QUESTIONS
DIPLOMATIQUES ET COLONIALES
LES ÉPREUVES DE L'ANGLETERRE
Nous voici dans la troisième année de la guerre; après les sanglants revers du début, les Anglais ont réoccupé les positions perdues; ils sont entrés dans les capitales des républiques boers; ils ont proclamé l'annexion de ces deux Etats, et, plusieurs fois déjà, déclaré que la lutte était achevée. Lord Roberts est venu triompher à Londres, où la foule excitée lui a fait une ovation que son expérience et ses pressentiments auraient peut-être souhaitée moins bruyante. Lord Kitchener, qui ne passe pas pour un temporiseur, a reçu carte blanche pour agir avec vigueur; il a fixé, pour la reddition définitive de ses adversaires des délais dont ceux-ci se sont gardés de profiter. Il est vrai, depuis longtemps ce n'est plus la grande guerre; mais c'est la guerilla perpétuelle, c'est l'insurrection dispersée, vigilante, insaisissable qui tend contre une armée régulière toutes les forces hostiles d'une race et d'un pays ; des troupes plus solides que celles de lord Kitchener n'y résistèrent pas, en Espagne, pendant le premier Empire.
Au mois d'octobre 1899, les journaux jingoïstes annonçaient que la campagne durerait quatre mois; qui pouvait penser, en effet, qu'une population de quelques centaines de mille âmes, femmes et enfants compris, s'opposerait plus de quelques semaines à la supériorité des armes anglaises? Le raid Jameson n'avait pas réussi ; il s'agissait de le rééditer, au compte du gouvernement cette fois, et de le mener à bien, presque sans coup férir. Or les meilleurs régiments de l'Angleterre ont été décimés, les généraux les plus réputés mis en échec avant que les envahisseurs eussent conquis un mille carré du territoire ennemi. Car les Boers n'avaient pas négligé de se préparer : ils s'étaient abondamment pourvus d'armes, de vivres, de munitions, et leur devoir était d'agir ainsi, puisqu'ils étaient édifiés sur les QUEST. DIPL. ET COL. — T. XII. — N° 116. — 16 DÉCEMBRE 1901. 43