QUESTIONS DIPLOMATIQUES ET COLONIALES
POLITIQUE INTÉRIEURE DU JAPON
Il y a seulement une trentaine d'années que le Japon a fait ses premiers pas dans la voie du progrès et de la liberté, et déjà le peuple japonais, grâce à son intelligence, à son amour-propre, à sa grande faculté d'assimilation, a su conquérir une place très honorable parmi les nations civilisées. Sa marche rapide a surpris le monde entier. Tous ceux qui ont séjourné dans le pays avant la guerre sino-japonaise soit à titre privé, soit à titre officiel, soit encore au service du Mikado et qui, par suite, ont pu suivre de près les premières phases de l'évolution de la civilisation arriérée du Japon vers la culture intellectuelle européenne, étaient loin de prévoir eux-mêmes l'avenir brillant qui devait lui être si rapidement réservé. La guerre sinojaponaise fut une révélation : elle prouva que l'élève pouvait désormais se passer de maîtres et de tuteurs. Les grandes puissances occidentales ressentirent un véritable malaise en voyant surgir en Extrême-Orient une jeune et puissante rivale qui, au lendemain de son triomphe et à peine sortie de l'école, semblait se poser en régénératrice et éducatrice de la race jaune tout entière. Aussi une véritable coalition se dressa-t-elle pour limiter ses succès, paralyser son influence, diminuer son prestige et lui ravir son plus beau butin de guerre.
Tout d'abord la Russie, de concert avec l'Allemagne et la France, exigea des Japonais l'évacuation de Port-Arthur et de la presqu'île de Liao-tong, sous prétexte que l'occupation de ce territoire constituait un danger permanent pour la capitale et le gouvernement chinois, menaçait l'indépendance de la Corée et compromettait à jamais la paix dans l'Extrême-Orient. Le gouvernement japonais, trop faible pour tenir tête aux menaces européennes, abandonna sa conquête, et la Russie, pour prix de ses bons offices, s'installa à Port-Arthur, à la grande stupéfaction de la Chine qui avait elle-même sollicité son QUEST. DIPL. ET COL. — T. XII. — N° 108. — 15 AOÛT 1901. 13