QUESTIONS
DIPLOMATIQUES ET COLONIALES
LA QUESTION DE TERRE-NEUVE
La question de Terre-Neuve a survécu, sinon dans les faits, du moins dans les esprits, à l'accord franco-anglais du 8 avril. Les discussions ont en effet continué, et on n'est pas unanime, tant s'en faut, sur les résultats que cet accord doit produire sur nos pêcheries. Les uns déclarent qu'en abandonnant nos privilèges de pêche sur le French Shore nous ne sacrifions pas grand'- chose; pour les autres, au contraire, nous compromettons sans remède une industrie qui occupe chaque année une douzaine de mille hommes, et permet à une centaine de mille personnes de vivre en France des résultats de leur travail. Pour se rendre autant que possible compte de la valeur de ces opinions opposées, il faut rapprocher les termes du traité des conditions dans lesquelles s'exerce l'industrie que l'on appelle d'une manière générale la pêche de Terre-Neuve. Mais il est nécessaire d'opposer dès le début une observation préalable aux pessimistes qui préféreraient le maintien pur et simple du statu, quo. Le régime créé à Terre-Neuve par le traité d'Utrecht de 1713 et confirmé par la paix de Versailles de 1783 ne pouvait plus continuer; nos droits étaient bien établis, mais leur usage devenait chaque jour plus difficile. Ceci nous amène, avant de nous occuper des effets de l'accord du 8 avril sur l'industrie de la pêche, à faire un bref historique de la question.
Depuis l'origine, nos droits sur Terre-Neuve sont allés en se précisant. Le traité d'Utrecht est moins net à leur égard que celui de Versailles, et de plus, il est à remarquer qu'à l'époque même où notre situation commençait à être très discutée, où la résistance locale des Terre-Neuviens rendait plus difficile au gouvernement britannique d'adopter entièrement notre manière de
QUEST. DIPL. ET COL. — T. XVII. — N° 173. — 1er JUIN 1904. 50