QUESTIONS
DIPLOMATIQUES ET COLONIALES
BORDEAUX ET LA COLONISATION FRANÇAISE
I
« On a dit de la ville de Bordeaux, étalée en un croissant magnifique au bord de son fleuve, qu'elle n'était que la moitié d'une capitale, dont l'autre moitié était aux colonies 1. » Le fait est que la période la plus éclatante de la grandeur bordelaise, le dixhuitième siècle, fut celle des relations les plus actives avec les possessions françaises d'outre-mer, particulièrement les Antilles.
Bordeaux, comme toute la France provinciale, a souffert de l'absolutisme de Louis XIV; toute la vie du royaume affluait alors à la cour; Colbert, dans sa manie « réglementaire », ne pouvait tolérer les initiatives qui ne procédaient pas de ses conseils, mais par contre était impuissant à provoquer vers les colonies, dont il avait compris l'importance, un mouvement d'échanges soutenu. On avait lancé presque officiellement l'émission des titres des Compagnies des Indes ; après dix ans de luttes et d'innombrables circulaires, on dut leur retirer leur privilège (1664-1674) ; en 1682, on avait peine à expédier de Bordeaux dans les Antilles une vingtaine de petits navires, et le fret de retour montait à 2.000 tonneaux de sucre ! Cependant, 870 navires étrangers venaient, en cette môme année, charger des vins de Bordeaux 2.
C'est pourtant Louis XIV qui, en pleine guerre de la succession d'Espagne, donna au commerce bordelais l'instilution centrale qui dirigea ses progrès au siècle suivant : en 1705 fut établie la Chambre de commerce de Bordeaux, qui se composait alors de trois
1 P. FONCIN, Bordeaux et l'Esprit colonial (Bull. Soc. géogr. comm. de Bordeaux, 1800, p. 129).
2 CAMILLE JULLIAN, Histoire de Bordeaux, p. 509.
QUEST. DIPL. ET COL. — T. X. — N° 87, — 1er OCTOBRE 1900. 25