

519. hine i-obono-ia : I thee love;

520. i-orabd-kitani : thee to respect :

521. waaba fore ebbe-shabba : AA'hen thoudiest until :

522. yakira-asi Ka-nona-tu : (made good it eoncerning as ?) our Creator

523. a-rïbu-ia : it commanded ;

524. tuata-ni ma-ribu : thus my word

525. dibu-ia hi-sabba : (I) speak thee to. " I, N., take thee, M., " etc.

526. Hine,N., : I, N.,

527. i-nisha-te M. : thee M. will take.

528. ma-nebora-tani : my husband as.

529. ma-kaiika ha-kitani : me with to be

530. hamai atukamo ; hihi : noAv from ; thou

531. yakira-sabuka kore : good (AAdien seasons are?);

532. hihi asida-sabuka kore : thou bad (Avhen seasons are?) :

533. hihi irida-sabuka kore : thou rich (when seasons are?);

534. hihi sanera-sabuka kore : thou poor (Avhen seasons are ?) :

535. waba-iya kore : when thou art sick;

536. bahouka-kore : when (in) health ;

537. hine i-obono-ia : I thee love,

538. i-oraba-kitani : thee to respect,

539. hi-ribu noko-kitani : thy word to obey :

540. waaba kore ebbe-sbaba : Avhen thou diest until :

541. yakira-asi Ka-nona-tu : (made good it eoncerning as?) our Creator §42. a-ribu-ia : it commanded :

543. tuata-ni ma-ribu : thus my Avord

544. dibu-ia hi-shaba : (I) speak thee to

" With this ring I thee wed, " etc.

545. Tamaha moho-iseykuhu : This ring.

546. aisiko hine : with I

547. i-koha-ia : ma-teyho : thee I Aved : my body

548. aisiko yakira : Avith good


THE WARAU INDIANS OF GUIANA 259

549. i-oraba-kitan : thee to respect :

550. kokotika ma-bitu : ail my goods

551. i-moa-ia-ne : thee give I :

552. Ka-rima a-wai : our Creator His name

553. aisiko : a-Uka a-wai : Avith : His Son His name

554. aisiko : Ka-nona-tu : with : our Creator

555. a-Meyhowkohi : His Spirit

556. Yakira-a a-wai : made good His name

557. aisiko. Amen : with. Amen.

(i) Short Prayers for the Divine Protection at ail times : ■—

558. Kai-idamo, hine : Our Lord, I

559. huba-ia kore : Avhen (I) sleep,

560. ma-ihowro! : me protect!

561. Hine nomina kore : I Avhen \Arake,

562. ma-ihowro! : me protect!

563. Kai-idamo, hine : our Lord, I

564. kuhu-ia kore : when I Avalk,

565. ma-ihowro! : me protect !

566. Hine bahe kore : I when return

567. ma-anoko atta : my house into,

568. ma-ihowro! : me protect !

569. Kai-idamo, nahoro : Our Lord, food

570. ma-moa-u! : me giAre Thou!

571. Nahoro ma-sahba : Food me to

572. yakira nona-u! : good make Thou !

573. Kai-idamo, hine : Our Lord, I

574. waba-iya kore : when sick.

575. youra-ne : (? AArith révérence)

576. ma-ihowro ! : me protect !

577. Hine waaba kore : I Avhen die,

578. ma-kaiika ba-u ! : me with be Thou !

579. Jésus Christ k-oubono-ia ; Jésus Christ us loves

580. me. Amen. : on account of. Amen, (j) Third Collect at Morning Prayer : —

(Domine sancte, pater omnipotens, oeterne Deus, qui nos ad principium hujus diei pervenire fecisti, tua nos hodie salva virtute : et concède ut in hac die ad nulluni declinemus peccatum, nec ullum incurramus periculuni : sed semper ad tuam justitiam faciendam omnis nostra actio tuo moderamine dirigatur. Per.)

581. Kai-idamo, Ka-rima : Our Lord, our Father

582. kwai arowle hihi : (A., 'qui es in coelis?')


260 SOCIÉTÉ DES AMÉRICANISTES DE PARIS

583. kokotika kwarika : ail powerful.

584. Ka-nona-tu : our Creator

585. waha-nnaha ha-kitan! : dead not to be !

586. tamaha yah heyku Hihi : This day on Thou 586 a. k-abana-hi yakira : us hast placed good.

587. Tamaha yah heyku : This day on

588. ka-ihowro : us protect •

589. hihi tairaa aisiko : Thy power with :

590. tuat-ia kore hoko : if (thou) make so we

591. asida-asi heyku : evil into.

592. naka-nnaha-te ; bitu : shall not fall ; a thing

593. ahera-asi ka-ishia : a danger us eoncerning

594. eykida-te : naught will (be)

595. Hihi k&ihowro-ia-kore : If Thou us protect

596. hoko yakira-a-le : we shall do good

597. hi-maba, yah kokotika : Thee (? before), days ail

598. heyku ; Kai-idamo : on; our Lord

599. Jésus Christ, k-oubono-ia : Jésus Christ us loves

600. me. Amen : on account of. Amen.

(k) Third Collect at Evening Prayer : —

(Illumina, quoesumus, Domine Deus, tenebras nostras : et totius hujus noctis insidias tu a nobis repelle propitius. Per Dominum.)

601. Hima heyku hokona : Nightin light (or, night in a day.)

602. ka-sahba yakira : us to good

603. abano ; hoko : make ; we

604. i-eybu-ia, Kai-idamo! : Theepray, our Lord!

605. Hihi yakira me : Thy goodness on account of

606. ka-ihowro, koliotikà : us protect, ail

607. asida-asi eymo : evil from ;

608. ahera-a arakatte : dangers also

609. eymo, tamaha : from, this

610. hima-ishia : Hi-Uka : night eoncerning : Thy Son

611. ishakka Kai-idamo : one our Lord

612. Jésus Christ : Jésus Christ.

613. k-oubono-ia me. Amen : us loves on account of. Amen. (1) IL Corinthians XIII. 14. —

614. Jésus Christ Kai-idamo : Jésus Christ our Lord

615. hoko eybu-ae yakira : we pray (thee) good

616. ha-kitani ka-sahba : to be us to;

617. Ka-nona-tu : our Creator

618. k-obono-kitani : usto love :


THE AVARAU INDIANS OF GL'IANA 261

619. Ka-nona-tu a-Meyhowkohi : our Creator His Spirit

620. Yakira-a : made good

621. yah waha-naha hoko : [ ? )

622. jiatika ka-kaiika : ail us with

623. ha-kitani. Amen : to be. Amen.

Remarks on doubtful meanings. (The numbers refer to the translation of Brett's ' Questions'.)

2 and 582. Adam only gives ' qni es in coelis?', but No. 940 (Vocabulary) gives ' kudi' high, and possibly 'arowle ' may be connected with 'yowro-te' (Brett, No. 136). 17. 'koroni' both hère and in No. 21 must mean something équivalent

to doing. 78. ' ori-sabba-ydkira', together-towards-good, compare No. 469 (Brett),

'oriko'. 81. ' hara-ku-na', See No. 27 (Brett) ' hara-in', remove, and No. 1045

(Vocabulary) ' kuna ', bring. 84. ' Tai', May perhaps be ' those ones'. 124. ' akwanobi aba-te'. Cf. No. 135 (Brett) 'obonobo-te', shalt remember. Also No. 1228 (Vocabulary) 'obono-kitdni', to wish for. Thus the first Avord probably signifies ' their wishes ', or simiKr expression. 161 and 104. ' iuatd kore' : ' hihi tuat-ia kore'. 'When [kore) thus (tuata,

tuat-ia) thou (hihi)' (' doing' understood). 248. ' seyge' = through: 240. 267. 271. ' bahama'= again. 296. ' a-weyri''. Perhaps = 'their Saviour', cf. No. 562 (Brett). ' kaiika'

= Avith, cf. Nos 509, 578 (Brett). 338. ' yatu'. Cf. No 1233, 'yâuta' to work. Probably this word means

' a worker '. 575. Cf. Nos 136, 165. ' youra-ne' = ' with révérence '. 597. 'hi-maba', 'hi' = thee. ' maba' = before, in the présence of? 621. ' yah waha-naha hoko', 'yah', day : ' waba'. end? 'naha', négative: 'hoko', us. ' Days unending us'?

Note. No. 14 in the Bibliography consists of 16 pages included in the 52 pages of the following work : 'Simple Questions on the Historical Parts of the Holy Bible, for the Instruction ôf the Warau Indians at the Missions in Guiana'. London. (BrettNo date.)



ACTES DE LA SOCIÉTÉ.

SÉANCE DU 6 NOVEMBRE 1928.

PRÉSIDENCE DE M. CAPITAN, PRÉSIDENT.

Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté.

La correspondance comprend des lettres de remerciement des membres récemment élus.

Le Secrétaire général rend compte des améliorations qu'il a apportées dans l'aménagement de la bibliothèque de la Société ;

M. Rivet expose les raisons qui ont empêché les Américanisles de France de participer au Congrès de New York en septembre dernier; les subventions, qui avaient été accordées aux savants français par le gouvernement ne leur auraient pas permis de voyager et de séjourner aux Rtats-Unis dans des conditions de décence suffisantes.

M. RIVET expose très succinctement les grandes lignes de son voyage air Brésil, et insiste sur l'accueil chaleureux qui fut partout réservé aux professeurs appelés par l'Institut franco-brésilien de haute culture.

M. JIJÔN Y CAAMANO fait une communication accompagnée de projections sur Une vague de civilisation dans le Nord-Ouest de VAmérique du Sud.

Sont présentés et élus : comme membres titulaires :

Mme Amanda S. de MOLINA VEDIA, par MM. H. de Miranda et Rivet;

La SoCIEDAD DE GEOGRAFl'A E IIISTORIA DE GUATEMALA, par MM. Chartîer et

Rivet ;

MM. José Luis ARANGO R., par MM. Capitan et Rivet ;

Jorge BERTOLASO STELLA., par MM. Rivet et de Créqui-Montfort ;

Paul CARR, par MM. Vosy-Bourbon et Rivet;

Alvaro Henriques de CARVALIIO, par MM. Rivet et Testuot ;

Paulo Affonso de CARVALIIO, par MM. Rivet et Testuot ;

Humberto FUENZALIDA, par MM. d'Harcourt et Rivet ;

F. S. GRABOWSRT, par MM. Rivet et d'Harcourt; Jacques de KÉRALLAIN, par MM. de Villiers et Rivet; Georges LAFOND, par MM. Vosy-Bourbon et Rivet;

G. Le GENTIL, par MM. Duriau et Rivet ; Carroll Alton MEANS, par MM. Means et Rivet; Luis QUINTANTLLA, par MM. Ortiz Rubio et Rivet;


264 SOCIÉTÉ DES AMÉRICAN1STES DE PARIS

Dr Fritz STREICHER, par MM. Rivet et Vosy-Bourbon; M. Jehan Albert VELLARD, par MM. Rivet et d'Harcourt; comme membres correspondants :

M. le Dr Edgar ROQUETTE-PINTO, par MM. Rivet et d'Harcourt M" 0 Heloisa TORRES, par MM. Rivet et d'Harcourt.

La séance est levée à 18 h. 30.

SEANCE DU 4 DÉCEMBRE 1928.

PRÉSIDENCE DE M. CAPITAN, PRÉSIDENT.

Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adoplé.

La correspondance manuscrite comprend des lettres de remerciement des membres récemment élus, et des lettres de M. Zaldumbide, de Mmc de Luppé, et de Mme d'Harcourt, qui s'excusent de ne pouvoir assister à la séance.

Le Secrétaire général signale la triste nouvelle d'un accident d'aviation, qui vient de se produire à Rio et qui a coûté la vie à 14 personnes parmi lesquelles se trouvaient quatre des personnalités les plus sympathiques qu'il avait rencontrées au Brésil. La Société le prie de transmettre aux familles des malheureuses victimes ses condoléances émues.

M. Rivet donne des détails sur la réorganisation du Musée d'ethnographie du Trocadéro, à laquelle il procède actuellement avec la collaboration dévouée de MM. Rivière et Champion. Il expose qu'ayant réussi à obtenir les fonds suffisants pour avoir le personnel scientifique et technique indispensable, il a pu déjà mettre en valeur, avec des procédés modernes, les riches collections d'Océanie. Il convie les membres de la Société à venir les visiter et fait appel à la bonne volonté de tous pour collaborer à la mise en état du Musée. Il souligne, à cette occasion, l'aide efficace que la Société des Amis du Musée d'ethnographie lui apporte dans sa tâche.

M. Humberlo FUENZALIDA fait une communication sur La. musique araucanienne, accompagnée de l'audition de quatre chants araucans enregistrés sur disques phonographiques.

M. RIVET fait une communication sur son Voyage au Brésil, accompagnée de projections.

Sont présentés comme membres titulaires :

Mmo la Duchesse de LA ROCHEFOUCAULD, par MM. Capitan et Rivet ;

MM. Paul COZE, par MM. Rivet et Thévenin ;

A. Irving HALLOWELL, par MM. d'Harcourt et Rivet;

Alvaro Ruiz UCRÔS, par MM. E. Posada et Rivet.

La séance est levée à 18 h. 30.


ACrES DE LA SOCIÉTÉ 265

SÉANCE DU 8 JANVIER 1929.

PRÉSIDENCE DE M. CAPITAN, PRÉSIDENT.

Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté.

La correspondance manuscrite comprend des lettres de remerciement des membres récemment élus.

M. Rivet annonce qu'à la suite d'une entrevue, qu'il vient d'avoir avec Mr Paul Léon, directeur des Beaux-Arts, il espère que le Musée d'ethnographie sera doté à bref délai du chauffage central.

Le Colonel LANGLOIS fait une communication sur des Terres cuites architecturales mexicaines du Trocadéro.

M. RIVET reprend la suite de sa communication du mois précédent sur son Voyage au Brésil.

Sont nommés membres titulaires : Mlne la Duchesse de La Rochefoucauld, MM. A. I. Hallowell, P. Coze et A. Ruiz Ucrôs.

Est présenté comme membre titulaire :

M. Agustfn VENTURINO, par MM. d'Harcourt et Rivet.

La séance est levée à 18 h. 30.

SEANCE DU 5 FÉVRIER 1929.

(Assemblée générale). PRÉSIDENCE DE M. CAPITAN, PRÉSIDENT.

Le-procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté.

La correspondance comprend des lettres de remerciement des membres récemment élus.

MM. Rivet, Lester et le Colonel Langlois sont délégués pour représenter la Société à la Fédération des Sociétés de sciences naturelles.

M. Rivet donne des nouvelles de deux membres de la Société actuellement ■en Amérique : M. Métraux, ancien élève de l'Institut d'Ethnologie de l'Université de Paris, actuellement directeur de l'Institut et du Musée d'Ethnologie iiouvellement'créés à l'Université de Tucumân, a trouvé auprès des savants américains un accueil très cordial ; M. de Wavrin, qui collectionne dans la région de l'Equateur et du Pérou des renseignements d'ordre ethnographique et linguistique sur des peuplades indiennes en vo/e d'extinction, a étudié les ruines de la forteresse de Huainapichu.

M. Rivet dit quelques mots sur le voyage qu'il vient de faire en Suède


266 SOCIÉTÉ DES AMÉRICANISTES DE PARIS

et au Danemark, au cours duquel il a eu l'occasion de visiter les belles collections archéologiques et ethnographiques des Musées de Copenhague et de Gôteborg.

Le Trésorier et le Secrétaire général donnent lecture des rapports financier et moral de la société pour l'année 1928.

M. Paul COZE fait une communication, accompagnée de projections, sur Une tournée chez les Indiens du Canada.

M. A. Venturino est nommé membre titulaire.

Sont présentés comme membres titulaires :

MM. René LABRUYÈRE, par MM. J. Claine et P. Rivet;

le C F. JAGUARIBE DE MATTOS, par MM. L. Langlois et P. Rivet ;

Charles RATTON, par MM. Rivet et Rivière.

La séance est levée à 18 h. 30.

SÉANCE DU 5 MARS 1929.

PRÉSIDENCE DE M. DE MARGERIE, MEMBRE DU CONSEIL.

Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté.

La correspondance comprend des lettres de remerciement des membres récemment élus, et une lettre de M. Capitan, qui, souffrant, s'excuse de ne pouvoir assister à la séance.

M. le Professeur BETIM fait une communication avec projections sur La théorie de Wegener et l'Amérique. ^;

M. Rivet présente, au nom de M. Erland NORDENSKIÔLD, une note sur L'apiculture indienne en Amérique (cf. Journal, t. XXI, p. 169).

Sont élus membres titulaires : MM. F. Jaguaribe de Mattos, R. Labruyère, Ch. Ratton.

Sont présentés : comme membres titulaires : MM. André DAIRE, par MM. Raynaud et Rivet;

W. PETERSEN, par MM. d'Harcourt et Rivet;

Roberto PINTO VALDERRAMA, par MM. d'Harcourt et Rivet ;

Eugène CHABANIER, par MM. Levillier et Vosy-Bourbon ;


ACTES DE LA SOCIÉTÉ 267

M. A. Léo LEYMARIE, par MM. d'Harcourt et Rivet; Mme Helen MACKAY, par M™ de Luppé et M. P. Rivet ; comme membre correspondant: M. Th. THOMSEN, par MM. Capitan et Rivet.

La séance est levée à 18 h. 30.

SÉANCE DU 9 AVRIL 1929.

PRÉSIDENCE DE M. CAPITAN, PRÉSIDENT.

Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté.

La correspondance comprend des lettres de remerciement des membres récemment élus.

M. Rivet souhaite la bienvenue à M. José Toribio Médina, de Santiago du Chili, qui assiste à la séance.

Le général Perrier est délégué pour représenter la Société des Américanistes à l'Exposition ibéro-américaine de Séville.

Le docteur George MONTANDON fait une communication, accompagnée de projections, sur la Découverte d'un Singe d'apparence anthropoïde en Amérique du Sud (cf. Journal, t. XXI, 1929, p. 183).

M. Paul COZE fait une communication sur Les Indiens de la côte du Pacifique de l'Amérique du Nord, accompagnée d'une démonstration pratique du procédé utilisé par ces Indiens pour obtenir du feu.

Sont élus membres titulaires :MM. E. Chabanier, A. Daire, A. L. Leymarie, W. Petersen, R. Pinto Valderrama et Mme H. Mackay ; membre correspondant : M. Th. Thomsen.

Sont présentés comme membres titulaires :

Mme R. DE KERALLAIN, par MM. de Villiers et Rivet ; M. le Dr Léon CHABROL, par MM. Rivet et Vosy-Bourbon ; M. le Rév. Père Henri WATTHÉ, par MM. Rivet et Vosy-Bourbon; ' M. Harper KELLEY, par MM. Rivet et Vosy-Bourbon.

La séance est levée à 18 h. 30.


268 SOCIÉTÉ DES AMÉRICAKISTES DE PARIS

SÉANCE DU 7 MAI 1929.

PRÉSIDENCE DE M. VOSY-BOURBON, BIBLIOTHÉCAIRE.

Le procès-verbal de la dernière séance est lu et approuvé.

La correspondance comprend des lettres de remerciement des membres récemment élus, et .une lettre de M. Capitan, président, qui s'excuse de ne pouvoir assister à la séance.

M. le général Perrier et le docteur Rivet sont délégués pour représenter la Société à la 55° Session de l'Association française pour l'avancement des sciences, qui aura lieu au Havre du 25 au 30 juillet 1929.

Le Secrétaire général annonce la mort de M. Harry Hirtzel, Secrétaire général de la Société des Américanistesde Belgique, et signale les éminents services scientifiques rendus par le disparu.

M. Rivet présente quelques objets ethnographiques, rapportés par le Dr FREYD de sa mission dans l'Ucayali ; ces objets ont été recueillis principalement chez les Indiens Pano et Arawak.

Mgr. COUTURON, administrateur apostolique, fait une conférence, illustrée de nombreuses projections, sur Les Indiens de VAraguaya.

Sont élus membres titulaires : M' 110 de Kerallain, le R. P. Henri Watthé, le Dr Léon Chabrol et M. Harper Kelley.

La séance est levée à 19 h.


NECROLOGIE.


270

SOCIÉTÉ DES AMÉRICANISTES DE PARIS

HARRY HIRTZEL.

La Société des Américanistes de Belgique vient de faire une grande perte en la personne de son Secrétaire général, Harry Hirtzel.

Né à Bruxelles, le 13 juillet 1882, Harry Hirtzel fut pris de bonne heure par la passion des aventures : dès l'âge de 17 ans, il partit à la découverte de l'Amérique du Nord.

Rentré à Bruxelles au bout d'un an, il ne tarda pas à retourner aux Etats- . Unis, où il fit de nombreux séjours ; son dernier voyage devait durer douze ans, pendant lesquels il parcourut le continent américain du nord au sud, jusqu'au Chili.

A peine rentré au pays natal, il s'embarqua pour la Chine, et fit ensuite un autre voyage au Japon. Un peu plus tard, Hirtzel parcourut l'Algérie, puis l'Egypte, et revint enfin se fixer à Bruxelles.

Très peu de temps après la guerre, il apprit que les Musées royaux du Cinquantenaire cachaient dans leurs caves des antiquités américaines de grande valeur, parmi lesquelles la célèbre collection équatorienne qu'Emile de Ville, consul belge à Mexico, donna à l'Etat belge en 1879 (cette collection, formée d'objets provenant en grande partie de huacas des environs de Cuenca, est décrite dans le Compte rendu du Congrès des Américanistes, tenu à Bruxelles, en cette année).

Depuis que l'ancien Musée royal d'antiquités avait été transféré dans les locaux « provisoires » de l'Exposition de 1880, toutes ces richesses étaient restées enfouies dans des caisses, faute de place pour les exposer.

Hirtzel demanda à s'en occuper, et le 6 février 1920, M. Destrée, Ministre des sciences et des arts, le chargea d'étudier et de classer les collections précolombiennes existantes en Belgique. C'est ainsi qu'il « découvrit » un peu plus tard la remarquable collection d'antiquités guatémaltèques que possédait la. bibliothèque de l'Université de Gand ; il fit d'ailleurs une communication à ce sujet au congrès de Gôteborg, en 1924.

En 1923, il organisa aux Musées du Cinquantenaire une exposition d'antiquités précolombiennes, qui eut un très grand succès ; des collectionneurs y avaient envoyé de nombreux objets qui, presque tous, furent donnés aux Musées.

En 1926, les Musées eurent l'heureuse fortune de recevoir en prêt une des collections d'antiquités péruviennes les plus importantes d'Europe, malheureusement dispersée depuis ; ce fut l'occasion d'organiser une deuxième exposition.

Le mouvement américaniste qui en résulta amena tout naturellement les personnes, qui s'intéressaient à l'étude des questions se rapportant à l'époque précolombienne, à se réunir; et le 19 février 1927, eut lieu la séance inaugu-


NÉCROLOGIE 271

raie de la Société des Àméricanistes de Belgique. Hirtzel fut nommé Secrétaire général, et rapidement, grâce à son activité, la jeune Société groupa près de deux cents membres.

Depuis ce moment, l'activité d'Hirtzel devint considérable ; en dehors des causeries nombreuses qu'il fit à notre Société, il donna des cours à l'Université des hautes études, au Service éducatif des Musées royaux d'Art et d'Histoire, et de très nombreuses conférences.

Malheureusement, cette grande activité devint du surmenage, et le 27 mars dernier, nous apprenions avec stupeur qu'Hirtzel venait d'être enlevé en quelques minutes par une crise cardiaque.

Hirtzel avait réuni une documentation considérable, et préparait un ouvrage sur le Mexique ancien ; ce travail est malheureusement resté a l'état de notes. Il a publié un grand nombre d'articles dans des journaux et revues. Voici les principaux :

Le Canal de Panama. Bulletin de la Société royale belge de Géographie, 1920, n° 3.

Le Mexique ancien. Ibid., 1921, n° 3; 1922, nos 1, 2.

Le Ve Congrès international des sciences historiques. Ibid., 1923, n° 2.

Nouvelles découvertes archéologiques au Honduras. Ibid., 1924, n" 2.

XVIe Congrès des Américanistes. Ibid., 1924, n° 3.

Les antiquités précolombiennes des Musées royaux du Cinquantenaire. Bruxelles, 1927.

Fuseaux et fusaïoles de l'ancien Pérou. Bulletin de la Société des Américanistes de Belgique, 1928, n° 1.

Notes sur le classement des manuscrits anciens du Mexique. Ibid., 1928, n° 2.

R. KEON.

JEAN-BAPTISTE-HYACINTHP:-RENÉ-PRIGENT DE KERALLAIN.

René de Kerallain naquit à Quimper le 9 octobre 1819. Fidèle à sa ville natale, il y passa la plus grande partie de sa vie et c'est dans son vieil hôtel familial qu'il s'est éteint le 5 septembre 1928.

Après de brillantes études au collège Stanislas, il fit son droit à Paris et fut reçu docteur en 1877. Dès lors, travailleur acharné, doué d'une mémoire prodigieuse, il consacra, pendant cinquante ans, tous ses loisirs à l'étude des questions juridiques, sociales, historiques et morales. M. de Kerallain collabora longtemps à la Revue britannique et à la Réforme sociale, jusqu'au jour où les opinions de cette dernière revue ne concordèrent plus avec les siennes.


272 SOCIÉTÉ DES AMÉR1CANISTES DE PARIS

Notre collègue écrivit également de nombreux articles dans la Revue historique, la Revue générale du droit, la Revue des Questions Historiques et dans L'Intermédiaire des Chercheurs et Curieux, mais sa bibliographie serait presque impossible à établir, car, d'une très grande modestie, il n'aimait guère signer sauf quand sa responsabilité se trouvait engagée.

Sachant parfaitement l'anglais, M. de Kerallain a traduit les Essais sur le gouvernement populaire (1887), les Eludes sur l'histoire du droit (1889) et Le Droit international et la guerre (1890) de sir Henry Maine, l'éminent jurisconsulte anglais; l'Introduction de la science politique (1893) de sir Frederick Pollock, et les Eludes sur les moeurs religieuses et sociales de VExtrêmeGrient de sir Alfred Lyall (1908).

Arrière-petit-fils de Bougainville, M. de Kerallain ne vit pas sans amertume les attaques, fort injustes, dirigées par l'abbé Casgrain contre la mémoire du grand navigateur et s'empressa d'y répondre en publiant, en 1896, La jeunesse de Bougainville, ouvrage admirablement documenté, malheureusement tiré seulement à cent cinquante exemplaires, la plupart destinés aux bibliothèques du Canada. Ensuite, il fit paraître, en 1906, dans la Revue historique, La prise de Québec, d'après des publications récentes.

Les lecteurs du Journal de la Société des Amér'icanisles se rappellent tous certainement ses deux dernières études : Rougainville à l'escadre du comte d'Eslaing (1927) et Bougainville à l'armée du comte de Grasse (1928), encore en cours d'impression quand la mort vint surprendre l'auteur.

Signalons encore une de ses dernières oeuvres, publiée en collaboration avec Mn) 0 de Kerallain : Comment s'est éteint un vieux nom breton (1926), dont la première partie, Les Derniers des Botdéru, parut dans le Bulletin de la Société polymalhique du Morbihan et la seconde, Les Montendre et les Bougainville, dans le Bulletin de la Société archéologique du Finistère.

Membre de la Société Champlain, M. de Kerallain avait réuni une bibliothèque très complète, particulièrement riche en ouvrages sur le Canada ; la devise gravée sur ses ex-libris, Semper ad discendum, nunquam ad docendum, définit admirablement son caractère de travailleur infatigable.

Marc de VILLIERS.

Dr CHARLES FLEïCHER LUMMIS.

Charles F. Lummis est mort le 25 novembre 1928 à Los Angeles, Californie; c'est une figure sympathique et fort curieuse qui disparaît. Né en 1859 dans le Massachussets, élève de Harvard University (1881), journaliste, explorateur, ethnographe, poète, musicien, historien, philologue, organisateur très pratique, il avait parcouru l'Amérique, du Canada au Chili, mais les États


NÉCROLOGIE 273

du Sud-Ouest des Etat-Unis avaient ses préférences. Les Indiens et les descendants des Mexicains dans cette région, parmi lesquels il avait longtemps vécu, circulant à pied dans un costume plus pittoresque que conventionnel, l'aimaient beaucoup à cause de ses campagnes en leur faveur. Toujours en guerre pour quelque idéal, souvent très éloigné, sinon contraire, aux opinions courantes, il réussissait le plus souvent par son courage à imposer son point de vue. Sa phrase : « Visitez d'abord l'Amérique » avait été dans ce pays le pÎA'ot de l'organisation du tourisme que l'automobile a tant aidé à développer.

Fixé à Los Angeles en 1905, il y avait fondé le South West Muséum. Le Landmarks Club de Californie (1895) et la Sequoyah league (1902) pour l'amélioration du sort des Indiens avaient été aussi ses créations. A ses obsèques un orchestre de ses amis d'origine hispano-américaine exécuta son air favori « Adios amores » et une de ses romances « La Hamaca » ; ses cendres reposeront dans sa belle demeure, El Alisal, qu'il avait bâtie de ses propres mains.

H. VOSY-BOURBON.

Société des Américanistes de Paris. 18



MELANGES ET NOUVELLES AMERICANISTES.

Les Français en Amérique avant Christophe Colomb. — Nous reproduisons l'article suivant paru dans « Les Débats », le 9 mai 1929 :

« Les érudits bretons ont été fort intéressés par l'information du New York Herald d'après laquelle M. Minnigerode, « auteur américain de nombreux ouvrages de recherches historiques », vient de découvrir, « dans un village breton », des documents anciens qui lui ont donné la certitude qu'en 1392, juste un siècle avant Christophe Colomb, des baleiniers français étaient parvenus jusqu'à Terre-Neuve, où ils avaient pris possession d'un banc de pêche.

Bien rares sont en Bretagne les titres originaux et inédits du xive siècle. Ceux qui ont échappé à la destruction se trouvent conservés dans les cartons des archives départementales ou dans quelques chartriers de châteaux, mais on n'en rencontre guère (j'en parle par expérience) entre les mains d'habitants de village. Une telle aubaine n'est d'ailleurs pas impossible, et l'honorable M. Minnigerode a pu bénéficier d'un hasard heureux, que lui envieront les chercheurs locaux, dès qu'ils auront acquis la certitude que sa trouvaille est bien réelle, ce dont beaucoup doutent...

Jusqu'ici, la pièce la plus significative à l'égard de la découverte ou de la fréquentation du continent américain par les pêcheurs bretons avant Christophe Colomb était une charte de l'abbaye de Beauport, près de Paimpol. Cette charte, datée de 1514, fait partie du fonds de Beauport, aux archives départementales de Saint-Brieuc. La transaction qu'elle relate mit fin à un procès entre les religieux et leurs vassaux de l'île de Bréhat au sujet de droits de dîme sur la pêche. Les moines de Beauport y établissent qu'ils sont en possession, depuis soixante ans au moins, de percevoir une redevance annuelle de 18 deniers sur chacun des pêcheurs de l'île en raison des poissons pris parceux^ ci, « tant à la coste de Bretaigne, la Terre-Neuffve, Islandre que ailleurs ».

Comme le faisait remarquer l'érudit archiviste des Côtes-du-Nord, M. Tempier, qui publia ce document dans les Annales de Bretagne par l'intermédiaire de M. J. Loth, s'il n.'était question dans ce passage des côtes de Bretagne et d'Islande, on ne pourrait douter que les Bretons n'eussent connu Terre-Neuve dès le milieu du xve siècle. Il semble bien, en tout cas, qu'en 1514 la pêche sur le Grand-Banc était passée depuis longtemps dans les habitudes des marins du pays de Goëllo.

Une croyance sans fondements solides, assez répandue en Bretagne parce que flatteuse pour le patriotisme armoricain, attribue la découverte du Nouveau Monde à Jean Coëtanlem, né, croit-on, à Guimaëc, près Morlaix, vers 1420. Mi-négociant, mi-pirate, cette espèce d'Ango bas-breton sillonna toutes les mers, tantôt trafiquant, tantôt et surtout faisant main basse sur les nefs anglaises,


276 SOCIÉTÉ DES AMÉRlCAN'lSTES DE PARIS

espagnoles ou hanséatiques. Il possédait une escadre de cinq navires. L'un d'eux s'appelait la Cuiller, et, avec cette cuiller, Coëtanlem écumait le pot d'autrui. Sa plus fière prouesse fut de piller et de brûler Bristol, après avoir détruit les vaisseaux anglais dépêchés à ses trousses. Sa renommée était grande ; on le nommait « le Roi de la mer ». On disait que, sur les flots, il n'avait jamais trouvé de supérieur ni d'égal.

Inquiété pour quelques peccadilles, il finit par se retirer à Lisbonne, où il devint amiral de la flotte portugaise et où il se bâtit, sur le port, une belle maison dans laquelle il accueillait avec faste ses compatriotes. C'est à Lisbonne qu'il aurait connu Christophe Colomb, et qu'il lui aurait indiqué la route des Antilles, où il avait jadis, au temps de sa jeunesse, abordé lui-même, pour en rapporter ces bois précieux dont Charles V fit lambrisser la bibliothèque du Louvre. Sans retenir à l'actif de Coëtanlem la gloire problématique d'avoir été l'un des initiateurs de l'illustre Génois, citons de lui cette grande parole, que Foch eût aimée : « C'est à dur pas que victoire se gagne ! ».

R. PENANGUER.

La patrie de Colomb. — Voici le résumé emprunté à El Dehate de Madrid du 16 et du 19 avril d'une série de conférences faites par l'abbé Adriân Sânchez à la Union iberoamericana :

« El orator niega que los restos del almirante sean los que estuvieron en la - Catedral de Santo Domingo y fueron trasladados luego a la Habana y después a Sevilla. El beneficiado Augusto de Madrigal en el diario de la Catedral dominicana, al llegar a la salida de los restos, solo dice « restos de... », con puntos suspensivos ; es que sabia dônde estaban los verdaderos restos. Ademâs, la inscripciôn decia que reposaban allî Cristôbal Colon y su hermano Luis ; pero el descubridor de America no ténia ningûn hermano llamado Luis ; Cristôbal y Luis Colon eran sus hijos. £ Por que suponer un error de inscripciôn? El doeumento del interior del féretro lleva caligrafîa de dos épocas y no tiene valor.

A. Sânchez estudia la « Stella » funeraria que estuvo en Oliva sobre los restos y fué trasladada después y recubierta para cruz de Via Crucis pûblico. El la ha descubierto, quitando la cal y demâs substancias, y se fija sobre todo en la inscripciôn de la parte posterior, con letras gôticas muy adornadas y anidas sin separaciôn de palabras.

Las letras en varios renglones son estas : CSIT (con un âncora) A I o DE HENRIZ ST. ALDEA VOAL(la O con olivas o aceitunas), NÔ J G il (unrasgo largo entrelazado por una linea con el Heriz y con un pequeno rasgo de r), ALMART MY EN LO (la O con un punto abismdtico significativo del Océano), IDSi DSRTS. VASUREY. ENAO MOR AQUI AAO JUL Y AO MEC (con un rasgo indicando al parecer) C i I. AS.

Segùn el orador, la inscripciôn significa : Cristôbal de Henriquez Sânchez Tovar. Aldea Valdeoliva (asi se Ilamaba entonces Oliva de la Frontera)y primer almirante mayor en el Océano e Indias. Y Vasurrey (virrey). Nacido y morto aqui. A 10 julio aiîo milcuatrocientos cuarenta y uno.


MÉLANGES ET NOUVELLES AMÉRICANISTES 277

De esa inscripciôn, mal interpretada, nacieron antano la falsa noticia de la muerte de Colon en Valladolid y la de la fecha de 1506, interpretando mal la de mil cuatrocientos cuarenta y tomândola equivocadamente por la de la ■ muerte (1509).

Colon no era apellido. Se usaba como proveniente de Cristôbal, Cristoforus o Cristo Ferens, el que lleva a Cristo, esto es San Juan o Maria simbolizada en la paloma. A. Sânchez hace también cambios'de letras para Ilegar fîlolôgicamente al Cristôbal y al Colon. En prueba cita que, en un documento pontificio de 1876, Cristôbal Bernaldez Gômez de Oliva représenta el nombre por una paloma con la oliva en el pico.

Habla de unos relieves encontrados en la ermita que ajusta a la base de la « Stella ». En ellos ha y una paloma, un âguila, una concha, una rosa y varias letras. El significado es Cristôbal (la paloma), Colon (de Fernândez de Aguilar, a cuya familia pertenecia), de Juan Bautista (la concha) de Santa Maria de Gracia y de la Guis.

Luego estudia el primer lugar donde estuvo sepultado primeramente Cristôbal Enriquez Sânchez. Para descubrir los cimientos bajo el atrio de la ermita de la Virgen de Gracia le han guiado las pinturas de la sepultura honrosa y un ciprés que existe de los très que senalan las pinturas.

También averiguô el lugar del enterramiento perpetuo, y ha encontrado los huesos, algumos desmenuzados, con senales de haber recibido un fuerte golpe los de la cabeza — dientes de anciano, una caja carbonizada, un globo de piedra micâcea desmenuzado, la bolita esmerilada y los trozos de la cruz que llevaba encima, piedrecitas de colores y cerillas — una de ellas extranjera —, acusadoras de que los restos fueron examinados por alguien en el siglo pasado. También hay cuentas de rosario ya deformadas. A este respecto dice que la Orden dominicana es la que mâs participaciôn tuvo en el descubrimiento. También un recipiente que debiô contener un pergamino... desaparecido.

Analiza el segundo arco de lo que llama sepultura honrosa. En él aparece un niflo ya crecido y los instrumentos relativos a lo que aquel nino estudiaba o hacia : Cosmografia, Geometria, Astrologia, Arles, Ciencias, Mûsica. Enriquez Sânchez, cuya ninez pinta el arco, es Cristôbal Colon. Examina alguno de los objetos simbôlicos de los cargos del almirante en la sepultura yen el arco. Una aljaba y fléchas, la rosa y la oliva y los simbolos de la gracia divina, segûn San Agustin, vienen a représentai' a los indios traidos por la Gracia de Oliva a la gracia de Dios.

También habla y présenta en proyecciones la bandera del almirante, hojas de cocotero, etc., todo del segundo medio arco. »

La Caravelle « Santa Maria ». — Nous reproduisons ci-dessous l'intéressant article publié dans le journal « Les Débats », le 21 mai 1929 :

« Depuis quelques jours est mouillée, dans le Guadalquivir, auprès du pavillon de la marine situé à Séville, sur les bords du fleuve, un curieux petit navire qui est la reproduction exacte de la fameuse caravelle Santa-Marta, à bord de laquelle Christophe Colomb partit à la découverte du Nouveau Monde.


278 SOCIÉTÉ DES AMÉRICANISTES DE PARIS

Cette reproduction sera certes une des curiosités les plus attrayantes de l'Exposition de Séville. Elle a été exécutée dans les chantiers de Cadix, d'après les meilleurs documents historiques, sous la direction du capitaine de corvette Guillen, qui la commande. Elle fut mise à l'eau le 26 janvier dernier. Le bois employé à sa construction est le pin d'Espagne, ce même bois avec lequel on construisait les navires à l'époque de Christophe Colomb. Comme on voit, rien n'a été négligé pour que la caravelle actuelle soit une évocation exacte de celle qui quitta Palos le 14 août 1492.

La Santa-Maria mesure 24 mètres de long, 7m.90 de large. Elle cale 2m. 25 et jauge 170 tonnes. Elle possède quatre mâts et est pourvue de deux chaloupes de sauvetage : une grande et une petite, pouvant contenir l'une dix hommes, l'autre cinquante, c'est-à-dire capables de sauver l'équipage. Ses voiles sont en toile de chanvre. Sur sa couverte sont dressées deux lentes : l'une en soie damassée, l'autre en cotonnade. Son artillerie se compose de quatre faucons et de plusieurs mortiers. A sa poupe tloltent le pavillon des rois catholiques et celui, en soie bleue, de Christophe Colomb, sur lequel sont gravées ses armes, pièce authentique, propriété actuelle de son descendant, le duc de la Veragua. A l'intérieur de la caravelle, la chambre du grand navigateur présente un vif intérêt. Là ont été réunis l'appareil dont il usait pour mesurer la hauteur du soleil, sa plume, son journal de roule, son lit, son coffre-fort, les couverts, les coupes, les jarres dont il se servait; toutes ces pièces sont authentiques ou rigoureusement de l'époque. On remarque également, au milieu de cette chambre, la reproduction du fauteuil de commandement, sur lequel s'asseyait Christophe Colomb lorsqu'il débarquait, se prévalant des triples prégoratives que lui donnaient ses titres d'amiral, d'ambassadeur du roi et de la reine de Castille et de Leôn, aux noms desquels il prenait possession des terres conquises, el de nonce du pape. Pour que l'illusion soit complète, les huit officiers el les quarante matelots, formant l'équipage de la Sanla-Marla reconstituée, portent les costumes de l'époque. Les marins montent la garde avec la hallebarde sur l'épaule, et les commandements et les relèves s'effectuent de la façon où ils s'effectuaient à l'époque de la découverte de l'Amérique.

Lorsqu'il visila la Santa-Maria, le roi Alphonse XIII, très impressionné par ce qu'il venait de voir, demanda malicieusement — on sait que le souverain espagnol a l'esprit sarcastique — au commandant Guillen, qui l'invitait à \dder un verre de xérès dans une coupe de cristal de l'époque :

« —Et le vin, est-il aussi de l'époque? ». Malheureusement, il y a beau temps que les bouteilles de derrière les fagots du quinzième ont disparu ! ».

André MÉVIL.

Les idées deCampanella sur l'évangélisalion de l'Amérique. — Dans son De Monarchia Hispanica (Hardervici, 1640), ouvrage composé à la fin de 1598 ou en 1599, el remanié en 1600-1601 (Cf. Léon Blanchet, Campanella, Paris, 1920, p. 97, n. 1), Campanella consacre quelques pages au problème de l'évangélisalion de l'Amérique. Ce passage curieux est, je crois, peu connu des


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américanistes, et il me paraît intéressant de le reproduire ici. Il se Irouve au chapitre XXXI, « De altero Hemisphoerio et Mundo novo », p. 316-318 : «... judico, Régi Hispaniarum magis laborandum esse, ut regionem illam prius hominibus frequentem reddat, quam aurum vel argentum inde abstrahat, si lucrum inde obtinere, et dominus terrae permanere vult. Inprimis verô curet Catechismum illis praescribi, suâ linguâ, qui illos ante omnia legis naturalis et providentiae divinae principia edoceal ; deinde historiam mundi usque ad Christum natum et nostra tempora via perquam compendiosa et brevi ; sicuti formulant quandam in prooemio supra proposai ; et sicut sancti Patres qui paganos ad lidem Christianam converterunt, ejusmodi methodo brevi quoque usi sunt, nempe Clemens et Lactanlius, non verô prolixa, quali hodierni scriptores nostri utuntur. Eligendi etiam sunt ex illa gente qui in fide Christiana edocti sacerdotum et concionatorum munere fungantur, ablegenturque ad reliquos suos conterraneos, montes incolentes, ad quos Hispani praedicatores pervenire néqueunt, ut ipsis fraternilatem suam offerant, indicentque quae Papa et Rex Hispaniarum nomine Divino nunciari volunt, quamque severe DEVS nostrum orbem haeresibus et Mahumetismo afflixerit, propter inhumanitatém scilicet priorum militum. Regem igitur jam secunda vice ad ipsos mittere, qui eos comiter et sine molestia ad fidem Christianam invitent. Adjungendi autem illis aliqui etiam ex nostris sunt, qui, ubi se praeclarè gesserunl, ad Episcopalem dignitatem, vel ad Abbatias promoveantur, scilicet, ut caeteri ad similiter se gerendum instigentur, et ut populi illi sciant', magnos honores à nobis propositos esse magistris, qui ad docendos illos ablegantur. Omnino autem necessarium videtur institui aliquem ordinem praedicatorum novi mundi, cum hoc titulo expresso, cum ipsa res hoc tlagitet. Tum etiam régi Hispaniarum providendum est potius, quomodo terra illa populosa et plena incolis reddatur, quam quomodo incolae illius exterminentur. Ex illis verô, qui converti nolunt, facial servos, ad imitationem Romanorum, et Luculli, qui solus quadraginta milliamancipiorum habuit, quorum opéra usus est ad montes solo aequandos : potest illos etiam Rex ad trirèmes adhibere. Illos verô qui converti se patiuntur, ad opéras mechanicas et fabriles admovere licet, ut Hispani solis armis vacare necesse habeant : imitatus in hoc Croesum Lydorum regem qui omnes quolquot armis vicit, ad opéras fabriles, suos verô perpetuô in armis habuit. Quare censeo magnum Indorum numerum in Hispaniam atque Africam transportandum esse, atque in oris Africae et Asiae urbes populosas extruendas, quarum propugnacula et tribunalia Hispanis, agriculturae verô cum arlibus mechanicis Indis committendae sunt, aut aliis similibus mancipiis, atque ad fidem nostram conversis : regibus verô illorum conversis et in Hispaniam transportatis baroniae dentur, ut Imperium per illos illustre fiai, ulque populi illi assuescant amare nos, et regiones nostras ».

Robert RICARD.

Quelques idées des Espagnols du XVIIe siècle sur les « indianos » et sur VAmérique. — Dans le gros volume qu'il vient de publier à Madrid (Ideas de


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los Espaholes del siglo XVII, 669 p., in-8°), M. Manuel Herrero Garcia étudie la conception que les Espagnols se faisaient d'eux-mêmes, des différents types régionaux de la péninsule, Castillans, Portugais, Andalous, Asturiens, etc., et des principaux peuples étrangers. Dans cette vaste enquête, l'auteur n'a pas oublié les indianos, et il nous donne sur eux quelques indications intéressantes. A propos de la manie nobiliaire des- Espagnols du xvue siècle, il signale que beaucoup allaient aux Indes pour y chercher à la fois la richesse et le titre de don : « Gomo consideran los espanoles, écrit Fr. Benito de Peîïalosa, que la pobreza y deslustre les hace incapacesdellamarse Dony las riquezas los habilitan y proporcionan con tan altos senores, pasan a las Indias Orientales y Occidentales y a otros reinos ricos de esta Monarquia., a buscarlas y adquirirlas » (p. 52). Et à peine ont-ils débarqué en Amérique qu'ils prennent ce titre de don, même si en Espagne ils n'étaient que de pauvres hères sans sou ni maille (cf. encore p. 55). Mais la richesse venait moins vite et moins facilement que le don. Aussi les indianos, une fois rentrés en Espagne, se montraient-ils peu libéraux ; on leur reprochait fréquemment leur défaut de générosité; mais c'est qu'ils savaient le travail que coûte l'argent : «... las haciendas de los indianos, ganadas con trabajo, ditCastillo Solôrzano, obligan a ser bien guardadas, y esto les hace ser misérables » (p. 319). En revanche, ils passaient pour personnes prudentes, cultivées, intelligentes : «... aquel clima, écrit Lope dans sa Dorolea, produce raros y sutiles ingenios » (p. 320). Après le bref chapitre qu'il consacre aux indianos (p. 315-321), M. Herrero Garcia cite une poésie inédite du xviu 0 siècle, dont l'auteur est inconnu, et qui passe en revue les divers types espagnols. Voici la décima des indianos (p. 332) :

El indiano con ardid Vence mil riesgos y g-ana Mucho dinero en la flabana "Para gastarlo en Madrid. El vive en continuo ardid, Y su paradero es, Con todo el afân que ves, Ser un pretendiente eterno De un hâbito, o de un gobierno, O un titulo de marqués.

Il est fréquemment question, dans la littérature espagnole du xvne siècle, des pirates hollandais et anglais qui ravageaient les côtes de l'Amérique. Aprèsavoir rappelé que les Hollandais se sont emparés de la meilleure partie du Brésil, Quevedo s'élève avec passion contre leurs rapines dans l'Amérique espagnole (p. 458-467). Parmi les pirates anglais, c'est Drake surtout qui obsède, peut-on dire, les écrivains espagnols; il est question de lui chez Gôngora, chez Lope de Vega, chez Castillo, chez le chanoine Târrega, dans La Picara Juslina, pliez une foule d'autres. Mais on se rendait compte aussi que, d'une façon générale, le développement de la marine anglaise était la plus grave menace contre l'em-


MÉLANGES ET NOUVELLES AMÉRICANISTES 281

pire espagnol. Lope écrivait par exemple dans El peregrino en su palria (p. 484) :

x Perseg-uida estaba, Espafia

De Francia y de Ingalaterra,

Que le rohaba en sus Indias

Las minas de su riqueza.

Robert RICARD.

D. Francisco de Mendiola, évêque de Guadalajara. — Sous le titre Intéressantes hallazgos, le journal El Sol de Madrid publie, danssonnuméro du 12 juillet 1928, une information de Bilbao dont quelques détails paraissent singuliers. Un érudit argentin, M. Enrique de Gandia, aurait découvert aux Archives municipales d'Orduna un certain nombre de documents qui prouvent que l'évêque de Guadalajara au Mexique D. Francisco de Mendiola (mort en 1576, et non en 1536, comme le dit le journal, sans doute par suite d'une faule d'impression) serait né dans cette localité. El Sol ajoute : « Estos documentos lienen suma importancia, pues se desconocia hasta la fecha la exislencia de dicho prelado. Se suponia que el ûnico orduîiés que en America habia alcanzado la dignidad de obispo habia sido D. Manuel Antonio Jiménez de Breton, obispo de Caracas, muerto en 1748. El Sr. Gandia ha descubierto también que D. Francisco de Mendiola muriô en olor de santidad, y que su cadâver fué hallado incorrupto al cabo de muchos aiïos ».

Il est probable que le patriotisme local a donné à cette découverte une portée excessive. Francisco de Mendiola était parfaitement connu, et dans son Hisloria de laIglesia en Mexico (tome II, Tlalpam, D. F., 1922, p. 85), le R. P. Mariano Cuevas, S. J., lui a consacré une brève notice biographique; nommé évêque de Guadalajara en 1571, Mendiola laissa en effet la réputation d'un saint. Le P. Cuevas le fait naître à la fin de 1498, à Valladolid, d'une famille basque. Mais il ne précise pas si cette famille était originaire d'Orduna. Les recherches de M. Gandia démontreraient donc tout au plus que l'évêque de Guadalajara était « ordunés » de naissance ou d'origine.

Robert RICARD.

Un explorateur italien de la Californie.— En 1908, E. E. Boston, professeur d'histoire américaine à l'Université de Californie, trouva, dans l'Archivo gênerai y pûblico de Mexico, un intéressant travail intitulé Favores célestes, écrit par le père Francesco Chini, né à Segno dans la vallée de Non en 1645. On savait déjà qu'il avait publié une carte de la Pimeria alla, comprenant l'état de Sonora el celui d'Arizona, au sud du rio Gila, el ensuite surtout une autre carte (Munich, 1702), dans laquelle la Californie apparaissait pour la première fois comme une péninsule (un passage par terre avait été découvert par lui entre 1698 el 1701).

L'oeuA're trouvée par Boston a été traduite par lui-même en anglais avec un grand nombre de notes explicatives et publiée en 1919 en 2 volumes (Kino's


282 SOCIÉTÉ DES AMÉRICANISTES DE PARIS

historicalMemoirof Pimeriaalta. Cleveland, Ohio, Clark Company, 379 et 329 p.), dans lesquels est remis en honneur cet explorateur-géographe de la Californie et du sud-ouest de l'Amérique septentrionale. De leur lecture il ressort que Chini (l'auteur adopte la forme Kino et les Espagnols Quino), entre 1683 et 1711, année de sa mort, a parcouru le pays dans tous les sens : l'Arizona du Gila au fleuve Colorado et la région entre Magdalena el le fleuve Gila, de même celle qui se trouve entre San Pedro et le Colorado; il a traA'ersé le Sonora dans toutes les directions et escaladé la plus haute cime de la Superstition Range.

Dans ces derniers mois, àTucson dans l'Arizona, s'est formé sur l'initiative de 1' « Arizona pioneer historical Society » un comité ayant pour but d'ériger un monument à ce missionnaire-géographe du Trentin.

(Bollellino délia reale Societa geografîca ilaliana. Rome, t. V, 1928, p. 435).

P. L.

L'île d'Orléans. — L'ouvrage que vient de publier la Commission des monuments historiques de la province de Québec 1, fort bien imprimé, illustré de 450 fac-similés, reproductions de dessins, photogravures ou illustrations en couleur, fait le plus grand honneur au goût et à l'érudition de ses auteurs et forme un véritable tableau encyclopédique de l'histoire, des moeurs et des coutumes des habitants de cette île, située un peu en aval de Québec.

Cette île, baptisée d'abord Bacchus par Jacques Cartier par suite de l'abondance des vignes sauvages, prit, quelques années plus tard, le nom d'Orléans « en l'honneur — si on en croit André Thévet — d'un fils de France qui lors vivait et se nommait lors Valois, duc d'Orléans ».

Par suite de sa situation, cette île est restée essentiellement franco-canadienne et en 1908, trente et un chefs de ses familles reçurent la médaille d'honneur accordée aux familles cultivant la même terre depuis plus de deux cents ans.

Marc de VILLIERS.

Archéologie du Mississippi. — L'étal duMississippi est particulièrement riche en mounds et M. Brown - en décrit minutieusement plusieurs centaines. Les uns sont de simples petits cairns, mais le plus grand mesure 80 mètres de long sur 70 de large. Beaucoup ont été écrétés et leur hauteur varie actuellement de quelques pieds à une douzaine de mètres.

Un certain nombre d'entre eux ont servi de sépultures ; d'autres ont été construits pour être utilisés comme refuges en cas d'attaque et comme abris en temps d'inondation. Leur âge varie considérablement et si les uns paraissent incontestablement antérieurs à la découverte de l'Amérique, les autres sont beaucoup plus récents. Les squatters en ont même encore construit au commencement du xix° siècle pour y séjourner en temps de crues.

1. Vile d'Orléans, publié par la Commission des monuments historiques de la province de Québec. Québec, 1928, grand in-8°, x-506 pages.

2. Archeology of Mississippi, par M. Calvin S. BROWN, University Mississippi, 1926, in-S°, 372 pages.


MÉLANGES ET NOUVELLES AMÉRICANISTES 283

354 vues ou planches, figurant soit des mounds soil plus de 500 objets trouvés pendant les fouilles, et presque tous antérieurs à l'âge du cuivre, présentent un très grand intérêt. On trouvera dans cet ouvrage toute une série d'outils en pierre. Parmi les objets les plus curieux, notons des disques en pierre, concaves ou convexes et parfois perforés, qui servaient aux Indiens à jouer au chunky, des « boat-stones », sortes de coupes en forme de bateaux et des énigmatiques « banner-stones ».

La céramique, parfois décorée avec goût, montre chez ses fabricants un art et une technique beaucoup plus avancés que chez les nations indiennes habitant plus au nord, et certaines pièces rappellent les oeuvres d'art mexicaines.

Beaucoup d'objets, en pierre ou en terre, anthropomorphes ou représentant des animaux (serpents, grenouilles, tortues, etc.), rappellent également l'art péruvien.

Marc de VILLIERS.

Une Histoire de l'art américain. — La « Kuntgeschichle » d'Anton Springer a été enfin complétée par un tome VI consacré à l'art hors de l'Europe 1. Le chapitre sur l'Amérique a été écrit par H. Ubbelohde-Doering. Comme nous connaissons par ailleurs la \'aleur de ce savant, nous pouvons hardiment rejeter sur les éditeurs la compression excessive et l'absence de certains sujets. En 63 pages (comprenant 90 illustrations, excellentes et bien choisies), dont 4 pages de bibliographie, l'auteur traite : 1° du Mexique (Aztèques, etc.), 2° des Mayas, 3° de l'Amérique centrale et de la Colombie (1 page), 4° du Pérou, toujours du point de vue archéologique et précolombien. Or, il ne faut pas que cet art, du Mexique jusqu'à Tiahuanaco, pour si beau et si abondant qu'il soit, masque le reste de l'Amérique, comme l'art gréco--romain a, si longtemps, caché le reste du monde. Je répète ce que je disais ici l'an dernier, à propos de 1' « Art précolombien » de Basler et Brummer : les civilisations américaines n'ont pas été limitées à celte région classique (Mexique-Pérou) ; j'ajouterai pour le travail présent que l'art américain n'est pas limité dans le temps, sa valeur peut différer, mais la continuité de son existence doit être signalée.

Pourquoi ignorer systématiquement l'Amérique du Nord (Eskimo, Haida, Cliff-Dwellers, Indiens Pueblos, etc.), et le reste de l'Amérique du Sud (étoffes desAraucans, poteries de Santarem, etc.) ? Peut-être la prudente conclusion de l'auteur sur l'origine des civilisations dont il parle ne serait-elle pas négati\'e, si la région classique ne restait pas complètement isolée.

Dans le texte écrit sans doute depuis longtemps, les jougs de pierre du Mexique sont déclarés comme étant d'un usage inconnu; en réalité, leur découverte in situ autour du crâne dans une sépulture indiquerait un emploi funé" raire (A. GÉNIN, XXIIe Congrès intern. des Américanistes, Rome, 1926 [1928J, t. I, p. 521-526, fîg.). Dans la bibliographie, quand on voit les références pour l'histoire de la découverte de l'Amérique du Sud réduiles à Prescott et Xerez, il ne faut pas s'étonner de ne pas trouver, dans la section « Art », ni « La gale1.

gale1. Krôner, Leipzig, 1929, 1 vol. in-i°, ill.


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rie Américaine » du Dr Hamy, ni 1' « Ethnographie ancienne de l'Equateur » de Verneau et Rivet, ni les travaux de Hartman sur le Costa-Rica.

H. V.-B.

Histoire des peuples Shoshone Aztèques. — M. J. Genêt continue la série de ses publications par une Histoire des peuples Shoshone Aztèques. Après une description géographique et linguistique et une exposition de l'état des sources européennes et indigènes, M. Genêt entre dans son sujet par une définition des noms de Toltèques et Chichimèques, dont il conteste la A'aleur purement ethnique qu'on leur attribue parfois à tort. Laissant les hypothèses encore bien vagues sur leur point de départ, il prend les Shoshone Aztèques à leur arrivée dans la région suggérée par Kroeber dans l'Etat de Nevada et en suit les migrations et l'histoire jusqu'en Amérique centrale. Un appendice contient une étude sur l'identification d'Aztlan avec Coatepec, près Tullan, comme lieu d'origine de la migration des Mexicains.

H. V.-B.

Les Cactacées utiles du Mexique. — Notre regretté confrère, Léon Diguet, au cours de ses voyages au Mexique, avait pris un intérêt spécial à l'élude des Cactacées, qui jouent dans ce pays un si grand rôle et figurent dans les armoiries nationales ; il avait préparé un travail où leurs emplois si divers et si importants étaient décrits avec détail. Grâce aux concours de Mlle J. Diguet, sa soeui\ el de la Société nationale d'acclimatation de France (198, boulevard Saint Germain, Paris), « Les Cactacées utiles du Mexique » ont pu être éditées, avec la collaboration scientifique de M. A. Guillaumin, du Muséum d'histoire naturelle ; nous avons ainsi un compendium, abondamment illustré de photographies originales, où la biologie, l'écologie, la technologie et le commerce de ces plantes sont traités avec l'autorité d'un savant averti qui a vu de près tout ce qu'il décrit.

H. V.-B.

Catalogue de la. Bibliothèque royale de Madrid. — La direction de la Bibliothèque royale de Madrid a entrepris la publication du catalogue de ce riche établissement. Six volumes sont déjà parus. Le 6e volume intéresse spécialement les Américanistes. Il est consacré aux « Lenguas de America. Manûscrilos » el renferme : Arte y Arocabulario de la lengua achagua ; Vocabulario andaquiespaiîol; Vocabulario para la lengua aruaca; Vocabulario de espanol a caribe; Vocabulario de la lengua ceona; Traducciôn de algunas \roces de la lengua guama ; Catecismo en guarani y castellano ; Vocabulario de espanol y guarauno. Le tirage est de 600, le prix de 40 pesetas. Les demandes doivent être adressées à la « Real Biblioteca, Palacio real, Madrid ». Un 2e volume (le 7e du Catalogue), également consacré aux langues d'Amérique, est actuellement sous presse.

P. R.


MÉLANGES ET NOUVELLES AMÉRICANISTES 285

Antiquités de San Agustin (Colombie). — Le Dr K. T. Preuss nous a enfin donné une documentation scientifique et photographique sérieuse 1 sur ce qui était connu et sur ce qu'il a lui-même découvert dans la région des sources du rio Magdalena en Colombie. Jusqu'à présent, nous n'avions guère que des dessins sur cette curieuse civilisation, dont l'importance est capitale pour l'enchaînement des origines et des migrations des peuples américains. Après un historique des publications parues depuis le moment où Codazzi signala en 1857 les statues de pierre qu'il avait vues, Preuss raconte son propre voyage de 1913-1914, puis entre dans la description minutieuse des pièces trouvées en les groupant par emplacements ; nous regretterons ici l'absence de cartes et plans, car la planche de Codazzi reproduite est insuffisante. Le professeur Belowsky de Berlin a signé uiie note sur l'étude pétrographique de la matière première des statues. Vient ensuite un chapitre sur la valeur ethnographique des trouvailles, où sont étudiés la culture matérielle (ustensiles, poteries, vêtements, coiffures, ornements, etc.), l'art (morphologie générale, yeux, etc.), la religion (divinités diverses, culte des animaux, dieux des eaux, du soleil, dieux ancestraux). Enfin, l'ouvrage se termine par une étude des rapports avec les autres civilisations américaines, du Mexique au Pérou. On pourrait peut-être étendre cette comparaison jusqu'à l'île de Pâques, si l'on en juge par les belles photographies du Dr Preuss.

H. V.-B.

Les rapports avec les Indiens. — L'année 1928 a marqué un changement important dans l'attitude des Etats-Unis vis-à-vis des Indiens.

Une grande enquête a été faite sur le mode d'éducation; le système de l'internat a été unanimement condamné comme déracinant beaucoup trop les élèves tout en blessant le sentiment familial ; des changements ont été proposés pour rendre plus utile l'enseignement technique, mal approprié aux besoins par suite de l'éloignement des écoles fédérales. Des essais d'éducation sur place dans les écoles publiques des États, aux frais du gouvernement fédéral, ont donné d'assez bons résultats. D'autre part, certains états, le Minnesota par •exemple, ont dû s'occuper de l'hygiène des tribus indiennes dans l'intérêt de la population blanche, et quant à l'assistance publique aux pauvres et vieillards, les organisations existant déjà peuvent s'occuper des deux races sans difficultés spéciales. Il y a eu en conséquence des projets de transfert d'une partie de d'activité fédérale en faveur des Indiens pour charger les États de l'instruction, des soins médicaux et des secours aux nécessiteux, tout en laissant au gouvernement central la protection économique et la surveillance politique.

D'après le Chicago Daily News, du 25 mars 1929, le secrétaire de l'Intérieur, M. Wilbur, envisagerait l'application d'une nouvelle politique vis-à-vis des Indiens. Il voudrait donner comme successeur à M. Burke, directeur du Bureau

1. Monumentale vorgeschichtliche Kunst. Gotlingen, Vandenhoeck et Rupreeht, 1929, B vol., texte, 1 atlas, photo., in-8°.


286 SOCIÉTÉ DES AMÉRICANISTES DE PARIS

indien, démissionnaire, un sociologue, qui poursuivrait une assimilation graduelle des Indiens aux autres citoyens et q.ii les protégerait contre la spoliation : « Des changements sonl nécessaires dans le Bureau indien, dit le Chicago Daily News. Des scandales ont été révélés et de sérieux actes de mauvaise administration, de négligence et de corruption ont été portés devant une commission d'impôts du Sénat... Si le secrétaire Wilbur, éducateur et médecin, a résolu de renverser les méthodes anciennes et d'obtenir la justice pour les Indiens malgré les parasites et les exploiteurs blancs qui s'abattent sur eux, les citoyens lui accorderont volontiers leur appui moral et leurs encouragements » (Bulletin périodique de, la Presse américaine. Deuxième partie. Affaires intérieures. Ministère des Affaires étrangères. Paris, n° 255, 21 mai 1929, p. 19).

H. V.-B.

Les lynchages aux Etats-Unis. — En 1926, on a compté 34 lynchages, en 1927, 21, et en 1928, 9, alors qu'en 1919, il y en avait eu 83. Ces chiffres témoignent de l'évolution des idées des Blancs américains à l'égard des gens de couleur et l'on ne saurait trop s'en réjouir (cf. Journal, t. XVI, 1924, p.442445; t. XIX, 1927, p. 403).

P. R.

La sorcellerie en Pennsylvanie. — Le Times du 5 décembre 1928 signale un cas de crime inspiré par le« Vaudou » (?) dans.le comté d'York (Pennsylvanie). A la suite d'une série de malheurs divers, une famille se croyant sous la menace d'un envoûtement demanda les conseils du sorcier local qui désigna comme le coupable un certain fermier du pays, vivant très isolé chez lui. Il faudra, pour conjurer le mauvais sort, dit le sorcier, couper à cet homme une mèche de ses cheveux. Avec l'aide d'un des fils de cette famille âgé de 18 ans et d'un de ses amis âgé de 16 ans, il en fut fait ainsi, mais malheureusement, dans la bagarre, le fermier fut tué. Le magistrat chargé de l'enquête déclara que, dans les deux dernières années, 5 enfants étaient morts dans le comté à la suite de traitements par la magie médicale; les médecins croient ce chiffre bien au-dessous de la vérité. La sorcellerie s'est développée dans les campagnes de Pennsylvanie à l'époque révolutionnaire et un grand effort pour sa suppression est tenté en ce moment.

Le mot de « vaudou » est bien entendu employé ici à tort, car il ne s'agit en rien du culte importé d'Afrique par les nègres sous ce nom; il s'agit en réalité de survivances d'antiques pratiques magiques des Blancs d'Europe émigrés en Amérique (Nature. Londres, 15 décembre 1928).

H. V.-B.

Etal des missions salésiennes en Amérique au 1er janvier 1929. — Nous extrayons les renseignements suivants du Bulletin salésien, Turin, t. LI, 1929, p. 112 :


MÉLANGES ET NOUVELLES AMÉRICANISTES 287

g «

Missions. « | & || g S g P S

en ° o «■ m

O " £ S

Détroit de Magellan et

îles Malouines 181.783 34.500 4.800 300 26 — 58 Patagonie méridionale et

Terre de Feu 267.000 20.700 300 4-00 9 — 11

Patagonie septentrionale 362.000 219.800 9.425 7.194 108 159 111 .

Pampa centrale 145.907 77.918 6.128 2.500 33 — 20

Grand Chaco 297.938 30.000 2.000 15.000 11—3

Mendez et Gualaquiza 15.000 7.600 8 13.000 43 67 8

Registre- do Araguaya 246.875 18.400 300 5.000 29 2 15

Rio Negro — 21.000 — 17.000 27 6 10

Porto Velho 300.000 14.000 1.200 12.000 9 — —

P. R.

Les Français en Amérique. — Le nombre des Français établis en Amérique se répartit comme suit, selon les indications fournies par le ministère des Affaires étrangères :

Panama, 120 ; Centre Amérique, 600 ; Haïti, t.000; Bolivie, 100 ; Uruguay, 12.000 ; Colombie, 300 ; Pérou, 1.100 ; Paraguay, 800 ; Canada, 17.000 ; Brésil, 7.000 ; États-Unis, 151.000 ; Chili, 10.000 ; Venezuela, 600 ; Argentine, 89.509; République Dominicaine, 100.

P. R.

L'immigration aux Etats-Unis. — Le président Hoover, sur le conseil de l'attorney général, a lancé une proclamation mettant en vigueur, à partir du 1er juillet 1929, les dispositions suivantes :« Le contingent annuel d'immigrants de chaque nationalité à admettre aux États-Unis pour l'année fiscale commençant le 1er juillet 1929 et pour les années fiscales suivantes, sera dans la même proportion à 150.000 que le nombre des habitants des États-Unis continentaux ayant la même origine nationale en 1920, mais le contingent minimum de chaque nationalité sera de 100 ». Le contingent total annuel autorisé serait de 153.714 au lieu du total actuel de 161.647.

Il se répartirait ainsi :

Autriche 1413

Tchécoslovaquie 2874

Allemagne 25957 '

Belgique 1304

France 8086

Angleterre et Irlande

du Nord 657212

1. Au lieu de 51227.2. 2. Au lieu de 34007.


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État libre d'Irlande 17853'

Japon 100

Norvège 2377

Russie 2784

Suisse 1707

Turquie 226

Yougoslavie 845

Italie 5802

Hollande 3153

Pologne 6524

Suède 3314

Espagne 252

Roumanie 295

Tous les contingents ainsi déterminés ne sont applicables qu'aux individus pouvant devenir citoyens des Etats-Unis, et susceptibles d'y être admis par application des lois d'immigration de ce pays (Bulletin périodique de la Presse américaine. Deuxième partie. Affaires intérieures. Ministère des Affaires étrangères. Paris, n° 255, 21 mai 1929, p. 12).

P. R.

Emigration mexicaine vers les Etats-Unis. — Tandis que l'émigration européenne vers les États-Unis a notablement diminué par suite des lois bien connues qui la limitent, l'émigration mexicaine qui n'est pas entravée a pu augmenter notablement. En 1890, il y avait 67.000 Mexicains aux États-Unis. En 1920, ce chiffre s'élevait à 486.418 ; en décembre 1926, à 890.746. On estime qu'actuellement il doit être d'un million et demi. Le nombre des émigranls mexicains aux États-Unis s'est élevé environ à 66.000 en 1926 et à 57.000 en 1927. Des champs de coton du Texas, les émigrants passent dans les champs de betteraves du Colorado et du Michigan et se portent ensuite dans les districts industriels de Chicago et Détroit. Le quartier mexicain de la plus grande partie des cités de l'ouest a eu dans ces dernières années un notable accroissement. Dans le comté de Los Angeles vivent 250.000 Mexicains; dans la ville de San Antonio sur 250.000 habitants, environ un tiers sont mexicains. Comme elle est composée en partie d'Indiens et de métis, cette émigration commence à préoccuper, mais l'extension à celle-ci des lois limitatives est repoussée par de nombreux agriculteurs et éleveurs du Texas, de la Californie, de l'Arizona, du Nouveau-Mexique, du Colorado, de l'Utah et de Nevada, qui voient en elle un apport de main-d'oeuvre à bon marché (Geographische Zeitschrift. Leipzig, 1928).

P. L.

Future distribution de la population aux Etals-Unis. — La Scripps Foundation prédit pour 1975 de curieuses modifications dans la composition du peuple des Etals-Unis. Le nombre des blancs nés dans le pays augmentera de 77 à 85 0/0, tandis que celui de ceux nés à l'étranger diminuerait de 13 à 6 0/0 et celui des nègres de 10 à 9 0/0.

Le groupe des habitants au-dessous de 15 ans forme actuellement le tiers de

I. Au lieu de 23567.


MÉLANGES ET NOUVELLES AMÉRICANISTES 289

la population, il n'en sera que le quart en 1975 et celui des habitants au-dessus de 50 ans passerait de 1/6 à 1/4.

La population urbaine (51 0/0, 1928) montera à 69 0/0 (1975), mais les pertes de l'agriculture seront bien plus importantes, car il y aura de plus en plus d'ouvriers des villes habitant les campagnes dans les grandes banlieues, où la culture ne pourra utiliser leurs bras.

H. V.-B.

La population du Honduras. — D'après le recensement du 26 décembre 1926, la population du Honduras se répartirait ainsi :

Départements. 1910. 1926.

Tegucigalpa 81.814 88.605

Gracias 49.955 55'. 848

Copân 40.282 56.043

Choluleca 45.817 55.024

Olancho 43.368 47.477

Santa. Barbara 39.064 54.620

El Paraiso 42.118 44.499

Comayagua 26.339 36.408

Intibucâ 27.285 30.863

La Paz 28.76i 35.221

Cortès 23.559 44.278

Ocotepeque 28.090 30.993

Va lie 30.479 30.763

Yoro 18.926 32.683

Allântida 11.372 31.964

Colon 11.191 19.891

Islas de la Bahia 4.893 5.631

Total 553.446 700.811

Les différentes nationalités sont représentées de la façon suivante dans cet ensemble :

Habitants du Honduras 666.097 Salvadoriens 13.452

Guatémaliens 8.358

Anglais 4.196

Nicaraguayens 3.162

Nord-Américains 2.160

Divers 3.366

(Ihero-anierikanisches Archiv. Berlin, t. III, 1929, p. 107).

P. L.

La population du Venezuela. — D'après les chiffres publiés parle service de la statistique des États-Unis du Venezuela, lors du dernier recensement national,voici quelle est, par état, la population du pays, en 1926, comparativement Société des Américanistes de Paris. 19


290 SOCIÉTÉ DES AMÉRICANISTES DE PARIS

à ce qu'elle était en 1920 (les chiffres se rapportant aux Indiens sont inclus dans le chiffre total) :

1920. ' 1926. Indiens.

District fédéral 140.132 195.460

Anzoâtegui 103.573 129.791 15.994

Apure 39.187 58.499 15.500

Aragua 95.902 105.839

Bolivar 65.852 98.258 23.031

Carabobo 125.514 147.204

Cojedes 81.850 82.152

Falcôn 128.255 178.642

Guarico 122.190 125.282

Lara 219.816 271.369

Mérida 123.232 150.128

Miranda 174.266 189.572

Monagas 62.421 68.765 1.232

Nueva Esparta 56.035 69.392

Portuguesa 52.549 58.721

Sucre 150.211 216.476

Tachira 147.076 172.900

Trujillo 178.942 218.780

Yaracuy 108.022 122.836

Zamora 55.055 57.341

Zulia 119.458 222.613 18.538

Amazouas 48.940 60.276 50.500

Delta Amacuro 13.474 26.582 11.352

Total: 2.411.952 3.026.878 136.147

Parmi les étrangers résidant au Venezuela, on compte :

Colombiens 7.798

Anglais 6.541

Espagnols 5.796

Italiens 3.009

Nord-Américains 2.480

Français 1.965

Hollandais 1.905

Allemands 1.108

Voici enfin quelques chiffres concernant la population de quelques villes de plus de 10.000 habitants :

Caracas 135.253

Maracaibo 74.767

Valencia 36.804

Barquisimeto 23. 109

Cumanâ 18.737

Ciudad Bolivar 16.762

(Ibero-amerikanisches Archiv. Berlin, t. III, 1929, p. 105-106).

P. L.


MÉLANGES ET NOUVELLES AMÉRICANISTES 291

La population du Brésil en 1928. — Elle peut être calculée comme suit, la population et la surface étant évaluées en unités de mille :

États de la Fédération. Population. Surface Densité

en k™ 2. par k™s.

Amazonas 430 1.825 0,235

Para 1.385 1.362 1,016

Maranhâo 1.120 346 3,234

Piauhy 795 246 3,237

Cearâ 1.615 149 10,868

Rio Grande do Norte 720 52 13,737

Parahyba * 1.315 56 23,515

Pernambuco 2.810 99 28,311

Alagoas 1.220 29 42,700

Sergipe 540 22 25,055

Bahia 4.100 529 7,763

Espirito Santo 640 44 14,322

Rio de Janeiro 1.970 42 46,457

Districto fédéral 1.460 I 1.251,071

SâoPaolo 6.225 247 25,178

Paranâ • 980 200 4,952

Santa Catharina 920 95 9,685

Rio Grande do Sul 2.900 285 10,165

Matto Grosso 340 1.477 0,230

Goyaz 690 660 1,044

Minas Geraes 7.410 594 12,478

Acre (Territorio) 110 148 0,743

Total : 39.695 8.511 4,663

En tenant compte de la progression qui a été constatée au cours des deux derniers recensements, on en déduit que le Brésil devrait atteindre 42 millions d'habitants en 1930,56 millions en 1940, et 76 millions en 1950, avec une densité de 9 habitants par kilomètre carré.

Des 13 états sud-américains, quatre ont une densité de population par km 2 supérieure à celle du Brésil : l'Uruguay, 8, 2; l'Equateur, 6, 6 ; le Chili 5, 9 et la Colombie 5,6; l'Argentine a une densité de population de 3,2 par km 2 (Le Vie d'Ilalia e dell'America latina. Milan, t. VI, 1929, p. 114).

P. L.

Extinction progressive des Indiens de l'Araguaya. — Le R. P. Andrin, supérieur du poste de mission de Porto-Nacional, qui vient d'être nommé en même qualité à Conceiçao-do-Araguaya (Brésil) a adressé aux Missions Dominicaines avant son départ une lettre dans laquelle il déplore la rapide disparition de la population indienne de cette région amazonienne. « On ne peut le nier,


292 SOCIÉTÉ DES AMÉRICANISTES DE PARIS

celte race, dit-il, s'éteint peu à peu. Pour vous en donner une idée, qu'il me suffise de vous dire que le P. Gilles Villanova, en 1896, évaluait le nombre des Cayapos entre 5 et 6000. Dix ans après, en 1906, quand j'arrivai à l'Araguaya, j'estimai leur nombre entre 1500 et 2000. Actuellement, nous n'en connaissons qu'une cinquantaine ».

« Les Carajas se sont maintenus plus nombreux sur leurs plages, mais tout en diminuant aussi d'une façon étonnante. Les Carajas-Chambioâs, par exemple, qui constituaient d'immenses aldeias au temps des missionnaires Capucins (1860-1880), ont complètement disparu. Les Cherentès, les Carahos, les Apinagès, les Javahès ont suivi la même loi » (Les Missions Dominicaines. Paris, Kain, t. VIII, n° 3, mars 1929, p. 90).

P. L.

La population du Paraguay en 1926. — Le nombre des habitants a été calculé d'après le recensement des agents locaux de la Direction de l'Agriculture pour le Paraguay oriental, d'après une simple estimation pour le Chaco. Un recensement soigné dans le vrai sens du mot n'a été exécuté au Paraguay qu'en 1896. Les habitants de la capitale étaient, en 1926, 103.750 et ceux des dix régions entre lesquelles se divise le pays, 791.469 :

Central 139.706

Paraguari 85.744

Cordillera 101.750

Guaira 115.419

Encarnaciôn 86.705

Misiones . 32.189

Sud 39.632

San Pedro 43.580

Concepciôn 33.846

Alto Paranâ 9.148

Il faut ajouter ensuite les 37.500 habitants du Chaco (7.500 blancs et 30.000 indigènes), de sorte que la population totale du Paraguay se compose de 818.969 habitants (Pelermanns Mitteilungen. Gotha, 1928).

P. L.

L'immigration en Argentine. — L'excédent de l'immigration sur l'émigragration a été, pour la période de cinq ans 1923-1927, de 554.446 unités. Ce chiffre n'a été dépassé que deux fois : 582,824 pour la période 1903-1907 et 866.831 pour la période 1908-1912; toutefois, il ne répond pas encore aux possibilités économiques du pays. La presse argentine fait en effet remarquer qu'il y a un très grand, un trop grand nombre de rapatriements. C'est ainsi que de 1878 à 1927, 10.034.147 immigrants ont débarqué en Argentine, mais 6.391.052 se sont rembarques, d'où un bénéfice réel de 3.643.095, soit à peine 36 0/0 de l'immigration totale. En plus, l'immigration italieni.e est en déclin. Au cours des dix premiers mois de 1928, le nombre des immigrants italiens a été inférieur de 33.561 au chiffre atteint pendant la période correspondante de 1927 (55.641 contre 22.080). La diminution porte d'ailleurs sur l'ensemble des immigrants. Du lor janvier au 30 octobre 1927, 121.515 passagers de 2e et 3e classes ont débarqué dans les ports argentins, alors que, pendant la même période de 1928,


MÉLANGES ET NOUVELLES AMÉRICANISTES 293

ce chiffre est tombé à 92.362. Voici les chiffres comparés pour les immigrants des pays germaniques et anglo-saxons.

1927 1928

(janvier-octobre) (janvier-octobre)

Allemagne 4.285 3.309

Grande-Bretagne 820 779

Suisse 519 393

Danemark 597 338

P. R.

Démographie chilienne. — Le Chili compte 4.000.000 environ d'habitants pour une superficie de 740.000 km 2. On calcule que ce nombre pourrait, sans surpeuplement, être porté à 10 ou 12 millions. La mortalité par tuberculose est malheureusement très forte. Elle représente 50 0/0 et plus de la mortalité totale chez les enfants. Au cours de février 1929, sur 147 décès d'enfants de moins de 2 ans, survenus à Santiago, 142 ont été le résultat d'affections pulmonaires. Le Chili aurait besoin d'une grosse immigration. Il est à craindre cependant que le courant des émigrants ne se dirige sur ce pays que lorsque l'Argentine et le Sud du Brésil auront fait leur plein de population.

P. R.

La préhistoire en Alaska. — Les fouilles de M. H. B. Collins (cf. Journal, t. XX, p. 407) dans l'île Saint-Lawrence, en 1928, ont été très fructueuses. L'explorateur a pu recouper un mound d'environ 7 mètres de haut, qui avait été le site de plusieurs villages Eskimo successifs au cours des siècles. La couche inférieure était à près de 6 mètres au-dessous du niveau des hautes marées actuelles ; il y a eu affaissement du sol depuis la fondation, certainement prérusse, du premier établissement. On y a trouvé quelques cadavres conservés dans la glace avec leurs vêtements de fourrures et de plumages.

Ce qui est le plus frappant dans l'ensemble des résultats, c'est l'art décoratif, qui, même dans ses manifestations les plus simples et aussi dans les plus récentes, est bien supérieur à tout ce que l'on connaît chez les Eskimo actuels.

H. V.-B.

Expédition au fleuve Mackenzie. — Le professeur R. Ruggles Gates de l'Université de Londres, accompagné de K. Mellanby, botaniste, est parti le 23 juin pour le Canada où il va explorer le fleuve Mackenzie au point de vue anthropologique et botanique.

P. R.

Etude des Indiens de Californie. — John H. Harrington, du Bureau d'Ethnologie américaine, est parti le 11 juillet 1928 pour continuer ses études sur les Indiens des Missions de Californie.

P. R.


294 SOCIÉTÉ DES AMÉRICANISTES DE PARIS

Enquêtes linguistiques en Amérique du Nord.'— Sous les auspicesdu Déparlement d'anthropologie de l'Université de Washingtoneldu Comité de recherches sur les langues indiennes américaines, les enquêtes linguistiques suivantes ont été faites en 1928 : par Thelma Adamson, sur le dialecte Salish parlé sur la rivière Noolsak du nord-ouest de Washington, par Melville Jacobs sur le Santian Kalapuya, le Yonkalla Salapuya et le Molale, de l'Orégon occidental.

P. R.

Etudes sur les Algonquins. — Truinan Michelson, du Bureau d'Ethnologie américaine, a quitté Washington le 6 juillet 1928 pour aller continuer ses recherches sur les tribus algonquines de l'Oklahoma et de ITowa.

P. R,

Traces de l'homme préhistorique aux Etats-Unis. — A Folsom (NouveauMexique), des pointes de flèches en pierre ont été trouvées en compagnie d'os de bisons fossiles, dont l'espèce est éteinte depuis des centaines de siècles. M. Neil Judd de la Smithsonian Institution suit les fouilles de près, et M. Oliver Hay a examiné les os de bisons. La position stratigraphique semble être indiscutable et indiquer une formation extrêmement ancienne.

H. V.-B.

Reconnaissance archéologique dans les comtés Coconino el Navajo. ■— Lyndon L. Margrave, du Musée de l'Arizona septentrional, et A. E. Douglass, directeur de l'Observatoire Steward de l'Université d'Arizona, sont allés reconnaître les ruines des comtés Coconino et Navajo en vue d'explorations ultérieures.

P. R.

Les gisements aurifères des Aztèques. — D'après l'ingénieur mexicain Emilio F. Nolle, les dépôts d'or métallique exploités par les empereurs du Mexique, dont la richesse légendaire est encore une tradition tenace dans le peuple, se trouvaient dans l'État d'Oaxaca, sur le versant atlantique, tandis que les gisements exploités par les rois Tarasques auraient été situés entre Manzanillo et la province de Zacatecas, sur le versant pacifique. Le métal précieux était abondant à fleur de terre et les sables des torrents donnent encore facilement des pépites par lavage à la baltée.

M. Nolle pense que les « ayacalas ou mumuxtles » des Etats de Michoacan, Guerrero, Oaxaca et Chiapas recèlent encore des trésors inestimables que les Espagnols n'ont pu découvrir, tant le secret a été bien gardé par les indigènes au temps de la conquête (Le Vie d'italia e deliAmerica lalina. Milan, t. VI, 1929, p. 224).

II. V.-B.


MÉLANGES ET NOUVELLES AMÉRICANISTES 295

Fouilles archéologiques en Oaxaca. — Le projet de la Société des Études historiques concernant les fouilles et la restauration des fameuses ruines de Monte Albaii de Oaxaca a été approuvé par le Service archéologique compétent. L'Etat s'est engagé pour sa part à réparer et à maintenir en bon état la route qui conduit à la zone archéologique (Le Vie d'Italia e delV Ame'rica lalina. Milan, t. VI, 1929, p. 110).

P. L.

Chronologie Maya. — Le Figaro, du 17 juin 1929, reproduit les extraits suivants d'un article paru dans La Prensa de Buenos Aires :

« M. Virgilio Rodriguez Beteta rend compte d'une découverte que vient de faire au Guatemala le docteur Walter Lehmann, du musée de Berlin et de Dahlem, découverte qui met aux prises en Amérique et en Allemagne les savants et les érudits adonnés aux études pré-colombiennes.

Le docteur Lehmann a trouvé au Guatemala les deux plus antiques monuments maya actuellement connus. Jusqu'à présent, on considérait que les deux plus anciens vestiges de cette lointaine civilisation étaient la stèle n° 25 des ruines du monument « El Naranjo », au Peten (au sud du Mexique), et d'Idole de San Andrès de Tuatla (Etal de Vera-Gruz). D'après les inscriptions déchiffrées, les pierres-découvertes par Lehmann ont cent trente ans de plus.

Ces pierres ont été trouvées, l'une au Baul, linca de café el d'élevage située dans le département d'Escuintla, et appartenant à M. Herrera. Pour celle raison, le docteur Lehmann la désigne sous le nom de « Pierre Herrera ».

La seconde, la « pierre Schluback », porte également le nom du propriétaire allemand de la finca San Rosario Bolas de Oro, près de Quezaltenango, où elle a été trouvée.

Curieuse particularité : dans les lieux où ont été trouvées ces deux pierres, on n'avait jamais encore relevé de traces de la civilisation maya. On croyait que ces régions n'avaient subi qu'une influence purement néololtèque, le centre de celle influence étant les ruines de Santa Lucia de Colzunialhuapa, à 22 lieues de la capitale du pays : Guatemala.

Les pierres Herrera et Schluback sont de la même époque que le temple prémaya récemment découvert au nord-ouest du Peten par l'Américain Ricketson, de l'expédition Carnegie.

Ainsi la nouvelle découverte confirmerait la théorie d'après laquelle le Guatemala ne serait pas seulement le centre de la première civilisation maya que l'on peut appeler « de la sculpture », car cet art en fut l'expression (de même que l'architecture fut celui de la seconde civilisation dont le Yucatân conserve les traces). Mais on peut en déduire qu'au Guatemala se trouvent les premiers vestiges de la civilisation qui précéda immédiatement celle des Maya ; en d'autres termes, que la civilisation maya fut le produit de celle ou de celles qui s'étaient développées au Guatemala.

. C'est la théorie du docteur Lehmann. Elle est âprement combattue par l'Américain Morley qui doute de l'origine pré-maya de ces pierres, dont le mauvais état rend l'étude difficile.


296 SOCIÉTÉ DES AMÉRICANISTES DE PARIS

La « pierre Herrera » a 2 mètres de hauteur. Elle porte à gauche uneinscriplion de deux lignes, dont les hiéroglyphes (longuement détaillés et expliqués dans le bel article de M. Rodriguez Beteta) se traduisent par : El dia 12 E B a los 3413 anos y 297 dias (jour douzième du mois E B la 3.143e année et

297 jours).'

Cette date est la plus ancienne connue sur un monument maya.

La sculpture représente une figure d'homme richement A'êtu, portant sur la tête un somptueux ornement de style serpentin (toujours le serpent maya empenné). Figure de prêtre, sans doute, à cause du bâton recourbé, sorte de crosse, qu'il tient.

La « pierre Schluback » est très mutilée. Elle a plus de deux mètres de haut.

La dispute entre les savants américains et allemands porte sur l'interprétation de la chronologie maya.

Si l'on adopte la théorie allemande — qui semble la plus juste — ces pierres dateraient de l'époque mérovingienne en France.

Mais le vrai mystère n'est pas là ; il est dans le point de départ de ces 3.143 ans. D'où commencent-ils à compter ? A quel formidable événement se rapportent-ils ? A un phénomène astronomique ? A quelque catastrophe terrestre ?

Les Indiens, descendants de ces Maya, le savent peut-être... Ils en ont sans doute recueilli la tradition déformée. Mais ils gardent leur secret. Et quand on les interroge là-dessus, ils répondent seulement : Quien sabe ! ».

Expédition de l'Université Harvard au Yucatàn. — Cette expédition a pour but l'élude des maladies des peuples Maya du Yucatân. Elle comprend le Dr George C. Shattuck, le Dr Joseph C. Bequaert, le Dr Jack H. Sandground, le D 1' Kennelh Goodner el M. Byron L. Bennett. Elle est partie le 1er février 1929 et aura pour centre d'opérations les fameuses ruines de Chicben Itzâ. C'est la Fondation Carnegie de Washington quia fourni en partie les fonds de l'expédition. On espère que les observations qui seront faites pourront jeter quelque jour sur les causes de la disparition complète de la civilisation Maya à l'époque précolombienne (Science. New York, new séries, t. LXIX, 1929, p. 154).

P. B.

Trouvaille archéologique à la Guadeloupe. — La Dépêche coloniale du 5 décembre 1928 annonce que M. Raynal, planteur à la Guadeloupe, a découvert, en fouillant ses terres, des tessons et des armes en pierre taillée.

P. R.

Découverte archéologique en Colombie. — M. Leonardo Ramirez, fouilleur de « huacas », a rencontré une sépulture particulièrement riche dans l'hacienda La Marquesa, près de Popayân. A côté de très beaux objets en céramique et


MÉLANGES ET NOUVELLES AMÉRICANISTES 297

d'instruments en pierre, la tombe renfermait, dit El Tiempo de Bogota (3 janvier 1929), « un sartal de ramas de oro, especie de escudos dé oro macizo que representan un idolo ». Malheureusement la fouille a été faite sans aucun souci d'ordre scientifique.

P. R.

Nouvelles de M. de Wavrin. — Notre savant collègue continue à réaliser le programme qu'il s'était fixé pour sa nouvelle expédition en Amérique du Sud (cf. Journal, t. XIX, p. 121 ; t. XX, p. 414). Dans une lettre datée de Lima, 24 décembre 1928, il raconte la visite qu'il a faite aux ruines situées à Huainapichu, non loin de Machupichu. Ces ruines sont d'accès très difficile ; M. de Wavrin a pu en faire une description détaillée qui est jointe à sa lettre et qui sera publiée ultérieurement avec les photographies prises au cours de cette excursion. M. de Wavrin se préparait à la fin de 1928 à aller visiter les îles du guano, puis à un voyage dans le nord du Pérou, qui durera 2 ou 3 mois. Ensuite, il compte aller dans la région des mines du haut Pérou pour gagner de là les hauts affluents de l'Amazone et rentrer par cette voie en France. Il espère être en Europe en août ou en septembre 1929, à moins que des circonstances ne l'obligent à relarder son retour jusqu'en avril ou mai 1930.

P. R.

Traversée de l'Amérique du Sud en automobile. — M. Roger Courfeville, ingénieur français, accompagné de sa femme et d'un mécanicien brésilien, a effectué la traversée en automobile du continent de l'Amérique du Sud, au cours" d'un voyage de onze mois. Il a parcouru le Brésil, la Bolivie et le Pérou en traversant les déserts du Matto Grosso et la Cordillère des Andes (La Géographie. Paris, t. L, 1928, p. 120).

X o J-J.

Voyage d'études dans le Goyaz. — M. le Dr J. Vellard est parti vers la fin d'avril pour le Goyaz dont il étudiera la faune et la dore et en même temps les tribus indiennes, notamment les Karaja, les Kayapô, les Tapirape et les Chavanté. Le Dr Vellard compte gagner le sud de Goyaz par le chemin de fer de Sâo Paulo, puis du terminus atteindre la capitale du Goyaz. De là, il se rendra à Santa Leopoldina et descendra l'Araguaya jusqu'à Conceiçâo do Araguaya, où une mission de dominicains qui y est installée lui facilitera sa tâche. De Conceiçâo, il descendra par le fleuve, jusqu'à son confluent avec le Tocantins, à S. Joâo do Araguaya, d'où il atteindra Belem do Para. Cetle mission est subventionnée par le Ministère de l'Instruction publique français, l'Académie des Sciences et le Muséum national d'histoire naturelle de Paris. Elle durera environ quatre mois.

P. R.

Nouvelles de l'expédition Fawcett. — Le sort de l'expédition Fawcett (cf.


298 SOCIÉTÉ DES AMÉRICANISTES DE PARIS

Journal, t. XVII, 1925, p. 359) semble être enfin fixé définitivement par le C1 Dyott. Celui-ci, partant de la rivière Cuyabâ, affluent du Paraguay, et ayant atteint la rivière Kuluene, une des branches dont la réunion forme le haut Xingû, apprit là que le colonel Fawcett, son fils etleur compagnon avaient été massacrés en juillet 1925 à 5 jours de marche à l'est de la rivière. Le G1 Dyott suivit les traces de l'expédition pendant quelque temps, mais devant l'hostilité des indigènes, dut battre précipitamment en retraite par le Xingû (Nature, 24 novembre 1928).

Le Geographical Journal a émis cependant un certain doute sur les points fixés dans le croquis du G1 Dyott; certains seraient assez éloignés des coordonnées du colonel Fawcett qui y était déjà passé.

H. V.-B.

Envoi d'une mission scientifique italienne dans le bassin de l'Amazone. — Voici les détails que les journaux de Rio de Janeiro donnent sur la constitution d'une mission scientifique italienne qui, sous la direction du professeur Alfredo Batelli, se propose d'explorer la région comprise entre la Cordillère des Andes, le Rio Negro et le Rio Madeira (cf. Journal, t. XX, p. 415) : Cette mission est composée de M. Enrico Maltini, minéralogiste, premier explorateur des régions sauvages du Mexique ; le Dr Tulio Boschetti, spécialiste des questions agraires, secrétaire, photographe et opérateur cinématographique de l'expédition ; le D 1' Felippe Rizzola, professeur d'anthropologie, spécialiste des maladies trocpicales ; M. Carlo Manetti, professeur de zoologie et de botanique à l'Institut technique de Rome ; Mme Batelli, femme du chef de l'expédition qui a accompagné son mari dans ses voyages en Afrique et à qui sera confiée la partie administrative ; M. Guido Mario Gibelli, spécialiste de pisciculture, qui compte étudier les applications industrielles de la faune aquatique amazonienne; le capitaine Keller, aviateur, et le radiotélégraphiste Veronese.

Le professeur Batelli pense rester trois ans dans l'Amazone, dont il veut étudier en détail les indigènes, la flore et la faune ; il dispose d'un aéroplane muni de mitrailleuse, de trois embarcations à moteur, d'appareils cinématographiques et radiotélégraphiques et d'un capital de 2 millions de lires. Comme le coût total de l'expédition sera d'environ 15 millions de lires, il espère gagner les 13 millions qui lui manquent par la vente des produits et articles rares qu'il enverra en Amérique du Nord et en Europe.

P. L.

Expédition scientifique américano-brésilienne. — Sous ce titre, une expédition comprenant 26 membres, dirigée par un ingénieur brésilien, J. Calvao, se propose d'explorer les plateaux du Brésil central pour y rechercher les traces de la colonisalion préhistorique de celle région par des tribus venues d'Asie mineure (!). Les frais de l'expédition seront couverts par la Société géographique de Rio et par le gouvernement du Brésil. Le but principal est l'exploration du cours supérieur de l'Aripuana.

P. R.


MÉLANGES ET NOUVELLES AMÉRICANISTES 299

Études des Nègres Bosh. — Melville Ilerskovits et Morton Kahn ont étudié au cours de l'été 1928 les Djuka de la Guyane hollandaise (cf. Journal, t. XX, p. 415). Le premier de ces savants est reparti, à la tête de la 2e expédition de la Northwestern University, le 14 juin 1929, pour la même région.

P. R.

Expédition dans le haut Orénoque. — M. el Mme Herbert Spencer Dickey sont partis le 1er avril 1928 pour aller étudier les Indiens Piaroa. Cette expédition appelée expédition Thea Heye-Dickey a été organisée sous les auspices du Musée de l'Indien américain, Fondation Heye.

Le 25 avril 1929, M. Herbert Spencer Dickey est reparti pour la même région et sous les mêmes auspices, pour étudier une tribu d'Indiens blancs signalée sur le haut Orénoque.

P. R.

La Bibliothèque de la Maison des nations américaines. — Le Comité FranceAmérique a décidé de construire, derrière l'hôtel où réside la « Maison des nations américaines », une bibliothèque importante.

Le nouveau bâtiment comprendra une grande salle — qui aura douze mètres de hauteur —, un salon de lecture, un salon de correspondance el des réserves où pourront être classés deux cent mille volumes.

Celte bibliothèque sera spécialement destinée à grouper tous les ouvrages relatifs au passé et au présent des vingt-deux nations d'Amérique. , Elle comportera notamment : une section Amérique latine, une section EtatsUnis, une section Brésil et une section Canada.

Pour notre part, nous ne pouvons que regretter la création de cette nouvelle bibliothèque américaniste à Paris, qui ne peut faire que double emploi avec la Bibliothèque de la Société des Américanistes et avec la Bibliothèque américaine de la rue de l'Elysée. Au lieu de disperser ainsi les efforts, n'aurait-il pas mieux valu les centraliser et les associer? Les Américains eux-mêmes ne seront-ils pas surpris de cette multiplicité d'organismes identiques, qui ne peuvent que se nuire réciproquement?

P. R.

L'Américanisme en Espagne. — L'Université de Valladolid a été la première qui ait formé en Espagne une « Section des études américanistes » ; elle est administrée par un Comité de quatre professeurs, choisis chacun par une des quatre facultés; le directeur actuel est le prof. Camilo Barcia Trelles (Droit international) ; le but de la Section est « l'étude de tous les problèmes qui intéressent le Nouveau Monde sous toutes les formes » ; le nombre des auditeurs est de près de 500 ; les publications commencées en 1924 comprennent actuellement 12 ouvrages qui nous montrent que, à Valladolid, le mot « Américanisme » prend une acception bien plus large qu'ailleurs, car, sauf les publications nos 1 et 5 et


-vl

300 SOCIÉTÉ DES AMÉRICANISTES DE PARIS

une petite portion des nos 10 et 11, le droit actuel et la politique d'après-guerre sont les sujets préférés. Il serait plus exact de donner à la Section d'études l'adjectif d' « américaines » que celui d' « américanistes ».

H. V.-B.

Cours d'archéologie américaine en Italie. — Le D' G. V. Callegari, qui avait inauguré ce cours en 1928 à l'Université catholique de Milan, le continue en 1929. La lie leçon, qui a eu lieu le 15 janvier, a été consacrée à un rappel rapide du sujet de 1928 et à l'exposition d'un résumé du programme de 1929 lequel comprendra : 1° Les origines de l'homme américain : théories les plus répandues et'les plus autorisées ; 2° Préhistoire : distribution géographique des principaux centres de civilisation paléolithique et néolithique, tumuli et cavernes ; 3° Les Pueblos : vie, sociologie, art ; 4° Sources historiques indigènes et européennes les plus importantes pour l'étude de la civilisation précolombienne, en tenant compte de celles existant dans les bibliothèques de l'État et faciles à consulter ; 5° Distribution géographique des plus importantes civilisations : Nahua, Préaztèque, Aztèque ; organisation sociale, religion, coutumes, art, etc. ; synthèse rapide de l'histoire jusqu'à la conquête espagnole (1521).

H. V.-B.

La coopération dans les recherches archéologiques aux Etats-Unis. — Parmi les nombreux comités dont se compose le Conseil national de recherches à Washington, il existe une commission de 10 archéologues, qui cherche à diriger et coordonner les efforts des divers États dans l'étude des problèmes archéologiques de l'Amérique du Nord.

Son 7e rapport annuel vient de paraître dans VAmerican Anthropologisl (Menasha, Wis., t. XXXI, n° 2, avril-juin 1929) ; il n'occupe pas moins de 29 pages et contient sous la forme la plus succincte les rapports des travaux exécutés par 40 institutions diverses, musées, universités, sociétés, etc., dans 24 États, et au Canada.

Ce résumé est du plus grand intérêt, tant pour sa valeur intrinsèque que comme preuve palpable de l'utilité d'une entente et d'une direction dans des recherches autrefois dispersées.

Parmi les trouvailles sensationnelles, citons : la découverte de Folsom, Nouveau Mexique, confirmant la contemporanéité de l'homme et d'un bison fossile du pleistocène (?) ; la très ancienne civilisation Eskimo de l'île Saint-Lawrence, trouvée sur quelques points au-dessous du niveau des hautes mers el indiquant une dégénérescence artistique et technique des habitants actuels.

H. V.-B.

Legs el dons pour l'anthropologie et l'archéologie. — M. Frederick G. Voss, directeur de Compagnies d'assurances, récemment décédé, a légué à l'« American Muséum of natural his tory » de New York la nue propriété de capitaux


MÉLANGES ET NOUVELLES AMÉRICANISTES 301

s'élevanl à plus de 500.000 dollars. A la mort, des usufruitiers, ces sommes seront affectées à un fonds destiné au développement des recherches anthropologiques et archéologiques du Muséum.

D'autre part, ce même Musée, qui avait déjà donné en 1923 aux autorités fédérales l'« Aztec Ruin » ou du moins la plus importante et la mieux conservée des maisons en ruines de ce groupe, vient de tripler l'étendue de ce site en le complétant, et l'ensemble a été accepté par le présidenL Coolidge le 21 juillet 1928 sous le nom d'« Aztec ruin Monument ».

Le laboratoire d'anthropologie à Santa Fé (N. M.) a reçu de M. John D. Rockefeller, Jr, 200.000 $ pour bâtir et équiper son premier bâtiment ; de plus, M. J. D. Rockefeller s'est engagé à verser durant cinq années à partir de 1930, 20.000, 20.000, 15.000, 10.000 et 5.000 $ respectivement et aussi, en cas de dons d'autres sources, à verser chaque année une somme égale à ces dons jusqu'à concurrence de la moitié de la différence entre le revenu qu'il a fixé pour l'année correspondante et 40.000 $.

Le terrain pour cette construction a été donné par Mllos M. et E. White et M. F. C. Wilson. Ce laboratoire ne cherchera pas à remplacer le Musée ni l'Université de l'État, ni l'Ecole de recherches américanistes, mais à coopérer avec ces Institutions.

H. V.-B.

24e Congrès international des Américanistes. — Le 23r Congrès, qui s'est tenu à New York en septembre 1928, a décidé que le'24" Congrès se tiendrait à Hambourg, en 1930. Nous communiquerons tous détails utiles à nos collègues dès qu'ils nous seront parvenus.

P. R.

7e Congrès scientifique américain. ■—■ Cet important congrès se tiendra à San José, Costa Rica, en 1929.

P. R.

Congrès international d'archéologie. — Ce congrès, dont les trois premières réunions ont eu lieu à Athènes, puis au Caire et enfin à Rome en 1912, se tiendra à Barcelone du 23 au 29 septembre 1929, sous la présidence d'honneur du Marquis de Foronda, directeur de l'Exposition internationale de Barcelone, et sous la présidence effective du duc de Berwick et d'Alba, directeur de l'Académie royale d'histoire. La cotisation est de 10 pesetas. Les adhésions doivent être adressées au « Secretariado del IV Gongreso internacional de arqueologîa, Universidad, Barcelona ».

P. R.

Congrès international d'histoire de l'Espagne. — Ce Congrès aura lieu à Barcelone, dans la première quinzaine de novembre 1929, sous la présidence


302 SOCIÉTÉ DES AMÉRICANISTES DE PARIS

du duc d'Alba. La cotisation est fixée à 25 pesetas. Les adhésions doivent être adressées au Comité exécutif, siégeant à la Royale Académie de l'histoire, 21, rue Leôn, à Madrid.

P. R.

Linguislic Society of America. — Le 5e Congrès annuel de celle importante société s'est tenu à New York du 26 au 28 décembre 1928. Voici les titres des communications qui ont été faites sur des questions américanistes :

Wagner (Guenter K.). The sex-gender of the Yuchi language ; Angulo (Jaime de). 77ie relation of Mixe lo the Penulian fami-ly; Jacobs (Melville). The relation of Molale lo Sahaptin and Klamalh; Geer (Ina May). Some notes on South Dakota pronuncialion; Boas (Franz). The classification of American Indian languages ; Sapir (Edward). 77ie nature of the Athabaskan noun and verb ; Andrade (M. J.). Inlerrelalions of pilch, stress, and quanlily in Quileule

Quileule Luria (Max A.). Judeo-spanish dialects of New York cily ; Jochelson (Waldemar). Modifications of the noun and the verb in Ihe

language of the Kamchadal; Michelson (Truman). Some Algonquian phonelic shifls ; Radin (Paul). The Zapotec language of Oaxaca ; Swanton (John R.).A newly discovered dialecl in the Gnlf area.

P. R.

Ecole de dames-guides pour la visite du Nouveau-Mexique. — Quand la Compagnie du chemin de fer de Santa Fé a organisé un service automobile pour permettre aux touristes la visite des Pueblos et Navajo, la nécessité d'avoir des guides instruits pour mettre en valeur les musées, villages, paysages de la région s'est A'ite imposée.

Le bureau d'éducation professionnelle de l'État du Nouveau-Mexique a poussé des dames dans cette carrière et organisé depuis 1926 des cours spéciaux avec l'aide de l'École de recherches américanistes, du Musée et de l'Université de l'Etat. En 1928, les cours théoriques et pratiques ont commencé le 7 novembre et ont duré deux semaines; dix dames ont reçu le diplôme. Les conférences ont été faites par MM. Bradfield (archéologie), K. Chapman (ethnologie et arts), S. Northrup (géologie), F. V. Scholes (histoire), H. Scott (architecture), H. B. Wales (forêts et pâturages). Des démonstrations pratiques de voyage ont été faites dans des excursions dans le Santa Fé canyon, à Puye et Pecos, à Taos, Rito de los FYijoles, etc.

H. V.-B.

Sociedad de amigos del Museo nacional de arqueologla, hislorla y elnografla. — Cette intéressante Société, dont le siège est à Mexico, la de la Moneda,


MÉLANGES ET NOUVELLES AMÉRICANISTES 303

nûm. 13, va entreprendre la publication des nombreux documents encore inédits relatifs à l'histoire de Mexico. Le premier tome aura pour titre : « Cledulario herâldico de conquistadores de Nueva Espana », volume in-8°, d'environ 300 pages. On peut souscrire dès maintenant au prix de 10 $ pour le Mexique et de 5 dollars pour l'étranger. Les demandes et les envois d'argent doivent être adressés soit à M. le Dr D. César Margâin, 4". Bucareli, 77, soit à M. D. José de J. Nûnez y Dominguez, Museo nacional de arqueologia, historia y etnografia, calle de la Moneda, 13.

P. R.

Université du Littoral. — La faculté de médecine de Rosario, qui fait partie de l'Universitédu Littoral, dont lesautres facultés sont réparties entre Santa Fé, Paranâ et Corrientes, vient de créer un Musée d'anthropologie et d'anatomie comparée, dont la direction a été confiée à M. le Dr Alfredo Castellanos. L'organe de ce Musée est le « Boletin del Museo de antropologia y anatomîa comparada », dont le 1er fascicule vient de paraître. L'adresse du nouvel établissement est à Rosario, avenida Francia y Santa Fé.

P. R.

La civilisation des Américains préhistoriques. — Le D'Albert Ernest Jenks a fait, le 18 avril 1929, à l'Université de Minnesota une conférence sur « Les recherches faites sur le terrain sur la civilisation des Américains préhistoriques », d'après les fouilles exécutées l'été dernier à Mimbres (Nouveau Mexique) par lui-même et'quatre étudiants, en collaboration avec M. Wesley Bradfield, du Musée de Santa Fé.

P. R.

Conférences de M. Vilhjalmur Stefannson. — Du 7 au 31 janvier 1929, M. Vilhjalmur Stefannson a fait à Huntington hall, à Boston, huit conférences sur le sujet suivant : « The Northward Course of discovery ». II a donné également, à partir du 2 janvier, douze conférences à Rumford Hall, à New York, sur « The history of géographie discovery », en s'occupant surtout de la découverte des régions polaires. En avril et en mai, il fera un cours semblable à l'Université de Cambridge en Angleterre : « The geographical history of the Arctic ». L'infatigable conférencier a enfin fait des séries de cinq conférences aux collèges Darthmouth, Tufts et Vassar.

P. R.

Ventes aux encfières d'objets d'art de l'Amérique précolombienne. —Déjà en 1927 et, en 1928, notre journal avait signalé les importantes occasions d'achat que l'hôtel Drouot avait présentées aux amateurs. Depuis notre dernière noie, M. André Portier a continué cette série dont il est devenu le spécialiste.

Voici un aperçu de ces vacations: 2e vente Ed. Uaenflein (15-16 octobre 1928),


304 SOCIÉTÉ DES AMÉRICANISTES DE PARIS

174 nos de l'ancien Pérou; notons parmi les poteries : n° 65, une belle tête de chef Chimu, 19 cm. dehaut., 1.400 fr. ; n° 68, vasezoomorphe de Recuay, 17 cm. de haut., 1.950 fr. ; parmi les tissus : n° 110, 3 fragments, 2.000 fr. ; n° 114, 5.000 fr. ; n" 111, 5 fragments, 1.650 fr. ; n° 119, 4 fragments, 3.550 fr. ; n° 130, poncho, 5.500 fr. ; parmi les bois : n° 135. 2 bâtons de chef, 2.040 fr. ; n° 141, ornement de barque, 1.450 fr.

Les 25 et 26 octobre 1928, 220 numéros d'objets anciens variés du Mexique, de la Colombie et surtout du Pérou ; le n° 1, Alaska, ornement en ardoise noire (barque à 3 personnages), s'est vendu 1.120 fr.

Les 13-14 novembre 1928, M. Portier présenta une série hors ligne de 151 nos d'objetsd'art du vieux Mexique, zapbtèques en majorité, sur la haute qualité desquels le Dr G. V. Callegari appelail l'attention dans sa préface au catalogue. Les prix payés furent eu rapport avec la valeur scientifique des pièces, alors que-dans les ventes précédentes, le point de vue esthétique avait parfois prédominé.

Poteries : n° 2, statuette noire, style mixe, 34 cm. de haut., 9.000 fr. ; n° 4, urne Tunéraire chinantèque, 40 cm. de haut., 9.000 fr. ; n" 16, urne funéraire mixtèque,38cm. dehaut., 6.200 fr. ; n° 22, même genre, 43 cm. de haut., 6.800 fr. ; urnes funéraireszapotèques: n° 24,59cm.de haut., 6.800 fr. ; n° 25, même haut., 6.500 fr. ; n° 26, 51 cm. de haut., 11.000 fr. ; n° 47, 67 cm. de haut., 8.200 fr. ; n°49, 60 cm.de haut., 5.900 fr. ; n° 52,54cm. de haut., 10.500 fr.; n° 53, 70 cm. de haut., 21.000 fr. ; n° 72, 34 cm. de haut., 9.200 fr. ; n° 61, masque de poterie rouge et grise de Tlaxcala, 26 cm. de haut., 8.500 fr.

Les pierres dures ont été très prisées : n° 76, masque huaxtèque, 26 cm. de haut., 10.500 fr. ; n°77, urne en albâtre, îleSacrificios, 20cm. de haut., 7.800 fr. ; n° 78, coupe en obsidienne, Texcoco, 13 cm. de long., 21.000 fr. ; masques de Tenochtitlan, n° 79, obsidienne, 11 cm. de haut.,9.000fr. ; n" 80, albâtre, 22 cm. de large, 9.000 fr. ; n°8l, une statuette en jadéite verte de Tenochtitlan, 28 cm. de haut., 34.000 fr. ; des fétiches zapoLèques : n" 104, jadéite grise, teintée de vert, 9 cm. de haut., 10.000 fr. ; n° 107, jadéite verte avec gris et rouille, 11 cm. de haut., 13^500 fr.

Parmi les scupltures en pierre, le n° 113, serpent enroulé, 20 cm. de diamètre, 5.900 fr. ; n° 115, Tlaloc(?), 36 cm. de haut., 9..900 fr. ; n° 117, statue assise, 25 cm. de haut., 10.500 fr. ; n° 125, joug tolonaque, 45 cm. de haut., 8.200 fr. ; u° 129, hache de cérémonie zapotèque, 29 cm. de haut., 14.000 fr.; n° 130, statuette, 25 cm. de haut., 5.600 fr. ; n° 135, Xipe, 35 cm. de haut,, 21.000 fr...

Dans les bijoux, les nos 140, fétiche en or, 6 cm. de haut., et 141, un labret en or, 7 cm. de haut., ont été poussés jusqu'à 15.000 fr. pièce, et un collier de femme, le n° 143, en or, jusqu'à 14.000 fr.

La lre vente Ed. Gaffron (10-11 décembre 1928) comprenait 248 nos du Pérou précolombien; elle semble avoir souffert d'une certaine saturation du marché; car, malgré leur origine et leur qualité, les objets présentés n'ont pas atteint des prix aussi élevés que dans la vente précédente, sauf le poncho de momie, n° 208, lm.X'2m. 10, 14.800 fr., et les objets en bois, tels les gouvernails, n° 156


MÉLANGES ET NOUVELLES AMÉRICANISTES • 305

1 m. 50 de haut., 3.400 fr. ; n° 158, 2 m. 03 de haut.., 3.400 fr. ; n° 159, lm. 95 dehaut., 5.700 fr., et les ornements de barque, n° 157, 2m. 28de haut., 2.400 fr.; n° 162, 84 cm. de haut., 3.900 fr., et n° 163, 92 cm. de haut., 4.100 fr.

H. V.-B.

La Basse-Californie change de forme. — Le golfe de Californie tendrait à empiéter sur les terres de la Basse-Californie avec une certaine rapidité, ainsi que l'avaient prédit les Jésuites qui évangélisèrent ce pays il y a deux siècles. Ils avaient constaté ce fait dans leur mission établie à l'entrée de la baie de Loreto et une expérience récente à ce même endroit a confirmé l'avancement des eaux. Une rangée d'arbres plantée, il y a 90 ans, à 3 mètres du bord, se trouve actuellement à 70 mètres dans la mer (Catholic Times, 4 janvier 1929).

H. V.-B.

Une queue de 7 ponces chez un enfant. — A Knoxville, état du Tennessee (E. U.), où précisément la doctrine de l'évolution a été déclarée anticonstitutionnelle, est née une fillette avec une queue de 7 pouces (178 mm.); elle se rapproche du record des 25 ou 30 cas connus, lequel est de 23 cm. chez un garçon de 12 ans dans l'Indo-Chine française. Le Dr A. H. Schulz, de John Hopkin University et Carnegie Institution, qui a étudié ce cas, fait remarquer que si les singes anthropoïdes n'ont pas de queue, les embryons humains en ont une, du sixième de la longueur de leur corps, qui disparaît en cours de développement ne laissant comme traces que les 4, 5 ou 6 petits os du coccyx. Précisément le Dr Gaide, médecin inspecteur des troupes coloniales, a publié dans le Bulletin des Amis du Vieux Hué (15e année, n° 2, avril-juin 1928, p. 101124) un travail sur la question des Mois à queue de l'Indo-Chine, où celte légende est si tenace; il conclut, non pas à un caractère racial comme on l'a cru, mais à de simples phénomènes individuels, ainsi que l'avait fait Bartels, et cite analyse anatomique et histologique, faite par M. Krempf, d'un de ces appendices, mesurant 19 cm. de long sur 35 mm. de diamètre: c'était un lipome à symétrie axiale.

H. V.-B.

Carie et rhumatisme. — Dans l'ancien Pérou comme dans l'Amérique moderne, la carie dentaire a été parfois attribuée au rhumatisme. Or, sur plusieurs centaines de crânes du Musée de San Diego, un seul, ayant appartenu à une femme et provenant de Cinco Cerros, Pérou, a été trouvé avec des lésions d'arthrite temporo-maxillaire et d'ostéo-périostite grave du maxillaire supérieur à gauche. Les dents du côté droit étaient incrustées de tarlre et il y avait des signes manifestes de pyorrhée (Science. New York, new séries, t. LXIX, n° 1787, 29 mars 1929, Supplément, p. xiv).

P. R.


306 SOCIÉTÉ DES AMÉRICANISTES DE PARIS

Collection ethnographique des Indiens de Colombie britannique. — M. et M" 10 A. C. Bossom ont prêté à l'Institut impérial de South Kensington, S. W. 7, leur magnifique collection de Colombie britannique pour être exposée du 27 mars au 20 mai 1929. L'exposition comprenait environ 1.500 objets, en bois, en métal, en os, en ivoire, en cuir et des paniers. Il n'y avait pas de poteries.

P. R.

Le phare de Christophe Colomb à Saint-Domingue. — Le projet, dont nous avons déjà parlé (cf. Journal, t. XIV, 1922, p. 257), de l'érection d'un phare à Santo Domingo, qui doit porter le tombeau de Christophe Colomb, entre dans la voie de la réalisation. La République de Saint-Domingue a ouvert à cet effet un crédit de 300.000 dollars et l'Union panaméricaine complétera la somme nécessaire. Un concours international est ouvert à cet effet.

P. R.

Un buste de Jiménez de la Espada. — Le sculpteur Coullaut Valera a ter_ miné le buste du grand américaniste espagnol, qui doit être placé à Carthagène, lieu de naissance du savant. Ce buste a été exposé pendant plusieurs jours au Musée des sciences naturelles de Madrid.

P. R.

Direction du Musée Peahody d'archéologie américaine et d'ethnologie. — Samuel K. Lothrop, nommé directeur du grand musée américain, le 1er septembre 1928, en remplacement de C.C. Willoughby, a donné sa démission en octobre 1928.

P. R.

Field Muséum of natural history. — Le Dr William H. McGovern, « assistant curator » d'ethnologie sud-américaine, a donné sa démission le 1er octobre 1928.

P. R.

Prix de la Société de géographie. — Parmi les lauréats de la Société de Géographie de Paris pour 1928, nous relevons avec plaisir le nom de notre collègue le R. Père Tastevin, qui a reçu le Prix Louise Bourbonnaud (médaille d'or). Nous lui adressons nos bien vives félicitations.

P. R.

Distinction honorifique. — C'est avec un bien grand plaisir que nous avons

relevé le nom de notre collègue, M. Maurice de Périgny, parmi les personnes

récemment promues au titre de chevalier de la Légion d'honneur. Nous lui

adressons nos plus affectueuses félicitations.

P. R.

MAÇON, PUOTA.T FRÈRES, IMPRIMEURS. — MCMXXIX.




, vrai poncho,-son origine postcolombienne (2 fig.). — E. SAPIR. Pilch accent in Sarcee, an Àtbabasean language. — A. HULTGREN. Microscopical investigation of a beïl from Mexico (1 planche). — G. de CRÉQUI-MONTFORT et P. RIVETV La langue Ùru ou Pukina (L carte). — R. RICARD. Sur-la politique des alliances dans la conquête du Mexique par Cortès. — L. CAPITAN. La 21e session du Congrès international des Américanistes-.— E. NOBDENSKIÔLD . Au sujet de quelques pointes, dites de harpons, provenant du delta, du Paranâ (2-fig;)./— L. C. van PANHUYS. Contribution à l'élude de la distribution de la serrure à chevilles. '" - ■ '■'

- .. :'';.. TOME XVIII (1926), xxv'i-537 p., 60 fr. f,l

J.'DE ANGULO. 'L'emploi de la notion d' « être » dans la langue Mixe*. ■— E.'C PARSONS. Cérémonial Tewa au Nouveau Mexiqye et eii Arizona. ■— M. DE VILLIERS.: Recettes'niédicales employées dans la région des Illinois vers 1724. R. RÏCABD.-Un document inédit sur les Augustins delà province du Mexique en 1-56.3. — E. NORDENSIOÔLD. Le ■ calcul des années et des mois dans'les quipuS péruviens (4 fig.) ; Miroirs conA'exes et concaves en Amérique. --— José GABCIA DE FREÏTÀS. OS Indios Parinlintin (1 fig.). — Sofus LARSEN. La décou-, verte de l'Amérique, vingt ans avant Christophe Colomb. — L- GIBAUX. Gra.

Gra. coloriées sur dents de morse des Esquimaux de l'Alaska (1 planche en couleurs, 1 fig;)..-— G. DE CRÉQOI-'MONTFÔRT et P. RIVET. La langue Uru ou Pukina [suite). ;^- P. RIVET. Les Malayo-Polynésiens en Amérique. — Wâlther STAUB. Le nord-est du Mexique et les Indiens delà Huaxtèque(l planche, 2 fig., 1. carte).— Argeu GUIMARÀES. OS Judeus portuguezes e brasileiros na America hespanhojai (1 fig.). '

'.. ToMii XIX (1927), .xxix-559 p., 60 fr.

J. de ANGULO. Texte en langue porno (Californie). — E. CONZEMIUS, Los Indios Payas de Honduras. Estudio geogrâfico, histôrico, elnogrâfico y lingùfstico. — G. de CRÉQUI-MONTFQRT et P. RIA^ET. La langue UrU ou Pukina (suite).— R..de KERALLAIN. Bougainville à l'escadre du comte d'Estaing, guerre d'Amé: rique, 1778-1779. —W. C. MACLEOD. Some social aspects of aboriginal american slavery. — A. MÉTRAUX. Migrations historiques des Tupi-Guàranî (1 carte) ; Le bâton de rythme. Contribution à l'étude des ^éléments de culture d'originemélanésienne en AmériqueduSud (1 fig., 1 carte). — G. MONTANDON. ,XUne descente chez les Havazoupaï du Cataract Canyon (1 carte, 1 fig., 8 planches). — ChY PEABODY, Red paint. — D. A. SMITH et Leslie SPIER. The dot and circle design in norlhwestern America (1 carte). — H. TRIMBORN.

. Die Glîederung der Stânde im Inka-Reich.

•:.''■ :; : TOME XX (1928), x;xxn-589 p., 60 fr.

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- E. CONZÉMIUS. Los Indios Payas de Honduras (suite). — R. de KÉRAIXAIN. Bougainville à l'armée du comle de Grasse, guerre d'Amérique, 1781-1782.,

, ' -— S. LINNÉ. Les recherches archéologiques de Nimuendajû au Brésil (1 carte, - 6 fig., 2 planches)., — R. LEHMANN-NJTSCHE. Le mot « gaucho », son origine '.:„ -gitane. — J. LOMBARD. Recherches sur les tribus indiennes qui occupaient le territoire de la Guyane française vers 1730 (d'après les documents" dé

. "l'époque) (2 cartes). — W. C. MACLEOD. The suttee in North America : ils antécédents and origin. — A. MÉTRAUX. Une découA'erte biologique des Indiens de rAmërique du Sud : la décoloration artificielle des plumes sur les oiseaux vivants (1 carte). — E. C. PABSONS. Spirit cuit in Hayti. — J. WILLIAMS. Thé Warau Indians of Guianaand vocabulary of their language., '

'NOTA. •— Chaque tope renferme en outre de nombreuses nouvelles américanistes,-des. analyses des travaux récemment parus se rapportant aux éludes américaines, et, depuisle tome XI, une bibliographie américanisle complète publiée sous la direction de M. P. Rivet.


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SOMMAIRE DU' TOM'E'XXI (F;asc.rl ),--,;; ;>- :. ;

' ' ! ■- ; -,' - ' ; . ^ .'; ■■• ' / J■>.-:<■■>!-';;■: .Pages

La Louisiane, histoire de son nom et de ses frontières successives (1681- -'

1S19). par M. de Villiers ' ;.. : ... . .:.-," 1

Nociônes sobre creencias, usos y costumbres, de los Catips. ..... .■',,",'-.. 71

Les Indiens Waitaka, par A. Métraux. ...... f '.'. ........... 107

' Linguà serentë, par C: Nimuendàjû............. . 127

Zur Sprache der Maué-Ipdianer, von C. Nimuendajû.. . . . .. . 131

Les rapports, entre l'art, là religion et Ta magie chez les Indiens Cuna

et Chocô, par E. Noïdénskiôld..., . .. : :'-' 141

El Morro, une page d'histoire sur un -rocher du Nouveau-Monde, par

1î.;-Bv;,Renaud'. ,,..'.., V,;/;'.. .....'/. '..........''. .,. : :■ .■. .';'.....,:;.,.. :159

C'apicûlturè;'indienne^ 1 par E. Nordensluôld. . . ..........: \\s. '. 169

Découverte "d'un singé d'apparence anthropoïde en Amérique du Sud, -

par G. Monlandon... * 183

The.ruins of Tlaloc, stale of Mexico, by C. G. Rickards ... ......... 197

The Warau Indians and vocabulary of their language (suite), by Rev.

-James Williams. .-........::.-. •..-.. ... .- , 201

- Actes de la Société (novembre"1928-mai- 1"929) 263

Nécrologie,; Pliny Earle Goddard (H. Vosy-Bourbon): Harry Hirtzel (R. Keon) ; René de Kerallain (M. de Villiers); Charles Flelcher Lumnis

(H.;Vôsy-,Boùrbon)-...; ,.. ; - '. .-.'.' 269

Mélanges et Nouvelles»américanistes.;. . .'.>. 275

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MACON;, rROTAT FRERES, IMPRIMEURS. MCMXXIX