QUESTIONS DIPLOMATIQUES ET COLONIALES
LA POLITIQUE ANGLAISE EN AFRIQUE OCCIDENTALE
Sir Frederick Lugard, Haut Commissaire britannique dans la Nigeria, qui fut jadis pour nos missions du haut Dahomey un si rude concurrent, vient de quitter Londres pour rejoindre son poste, et la presse d'outre-Manche a longuement envisagé à ce propos la situation actuelle de l'Angleterre au Niger et au lac Tchad.
Le moment est en effet venu pour cette puissance d'arrêter dans cette partie de l'Afrique une politique locale active et nette. Il est surprenant de constater aujourd'hui la valeur des territoires haoussas et nigériens qui forment les deux Nigeria et de mettre en regard la faiblesse de l'effort que l'Angleterre a fait pour les acquérir. Cet effort a été presque exclusivement diplomatique. Les deux traités franco-anglais qui lui ont reconnu les pays entre Niger et Tchad sont des victoires dont nos voisins peuvent tirer un légitime orgueil.
Que dire, en effet, aujourd'hui encore de cette fameuse déclaration de Londres du 5 août 1890 qui traça la ligne théorique de Say à Barroua comme limite entre l'expansion de notre Soudan et celle de la Compagnie royale du Niger, et qui attribua à cette dernière l'empire du Sokoto et tout ce qui en dépend « équitablement » ? Il n'y a pas dans toute notre histoire coloniale d'exemple aussi probant du danger des conventions précipitées laites sur des documents incertains ou trop rares. Les Anglais à celte époque n'étaient pas à Lokodja et cependant, à la tribune de la Chambre, le 4 novembre 1890, notre ministre des affaires étrangères justifiait ainsi la déclaration signée par M. Waddinglon :
Nos progrès (au Niger) étaient plus lents que ceux des Anglais. Nous sommes descendus jusqu'à Tombouctou, tandis que les Anglais remontaient jusqu'à Say. Ils s'y sont fortement installés, y ont établi leur influence et ils ont eu la prétention de pousser leurs reconnaissances jusqu'à la boucle du Niger, c'est-à-dire jusqu'à 800 kilomètres de Say, à Bouroum QUEST. DIPL. ET COL. — T. XII. — N° 113. — 1er NOVEMBRE 1901. 33