QUESTIONS
DIPLOMATIQUES ET COLONIALES
LA FRANCE ET LA GUERRE
La guerre que nous avions jusqu'à la fin espéré pouvoir éviter vient d'éclater et nous devons maintenant nous demander quelle attitude nous commanderaient les éventualités possibles. Il convient d'autant plus que nous nous fassions pour ainsi dire une philosophie nationale en présence du conflit russo-japonais, que ce dernier peut persister fort longtemps. Rien ne nous prouve qu'il ne durera pas bien au delà des circonstances internationales rassurantes qui en marquent le début. Sans doute on peut encore espérer des éventualités qui le termineraient rapidement : la flotte russe d'Extrême-Orient n'est pas détruite, il semble même que les dommages qui lui ont été infligés par les torpilleurs japonais devant Port-Arthur sont moinsgraves qu'on aurait pu le croire au premier moment. En outre des renforts sérieux, quatre cuirassés et plusieurs croiseurs sont en route de Russie vers l'Extrême-Orient et pourraient renverser la situation maritime actuelle. Dans ce cas, le Japon ne saurait se maintenir sur le continent ; il lui serait tout au moins difficile de dépasser la Corée méridionale. Mais il n'y faudrait pas trop compter. La Russie, qui a peutêtre en Mandchourie et dans les régions sibériennes voisines moins de troupes qu'on l'avait prétendu, peut se trouver provisoirement en état d'infériorité. Il lui faudrait alors laborieusement envoyer des renforts par un chemin de fer à une seule voie, qui n'a pas moins de 6.530 kilomètres de Tcheliabinsk, point où le réseau russe se concentre dans le Transsibérien, jusqu'à la rive de la mer Jaune. Ne serait-il pas nécessaire, pour assurer la victoire, d'améliorer le Transsibérien, de multiplier les croisements encore très espacés?Combien de temps tout cela demanderait-il? Enfin de compte, certes, la Russie doit être victorieuse : non pas, assurément, parce qu'elle a plus d'hommes que le Japon — un pays de 45 millions d'habitants comme le
QUEST. DIPL. ET COL. — T. XVII. — N° 168. — 16 FÉVRIER 1904. 15