QUESTIONS
DIPLOMATIQUES ET COLONIALES
L'EXPANSION JAPONAISE
L'article que le Nouveau Temps a publié sur l'expansion japonaise 1 offre le plus vif intérêt, mais le péril que fait courir à l'équilibre politique du monde l'ambition du jeune Nippon — que j'ai été un des premiers à signaler — me paraît singulièrement exagéré : quelque grandes que soient les aspirations des Japonais, quelque large que soit leur appétit, quelque fort que soit le désir de conquêtes qui les liante, les moyens à leur disposition ne permettent pas au souverain de l'Empire du SoleilLevant de convoiter tout le continent asiatique, en partant de Constantinople et en passant par la Perse et l'Inde pour aboutir à la mer Orientale. L'envoi des fils de quelques riches Hindous à Tokyo n'est pas de nature à troubler la quiétude de lord Gurzon : la force de l'Angleterre contre l'Inde indigène divisée ne saurait souffrir de la culture un peu superficielle que ces jeunes gens acquerront dans la' capitale du Mikado. Mais il en va tout autrement dans les pays d'ExtrêmeOrient : Indo-Chine, Chine, Mandchourie, Corée, Iles Philippines, où le génie entreprenant des Japonais est de nature à causer de graves soucis à ceux qui y possèdent des intérêts.
Les Japonais obéissent à deux motifs dans leurs entreprises guerrières : l'un est dicté par une tradition de guerre, par une bravoure incontestable dont ils ont donné des preuves depuis des siècles; l'autre, par des raisons d'ordre purement économique.
1 Voir : Quest. Dipl. et Col., livr. du 15 février 1904. En donnant la traduction — ci-dessus visée — des articles du Novoié Vrémia. Nous avons exprimé la pensée qu'il serait intéressant de voir contrôler, et au besoin discuter par des hommes compétents les curieuses informations et les graves conclusions du journal russe.
Nous avons justement aujourd'hui la satisfaction de pouvoir publier les appréciations si autorisées de M. Henri Cordier, le savant professeur et orientaliste, auquel on doit — entre autres oeuvres importantes — la précieuse Histoire des relations de la Chine avec les puissances occidentales, de 1860 à 1902, si richement documentée, et dont la publication toute récente coïncide très opportunément' avec les événements d'Extrême-Orient.
QUEST. DIPL. ET COL.— T. XVII. — N° 171. — 1er AVRIL 1904. 31