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Notice complète:

Titre : La colonisation et la question forestière / par le Dr Trolard,...

Auteur : Trolard, Paulin (1842-1910). Auteur du texte

Éditeur : Impr. de Casabianca (Alger)

Date d'édition : 1891

Sujet : Algérie (1830-1962)

Sujet : France -- Colonies

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34135315s

Type : monographie imprimée

Langue : français

Format : 1 vol. (X-117 p.) ; in-8

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Description : Contient une table des matières

Description : Avec mode texte

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k5727607c

Source : Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, 8-LK8-1545

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 28/09/2009

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-^ PUBLICATIONS ^

de la Ligue du Reboisement de l'Algérie

SOCICTK «KCONXl E li'l.îTII.lïK l'Ulil.lyi'K "

LA COLONISATION

: ET

LA QUESTION FORESTIÈRE

PAH LK D' TROLARD

l'UKSIhKNT-FÙNDAïKin DK I.A IJfil'K TU! MKIIOISEMKNT UE |/AJ.ÔÉIUK

« Uo la prcsoncc des forêts sur les montagnes dépendent l'existence des cultures et la vie des populations » SLIIKM, :

« .... Mais la vie des nations n'en reste pas moins attachée à celle des forêts. C'est une loi fatale, et ce n'est point en s'en moquant qu'on la supprimera » TASSY; ■;.

« La grande mesure conservatrice en Algérie, c'est l'entretien des forêts et la régularisation des cours d'eau; deux millions et demi d'hectares de forêts à préserver ou plutôt à restaurer, c'est une lourde tâche; et cependant si on ne le fait avec soin, la colonisation est en péril ! .•> LEKOY-BEAUMEU.

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LA COLONISATION LA QUESTION FORESTIÈRE



PUBLICATIONS

de la Ligue du Reboisement de l'Algérie

SOCIÉTÉ HKCO.NNl'Ë UÏTII.ITK l'imi.lQrR

LA COLONISATION

- £îi QUESTION FORESTIÈRE

PAR LR DT TROLARD

PHÉSlDEXT-FONDATEnt UK LA LUJl'E DU IlEIMISEMENT DE I/AI.OÉRIK

« De la présence des forêts sur les montagnes dépendent l'existence des cultures cl la vie des populations » SinÉix ;

« .... Mais la vie des nations n'en reste pas moins attachée à celle des forêts. C'est une loi fatale, et ce n'est point en s'en moquant qu'on la supprimera » TASSÏ;

« La grande mesure conservatrice en Algérie, c'est l'entretien des forêts et la régularisation des cours d'eau; deux millions et demi d'hectares de forêts à préserver ou plutôt à restaurer, c'est une lourde tache ; et cependant si on ne le fait avec soin, la colonisation est en péril ! » LEIIOY-HEAII.IEU.

ALGKR

IMPRIMERIE CASABIANCA 1891



TABLE ANALYTIQUE

Formule générale de la colonisation, r.olotiisalion complète do TAIgériu :

Pagos Absence de programme pour l'uehèmnent de l'teurre de la

colonisation 3

Situation de l'Algérie: d'une part, elle est incapable dedonner

la mesure de ses forces et de ses richesses, tant qu'elle ne

sera pan complètement mise en râleur 5

D'Une autre part : les Chambres sont portées û diminuer ou

a supprimer les crédits de colonisation. ..... 5

Dépenses occasionnées par la colonisation. Leur chiffre èlecè

tien! an.r conditions dans lesquelles se (ait la colonisation fi

Colonisation par des Français et pour la Franco :

Comparaison des populations française et étrangère 8

Le péril étranger 9

Les sentiments des étrangers à l'égard de la France. 11

Le moment n'est pas tenu de concicr les Etrangers à émigrer

en A Igérie. 4...... 13

Application de la formule.

-Pour faire de la colonisation, il faut des colons et «les terres :

OES COLONS. — Pour les appeler, il est nécessaire de convaincre le* émigrants qu'ils fronceront un climat salubre... 1G

Fautes commises par l'Administration dans le choix des emplacements des centres. ,. 17


Pages Le climat actuel de l'Algérie épuise rite les forces de l'émigrant

l'émigrant , 18

Opinion du D' llodichon ; de llertillon ; d'ismaél Vrbnin ;

de Tassy ; de ïrottier 19

Le climat de l'A Igérie est-il modifiable / ... ii

DÉS TEHKEs. — Des conditions que la frire érige pour produire.

Qualité du terrain -;. 23

Le soleil. 23

L'eau est, des (rois facteurs indispensables à l'agriculture.

celui qui fait défaut 21

Les barrages ne sont qu'un palliatif pour remédier d l'amélioration du régime des eau.v ; et de plus, ils sont dangereuc ... 21

Nature du mal dont sottflïv l'Algérie— La couse de ce mal est la déforestalion.

Quelques,considérations sur le rôle de la Forêt dans la vie des peuples.

Citations: Flisée Reclus, llumholdt, Surcll, Itauch, Jules

Maîstre, Mahè, Raudrillard, ïassy, Ibynard... .. .... 27

Le rôle de la Forêt en Algérie.

Citations : Dèherain, Jules Maîstre, Mahè, Calmcls, iXaudin, Lcroy-lteaulieu, llodichon, ïrottier. Murés, Mac-Curthy, Drocard, liaitandier, r treutrurs des Forets: d'Alger,

d'Oran, de Constanlinc 31

L« Gourerneur Général : son opinion <, /.V.S3, ISfii et ISS6.. 11

,17. llourlier au Conseil Supérieur . 12

M. Montbrun au Conseil Supérieur. 42

llapporteur général du budget de tSSi 41

Rapporteur général du budget de l'Algérie en ISS'ï 44

.1/. Letellicr, député, rapporteur de la pétition de la Ligue du

Reboisement 45

.V. Lecointe, député, rapporteur de la pétition de la Ligue du

Reboisement 46


VII

P.tgos .1/. /.*/ Caze, sénateur, rapporteur de la pétition de la Ligue

du Reboisement ....... 47

Ministre de l'Agriculture. 48

MM. llourlier, Malglaire et Demoly, conseillers généraux.... 48

Action directe et locale de ta Forêt :

La Forêt n'a aucune action sur les phénomènes météoriques généraux, mais elle a une action locale sur les phénomènes locaux.. ,. 51

Exemples de pays derenus arides après leur déboisement 52

fin A Igérie, les régions les plus boisées sont celles qui reçoivent

le plus d'eau 53

Corrélation intime en're le degré de boisement d'une région

et la quantité d'eau qui tombe iluns cette région....... 54

Diminution du régime des eaux dans la région de Uoufarih... 55 Dènudation du pays d'F.l-Goradia , 57

-La lin de l'occupation romaine.

A l'origine de l'occupation, le sol était fertile et habitable... 58

Pè): tes citernes et des barrages 59

Ces palliatifs n'ont pas conjuré le danger et n'ont pas empêché

ta fin de l'occupation .. 60

Coefficient du boisement do l'Algérie.

Pour établir ce coefficient, il faut envisager toute l'Algérie

roloni.sable et non pas seulement le Tell..., , .. fil

Létaux de reboisement de l'Algérie doit être au moins égal

à celui de la Prorence. fil

Corrélation évidente entre les conditions atmosphériques et le

taux de boisement.. 62

Conclusions.

Mode d'action de là forêt sur le çliuat et le régime des eaux. 61 Objection : les perturbations dans le régime des eaux ne sontelles pas dues à des mouvements généraux du continent.. 64


VIH

Pages

Conclusions ,...'.■ 61

Le traitement applicable a la nature du mal est le Reboisement.

Reboisement du Tell.

Besoin d'alimentation des villes en bois de feu 66

Indications générales du reboisement. Plantations des rives

des cours d'eau -, 67

Plantations des plaines.,... ..... 67

Les broussailles du domaine forestier.

Promoteurs de la campagne. 60

Opinion du Conseil Supérieur 69

Opinion de M. UourUcr,.........— ... 69

Opinion du Gouverneur (en IHSdJ 69

Résulta' de'l'enquètc. •"'... 10

Valeur des terrains broussailleux 71

La forêt, foin d'être l'ennemie de la vigne, en est la meilleure

protectrice..................... 72

Interdiction de défrichement des terrains broussailleux par

la loi du C décembre IM.Ï,, 73

Reboisements sur les Hauts-Plateaux.

Les liants-Plateaux ont clé habitables et habités— 75

Leur état actuel est à la dèforestation... 75

H est possible de remédier d la situation actuelle........... 76.

Conséquences de celte transformation.

filetage du bétail. 76

Autres cultures possibles. L'alfa ............. 77

Possibilité pour les colons d'avoir de grands troupeaux 77

Fixation au sol des tribus nomades ..... 77

Les forêts du sud du Tell ne seront plus livrées d la transhumance..M......... ...» ............... 78

Retenu* assurés de la ligne ferrée du Sud.................. 78


— IX —

Pages

Fin ou atténuation très sensible des invasion des sauterelles. 19

Protection du Tell contre, le siroco. 19

Influence de l'occupation du Sud sur la prise de possession de

l'Afrique centrale 80

La restauration des liants-Plateaux doit précéder celle du

Tell 89

Conclusions 80

Versants sahariens et Sahara.

Versants sahariens. — Région.presque inconnue. 81

Sahara. — Sombre et importance des oasis.. i si

Cultures diverses SI

Possibilité d'accroître le nombre des oasis, en reprenant et en poussant activement la campagne des forages artésiens

du général Desvaux. 82

Sociétés d'exploitation installées dans le. Sahara 82

La question «le l'amélioration du climat et du régime des eaux esl-elle au-dessus de la science ?

Aucunc difficulté dans la région lellienne. 81

Sur les llau!s-Plateaux,des difficultés, mais elles ne son! pas

insurmontables 81

Le climat actuel permettra les premiers travaux d'assainissement et de boisement ........... 85

Il n'est pas non plus un obstacle a la végétation arbustire... 85

'La transformation des Hauts-Plateaux est moins compliquée

et moins difficile que celle des Landes de Gascogne 86

A l'aide de forages artésiens ou de réservoirs oiï aura de l'eau

à peu près partout îfG

La simplicité de Vaut tre sera peut-être le principal obstacle

qu'elle rencontrera ............... 88

Du côté du Sahara, l'action se réduit d forer des puits

artésiens..... 88

Résultats remarquables obtenus par le général Ikstaux 89


Pages

L'amélioration du ('limât et du régime des eaux est-elle au-dessus des ressources financières de la b'rance?

Il s'agit de reboiser 2,000,000 d'hectares, soit 200,000.00» de fr. 91

Comme autres dépenses : personnel, matériel, aménagements

des forêts actuelles. *......... .112,000,000 de fr. 92

Au bout de vingt ans, les forêts produiront un revenu minimum annuel de il millions....,,,..,., 9i

L'avance faite par ÏKtat se réduit à 21 millions............. 93

Résultats généraux. !H

Hésumé ÎI9

Annexe.

Détail de .quelques 'mesures du programme de reboisement 101

Mesures administratives propres à assurer l'exécution du programme de reboisement. ,r..; r..... I0">

■'■■■■ M ■.


LA COLONISATION LA QUESTION FORESTIÈRE

FORMULE GÉNÉRALE DE LA COLONISATION

La formule générale applicable à la solution du problème algérien peut se traduire ainsi :

Colonisation complète de l'Algérie par des Français et pour la France.

Aux yeux de beaucoup de nos concitoyens de la Métropole, il paraîtra étrange que quelqu'un se croie être dans la nécessité de formuler une vérité qui devrait courir les rues. Et cependant, comme on va le voir, rien n'est moins nécessaire.

Colonisation complète de l'Algérie, avons-nous dit dans les premiers termes de la proposition; expliquons-nous sur ces termes.

Sans remonter aux premiers temps do l'occupation, temps où l'on ne croyait pas à la possibilité de la colonisation et où l'on mettait en doute son utilité, rappelons que l'époque n'est pas bien éloignée où l'idée de la restreindre a certaines zones déterminées fut fort en faveur auprès des hommes politiques. Cette idée est abandonnée aujourd'hui ; mais par quelle autre l'a-l-on remplacée '} Par aucune. On s'est borné jusqu'à ce jour à voler tous les ans une somme d'à peu près de H millions, et l'on a chargé un régissent* — aussi peu comptable que responsable — de dépenser la somme suivant ses inspirations.


Mais de programme point, d'indications point, d'instructions point. Disons cependant que de temps en temps on bâcle Un programme de colonisation ; mais pour la forme, à telle preuve que les l'omis-dits de colonisation sont employés à toute autre chose: par exemple,'à- la construction de palais, Palais des Keoles supérieures, Palais algérien del'Imposition de 18811(1).

Eh bien! malgré l'inertie des uns, malgré les entraves apportées par les autres, malgré la dilapidation des tonds, la colonisation, tout en « allant au petit bonheur » a marché quand même : les colons ont prouvé la colonisation en colonisant. Mais, malgré la preuve ainsi fait»;, au lieu de lés suivre dans le mouvement qu'ils avaient démontré, et en conclure à l'achèvement complet de leur oeuvre, on s'est encore arrêté en chemin. Dans les derniers débats parlementaires, en effet,-il n'a pas été parlé de la colonisation, de son avenir et des moyens propres à la conduire dorénavant jusqu'au bout.

11 faut pourtant prendre une détermination. La question indigène est assurément très intéressante et est étroitement liée à celle de la colonisation; elle méritait; donc à cet égard d'appeler l'attention des pouvoirs publics, niais pourquoi ne s'est-on occupé que de l'un des éléments du problème? L'un entraînera l'autre nu cours de l'enquête, dit-on. Nous l'espérons; mais, en attendant, comme il n'est guère possible de juger que d'après les faits accomplis et non d'après des

(I) Voici comment on 1870, devant lo Conseil Général d'Alger, M. liourlier, aujourd'hui député, s'oxprlmail sur lo complo do Pomploi do ces fonds: « Pour quo los Fonds annuollcmont destinés à la colonisation ne soient plus employés ailleurs ni autrement; \\ y a certainement lieu du domamlor qu'ils soient ofleclés a la colonisation complèto du llaut-scbaou, ectto annéo mémo... » Et loConsoll Général a l'unanimité, adoptant In rédaction do M. Uourliur. mettait l'Administration en tlcmouro v d'éviter quo des sommes considérables avec affectation spéciale restent sans omploi ou soient employées à des travaux non prôvns. » Les choses n'ont pas beaucoup changé, commo on voit, depuis 1819.


— H —

probabilités, il nous tant, hélas! constater que la cause tle l'Algérie n'est pas encore en bonne voie. El cependant, elle est bien simple, celte cause.

L'Algérie est en ce moment comparable à ces édifices lentement construits et qui'attendent indéfiniment une dernière action énergique pour être terminés complètement. Les fonds manquent ; et ceux dont on dispose sont à peine suffisants pour empêcher ce qui est déjà fait de tomber en ruine, ou pour avancer de quelques lignes la construction et les aménagements. Le jour du couronnement de l'édifice arrivera cependant à la longue; mais combien de temps perdu, combien d'argent dépensé sans profit !

Les Français d'Algérie ont hâte, d'une part, de montrer que la France n'a pas semé en terre ingrate, et qu'elles ne sont pas vaines leurs promesses de prouver autrement que par des paroles leur reconnaissance pour les sacrifices immenses consentis par la Mère-patrie.

Mais pour pouvoir la témoigner, celte reconnaissance, il faut la prospérité chez eux. Or, celle prospérité n'apparaîtra qu'autant (pie l'élément colonisateur aura pris possession entière des territoires qui lui reviennent au nom de la civilisation.

D'une autre part, les Chambres semblent fatiguées de nous continuer des subventions dont elles n'entrevoient pas la fin; et il est à craindre qu'un .jour ou l'autre, cédant à l'influence du discrédit que quelques esprits peu clairvoyants — qui se basent surtout pour nous apprécier sur les fautes commises par l'Administration, — ont réussi à jeter sur l'Algérie, elles ne nous refusent impitoyablement l'accès de la caisse.

Certes oui, l'Algérie a beaucoup coûté à la France. Kn éliminant les dépenses occasionnées par la conquête''-proprement dite, on peut évaluer à un milliard et demi les sommes mises à la disposition de ^Administration pour taire de la colonisation. C'est là un bien gros .chiffre ! Malheureusement il n'a pas été appliqué tout entier à


~ fl - .

coloniser; une bonne partie a été mal, bien mal employée. La responsabilité d'un tel gaspillage lie doit pas retomber seulement sur les chefs de l'Administration, mais encore, et surtout, sur ceux «pti n'ont jamais su imposer une ligne de conduite à ces chefs. Toute la 'politique du" (ïouvernement en Algérie s'est bornée à choisir de temps en temps un gouverneur et à accorder un blanc-seing à celui-ci. Il n'est donc pas étonnant qii'e de grandes fautes, aient été commises et que beaucoup d'argent ail été perdu 'dans de fausses manoeuvres.

Quoi qu'il en soit, 'qu'on le sache bien, la colonisation de l'Algérie ne pouvait être commencée.et ne pourra être terminée sans de grondes dépenses. ■.Quelques économistes ont mis les sommes engagées ici en regard de celles qtti ont été dépensées par les autres nations pour fonder dos colonies. Il n'y a pas cependant de comparaison à établir entre l'occupation française du Nord do l'Afrique, 'occupation dont l'objectif est le peuplement de cette région, et les colonies d'exploitation. Quant aux autres colonies, les puissances étrangères ont trouvé devant elles. i\vs territoires abandonnés ou peu habités, et, quand la place était occupée par des. indigènes, elles n'ont pas hésité a exterminer ou - à refouler ceux-ci. Les François, eux, ont trouvé uirpnys hahi.té.por une population relativement dense; cl les seuls biens dont ils aient pris possession. comme vainqueurs-onl été les biens du domaine beylikol. Lo,séquestre sur les propriétés porlieulièresn'a été appliqué qu'à la suite d'insurrections, ou d'incendies forestiers on, dans les premiers temps, pour assurer la sécurité. (I)

(I) Nous devons fairo dos réserves au Sujul do l'application du -séquestre pour la répression des incendies forestiors et sur la façon dont on la appliqué lors do la dornioro insurrection. Nous faisons également nos résorvos sur lo modo do paiement dos indemnités en matière d'expropriation par l'Ktal. Ce sont di s points que nous trnllorons dans une autro occasion, l'onr le momont, nous n envisageons tos choses qu'à un point de vuo général { ot nous devons diro qno légalement il n'y a rien a roprendro a ces mesures administratives.


'En dehors de ces cas, tous les lots de terre aujourd'hui entre les mains des Européens, ont été payés au possesseur, primitif, soit par les particuliers soit par l'Etal. (1)

Evidemment, quelques coups de fusil eussent simplifié la question ; mais la France ne l'a pas voulu, et. ce sera-là son éternel honneur d'avoir respecté la propriété du peuple conquis et de 'n'avoir pas édifié la prospérité du vainqueur sur les ruines du vaincu.

C'est'.pour avoir perdu de vue ces conditions, que l'on s'est cru autorisé à reprocher si souvent à 1 Algérie d'avoir constamment eu recours au fonds commun. Et les choses allant de mal en pis (ce qui était inévitable avec, le manque dé'direction et de contrôle sérieux), on l'a chargée de tous les péchés d'Israël ; aujourd'hui elle est littéralement « prise en grippe » par les'hommes politiques.

Une' telle'situation doit évidemment prendre.On. Comment ! Par (fuels.moyens ? Nous le dirons dans -une autre circonstance; pour'le moment, nous M'avons entendu ne démontrer- qu'une chose, c'est que l'achèvement de l'oeuvre de la colonisation, d'eidé par la force des événements il est vrai, n <'st pas encore ollteiellement décidé en principe ; et qu'il n'existe ni projet, ni programme, ni ébauche de projet ou de programme pour préparer celte consécration olucielle.

'.Veut-on la preuve des conséquences d'un tel état de choses? Voici ce que disait, il y a six ans, dans une circonstance olliciellc, un gouverneur de l'Algérie : « Trop .souvent, nos compatriotes qui veulent acquérir des terres se trouvent en présence de 'dilllcullés presque insurmontables. Dans un intérêt essentiellement national, nous (levons faire en sorte d'aplanir les obstacles auxquels ils se heurtent.... » Ainsi, le Français qui vient ici pour coloniser se heurte encore à des

(1) Si l'on njouto qu'en fait do voies de communication, il n'y avait en 1830 quo dcschomtns muletiers, on comprendra que dans de loties conditions il ail fallu do l'argonl, beaucoup d'argent.


~ 8 .—

obstacles presque insurmontables ! Et tout ce que peut l'Administration pour retenir ce futur colon, c'est de faire en sorte d'aplanir ces obstacles !

Sait-on qu'elle était la conclusion qui suivait un tel aveu d'impuissance ? « Puisque nous n* avons; plus l'espérance d'augmenter la population française au moyen de'la-colonisation officielle,'// faut chercher le re/nette dans la naturalisation des étrangers» »

On voit maintenant que nous sommes fonde à demander qu'une fois pour tontes on prenne une décision au sujet de l'achèvement de ta colonisation, sous peine de ne la voir avancer qu'à pas lents, quémandant chaque année, des subsides pour assurer sa pénible existence, alors qu'un dernier sacrifice suffirai!.', a lui faire prendre son plein essor.

Nous avons dit ensuite: colonisation par des français et pour'la France. Ces derniers termes de la formule feront certainement bondir bien des.français, auxquels il paraîtra stupéfiant (pie nous indiquions des clauses qui s'imposent'd'ellesmêmes. Peut-on concevoir, en effet, -que l'Algérie ne soit pas française ? Et pour qu'elle soit française, est-il besoin de spécifier qu'elle doit et devra être peuplée de Français ? Peut-il venir à l'idée de quoiqu'un de faire des départements français avec une population étrangère,?

La dernière phrase de la citation que nous venons de faire quelques lignes plus haut démontre hélas ! qu'il n'est pas superflu de traiter la question et d'appeler l'attention sur le grave péril qui nous menace. . ■* .

Après soixante ans d'occupation, après avoir arrosé le sol du sang de ses soldais, après y avoir jeté l'argent par milliards, la France n'est pas chez elle en Algérie ! Il y a en effet dans les trois départements algériens 210M27 Français contre 227,502 étrangers, parmi lesquels" •205,212 Européens et 23,:H0 Tunisiens ou Marocains (1). Dans

(I) Recensement dcl886.


— 0 —

le département d'Oran, il y a 6*7,7/6 Français contre 95,532 étrangers européens, presque lotis espagnols, et li,37i marocains, soit f09y!)0G étrangers (1).

Voilà où en est aujourd'hui la FIUXC.K MOUVKI.LK, cette France Nouvelle où Prévost-Paradol rêvait de voir des millions de Français ! A peine cntrel-ctle dans la vie que déjà elle n'a à côté d'elle et autour d'elle que des visages inconnus ; que déjà elle ne se heurte à chaque pas à des hommes venus du dehors. Nous ne dirons pas que ces hommes aient tous l'intention de la mettre à la porto de citez elle, un jour on l'autre. Mais là situation est telle que les Espagnols et les Italiens n'auront, pour être maîtres (le la place, qu'un coup d'épaule à donner quand ils voudront jeter les Français à la mer, ou n'auront qu'à invoquer l'application du principe des nationalités,— les uns en échange do leurs bons offices, les attires en récompense de leur bienveillante neutralité, — si jamais la fortune des armes nous était encore contraire.

Le péril étranger, celui-là autrement grave, autrement vrai que le péril indigène dont;:on fait tant de bruit, ne parait pas beaucoup avoir préoccupé nos grands administrateurs. '•L'un d'eux à même proposé, comme on l'a vit, d'aggraver le danger en incitant à la naturalisation des étrangers. Jusqu'à, quelle profondeur faut-il donc que se creuse l'abîme pour qu'enfin nos gouvernants l'aperçoivent i? En vérité, on se demande's'il ne s'agit pas là d'une gageure, car il est impossible de croire à la réa|ilé d'un tel aveuglement. Eh quoi! c'est lorsque' déjà les étrangers nowlnlus nombreux que les français (il ne faut pas perdre de vue que dans les 210,027 Français, l'armée est comprise); c'est lorsque les étrangers, pullulent ici dans des pro(1)

pro(1) chef-lieu do co département compte 14,931 français contre .'0.192 étrangers. D'autres communes sont dais h môuio èiLûlio.i : Ar/.ow, 1,230 français et '2.130 OtraJ.yer.s; Hou-Tëlis, 326 fiançai* ot 2,9)5 étrangers ; Saint-Doi.is-dn-Sig, t.113 fiançais et \ï\0 étrangers ; Sidi'bcl-Abbès, 3,682 Irançais et 10,201 étrangers


- 10portiotis

10portiotis (-1) c'est lorsqu'on peut déterminer l'époque prochaine où nous ne serons plus qu'une quantité négligeable au milie i d'eux, c'est ce mbinculque l'on choisit pour proposer de masquer l'accaparement et l'absorption de -.'l'Algérie par une mesure- légale;

Croit-on que l'Algérie sera française parce, que dans tut certain nombre d'années toits ou presque tous les étrangers seront devenus Français de par une loi ? Certainement, c'est se bercer de chimères que de croire à la'francisation des Espagnols et des Italiens par la naturalisation. Ce n'est jîas lorsqu'ils peuvent en quelque Sorte voir d'ici le clocher natal ou se rendre eu quelques heures au poySy qu'une- simple {brutalité fera disparaître chez eux le sentiment, très respectable d'ailleurs, de la pairie. Quant aux enfants des naturalisés, il faudra bien (les générations, et il faudra que .ces générations ne soient, traversées par aucun grave événement international, pour éteindre chez eux ce sentiment. Longtemps encore le sang espagnol et italien coulera dans leurs veines ; et qu on en soit bien persuadé, les gouvernements intéressés veilleront à ce que le sang français ne l'emporte pas.

On a dit au Sénai'êt ailleurs que c'était un grand bienfait pour l'Algérie d'avoir vu venir à elle ces nombreux étrangers. On a cité avec complaisance ces Espagnols qui ont pour ainsi dire monopolisé la culture maraîchère et qui louent des terrants jusqu'à mille francs l'hectare. Et ce sont les hommes qui ont veeu pour mission de faire connaître l'Algérie, de consacrer tous leurs moments à indiquer aux Français les sources de richesse du pays, ce sont ceux-là qui semblent èlre heureux d'avoir laissé prendre la place a des étrangers {.Combien

(I) l.a comparaison dos nalssancos ot dos décos on Algérie, donne, d'après Riconx : Espagnols. III naissanco pour 100décès; Italiens, 135 otlcs Français arrivent en queue avec 116. — Il faut, do plus, r« marquer que l'Kspngnol ot l'Italien ont un coefficient supérieur a celui qu'ils ont dans leur pays d'origine cl qui est de 130 pour lo premier ot 123 pour lo second.


- M -

de nos 'concitoyens do- la Mélropoie. seraient venus piauler leur lente ici, si l'on s'était donné. In moindre peine pour leur faire savoir qu'ils trouveraient dans certaines cultures de sûrs et sérieux bénéfices !

On a dit aussi qu'il fallait savoir gré à ces gens f|tti sont venus faire de la colonisation à leurs risques et périls, et sans avoir recours à l'aide et à 1 assistance de la France.- Il serait plus juste de dire uue c'est à NOS risques et périls que, se sauvant de chez eux pour éviter la.jjolcucc on la prison, la plupart se sont installés au milieu de nous; quant aux autres, ils ont été chassés par la misère. Et c'est un pareil contingent que l'on exalte et que l'on offre comme modèle! Si C'est ce 'genre -de: colons que l'on désire implanter.eh Algérie, il n'y a qu'à ouvrir les portes des prisons de ïu Métropole et à assurer l'impunité aux condamnés qui viendront ici; il n'y a qu'a donner des facilités de transport à tous les mourt-do-faim, et on obtiendra le même résultat.

Fùsl-il besoin de dire qu'en fait d'étrangers il n'y a pas que des émigrants de force ! on y compte atissi de très honorables exceptions* cela est certain; mais nous maintenons être dans l'exacte vérité quand nous afïirmons que ta très grande majorité de nos clients d'Espagne et d'Italie soutirés peu intéressants. Il n'y a qu'à jeter un coup d'oeil sur les statistiques de la criminalité pour être convaincu que nous n'exagérons pas.

Ces étrangers que l'on représente connue tout prêts à entrer dans la famille française ont-ils au moins donné les preuves d'un attachement sans arrière-pensée? On reproche aux indigènes de ne pas se faire naturaliser — et bien à tort, car dans les conditions actuelles, ils ne le peuvent pas; mais que n'ndrcssc-l-ohce reproche aux étrangers ?

En 1880, il y a eu 1,MI8 naturalisations d'étrangers, sur ce chiffre, hi)\ appartiennent à l'armée (légion étrangère) et les tUSO'dc ceux-là sont des Alsaciens-Lorrains ou des Allemands i sur les 814 restants, 100 ont demandé la naturalisation pour pouvoir être inscrits-au'petit cabotage, c'est-àdire pour remplir une-formalité-qui leur donne le


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12drojl faire concurrence à des Français. En estimant à 150ceux qui ont rempli.la même formalité pour obtenir des concessions ou pour être admis à la vente des terrains'domaniaux ou pour obtenir des faveurs de l'autorité, bourses pour leurs enfants, placement de ceux-ci dans les administrations; il reste ;W)8 individus qui n'ont été poussés par aucune idée-de spéculation en demandant a devenir Français. Sur plus de 200,000, il y en a donc 301)! Est-ce la un résultat bien propre a démontrer les tendances de fusion.

Pour notre part, nous ne désirons pas voir allluer les demandes «le naturalisation puisque.nous les considérons comme un danger, au moins dans les circonstances présentes; ce -que nous venons, de dire n'a d'autre but (pie, de faire toucher dit doigt ce qu'il faut penser dés illusions et des espérances dont se bercent quelques-uns d'ontre-nous.

A l'appui de ces espérances, on a argué de la bonne volonté que montrent les jeunes gens étrangers à accepter lo service militaire qui leur est imposé depuis quelques années. -Colle prétendue bonne volonté n'existe pas; et le fait qui s'est passer dernièrement à Philippeville et dont on a beaucoup.parlé en.raison de:la situation delà famille du jeune homme appelé devant le.'Conseil de révision, est loin «l'être isolé. Quant aux Espagnols qui ne peuvent éluder la loi, il 'n'y a que lesï jeunos gens noii aisés qui fassent leur année de service. Les autres s'empressent de se faire « remplacer >» en Espagne.

Au surplus, si l'on conserve le moindre doute sur les sentiments des Européens 'naturalisés (qu'ils le soient pour'ravoir demandé ou qu'ils le soient pour avoir passé un ait sous les drapeaux), il n'y a qu'à les écouter un peu dans leurs conversations, quand lit question est mise sur le lapis. Tous ou presque Ions ne se disent pas Français ; ils se disent Algériens. Celte réponse n'est-olle pas significative ?

Nous sommes loin de blàmet les nationalisés d'olïiee d'avoir une pareille altitude, pas plus que nous ne saurions reprocher à ceux qui demandent


-15la

-15la d'avoir recours à ce procédé dans leur seul intérêt personnel. Des Français établis en pays étrangers et placés dans les même conditions ne se .conduiraient pas autrement, l'ont ce que lions avons (lit sur ce sujet se réduit à tenter de prémunir tes hommes .politiques .contré les idées en cours, à les mettre en partie pour l'avenir et à les empêcher de s'endormir dans une douce quiétude, avec la conviction que l'élément étranger, loin d'être un danger pour l'Algérie, est au contraire un grand bienfait pour elle ; que tout est pour le mieux, qu'il faut s'en tenir là et attendre les événements.

Est-ce à dire que nous proposions de repousser les étrangers ï Cela est certes loin de notre; pensée ; et pour, que l'on ne se méprenne pas sur la portée de nos paroles, pour que nos intentions ne soient pas dénaturées,' nous dirons: il ne s'agit pas d'expulser les étrangers qui son! aujourd'hui chez nous ou «le leur rendre la vie dure ; -il'ne s'agit pas de repousser ceux qui viendront nous apporter le "concours."'de leurs bras. Mais d'abord il faut se montrer impitoyable'cl. ne laisser débarquer ici qu * ceux qui peuvent montrer patte blanche; et apporter lu plus grande circonspection dans la' délivrance des lettres de naturalisation. Ensuite, cl surtout,'il-faut appeler ici par millions des colons français, en 'détournant' vers le Nord de l'Afrique le courant continu qui emporte chaque année tant de nos concitoyens 'vers.le Nouveau-Monde. Quand la France nouvelle' sera peuplée de millions de français^ quand il n'y aura plus à craindre qu'elle ne '''devienne la proie des nations qui la convoitent, alors, mais «alors seulemontj on verra à être moins méticuleux et à admettre plus facilement les expatriés étrangers dans le sein de la famille française.

Cela est peu généreux, dira-t-on ; cela est peu de inise quand les esprits les plus élevés rêvent, les uns, la fédération des races latines ; les autres* la fusion de ces races. LWIgérie os! un champ d'expérience tout trouvé pour imlcr lu moment de celle


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épreuve; pourquoi donc s'opposer à mie éprouve aussi intéressante? A ce reproche nous répondons «pie, pour notre part,- nous nous comptons parmi les unités de la phalange qui marche derrière ces grands penseurs, dont l'objectif n'est pas irréalisable. Mais étant (tonnée la situation de l'Europe on ce moment, les Français seraient des naïfs ou des inconscients s'ils continuaient, sous prétexté d'expérience humanitaire, à jouer le jeu d ennemis avérés. Ce n'est pas lorsque l'Italie étonne le monde par sa' Juche ingralit.tde, ce n'est pas lorsque le royal bambin d'Espagne est déjà colonel de unions (s'il' lie l'est pas, il le sera bientôt), qu'il convient à la -France de travailler pour le roi de Prusse..,, et ses alliés.

C'est aussi parce que.nous croyons à l'évolution des peuples vers un avenir meiïleur, que nous voulons ne pas voir la France amoindrie ou aflttiblie, N'est-ce pas elle, après tout, qui malgré ses grands malheurs et ses grandes fautes a préparé les voies de l'émancipation des peuples..et a toujours marché le regard dirigé vers ridéal > Or, lui enlever l'Algérie, sa suprême ressource pour relever et rétablir son nom, son prestige et sa grandeur, serait l'aflaiblir et l'amoindrir, Elle a Certainement une préoccupation plus chère et plus immédiate: l'enfant qui lui a été violemment enlevé doit rentrer.au domicile familial.Mais n'est-ello de force et de taille à mener de front la reconstitution de sa famille et l'extension pacifique de son empire ? Que l'on se reporte aux admirables pages de Prévosl-Paradol montrant de quel poids l'Algérie pourra un jour,-si. on lèvent bien, peser dans lés destinées delà France, cl l'on verra que nous ne codons pas à ttu simple entraînement d'amour aveugle pour l'Algérie. La perte de ce pays serait pour elle le commencement de son déclin et, par la suite, de sa disparition. Or « la France, quoique l'envie et la haine l'aient souvent déclarée à jamais déchue, a certainement sa très grande partdans le travail commun ; son influence et ses idées la i lidenl tellement utile au 'monde,- qu'on ne saurait


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s'imaginer l'histoire prochaine des -nations si la France venait à y manquer » (Fusi':i: Kiiei.us).

Nos gouvernants et nos dirigeants, cela n'est pas douteux, comprennent ainsi te rôle et la mission de la France ; qu'ils se prennent donc un peu à rechercher si c'est la politique actuelle qui empêchera la France de disparaître....! L'Europe se jette sur l'Afrique et la dépèce; eux, ils viennent par hasard de s apercevoir que les Etats barbaresquesdu Nord de l'Afrique sont devenus quelque, chose qui s'appelle aujourd'hui l'Algérie. Ce qu'ils en savent, c est (pie l'indigène y est très mal et que l'étranger s'y trouve très bien. Ce qu'ils prévoient, pour'l'avenir, c'est qu'il n'y a qu'à laisser aller les choses, en améliorant toutefois la situation des indigènes, pour avoir trois départements entièrement français de nom et surtout de couir.

Ce n'est donc pas sans raison, on le voit maintenant, que nous avons dû inscrire dans la formule « Colonisation par des Français et pour la France. »

En résumé, notre formule:'donnions croyons avoir justifié les termes peut être maintenant présentée sous une autre forme :

L'Ai.c.tfniK SKIIA COLONISÉ!-: KXTIÈUKMKXT, ou laus

NT. SMIA PAS.

L'AI.GI':IUK DOIT KTRIÏ i»Ei:pi.i5iî IMU:SQUK KX'TIÈUKMKXTDK

KX'TIÈUKMKXTDK OU KM.KNK SKIU TAS KltAXÇÂISK,

Les grandes lignes du programme général étant ainsi posées, passons à l'examen des points principaux de ce programme.

APPLICATION DE LA FCfiMULE

Pour faire de la colonisation, il faut des colons et des terres.

Les colons — les colons français, c'est entendu — viendront en nombre suffisant quand on se sera attaché à faire-disparaître, jusque dans ses dernières traces, le triste renom de l'Algérie-cimetière ou de l'Algérie-hôpilai ; quand on donnera aux


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futurs émigrants la certitude qu'ils trouveront ici un climat aussi sain "que celui du a pays ». A ces émigrants, il faudra en outre offrir d'autres gnranties, telles (pie .la sécurité, une administration paternelle et expéditive, des allégements d'impôts. Ces conditions sont'importantes,'sans doute, ot il importera de tes remplir, si oh veut appeler (les colons et les retenir; mais nous estimons que ht Santé est le premier bien qu'on ait à leur garantir;.aussi.est-ce de ce point seul que nous allons nous occuper (1).

L'Algérie est donc insalubre? Oui elle l'est, mais elle est par la faute de l'homme. Elle l'est, .quand l'Administration semble rechercher, comme à plaisir les 'endroits les plus malsains pour y placer dès villages ; et quand- elle les installe ensuite dans les conditions les plus défavorables (2) ; quoi d'étonnant alors que des villages entiers se dépeuplent en l'espace de quelques mois? Elle l'est aussi en raison du climat actuel.

Nous croyons' que parmi les nombreuses sommités auxquelles le gouvernement français a tour A-'.tour confié! tes destinées de l'Algérie, il n'en est pas une seule qui se soit rendu compte de l'effet produit en France par les hécatombes de colons, venus ici pour, y chercher'de quoi vivre et qui n'y ont trouvé que" la, mort. Et ce ne sont pas les survivants-qui, de tolour citez eux, en racontant leurs impressions et en montrant à leurs compatriotes ce que la malaria fait des hommes les plus solides quand elle ne les tue pas, ont contribué à développer chez les paysans de la Métropole le désir d'aller en Algérie.

(t) Les mitres conditions ot les détails do la colonisation pratique ne ressortissant pas, dit resto, au sujet quo nous traitons en co moment; elles seront plus a leur place dans un autro travail intitulé: o Itùgimo adminislriitit de l'Algérie. »

(2) « Notis avons encore -- disait, il y a pou do temps, un gouvqrneur —des villages dépourvus dY<?u, de chemins d'accès, de maisons d'écolo, de bftlimonts publics, en un mot des organes nécessaires à la Vio d'un centre »


Ees dites hautes sommités en question, constamment absorbées sans doute par les pensées les pjus élevées, n'ont pas encore saisi les relations qui existent entre lo dépeuplement des villages algériens et la répugnance des paysans français à venir se prêter à ce genre d'expérience. Cet infime détail leur a toujours échappé ; et quand on est venu récemment reprocher à l'un do ces gouverneurs d'avoir été peu heureux dans le choix des emplacements des villages, il a tout simplement répondu qu'on n'avait rien à lui reprocher. N'y avait-il pas une commission spéciale chargée, dans chaque département, de déterminer ces emplacements y 11 n'avait donc qu'à s'en laver les mains; car, après tout, oit ne pouvait exiger de lui qu'il passât son temps à surveiller ses subordonnés et à les empêcher de confondre village avec cimetière (1).

Mais nous n'avons pas à insister sur ce point, car il suffira que les pouvoirs publics veuillent bien s'occuper quelques instants de l'Algérie pour faire cesser immédiatement de tels crimes. Quand on laissera aux Conseils Généraux et aux Préfets le soin de choisir les emplacements, on n'aura plus de pareilles fautes a enregistrer, car l'on

(I) Au surplus, y a-t-il Hou do s'émouvoir outre mosuro do ces razzias mortuaires? Un conseiller général, aujourd'hui député, n'a-t»il pas dit, avec l'approbation do la plupart do ses collègues, quo les centres no se créaient qu'à coups do cidavres; et qu'il fallait plusieurs couches do colons dans la terre pour donnor la vie à un village. Nous n'avons jamais compris, pour notre pari, la nécossité do ces hécatombes; nous persistons a croire qu'avec do la prudence, des choix meilleurs dans tes emplacements et dos travaux préalables d'assainissement on eut évité do pareils désaslros Los partisans des « couches de colons • montrent Boufarik à l'appui de lour théorie. Parce que ce ccnlro n'est arrivé ô la prospérité qu'après avoir absorbé six ou sopt fournées do colons, ils on concluent qu'on no pouvait fairo autrement. Voitù ce qui so dit dans lo monde oUiciel et omeieux !.... Co qui se dit dans le monde vulgaire c'est qu'il n'<*xislo plus aucun dos colons, mémo do la dorniero fournéo — ou s'il en roslo, ils sont très clair semés — et que toute la terre est aujourd'hui ontro les mains dé bons bourgeois, do capitalistes, do ootits rentiers, qui sont tranquillement venus au bon monu.nt ot l'ont achetée a bien bas prix, malgré tout leur désir do payer plus cher.


se trouvera on présence d'hommes qui sont obligés do compter avec l'opinion publique et avec les électeurs dont les uns sont les représentants, Lorsqu'ils s'engageront dans une mauvaise voie, on pourra au moins leur faire entendre raison.

S'il est possible, à l'aide d'une simple décision administrative, de faire disparaître une des causes qui éloignent lo paysan français, il est une autre cause d insalubrité, celle-là en apparence moins grave que la première— dont les cfiels locaux sont immédiats et par suito plus tangibles — mais cependont beaucoup plus grave en ce sons que son action lente, mais sûre et générale, est de nature à compromettre — et peut-être même ô faire abandonner — 1'oeiivro de la colonisation. Nous voulons parler du climat.

On né peut dire du climat de l'Algérie qu'il soit insalubre ou malsain, dans le sens qu'on attribue communément à ces deux mots; mais on doit dire qu'il ne convient pas à la très grande généralité des tempéraments français. 0 exerce en effet sur les Européens, moins sur les Espagnols et les Italiens que sur les Français, une action débilitante qui use l'homme bien avant l'âge -^européen — de là fatigue (1).

Certes oui, pour le valétudinaire, pour l'amateur, pour le promeneur, le climat pendant la saison froide est splendide; on l'a non sans raison comparé au printemps de l'Europe. Mais après ces cinq

(1) Cela est tellement vrai quo l'administration reconnaît quo les fonctionnaires ont besoin d'aller se retremper dans un milieu meilleur! comme celui do ta France, et tour accordo tous les deux ans, avec un congé, lo passage sur les paquebots. Si pour dos hommes qui oxercent dos fonctions relativement pou péniblos, dans des villes où so trouve toujours un certain confortable, on admet avec raison qu'ils no sauraiont so passor do repos et d'un « changement d'air », à plus forte raison doit-on comprendre combien doivent étro éprouvés ceux qui mènent la rude vie des champs,

On objecte que lo nombre dos contonaires est, proportionnellement à d'autres pays, considérable ici ; nous répondons qu'il s'agit do gens vivant bien tranquillement dans les villes; co n'est pas dans les campagnes quo l'on trouve ces centenaires.


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mois, vient Une longue période véritablement occâblante, après laquelle les travailleurs de la terré sont épuisés.

Qui est-ce qui donne au climat ce caractère débilitant? Est-ce l'humidité excessive, dans certaines régions? Est-ce la sécheresse extrême dans d'outrés régions? Est-ce le voisinage du Sahara, lequel nous envoie le siroco ? Esl-co la longue périodo .de chaleur, période -qui dure le plus souvent sept mois sans qu'une goutte d'eau vienne rafraîchir le sol surchauffé à l'excès? Ce sont probablement toutes ces causes réunies ; mais à notre avis les deux dernières dominent l'ensemble.

En redoutant pour l'avenir de ht colonisation les conséquences d'un tel climat, nous laissons-nous aller au pessimisme et à l'exagération ? Qu'on écoute ce qu'en pensent des hommes do haute valeur. .

En 1860, Bodichon, dans son grand ouvrage « l'Humanité, » où se révèle tout entier lo penseur et le philosophe, dit après avoir examiné les diverses occupations du sol africain :

« ... Toutescos civilisations différentes par l'origino et le temps, celles qui avaient des villes do un million d'habitants, ou qui ont couvert lo pays do forteresses, do ponts, d'aqiioducs et autres monuments d'utilité publique; toutes, polythéistes, chrétiennes, musulmanes, furent absorbéos par le Sahara humain et sablonneux. Or, le mémo fait se roproduira si la science positivo no triomphe pas do co destructeur »

Bertillon s'oxprimo ainsi;

a II s'agit do savoir si co puissant soloil d'Afrique qujsèmo presqu'en puro porto tant do forces vivos sur tes landes algériennes, pourra on tin faire béréfloior aux hommes d'Kuropo, à ceux de la Franco, autrement experts dans l'art de détourner à leur profil, les forces vives do la naluro. Les grands et forts Romains d'autrefois l'ont tenté, et ils ont été vaincus ! Eux, qui partout où ils ont mis lé pied en Europe, y ont implanté à jamais leur longue leur loi, leur administration, n'ont rien laissé sur In terre africaino quo los restes inanimés de lours constructions ; vains fossiles d'une prospérité qui a péri, des qu'ollo a cessé


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d'ôtrô ravitaillée par la mère-patrie ; car ce no sont pas les ùibles indigènes, non plus quo los torrents éphémèros dos conquérants, qui l'ont détruito; l'ont anéantit pas ainsi le sang romain; mais c'est lo soleil africain qui l'n dosséchô ! El c'est ainsi qu'ont péri tous los peuples conquérants indo-européens, et ils sont nombreux, qui, depuis les temps historiques, ont été attirées par les richesses africaines 1

» No semble-t-il pas quo ce soit témérité quo do recommencer uno expérienco si souvent tentée en vain..,. »

Ismaèl Urbain, on 1863:

« Il n'entre pas dans te plan do ce travail do rechercher los causes d'insuccès de co systômodo colonisation.... I.o climat surtout offrit dos obstacles sérieux... Des médecins ut dos agronomes assurent quo les. races européennes no peuvent se livrera un travail continu, sous la température élevée do l'Algérie, sans épuiser rapidement leurs forces.... V (t).

Et il cite le Dr Marit ;

I.a faiblesse et l'anémie par l'excès des chaleurs, outre l'insalubrité de l'atmosphère, sont trop souvont lo partage dos habitants dos vallées. Les plaines sont généralement marécageusosàonjugor par le teint flétri des colons L'insalubrité est un obstacle a la colonisation, car lo peuplement véritable se fait par la propagation de l'espèce et non l'immigration.... ^

Tassy;

« .... Si l'on no so décidé pas à dos mesures énergiques, non seulement pour arrêter la marche du déboisement en Algérie, mais pour améliorer los forêts qi'ello contient encore et en créer d'autres, nos colons auront bien vite épuisé les éléments do fertilité que nous avons trouvés dans co pays quand nous en avons fait la conquête ; los sables du Sahara envahiront les Hauts-Plateaux ; tes pluies de plus en plus rares et torrentielles ne serviront qu'à dépouiller les pentes do leur terro

(I) Ce n'était pas du tout, comme on l'a dit bien à tort, par antipathie pour les colons et par sympathie pour los indigônos qu'Ismaôl Urbain avait proposé do limiter faction do la colonisation, ou plutôt de no faire quo de la colonisation « industrielle ». C'était par co qu'il était convaincu que la colonisation « ngricolo » par los Européens était impossible. Il s'ost trompé ; mais il n'en résulte pas moins quo son opinion comporté un grand enseignement.


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végétale i lo* Kabyles oux-mômes seront forcés do déserter leurs champs ot los Bédouins avec tours moutons, se motlront à ta placo do la raco intelligente, tenaco au travail, hospitalière ot docile. Voilà co quo deviendra cello nouvello Franco ou Prévost-Paradol voyait, pour l'ancienne, un moyen, uno source inospérée do régénération I

En 1870, c'est Trottier, l'agronomo algérien bien connu, qui est très catégorique aussi dans ses affirmations :

« Los monuments de pierro et de bronze, dont nous remplissons nos villes no feront pas vivre leurs habitants. Quand les fléaux, suite de la détérioration des climats par le fait de déboisements inconsidérés, so seront accrus, que les populations seront décimées ot démoralisées, il sera trop tard pour remédier au mal ; et ces fléaux, qui so constatent déjà sur bien des points, seront alors un fait général....

« Notre légèreté est réellement incroyable j nous faisons des roules, des chemins de fer, des ports, et l'on ne s'aperçoit pas quo l'édifice manque par la base ; cor si lo peu de forêts qui nous reste disparaît, l'Algérie devient inhabitablo pour les Européens ; et, par la forco des choses, ello rotombera dans ta sauvagerie...

» A quelque point de vue qu'on so place, la conservation et l'extension dos surfaces boisées sont uno question suprémo pour l'Algérie ; que te Gouvernement agisse donc comme lo ferait un père de famille jaloux d'assurer l'avenir de ses onfants !.. .

» Que sos gouvernants qui no doivent se laisser diriger quo par des idéos supérieures, no laissent pas à la génération qui nous remplacera le droit do les acousor de n'avoir pas su prévoir, et do ne pas avoir conjuré en temps opportun lo dangor qui nous menace, et qui est signalé do toutes pr.rts 1 » — TROTTIRR, Boisement et Colonisation, 4876.

Ces citations nous paraissent concluantes et de nature a lever toutes les hésitations. De plus, elles vont au-devant de l'objection qui consiste a dire que Yacclimatement de rémigrant résoudra le problème. L'homme finit par s'acclimater a tous les milieux, pourvu que ces milieux présentent des conditions invariables ou peu variables. Mais quand ces conditions non seulement ne sont pas constantes, mais encore deviennent de plus en plus mauvaises, c'est un acclimatement continuel qui


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serait dès lors nécessaire, puisqu'il faudrait quo l'acclimaté d'un moment recomménco une autre adaptation, au fur ot tV mesure des successives détériorations climatériques. Ce n'est pas lorsque l'autochtone lui-même a tant de peine a lutter contre l'influence du milieu atmosphérique, que l'on peut songer a voir se propager ici rémigrant français (1)

Mais alors, nous demandc-l-on, vous proposez do modifier le climat de l'Algérie. — Parfaitement ! et nous nous faisons fort de démontrer que c'est la une entreprise bien moins considérable, bien moins difficile, autrement patriotique, autrement

Généreuse et enfin beaucoup pins rémunératrice ans ses résultats généraux que certaines oeuvres grandioses, tels que les percements d'isthmes.

Sous la réserve que cette démonstration reste a faire, nous concilierons donc que pour attirer et retenir ici l'émigrant français, il faut modifier lo climat.

(I) Nous savons qu'il est de mode en co moment d'opposer ce qui so passe on Tunisie avec co qui so voit on Algérie. Nous ne dirons pas

3no o'est là une mauvaise chicane que l'on nous cherche ; mais nous irons que coux qui emploient celte comparaison no prennent pas garde qu'ils mettent en regard dos quantités nullement comparables. D'abord lo climat de la Tunisie est certaine ment meilleur que celui do l'Algério ; et eosuilo le colon tunisien n'a rien do commun avèo lo colon algérien. Lo premier ost ou un gérant, ou un fermier, ou un employé, soit de quelques grands capitalistes, soit do quelque société financière delà Métropole Il vit à l'aiso, so repose quand besoin ost, fait un petit voyage en Franco si c'est nécessaire, a des suppléants, dos aides. Si o'ost ainsi quo l'on se flguro lo colon algérien on se (rompe beaucoup. Celui-là n'a que do bien modeste* capitaux— quand il en a — ; il n'a à véritablement parler que ses bras. Il ne peut compter que sur lui-même ; il faut qu'il so débrouille tout seul; et vienne la maladie ou uno mauvaise année — et malheureusement elles no sont pas rares, les mauvaises années, ayée un climat aussi déséquilibré — il est alors enferré pour longtemps)

On pourra continuer à vanter la robuste solidité du colon tunision et ses bienveilhntos dispositions vis-à-vis du lise, nous persistons à préférer nos pauvres petits colons travaillant d'arraché-pied, luttant en désespérés contre tous les obstacles, contre toutes los entraves. Car co sont eux qui feront de l'Algérie un pays véritablement français ; et nous doutons fort que los fermiors des capitalistes de la Môtropoloarrivont jamais à contrebalancer l'influence ôlrangèro en Tunisie.,


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Passons au second termo de la solution pratique de la colonisation. Nous possédons, ou plus exactement nous allons avoir dos colons ; h ces colons, il faut pouvoir offrir do la terre; mais encore cela no sufïlra-t-il pas. Il faut quo cette terre mise en culture soit d'un rapport moyen suffisamment rémunérateur.

Nous n'avons pas a nous occuper ici du premier point. 11 y aura des terres disponibles lorsque la constitution do la propriété indigène sera terminée — soit par la mise en circulation des terres attribuées, soit par la remise au Domaine des terres non attribuées aux indigènes (1) '— et lorsque des voies de communication permettront d'accéder a des régions pour ainsi dire inexplorées jusqu'à ce jour. Nous voulons seulement nous occuper du second point, à savoir que la terre donnera au colon de quoi lui assurer au moins une modeste aisance.

Quelles sont les conditions qu'exige la terre pour produire ? Ce sont : la qualité du terrain, le soleil et* l'eau.

En Algérie, la terre est excellente dans de nombreuses régions ; très bonne presque partout. Pourvu qu'elle reçoive un peu d'eau, la plus mauvaise donne des produits.

Le soleil, lui, n'est que trop prodigue de sa chaleur; pendant de longs mois, il en déverse sans interruption des torrents sur le sol. C'est à tamiser cette chaleur par des écrans protecteurs, par des arbres, et a nous on priver cîe temps en temps joar des nuages à pluie, que devront tendre nos efforts; e'cst-à-dire que ces efforts auront pour objectif de ramener cet excès de calorique o de Ltotifaisahtes proportions de fécondation.

Quant à l'eau, on ne peut nier qu'elle diminue d'année en année. Beaucoup de sources ont disparu; toutes ont vu leur débit diminuer d'une

(t) Sur les 8,000,000 d'hectares cultivables du Tell, o'ost-à-pcino s'il

Ïen a trois millions qui soient mis on culture Et quelle oulturo pour eaucoup I — On voit qu'il y a de la plaoe pour les émigrants.


façon très sensible. Deux ou trois rivières, tout au plus, contiennent un peu d'eau pendant l'été; toutes sont des torrents pendant l'hiver. Les plaines, drainées par les immenses tranchées -béantes du lit desséché des rivières, ne produisent de fortes récoltes qu'à des intervalles de plus en plus éloignés. Les périodes de sécheresse vont en augmentant de durée; la dernièro a duré

Slïl>T AXS.

Des trois facteurs indispensables à l'agriculture, le troisième, l'eau, est donc celui qui fait défaut, ou n'exisle qu'en proportion insuffisante, ou est très inégalement réparti. C'est donc « l'amélioration du régime des eaux » qu'il faut poursuivre,

Quant ait second, dont le régime demande, lui aussi, à être amélioré, on verra que le traitement appliqué à l'eau agira également sur lui.

S'il y avait de l'eau pendant toute l'année dans les rivières et dans les ravins, la question serait bien simple. Kilo se réduirait à l'élude des barrages-déversoirs et du mode de distribution des eaux. Mais c'est a peine si deux ou trois rivières contiennent pendant l'été assez d'eau pour faire la dépense de canaux d'irrigation. On a alors pensé à emmagasiner les pluies d'hiver à l'aide de barrages-réservoirs ; et comme chaque barrage coûte très cher, on a naturellement donné tète baissée dans cette voie, et les millions ont succédé aux millions, Veut-on savoir les résultats? Nous les empruntons à un journal d'Oran :

« Pour les barrages, o'est pis encore. Leur enlrolion doviont inutile, car ils disparaissent à pcfno construits ot avant mémo d'être terminés.

» On en a construit cinq dans la province d'Oran. Pas un n'a résisté :

» \* l,o barrage de Taira n'a pis môme été terminé ; on a eu l'imprudence do lu remplir avant son complet achèvement; il fut emporté;

J> «• le barrago du Tlélat. — Un premier a été détruit ; le second a été fort avarié par une crue }

» 3* Les barrages du Sig. — Lo premier avait résisté longtemps. On en fit un second oh amont ; mais la montagne refusa de lo soutenir ; elle se détacha do lut, laissant écouler toute la résorvo d'oau qui enleva lo premier barrago ot causa la ruine de toute la contrée ;


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» 4' Le barrago do Porrégaux n'eut pas un meilleur sort, 11 céda, ouvrant passago à un torrent furieux déchaîné sur les campagnes ot los villages on aval et semant ta ruine et ta mort s<ir son passago.

» Los centres do Perrégaux ot du Sig ont élé ruinés par ces catastrophes épouvantables, et aujourd'hui encore ils no to tout pas rotovés de c*> désaslro i

» Enfin, lo dernier barrago est celui d'Arzoyv qui est torminé depuis trois ans. Celui-là ne sora jamais emporté. Il ost construit do telle façon qu'il n'a jamais pu rotonir les eaux qui passentdessousoti par côté, »

Le département d'Alger ne possède qu'un seul grand barrage, celui du Ilamiz, Commencé il y a vingt ans, il a coûté plus de cinq millions et n'a jamais servi à rien. On a déjà parait-il, des craintes sérieuses pour sa solidité; le fait est qu'il y a deux ans on a dû faire de grands travaux de consolidation après avoir essayé de le remplir.

La solution du problème de l'amélioration du régime des eaux n'a pas beaucoup embarrassé les autorités scientifiques et administratives de l'Algérie : il tombe beaucoup d'eau en hiver se sontelles dit, et il n'en tombe pas du tout en été. Quoi do plus simple ! Il n'y a qu'à faire des provisions pendant l'hiver; il n'y a qu'à construire autant de citernes qu'il le faudra et on aura pendant l'été autant d'eau que l'on voudra,

Fort heureusement que les quelques citernes qui n'ont pas éclaté, ont obstinément refusé de retenir la moindre goutte d'eau. Nous sommes obligé d'être do leur avis, de leur en savoir gré ! car si elles ont causé beaucoup de mal dans leurs effondromenls, elles en eussent produit beaucoup plus en empoisonnant les contrées de leurs effluves pestilentielles si elles avaient conservé leurs eaux stagnantes. Chose étrange que ces inconséquences d'une administration qui, d'un côté, dépense des millions pour dessécher des marais, et qui, d'un autre côté, dépense autant de millions pour créer de toutes pièces d'autres marais plus dangereux que les premiers ! Plus dangereux, car chaque année ils mettraient au soleil des millions de mètres cubes de vase. Mais les gouvernants et les ingé-


Semeurs n'ont pas à se préoccuper de l'hygiène et de la logique. Loin de se déconcerter après toutes ces catastrophes, les ingénieurs proposent d'étançonner les montagnes et de doubler l'épaisseur do la maçonnerie. Si après expérience faite, il faut tripler, quadrupler, décupler la maçonnerie; eh bien! on la triplera, on la décuplera, Et les gouvernants qui aiment bien no pas perdre leur temps à des bagatelles s'agiteront et se remueront pour faire doubler, tripler et décupler les crédits.

Il nous semble qu'au lieu do chercher la solution du problème dans des palliatifs, et dans des palliatifs extrêmement dangereux et coûteux, il vaudrait mieux remonter simplement à la cause du mal, à la cause qui fait disparaître l'eau des sources et des rivières, et s'attaquer ensuite à cette cause pour ramener l'eau disparue. En médecine humaine, le principiis obsta est le b, a ba de la pratique; verrait-on do graves inconvénients à appliquer la môme méthode à la maladie dont souffre l'Algérie?

Quelle est cette maladie? quels en sont les symptômes? C'est d'abord l'absence do périodes ''de transition entre les deux saisons extrêmes, d'où irrégularité des pluies, Il tombe, en effet, tous tes ans, une quantité d'eau telle que si elle était répartie entre les douze mois, comme dans les climats normaux, il y aurait do quoi satisfaire largement à tous les besoins de l'agriculture. Mais cette masse d'eau tombe pour ainsi dire d'un seul jet pendant les quatre ou cinq mois d'hiver; et puis après, il n'y a plus rien.

C'est ensuite la diminution de la moyenne annuelle des pluies. Pour le moment, elle est encore relativement élevée et suffirait, comme nous venons de le dire, à vivifier la terre; mais il est certain qu'elle va en diminuant, et dans de telles proportions qu'il faut à ce symptôme prêter la plus sérieuse attention.

C'est enfin la sécheresse qui revient par crises, par périodes durant sans interruption pendant des six et sept années.


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La maladie est donc caractérisée par ces trois symptômes ; absence do périodes de transition entre les saisons extrêmes, d'où irrégularité des pluies; diminution de la moyenne annuelle des pluies et périodes de sécheresses, co qui peut se résumer en deux mots : déséquilibration du climat.

Pour nous, cette désiquilibration do l'organisme algérien, qui se traduit par la constitution d'un milieu nuisible au colon et à la terre, vient de la destruction, en grande partie consommée, do l'appareil régulateur des autres appareils organiques et qui est la forêt. La cause du mal est la déforestation. Telle est la thèse que nous allons soutenir.

Quelque» considération* «iir le rdle de I» Corel flan» I» vie fies peuple»

On nous permettra d'emprunter entièrement ces considérations à dos notoriétés scientifiques, On comprendra aisément que, dans un sujet aussi grave, nous nous effacions et que nous placions notre opinion sous lo patronage de noms dont l'autorité ost nu-dessus de toute contestation.

C'est sous forme d'extraits très courts que nous reproduirons l'opinion de ces autorités scientifiques; puis nous donnerons la parole à l'homme qui, dans ces derniers temps, a traité la question d'une façon si magistrale, à M. Tassy.

c En abattant les arbres qui couvronl le flanc et la cimo dos montagnes, les hommes, sous tous tes climats, préparent aux génôiniions futures doux calamités a la fois; un manque do combustiblo et une disette d'eau. '» — HUMDOI.DT.

« On peut dire d'une manière générale, que les forêts, comparables à ta mer par leur influence, atténuent los différences naturelles do température entre les diverses saisons, tandis quo lo déboisomehl écarte los oxtrémes do froidure et do chaleur, donne une plus grande violence aux courants atmosphériques et aux pluies torrontiellos, une plus longue duréo aux sécheresses .. De môme, les flèvrôs patudéennos et d'autres


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maladies ondémiquos ont souvent fait irruption dans un district lorsque do bois ou do simples rldoaux proloclcurs sont tombés sous la hache. ~ Quant à l'écoulement des eaux, aux conditions do climat qui on di*|>ondènt. on ne saurait douter quo lo déboisement ail eu pour conséquent d'en troubler la régularité. La pluie, quo los branches ontrocrolsées dos arbres laissaient tomber goutte à goulto, et qui gonflait les mousses spongieuses ou qui suintait lentement à travers les fouilles mortes et lo chovelu des racines, s'écoule désormais avec rapidité sur le sel pour former dos ruissclcts temporaires -, au tiou de descendre souterrajnoment vors tes bas-fonds ot de surgir on fontalnos fertilisantes, ello glisso rapidement a h surface cl va so perdre dans tes rivières ot dans lus llouves l.a terro so dossècho on amont, te volume des eaux courantos augmento en aval, los crues so changent on Inondations et dévastont les campagnes ou d'immonses désastres s'accomplissenL » — ELISES RECLUS. — La lettre.

« 1,'hspagno eenir*to no fut pas toujours aussi morno. Sa dégradation, sa laideur viennent du déboisement. Los forêts, les bouquets de boi^ tes nrbros do ctôutre mémo ont disparu sous la pioche et la hache du paysan, qui s'est cru praliquo et n'était qu'insensé, » — E. RECLUS.

« Maintenant on doit voir clairement où mono cet critratnomcnt fatal do causos et d'cfleis. qui commence par la destruction des forêts ot so termine par les mlsèros do la population, condamnant ainsi l'homme a partager la ruine du sol qu'il a dévasté..

... De la présence des forêts sur les montagnes dépendent l'existence des cultures cl la vIo des populations. Ici lo boisement n'est plus, commo dans los plaines, uno question do convennneo; c'ost uno cause de salut, une question d'elio ou do n'être pas. » — Simsu.

* tl ost toujours périlleux d'essayer do modifier, si peu quo co soit, co quo la nature a arrangé en y mettant lo temps, beaucoup do temps. Kn quelques jours, l'hommo détruit souvent, par ignorance ou par cupidité le travail do centainos do siècles; puis, tout surpris du dôsordro causé pur lui, il en accuse la rrovidonco, fait processions et neuvalnos ofin do la rendre plus clémente, mais se gardo bien do su considérer comme ta cause principale du mal dont il souflre, » —

VlOLUT-Ut-ÙtlC.


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« A mosure que les antiques forêts disparaissent, les sources se dessèchent ; certaines races d'animaux meurent, ot dos vents inconnus jusque-là apparaissent. La terre pord tous les jours quelque élément dosa fécondité ; de son soin, que do continuelles mutilations dévastent, sortent dos cohortes dé maladies dont la triste influence flétrit lo charme do notre existence passagère. » — tUucu. — Régénération de la nature végétale.

Q Lo phylloxéra est facilité dans sa propagation ou amené par un ennemi plus puissant et plus général pour touto notre région. Il est évident quo o'ost cet onnomi qui doit atliror notro altontion et notre vigilance, et quo c'est lui que nous devons combattre avec lo plus d'énergio.

» Pour nous, cet ennemi, non-sûulement do la vigne, mais do toutes los cultures; col onnemi qui, successivement et progressivement, a fait renoncer le paysan a la culture du lin, du chanvre, du maïs ot menus grains*, cet onnomi qui nous a contraint à substituer aux céréales, devenus à peu près improductives, la vigno, culture arborescente, à racines plus profondes ; cet ennemi qui, s'accroissant tous les jours, vlondra rainer bientôt jusqu'aux cultures arbuslives cl fruitières \ cet onnomi autrement terrible, autrement immédiat que le phylloxéra, c'est la sécheresse. » — Jutes MAISTUE.

« On peut diro quo l'économie dos arbres est te thermomètre do l'agriculture otdo la civilisation d'un pays, * — MAIIA.

« La destruction des foréu est te signo précurseur do la décadence des naliôns. » — lUtiDAiLunr,

Heoutons maintenant M. Tassy dont la haute compétence est si appréciée on France:

« .... Il so fait actuellement, sur lo petit globo quo nous habitons, uno révolution extraordinaire qui tend à y changer de fond on comblo les conditions d'oxistenee dos hommes. La lutto, une lutto acharnée pour l'existence malérletto, y pousse tes peuples, comme les classes dont ils so composent, aëlondro los limites de leur action, h conquérir de nouvonux débouchés pour les produits do leur industrie or, croiton qu'il sufilra, pour nous mettre en état, nous autres Français, do


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maintenir nolro rang et nolro puissance au milieu de ce conflit universel, dont l'inévitable résultat sorn d'abaisser les uns et d'élever les autres ; croit-on qu'il nous suffira d'ouvrir des écoles, d'établir des manufactures, dé créer dos chomins do fer et dos canaux, do fondro dos canons, do construire des forteresses, des vaisseaux cuirassés, dos torpilleurs ot do former des soldats ?

» Est-ce quo le plus vulgalro bon sens no noqs indique pas quo chez uno nation piacéo dans los conditions géographiques, climatériques et polillquos ou est ta nôtre, et que la nature a dotéo d'un territoire capable do lui fournir tout co qui est nécossàtro à la vie dos hommes, o'esl à I» culture do co territoiro que devraient tondre tous les efforts, que dovràicnt être subordonnés tous les autres intérêts, sous peine do voir lo sort du pays livre aux chances d'une bataille !

» C'est l'agriculture qui nous a faits co quo nous sommes. C'est elle qui nous a permis de nous relever après toutes nos chutes. Aujourd'huit dans l'étal où elle osl, nous sauverait-ollo oncore, si nous éprouvions un désaslro commo celui qui a été ta conséquence do la dornièro guorro? C'est douteux, et o'esl certainement la co qui devrait lo plus inquiéter nos législateurs.

» Mais dans co laboratoiro d'où tout sort et oit tout rentre, qu'on appelle la terre, Il y a un élément essentiel, surtout par ses services immntériols, qui mérite avant tout qu'on s'en occupe : c'est la Forêt.

» Rien ne saurait êtro négligé do Co qui ta concerne, puisque, Jusqu'à présent, los hommos n'ont point réussi a so passer d'elle, cl que, un peu plus tôt ou un peu plus tard, ils ont du quitter tous les lieux d'où ils t'avaient chassée.

. » Ce fait Incontestable est pont-êtrc celui qui, dans l'histoho dos nations, marque do la manière la plus saisissante les funostos conséquences do l'Imprévoyance humaine. Parmi los contrées rendues désertos, stériles et inhabitables par ectto imprévoyance, il y on a cepondant où la nature, recouvrant sos droits et usant de sa forco étorneilo, a ramoné la fertilité ot la vie. Les forêts y ont repris leur ancien empire ; elles ont regarni pou a peu tes montagnos et rempli tes vallées do tour êpaisso végétation ; et, alors, quand dos hommes nouveaux, à la roohercho des moyens d'améliorer lour condition, viennent oxptoror les réglons régénérées, ils sont étonnés do rencontrer, dans tes profondeurs silencieuses dos bols, do vastes espacos jonchés de pierres cumulalrcs, où sont gravées des inscriptions on uno tangtio inconnue : dornter vestige d'une civilisation disparue !


» Si nous ne voulons pas que nos tombes montrent, à leur tour, ce qu'il en coûte à l'humanité quand ello prétend maîtriser la nature au gré do ses désirs, faisons à nos forêts la place nécessaire pour la protection de nos cultures, l'alimentation de nos cours d'eau, la purification do l'air que nous respirons, la satisfaction dos besoins do notro oulillngo, et rétablissons onlre otle et les terrains cultivés un équilibre qui est oncore plus désirable pour ces terrains au profit desquels il a été rompu, quo pour les forêts eiles*mômc3.,..

» Il ost clair que, dans lo mondo politique, tes questions forestières sont regardées comme ne présentant qu'un intérêt très secondaire. C'est par là que s'oxpliquont los décisions regrettables auxquelles je viens do fairo allusion, ot elles n'en sont que plus décourageantes. MAIS LA VIB DES NATIONS N'BN RESTE PAS MOINS ATTACHÉS A CBLLB DES FORETS, C'EST UNE LOI FATALS BT CB N'EST POINT EN S'EN MOQUANT QU'ON LA SUPPRIMERA

» La conservation dos forêts est inconciliable avec do telles dispositions morales: sans lo rospect des traditions, sans l'esprit do prévoyance, sans rinlelligonco des devoirs réciproques quo los générations ont à accomplir, sans l'amour do ses semblables, il n'y a pas do garantie sérteuso pour cotte conservation. Le profit immédiat quo lo défriche* ment d'uno forêt procurera, prévaudra, un jour ou l'autro, sur les avantages qu'on assurerait à l'avenir, en la laissant sur pied.

»... Cependant, l'ignoranco trop généralement répandue dans laquelle on ost, on France surtout, relativement à cos avantages, donno, — j'aime à lo supposer — nuxcausos do dostruetion quo jo viens d'énumé* rcr. uno forco particulière; et Jo no dôsospèro pas assez do mon pays pour croire que, s'il était bien pénétré dos dangers auxquels II s'exposo par l'anéantissement de ses forêts, il continuerait a lesbravor ftveo tant d'insouciance.

» La vie des hommes est attachée à ccllo dos arbres, on l'oublie trop. Parmi les nations civilisées ot rivales, ta Franco est déjà une do ecltos qui possèdent le moins do bois, motif d'infériorité plus grave qu'on ne lo penso. La Provonco so dépeuple, parco quo les forêts disparaissent.

» Nous payons un tribut annuel do plus do soixante-dix millions do francs a l'étranger ponr combler lo déficit de notre production, (1) Nous possédons uno magnifique llolto, mats une batailto navale malhoureuso

"~(ï)~Kn7*i8T il était do il? millions, " ~~ ~~*~"


> 32peut

32peut l'onlover ot nous la remplacerions difficilement. La situation mérite qu'on y prenne gardo et qu'on s'occupo d'y remédier.

» ... Quand on lit l'histoire des anciens, quand on étudio leur caractère, on les voit tous d'un respect religieux pour leurs bob Cette histoire est rcmplio do iraits qui montrent qu'une superstition tutétalro s'attachait autrefois à l'existence des arbros ; ils étaient placés sous la protection spéciale delà Divinité. Nos moeurs sont bien éloignées do colles de nos pères ; notro raison impitoyable a voulu sonder tous les mystères; elle a fait tomber tous tes prestiges, ot pour ce qui concorno les bois, tour conservation serait tout h fait compromise, si ollo no reposait que sur la vénération dont ils sont l'objot. On peut diro mémo quo, do toutes les propriétés, o'ost la moins rospectéo. Puisqu'il on est ainsi, puisquo te positivismo de notro époquo a renvoyé les barrières quo lo sentiment religieux opposait jadis à l'esprit do destruction, on 'doit chercher dans l'intérêt dos populations uno sauvegardo qui remplace celle qui n'existe plus. Il faut fairo comprendro tes avantages économiques inhérents a la propriété boiséo ; il faut surtout enseigner los moyens d'en tirerions tes fruits désirables, »

»... En présonco de ces porspeclivos qui n'ont rion d'excessif, voulons-nous persévérer dans notro insoucianco ?

» Si oui, alors, déchargeons l'Administration publique d'une gestion qu'elle est Impulsante à exercer ulilomcnt ; abandonnons les forêts au laisser faire et laisser passer des économistes; livrons los hrêls communales aux municipalités qui on feront co quo bon tour scmbtora ; livrons los forêts domanlalos à lu spéculation qui los convoite.

a Si non, alors no r> archandons pas au service forestier l'autorité légale et los ressources financières dont il a besoin pour accomplir sa mission ; traitons los questions forestières d'Uno autre façon ; irai totales comme dos affaires d'Etat ; élevons-tes au-dessus des fluctuations do tu politique courante, dos convoitises ou dos récriminations individuelles cl surtout des influences électorales; ... onvisageons enfin les intérêts forestiers comme on no dédaignait pas do lo fairo sous les nncions gouvernements, quoique l'on eût) pour s'on distraire, d'aussi folles misons quo celles qu'on pourrait alléguer aujourd'hui.,..

» l/hommc do nos jôurj ne so soucie ni du passé ni do l'avenir : il so soucie du présent» et dans lo présert II no voit que lui ; il a perdu te culte des aïeux ; lo tort do ses descendants no le toueho pas et. depuis

longtemps, it no connaît plus les joies sublimes du sacrifice et du dévouement, Toutes ses aspirations étant concentrées dans l'amour do


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sot-mémo, on comprend son dédun pour los biens dont il no saurait jouir inconlinont et qui pourraient dès tors lui échapper. » •

« L'hisloiro, dit un autre forestier français, nous montre quo, fnUlo d'avoir su conserver col équilibre (entre les cultures et la surface boisée), ta civilisation n'a pu so maintenir sur aucun dos points oh cllo s'esl successivement établie. Ces ruines des ompires accumulées par tes siècles, on a chorchô longtemps n los o'xpliqucr par uno préteuduo loi falaloqui pousserait la civilisation do l'Orient on Occident. Bossuct a voulu nous y montrer la main de la Providoncc Mais la raison humaino a refusé do so courber dovanl ces oxplic;<liooj surnaturelles. Il était réfervé à notre époque do montrer la main de l'hommo détruisant son propre ouvrage par lo trouble qu'il apportait luimêmon l'équilibro des bois cl dos cultures. En modifiant ainsi lo climat, il changeait los moeurs, los usages tt détruisait les conditions qui avaient rendu la civilisation

pOSSible. » (ItBYNARIl).

En Franco, los opinions dos Français, quand elles no sont pas dédaignées do nrune abord, sont tout an moins accueillies avec la plus froido réserve. Mais quand elles nous reviennent de l'étranger, et sous une autre marque, elles sont alors adoptées avec la plus grande faveur. C'est pourquoi nous reproduisons ici un passage emprunté au travail d'un savant allemand :

•< Dans tes contrées que l'histoire nncienno lait connaître, on a pratiqué des déboisements dans les lorrains en montagnos cl en pente, dont los suites peuvent être appréciées d'autant mieux qui) n'y a qu'a comparer l'étal actuel des cultures avec celui de jadis. Il est regrottoblo que les enseignements qui so dégagent de cotte comparaison n'aient pas trouvé des gens mieux disposés à en profiter. Mais, hélas 1 en ces temps modernes, tes forêts sont tout autant maltraitées et dévastées; il on résultera des catastrophes, cemmo dôjù ta Suisso, l'Autrichoot la Franco ont eu a en déploror, jusqu'à co quVnlln lotis ces enseignements viennent à pénétrer dans tes esprits rebelles Cl dans les Intelligences sans foi qui doutent encore. Co n'est pas la scienco, mais uno expérience do milliers d'années qui établit que le déboisement, pilneipateinent dans tes terrains ou montagnos, a pour résultante une diminution rapide dans les productions agricoles cl (luit par amener le dépeuplement ot la désolation. » 3


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Le rélc «le la foret eu Aigrie

Les considérations générales que nous venons d'exposer s'appliqucnl-elles à l'Algérie?

11 y a quelques années, M. Déhérain, après avoir parcouru l'Algérie, s'exprimait ainsi:

« Ce ne sont pas les guerres qui ont fait lo plus de mal à la région de la Méditerranée, mais bien la sécheresse amonéo et aggravée par los déboisements irréfléchis ot par l'abus des pâturages dos moutons dans los montagnes....

» .... Pour préserver d'une rulno totale nos nomades, t'AdminisIration a pris uno mosuro qu'elle doit amèrement regretter : ollo a autorisé lo parcours dans les forêts domaniales; or, laisser los moulons, les chèvres ol les chameaux séjourner dans les bois ou plutét dans tes maquis broussailleux d'Afrique, o'esl condamner couve! à un dépérissement rapide ; ot cependant ta foi et devrait élro conservée comme lo plus précieux do tous les biens, agrandie, soignée, commo l'agent te plus puissant de ta fertilité.

» Lo déboisement qui amène la sécherosso mo parait être, en effot, là cause qui produit la stérilité....

/>..., L'Algérie, à son tour, traverse uno criso dont cite doit sortir plus vigoureuso ; on co montent, cllo est tout ontlère à la cutluro do la vlgno et pout-ôlro lrouvcra*t-ctlo qu'on est mal venu do la détourner do la vote dans laquotlo elle s'engago avec une oxirémo ardeur ; à coup sûr, ta culture do la vlgno améliora, pondant los prochaines années, Uno richosso inconnue jusqu'à présent, et contribuera certainement, dans uno largo mesure, aux progrès do l'Algérie; mais, il faut solo rappeler, il n'y a pas do culture plus dangorcuso ; et co n'est pas sans trembler qu'on envisage les rnvagos quo causerait l'invasion du phylloxéra dans un pays, qut so serait livré trop ardenment à h création des vignobles ; lo mat serait terrible et lo progrès complètement arrêté. L'Algérie reboisée et arrosée a>l à l'abri de toute catastrophe, car toutes la cultures y sont possibles, »

M* Jules Maistre, étudiant « l'influence des forais !; des cultures sur le climat et le régime des sottr-


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ces » développait plus tard l'opinion de M. Déhérain dans les ternies suivants :

« Lo manque d'eau ou, si l'on veut, la trop grande irrégularité des saisons, voila le grand obstacle a la colonisation do l'Algérie. Il nofaul pas nous laisser ontraîner par les avantages passagers quo peut présenter la culluro do la vlgno; il est cssonliul, avant toute choso, do no rien conseiller qui soit do naturo à aggraver ht sécheresse, trop fréquente dans ce pays, cornu e dans tous coux qui avoisinonl les bords do la Méditerranée.

* Tous nos offerts doivent tendre à mieux utiliser tes eaux qui existent, soit en oréantdes barrages dans lus montagnes, en les multipliant sur dos points choisis, soit en favorisant los canaux d'irrigation, soit encoro on reboisant et regazonnanl les hauteurs et les pentes. »

De leur côté, Malié et Galmels ne sont pas moins explicites:

« C'est surtout Gans les pays chauds qu'il faut conserver los forêts, parco quo, d'une pari, elles abaissent la température; et que, d'autre part, elles provoquent los pluies sans lesquelles il n'y n pas do végétation possible. Lo salut do la colonio est a ce piix. » *- MAIIÉ.

« Le déboisement, voilà la principale caùso dos échecs subis par l'agrtculturo en Algérie. * — CALMBI.S.

M. Naudin, de l'Institut, écrit en 1881 :

a C'osl Uno question capitale que lo rétablissement des forêts on montagnes lanl dans lo midi méditerranéen do la Franco qu'en Algérie, J'oserais mémo dire que. pour l'Algérie plus particulièrement, tout l'avenir ost la.....

» D'od viennent les échecs si sou vont répétés cl los lenteurs do ta colonisation dans co vaste cl beau pays ? Il n'y a pas ô chercher bien loin ; tout lo mondo est d'accord pour on accuser In cécherosso, c'esta-diro la rarolo dos pluies aux époques do l'annéo les plus décisives pour to succès dos cultures. C'est aussi, quoique seulement do loin en loin, l'excès de la pluie, qui n'éiant pas emmaganisèo dans lo sol trop dénudé, so précipite sur les pontes en torrenls dévastateurs, et s'accumulant dans los bas-fonds, y produit cos flaques marécageusos ou ^engendré la fièvre.

» Si ta cause du mat ost bien connue, lo remède ne l'est pas moins ; o'esl le reboisement des torres on pentes ; mais au point oh en sont les


choses, l'intervention du gouvornemoni est Indispensable 11 faudrait Opérer sur do si vastes surfaces que tous tes efforts des particuliers, agissant isolément ou mémo do concert, resteraient à pou près sans résultai. A un mal général qui menace tout lo monde il faut opposer dos mosuros générales, ot le gouvernement soûl en est capable »

Enfin,' pour citer encore une autorité scientifique, nous invoquerons le témoignage de LeroyBcaiulcu, si compétent dans les affaires algériennes :

a La grando mesure conservatrice on Algérie, c'est l'entretien dos forêts et ta régularisation des cours d'eau ; deux millions ctdomi d'hectares do forêts à préserver on plutôt à restaurer, c'est une lourdo tache ; et copondant si on no lo fait avec soin, la colonisation est on péril 1 »

A ces auteurs étrangers à ht colonie, il nous paraît nécessaire d'ajouter l'appréciation de ceux qui, étant depuis de longues années sur les lieux, ont pu juger en s'appuyant non seulement sur la science, mais encore sur les choses vues, sur l'expérience.

Des 18-Î5, le docteur Bodichon s'exprime ainsi :

« Cependant, bien qu'il nous soit démentie quo l'Afrique, avec sa composition acluolle, s'opposo éncrgiquomonl an porfeetionnomonl de i la race humaine, csl-co a dire quo toujours ot inévitablement il en sera ainsi ?

» Les indlgènos et les débris des peuples qui s'y Indlgénlscront sontils toujours et inévitablement destinés ô croupir sous eoUo Inftuehco délèlèroî

» Oui, s'ils laissent lo sol toi qu'il csl, tel qu'il a été.

» Non, s'ils lut résistent et lo modifient par des travaux bten conçus cl opiniâtrement exécutés...

» Supposons, commo oxcmplo, qu'uno nation puissante pav son énergie, sa volonté cl ses moyens d'action, vienno so fixer sur lo point [0 plus réfraelairo de toulo l'Afrique, sur la côto llarbnresquo. Sott la France I

» Que la elle vouillo réagir controTinflucnco du sol ot changer ta surface du pays. Ainsi, qti'ollo couronne les montagnes de vastes plantations, qu'elle dcssôoho les marais fangeux, qu'elle hssftlnisso tes plaines ot tes vallées, qu'on tous sons elle trace des voies do communication par des routes cl dos canaux... croyez-vous qu'alors elle no


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rondratt pas cette contrée toute différente d'elle-même, ot qu'alors t'influence du sol ne tournerait pas à l'avantage do la race humaine qui vivrait en cos lieux ?.»

Plus loin il ajoute comme conclusion :

a Ainsi, no laissons pas lo sot tel qu'il est. N'organisons pas l'Afriquo par l'Afrique; mais transformons-la on torro nouvelle »

Kl il indique de nouveau qu'il faut a l'aide de puits artésiens, multiplier les oasis dans le Sahara afin d'y fixer les populations indigènes; puis couvrir d'arbres les montagnes.

On a vu plus haut l'opinion de M> Trotticr; à coté do lui, il nous faut citer un autre agronome très apprécié des algériens, le Dl Mares :

« Cohsutloz los habitants do rOuod-Kcbir, au-dessus de Dlida;ils vous diront qu'ils ont plus chaud qu'autrefois, par suite du déboisement actif pratiqué avec tant d'impunité depuis vingt ans sur les pentes do la valléo 1 »

.iSh 1881, au moment de la tenue a Alger du Congrès de l'association pour l'avancement des sciences, M. Mac-Carthy résume ainsi la question forestière ;

o Aussi longtemps qu'uno goutte d'eau ira se perdre au loin sans notre permission, il no faut pas songer à donner 6 notre agriculture son complot et réel développement, » Et il ajoute : « L'Algérie no saurait rester étrangère à ce grand mouvement scientifique (étude des forêts ot des bols), elle qui doit apporter lo plus prompt remède a l'état déplotabto dans lequel so trouvent ses ressources forestières... Il semblerait on résulter quo l'Algérie est un pays favorisé au point do vue des pluies. Malheureusement colle répartition est fort IrrêgullôM, cl cllo cause chaquo anhéo les plus vives appréhensions à l'agriculture 1 »

Enfin, après avoir parlé « dos localités malheureusement trop nombreuses dans lo Nord de l'Afrique, oti tes eaux sent rares et parclmo» nleusomont distribuées : « cl do l'oeuvro Immense du robolSomonl qui s'imposera a l'Algérie, » il conclut ainsi :

« L'étendue relattVo des forêts a ta surface générale qui, en Europe, ost do il) o/o, ost on Algérloa peino do 0/o, grâce aux pratiques désaslreusos do l'Industrie pastoral Indigène.


■■'"■- 58.-;

» Elles nécessités climatériquos exigent qu'elle soit ici beaucoup plus forte qu'ailleurs l

» L'ignoranco générale est, du resto, si grande à col égard, quo l'on a vu tout récemment uno grando assombléo algérienne domàndor lo défrichemont de 500.000 hectares, c'est-à-dire du quart do co qui nous rosto do forêts 1 La motion est tellement ABSURDE que jo crois qu'il y a ou erreur etqu'on a voulu dire qu'il fallait njoiitor, pour commencor, 500.000 hectares a coux qui oxlstont.

» Mais il y aurait tant do réflexions a fairo sur co sujot, quo jo préfère los lalssor do côté pour nous occuper d'aulros desiderata, »

Au même Congrès d'Alger, M. le capitaine 13rocard, qui a eu la direction pendant de longues années du service météorologique de l'Algérie, signale «les .malheureux effets du déboisement en Algérie, opéré par les François et accéléré par los Arabes depuis la conquête » et le procès-verbal ajoute î « Il est à craindre t|tte' le ma| soit sans remède; et sa crainte est partagée par plusieurs membres. »

Enfin, c'est M. le professeur Batlandier qui formule ainsi son opinion :

« S'il est deux choses dont lo bosoin se fasso vivement sentir en Algérie, c'est' assurément l'eau et l'ombre. Le reboisement du pays pourrait nous donner l'une ol l'aulro, et procurer oncoro a l'agrioulturo bien d'autres nvanlages. L'utilité du boisement n'est du resto contesléo par peréonno; l'on admet même volontiers comme uno vérité banale, son influence sur lo réglmo hydrologtquo du pays; mais l'on déboise toujours et l'on planto bien peu. Or, avec un paroi! système, dans tes contrées analogues â l'Algérie, on arrive à fairo un désert d'une contrée fertile lie terribles exemples sont là pour lo démontrer....»

Examinons maintenant l'opinion des fonctionnaires.

En 1883, M. le Conservateur des Forets d'Alger écrivait:

» Los nombreuses ruines romaines qui couvrent le sol, dans dos contrées aujourd'hui Inhabitées, attestent quo ces régions étalent autrefois occupées par une population considérable qui no pourrait plusélro allmontéo ni par des eaux prisos à la surface ni par dos puits. Il serait


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également imposslblo d'approvisionner de bois ccsccntros dont .les emplacements so trouvent à do grandes distances dos forêts. On est donc autorisé à conclure quo les bois ont été détruits ot quo leur dis* parition a amené lo dessèchement des sourcos et des nappos souterrainos....

K Les forêts furent attaquées par to feu pour fournir dos pâturages ; avec cites, los sources disparurent ; lo vldo so fil ot s'étendit peu à pou do la plaine à la montagne. Los procédés ot los résultats sont restés los mêmes; les Incondiet suivis de pâturages sont encoro aujourd'hui l'élémont lo plus redoutable de dostruction pour les forêts do l'Algérie... Les séchorosscs, l'appauvrissement dos sourcos, les ravages occasionnés par les eaux au moment dos fortos pluies, tout indique uno situation qui éveille de toutes paris des préoccupations fort légitimes... »

M. le Conservateur d'Oran;

« I,'opinion généralo so préoccupe aveo raison do ta disparition des hoisomonts en Algérie nu point do vue l'aggravation do la séchorosso cl des approvisionnements futurs en bois... Lo déboisement ou mémo le débroussaillcmonl des terrains impropres a ta culturo, par suite do leur inclinaison, de leur pauvroléoudo leur sécheresse, ost donc en Algérie, uno calamité au point do vuodu climat cl des eaux... Il n'est pas moins funoste sous to rapport pastoral ot agricole... Mais, avoe la dénudaiton s'accrott la séchorosso ; colto-cl no permet pas de remplacer par dos prairies artificielles lo palurago nalurol qui disparaît ; or, sans bétail, point d'engrais ; et sans fumure, point do terres indéfiniment productives....

» Cependant le déboisomont des Melks so poursuit aveo unonveuglo ordour...l

» .... Le déboisement dos terrains impropres a la culturo, dans ta province d'Oran, stériliso chaque annéo plusieurs milliers d'hectares ; Il a changé tes conditions olimatériques et hydrologiques du pays, a supprimé pout-étro la moitié dos ressources pastorales qui oxlslalont en (810 ; concurremment avec lo déboisemont utile qui s'opèro pour la colonisation, Il a produit dans lo Nord du Tell uno pénurlo qui Ira on croissant..., »

Un an plus tard, M. le Conservateur, accentuait dans une revue agricole ses premières opinions î

« La Colonio ne sera point en péril tant quo l'on se bornera a y défri-


• - *o -- ;

ehor pour la culturo tes broussailles en plaino, parce qu'oilcs présentent peu d'humus et quo ta division du sol parla charrue compense sa pénétration par tes racines des orbriss'oaùx ; mais il y aurait danger réel si l'on déboisait tes montagnes et les collines; et, to jour oit tes défrichements atteindraient la chatno culminanlo du llaut-Tell, l'Algérie occidentale serait oxposéo à voir lo désort refouloc ta colonisation »

Mais celte chaîne culminante du llaut-Toll n'estelle pas déjà ■menacée ? -Le môme Conservateur donne la réponse dans le « programme du reboisement » :

« La plus grande partie de celle surfaco est ruinée, non productive do revenus actuels, d'urio miso en valeur lento et onéreuse,. Même dans le sud du Tell, il n'y a pas trop do forêts pour assurer lo débit dos eaux, la protection do la colonie contre les vents du Sud et son approvisionnement futur au bois ; sur certains points mémo, il y a insuffisance..,.

» Los llauts-rhUmix no présentent de forêts quo dans la tono vol* sino du Tell, mais ces boisements..'. non surveillés sent, en fait, lo lorrain do parcours, do campement cl de cùtiùrb des indigènes : lo peuplement s'y appauvrit progressivement depuis ISÎfi et lo friche gagne rapidement sur la forêt »

M, le Conservateur d'Oran a donc établi lui-même que le défrichement a déjà atteint la Chatne culminante du Haut-Tell ; et s'il n'a pris cru devoir assumer la rosponslibililé de préciser les conséquences graves qui- découlent' des' faits constatés, il est manifeste qu'il a voulu laisser à d'autres le soin d'établir une corrélation entre ces craintes et les faits, et de dire qu'actuellement « l'Algérie occidentale est exposée a voir le désert refouler la civilisation. » ;

M. le Conservateur de Cohstantino est aussi afllrinatif que son collègue d'Oran î

« Il y dotiao ans, unoèro d'épreuves s'ouvrait pour l'Algérie ; penuant sept années consécutives, une sécheresse persistante est venue ruiner tes campagnes, anéantissant les cultures sur certains points, no laissant sur d'antres plus favorisas, quo dos maigres recolles. Soiis l'influence do co fléau et do l'action d'un soleil biùlmn, les pâturages


appauvris ne donnèrent plus uno nourriluro snfflsanto aux bestiaux. Aussi, uno mortalité considérable ont lieu dans los troupeaux, notamment dans ceux des indigènes ; enfin, partout les eaux diminuèrent ; do tous côtés, dos sources, do petits cours d'eau qui, do mêmoiro d'hômmo, n'avaient jamais tari, disparurent totalement, vouant à In stérilité dos lorrains dans lesquels des cultures industrielles ou maratchôros élaiont aussi prospères que productives.

» Un cri do délrossc retentit do toutes paris; on so demanda qu'ollo pouvait être la cause do ta rareté dos ploies, de cclto perturbation apporléo dans lo climat et dans lo régimo des eau*? bans l'opinion do tous, ollo fut attribuée au déboisement.

» Celte opinion n'esl malhcureusemonl quo trop justifiée ; il est certain, on effet, qu'en Algérie les terrains boisés ont perdu, depuis iin grand nombre d'annéos, beaucoup de lotir étenduo*, il ost non moins avéré quo coux qui existent aujourd'hui à l'état, soit de forêts véritables, soit do broussailles, par leur appauvrissement, par la réduction do leur couvert, n'oxercent plus sur le sol commo sur l'atmosphère uno influence aussi énorglquo qu'autrefois. »

Pour avoir l'opinion des attires fonctionnaires, c'est an chef de l'Administration algérienne, reflet exact de l'opinion do ses subordonnés, que nous donnerons la parole :

« L'Algério, relativement peu boisée, au moins dans certaines do ses parties, aurait besoin do l'étro plus qu'aucune cotilréo do t'Kuropo, en raison do In séchorosso particulière do son climat, do l'inégale répartition dos pluies, du régimo Irrégulier le ses cours d'eiu trop prompts à s'épuiser sous l'action de l'évnporation solaire, en raison enfin des variations oxtrêmes de température ot d'humidité atmosphériquos qui caractérisent io climat du pays... » Eoeposé, 1883.

Kn 1884, M. le tïouvornour « SE I AIT i.'tcn > uns PLAINTES i)Ri/At.oé>

ÏUB MBNACtlî bit DRVhNin INt-ftCONDË PAU l,A SftCNRttkSSK, f.ONSUqURNcR

MALI I»B I.A nispAtilttoN OR NOS rohfirs. » Il ajoute mémo : » N'est-il I usa craindre que d'ici là (le veto de la loi foro.-tièro) les boisements exposés aux dévastations no soient détruits I »

Voici sou opinion en ISSU;

« Le voislm.go du désert Cl sa constitution géologique oxposenl notro eclonle â des séchorossos continuelles contre lesquelles la nature ne t'a


- \% -~

pas suffisamment protégée. Lo cours do ses flouves cl do ses rivières est, on effet, pou étendu, ot la ponte on est généralement très accentuée. II on résulte quo là oh les eaux pluviales no sont pas arrêtées, soit par dos travaux d'art, soit par la végétation arborescente, la terre n'en absorbo qu'uno quantité tout à fait insuflUanto, et quo'lo surplus, o'eslà*diro la presque totalité, va so perdro à la mer en y entraînant on même temps des (erres végétales, au grand détriment do l'agriculture.

» Pour retenir ces eaux et les livrer à l'irrigation, pendant l'été, dos barrages-résorvoirs ont été construits, mais quelques-uns do ces ou*? vrages, qui paraissaient cependant offrir toutes los garanties déstrablos do solidité, ont été emportés à la suite des grandes pluies ; d'autres, ayant résisté, ont perdu par l'onvasomont la moitié, et quelquefois mémo les Irois quarts do leur capacité.

» Les leçons do l'expérience ont démontré, d'une part, qu'il faut procéder immédiatement au reboisement des bassins do récoplion des oaux qui alimentent les barrages déjà construits, ou en cours do construction ; et, d'autro part, quo lo reboisement des bassins do réception dos oaux devra, à l'avenir, précéder la construction des barrages, »

Passons aux Représentants de la population ; parmi'eux nous trouverons des affirmations iion moins catégoriques; Kn 1881, un membre du Conseil supérieur, M, Bourlier, signalant les destructions des forêts et des broussailles sur les montagnes, dit: «Si NOUS N'Yr-KKxoxs GAHDK, DANS PKU

D'ANNÏOES, TKI.L DKVJEXDItA COMMK IK PUOI.ONGKMKNT DU SAIIAHA, »

« Le déboisement sans discernement qui se pratique dans les lieux inaccessibles, et sur.des sols impropres a Ja culture, paraît aux youx de tous une des causes les plus puissant*"* de cette perturbation. »

\j\ Commission saisie de l'observa lion faite par ce membre reconnaît « quo le régime des eaux est de plus eu plus compromis par le déboiser nient des crêtes, dans presque toutes les régions ; que le débit des sources subit chaque année une diminution croissante. »

Kn 1883,.c'est" un délégué du Conseil Général d'Oran qui s'exprime ainsi devant l'Assemblée :

«... Depuis quelques années, ces déparlements (Oran ot Alger) plus


_ 43parliculiôrcmonl

43parliculiôrcmonl par uno sécbercsso porsislnnlo, ont vu diminuer d'utio façon inquiétanlo le débit do tours sourcos ; quelques-unes déjà même ont lari...

» Dans certaines localités do la province d'Oran, il a fallu renoncer à arroser los jardins marutehors ; et l'on est monacô do n'avoir plus d'eau pour boiro ot pour abreuver les troupeaux (i).

» Au sjg, on a dû. il y a quolquos mois, transporter do l'eau sur dos wagons-citorûos do la Compagnio I».-L.»M... (2)

o... i.o reboisement do l'Alg4rio est, comma la question do l'eau à laquelle il so lio intimement, uno question vitale, dominant à juste tiiro toutes los autres, a l'bcuro actuelle Un véritable cri d'alarmo ost poussé

(1) Cette situation n'existe pas seulement dans lo département d'Oran. Au mois do févrior 1882, les Conseils municipaux de doux communes situées ù quelques kilomètres d'Alger, Dély-lbrabim et Ouléd-Fayoi, exposent au Préfet la pénible situation faite aux habitants par lo man3ue

man3ue a Rien que l'on soit au coeur do l'hiver, tcutos les fontaines, isont-ils, sont taries. Les puits suffisent ù peino aux besoins du ménage ; et bientôt, à leur tour, ils seront ù soc. Quant aux troupeaux, on ost obligé do los mener au loin, dans les quolquos endroits où los mari s contiennent encore uno eau plus ou moins potablo. Comment envisager l'avenir sans effroi ? L'eau manque l'hiver, quo sera-ce l'été?... » Il est à remarquer que ces deux centres avaient clé pourvus d'eau, à leur création.

(2) Nous empruntons au Al hacher et à VAllas d'Oran les détails suivants sur les événements auxquels fait allusion M. Monbrun :

« Ce r.'cst pas souiomonl à Alger quo l'on so plaint du manquo d'eau. La ville doSàint-Ocnis-du-Sig a failli mourir do soif ; los boulangors ont durononcer, fauto d'eau, à fabriquer du pain ; les norias sont épuisées ; dans la plaine on voyait les chèvres et los moutons expirer do soif sur la berge do la rivière a sec ; les habitants qui n'avalent pas d'argent se mettaient à genoux et suppliaient qu'on lotir donnât un vorre du bienfaisant liquide Le maire a réquisitionné tous los chevaux et voitures do la localité pour aller chercher do l'eau potablo dans los réservoirs des environs. À leur retour on ville, la foule s'c.>l précitée sur les tonneaux el uno véritable bataille s'est engagée »

« D'autres mesures jnt été prises d'urgonco pour l'alimentation do la villo. Dos demandes ont été faites auprès de la Compagnio dos chemins do fer ; ollo a promis d'amener tous los jours au Sig un train chargé do tonneaux. En attendant, los malados oux-mômes sont rationnés à l'hôpital; ils roçoivonl un quart d'eau par jour... »

« ... l.o premier convoi d'eau d'Oran est arrivé aujourd'hui. Los mémos scènes de désordre so sont reproduites au moment do la distribution. La victoire resto aux plus forts qui seuls ont do l'eau... j'ai payé vingt-cinq centimes cinq litres d'eau, et cela graco ù de hautes protections. Uno famille composéo de tout jovnes orphelins, n'avait pas bu depuis doux jours... »


~ 44d'un

44d'un l'autre do la colonlo, particulièrement dans la province d'Alger et dans colto d'Oran. dans lesquelles un déboisement sans discernement a compromis pour longtemps la fertilité d'autrefois. M. lo (îoiivornour Général, dans des considérations dont vous apprécioroz lo caractèro élové, nous a fait connattro ectto inquiétante situation do ta Colonie, les mesures prises et los cfforls tentés pour réparer un mal qui n'est pas sans remède.

c II no pont élro conjuré cependant cl los désastres no pouvontêtro évités dans l'avenir quo si les communes ot los particuliers so joignent a l'Administration pour multiplier les plantations d'arbros... » (Monbrun, Conseil Supérieur, (883, pagos 168 cl suivantes).

Si nous nous adressons a nos Représentants auprès des Cbambres, nous voyons le Rapporteur du budget de l'Algérie en 1881, après avoir rappelé ■qu'en Algérie « I eau fait défaut au point (pie le législateur de 1851, a classé les cours d'eau de toute sorte et les sources dans les dépendances du domaine public, » déclarer. « qu'en Algérie la sécberesse est un des plus grands obstacles A la colonisation et que les mesures qu'il sollicite pour la conservation des forets doivent être considérées comme des mesures de SALUT IM:IILIC. »

Le rapport général du budget de 1881 contient les lignes suivantes:

* l'état du pays exigo impérieusement lo repeuplement des espaces vides qui so trouvent dans les forêts, en mémo temps quo la création do nouveaux massifs. Los défrichements exagérés, les incendies et surtout l'abus du pâturage, plnconl l'Alg.'rio tout entière dans un étal d'habitalité très critique. L'initiative priso par la Llguo du heboisemonl restora stérile si l'Etat ne prend le parti non-soulcment d'encourager çotto iniliativo, mais onepro de reboisor lui-mômo, nu point do vue do l'utilité générnlo. »

Kn 1885, dans le rapport du budget de l'Algérie nous trouvons lo passage suivant :

» Ainsi que nous t'avons déclaré dans notro ON posé dos motifs, la situation .los forêts en Algérie mérito uno attention touto particulière do la part des pouvoirs publies. S'il est possiblo d'ajourner certains travaux utiles, do ralentir l'oxécution do certains autres, il no peut être


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permis do détruire de ses propres mains uno richosso immense qui peut donner do très bons profils au Trésor elqui, on outro, présente ou point de vue climatologique désavantages du plus haut intérêt. Or, depuis la conquôto de l'Algério, les forêts do co pays ont été livrées, abandonnées aux déprédations, aux dévastations des indigènes.

La même année, M. le député Letellior fait le rapport suivant sur une pétition déposée par les membres de la Ligue'du Reboisement;

.Chambre des députés. — M. LKTELUIÏK,rapporteur

Pétition nù 1570 (Déposée par M. Letcllier, député d'Alger)

Des membres de la direction centrale delà Ligue du Jîeboisement, a Alger, soumettent h la Chambre un ensemble de' yoeux relatifs au reboisement de l'Algérie.

» Motifs de ta Commission. — Lés pélilionnairos font remarquer que lo déboisement do l'Algérie aura pour résultat, si l'on n'y motordro, do frapper'de stérilité lo Toll algérien et d'on faire comme le prolongement du Sahara ; tandis que lo reboisement aurait pour effet d'augmenter la quantité do pluie ot d'accrutiro le débit dos sources qui, depuis uno diijalno d'années, ont diminué d'une façon alarmante Ils demandent en conséquence, quo les lois qui devaient compléter l'oeuvro entreprise par lo législateur do 1874 pour préserver les riebosses forestières de l'Algérie vous soient soumise à brof délai par M. lo Ministre do l'Agriculture, et afin quo l'Administration vouiilo bfon rendre applicable i l'Algérie la loi du 2 avril 1882.

» Ces voeux sont amplement justifiés cl la Commission ne peut quo proposer de les appuyer très vivemont en prononçant lo renvoi à M, lo Ministro do l'Agriculture do la pétition dos Membres do la Direction centrale dé la Lfguo du Rebolsoment. (Renvoi au Ministère de l'Agriculture.) »

L'année suivante, c'est M. Lccointo, député de l'Indre, qui dépose le rapport suivant sur une nouvelle pétition adressée par la Ligue du Reboisement:


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Chambre des députés, — M. LKCOINTK (Indre), rapporteur

Pétition n° S0d?0 (Déposée par M. Letellier, député

d'Alger)

«.Le docteur Trolard, à Alger, au nom de la Ligue du Reboisement'-de l'Algérie, soumet a l'examen de la Chambre un ensemble de considéralions sur la question forestière dans cette colonie.

» Motifs de la Commission. — Les observations contenues dans la pétition sont malheureusement boauconp trop exactes. Nous avons, en 1879, parcouru toute l'Algérie. C'est avec regret quo nous avons pu o via ter dans l'onscmblo des terrains désignés comme forêts, beaucoup plus do broussailhs qjodo bois. Et pourtant lo développement des plantations serait, pour l'Algérie, au point do vuo do la salubrité, do l'abondance des oaux, do la fécondité du pays, d'une importance extrême Les montagnes dénudées de l'Aurôs ont perdu tout lo terrain végétal qu'elles contenaient tt cos terrains, dans cerluines plaines, comme celles d'Kl-Oulaïa. par exemple, ont produit des accumulations do torre végélato d'uno profondeur surprenante. L'ingénieur, chargé du forago dos puits artésiens nous affirmait qu'il avait trouvé là plus do > ISO mètres do torro végétalo de première qualité, et quo les vingt premiers mèlrcs étaient formés de couches d'uno richesso inépuisable. Par contre, toutos Us montagnos qui entourent cos riches plaines sont arides ot dénudées. C'est lo sort qui est réservé aux coteaux ot aux montagnos incomplètement boisées.

» F.t pourtant des plantations do diverses essoncos ont donné des résultats morveilleux. Ainsi, los robiniers peuvent venir partout ; les eucalyptus croissent avec uno rapidité surprenante. Nous avons vu, à l'oxposilion do Bôno, dos eucalyptus de quatre ans do semis former dc3 arbros assez gros pour étro employés comme poteaux télégraphiques. Nous avons pu constater aux environs do Pbilippevillo dos bois d'oueaiyplus ploins do viguour et d'avonir.

» Co n'ost pas en quelques lignes qu'on peut développer l'examen des avantaces immenses que procurerait rencouragoment des plantations des arbros de la Floro algérienne. Mais un résultai immédiat, c'est la multiplication dos eaux cl dos cours d'eaux et la salubrité do l'air. Ces


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fatts sont constatés par l'étude la plus élémentaire do l'acllon réciproque du règnovégétal sur lo règno

» Par cos motifs, ot sans plus de commentaires, la 20* Commission prenant on considération los observations communiquées par to Doctour Trolard, renvoio la pétition à M. lo Ministre do l'Agriculture, avec inslanto prière (l'on tonir complo [Renvoi au Ministre de l'Agriculture), »

Pétition (Déposée au Sénat par M. Le Liècre, sénateur d'Alger)

Seize habitants d'Alger adressent au Sénat une pétition relative à la préservation des forêts de l'Algérie et au reboisement de la colonie.

•M. Louis LA CAJÎK, rapporteur

o Rapport. — Plusieurs membres de la Direction centralodola Ligue du Reboisement en Algério s'adrossent au Sénat pour appeler sa sollioitudoet colle du Gouvernement sur la question foroslière; cllona nullo part, on effet, plus d'importance quo dans un pays où i'oxistonco des forêts, en sugmontant la quantité des eaux à emmagasiner, so lio étroitement à l'avenir de la colonisation, ol où, suivant les expressions du Conseil supérieur, le déboisemont progressif ferait, dans quelquos années, du Tell algérien lo prolongement du Sahara.

Le Gouvernement se préoccupe de celle importante question. Ha mis a l'élude un projet do loi s'inspirnnt des disposilions los plus propres à assurer la conservation dos forêts.

» En altondant que to Parlement on soit saisi, los propositions do crédits pour lo budget de 1881 tendent à l'accroissement du personnel en Algério, à la réorganisation du sorvico, à l'augmonlation des moyens d'action et do surveillance, destinés a combattra le double péril do la dévastation et do l'incondio.

» En raison do la gravité des questions soulevées par la pétition dos signataires, la Commission des pétillons on propose le renvoi ù H lo Ministre de l'Agriculture. {Renvoi an Ministre de l'Agriculture). »

Opinion de M. le Sénateur Le Lièvre:

« ... Vous pensez bien, mon cher Docteur, que j'insiste autant quo


-48jo

-48jo peux, près des puissants du jour, sur l'idée du roboisomont de l'Algéno, m'ofl'orçanl do représenter celle mesuro çomino étant do salut public pour notro colonie... »

Si nous recherchons l'opinion des Ministres, nous constatons, (pio le seul d'entre eux <|iii se soit un peu inquiété de la question a reconnu «que la ruine des forets n'était plus qu'une affaire de temps. » (1877).

Enfin, si nous interrogeons les procès-verbaux du Conseil Général d'Alger, lequel s'est depuis longtemps préoccupé de la question du déboisement de l'Algérie, nous trouvons une opinion absolument conforme à celles que nous venons de reproduire. Nous ne citerons pas tous los procès-verbaux oùla question est traitée ; nous nous bornerons ù en mentionner deux.

Kn 1S7G, séance du 20 octobre, M. Demoly rapporte un voeu déposé par MM. Bourlicr et Maîglaive ainsi conçu :

v Lo Conseil Général du département d'Algor. pénétré de la nécos» site qu'il y n d'empêcher lo défrichement inconsidéré du sol, nolam» ment- sur les montagnts et sur les coteaux dont la ponto ou la cons» titution géologiquo laissent entraîner los terres par les pluies, émet » lo voeu que lo t'uro XV du Codo forestier, relatif au défrichement des » bois, soit appliqué désormais on Algérie.... »

« Votro y* Commission, après avoir entendu l'oxposô dos motifs présentés par l'un des signataires du voeu, vous proposo d'appuyer le voeu et d'adresser à l'Administration l'exposé des motifs rédigé par M. de Malglaive, en insistant sur la nécessité pour l'Administration forestière d'apporter un soin tout particulier dans l'oxamon des autorisation do défrichement à accorder.

....» I es montagnos dénudées de la Provence, colles du Languodoc, les déserts rocheux de l'Espagne, où il ne pleut plus qu'à do rares intervalles, sont lu pour prouver qu'il y a dans la conservation do certaines forêts un intérêt capital et quo, si parfois la génération présente gagno à un défrichement, co n'est qu'en exposant ccllos qui viendront après cllo à dos alternatives d'inondations furieuses et do sécheresses désolantes.


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» Il ost grand temps do songer à celle perspective en co qui touohe lo département d'Alger.

» Tout en respectant les droits des propriétaires do faire défricher dos broussailles situées en plaine ou surdos coioaux pou inclinés,nous dovons appeler la sérieuse attention do l'Administration sur le danger de laisser inconsidérément défricher les pentes raides. Cos pontes transformées en cultures ne donneront jamais que do maigres résultats, jusqu'au jour où un orago, entraînant à la mer les terres qui les recouvrent, laisse lo roc à nu pour doubler par la réverbération, l'intonsilo do la chaleur do nos élôs, et tarir les sourcos dont lo bassin dalimonlntion aura été ainsi détruit.

» Voila lo résultat certain auquel on arrive par le défrichement des coteaux.

» Citons l'exemple de la Provence cl do l'Espagne plus près de nous Oran, avec la montagne de Santa-Cruz, Orléansvitlo et los co'lines dénudées de la plaine du Chôliff.

» La Société, menacéo ainsi dans ses conditions de vto, a incontestablement un droit do légitime défenso et elle peut s'opposer à un acto qui stériliserait le pays...,

» J'ajouterai quo les propriétaires do bols ont autant d'intérêt que los autres citoyens, et souvent plus, à la salubrité du pays cii sont situées tours propriétés, à l'entretien des sourcos, à un juste équilibre entre les pluies et los sécberosscs, toutes choses que do grandes surfaces boisées contribuent puissamment à consorvor.

» C'est uno vérité miso depuis longtemps hors de douto par de nombreuses expôriencos....

» Il est urgent de remédier a une situation qui empire do jour en jour, on priant M. lo Préfet do rappeler à l'Administration des Forêts qu'il lui appartient de prendre des mesures efficaces à cet égard et aux Maires du département qu'ils doivent tout leur concours à cette oeuvre do salut pubtic, en leur faisant comprendre la gravité du danger... »

Deux ans après ce rapport remarquable qui •n'est,- comme -l'indique le rapporteur, que la reproduction de l'exposé des motifs des auteurs du voeu, M. Bourlicr, au sujet d'un projet de déclassement de terrains forestiers, faisait la profession de foi suivante :

« L'Algérie, Messieurs, est do tous les pays du vieux mondo en dor-


_B0nière

_B0nière comme pays forestier, le dernier aussi sur le tabloau dos contrées od lo reboisement est pratiqué. L'Algérie vient après l'Espagno dont lo climat a été si profondément modifié par la destruction dos sur* faces boisé» s, après la Tnrquio où cotto administration no passo pas pour ôiro progrcs.-ivo

» Faut-il en présence dos résultais déjà obtenus do noire infériorité si absolue on fait de reboisement, alors quo nous no cessons de réclamer contro los défrichements oxagérés dos bois et broussailles, appuyer lo voeu do nos collègues ? Voire 3' Commission ne lo penso pas. Elle estime quo la colonisation no gagnerait pas beaucoup au défrichoment do quclquos boctaros do mauvaises terres. La torro boiséo est trop rare en Algério et la Ierre labourable assez abondante pour qu'elle ne trouve qu'avantages au maintion du bolsoment actuol. •

On nous pardonnera ce long exposé d'opinions empruntées aux personnalités scientifiques, administratives et électives les plus autorisées, a l'exclusion de notre opinion personnelle. Mais nous avons pensé que dans cette circonstance, il no fallait pas craindre d'accumuler les faits, les preuves et les arguments.

Nous pensons avoir établi qu'il n'est pas aujourd'hui uno question algérienne sur laquelle il y ait ùii'accord aussi unanime que sur colle du Reboisement de l'Algérie. Ilis'.oriens, savants étrangers ù la colonie, savants habitant le pays et ayant une longue expérience, agronomes, fonctionnaires forestiers, administrateurs, Représentants de la nation, Conseillers généraux, tous sont d'accord pour reconnaître retendue du danger, la nature du mal et le remède spécifique qu'il faut apporter ù co mal.

Action directe et locale île 9n foret

Toutes ces autorités, dont nous invoquons le témoignage, ne se sont-elles pas trompées en attribuant ù une seule cause la situation actuelle de l'Algérie ! Celle-ci, comme d'autres contrées,


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n'est-clle pas soumise a certaines lois météoriques' générales, sur lesquelles la foret ne saurait avoir aucune influence?

Il y a la uno objection sérieuse, mais qui a un défaut capital : c'est de no pas venir en son lieu. Personne, en effet, parmi les partisans les plus déterminés du reboisement, n'a prétendu modifier les lois générales de l'atmosphère a l'aide des forets. Beaucoup, au contraire, sont parfaitement convaincus de l'action locale des forêts sur les phénomènes météoriques locaux ; beaucoup sont intimement persuadés qu'a défaut de montagnes élevées et couvertes de neige, la forêt pourra remplacer en partie ces condensateurs de nuages a pluies.

» Je sais bien quo. dans ces derniers temps, dit Tassy, il s'est élevé dos protestations au sujot do l'utilité que l'on avait jusqu'alors, d'uno voix unanime, atlribuéo aux forêts. Ces protestations viennent d'un malentendu ; ainsi, nous avons vu dos savants s'efforcer d'établir quo los forêts n'ont pas d'influence appréciablo sur los grands pbénomènos cosmologiques, et nous on avons vu d'autres concluro do lu quo l'Etal n'avait pas plus à s'en préoccuper qu'il no so préoccupe des autres culturcs. Or, est-il nécessaire de le faire remarquer? en posant le problème de cette manièro, on l'a fort mal posé.

» Que les forêts n'aient aucuno influenco sur la masso d'eau que lo soleil pompe chaque année dans les mers, pour la laisser retombor sur les continents; qu'elles n'en aionl pas davantage sur la distribution générale do la cbalour à la surface du globo et sur les grands courants qui traversent l'atmosphère, o'osl possible: mais qu'est-ce que cela prouve?

, » Est-il bien vrai que les forêts peuvent modifier los circonstances particulières par lesquelles ces grands phénomènes se manifestent aux hommes ? Voilà la question, ot porsonno ne conteste qu'elle ne doive étro résolue par l'affirmative.

» H importe peu au point do vue des conditions do la vie humaine, que la température moyenne annuelle d'une région no change pas. si les variations de celte température sur un point donné deviennent toiles que ce point soit rondu inhabitable. Do mémo, il est indifférent que la quantité d'eau qui tombe ebaquo année sur une partie du globo resto la


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mémo, si la distribution et l'écouloment do cetlo eau éprouvent dos perturbations Co no sont pas les moyennes, co sont les chill'ros sur lesquels reposent cos moyonnos, qui louchent les hommes ; ce no sont pas los phénomènes généraux, eo sont les phénomènes locaux ; co n'est pas l'ensemble dos choses, ce sont les détails, car l'humanité elle-même n'est qu'un détail dans la vie universelle C'est un détail aussi que quatre de nos départements so dépeuplent, et quo leurs habitants aillent en Amé» riquo continuor, clans les montagnes Rocheuses, ces défrichements insensés qui ont stérilisé leur sol natal ; mais pour la Franco, et mémo pour l'humanité tout onlièro, co détail ost un événement lameniablo, »

Certainement, l'objection dont nous parlons vient d'un malentendu, car il n'est personne (fui puisse apporter des expériences contraires a cellca de l'Ecole dé Nancy faites pendant sept années consécutives ot dans des conditions rigoureusement scientifiques ; ainsi qu'à celles de Faut rat, de Jules Maistro et de Cauvegril, il n'y a qu'a se reporter ensuite à l'histoire et. voir aussi ce qui se passe encore de nos jours. Recourons à l'auteur allemand, que nous avons cité plus haut,

« Los vallées jadis si riches du ligro cl do l'Eupuralo no portent plus, par suite du déboisement, que la végétation des steppes,.— La Grèce était autrefois riche en bois et on sources ; aujourd'hui elle n'a plus do forêts, mais la sécheresse y règne en permanonco (les trois dixièmes du pays sont en forêts, mais les arbres y sont représentés par do maigres broussailles). '•- L'Asie Mincuro a pu s'enorgueillir do ses ravissantes campagnes tant qu'elle a possédé ses magnifiques forêts de chênes, do lillouls et do boires; actuellement la séeneresso règno el la végétation a disparu aveo l'humidité. — Dans les montagnes d'Argos on no trouvo plus une seule source. — En Palestine, les forêts do chênes ot les gras pâturages ont disparu onsemblo ; les misérables broussailles et les maigros prairies qui subsistent sont à peine susceptibles do nourrir dos chôvros. — Dans la Campanio, les forêts ont disparu et, aveo elles, dos villes et des bourgades, los villas et les jardins. — Dans la contréo comprise entre le Piémont et la Provence, les terres arables ont diminué d'uno façon extraordinaire ot l'émigration des habitants va en augmentant. — En itussio, d'immenses étendues, jadis couvertes do forêts et maintenant déboiséos, no présenlonl plus que quelques broussailles ; en


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revanche, les (louves, mémo le Volga, voient constamment leur débitdiminuer, — Dans l'Amérique du Nord, la destruction inscnséo des forêts produit des eit'els désastroux sur les conditions elimatériquos et sur la fécondité du sol, D'après certains rapports, l'humidité du sol do l'Amériquo du Nord a diminué depuis cent vingt-cinq ans et pondant chaque quart do siècle, de sept pour cent, par suite des déboisements, rotto diminution constanlo donne les plus grandes inquiétudes au point do'viio du climat, do la fertilité, do la santé publique, »

Nous n<v voulons pas citer ici avec détails l'histoire'do certaines .contrées comme le Cap, Tile Rourbon, la Jamaïque, l'île Ste-llélène, Madère, les Canaries, Porlo-Rico, la Réunion, etc. où l'on n- vu l'eau disparaître avec les arbres, puis revenir avec ceux-ci. Nous prendrons nos arguments de démonstration en Algérie même,

Quelles sont les localités qui reçoivent le plus de pluies ! Nous voyons Fort-National et Djiqjelli tenir la tète avec 1091,7 et 1057,2 millimètres ; puis viennent La Galle, et Tizi-Ouzou avec 881,9 et 923,6 ; et ce sont Cran et Orléansville qui ferment la marche avec 591,7 et 414,0 (statistique 1884); c'est-àdire que le maximum des pluies existe dans les localités entourées de forêts, et lo minimum dans celles qui en sont dépourvues.

Le volume du Congrès scientifique d'Alger (1881) renferme une carte de la distribution des pluies eu Algérie. Les régions qui reçoivent annuellement la même quantité d'eau sont indiquées par des zones de mémo teinte, la plus riche en pluies étant la plus foncée et celle qui en reçoit le moins étant la plus claire. Or, on constate que les zones, très foncées aux environs de tyjidjclh et de Bougie, vont en s'affniblissanl à mesure qu'on s'approche du sud et de l'ouest.

Eh: bien ! en superposant celle carte à celle de la distribution des forets en Algérie, on constate aussi à très peu de chose près 'que les zones de pluies -correspondent aux zones des forêts.

Kt, dans cette zone de Djidjelli-Bougie, quel est le point qui atteint la moyenne pluviométrique la


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plus élevée? C'est un petit bassin d'environ 40,000 hectares, situé à l'ouest de Djidjelli, La moyenne des pluies y dépasse 1 m. et s'élève même jusqu'à 1 m. 40 : c'est que la surface boisée occupe plus do 22,000 hectares. Cette production d'une grande quantité de pluie ne peut être attribuée qu'aux forêts, car les cinq cours d'eau de cette contrée sont peu profonds; leurs sources ne sont pas à plus de 20 kilomètres do la mer; et les montagnes n'y sont pas plus élevées qu'ailleurs.

Quoique les terrains do culture soient de qualité médiocre, la population locale jouit d'une véritable prospérité, qui n'est due qu'à l'extrême fraîcheur de la contrée j les sources y abondent ne tarissant jamais, morne pendant les grandes chaleurs de l'été.

« ... Le Iloggar offre, de ce phénomèno(action do la forêt sur la pluie) l'exemple le plus remarquable qu'on puisse citer. Sur les versants nord du Iloggar, les pluies sont presque inconnues... ; sur le versant sud, au contraire, elles sont extrêmement abondantes et tombent régulièrement. Là, il est vrai,* on retrouve de vastes forêts ayant en partie déjà la vigoureuse végétation des tropiques, tandis que dans la région nord on ne voit 'qu'A do rares intervalles, et sur des points particuliers, dos bouquets do gommier et de térébintlie. »

Nous empruntons ces détails au « programme général de reboisement » ; il est difficile de ne pas les considérer comme une démonstration typique de Phiiluence locale de la forêt sur la formation des pluies.

Dans ce même « programme » se trouve la démonstration la plus éclatante de l'étroite connexilé qui existe entre la quotité annuelle de pluie et le degré de boisement. Quand on y lit la description dé l'état de boisement d'un bassin, on peut, sans crainte de se tromper, établir une moyenne pluviale proportionnelle. La relation entre cette moyenne et lo coefficient de boisement est invariable dans toutes les régions. La


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même observation est frappante pour le régime des eaux courantes.

A moins do vouloir fermer les yeux à la lumière, il nous semble impossible do ne pas voir dans ces faits la démonstration de la thèse que nous soutenons.

Non-seulement on ne peut nier que la pluie tombe de préférence dans los régions boisées pour abandonner celles qui'sont dénudées; mais encore il ost impossible do ne pas constater que dans certaines régions, elle diminue proportionnellement à la disparition des forêts.

Trottier a relevé les observations nluviométriques faites à Alger depuis 1830 jusqu'à 1870. Il a divisé ces 38 années en trois périodes et il à trouvé comme moyenne de pluie annuelle :

lr 0 embrassant 12 ans 800 millimètres 2* — 12 — 770 -

3« — 14 ... 039 —

Cette courbe à chutes successives n'est-ellc pas significative ? Ne rcpréscnte-l-ellc pas fidèlement la courbe de la déforestation autour d'Alger ?

La société la Ligue du Reboisement a fait une enquête sur le régime des eaux dans le département d'Alger.

Des renseignements qu'elle a recueillis, nous ne reproduisons que ceux qui concernent un canton, réputé autrefois pour sa richesse en eau, le canton do Boufarik.

Dans ce canton, quinze sources, jaugées en 1879, donnaient un débit total de 1,310 litres par seconde ; jaugées deux ans après, à la même époque de l'année, elles n'ont donné que 710 litres, soit à peine un peu plus de la moitié seulement.

Les cours d'eau principaux du canton de Boufarik Sont nu nombre de cinq. Les sources dans la plaine, aux environs de cette ville, étaient autrefois très nombreuses. Les eaux qui n'avaient pas d'écoulement formaient tes marais dits de


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Boufarik, Ben-Khcllil, Oitcd-Tlita, qui ont été desséchés par des canaux'.. Les sources qui alimentaient les canaux de dessèchement dans leur partie amont sont presque toutes taries, et le débit total, qui était environ de 140 litres, n'est plus que (te 10 à 15 litres, par seconde''Dans le bas de la plaine, il y a encore un pou d'eau ; mais le débit, qui éîait de 200 litres, n'est plus que de 40 à 50 litres.

Le canal de POtted-Tlila, qui .recevait lotîtes les sources du marais de Sidi-Aid ei.de l'Ouod-Ghobel,- dont le débit ensemble à Pétiago était de 15 î\ 20 litres, est complètement à sec depuis deux ans.

Le débit des oueds a considérablement diminué ; le volume de Pltarraeh était n efois do 0 à 800 litres par seconde; il varie a» leinenl entre 2 et 300 litres. Les oueds bîMi. i et Amrouïssa n'ont jamais donné qu'un mince'filet. (Peau de «S à 10 litres, «|tii est réduit depuis plusieurs années à 3 on 4 litres; il y a deux ans, ces ravins, dans leur partie basse, étaient à sec. ï/oued BonChemla. qui débitait, on 1804, 150 à 180 litres, n'a plus qu'un volume de 70 a 80 litres. L'oued Kroihis débitait, en 1804, 100 a 200 litres ; en 1881, le volume d'eàu n'était plus (pie de 15 litres; cette année, il était do 30 à 40 litres, .par une exception qui confirme la règle.

Lu. courbe'des eaux d'alimentation de la ville d'Alger descend d'année en année; et aux portes de cette ville se voit un exemple frappant de l'assèchement local, dà à la déforeslation. L'oued M'Kaeel du lirais-Vallon faisait tourner quatre moulins, il y a Ironie ans. Aujourd'hui, eau et moulins ont dispartt a la suite des bois qui couvraient le moiit Bqtizaréa.

Ce ne sont pas seulement les villes et les villages qui voient ainsi disparaître leurs sources et leurs rivières. Dans l'espace de quelques années, des régions entières ont subi dés transformations telles que l'esprit en reste confondu.


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S'il est un pays qui ait été vanté avec enthousiasme par te général Marguerilte, c'est assurément la région connue sous le nom d'Kl-Coradia (plateau du Sersott). Kn 1845, un lleuve dont les bords sont magnifiquement boisés, traverse ce « ravissant pays de chasse, unique en son genre ». En 1818, toute une: colonne bivnque (ta us ce paradis:

u Les officiers ouronl la permission do ebassor, ut lo lendemain soir tûirtos les broches étalent pamles, do nombreuses bourriches s'étalaient dans tes cuisines... Les soldats avaient trouvé dans lu rivlêro do prodi» giousos quantités do barbeaux, et, sur lesbords, des salades do cresson ot do cklcoréo... » {Mes châssis en Algérie),

Aujourd'hui, on cherche en vain les traces de cette exubérante végétation qui, il y a.à peine' trente ans, faisait de ce pays un véritable Kden, suivant l'expression du général Marguerilte. Fleuve, marais, verdure, gibier, ont disparu pour faire pince au plus nu, au plus sec, au plus affreux désert.

lai Un île l'occupation l'oiitultic

A ces arguments empruntés à l'histoire de nos jours, qu'il nous soit permis d'ajouter une très courte incursion dans l'histoire ancienne.

On ne trouve pas chez, les historiens les véritables causes de la disparition de la domination romaine, s! puissante et si admirablement organisée, Ce ne sont pas les imnslohs étrangères ni les rébellions des indigènes qui Pont anéantie.

Est-ce donc, comme le» dit Rcrllllnu, le soleil africain qui a desséché le sang romain? Nous croyons que h*» est la véritable explication de PaffaiblissemenL puis do l'anéantissement do cette robuste constitution» Un soleil implacable; a desséché petit à petit le pays et a Uni par le stériliser. L'habitant .anémié par des chaleurs lorrides et continues, ruiné par Pinfécondilé de la lents à disparu «»u moindre souille.


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A l'origine, les Romains ont trouvé un sol fertile t habitante :

a I/Afrique le grenlor do Romo, possédait jadis de vastes forêts dont los grands fauves peuplaient tes arènes du pcuplo-rol. Dien desstôclos avant l'occupation romaine, dans ces mémos forêts vivaientTéléphanlj Solon, Hérodote, Strabon, Pline, Plutarquo yslgnalenl son.éxislonce on grand nombre, non seulement dans les montagnes de la Mauritanie peu éloignées du détroit, dans la (iclulio et l'Atlas, mais encure dans te sud do la Numidio, autour du lào Triton, te CholWel-Kôbir do la Tunisie.

» On doit on conctUro que l'éléphant à celte époque si élolgiée de nous, trouvait sur lo versant oupst ot SUD do l'Atlas, comme dans lo sud do la Numidio, LES BAUX ABONDANTES, I.BS HEABAOBS ÉPAIS qui lui étaient nécessaires, et qu'il B disparu AVEC LES FORÊTS, comme avoô ces dernières ont disparu tes eaux. La situation actuelle de VAlgérie n'est O.U0 la suite naturelle de cet état de choses. • (CALLJNBT, conservateur des forêts, Constanllne).

On met en avant* il est vrai, « l'arbori infectai' dus » de Sailuste pour réfuter la prétendue existence des forêts dans l'Afrique du Nord. Mais au inême Sailuste, ne peut-on répondre par son « ager fruentn bonus peaofis » iiul serait assois inexplicable dans un pays dénudé, lequel aurait eu nàr suite a subir tout entière l'action du vont brûlant et desséchant du Sahara f Au surplus, d'autres auteurs anciens ne semblent pas partager l'opinion de Sailuste :

« Hérodote el Stfabon mentionnent les richesses forestières de l'Afrique septentrionale, surtout celles do la Mauritanie \ Pllno vnnio los forêts do cèdro do Numidio, exploitées dans ta période Carthaginoise; Slllus ltotlcus couvre l'Atlas do bols épais do pins et Corlppus est prodtguo do bois do tonlns sortes. » (I)

« Los lioniatns ont encore trouvé le pays nssoa habitable pour y fondor dos villes considérables» que l'état actuel des ressources en eaux ne leur mirait pospermls d'établir aveo leur* seuls moyens d'action. » (î)

[\\ l'Algérie romain», G. ItoissiBMb ■ /, Uit , ■ . \î) Restauration des foréti #1 dès pâturages au iud de VAlgérie. HtYttAM.


Les auteurs musulmans racontent d'ailleurs :

« Qu'avant l'invasion orabo on pouvait tdlor do Tripoli nu Maroc sous le couvort ininterrompu dos grands arbres» o (l)

Sur les Hauts-Plateaux même, les Romains ont donc trouvé de l'eau et du bois, car il est peu probable qu'ils eussent fondé leurs grandes cités, le où manquaient ces éléments Indispensables à la vie. Vomniparens de Corippus leur a offert un pays réalisant l'idéal rêvé par des colons et pour des colons—Que s'est-il passé put'la suite?

Par la suite, les colons et les troupes ont usé et abusé 'tins forêts. L'indigène refoulé sur les montagne s'y est créé des terres do culture;. Kt tin jour, on s'est aperçu que la terre ne produisait plus par suite du manque d'eau, que les villes ellesmêmes n'avaient plus d'eau d'alimentation. Alors, se sont construits los barrages et les citernes.

Est-il admissible que les Romains so fussent aussi solidement installés dans ce pays si dès les premiers temps ils eussent été dans la nécessité d'avoir, a grands frais, recours a ces moyens artificiels? Nous ne te pensons pas.

Ils ne se sont pas rendu compte des-raisons de la sécheresse ; Ils se sont bornés a ces moyens artificiels, qui évidemeiil n'ont pas sulll a enrayer un mal dont les causes subsistaient toujours. Celte période des citernes et dès barrages i\ duré qnettluo temps. Sur lo sol dénudé et a peu près privé (l'eau, le soleil n'a fait germer que des maladies) le peuple romain s'est éteint, ruiné el anémié I Kl los quelques débris (pli ont échappé, se sont fondus avec les Indigènes.

Après le passage des Vandales, les Indigènes décimés sont descendus dans les plaines, lesquelles ont suhTiYleurs besoins. Les montagnes, dès lors Inoccupées,' se sont repeuplées sous les seuls etïorls de la nature, lie là, quand nous sommes arrivés en Algérie, une situation moins niau(I)

niau(I) Vu \\Km,


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valse sans doute que celle des derniers temps de l'occupation romaine, et qui, améliorée, eût peutêtre permis le développement de la colonisation. Mais, loin d'améliorer, nous avons sapé, détruit comme à plaisir (1); le résultat ne s'est pas fait longtemps attendre.

Tout cola n'est que pure hypothèse, dira-t-on t Nous en convenons; mais cette hypothèse a un point d'appui qui n'est pas sans solidité. Cette histoire de Poccupalion romaine n'est-elle pas la reproduction absolument exacte de l'histoire de l'occupation française. N'en sommes nous pns aujourd'hui, nous aussi, à la période des citernes et des barrages ? L'anémie, cette maladie qui efféminé et orieiitaliso, ne fait-elle pas des progrès effrayants depuis quelques années 1

Il ne nous paraît donc pas exact do dire quo la dénudation des montagnes et l'état do sécheresse de l'Algérie soient le fait d'un climat particulier a celte région, pus plus qu'il-serait logique d'attribuer au climat l'aridité de certaines contrées dont on a pu suivre, jour par jour, pour ainsi dire, les phases de dégradation parallèlement aux phases de déforestation. La vérité est que c'est l'homme qui, par son Incurie et son imprévoyance, iï créé les climats anormaux d'aujourd'hui.

Coefficient île ImlBcifttènt tic l'Algérie

Pour aller plus loin dans la recherche de la cause êtiologique, établissons maintenant le coefficient de boisetmmr do l'Algérie.

D'après les statistiques les plus récentes, les

(i) « Lo sel forestier U été négligé jusqu'à présents et depuis qu'il est entre nos mains loin de»'améliorer, il s'est appauvri » — Tassy, ma. •— * Les forêts do l'Algérie se rapprochent du termo do leur rulno *,— Tossy, I8*î3 - t U ruine clos torils do l'Algérie n'est qu'nno nltolro do temps » — Mlnlstrodo PAgrioutturo, 4877.


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surfaces boisées en Algérie s'élèvent au cluflro do 2.878.095 hectares, dont 1.1)91.131 pour le Tell et 881.503 pour les llaitls-Plaleaux, Lo 'superficie de l'Algérie colonisablo étant de 22 millions d'hectares en chiffres ronds (12 millions pour le Tell et 10 pour les Hauts-Plateaux), la proportion dos terrains boisés par rapport aux autres est un peu plus de 10 p. O/n.' Pour le Tell, qui comprend 2 millions d'hectares de forêts, la proportion est a peu près de 17 p. 0 o, tandis quo pour les Îlauls-Plaleaux elle n'est que d'un peu plus de 8 p. 0/().

Nous ne faisons ici cette dernière distinction (lue -.parce qu'elle a déjà été faite a propos de Ponquètc du Gouvernement Général ; mais elle n'a aucune valeur.

Le Tell ne peut, en effet, être séparé du territoire des Hauts-Plateaux qui'le domine, pas plus que le versant d'une montagne ne peut être considéré comme indépendant, ou point de vue elinutlolo^ique, du plateau uni domine co versant. Un Voisinage aussi immédiat ne doit pas être chose négligeable, et ce n'est pas la ligne des crêtes uni fera de ces deux territoires deux régions indépendantes l'une de l'autre.

Si l'on veut donc établir un coelllcient de boisement pour l'Algérie, il ne faut pas s'arrêter au 'Tell; il faut envisager l'Algérie entière, tout au moins l'Algérie colonisablo, o'est-a-dire22 millions d'hectares environ.

ur, nous avons vu (pie pour les deux régions le coelllcient .dépassait a peine 10 p. 0 b. Kst-ee lu un taux normal i

Prenons pour point de comparaison là Provence — et a beaucoup (le points de vue la comparaison se justille — lions devrions avoir nu-moins-le taux de cette région qui est de 21 p. (Pnt soit déjà une différence de 11 p. 0 o. Mais le cltilïre de la Provence est reconnu lui-même comme très iusutllsant.

Lu-moyenne de boisement est en France de 10 p. O/o» De ce que l'on a. conslutê en Provence


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une moyenne de 21, on n'en a pas conclu o, une situation normale; on a fait et on fait encore de grands travaux de reboisement dans ces régions. Pourquoi ? Parce qu'il n'y a aucune comparaison a établir entre des régions situées sous des latitudes différentes et dans des conditions dissemblables. Ce qui a été dit plus haut au sujet de l'action do la forêt explique suffisamment pourquoi les cultures ont d'autant plus besoin d'être protégées et alimentées d'eau, que l'on s'approche davantage de l'Equateur,

En ne considérant que le degré de boisement du Tell, on commettrait la même erreur que si. en France, on s'était arrêté au coetïlcieiit actuel de la Provence sous prétexte qu'il était supérieur ù 10 p. 0/n, taux moyen de toute la France.

Et de plus, eu n'envisageant que le Tell en Algérie, on s'exposerait donc ù dénaturer la nnture du problème ù résoudre.

En somme, si Pou veut atteindre ici un taux normal de boisement, il faut obtenir au moins celui que l'on poursuit en Provence et qui est d'arriver a un taux de 30 p. 0/n, au moins. Polir nos 22 millions d'hectares, c'est un total de T millions d'hectares de forêts qu'il nous faudrait posséder. Or, comme nous n'en avons que 2.878.000 — mettons 3.000.000 :—eu soNt A MILLIONS QUI MANQUKNT A NoThi; ACTIP; et ce cbilTro est évidemment un mlninium, car il faut tenir grond compte de la proximité du Sahara^

Peut-il maintenant y avoir le moindre doute? Ce déficit considérable dans l'élément forêt» n'estII pas a lui seul Panirmatton la plus nette, la plus caractéristique de la cause éliologique que nous cherchons 1 Entre les troubles profonds constatés dans le régime des eaux et les troubles non moins profonds constatés dans celui des forêts, peut-on voir autre chose qu'une corrélation t Ou trouver un exemple aussi .'probant de cause a effet surtout si Pou se rend compte que l'effet a exacte^ ment suivi lu courbe useendunte do kulélbrostationt


-65CONCLUSIONS

-65CONCLUSIONS

Il nous parait superflu do pousser plus loin la démonstration; a notre avis, la loi do corrélation entre le régime du climat et des eaux et l'étendue des surfaces boisées nous parait établie aussi solidement que beaucoup d'autres lois physiques.

Il n'est personne, croyons-nous, qui en présence de tant do preuves scientifiques et de tant de faits, veuille encore s'en tenir a la théorie des sept vaches maigres et des sept vaches grasses. En acceptant avec résignation Celte théorie fataliste, nous n'aurions qu'a attendre le sort des pays que l'on a laissés se transformer en déserts.

11 nous semble qu'il vaut mieux nous > o rapporter aux enseignements de l'histoire, et surtout croire aux indications précises (pic nous fournit la science.

Non-seulement la forêt augmentera la moyenne pluviale, mais encore — résultat plus important certainement, car la moyenne actuelle suffirait comme volume d'eau *- elle HI':OUÏ.AIUSI:UA les pluies et les saisons. Elle éteindra les torrents aériens co .nie elle éteint les torrents terrestres «lui dévastent les Alpes ot les Pyrénées.

Là ne se bornera pas le rôle local de la forêt.

La forêt, en effet* agit mécaniquement par ses feuilles, par ses branches, par son humus, parles plantes petites ou grandes, — véritables éponges, —-lpt1 couvrent son sol, pour emmagasiner les eaux cl produire les sources superficielles ou pro* fondes.

Elle sera, en outre,le plus grand obstacle ft Pévanoratioii, notre grand ennemi ici, car celle-ci atteint jusqu'à 2 mètres par an.

Le boisement des montagnes, cnlln, constituera un véritable engrais polir les plaines voisines. En amenant avec leurs débris, h la surface du sol, les sels solublos que leurs racines Vont chercher dans la profondeur de la terre, les arbres préparent polir les plaines les meilleurs des engrais»


-64Le

-64Le dans le régime des pluies et des eaux n'est pas douteux ; mais, dit-on, ne polit-il être attribue à d'autres causes? No serait-il pas «11*1. à dos mouvements de soulèvement ou d'abaissement du continent el à des lois météoriques générales auxquelles nous ne pouvons échapper i

Que l'Afrique soit, comme d'autres continents, soumise à des soulèvements en niasse, cela est possible, probable.Mais sur les mitres continents, a-l-on constaté.de semblables perturbations dans le régime des pluies ou des. rivières? Il faut ajouter (pie ces mouvements, inappréciables pour de courtes périodes (le temps dans les autres pays, auraient du se révéler ici par d'extraordinaires et très appartîntes dislocations, car ils ont produit, dans l'cspncc.dc. quelques années, les plus profondes perturbations. Oui donc a signalé de pareils bouleversements ?

Quant aux lois-météoriques générales, (tue l'on invomie i en rappelant les .périodes do disette et d'abondance de l'antiquité, leur existence est certaine aussi; et il est non moins certain ■que depuis quelques-années nous en ressentons les influences. Qu'est-ce .que cela prouve ? Cela prouve que les conditions locales, capables de lutter contre ces lois générales ou de les atténuer, tendent a disparaître. Les phénomènes atmosphériques y font alors sentir leur action nélasle avec d'autant plus de IVéqueueo'et d'aidant plus de violence queilu défense et la protection s'affaiblissent, eu attendant qu'ils y régnent en maîtres absolus comme dans les pays entièrement dénudés. Les lois météoriques générales (tue Pou a invoquées'pour, expliquer notre désastreuse .situation- n'en sont donc pas les causes; elles en sont, en réalité, un -symptôme et un symptôme de la plus hante gravité,

Nos conclusions seront les suivantes :

Sous nos climats, les facteurs nécessaires pour la production hormale de lu pluie el la régula ri-


-68sation

-68sation saisons sont: la latitude des régions, les montagnes élevées avec leurs glaciers ou leurs neiges, les forêts, les surfaces d'évaporation (mers, cours d'eau et lacs), la direction des vents et enfin la profondeur des bassins.

Dans les pays qui possèdent ces facteurs ou quelques-uns.'dé ces facteurs, les lois météoriques générales sont atténuées ou corrigées localement par leur influence.

Mais en Algérie, les montagnes, a quelques rares exceptions près, sont peu élevées et n'ont ni glaciers ni neiges durables; les bassins, sauf un seul, sont peu profonds; les surfaces d'évaporation manquent complètement ou sont inutiles (en effet les oueds n'ont pas-d'eau; on a vidé les lacs au lieu de les assainir ; et quant à i'évnporution marine, elle est inutilisée par suite d'absences d'obstacles qui puissent la condenser).

Non-seulement l'Algérie est privée de ces facteurs importants ; mais encore elle a comme voisinage immédiat l'immense Sahara qui, chaque jour, empiète sur ses limites. De plus, en raison de sa température et de certains vents, la moyenne d'évaporation y est excessive.

Le seul facteur qui reste A l'Algérie pour la production des pluies et l'entretien des sources, est donc lu foret.

Or, dans ce/pays, la forêt tend a disparaître dans des proportions considérables.

Aussi, la sécheresse a-t-elle suivi une marche parallèle a la dêforestation ; les phénomènes météoriques exercent leur action sans être a peine inlluencés; cette action sera absolue, entière quand le pays sera dénudé, comme l'Egypte par exemple.

LE REBOISEMENT

Le diagnostic est posé ; la nature de la makutle est parfaitement établie; quel sera le traitement?


-oeil a été indiqué au fur et a mesure de nos investigations: il faut boiser et reboiser jusqu'il ce que le taux normal de boisement soit atteint.

Iteliolftcmcitt du Tell

Pour quelques personnes, les sommets des montagnes et les pentes abruptes' (1) devraient être seuls réservés aux forêts. Ces 'sommets et ces pentes garnis de bois, est-il besoin de le dire? ne sullirnicnl pas à nous donner le coetlicient de boisement indispensable a nos régions. Ce que nous avons dit plus haut de la nécessité d'adopter co taux.'de boisement, nous dispense-de discuter ce point.

Il importe aussi de ne pas perdre de vue que l'alimentation en bois de \'v\\ des villes est une des conditions matérielles de l'existence des habitants ; que' le jour on, lo défrichement des terres étant terminé, il faudra aller .chercher le bois de ton suivies sommets et les-petites abruptes,-ce bois reviendra plus cher-qu'A le la ire venir de franco oit de l'Etranger.

« La vérttô est quo si domain, dit tassy, par un coup do bagucllo maglquo». la population ooroj.éotmo était, portée nu clnflVo do deux millions d'antès seulomont, lo manque do bots la ioreoraltîisô disperser limnôdintcmonl. MJa dans certains eonlios, lo combustible ligneux ost hors do prix ; lo storo do bols n vntti fr.uics i\ Oonstantlnc, 20 àSdtlf. Los tribus cl los particulier* dôfrlebont, ol voilà pourquoi on s approvisionne ossoz facilement do bois û Algof el dnns quolquos Centres, mais cette rossotirco sera vlto epulsdo. »

D'uno autre part, notro concitoyen M. ïrottier s'exprlmo ninsl: a Kn Algôrlo, ectto question (alimentation en bols) est Importante, car nous n'a von 3 pas do houtllo; dans beaucoup do localités oit lo bot9 dlalt nbonil)

nbonil) motnbro du Conseil Supérieur y ajoulo tes points Inaccos» siblos (<i'e).


- 67 ~

danl il y a pou d'années, il tond .à dlsparatlro t on détruit sans so préoccuper do l'a vonir,... On pont prédiro quo lo temps n'est pas éloigné ou la ville d'Alger ma n quo M do bols do fou I »

Pour cette raison, il y a donc lieu de conserver près des villes et des agglomérations les massifs forestiers qui existent déjà, quelle que soit leur situation, ou d'en créer sYil n'en existe pas.

Il n'y a pas lieu, suivant nous, de déterminer d'avance les points à reboiser ou dont il faudra conserver les boisements. Il ost évident qu'il faudra de préférence garnir les sommets, et laisser le moins de vides possibles dans le voisinage des Hauts-Plateaux; mais il est évident aussi que cela ne suffira pas pour la protection des cultures, el que les pentes douces el les coleaux devront aussi recevoir des bois sous peine (l'assèchement de tout le pays. Il est certain également que les plaines elles-mêmes, dont on semble vouloir proscrire les arbres, deviendront infécondes si elles ne sont entrecoupées do rideaux et de; bouquets d'arbres. (I) Co sotil là les seules Indications générales que nous puissions donner ; tes indications précises et définitives seront l'affaire des Commissions (PenqtuHe, dont nous parlerons plus loin.

Au sujet du boisement des plaines, qu'il nous soit permis d'ajouter quelques mois.

N'y aurait-il pas le puis grand Intérêt a effectuer des plantations le long des cours d'eau. Ces arbres, qui pousseraient avec vigueur, protégeraient les berges, abriteraient lu nappe liquide en l'em(I)

l'em(I) sur co point los études do M. do urévans sur lo Régimeagri* cote do l'Algérie. — « Les forêts des plaines no sont pas moins unies quo colles des moningnô. Uno contrée non bolséi» no saurait jouir d'uno Irntelieur convenable ot d'une fertilité naturelle satisfaisante. L'éqmlibro outre le sol forestier et lo sot nrablô est indispensable a In prospérité do l'agriculture t malheur aux pays assez imprévoyants pour détruiro leurs forêts t » Hervé Matigon, - tassy exprime la mémo opinion eu sujet dos plaines de l'Algcrio.


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péchant de se dessécher pendant Pété et en rendraient Pévaporation plus lente et-plus régulière.

Ces rideaux d'arbres, a l'aide'desquels-ou gagnerait sur le Ht des rivières des milliers d'hectares, auraient très certainement une action favorable sur les vents el sur un des éléments météoriques les plus importants, la tension de la vapeur d'eau contenue dans Pair.

Que Pou suppose, par exemple, le CbélilY:.'ses berges ont été restaurées et garnies d'arbres sur une "profondeur, d'un kilomètre ; Peau relevée de temps en temps par 'des barrages déversoirs et même par des .écluses,- remplit eh lotit temps le lit de la rivière. (I)

Qui ne comprend Pinlluetice considérable qu'aurait sur le climat celte nappe d'eau de 700 kilomètres de lonj? el cette immense "bande arborescente f

À'qui'incombera ce travail de plantations des rives dos oueds ?

L'opération est assez belle pour tenter l'entreprise privée. Les terres à gagner sur les lits des rivières sont incalculables, et la distribution des eaux procurerait .do gros oéiiéîlecs.

Qu'un gi'fnid mouvement de travaux de colonisation so produise, nous ne doutons pus-que. les capitalistes ne viennent ici se disputer ce genre d'entreprise, dont les bénéfices," très sérieux pour eux, seraient considérables pour la colonie.

Les broussailles du domaine forestier

Au sujet des forêts du Tell, il nous faut dire quelques mots d'une .question qui a fait grand

(I) Nous disons en tout temps ; car l'on des premiers résultais du reboisement sera d'ussurer a nos rivières ; un débit régulier j elles ho seront plus exposées, comme aujourd'hui, ou ù charrier îles torrent* et à causer des inondations pondant l'hiver, ou o éiro complètement ù sic pendant certains étés.


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bruit en France et en Algérie, a deux reprises différentes;; .nous:'voulons parler du projet de déclassement d'une grande partie du domaine forestier.

Qui (loue s'est mis A la tète te cette campagne? Nous voyons le'Conseil. Supérieur» M. Hourlier et M. le (iouveriieur Tirman.

Or, le Conseil Supérieur avait; ainsi qu'on l'a vu plus hnui,'.déclnrc-cn 1881 que le déboisement sans discernement qui'se pratique'sur les crêtes et sur des sots impropres a toute culture constituait le plus grave danger-pour" l'Algérie.

Kn 1878; M, Hourllcr estimait : que la colonisation ne (fuguerait pas beaucoup ait défrichement de quelques hectares /te mauvaises terres. La terre boisée est trop rare en. Algérie el la terre labourable tissez abondante pour qn*elte ne trouve qu'a* tantages (tu maintien du boisement actuel. »

■Quant è M. le Gouverneur, voici qu'elle était en 18S2 son opinion sur les broussailles: <

« Il faut rechercher avec ardeur to moyon d'activer la reconstitution dos forêts immei)Se$t]ui couvraient autrefois le pays; mais tout d'abord Une chose s'impose AU suNtAmt DKoné, c'est la conservation cl ta transformation des boisements dégradés, broussailleux et ontrecoupés do vides. . »

Un niravant de prendre l'engagement de livrer les oOOJMio hectares, .le. même Gouverneur disait :

« D.tus les montagnes, sur les coteaux, dans les terrains aridos, la végétation forestière o» orbusltvo crott avec uno spontanéité, so déve* tuppo avec une vigueur et .se maintient avec imo ténacité qui n*onl d'égales quo l'énergie des causes do (testruclion donl elle ost mcnaeéo depuh dos siôclos. Il sntltrali, lopins souvent, «te protéger tes brous» saille» contre Pihccmlio cl la dent du bétail pour voir tes bolsemchl» se reconstituer oU)xerc,r tour'notion bioïifaisnhlo sur lit ctimaturo et l'hydrologie du pays. I.o* peuplements kit plus dégradés ne réclament qu'une slitiplo et pou coûteuse opération de recépige pour raviver los souchos épuisées ot faire surgir los bots do l'avenir. »


70 —

Il nous parait difficile de rencontrer une conviction aussi ferme el aussi solidement raisonnée.

Enfin, il faut ajouter que'-.sur l'initiative du Gouvernement délierai, une enquête forestière avait eu Heu en 1885. Or, tout en se conformant strictement aux indications données par l'Administration supérieure, les forestiers avaient reconnu que, loin de chercher ù diminuer le domaine forestier, iî fallait tout d'abord- l'accroître de ïKi.000 hectares.

Comment expliquer dès lors que le Conseil .Supérieur, M. Hourlier et M. Tiruian nient cru devoir mettre de côté des opinions aussi -formellement, aussi nettement exprimées l Nous y.renonçons, attendu que nous n'avons trouvé nulle part traces des raisons qui les ont obligés à vouloir brûler ce qu'ils avaient tout d'abord adoré.

Notons que la campagne fut menée avec une véritable passion. Le Gouverneur ne craignit pas de "dénaturer le rapport ollicie) de M. 'Passy et (l'interpréter tes instructions d'un autre fonctionnaire îles forêts dans un sens absolument contraire au fond de ces Instructions,'afin de pouvoir écrire aux trois Hréfets de l'Algérie une circulaire dans 1 iquelle le service forestier est représenté ; comme « ayant toujours passé pour détenir de vastes surfaces de terrains non boisés qui pourraient fournir de précieuses ressources à Coeuvre de la colonisation, »

On lit donc une enquête ; et, parties pour trouver les 500.OOt) hectares que l'on afllrmait bien haut devoir s'offrir (Peux-mêmes, les Commissions sont revenues rapportant, après bleu des tiraillements el graeo à beaucoup do complaisances de la part de fonctionnaires tout prêts à faire plaisir ail Maître, rapportant, disons-notis, juste 8.000 hectares 1 -* Conl de l'enquête : 50.000 francs !

Ce simple historique sulllrait o juger In question. ; mais nous ne voudrions pas paraître abuser d'un des côtés faibles des partisans du déclassement projeté, Que disent-ils ? « Nous ne voûtons pas que ton louche a ce qui esl véritablement a


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l'état; de forêts. Nous voûtons seulement qu'on mette la main sur les terrains qui ont plus de broussailles que d'arbres. »

A ce compte, ce n'est plus 500.000 hectares qu'il faut réclamer, c'est 1.500.000; car, d'après .l'estimation de Tassy, les trois-cinquièmes de nos forêts sont à l'état de broussailles.

Comme on no fait aucun aménagement sur ces forêts, faulo de crédit; comme elles ne sont pas surveillées, faute de personnel, il n'y a qu'à attendre encore quelques années, et tout sera réduit a l'état de broussailles; on pourra alors exiger le 'déclassement de toutes les forêts.

D'autres partisans du projet se contenteraient des terrains où il n'y a absolument que do In broussaille. Il-,est-'facile de-leur' répondre quo. lorsque ces terrains seront eOlcaeement protégés, ou bien ils se transformeront spontanément en forêts, ou bien ils resteront h l'état de broussaille. Or, dans le premier cas, ils doivent être conservés par l'Administration ; cl, dans le second, s'ils sont restés tels quels, s'ils n'ohtpu produire autre chose que dos buissons, c'est que lo terrain est incapable de toute mitre végétation et par conséquent impropre à la colonisation.

Le fait de la transformation spontanée de terrains broussailleux en lorèls n'est pas rare sous notre climat. oh on a pu établir une protection efficace, on a assisté a nu rapide essor.de la végétation nrbuslive. QtPon attende donc l'épreuve à faire sur ces lorrains I

C'est Popinion do M. Tassy ;■« .... Dans ces plaines comme sur les plateaux, il y n cependant des terrains qui, à cause de leur peu de profondeur et de letirs composants minoralogiques, ne conviennent pas à l'agriculture. Il y reste encore quelques broussailles. Ces broussailles devraient être conservées avec soin ; dans quelques années elles formeraient des bnis.... »

Colle opinion de M. Tassy, M. le Gouverneur la partageait en 1882, comme on vient do le voir,

t'our entraîner Popinion publique, on a fait


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miroiter aux yeux des colons quo l'Administration allait leur abat.donner 500.000 hectares de terres exceptionnellement favorables à la culture de la vigne. Nous avons montré ce qu'il fallait penser delà qualité de ces terres; mois-admettons qu'elles soient réellement bonnes à ce genre de culture; cil bien ! nous ne craignons pas de dire'que leur désaffectation serait un malheur pour les viticulteurs.

Nous ne voulons pas rechercher ici, si au point de vue çlimntologique, le seul (lui nous occupe en ce moment, la vigne peut remplacer les broussailles ; nous nous bornerons à taire remarquer que l'avenir de noire vignoble réside surtout dans de bonnes conditions cliinatériques.

Au lieu de ne voir dans la forêt.qu'une ennemie ou une aceaparcuse de terres, les colons devraient plutôt In considérer comme leur plus bienveillante protectrice.

C'est elle, et elle seule, qui régularisera, en effet, un climat profondément troublé, passant (l'un extrême à I autre ■— de l'inondation à la sécheresse — c'est elle (pd leur donnera l'élément fécondant par excellence, Peau,'toute Peau nécessaire pour donner une robuste santé à leur chère plante; c'est elle qui mettra leurs vignes à l'abri de la grêle; c'est elle'enfin'qui préservera leurs champs de ce vent bridant, qui dessèche en quelques minutes la récolte à la veille de la phis riche vendange,

Mille hectares de vignes, abrités, protégés, placés dans les meilleures conditions de la vie végétative, rapporteront toujours plus que dix mille beclares exposés aux aléas de nos saisons actuelles; voilà ce qu'il Importe de ne pas perdre de vue!

N'oublions que de sagnees observateurs, comme Nandin, oui considéré la dèlbrcslnlinh du midi de ta France, sinon comme cause 'déterminante de phylloxéra, du inoins comme cause occasionnelle et aggravante; et que ces observateurs ont fait remorquer que la .vigile était encore indemne en


■r 73.~ ■■-.'.'

Auvergne on avait résisté pied à pied en Suisse, c'est-à-dire daiis les pays on existe une proportion à peu près normale de forêts.

Mais, encore une fois, ces lorrains broussailleux sont impropres à toute culture, et les quelques spéculateurs qui ont poussé l'Administration dans cette malheureuse campagne le savent très bien. Us espéraient acheter à vil prix — où même obtenir gratuitement —- quelques milliers d'hectares. Ne pouvant faire aucun autre usage de ces terrains, ils y eussent tout simplement mis des troupeaux. Et, dans quelques années, quand le bétail aurait ou tondu ot rasé toute végétation, ces grandes étendues de terres n'étant plus protégées pur quoi' (pie ce soit, auraient eu leur squelette rocheux mis à nu,

Supposons..mémo 'qu'il n'y ait pas dans cette affaire une intervention de spéculateurs quelconques ; et admettons que l'Administration ait remis les hectares déclassés à des Colons. Mais ces çoloiis eussent été duns l'Impossibilité de lès" défricher.

Il y a, en effet, une loi, la loi forestière de 1885, spéciale à l'Algérie* qui applique'eux broussailles les interdictions de défrichement du titre XV du code forestier,

D'après cette loi, sont frappées d'Interdiction de dêlricliement les broussailles ;

1° Se trouvant sur te sommet et la pente des montagnes ou coteaux >

2° Servant à la protection des sources el cours d'eau ;

3° Servant à la protection dos terres et des côtes contrôles érosions de la mer et l'envahissement des sables ;

i* Nécessaires à la salubrité publique»

Or, qu'elles sont les broussailles quine rentrent pas dans l'un de ces cas ?

Cl cette lot, à qui donc la doit-on? Précisément à ceux qui ont été les promoteurs du.projet de déclassement des terrains broussailleux»


■■ - n - '■;-.'■

IIcliplMCiiioiitN «IIIP les HmitM-PlRtcntiv

La région Telliennc ne doit pas seule nous occuper dans cette grande question du reboisement: les liants-Plateaux doivent être, eux aussi, pris dans cette question.

A la suite d'un travail très remarquable fait en 1880 par un agoni des forêts, (i) M. Hcynard, l'attention publique fut un instant attirée du côté de ces régions. Sur la proposition do la Chambre de Commerce d'Alger, uno Commission fut nomméo en 1881, à Tenet d'aller sur place contrôler et vérifier les faits avancés dans le mémoire de M, -Hcynard. Des menaces d'insurrection1-'obligeront, malheureusement la Commission réunie à llogari à rétrograder; et les choses en sont restées là.

Depuis celle époque, de nombreuses démarches furent tentées mais sans résultais, auprès du Gouvernement Général pour obtenir la reconstitution de cette Commission. L'enquête forestière ne jeta aucun jour sur ce sujet ; aussi le silence se fit-il de nouveau autour des llauîs-Plaleaux»

Mais depuis quelques temps, une réaction favorable semble devoir so produire; on découvre chaque jour une des découvertes de M. Hcynard}' et déjà quelques algériens — de haute marque et de hautes fonctions — ont acquis duns ces parages plusieurs milliers d'hectares; au nom de lu'colonisation; la. spéculation s'est déjà introduite dans ces régions.

Il est assez bizarre qu'un pays presque aussi grand que le Tell, contigu à celui-ci sur toute son étendue, et qui est situé à quutre ou cinq journées

(t) Restauration des forêts et dés pâturages du Sud eu département d'Alger,


de la mer, (1) soit pour ainsi dire inconnu. Nous en savons cependant assez aujourd'hui pour appeler de nouveau et avec insistance l'attention publique sur cette partie importante du programme de la colonisation et affirmer d'ores et déjà que l'avenir de celle-ci dépend entièrement de ce qui sera fait au Sud.

Disons de suite que ïcs Hauts-Plateaux ont connu d'autres temps que ceux d'aujourd'hui. Les steppes, les landes arides et incultes d'aujourd'hui étalent autrefois un pays où s'élevaient des cités populeuses, aussi populeuses que-colles.du •littoral. (2) Or, ces agglomérations d'hommes n'auraient pu Vivre dans les conditions acluolles ; il n'est -personne qui puisse concevoir ces agglomérations, sans cultures, sans pâturages ci sans eau. Le pays était donc habitable et habile; et il n'y a pas que les Berbères qui Paient habité et y aient prospéré. Les Domains eux-mêmes s'y font fixés, et des ruines nombreuses attestent.l'importance do leur installation.

D'otï vient que ces régions autrefois Hérissantes ne sont aujourd'hui que te' vestibttle du déserti L'histoire des peuples dégénérés est là pour nous l'apprendre l Les guerres,"la cupidité.- et l'imprévoyance des hommes ont détruit le seul élément capable de maintenir dans ce pays l'harmonie dans les lois climatériquos, la forêt. Des vents nouveaux ont alors apparu ; les pluies sont devenues (lopins en plus rares ; les pâturages se sont asséchés; les cultures olil disparu; les rivières et les lacs n'ont plus en d'eau qu'un moment des pluies torrentielles. La conséquence fatale t» été .la motion In dispersion des populations.

(1) A dix-huit heures par lo ebemin tic f. r ot la voiture, tlnns lo dtf* parlement il'Mgr r. Il n'est donc pus éloigna du Palais (toi Gouverneur* autant qu'on pourrait croire. ■ ■

(2) Lolournoux et Ntac-r.arthy ont ronoontro a rouoM dos ruines d'anciennes citds borbèros, dont 11* évaluent lo population a plus do cent mille âmes pour chacuno d'olles.


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Quelle que soit la cause de la situation actuelle, est-il possible d'y remédier ? Nous n'hésitons pas à répondre par Palïirmative, et nous démontrerons plus loin que c'est là une oeuvre relativement facile. On verra qu'en utilisant la nappe souterraine, il sera possible d'y favoriser les débuts (te colonisation ; mais il faudra- aller plus loin : il faudra ramener dans ces réglons les pluies d'autrefois, c'est-à-dire faire revivre les anciennes sources et les rivières ; et pour cela il n'y a qu'un moyen : reconstituer les anciennes forêts, dont on retrouve encore de nombreux vestiges sur plus de 200.000 hectares.

Le résultat sera environ 7 à 8 millions d'hectares ouverts à la colonisation, ou plutôt à l'industrie pastorale qui pourra atteindre dans ces régions une prospérité comparable à celle de l'Australie.

C'est le marché à viande de la France et peutêtre de l'Europe méridionale qui se créera là en quelques années. Hien que dans la partie comprise dans le département d'Alger,-.M. Hcynard estime qu'on'pourra.y élever 2 millions de boeufs ou 12 millions do moutons : on en combinant l'exploitation des deux, 1 million de boeufs'et 0 millions de montons, c'est-à-dire presqù'aulânt qu'il en existe actuellement dans l'Algérie entière. N'est-ce rien (pie cela t Continent pourrait-on hêslter, quand il n'est pas discutable que les marchés Australiens et des deux Amériques seront dans l'Impossibilité do lutter avec un marché situé à 10 ou 50 heures de la France ?

Les llatits-Ptateaux ont donc une destination toute naturelle: c'est l'élève du bétail; et ce sera là certainement la principale ressource du colon. Mais la culture.'pourrait également y réussir. Dans les années pluvieuses, les indigènes font dans certaines parties de ces régions de très belles récoltes de céréales. Lorsque par suite du reboisement ces années pluvieuses seront la normale au lieu d'être l'exception, il n'est pas douteux que les terrains à céréales n'augmentent dans des proportions considérables. Enfin, il faut tenir


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le plus grand compte d'un produit que les Anglais seuls, ou a peu près seuls, savent utiliser ; nous voulons parler de l'alfa. Dans ces derniers temps, il a beaucoup été 'question.-de trouver en France un textile à papier pour s'affranchir du "tribut payé à l'étranger. Il y en a un ici, et dans des proportions suffisantes,.pour subvenir à tous les besoins de la Métropole. Ces proportions, du reste, n'existeraient pas pour le moment, que rien ne serait plus simple que de les atteindre, l'alfa étant d'une culture très facile et donnant très rapidement des produits utilisables.

Comme conséquence directe de la transformation de ces immenses étendues .livrées à l'industrie de l'élevage,• mentionnons que c'est In possibilité pour les colons du Tell de pourvoir au manque d'engrais. « 'La proximité des riches pâturages .du sud leur permettra d'entretenir le bétail nécessaire aux grandes exploitations rurales, et sans lequel les fermiers américains n'auraient jamais pu réaliser les grosses fortunes-que là culture des-Céréales ne saurait seule procurer. •>

(HllYNAlU)).

La reconstitution, ta renaissance des .HautsPlateaux aura d'autres conséquences.

C'est 'd'abord la fixation au sol de ces trois ou quatre cent mille nomades qui, sans cesse on guerre les uns avec les attires, échappent pour ainsi dire à toute autorité, usent et abusent des pâturages encore existants, détruisent les quelques rares points d'eau qui n'ont point encore '..disparu; et, en fin de .'compte, mourant de faim, eux et leurs troupeaux, viennent charpie été se réfugier dans les forêts du Tell.

Chaque année, nous voyons l'Administration pincée dans la nécessité de laisser périr des centaines d'hommes et de nombreux troupeaux ou de leur livrer nos forêts. La question, d'humanité l'emporte, cl ce sont les forêts qui sont sacrifiées S Ou ne peut blâmer l'Administration de sauver


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ainsi la vie et la fortune de ces nomades; mais on doit la blâmer d'avoir transformé en rè^le ce (pli ne devrait être que l'exception. Car si elle eut eu jamais la moindre prévoyance, elle aurait depuis longtemps procuré des pâturages à ces nomades; étoile ne serait pas la complice dé la destruction de nos forêts, destruction qui se traduit par des pertes énormes dans lès cultures du Tell. H

Les tribus nomades pourvues de pâturages suffisants deviendront donc sédentaires: on pourra alors les surveiller et les administrer, et nos forêts du Tell ne seront plus ravagées.

Le peuplement et la prospérité du Sud auront comme seconde conséquence d'assurer des revenus, à la voie ferrée d'Alger à Laghouat.

Celle ligue, reconnue nécessaire, surtout an point de vue stratégique, se fera ; elle est déjà amorcée. Mais ne (levons-nous pas craindre qu'on ne* change d'idée, et que la certitude de rendements peu productifs ou même nuls n'influence nos gouvernants dans leur décision définitive? Si, au contraire, la ligne doit traverser une contrée fertile et riche, nous ne rencontrerons pas ces hésitations.

La voie ferrée doit évidemment précéder la mise en «Hat de culture du Sud, car elle aidera puissamment à cette '-transformation ; mais encore faut-il, si nous ne-voulons pas voir ajourner la terminaison de 'celle? ligne, que nous puissions affirmer qu'elle ne sera pas une charge indéfinie pour l'Etat; qu'elle sera plus lard sur le même pied que les meilleures lignes subventionnées. Celle affirmation, nous pourrons la donner le jour où l'Etat déclarera vouloir restaurer les llaulsPlaleàux.

Une troisième conséquence de la "colonisation du Sud sera la fiti de ce terrible iléatt qui, de temps à antre, fait stibir les plus graves échecs à la colonisation du Tell. On vient de découvrir


- 70que

70que sauterelles nous viennent des HautsPlateaux ; que là très probablement est leur patrie, et, que c'est de ce foyer qu'elles parlent pour envahir lo Tell. Cette découverte avait été faite, il y a dix ans, par M. Hcynard; on.n'y a naturellement prêté aucune attention; mais aujourd'hui qu'un savant, envoyé par le gouvernement de la Métropole, a révélé la chose, nous devons espérer que l'on comprendra que le moyen le plus simple d'en finir avec le mal, c'est de le détruire dans son foyer d'origine. Or, l'occupation européenne du Sud permettra s-nie cette opération radicale; lorsque le sol aura été mis en culture, lorsque le climat aura été modifié, ces foyers, faute, des conditions nécessaires au développement des acridiens, disparaîtront. (1)

Comme dernière conséquence, enfin, nous dirons que In restauration des forêts et des pâturages du Sud aura la plus heureuse iniluoiieo sur l'état elhnntériquo de la région Tellienne.

Il n'est pas besoin d'entrer dans aucun développement pour démontrer qu'un épais rideau de forcis placé sur la crête dominante de séparation du Tell et des Plateaux et s'enfoncent aussi loin que possible vers le Sud, sera d'abord un écran condensateur pour les vents à pluie qui viendront s'y résoudre en eau; et ensuite le meilleur rempart contre le siroco pernicieux, qui ne nous arrivera plus (pie ralenti dans sa course, rafraîchi après avoir été filtré et tamisé au travers plusieurs kilomètres de verdure, incapable enfin d'annihiler ou de repousser les vents humides du Nord et de l'Ouesl.

(t) Us sauterelles pèlerins ont très probablement tour quartier gonériil situé au*tie!à dos Hauts-Hnteatix, ci cottô dernière région no serait qu'une de lotir* premières étapes. Que l'on suppose le Sud habité par dos européens ôl bien connu, no volt*on pas combien il corail facile d'arrêter femnml avant qu'il ait pullulé? Il suffirait do l'attomlro aux passants qu'il doit régulièrement sulvro à chaque invasion, dans le cas où l'on no pourrait détrutro tous les oeufs.


-soft À un point de vue plus général, cette restauration du Sud serait un commencement de prise de possession de cette Afrique centrale vers laquelle toutes les nations modernes dirigent aujourd'hui leurs désirs et leurs ambitions.... II semble, à l'ardeur des recherches''et des projets, que chaque nation ait peur de voir le voisin arriver avant elle.... L'installation d'une nombreuse population française, sur le chemin du centré de. 1?Afrique, n'esl-elle pas lo préliminaire obligé de cet immense problème?... Prolonger lu Franco jusqu'à Laghouut» n'est-ce pas préparer sa prépondérance indiscutable sur les vastes régions si convoitées du Soudan ?» Voilà ce que disait M. Hcynard en 1880. S'il avait été écoulé, lu. première étape serait aujourd'hui franchie. Mais on a préféré le traiter d'utopiste; et, pour satisfaire les mesquines rancunes d'un homme politique; on Pu envoyé .en Savoie continuer ses études et ses travaux sur l'Algérie.

Pour en terminer avec ce sujet, nous devons ajouter que' le jour où l'on mettra la main à Pieuvre pour le -reboisement de l'Algérie, c'est par les llatitsrPlaleaux-qu'il-, faudra commencer, sous peine de n'entreprendre dans le Tell qu'une rouvre stérile, une oeuvre que l'influence nocive du Sud détruira au fur et à mesure qu'elle sortira do terré.

Conclusions : Bien que daiis le Sud le mal soit arrivé à son .maximum d'intensité, il est encore possible d'y remédier, mais il n'est que temps d'agir. Si l'on attend encore quelques années, le vestibule du désert sera un désert dans toute l'acception du mot; et alors l'énergie et la science de l'homme seront impuissantes à enrayer l'envahissement. « méthodique >> (1) du Tell parle Sahara. 11 nous faut donc choisir entre la IIn de

(t ) Suivant l'expression do la Commission odlcicllo dosllautsd'latcaux.


-si ;—

l'occupation d'une part; l'augmentation de notre territoire, la fertilité du pays et la prospérité du colon, d'une autre part. Nous sommes persuadé qu'il n'y aura pas la moindre hésitation cite/, ceux à qui incombe lu responsabilité de la situation actuelle.

Vcrtinuf* AnlinHetitt et Sntntra

Des versants sahariens, nous no pouvons rien dire, malheureusement ; il faut l'avouer, ces régions sont moins connues que le Tonkin. Nous n'en savons quelque chose quo par le récit des voyageurs qui en sont revenus émerveillés! Certaines vallées, notamment celle de l'Oued-- ('haïr, sont représentées comme capables de nourrir largement une population vingt fois plus nombreuse que celle-qui les occupe en ce moment.

Le Sahara lui-même est loin d'être aussi une quantité négligeable. Dans cet océan de sable sont disperses près de cinq cents Iles el archipels, dont la valeur et l'Importance ne demandent qu'à s'accroître chaque joui*. Certaines de ces oasis, comme celle de Touggonrt, renferment jusqu'à 400 > 000 palmiers -'qui représentent un capital de 40.000.000 de francs. On estime à 70.000.000 de francs les revenus annuels des oasis produits par la seule vente do leurs dattes.

t) n'y a pas que des palmiers dans les oasis; sotts l'ombrage de ces arbres s'abritent des jardins et des cultures; l'amandier, le figuier, la vigne et les légumes y viennent 1res bien. Dans les clairières, on sème du blé, de l'orge, du seigle; quand l'hiver amène un peu de pluie, on obtient des récoltes rémunératrices.

11 existe même quelques.-industries en plein Sahara. Des tissus de laine, des nattes, des poteries grossières, des outils de fers et de bois notamment sont fabriqués par les habitants.

Il faut donc compter aussi avec le « Désert », cur non seulement POcéanle saharienne représente

ô


.' — 82 -

une valeur considérable, mais encore on peut au moins décupler le nombre des oasis. Le palmier ne demande pour pousser qu'à avoir « les pieds dans l'eau et la tôle dans le feu. » Or, il y a, au bas mot, sur les 20 millions que comporte le Sahara algérien, trois ou .quatre millions d'hectares qui, situés entre les plateaux (ilummoda), possèdent de l'eau sous le sable.

Que faudrait-il pour créer, pour ainsi dire à volonté, ces riches centres de production ? Il suffirait do COJ"Minier, la campagne des forages artésiens entrepi o en 1857 par e général Desvaux.

Disons de suit à l'appui de celle assertion, que l'industrie pri ..-* s'est emparée de cette idée féconde et que troïi sociétés aujourd'hui exploitent, avec le plus gr.md succès, le palmier dans les oasis du sud dû département de Constaiiline (Société Fnu, -Fourreau et C'°; Treille, Sarradlii cl C'c; Société agricole et Industrielle de Hatnn).

Faisons de nouveau remarquer en passant combien est peu fondée cette opinion (pie l'on a de l'inuptituuo du Français à- la colonisation. Cet exemple de Français allunl m plein Sahara établir une industrie agricole à pends frais d'argent salis se préoccuper d'un clliuat qui n'a épargne jusqu'à ce jour que des populations sélcctécspar les siècles, cet exemple îrost-ii pas typique lit propre à détruire une fois pour Pontes le préjugé du Français non colonisateur ?

Nous venons d'établir la marche à suivre pour la solution du problème ; deinandons-nous niahttcnunl, avec Prêvost-Paradol, si celle .solution est un-dessus des ressources île la science et audessus des ressources financières de la /Mince.

LA QUESTION DE L'AMÉLIORATION DU CLIMAT ET DU RÉGIME DES EAUX EST-ELLE ÀÛ-DESSÛS DB LÀ. SOÎÉNOB*

Nous croyons avoir répondu à l'objection qui n été fuite ; à savoir que l'assèchement de l'Algérie no


.:'• -85proviendrait

-85proviendrait de la déforeslation, mais bien de certaines lois météoriques générales (pie les anciens connaissaicntdéjà(l)elàussidecertains mouvements d'exhaussement ou d'abaissement des continents. Nous avons répondu que les sources n'Ont pas disparu dans les contrées où ces mouvements ont été constatés comme elles ont disparu en Algérie; et nous avons ajouté que si c'était là la cause do la disette d'eau dans ce pays, celui-ci aurait dû subir des destructions considérables depuis quinze ou vingt ans, car c'est depuis cette époque qu'on tt signalé la diminulion et, en beaucoup d'endroits, la disparition des sources. Or ces bouleversements n'ont été remarqués par personne; et il n'est guère supposable (pi'ayanî produit de tels effets, ils aient passé inaperçus.

Qu'en Egypte, pays dénudé, les lois météoriques générales aient cours forcé, il n'y a là rien d'étonnant. Elles ne rencontrent aucune condition, aucune influence capables de les modifier (Il tant toutefois remarquer que depuis les travaux du canal, et les boisements entrepris, les périodes en question ont été quelque peu tranformées) ; mais

(I) « Co sont des périodes do 8échero?iO ot d'humidité, qui sur co continent ont existé de tout lemps ; bon gré mal gré, Il nous faudra los supporter, car co no sont pas les foiôls «lui changeront cos lois » disent los personnes qui s'inspirent de Mbloiro ancleimo.

tt est bien fâcheux que co» personnes n'aient pas été anpeléos à donner tour avis, quand il s'est agi do voter, tes luis de protection, dont h dernière est du mois d'avril 1832, Mlles auraient certainement fou remarquer aux législateurs quo lôsInondations nyanl eu liouon 1816, on 1850, en 1860 el en 1810, oost-à«dire lotis los dix ans, il était parfaitement inutile do ehorchor a cohirarior uno lot» qui existait aussi do toute éternité. Les Chambrés so soralent empressées do mettro doeôlé uno loti dont t'oxéoutloii a déj6 coûté beaucoup do millions a là Franco.

Co qu'il y a do plus malheureux, c'est que jusqu'à co jour l'oxpé* rloneo a été tellement conclUanto on favour dos intentions poursuivies par los législateurs, qu'aujourd'hui eou\*ci no voudront plus entondro parler dos révélations on question. 4 .

Komarquons toutefois, ou passtlnl. quo lé Gouvernement français so relâche depuis quelques années do ses nonnes intentions primitives \ lés crédits do reboisement quoique votés tous les ans sont loin, bien loin d'être employés. U récente catastrophe do t'Ardôeho ot la dépopulation des réglons des Alpes ol dos Pyrénées lut rappelleront sans doute la toutoqu'lU commise.


-84ici,

-84ici, déjà arrivés à cet état de dénudation du sol qui permet à l'alniospbèro d'exercer ,à son aise sa puissante action l Nous ne le pensons pas; toutefois, il faut bien l'avouer, nous n'en sommes pas loin !

On doit reconnaître, en effet, (pie l'accueil favorable fait à la tbéorie des périodes inéluctables comporte un enseignement. Oui, ii est vrai que l'Algérie soit menacée de passer par les épreuves du pays des Pbaraons ; mais (die n'en est que menacée! Au lieu de courber la léte comme l'arabe fataliste et d'attendre que la volonté de Dieu se fasse, il faut résolument envisager le danger et organiser la défense.

Quelle sera cette défense ? Nous l'avons déjà dit; il faut aménager los.forêts existantes, mettre les terrains broussailleux eu .étal.'de se transformer en véritables forêts — et pour cela, une protection complète, efficace, sulïira — et enfin boiser les sommets dépouillés de toute végétation arbustive, jusqu'à ce que le eoeflieient indiqué plus liant ait été atteint.

Dans la région TOllienne, l'oeuvre du boisement et du reboisement ne rencontrera aucune difficulté. L'nibre y vient pour ainsi dire spontanément, et on n'a que l'embarras du eboix pour les essences à planter. Dans les plus mauvais terrains il est démontré, grâce à M. Maillot, Administrateur de. commune mixte, qu'en employant le système des rigoles borizontales on peut reboiser, sans dépenser plus de 100 francs par bectare. Donc, du côté du Tell, il n'y a pas de difficultés à proprement parler.

Du côté des Hauts-Plateaux, la solution du problème semble au premier abord devoir rencontrer des obstacles insurmontables. Certes les obstacles sont sérieux; mais ils ne sont pas insurmontables.

Disons d'abord que même dans les conditions actuelles le climat, bien (pie très rude, permettra cependant aux Européens de se livrer dans ces


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régions aux travaux préalables d'assainissement et de boisement. « Incommode souvent et pénible, le climat des Hauts-Plateaux n'est pas insalubre; les populations indigènes qui y vivent sont plus saines et plus vigoureuses que celles du Tell ; dans les postes français, les garnisons sont exemptes des endémies et des fièvres ; les corps expéditionnaires ne sont éprouvés que par les fatigues. 11 n'y a point de malaria sur ces plateaux découverts. .. » (1)

Mais, dit-on, i) no suffit pas de montrer que des Européens pourront entreprendre les travaux préalables de la colonisation ; encore faut-il avoir quelque cbance de réussir. Or, ne s'expose-t-on pas à de pénibles déceptions à vouloir faire pousser des arbres là où il n'y en a jamais eu ? L'expérience du passé n'est-elle pas concluante * No prouvo-t-elle pas que s'il n'y a pas d'arbres dans ces régions, c'est parce 'que le climat, le milieu atmosphérique s'y opposent ? Les Français avec toutes leurs forces et toute leur science réussiront-ils là où ont échoué les « grands et forts Romains »?

Nous avons aussi répondu par avance à cette objection. Nous avons montré que les grandes agglomérations de populations, à l'époque romaine, n'ont pu s'installer et prospérer qu'autant qu'elles ont trouvé un climat normal et toutes les ressources en eau et en bois nécessaires à leur existence. A cette époque, il y avait donc des forêts sur les Hauts-Plateatix ; ce n'est donc pas le climat d'alors qui les a détruites ; mais c'est le climat de plus tard, climat créé par la destruction des forêts qui, a stérilisé le sol et tué ou fait fuir les habitants (2). Au surplus, on est d'autant moins

(!) Maurice Wahl, l'Algérie.

(i) Beaucoup d'autres pays, riches autrefois, sont aujourd'hui complètement arides et ont un climat lorrido, par suito do la disparition dos forêts : a Les montagnes du Liban étaient autrefois renommées en

raison do leurs hautes futaies do cèdres elles sont aujourd'hui

complètement dénudées; aussi los vallées qui s'étendent à lourpied. celte terro promiso des Hébreux, dépourvues d'eau, ravagées par les torrculs, sont signalées comme les plus arides du monde » CAUINET.


*~ 88 *■»»

fondé i\ soutenir l'action nocive du climat, qu'il existe encore sur les Hauts-Plntcaux quelques forêts, qui n'ayant pas été ravagées, tiennent parfaitcmout tète au climat. De nondJrcus bouquets, situés autours dos nuirnhouts et qui, par suite, ont été respectés attestent, eux aussi, que le terrain n'est i^as réfrac-lnire,• comme on l'a dit, à la végétation nrnitstive et que los conditions atmosphériques ne sont pas tellement uuisiples à cette végétation. Dons les dnlns, terrains neutres aulro'fois pour' les nomades, lu'forêt s'est également conservée.

Pour ces raisons, nous croyons donc qu'il ne faut pus foire du climat actuel une cause qui défiera tous les efforts tentés en vue de transformer le Sud; et nous n'avons pas à aller bien loin pour trouver un fuit largement probant à l'appui de notre assertion.

il y a cinquante ans, les 800,000 hectares des Landes de Gascogne offraient un aspect plus triste et plus- misérable que celui des IlautsPlateaux. Il a suffi de la volonté el de l'énergie de deux hommes,' Chambrelent et Brémontier, pour transformer ces landes incultes et malsaines au plus liant point, on une région plus saine que beaucoup d'autres régions de la France et en un pays de production: c'est la ibrét qui a produit co qil'îi une autre époque on eût appelé un miracle.

L'oeuvre de restauration du Sud de l'Algérie est assurément plus simple et plus facile quo celle des Landes.

Gomme nous l'avons dit, le climat y est plus salubre que c* lui des ' .amies d'autrefois.

Les beaux travaux de Ville ont, de plus, établi que des forages feront sourdre l'eau a peu près partout. Dans les parties on la nappe fait défaut, il n'y a qu'à faire des réservoirs-citernes' pour l'nbrV>uva£e du bétail; c'otuil ce qu'avaient comm« ueé U tu-itre en exécution Yusui et alargue rit te. Malheureusement, non-seitlement leur initiative n'a pas été suivie, mais on a poussé l'aveuglement


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jusqu'à laisser se détruire leurs travaux, dont los indigènes seuls ont gardé le souvenir.

Eli bien ! dans tous les coins de ces régions où il y a encore de l'eau, la végétation est splcndide et cause Télonnement et l'admiration des voyageurs qui poussent leurs pas jusque-là,

Avec de l'eau, rien ne sera donc plus facile quo de restaurer les pâturages et les forets du Sud. L'arbre y viendra avec beaucoup plus d'entrain que dans les dunes do Gascogne. Lo pays est favorable a l'expansion de certaines essences qui, en peu d'années, couvriront le sol de leur ombrage et de leur humus. Les vents pernicieux actuels, qui n'ont fait leur apparition qu'à la suite du déboisement, disparaîtront avec la cause qui les avait créés, comme ont disparu ceux des Landes, auxquels on attribuait aussi la désolation de la contrée. (1)

En définitive, le résultat ne saurait être douteux; et les Français, pour vaincre, n'ont qu'à appeler à leur secours la science, qui après les travaux grandioses de notre époque, n'en est plus à faire ses preuves.

Qu'est-ce donc après tout que ces travaux de restauration de forets ? S'agil-il d'innovations, d'expériences nouvelles? Non. Ce sont de véritables jeux entre les mains des forestiers français, dont les admirables travaux dans les Alpes et dans les Pyrénées ont émerveillé les étrangers. (2)

La science est donc toute prête, toute armée

(4) A l'excmplo des Landes de Gascogne, on peut ajouter ceux de Porlo-Rico, do la Réunion, de Sainte-Hélène, du Cap do HonnO-Esnêrance. Il fut uno époque ou cos pays virent disparaître tour fécondité d'autrefois par suito de la transformation de tour climat. Quand il fut constaté que cotte situation était due an déboisement, on fit revivre les antiques forêts ; et tes beaux jours sont revenus aveo celles-ci.

(2) Si en France los travaux des forestiers français ont passé pour ainsi dire inaperçus, il n'en est pas de môme à l'étranger. Les Allemands oux-mômes, malgré leur fatuité, ont été obligés d'en reconnaître la supériorité ot ont envoyé dos délégués pour suivre cos travaux.


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pour mener à bien l'oeuvre de régénération qu'on lui confiera : Il ne saurait y avoir la moindre hésitation à cet égard.

La simplicité de la 'chose sera peut-être le principal obstacle à )a réalisation du projet. En France on n'aime pas les choses toutes faites, les problèmes résolus d'avance; ce que l'on recherche, ce qui attire et passionne, ce sont les grandes entreprises à résultats incertains, et hérissées de difiicultés. Quoique le projet do restauration des terres du Sud n'ait rien de grandiose, quoiqu'il soit d'un terre à terre à la portée de tous, nous espérons cependant qu'il no sera pas repoussé de prime abord et qu'on voudra bien lui prêter quelque attention. k

Bu coté du Sahara et des versants saharien? des Hauts-Plateaux, le problème est plus simple. Il n'y a qu'à donner de l'eau aux indigènes pour .entretenir et faire prospérer leurs oasis, étendre le périmètre de colles-ci et leur permettre d'en créer d'autres. L'Etal a te devoir de venir en aide aux populations du Sud qui ne disposent pas de ressources financières comme les sociétés civiles établies dans ces régions. Avec leurs forages ■ qu'ils exécutent-d'une façon toute primitive, ies indigènes sont souvent réduits à la misère lorsque les puits sont envahis par les sables ; on ne peut ainsi les laisser livrés à eux-mêmes. Il faut reprendre et poursuivre les projets du général Desvaux, c'est-à-dire multiplier les forages artésiens.

Non-seulement, 'on assurant la prospérité des oasis ou en étendant le nombre de ces centres de production, on augmenterait les revenus du fisc — ce qu'il faut aujourd'hui faire ressortir en premier lieu —: ■ mais encore on maintiendrait attachées au sol des tribus qui deviennent nomades lorsque leurs oasis sont détruites ou ne produisent plus ; enfin, on rendrait sédentaires un plus grand nombre de nomades au fur et à mesure de la création de nouvelles oasis; et tous


-89ces

-89ces heureux béniraient le nom de lo France et lui resteraient à jamais fidèles.

'Veut-on avoir une idée des résultats que l'on obtiendrait en créant dos points d'eau partout où ht chose est possible? qu'on s'inspire (les faits suivants :

« Le premier puits fut creusé à Tmrïernn (OuodRich). Après un. mois et demi de travail, une rivière de 4,010 litres jaillit des etitrnilles de la terre, La joie des indigènes fut immense ; In nouvelle do ce forage se répandit dans le Sud avec une rapidité inouïe. On vint de très loin pour voir celte .merveille. Dans une fête solennelle, le marabout avait béni la fontaine nouvelle et lui avait donné.le nom de Fontaine de la Paiso, »

Dans l'oasis de Tamelhab, à l'occasion d'un nouveau forage, « le marabout donna uno'fêle à nos soldats, les-remercia devant toute la population de Teinacin, les félicita sur leur discipline et voulut les accompagner jusqu'aux limites de l'oasis. »

« Pendant deux mois, un faible détachement de 30 hommes avait vécu à 00 lieues au Sud de Hiskra ; jamais le plus petit incident, la plus légère dispute ne vinrent troubler les relations affectueuses qui s'étaient établies entre eus:. C'est une preuve des progrès que.nous avons fuit s dans le Sud. ■»''.-•

A Sidi-Uachad, le détachement trouva' un puits commencé par les indigènes qui avaient vu périr Ja moitié de leurs palmiers faute d'eau, et dont i'oasis était, dès lors, menacée par la marche envahissante des sables. Mais, à 10 pieds de profondeur, les ouvriers indigènes avaient dû renoncer à leur travail, ayant rencontré un banc de gypse terreux très dur. «• Le trépaui perce la couche devant laquelle les indigènes avaient dû avouer leur impuissance, el, après quatre jours de travail, une nappe jaillissante de 1.300 litres par minute s'élance comme un lleuve bienfaisant.

« Des scènes touchantes eurent lieu alors ; aussitôt que tes cris de nos soldats curent an-


-90noncé

-90noncé l'eau venait de jaillir, les indigènes accoururent en foule, se précipitant sur cette rivière bénie, arrachée aux mystérieuses profondeurs de la terre ; les mères y baignaient leurs enfants. Lo vieux seheieU de* Sidi-Hachad, à la vue de celte unde qui rend ht vie à sa famille, à l'oasis de ses pères, ne. peut maîtriser son émotion el, tombant à genoux, les yeux remplis de larmes, il élève ses mains tremblantes, remerciant Dieu et les Français. »

« Les officiers du bureau arabe, ajoute la narration, peuvent aujourd'hui parcourir sans escorte l'Oued-lthir et l'Oued-Souf; ils sont accueillis avec empressement dans ces contrées lointaines, soumises si récemment à notre pouvoir, »

( Les forages artésiens ont donné lieu à un fait des plus importants, à une évolution remarquable dans la constitution de la société arabe. La fraction de Sehnia, les nomades par excellence, se fixant-à Oum-i'hiour, témoigne des idées nouvelles introduites dans l'esprit des tribus du Sahara et de la possibilité de leur transformation. » (1)

Il faut donc résolument reprendre le programme et les idées dû général Desvaux.

C'est ainsi que l'on consolidera aux yeux des indigènes, et sur des bases inébranlables, le prestige du nom fronçais. Une, poignée d'hommes, sous la conduite d'un ingénieur, a plus fait pour cela (pie bien des grandes victoires et que toutes les profondes conceptions bureaucratiques ! Quand donc comprendra-t-on qu'à l'aide de quelques crédits sérieux (2), il nous serait facile de taire honorer et aimer la France à tout jamais par les indigènes, et d'avoir alors, au Sud de notre possession africaine, une population dévouée et toute prête à se lever en masse pour défendre leur mère adoplive, au jour du danger?

(t) Rapport sur los forages artésiens exécutés dans le Sahara de la provinco do Constantine en 1856-57. (2) Les crédits actuels sont absolument insuffisants.


'—01

L'AMÉLIORATION DU CLIMAT ET DU RÉGIME DES EAUX EST-ELLE AU-DESSUS DES RESSOURCES FINANCIÈRES DE LA FRANCE?

11 s'agit, comme on l'a vu, de boiser ou de reboiser quatre millions d'hectares au minimum. C'est là un bien gros'chiffre ! Il nous faudra l'atteindre cependant. Mais pour le moment on pourrait se borner à demander le strict -nécessaire : soit 800.000 hectares dans le Tell et 1.200.000 hectares sur les Hauts-Dlnteaux.

Les 800.000 hectares du Tell porteront le total à 2.800.000; les plantations particulières et celles des rives des oueds finiront, dans une vingtaine d'années, par élever ce chiffre à 3.500.000, chiffre qui s'approchera sensiblement du taux recherché. Dans les Ilauts-lMateaux, on se contenterait aussi pour le moment de' 2.000.000 d'hectares au lieu de 3 qu'il faudrait; mais, là également, il faut compter sur le contingent des particuliers, auxquels les boisements s'imposeront pour abriter el assurer leurs industries et leurs travaux; et puis, du reste, toutes les forêts des Hauts-Plateaux ne sont pas encore découvertes!

Kn résumé, nous proposons le boisement ou le reboisement de 2.000.000 d'hcelarOs. D'après les évaluations établies par les forestiers dans leur programme de reboisement, ce serait là une dépense de 200.000.000 de francs. Le chiffre (le 100 francs par hectare peut paraître minime; mais il ne faut pas perdre de vue que les terrains à acheter seront toujours de très médiocre valeur; que, sur les Hauts-Plateaux, il n'y a pas lieu de prévoir de dépenses de ce chef attendu (pie ce territoire est domaine de VEtat, dans les huit dixièmes de son étendue peut-être: et enfin que le boisement ou le reboisement s obtiendront le plus souvent par de simples mesures de protec-


•'■—.98.'—

lion, coinine relu est 'admis par tous les hommes compétents.sans exception. (!)

Deux cents millions do francs, c'est déjà une grosso somme; elle ne suffira cependant pas. Il faudra, en effet, construire des -maisons, forestières pour loger his gardiens ; il faudra des chemins pour parcourir ot exploiter les forêts nouvelles et anciennes; il faudra enfin un personnel dont le chiffre soit en rapport avec le domaine forestier nouveau. \ln ujoutnut aux deux cents millions ce qui est nécessaire pour payer ces dernières dépenses, on arrive au chiffre de 321.01)0.000 do francs. Disons de suite que dans celle somme llgurent : 1" le traitement du personnel forestier pendant vingt ans; 2° les'dépenses du matériel des forêts pendant le même laps de temps; 3° un chiffre do 5 millions pour l'aménagement des forêts actuelles ; et 4° enfin 0 millions de dépenses imprévues.

Pour que l'on ne soit pus trop effrayé de ce cliiiïre de dépenses qui serait d'ailleurs a répartir dans une période de vingt tins, mettons en regard celui des recettes. Au bout do vingt ans, les revenus annuels dos forêts atteignent au bas mot le chiffre de 41.000.000 francs. Avec une dépense annuelle de 7 à 8 millions, le Trésor public encaissera alors tous les ans le revenu n'ux MILLIAHU.

Quant aux 324.000.000 do. francs alloués par Plïtnt, il faut en défalquer 273.000.000 de recettes effectuées pendant: les vingt ans, et 40.000.000 représentai!Lies crédits actuels accordés au personnel el au matériel des forêts pendant la même période de temps. L'avnnce se réduirait donc à 11 millions, auxquels il faut ajouter 10 millions

(I) Témoins les remarquables succès obtenus par M. Durand à BenChicao (Médéa) — Comme nous l'avons dit plus baut, M. Maillot a, de plus, montré quo dans les plus mauvais lorrains los travaux do plantations no dépassent pas conl francs l'hectare. Avec la main d'oeuvre indigène et avec la main*d'oeu\ro pénitentiaire, quo l'on songe seulement à utiliser depuis lo passage d'un fonctionnaire do la Métropole, il ost certain quo co chiffre de 400 francs ne sera même pas atteint.


-03(receltes

-03(receltes 500.000 multipliés par 20). Celle avance serait donc en réalité de 21 millions. (!)

S'ogil-il, en définitive, d'une somme nui soil audessus des ressources-financières do la Nation?

La réponse ne saurait être douteuse.

Si une solution est adoptée, elle ne peut être que celle «pie nous proposons. A vouloir continuer les errements actuels, on ne retardera que le dénouement fatal. A dépenser tous les ans quelques crédits, même plus élevés quo ceux (failli)

(failli) chilTros no sont évidemment quo des indications. Nous les avons obtenus à l'aide des quelques données quo nous avions à notre disposilion ; s'ils ne présontenl pas toute la rigueur désirablo, nous croyons toutefois qu ils no s'éloignent pas sensiblement do la vérité. Nous indiquons d'ailleurs, à la (In de ce travail, lo moyen d'établir aussi exactement que possible le budget des recettes ot des dépenses do l'avenir. Aux personnes qui, en présonco dos receltes infimes actuelles, s'étonnoraienl do celles quo nous prévoyions, nous dirons quo les bois d'Algérie sont absolument méconnus ; il n'y a guère quo les étrangers qui los apprécient.

Les bols présentent cependant un ensemble do qualité do promier ordre. Par un travers d'espril bien français, on les a trop ot trop longtemps dénigrés. Ils étaient à nous, à notre porte. Pouvaient-ils valoir les bois exotiques ? Le cèdre pourrissait, le pin d'AIop n'offrait aucune résistance, le chêne vert était trop lourd et se voilait. Heureusement on les a expérimentés ot l'on a vu qu'ils ne se comportaient pas d'uno manière si désavantageuse — Uno traversé do cèdre, (on l'a vue au chalet forestier du concours agricole do 4881 à Alger) retirée do terre après 10 ans passés de mise en place, était presque intacte. — Si nous no nous trompons, le servico télégraphique préfère hautement les poteaux on pins d Alep pris sur les lieux, à ceux qui lui sont expédiés de Franco. — La charpente do pin d'Alen, la menuisorio de cotte môme essenco et celle do chêne vert so conduisent fort bien ; une maison forestiôro do l'Inspection de Médéa a été faite tout entière avec los bois du pays. On n'a eu qu'à se louer de l'épreuve ; la maison a i ans. On en lera d'autres delà même façon, là et ailleurs. Kl quels admirables manches d'outils et instruments de toute sorto on peut faire en chône vert ? Du chêne zéon lui-mémo, à la fibre si raido, si sujet à se gerçurer cl à se fendre, on fait ou merrain fort passable. Un tonneau, voisin de la traversé que nous citions plus haut, fabriqué dans une forêt do l'inspection do Bougie, en porte témoignage.

Et nous ne citons que les bois communs. Mais où trouvcra-l-on des bois de luxe plus beaux et d'un plus grand prix quo lo thuya, lo pistachier, l'olivier, dont l'Algérie abonde encore.


- 94jourd'lmi,

94jourd'lmi, réparer une petite partie de l'édifice qui' menace- ruine, on ne lera qu'éloigner pour quelques jours l'écroulement prévu. Les crédits actuels ne sont que des palliatifs, blanchissant 1 le mal et n'ayant aucune action sur sa marche envahissante: c'est de l'argent dépensé inutilement, c'est de l'argent perdu! il vaudrait mieux supprimer tout crédit.

il nous semble que toute hésitation est impossible, car non-seulement la France retirera les plus larges bénéfices de son avance de fonds .-— CKLA I:ST CKHTAI.Y — mois encore c'est pour elle lo seul moyen de conserver cet immense territoire qui lui a coûté déjà tant d'hommes et tant d'argent, (1) et de mettre enfin sur pied un organisme qui, pouvant dès lors se développer, loin de rester a la charge de (a Mère-Patrie lui viendra en aide comme les autres .membres de la famille.

RÉSULTATS GÉNÉRAUX

Nous voici parvenu au terme de notre tâche. Avons-nous réussi à porter la conviction dans l'esprit de ceux qui tiennent entre leurs mains les destinées de l'Algérie V Si l'argumentation de l'auteur de ces lignes ne les a pas éclairés, qu'ils s'en prennent à son insuffisance ou à sa maladresse ; mais qu'ils ne se détournent pas de l'Algérie, qu'ils y fixent un instant leurs regards; à défaut des sentiments plus élevés que pourrait faire naître chez eux, la prévoyance des destinées de la France, la pitié qu'elle leur inspirera les amènera ù s'occuper d'elle;

(t) Cette seulo considération sufflrait évidemment à trancher la question. Le chiffre élevé des dépensos qu'a nécessitée l'application de la loi du 4 avril 1882, n'a jamais fait hésiter lo législateur. Celui-ci a toujours voté sans marchandor, bion qu'il n'y ait de ce chef aucune recotte correspondante à inscrire. Qu'on no l'oublie pas 1 Comme les populations dos Alpes cl dos Pyrénéos, les populations do l'Atgérîo d'uno autre façon il ost vrai, sont menacées jusque dans leur existence.


ils verront qu'elle mérite «pie l'on s'intéresse a elle,

Malgré les plus graves fautes, malgré 'de nombreux fléaux, malgré l'incertitude du lendemain, malgré les tergiversations continuelles d'une administration qui changeait de tête tous les trois ou quatre ans, l'Algérie a vécu et a résisté. En dépit des drogues aussi affreuses que variées qu'on lui ■a ingurgitées de force pour lui faire une « constitution », elle n'a mis succombé.

Non seulement elle n'a pas succombé, non seulement elle a résisté, mais encore elle s'est développée ; et si son sang n'est pas riche, le coeur est solide elle, cerveau plein d'énergie. Vienne le milieu revivifiant, el cet organisme,, anémié aujourd'hui mais dont les nerfs sont In — ipés, se développeront avec une vigueur qui é;. miera le monde ! Comme ces enfants élevés à IV oie du malheur et qui ont résisté à la misère, elle prendra son essor dès que des jours meilleurs luiront pour elle, dès que le soleil, son ennemi aujourd'hui, aura été transformé en source féconde de vie par l'écran verdoyant des millions d'hectares de forêts.

Nos* forêts d'ailleurs sont sa plus fidèle image. Massacrées avec rage, incendiées à tout moment, broutées dès quelles tentent de renaître, elles n'ont pas encore complètement disparu. Leur vitalité tient vraiment du prodige! Magnifiques autrefois beaucoup ne sont aujourd'hui que de simples broussailles; mais broussailles vigoureuses, énergiques et .qui. ne demandent qu'a être respectées, défendues pour se transformer dans quelques années, en splendides forêts ! L'Algérie elle aussi ne demande qu'à vivre et à se développer. Que demandet-elle pour cela? Qu'on la mette enfin dans un milieu rcspirable.

Il y a dix ans, une autorité scientifique, M. Trélat, avait parcouru l'Algérie à la suite du Congrès de l'Association pour l'avancement des sciences. Voici l'impression qu'il avait recueillie de son voyage et dont il faisait part l'année suivante au Congrès de la Rochelle :

« Cetlo Algérie, Messieurs, quand on l'a vu dans son ensomblc,


- 96laisse

96laisse Impression de grandeur inoubliable, Mais lorsqu'on reprend son histoire, lorsqu'on mosiiro co qu'elle a coûté d'héroïsme militairo, co qu'elle a consommé de vies de colons, ce qu'elle a oxigé do capitaux employés en confections do ports, de roulos, de chemins do for, on création de villes et villages, en assainissements, en plantations do toutes sortes ; lorsqu'on considère co qu'elle est déjà après cinquante années de conquêtes ; lorsqu'on constate que, si déshéritée en 1830, cllo est aujourd'hui un pays qui se laisso travorsor aisément, sinon proinptoment, dans tous les sens, un pays où l'on mange du bon pain et où l'on bpil du vin franc partout ; un pays qui compensera à lui seul nos ruines viticoles, qui peut avoir une agriculluro do premier ordre et une industrie métallurgique mattresse; lorsqu'on songe à tout cela, l'hésitation n'est pas permise, il faut croire à l'Algérie, il faut l'aimer, la protéger et la sorvir. Il faut que, dans la métropole, ou no parlo pas légèrement lorsqu'il s'agit de garantir ses frontières, d'y maintenir" l'ordre et la sécurité; U faut qu'on ne marchande pas sur les dépenses nécessaires pour aménager les eau® de l'Algérie, pour reboiser ses sommets, drainer les hauts plateaux, créetdes réserves de montagne, irriguer les flancs des coteaux ; et dans le désert forer des puits. Encore au«delà, Messieurs, n'apercove/.-votis pas notre Sénégal et le Soudan immense avec lequel la civilisation commando à la Franco de commencer Et, on tout cela, Messieurs, nô reconnaissez-vous pas la patriôlfquo consigne de nolroâgo? »

Pour M. Reynard, il voit ainsi l'avenir réservé aux Hauts-Plateaux :

a Imaginons que la restauration des pâturages du Sud est tin fait accompli : les eaux potables sont fournies on quantité sulïlsante par les sourcos, pulls, citernes, puits artésiens, oie.; toutes les parlios propres à l'agriculture sont irrigables, los cours d'eau ont repris un débit régulier cl paisiblo et los torrents no charriont plus, do tons côtés, des plorres cl des sables ; los sommois sont reboisés et I03 dunes recouvertes d'uno végétation horbacéo ou arborescente, qui les a définitivement fixées ; les pluies sont plus fréquentes et plus régulièrement réparties} le chomin do for d'Alger à Laghouàt traverse les sleppos dans toute leur longueur et dos roulos nombreuses viennent aboutir à chaque station 5 les quelques nomades qui roslcnt encore trouvent au sud do Laghouàt dés ressources presque su fil sa nies pour leurs trou-


— .97'-..

peaux ot ne dépassent jamais le cours do l'oued Djeddi, dont te bassin est restauré et reboisé ; te surplus do la population indigène, définitivement fixé au sol. s'est cantonné aux environs dos sources nouvelles,- de nombreuses fermes européennes analogues ù celles do l'Amérique ot do l'Australie, sont établies on dehors des Villes et dos villages groupés autour des stations do la voie ferrée; d'immenses troupeaux do boeufs, do chevaux et do moutons sont parqués dans les pâturages aménagés selon les mcillcun.8 pratiques pastorales; le chemin de fer exporio chaque jour, soit lo bétail destiné à l'alimentation de l'Europe, sait les produits manufacturés en alfa, qu'expédient les nombrouscs industries installées près des cours d'eau; uno Usine importante) exploite le sel gemme du Rocher de Set, pour l'alimentation des bestiaux delà contrée.... »

Le Tell, désormais protégé par son ennemi d'autrefois, par les llauts-Plateonx, a un climat plus uniforme, el l'agriculture peut eompter choqué année presque à coup sur sur la récolte. Ses sources sont revenues; ueaueoup de nouvelles sources ont même surgi ; les oueds contiennent de l'eau toute Tannée. "On a restauré les berges des principales rivières; celles-ci ont un débit régulier et, de chaque cote des rives, une bordure d'arbres, sur une profonde largeur, donne au pays un splendide aspect et nn climat tempéré. Quèlqucs-Unes de ces rivières, comme le Chélitï, le Sahel, sont Sinon navigables, du moins tloltobles. Le siroco n'apparail plus (tue de temps a autre ; et encore est-il tellement atténué qu'il n'a plus d'eflets nuisibles. Les grands barrages.» emportés par les crues des années préeétlentes, n'ont pas été relevés ; comme il y u de l'eau dans toutes les rivières, les irrigations se font à l'aide de simples prises d'eau. Le côlon moins surchauffé, plus calme, pense à l'avenir; il a compris qu'il ne faut pas mettre tous ses oeufs dans le même panier et qu'il doit songer a ses enfants ; lui aussi, plante des arbres. L'olivier, l'amandier, le caroubier, le figuier, lui donnent sans peine et sans fatigue» des revenus inespérés.

Do nombreux chantiers de travaux permettent

. • -• ■.■'■/ :■■•.. . ■ • ;,\ ..." 7 ,


— 98d'employer

98d'employer de faire vivre les indigènes que l'on a dû éloigner des forêts dont il vivaient; les-millions jetés dans le pays profitent surtout à ceuxci; un pett de bien-être les a définitivement fixés au sol et les a transformés en agriculteurs pratiques, s'inspirant de l'exemple de leurs voisins, les colons.

Les récolles, sauf accidents passagers, sont superbes chaque année; le colon est a l'aise ; les impôts ne le gène pas* il les paie de grand coeur ; il apporte enfin sa part dans le budget de la France.

La France tributaire aujourd'hui de l'étranger pour ses bois verse en Algérie la plus grande partie des 200 millions qu'elle envoie tous les jours a nos rivaux ou ù nos ennemis.

Les crêtes sont garnies de maisons forestières logeant quatre mille gardes forestiers; ces véritables postes-vigies, qui dominent toute l'Algérie, ont définitivement assuré la sécurité.

Le soleil lui-même qui autrefois « dépensait inutilement laid de forces vives sur les landes africaines » est devenu l'humble serviteur des machines de Mouchol.

L'industrie se crée partout; les moindres filons miniers sontexploités jusqu'à épuisement; les forêts produisent de.40 a 50 millions par an. Enfin, huit ou dix millions de Français installés solidement dans le pays deviennent le noyau de Vautre France, {1)

(I) Il y a quelques années, une autorité scientifique prononçait les tristes paroles suivantes dovant l'Académie de médecine: « Si la natalité augmentait en Franco, cello-ci sorait bientôt encombrée de son trop plein de population, puisqu'elle n'a ni goût ni aptitudo à la colonisalion. »

Faut-il laisser dire quo la dépopulation en France, en évitant l'encombrement, est presque un bien ? Cette façon do blanohir un grand mal no doit-olto pas serrer lo coeur do tout patriote?

Nos gouvernants n'ont qu'à lo vouloir ; ot dans quelques années, nous pourrons crior qu'il no saurait jamais y avoir do trop plein sur l'autro versant do la Méditerranée, puisqu'il y a sur cotto rivo uno autre Franco prête à recevoir, pondant longtemps encoro, tous les onfanls d'uno mémo patrie i


-99 ~

La Franco nouvelle se développe avec Une rapidité extraordinaire, ot dans un siècle, « quatre-' vingts à cent millions de Français fortement établis sur les deux rives de la Méditerranée; au coeur de l'ancien continent, maintiennent à travers les temps, le nom, la langue et la légitime considération de la France. » (1).

RÉSUMÉ

Quelle est la cause de l'assèchement de l'Algérie ? Le déboisement.

Cette vérité ne saurait plus être mise en doute aujourd'hui. Par conséquent, il faut reboiser.

Arrivera-t-on au reboisement rationnel, nécessaire a l'aide des faibles crédits demandés jusqu'à ce jour.

Non. La chute va s'accélérant de jour en jour avec une effrayante rapidité. Le mal est grand, très grand; il faut de grands remèdes.

Après avoir dépensé beaucoup d'argent par petits paquets annuels, on s'apercevra que le mal a continué à gagner, qu'il est devenu incurable. Coûte que coûte, il faut donc reboiser, d'abord pour avoir de l'eau ; ensuite pour avoir le bois dont la colonisation ne peut se passer; enfin et surtout pour avoir la santé. On parle de beaucoup de réformes, de beaucoup de projets. Que deviendra tout cela, si l'on ne commence pas par donner aux colons la santé, l'eau et le bois f

L'oeuvre du reboisement conçu aussi grandement que cela est nécessaire, est-elle au-dessus delà science?

Non ! Elle est beaucoup plus simple que les travaux gigantesques, qui ont été entrepris depuis un quart de siècle.

(I) rrévosl-Parndol.


-.— ioo

Est-elle au-dessus îles ressemées financières de la France l

S'agirail-il de milliards, il n'y mirait- pas a héler !

Si le rachat de l'A Isaee-L orrai no n'exigeait qu'un sùeriliee d'argent, est-il un homme en Franco qui prolesterait ?

Si l'Algérie ne peut prétendre ù avoir dans le coeur de la France nue aussi large part que l'AIsace-Lorraine, elle peut cependant faire valoir qu'elle contribuera puissamment au relèvement d'abord et ensuite à la prépondérance de In MèrePatrie.

Mais il ne s'agit pus de milliards! Dos mesures de protection sont surtout nécessa iros. Avec la protection coMiu.fcTK, appliquée sonâfaiblcssc, des millions d'arbres surgiront do lerre spontanément.

Des mesures de rigueur vis-iVvisdcs indigènes,

— mesures qui ne seront quo l'application du droit commun, — seront nécessaires. Mais elles se traduiront, en définitive, imr le bien-être de ces indigènes, car,les travaux forestiers d'abord et les exploitations forestières ensuite les dédommageront largement des pertes qu'ils subiront par lo fait de la réglementation légale de leurs droits d'usage. }

Du reste, quelle que soit la soin me qu'on demandera encore a la France, il faut fairo remarquer

— au point do vue financier —qu'il ne s'agit après tout que de sauvegarder un capital dont le revenu définitif n été évalué par un homme des plus compétents do 80 i\ 100 millions par an.


ANNEXE

Détail de quelques mesures du programme du Reboisement

I. — DES MAISONS FORESTIERES SERONT INSTALLEES DANS TOUTE L'ALGÉIÙE A RAISON HE l . 200 HECTARES EN MOYENNE, ET DANS LE DÉLAI DE SIX ANS AU MAXIMUM.

L'absence desurveillance' éfteelive est la principale cause du déboisement. Les gardes forestiers, logeant pour la plupart à :10 ou 10 kilomètres de leurs triages, sont dans l'impossibilité absolue d'exercer une véritable surveillance.

La conservation de ce qui reste encore de forêts est le point capital de la question: on n'y arrivera que par ta construction de maisons forestières partout où cela est nécessaire.

De plus, les gardes forestiers, vivant au milieu des centres de populations, sont forcément amenés à y perdre le goût du travail et même la notion du devoir.

Donc, tant au point de vue d'une surveillance elleclivc, qu'au point de vue du maintien d'une rigide discipline citez un corps d'élite, auquel incombe l'exécution do mesures do sécurité, l'installation du garde forestier dans la forêt est indispensable.

Non-seulement les maisons forestières assureront la conservation de nos richesses en bois, mais encore elles résoudront le problème de la sécurité en Algérie. Deux mille maisons placées sur tes sommets ou dans les délilés, maisons qui pourront être installées de façon à croiser leurs rayons de s»irv(iillance.(U dans h^pielles seront logésqualreinille gardes, maintiendront la sécurité la plus absolue dans le pays. C'est la un résultat sur lequel nous appelons vivement l'attention.


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Prenant comme base qu'en France le brigadier a 500 hectares à surveiller, nous demanderons que l'on construise au moins, dès à présent, une maison forestière par 1.200 hectares : soit 2.000 de ces maisons pour i. 000 gardes.

A raison de 6.000 francs pour chacune, cela ferait une somme de 12.000.000 de francs.

Kn s'adressant à l'industrie privée, on trouverait certainement un type de maison forestière, oui ne reviendrait pas à plus de 6.000 francs. Le système Toilet, par exemple» avec ses charpentes métalliques'en ogive et de la maçonnerio en briques, conterait tour an plus ce prix ; il présenterait, de plus, le sérieux avantage de permettre do démonter une maison et de ta reporter plus loin, dans le cas où un premier emplacement serait reconnu défectueux.

On remarquera que lions ne demandons qu'une maison par 1.200 hectares ; c'est qu'en attendant un chiffre normal, nous comptons sur l'activité et l'intelligence dés préposés forestiers qui devront être lous montés.

II. — UN RESEAU DE CHEMINS FORESTIERS OUI COMPRENDRA UN MINIMUM DE 6.000 KILOMÈTRES SERA COMMENCÉ ET CONSTRUIT EN MEME TEMPS QUE LES MAISONS FORESTIÈRES. L'ADMINISTRATION PRÉFECTORALE VEILLERA A CE QUE LES AMENDES DES INSOLVABLES CONDAMNÉS POUR DELITS FORESTIERS SOlËiNT SCRUPULEUSEMENT CONVERTIES EN JOURNÉES DE PRESTATION, SUIVANT L'ARTICLE 210 DU CODE FORESTIER ET EMPLOYÉES A LA CONSTRUCTION DES CHEMINS FORESTIERS.

La construction des maisons forestières sans la création du réseau des chemins forestiers serait une oeuvre absolument incomplète. La surveillances des gardes ne sera effective que du jour où ils seront logés en forets et où ils pourront parcourir aisément à cheval ou à pied leurs triages.

Il n'est pas besoin de faire remarquer les services (pie rendront ces chemins dans l'administration (les populations indigènes el dans la répression des incendies.

A tons les point de vue, on doit les considérer comme indispensables et comme devant être construits en même temps que les maisons forestières.

flous prévoyons à ce sujet une dépense do 6.000.000 ,•


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nous avons vu en Kabylie des chemins très praticables, construitsà l'aide de la main-d'oeuvre iiidigèneetfjui ne revenaient pas à 100 fr. le kilomètre. Une dépense de 0.OUI».000 permettra donc ta construction de 6.000 kilomètres.

Ce ne sera pas suffisant ; mais il y a une source de revenus relativement importante qui permettra d'augmenter chaque antiée le réseau : c'est l'application de l'article 210 du Code forestier (conversions en journées de prestations des amendes des insolvables condamnés pour délits forestiers.) Les neuf dixièmes des indigènes condamnés sonl des insolvables. Ils en sont quittes pour être hébergés ci nourris aux frais du Gouvernement pendant quelque jouis, et pour aller recommencer leurs déprédations quand ils ont repris leurs forces, grâce aux bons soins du lleylik. Pourquoi ne pas appliquer l'article 210 du Code forestier ?

III. — LE PERSONNEL FORESTIER- DES TROIS DÉPARTEMENTS DE L'ALGÉRIE SERA ORGANISÉ DE FAÇON A ASSURER LA CONSERVATION DES FORÊTS. CETTE ORGANISATION PRENDRA SON EFFET AU FUR ET A MESURE QUE LES MAISONS FORESTIÈRES ET LES OIEJUNS FORESTIERS SERONT CONSTRUITS.

La conséquence de la construction des maisons forestières et des chemins forestiers est la possibilité d'augmenter le personnel forestier.

Il ne faut pas que l'on puisse répéter ce qui s'est dit dernièrement a la Chambre : « Nous ne proposons pas des crédits pour augmenter le personnel forestier parce que nous n'avons pas de quoi le loger ; el nous ne proposons pas non plus des crédits pour construire des maisons forestières parce, que nous n'avons pas de personnel à installer dan s ces maisons. »

L'insuffisance .numérique du personnel forestier n'est plus à démontrer. D'après un document officiel récent, voici les proportions de ce personnel en France et eu Algérie: «En France, l'Inspecteur a une étendue de 12 à -la.000 hectares, celui d'Algérie a une étendue de I IH.000 hectares : le garde général en France a 2.000 hectares et en Algérie 20.000 et même 30.000 hectares ; le brigadier a en Kra née oOD hectares el en Algérie 10.000 et même 11/000 hectares. »

tiulin, il y a pour î million d'hectares en France 0 inspee-


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leurs généraux et 10 conservateurs ; en Algérie, pour 2 millions d'hectares, il y a I inspecteur général et 3 conservateurs. Ces chiffres n'ont besoin d'aucun commentaire !

Ici, où la surveillance est extrêmement difficile à cause d'une population indigène souvent rebelle et peu commode à saisir, le.personnel devra être au moins aussi nombreux (pie dans la Métropole.

En adjoignant un garde indigène par gardei français, et on recrutant les gardes français parmi les lils de colons, ayant fait leur année de service, on arriverait assez vite à former cette armée, sans laquelle on ne fera rien, absolument rien (I).

Il n'y a pas lieu de faire ressortir les avantages qu'il yaà employer les anciens hireos on les anciens spahis dans les forets, puisqu'il existe déjà un certain nombre de ces préposés el qu'on parait satisfait de leur manière de Servir. Mais il y a peut-être lieu d'insister sur les services que pourraient rendre nos lils de colons acclimatés, aguerris, sachant parler l'arabe, tous cavaliers, et débrouillards pour employer Une locution vulgaire mais caractéristimie.

Dans les familles nombreuses, qui ne peuvent vivre sur les premières concessions accordées au chef dé famille, ce serait un débouché, presque un avenir, offert à celui qui se sent de trop au milieu des siens. Que de jeunes algériens seraient heureux d'accepter une situation conforme à leurs goûts cl à louisaptitudes!

Il est bien entendu que'nous ne préconisons ce mode de recrutement qu'à défaut du recrutement actuel, qui se fait parmi les sousoflicicrs de l'armée active.

Tout en recommandant fortement l'organisation du corps d'armée, nous entendons bien recommander aussi la constitution de l'élal-maior.

Il est impossible d'organiser l'un sans l'autre ; els'ïl y a aujourd'hui des défaillances chez les préposés, il ne faut pas s'en prendre à eux, mais au défont de surveillance el de contrôle, matériellement impossible aujourd'hui

(I) U toi forestière do 1835 a prévu certaines dispositions ù l'aidé desquelles on cul pu mettre un terme mix abus provenant do l'oxploitation des cannes cl des ôcorcos; mais, fauto d'un personnel su Disant, eos dispositions sont Inappliquées, ot les abus continuent aussi, sinon plus, oirrontémont qu'avani.


Nous estimons qu'il suffira pendant encore 1res longtemps de doubler, dans l'état-major, le nombre des gardes généraux. En maintenant la dépense des autres fonctionnaires de l'étatmajor qui est de 220,000 fr. par an, nous aurons pour les gardes généraux 180,000 fr,-— actuellement 90.000— En comptant les gardes à raison de I pour 1,200 hectares cela fait un peu plus de i,000 gardes ; à 1,000 fr. en moyenne, la dépense annuelle.sera pour eux do 4,000,000.

Le chapitre des indemnités devra être élevé de 081,290 fr. à 2,000,000 de fr. : total pour les dépenses annuelles de l'avenir O,o00 fr: soit pour une période de 20 ans, 130,000,000 de francs. Mais l'augmentation du personnel ne peut se faire qu'au fur et à mesure de la construction des maisons forestières et des chemins forestiers, besogne qui ne sera guère terminée qite dix ans après le commencement des travaux. Pendant ces' dix ans la dépense sera donc en moyenne de 3,000,000 : soit pour ces dix ans 30,000,000 el pour tes dix années suivantes 05,000,080 ; total 9o,000.000.

Mesures administratives propres à assurer l'exécution du programme de reboisement

IV. — LA RÉGLEMENTATION DE LA MISE A FEU DES BROUSSAILLES PAR LES INDIGÈNES EST UNE MESURE DES PLUS URGENTES

L'incendie sera toujours un fléau à redouter pour nos forêts, et personne ne peut se lïatlcr de l'éloigner pour toujours. Mais ce que nous pourrions faire, ce serait d'en diminuer les atteintes dans une très grande proportion. Or, rien de plus facile que do conjurer les incendies qui sont dus aux indigènes.

Il est prouvé que sur cent incendies de forêts, quatre-vingt dix-sept proviennent de feux de broussailles.

Pourquoi l'indigène met-il le feu aux broussailles? C'est polir avoir des patinages, dont il a absolument besoin pour ses bestiaux.

L'indigène n'a guère d'autres ressources aujourd'hui que celle que. lui procure l'élevage dit bétail; or, pour ce bétail, il lui faut des pâturages à lotis prix ; el comme il ho connaît


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pas* el qu'il ne lient pas trouver d'autre moyen de se les procurer, il met le fcti aux bvômsailles.

Mais comme il sait que la chose est défendue, il se cache pour celte opération, il la fait la nuit ; quelquefois même, il met te feu en forêt pour dépister plus sûrement les poursuites, et... à la volonté de Dieu !

On sait comment se traduit le plus souvent cette volonté I

Après de trop nombreux désastres, on a découvert la responsabilité collective ; on a réprimé, mais on n'a nullement cherché ta prévenir ces désastres.

11 faut pourtant prendre une décision : ou bien on assurera à l'indigène sessenls moyens d'existence en lui permettant de faire des pâturages à sa'façon,: ou bien, on les lui interdira absolument. Dans ce dernier cas : si par des mesures efficaces, on arrive à l'en empêcher, il ne lardera pas à mourir de faim ; si, au contraire, il continue ses mises à feu comme par le passé, il n'en mourra pas moins de faim dans tin temps éloigné, il est vrai ; mais après des alternatives d'incendies forestiers qui, malgré toutes les amendes collectives, n'en amènerait pas moins notre propre ruine. .

Comme nous supposons qu'il n'est personne en Algérie qui puisse défendre un pareil moyen d'administration, nous admettrons qu'il faut songera reconnaître à l'indigène le droit de brûler les broussailles, en surveillant, cela va sans dire, la mise à feu et en l'entourant de lotîtes les garanties propres à en empêcher l'extension aux forêts et aux terrains voisins.

Est-ce légal? Est-ce praticable ? ■Lh mise à feu est parfaitement légale ; la loi du 17 juillet 187* l'autorise formellement. Mais les légistes des bureaux ne l'entendent pas ainsi ; mis ;m pied du mur. ils ont exhumé l'article o de l'arrêté du 17 juillet 1838, qui interdit toute mise à feu, bien que cet article soit implicitement abrogé par la lot dcl8H.

Quand on insiste, les bureaux se retranchent alors derrière uno impossibilité « Une réglementation de la mise à feu serait possible à la rigueur, mais quelle serait la sanction ? » répliquent-ils.

On a beau' leur dire et répéter que l'article 2 de la loi de juillet donne au gouverneur toute latitude « pour prendre les mesures de police qui seront jugées nécessaires pour assurer Vexêciition de la loi » chaque fois on se heurte au « non possmnus».


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Au point de vue du droit, la chose n'est donc pas discutaille.

Au point de vue de la pratique, des officiers généraux, des préfets, des conservateurs de torèts ont été jusqu'à admettre la possibilité de mettre le feu, même jusque dans le voisinage immédiat des forets. De plus, il n'est pas inutile de rappeler ici que l'expérience a prouvé la facilité et la complète innocuité de'ta mesure : un commissaire civil des environs de llone, aujourd'hui conseiller de Gouvernement autorisait, il y a plus de vingt ans, ces mises à feu dans son arrondissement. On n'eût jamais à signaler le moindre accident; l'exécution des formalités ne rencontra pas la moindre difficulté, et il n'y eût pas •tin seul incendie forestier. . v . ' .

On devra donc insister auprès de l'Administration locale pourobtenir d'elle l'exécnl tonde la loi. (I)

v. —L'ADMINISTRATION PRENDRA DANS LE PUIS BREF DÉLAI TOUTES

MESURES POUR QUE LA DÉLIVRANCE DES BOIS AUX USAGERS INDIGÈNES NE SOIT PLUS UNE CAUSE DE DÉVASTATION DES FORÊTS.

Une autre cause de destruction; des forcis réside dans les droits d'usage des indigènes ; il importe de prendre au plus vite des mesures qui limiteront les etïets pernicieux de ces droits d'usage.

Les bois de service demandés parles indigènes sont destinés à leurs charrues cl aux réparations de leurs habitations.

Il est incroyable que l'Administration ait consenti jusqu'à ce jour à satisfaire les caprices des indigènes, qui ne veulent recevoir de bois qu'autant que ceux-ci ont les dimensions voulues pour l'usage auquel il'les .destinent. Ces Usagers imposent leur volonté et on s'empresse de leur délivrer les perches qu'ils choisissent ; qu'en résulte-l-îr? On ne voit plus au-; jourd'hui dans nos forêts ni perches, ni bois d'âge moyen. « Certaines forêts d'une grande étendue, dit M. le Conservateur d'Alger, sont aujourd'hui complètement épuisées en jeunes bots, »

La loi n'oblige l'Administration à délivrer aux usagers que le nombre de mètres cubes reconnus nécessaires à leurs besoins ; c'est à eux à débiter comme il l'entendent le volume do

(I) La mesiiro est d'autant plus facile à prortdroquo lo rapport, dont l'autourcsl M. Uoltemafo,est prêt depuis 1876.


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bois qu'on leur, remet, ou à le faire débiter par un entrepreneur agréé par l'Administration forestière, ainsi que le prescrit l'article 81 un Code forestier.

Est-ce là une proposition inapplicable en Algérie ? 'Depuis pliis de dix ans, l'Administration militaire a adopté cette mesure très sage et très rationnelle ; elle a installé des chantiers de sciage el les indigènes viennent y prendre le bois dont ils ont besoin. ' i

H est regrettable qu'on soit obligé de pousser ainsi l'Administration civile à avoir un peu plus souci des richesses nationales ; aussi devons-nous l'inviter à prendre dans le plus bref délai toutes les mesures pour réglementer la délivrance des bois d'usage.

VI. — UN ARRÊTÉ DU MINISTRE DE L'AGRICULTURE FRAPPE D'OPPOSITION A PARTIR DU..... TOUTES VENTES DE ROIS, FORÊTS OU TERRAINS FORESTIERS PAR DES INDIGÈNES NON SÉNATUS-CONSULTÉS.

On nous a affirmé que, depuis quelques années, des industriels parcourent des tribus non sénatus-consultées el achètent à celles-ci des surfaces boisées [dus ou moins étendues, grâce à des officiers ministériels complaisants ; il parait que ces ventes sont assez fréquentes. L'Etat, seul propriétaire des forêts, est ainsi qt restera frustré, car lorsqu'il revendiquera ses droits, il se trouvera en présence d'actes accomplis Ùe bonne /oi. Ne pourrait-on pas, comme cela se lait pour les expropriations projetées, demander à l'Administration de prendre une décision qui déclarerait nulle tonte vente de forêts ou terrains forestiers à partir du.... ?

VU.— DES INSTRUCTIONS PREFECTORALES RAPPELLERONT AUX AGENTS CHARGÉS DE CONSTITUER LA PROPRIÉTÉ INDIGÈNE L'ARTICLE j DE LA LOI DU IG JUIN I8ÎJI, QUI COMPKEND DANS LÀ NOMENCLATURE DES MENS DOMANIAUX « LES ROIS ET FORÊTS SOUS LA RÉSERVE DES DROITS DE PROPRIÉTÉ ET D'USAGE RÉGULIÈREMENT ACQUIS AVANT LA PROMULGATION DE LA LOI. »

Malgré la réserve formelle contenue dans l'article o du S6nalns-Consulle de 1803. plus de 150,000 hectares de massifs' boisés ont été abandonnés aux indigènes.

Pour que de pareilles dilapidations du 'domaine de l'Etat ne


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so reproduisent plus des instructions très précises devront èlM données aux agents chargés de constituer la propriété collective on individuelle des indigènes.

Vilt. — PAR TOUS LES MOYENS POSSIBLES :', — AFFICHES DANS LKS CAFÉS MAURES. PROCLAMATIONS SUR LES MARCHÉS, BROCHURES DISTRIBUÉES AUX CHEIKS, ETC. L'ADMINISTRATION LOCALE FAIT CONNAITRE AUX INDIGÈNES LES PENALITES ET LES DISPOSITIONS DU CODE FORESTIER.

Le Code forestier est extrêmement sévère ; on ne doit pas oublier qu'il a été rédigé .par les hommes uni avaient Conscience de travailler à une oeuvre de salut public. Mais à cote de ces rigueurs, il contient des accomodements ; ces accomo' déments s'appellent transactions.

Or, parmi les indigènes beaucoup ignorent que lorsqu'ils ont commis des délits forestiers, ils pourraient .atténuer dans une grande proportion les pénalités qu'ils ont encourues, en se présentant devant les agents forestiers.-.Beaucoup d'autres, il est vrai, n'ignorent pas ces dispositions et les exploitent de la façon suivante :

Us introduisent leurs troupeaux dans les forêts pi s'y installent. Ils reçoivent chaque jour avec force salamaIcks la visite du garde-forestier qui dresse procès-verbal ; puis quand la campagne est terminée et que le troupeau a été vendu, ils vont trouver ou le Gouverneur, ou le Préfet, ou un touriste inlîtient quelconque : « Je suis un pauvre diable, sans le sou ; je n'ai même pas un gourbi pour m'a briler. Cela n'a pas empêché les gardes forestiers de m'inlliger 10,000 fr. d'amende;-Tiens,' regarde ; voilà les procès-verbaux. J'en appelle à ta justice t » El te personnage interloqué trouve naturellement monstrueux que l'on fasse pour 40,000 fr. de procès-verbaux à un pauvre hère, qui n'a qu'une misérable guenille sur le dos. Si le personnage esl un fonctionnaire, d bilïe ou fait bilïer d'un trait de plume los dits procès-verbaux. Si c'est un tourisuv.il écrit aussitôt de longues épîlres attendries pour signaler l'Administration à la vindicte publique;

Et l'indigène recommence huit jours après dans une autre forêt, celle qu'il a vidée ne lui paraissant plus convenable pour recevoir ses nouveaux troupeaux.

Nous demandons donc l'application aux indigènes du Code forestier;auquel sont soumis les citoyens français.


-HO- :

Mais, si lo Gouvernement français a lo droit do se montrer extrêmement sévère vis-à-vis de l'indigène, il ne faut pas qu'il Oublie que son premier devoir est D'APPRENDRE à celui-ci ses obligations envers la loi.

Les tentatives que la Ligue du Reboisement a faites dans ce sens n'ont pas du tout été encouragées par l'administration locale. 11 est bien pénible d'avoir à constater autant d'inertie dota part de l'autorité; mais qu'atloudro d'uno administration uni applique couramment (ot avec bien moins do garanties pour los prévenus que Celles (juo l'on donne aux clients do la simple police) la responsabilité collective aux indigènes et qui se refuse absolument à leur appliquer je droit commun» commo l'arliclo.310 du Code forestier, comme la réglementation de droits d'usage ? Cela est incroyable ; cela ost pourtant vrai.

IX. — L ADMINISTRATION PRENDRA DES MESURES POUR QUE PARTOUT OU L'UTILITÉ EN SERA DÉMONTRÉE, DES BARRAGES SOIENT ÉTABLIS SUR LES RAVINS AFIN DE CRÉER ET D'ENTRETENIR LES PATUttAGES.

Dans certaines régions, il ost facile de créer et d'entretenir des pâturages, .il sullil d'établir dans les principaux ravins soit dans tes bois, soit en dehors des forêts, des barrages peu coûteux, construits à l'aide de pieux reliés par des "clayonna^cs'; et dç! chaque côté de ces barrages» sur les lianes des montagnes ou des coteaux, des rigoles à pentes douces conduisant les eaux, qui tout ens'inliltrant pendant leur parcours vont so déverser dans la plaine plus ou moins loin. Los indigènes ont, surtout dans le Sud, construit pendant longtemps do semblables barrages. Depuis la famino, ils ne les ont pas entretenus et les ont laissé disparaître. Une serait que tressage de les aider à relever ces barrages (subventions, primes, dégrèvements). ;1

IX. — LES PROCES-VERBAUX DRESSES PAR TOUS PREPOSES FORESTIERS, EN EXÉCUTION DES ARTICLES DE LA LOI DU 17 JUILLET 1874; DE CELLE DE DÉCEMBRE 1885 ET DU CODE FORESTIER SONT DISPENSÉS DE L'AFFIRMATION ET ENREGISTRÉS EN DÉBET.

Dans un pays où les délits forestiers ont une aussi grande gravité, il faut adopter toute mesiiro qui, sans porter atteinte


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au droit commun, permet à la Justice d'exercer une action réelle et efficace. C'est pourquoi nous demandons que, pour obtenir une répression aussi rapide que possible, les agents forestiers soient dispensés do l'ailirmation pour leurs procèsverbaux.

Celte mesure a été adoplée dans la loi de décembre 1883, mais elle ne s'applique qu'aux délits prévus dans celte toi. Il n'y a pas de raison qui s'oppose a l'extension de cette mosiire aux procès-verbaux dresses pat* application du Code forestier.

XJ. — LA LOI DU 2 AVRIL 1882 SUR LA RESTAURATiwi DES TERRAINS EN MONTAGNE EST PROMULGUÉE EN ALGÉRIE

Depuis 1882, la Franco possède une loi qui a pour litre : « De la restauration des terrains en montagne. »

L'objet de celte loi a été ainsi indiqué par la Commission chargée du rapport :

« Si le sol est profondément atteint par les RAVINES, tes KBOULEMENTS, par les AFFOUULEMKNTS, les ÉROSIONS, en général par des causes sérieuses de ruines, s'il y a danger né, actuel, les mesures de conservation serait impuissantes : il y a lieu à des travaux de restauration. »

El afin qu'il n'y ait pas le moindre doute sur le but de Cette loi, la Commission ajoutait ;

A.Quel est en eftblcebut? Evidemment ce n'est pas do ''restaurer et do conserver les terrains en montagne ; la restauration et la conservation des terrains en montagne sont ici des

MOYENS GÉNÉRAUX ET NON LE BUT DE LA LOI. Ce but C'est (le

combattre les inondations, leurs sources, d'en prévenir et d'en atténuer les désastres. »

Dé plus, le législateur, pour permettre la réalisation de son oeuvre, à ténu à ne pas limiter los moyens d'action à employer parlesforestiers.

Dans lo texte renvoyé par le Scn.lt, le titre premier portait : « Du reboisement et (lu gazonnement. »

La Comirtission combattit vivement ce titre qui semblait limiter à deux moyens lés mesures à eniptbyer.

« Pourquoi lorsqu'il s'agit d'annoncer d'une manière gèné^ raie toutes les mesures relatives à la restauration des terrains


en montagno, no parler quo ilti reboisement cl du gazonnomcnt?

». Le reboisement ot"lo gazonnement sont sans tlouto dos moyons do restauration : co sont mémo los principaux si l'on vent, mais non pas les sonls,

» Pourquoi ne pas citer rend)roussaillemont, los barrages do tontes sortes, tes murs do soutènement* etc. été» ?

» Si c'est uno énumération, ello est incomplète ;s| c'est uno désignation générale, elle n'a pas assez do caractère,

» Notre Commission a préféré cette rubrique du Gouvernement qui annonce do la manière la plus précise ot la plus complota l'ensemble des mesures comprises au titre premier. »

'Yoiçi.donc uno loi qui permet do sauvegarder lo sol atteint par les ravines, les éboulements, les aïïoudloments, les érosions, soit en restaurant les terrains après expropriation, soit en les motlant en défense bu on réglementant les pâturages ; de plus, ello donne aux forestiers, chargés des restaurations, la faculté d'employer tous les moyens qu'ils jugeront convenables, cmbroussàillemont, barrages, etc. pour prévenir les inondations ou on atténuer les désastres.

Enfin, détail important, elle met à la disposition de l'Administration les crédits nécessaires pour exécuter tous ces travaux et indemniser les propriétaires.

Sans vouloir entror dans uno discussion complété au sujet de la loi d'avril 1882, disons d'abord que lo Conseil Général d'Alger a reconnu qu'elle-rendrait des services, mais seulement dans la région Tellienne ; disons ensuite, qiio tous les fonctionnaires sont unanimes pour réclamer la mise en dèfons et la réglementation des pâturages communaux.

Or, si d'une part celle loi est appolée à être appliquée dans la moitié «lu territoire de l'Algérie ; si d'une autre part ello, peut seule permettre la mise en dôfens et la réglementation dos pâturages, pourquoi ne pas en demander la promulgation?. .-'• =..;■; .'•..•

La loi de décembre 1885, specialo à l'Algérie, devait snjppléer-et.'remplacer avantageusement celle d'avril, qu'ôri abandonnait ta la Métropole, Il n'y a plus d'illusions à so faire à propos do cette loi spéciale, il' n'y a rien été prévu pour la misé on défens et la réglementation des pâturages ; rien pour les gazonnements et les barrages Vqùant a l'expropriation des


- mterrains

mterrains boiser, on n'a oublié qu'une chose : les crédits destinés à payer les expropriés.

Quant au but principal visé par les auteurs de la loi, il n'a pas non plus été atteint. Il s'agissait d'affranchir les forêts des droits d'usage dont elles sont grevées au prolit dos indigènes. Cette libération devait s'elïecliier soit au moyen du cantonnement,, soit par des indemnités et argent, soit enfin par des attributions territoriales équivalentes aux terrains repris aux indigènes, Or, comme il n'y a pas plus do terres disponibles que d'argent et comme lo cantonnement serait uno mesure absolument illusoire, il n'y a eu rien de fait depuis six ans que la loi est votée,

La première partie de la loi, celle qui a été votée en 1875, n'est guère plusapplicable, L'Administration forestière no peut, faute de crédits, mire exécuter les tranchées séparatrices prescrites par cotte loi pour limiter les incendies. Kilo se trouve alors dans l'impossibilité do la faire observer par les particuliers.

Tels sont les résultats dus à celte loi spéciale, qui d'après ses inspirateurs devait sauver de leur ruino les forêts do TAIgério.

Lo plus simple est donc do demander la promulgation d'une loi quia fait ses preuves en France, et qui sans imposera l'Algérie ni charges, ni obligations, ni responsabilités mettra à notre disposition des crédits très importants. (I)

xu. — L'ADMINISTRATION EST INVITÉE A RÉCLAMER LE RÈGLEMENT D'ADMINISTRATION PUBLIQUE DE LA LOI DE DÉCEMBRE 1885 ET A FAIRE TOUS SES EFFORTS TOUR RENDRE CETTE LOI APPLICABLE, NOTAMMENT DANS SON ARTICLE 12.

Comme il serait imprudent do demander la révision d'une loi aussi récente, il faut tacher d'en tirer lo meilleur parti

(1) « Les travaux do repeuplement sont loin d'avoir acquis l'importance qu'ils doivent avoir un p^ys où laséchoressoçt après e\\o ['inondation viennont démontrer d'un* façon irréfutable \a nécessité du reboisement dos terrains dénudés » Gouverneur général (1883) — «... Si en France, avec ta loi du i avril 1882, on s'est préoccupé de prévenir les inondations, en Algérie l'objectif n'est pas le môme » Gouverneur général (I88i). — Simplo rapprochement. —


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nossiblo le règlement d'administration publique do cotto loi étant encore a venir, on demanderait au Conseil d'Etat do mettre à peu prés sur pied quelques points d'uno législation inapplicable aujourd'hui.

Malgré co qiio nous avons dit plus haut en favoùv dos broussailles, nous no pouvons copenuant ne pas trouver excossive la protection que leur accorde la loi do décembre. D'après le paragraphe l"do l'article 12, ne peuvent être défrichées los broussailles « se trouvant sur lo sommet ou sur la pente dos montagnes ou coteaux. »

Or, comme en Algérie, jl y a relativement pou do plaines, qu'il n'y a guère que des montagnes ou des coteaux, légalement lo défrichement devrait être intordit à peu près partout.

Nous pensons quo lo règlement d'administration publique pourra corriger co qu'il y ado trop rigoureux dansco paragraphe, en detorminant, par exemple, ce qu'o l'on doit entendre parpehto.il nous parait de toute nécessité d'indiquer lo dogré do cette pente, si l'on vont éviter des conllits journaliers et si l'on no veut pas faire tomber la loi sous lo ridicule

Les broussailles « nécessaires à la salubrité publique » no peuvent ètro non plus défrichées. Nous nous demandons qu'elle ost l'Administration qui sera chargée d'affirmer quo tel bouquet de broussailles ost indispensable à la salubrité publique. Nous croyons quo le règlement devra aussi s'occuper de copoiht, do façon à ce qu'on no se livre pas à toutes sortes do plaisanteries sous prétexte do faire respecter là loi.

ÉTUDES PRÉLIMINAIRES

llien que nos évaluations et nos prévisions do recettes et do dépenses reposent sur dos docunionis officiels, il ost évident que co n'est pas avec dès données aussi incbmnlôtos quo l'on peut songer a prendre une décision fermej tendant h faire engager aussi gravemont l'avonir. Mais ces données nous paraissent avoir des bases assez sérieuses pour mériter qiiôn les prenne en considération.

Les conséquences d'une prise on considération seront la mise à l'élude de la question ; c'est là tout ce que nous dèniandons, ■■■■-['.[■ c-.;:::- ""<:•■■■.:■ ^.y;^:-;:r-/;:


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C'est dans lo but d'obtenir dos Chambres et du Gouvernement cette - mise à l'étude quo nous avons donné une aussi grande .extension àco travail.

En effet, il importo au plus haut point quo ce premier pas soit fait, car, dans notre entière conviction, il mènera à nos conclusions.

En outre, ces travaux d'études exigeront dos crédits relativement élevés.

Or, les Pouvoirs publics no so décideront à accorder leur attention et à ouvrir dos crédits, qu'autant qu'on leur aura apporté des chiffres et des arguments nombreux et solides.

Dans quel sens devront être dirigées les éludes préliminaires?

Sans vouloir en tracer ici |e détail, nous dirons seulement qu'elles devront plus spécialement porter sur:

|° l'établissement définitif du domaine forestier actuel;

2® la description dos forêts, leurs essences, leur densité, leur rendement actuel, l'Age moyen dos arbres, l'état et la constitution gôologiquodu sol;

3° l'évaluation, des chemins forestiers à y créer, les aménagements à effectuer ; les emplacements lies maisons forestières ; lés revenus après les travaux achevés ;

4° le classement dos terrains broussailleux : 1° en terrains à convertir en forêts, 2° en terrains susceptibles d'être remis à la colonisation ;

la spécification des terrains dénudés, — domaniaux, communaux ou particuliers, —» dontja restauration est indiquée pour les causes énoncées dans --l'article 220 du Code forestier et dans l'article 12 do la loi do décembre 1885 ;

6° la reconnaissance dos propriétés particulières dont le défrichement ost interdit par l'application dû mêuie article'du Code forestier et de là mémo loi do décembre I885 ;

7° la reconnaissanco des massifs, bois et forêts achetés par des Européens a des indigènes dont la propriété n'a pas été constituée ; r ''"iïvV'v- '■■>■,.■' *;};•'■■-.;'..

8° l'étude sommaire des petits barrages propres à assurer

dans lé Tell le développement et la conservation des pâturages

et des ciiUurës ; ■-■■■!■ :^://>r v.'-----/-- ;-;; /'v --"■ |-'

v pour les Hauts-plateaux ; l'exposé des moyens pratiques

rayant pour but là caplation et là retenue dos eaux à l'aide de


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barrages ou do réservoirs ; lo périmètre approximatif do la zone u'avrosoment qui pourra être affectée a la culture et à la colonisation ;

l'état actuel des peuplements forestiers et la méthode do restauration;

l'indication des parties dénudées dont lo boisoment ot te ga/onnemont auront élé jugés nécessaires ; v

les j>rocédés do boisoment et do gazonuoment sur ces parties dénudées, los espèces végétales à employer ; (I)

los revenus des forêts actuelles, leur rendement quand elles soront aménagées ;

l'étude des terrains à alfa, leur restauration, leur production;

l'étude des points d'eau à créer par des forages artésions.

Ces études préliminaires ne donneront de résultais qu'autant qu'on les confiera à des commissions spéciales iulhnl sur place so livrer à toutes les opérations qu'elles comportent.

A titre d'indications, nous dirons comment nous comprenons ces commissions.

Elles seront composées d'agents techniques — agents des Forêts, des Domaines et de la Topographie, — auxquels seraient adjoints dos Conseillers généraux et dos Conseillers municipaux. Il y en aura une par département. La partie technique des commissions sera toujours la mémo pour tout lo département; la désignation des autres membres variera suivant les régions explorées.

Les travaux se feront par arrondissement. Les opérations sur lo terrain terminées, la commission teehniquo à laquelle se joindront le ou les Conseillers généraux do la région, un délégué do chaque commune et.un nombre déterminé do grands propriétaires se réunira à la Sous-Préfecture, sous la présidence du Sous-Préfet pour faire, un travail d'ensemble. La réunion de cette commission sera précédée d'uno enquête publique,

La Commission ne prendra pas do décision ferme ; tous les avis émis par les membres et los dires do l'enquête seront envoyés à la Préfecture.

Les travaux dès arrondissements sont ensuite centralisés à

(i) Frograraroo cto la Commission des Hauts-Plateaux do 4871.


- H7la'Préfecture

H7la'Préfecture examinés par une commission composée:' d'une délégation de.0 membres du Conseil Général, du Préfet, du Conservateur des Forêts, du Conservateur des Domaines et du Service topograpbimio. '■ - .

Enfin, les travaux ues trois départements seront remis à une réunion inter-dôpartementale qui statuera en dernier ressort, et transmettra son avis et ses propositions au Ministre do l'Agriculture.

Comme dépenses, nous prévovons 1.000 fr. d'indemnités pour chacun des trois agents techniques, soit 13,000 fiv, plus 6,000 fr. pour les aides : total 18,000 fr. par département et pour un an, soit 51,000'fr. pour les trois départements. Comme il faut compter sur trois ans pour l'achèvement complet des études, cela fait un total de 162,000 fr. c'est-à-dire, avec les frais imprévus, 180,000 francs.

Alger — Imprime; lo CASABUKCA, ruo du CoWiaerte <




PUBLICATIONS

DE LA

LIGUE DU REBOISEMENT DE L'ALGÉRIE

La Question du Heboisemenl de l'Algérie. -*- Conférence

par M. HEYNARU.

La Forèl—Conseils aux Indigènes. — Extraits du Code forestier et du Code pénal Texte français et arabe. P. TROLARP.

L'Arbre — Citations — Programme de là Ligue % /teboisement, — Sécheresse et Inondations, p. TnoiAim.

i\oticesur l'acclimatation de l'lUicalyplm, VON MULLER. — Traduction do M. DENIS.

VArboriculture forestière mise à la portée de tous, YÉROT,

L'Arboriculture fruitière. VÉROT,

La Question forestière en* Algérie et h: programme du lleboisemenl du GourerHemenl général. P. TROLAHU.

De la promulgation en Algérie de la loi du i avril I8S$. P. TRPLARD. r

Les Forêts de l'Algérie et la Colonisation, p. TROMRD. Bulletin, de la ligue du lleboisemenl. (10° annôo).