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Titre : Éloge historique de Mr Rameau,... lu à la séance publique de l'Académie, le 25 août 1765 , par M. Maret,...

Auteur : Maret, Hugues (1726-1786). Auteur du texte

Éditeur : Causse (Dijon)

Éditeur : Delalain (Dijon)

Date d'édition : 1766

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb30881525c

Type : monographie imprimée

Langue : français

Format : 78-[1] p. ; in-8

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Description : Collection numérique : Fonds régional : Bourgogne

Description : Avec mode texte

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k57274654

Source : Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, 8-LN27-16939

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 21/09/2009

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ELOGE HISTORIQUE

D E Mr. R A M E A U,

Compositeur de ta Musique du Cabinet du Roi y Afjbciê de t'Académie des Sciences , Arts & Be,r'S-Lt'ttres de Dijon.

Lu à la Séance publique de l'Académie, le 25 Août 1765, par M. MARET, D. M. Secrétaire Perpétuel.

Prxcìpe lugubres ïanîiu Mtlpomenc , cui liqiiUatn, Pater \ Voatn cuni citliara dcAit.

Horat. Od. x X i i i j,

A D I J O N f

Chez CAUSSE, Imprimeur du Parlement, de rintendanec* &. de l'Académie, place St. Etienne.

Et je vend à PARIS , Che/. DELALAIN, Libraire, rue St. Jacques.

M. D C C. L X V I.

A Y >: C P £ R M 1 $ S l O A*.'



AVERTISSEMENT.

(3 N a déja donné au Public trois Eloges de M. Rameau ; un dans le Ier. volume du Mercure de France, d'Octobre 1764; un autre dans le Calendrier des Deuils de Cour pour Tannée 1765 ; & M. Chabanon de l'Académie des Inscriptions & Belles-Lettres , a fait le troisième.

Les deux premiers sont historiques; on y trouve beaucoup d'excellens détails, rendus avec élégance. L'Auteur du troisième a mis, dans son Ouvrage, tout le feu de la plus riche imagination ; & y a parlé de la Musique en Maître. L'amitié qui conduisoit fa plume, ne l'a pas aveuglé fur les erreurs dans lesquelles son ami avoit pu donner; & la critique la plus juste a servi , pour ainsi dire, de creuset d'où le mérite de M. Rameau est sorti plus brillant, & son nom plus assuré de l'immortalité.


ij AVERTISSEMENT.

Après un tel Eloge ce scroit une témérité de ma part que d'avoir élevé la voix fur le même sujet, si j'eusse pu m'en dispenser sans manquer au devoir de la Place dont je fuis honoré. Forcé par les circonstances à entreprendre un pareil Ouvrage, il ne me restoit d'autre parti à prendre que d'épuiser les détails capables de faire connoître le grand Artiste que la France a perdu. C'est ce que j'ai tenté. J'ai puisé les faits dans tous les Eloges écrits avant celui-ci. Je me fuis adressé à toutes les personnes en état de me donner des éclaircissemens. Elles voudront bien me permettre de leur témoigner ici toute ma reconnoissance, & ne pas trouver mauvais si j'annonce que je dois tout ce que j'ai pu dire fur les particularités de la vie de M. Rameau, à MM. de Feligonde, Secrétaire perpétuel de l'Académie de Clermont en Auvergne, l'un de nos Académi-


AVERTISSEMENT, iij ciens Honoraires; Venevaut, Peintre de l'Académie Royale de Peinture & Sculpture à Paris, l'un de nos Associés ; &Balbâtre, Organiste deNôtreDame de Paris.

C'est de ces deux derniers, auxquels je fuis lié par des fentimens particuliers & par Pamour de la patrie, que je tiens mille traits capables de satisfaire la curiosité de ceux qui daigneront jetter un coup d'oeil fur cet Eloge.

J'ai encore de très-grandes obligations à M. de la Condamine & à M. Piron notre Compatriote & celui du grand Rameau, un de nos Académiciens honoraires. Le premier a eu la complaisance de faire des recherches; & il ma envoyé une note écrite de la main mème de M. Chabanon. L'autre , en m'annonçant qu'il avoit trop peu vécu avec M. Rameau pour pouvoir satisfaire aux demandes que je lui

A ìj


iv AVERTISSEMENT. faisois, a eu la bonté de ne me rien laisser ignorer de ce qu'il favoit au sujet de ce grand Homme, en me marquant ses regrets de ne pouvoir pas m'en apprendre davantage.

On verra dans les notes de cet Ouvrage combien je dois encore à Mrs. les Journalistes de Trévoux. Sans les excellens extraits qu'ils ont donnés des Ouvrages de M. Rameau ; je n'aurois peut-être jamais pu les comprendre, n'étant pas moi-même Musicien ; & j'aurois été hors d'état de donner le précis du système de M.Rameau; précis qùi devoit trouver fa place dans les notes d'un Eloge consacré à faire connoître l'esprit & le coeur du plus grand Musicien que la France ait eu.

Le grand nombre de notes que j'ai ajoutées à cet Eloge, & l'étendue de la plupart d'entr'elles, m'ont engagé à les placer à la fuite de l'Ouvrage principal ; on en trouvera cependant quelques-unes au bas des pages du texte, mais elles í'ont très-courtes ; & pour les distinguer les unes des autres, j'indique celles-ci par des lettres, tandis que je renvoie aux autres par des chiffres.


ELOGE HISTORIQUE

DE M. RAMEAU,

Compositeur de la Musique du Cabinet du Roi & s un des Associés de cette Académie'.

E A N -P H i L i P P E RAMEAU, naquit en cette Ville le 25 Septembre 1683 , de Jean Rameau Organiste & de Claudine Martinecourt (1).

Son père n'avoit pu s appliquer dès fa jeunesse à 1 étude de la Musique (2) , & Ton ne peut pas le compter parmi les Organistes distingués par leurs talens ; mais ce fut en quelque forte au peu de progrès qu'il avoit faits, que Rameau fut redevable de la perfection à laquelle il atteignit.

Rien n égaie la force des impressions que Ton reçoit dans le premier âge ; alors les organes se forment, & à mesure qu'ils se développent, ils se montent sur un ton conveA

conveA


(<5>

nable aux connoissances qu'on doit acquérir* Le père de Rameau s'en étoit convaincu par ce retour fur soi-même, toujours plus lumineux que les conseils & les préceptes. II avoit senti que le travail le plus opiniâtre ne peut réparer les défauts de f éducation, fur-tout lorsque le succès dépend principalement de Inorganisation, & s'attachant à faire prositer ses enfants d'un avantage que les circonstances lui avoient refusé, il employa tout pour leur faire une tête musicale; s'il est permis de s'exprimer ainsi (3),

Les premiers sons qui frappèrent l'oreille de Rameau, furent ceux des instrumens que la main de son père faisoit résonner autour de son berceau, La musique fut la première langue qu'il entendit & qu'il parla. II pouvoit à peine remuer les doigts, qu'il les promenoit déjà fur le clavier d'une épinette,

Delà vint cet attrait invincibe qui l'attacha fans cesse à l'étude d'un <irt aussi difficile qu'agréable, Delà ce sentiment t. juis, cette espèce de tact qui le décida toujours fur ce qui étoit réellement beau. Delà le bon goût d'harmonie qui le dirigea dans l'application des régies qu'il découvrit, & dans la création des Chefs-d'oeuvres qui immortaliseront sa mémoire.


(7)

II commença le cercle des classes dans lequel on circonscrit la première éducation des jeunes gens ; mais i'impétuosité de son génie ne lui permit pas de l'achever; & l'étude des Belles-Lettres fut sacrifiée à celle de la musique vers laquelle son penchant l'entraînoit(4).

Lulli, l'immortel Lulli, ce créateur de lu musique françoise venoit d'expirer. Quelques sonates & quelques trios apportés d'Italie en France faifoient connoître un nouveau genre de musique, dont le brillant mis en opposition avec la foiblesse des symphonies de Lulli & des Compositeurs qui lui fuccédoient, commençoit à ébranler rattachement que l'on avoit au goût nationnal. Enfin la musique italienne se faisoit des partisans; & lorsque Rameau fut capable de réfléchir sur son art, il trouva les esprits partagés su ; genre de musique auquel on devoit donner la préférence (5).

Forcé par son amour pour la vérité, plus encore que par son état à se décider sur cet objet, il craignit la prévention nationale. II s'arracha des bras paternels. II s'expatria fk sYtchemina vers Tltalie. Mais la musique italienne étoit alors bien éloignée de la perfection à laquelle l'ont portée depuis ce temps-là Leonard-Vinci &: Pergolefe son Elevé ; &: soit que Rameau íiit entraîné par la légèreté


(8>

naturelle à son âge (6) ; ou que le chagrin de n'avoir pas trouvé en Italie les beautés qui l'y avoient attiré, lui rendit disgracieux le séjour de cette région des arts, Milan fut le terme de ses courses , &: fans avoir pénétré plus avant, il revint en France.

II tic m'est pas possible de le suivre pas à pas depuis son retour. On a lieu de croire qu'il a demeuré à Lyon 6V à Montpellier (7).On sait qu'avant de se sixer à Paris, il y avoit déjà fait un séjour de quelques mois, & que les circonstances l'obligercnt de retourner en Province & d'accepter l'orgue de la Cathédrale de Clermont (8). Mais la date de,cet événement ne nous est pas connue; il est même difficile de désigner celle de son second voyage à Paris; il est cependant probable que ce fut en 1720 qu'il s'y établit. Epoque à jamais mé. morable fur le parnasse françois ; 8c de laquelle nous allons partir pour faire connoìtre par quels moyens il est parvenu, de son vivant même, à la plus grande célébrité.

La nature qui i'avoit choisi pour lui révéler ses secrets, ne s'étoit pas contentée de lui donner une oreille délicate & des doigts agiles ; elle I'avoit encore doué d'une ame forte, capable des réflexions les plus profondes 6c du travail le plus opiniâtre, lorsqu'il s'agissoit de découvrir la vérité (9).


(9)

Aussi grand Philosophe qu'habile Musicien,

Rameau étoit né pour être inscrit dans les fastes de la nation. L'honneur de percer le voile qui nous déroboit la connoissance des véritables principes de la musique, lui étoit réservé. La nature I'avoit choisi pour nous faire connoître le vrai genre, le genre qu'elle avouoit elle-même; 8c cédant à l'impulsion de son génie, il devint, fans en avoir conçu le projet, le réformateur & le législateur de la musique, 11 en perfectionna la théorie. Et il fit voir à la France étonnée jusqu'à quel point on pouvoit en porter la pratique.

>, Aux yeux du commun des hommes, la » musique est un Art frivole; mais à ceux des >, personnes éclairées, elle est une science fon» dée principalement sur les rapports des nom» bres, 8c qui en enseignant à flatter Poreille, >, fournit à la raison de quoi s'exercer (#); aussi la théorie de la musique a-t-elle toujours été, depuis Py thagore, l'objet des méditations des Philosophes.

Sans remonter à des temps fort reculés, nous voyons renseignement de cette science

(.*) C'est ainsi mie s'exprimoh Rameau dans fa Dédicace de l'on Traité de la génération harmonique à Messieurs de l'Académie des Sciences,


. <I0>.

confié par François premier au Professeur de mathématiques du collège royal. Presque tous les favans d'un certain nom s'en sont occupés dans ces derniers siécles. Parmi ceux qui ont écrit fur ce sujet, on compte Mersenne, DescarteS, Wallis, Kircher, Huigens, Henfling, Carré,Sauveur, &c. Mais les spéculations les plus ingénieuses ne suffisent pas pour perfectionner les Arts. Si la théorie est capable d'en éclairer la pratique, la pratique doit à son tour constater la bonté de la théorie : comment celle de la musique auroit-elie donc pu acquérir quelque perfection? Tandis que la plupart de ceux qui cherchoient à la perfectionner, ne connôissoiént que de nom la partie pratique de cet Art agréable. Zârlin seul, Musicien de profession, auroit pu répandre quelques lumières fur cet objet ; il entrevit le principe d'après lequel il auroit pu faire un système solide, mais il le perdit de vue; il donna trop à l'Art & il s'égara. Kircher son Commentateur, n'osa pas s'écarter de la route que Zarlin lui avoit tracée, 8c la vérité échappa à ses recherches.

Les tentatives de Mrs. Carré, Huigens, Sauveur, &c. n'eurent pas plus de succès (a).

{a) Voyez les systèmes fur le son & sur la musique de M,


La résonnance du corps sonore les avoit, pour ainsi dire, mis fur la voie; mais plus oc« cupés à calculer les vibrations que fait une corde pincée, qu à apprécier les effets de cette vibration, ils s'attachèrent à fixer le nombre des divisions que les tons connus pouvoient souffrir; à établir les rapports des vibrations de la corde selon ces divisions. Ils crurent par ce moyen faire connoître les accords, déterminer avec plus de précision le tempérament ; rendre enfin la théorie de la musique plus lumineuse 8c plus facile. Mais faute d'avoir pris la meilleure route, ils ne firent peut-être que multiplier les obstacles en écartant les Artistes du vrai chemin qui les auroit conduit à la perfection. Tous ceux qui avoient peut-être seuls le droit de prétendre à y conduire l'Art musical,étoientrebutés par les difficultés dont on I'avoit hérissé. Les Musiciens les plus distingués se contentoient de connoissances superficielles; ils s'étoient fait une diéorie défecCarré

défecCarré l'histoire de l'Académie Royale des Sciences de Paris, année 1704.

De M. Sauveur, même histoire, années 1704 & 1713.

De Mrs. Huigens 6c Henfling , même histoire., année 1711.

De M. de la Hire, Mémoires de la même Académie, année 1716.

De M. de Mairan, même histoire, années 1720 & 1737.


tueuse, parce qu'elle ne renfermoit aucun principe allure. Le corps des loix qui les guidoient dans la composition, n'étoit qu'un amas indigeste de régies de pur méchanifme, d'habitude , de simple convention, fans fuite, fans correspondance entr'elles.

La régie de l'octave, quoique très-souvent insuffisante, 8c quelquefois impraticable, étoit presque la seule dont l'usage fíit d'une utilité sensible. Les modes, les accords étoient multipliés, pour ainsi dire, à rinfini.Tout ce qui constitue la théorie de la musique étoit enfin présenté dans un jour si incertain, qu'il paroissoit plus naturel aux Musiciens de négliger l'étude que de s'y livrer.

Le Compositeur étoit parvenu à se persuader que la composition à plusieurs parties ne pouvoit être dirigée que par l'usage (st).C'est encore à cet usage qu'on en appelloit. dans toutes les occasions. Les plus belles, les plus riches productions musicales étoient presque toujours l'ouvrage de l'instinct.Le goût étoit la feule boussole des plus grands maîtres ; ils voguoient pour ainsi dire au gré du caprice. Mais Rameau ne tarda pas àconnoître le vice

(./) Zarlín fur la composition à quatre parties renvoyoit à lui'age.


(«3)

de cette médiode. Son caractère méditatif lui

fournit bientôt les moyens de la corriger.

II favoit que Tissage ne rassuroit point contre les revers de la mode. II avoit compris que le génie ne fuppléoit pas à la science; que h musique avoit des régies certaines; qu'elles dévoient être tirées d'un principe évident; que que fans le secours des Mathématiques il falloit renoncer à l'efpérance de connoître ce principe ; 8c fans être arrêté par la difficulté de l'entreprife, il eut le courage d'étudier les Mathématiques.

Le premier fruit que Rameau retira de cette étude, fut la découverte de la véritable progression harmonique (10). Elle le conduisit à reconnoître avec Kircher, que f harmonie parfaite étoit renfermée dans les six premiers nombres ( 11 ). Ce fut alors qu'il s'apperçut de l'identité des octaves; identité qui, en multipliant les combinaisons des sons, donnoit toute la variété qui constitue la musique (i 2).

Sous fa main les accords se réduisirent à deux, l'un consonnarit 8c l'autre dissonant.

La suite des sons fondamentaux de ces accords lui donna la basse fondamentale : baíìe dont l'importance fuffiroit feule pour éterniser la mémoire de celui qui la reconnue le premier. Elle est en effet la pierre de touche de


04)

fharmonîe & la boussole qui dirige le Muse cien dans la composition 8c dans l'accompagnement.

Pour justifier ce que j'avarîce, je n'aurois qu'à entrer avec Rameau dans le détail des loix de la composition : je n aurois qu'à le suivre dans les préceptes qu'il donne fur l'accompagnement; qu'à faire voir avec quel art il prescrit la distribution des accords & comment il dirige leur enchaînement : mais je parlerois une langue qui m'est peu familière, 8c qui seroit étrangère à la plupart des auditeurs. D'ailleurs fans analyser tous les ouvrages que publia cet Auteur depuis son Traité de l'harmonie , je ferai mieux sentir le mérite de ses découvertes en représentant le jugement qu'en a portd urrtribunal aussi éclairé qu'impartial,l'Académie Royale des Sciences.

Le corps sonore avoit en vain fait entendre ses harmoniques à Wallis & à Sauveur : l'oreille de ces Philosophes n'avoit pas compris ce langage de la nature ; mais il n'eut rien d'obscur pour Rameau (13).

La chute d'un de ces torrens qui, dans le temps de pluie, se précipitent du haut des toits, cette chute, dis-je, à travers un tuyau de fonte , occasionnoit une résonnance qui le frappa ; dès ce moment il se rendit attentif à celle d'un


(M)

tuyau d'orgues, à celle des cordes que l'on

pince ; & s'il leconnut, avec les sçavants dont j'ai parlé, que chaque corps sonore faisoit entendre non seulement un son principal, mais encore la douzième & la dix-septiéme en dessus; s'il vit que ceux, qui étoient multiples de celui-ci, frémissoient en même proportion & donnoient la douzième & la dix-septiéme en dessous; ilsçut saisir les conséquences que présentoit cette observation; il sçut appercevoir qu'elle lui révéloit le vrai mystère de l'harmonie ; qu'elle lui en découvroit le véritable principe.

Le rapport des sons générateurs avec la basse fondamentale, lui rendit cette découverte plus précieuse 8c plus chere; 8c le désir d'imposer silence à ses critiques, en démontrant que son système étoit l'interprétation seule des expressions de la nature, rengagea à mettre au jour son Traité de la génération harmonique (14). Quand on peut se flatter d'avoir pris la nature pour guide, l'on désire la critique loin de la redouter. La confiance qu'info piroit à Rameau l'accord de l'expérience 8c de Tobservation, de l'oreille 8c de la raison, lui fit souhaiter que son Ouvrage fïit soumis à l'examen de l'Académie des Sciences. Cette célèbre Compagnie répondit aux voeux de


i'Auteur ; on lui donna pour Commissaires Mrs. de Mairan, Nicole 8c d'Alembert; tous trois auffi incapables de prévention qu'en état d'apprécier ses calculs 8c ses raisonnemens. Après avoir dit dans leur rapport, « que la chasse fondamentale prouvée par l'Auteur , „ 8c puisée dans la nature même , étoit le „ principe de l'harmonie 8c de la mélodie.« Après avoir donné un précis de tous les avantages que procuroit le système de Rameau, ces fçavants Commissaires ajoutoient.

» Ainsi l'harmonie assujettie communément » à des loix assez arbitraires, ou suggérées par „ une expérience aveugle, est devenue par le » travail de M. Rameau une science géomé„ trique, 8c à laquelle les principes mathéma» tiques peuvent s'appliquer avec une utilité „ plus réelle 8c plus sensible (a). «

Qu'ajouterois-je,Messieurs,àun témoignage aussi favorable à M. Rameau ? Pour faire connoître jusqu'à quel point il 'a perfectionné la théorie de la musique, faudra-t-il que je le suive dans l'exposition de son principe 8c des conséquences qu'il en déduit ? Non fans doute, il suffira de faire voir que la mort seule a pu

(rt) Voyez le Mercure de France du mois de Mai 1750, pag. 144 & suivantes, ainsi que la note 14.

faire


(•7)

faire tomber la plume des mains de cet Auteur infatigable : que toujours attentif à la voix de la nature, il n'a cessé de travailler à rendre ses oracles intelligibles; tantôt en donnant plus d'étendue à fa démonstration du principe de l'harmonie (15); tantôt en indiquant la manière dont on doit s'y prendre pour former la voix 8c enseigner la musique (16) ; tantôt en nous faisant rentrer en nous-mêmes pour y observer notre instinct musical (17) ; tantôt enfin en rassemblant dans une espèce de code toutes les loix qui doivent diriger l'étude de la musique, la composition 8c Paccompagnement(i8).

II suffira de faire remarquer que M. Betizi se fit honneur de travailler d'après les découvertes de Rameau (19); que ses principes furent adoptés par M. d'Alembert (20). Quelle gloire en effet n'étoit-ce pas pour Rameau! de voir qu'.un très-savant Musicien approuvoit son système, de compter parmi ses sectateurs un des plus célèbres Mathématiciens de PEurope, un des plus respectables Philosophes de notre siécle.

Aussi fut-il si flatté de Phonneur que M. d'Alembert lui avoit fait, qu'il en témoigna publiquement fareconnoistance (21). Si dans, la fuite, il se montra trop sensible aux réflexions


(i8)

critiques de ce fçavant Académicien; si même en relevant les erreurs qu'il apperçut, ou qu'il crut appercevoir dans les articles de l'Ency clopédie relatifs à la musique (22), il écrivit d'un style amer 8c dur, qui contrastoit de la manière la plus frappante avec celui dont il avoit peint les fentimens de son coeur reconnoissant : qu'il me soit permis, fans prononcer fur le fond de la dispute, d'astòiblir les reproches que Rameau paroît mériter.

Né dans le centre d'une Province dont la franchise caractérise les Habitans, il ne put appercevoir la vérité , 8c la dissimuler; il ne fut point arrête par la crainte des contradictions 8c de l'efpèce de persécution à laquelle on s'expose en voulant démasquer les erreurs que le Public encense.

S'il eut souvent à résoudre des objections sérieuses 8c présentées avec modération; si pour soutenir son sentiment sur Pidentité des octaves, fur Pexistence des harmoniques en dessous, il fut obligé d'entrer dans des discussions géométriques avec Mrs. Esteve (23) & Euller (24) ; il se vit plus d'une fois forcé de combattre pour conserver Phonneur de ses découvertes, il fut souvent en butte aux traits de la plus basse jalousie (25).

Kircher disoit, l'un a découvert la basse


(•9)

fondamentale. C'est Delacroix , assuroit l'autre , qui l'a enseignée à Rameau. Wallis & Sauveur, selon ceux-ci,avoient reconnu lc principe sonore , en avoient tiré toutes les conséquences dont notre Auteur faifoit parade. Les régies qu'il donnoit pour neuves étoient pratiquées depuis long-temps. Ses principes, ses préceptes n'étoient propres qu'à faire de la musique bifarre, fans expression 8c fans goût. Enfin, il réfultoit de fa méthode de doigter, „ une harmonie brute 8c dure, dont l'oreiíle >, étoit choquée (d)."

Quel est Phomme qui dans une position auíìî critique, eiìt pu ne pas faire éclater son mécontentement? Quand Rameau dans ses écrits polémiques se seroitlivré à quelques excès, il eiìt donc été excusable. On a pu, l'on a même dû lui pardonner un peu trop de chaleur dans le style, quelques expressions peu ménagées.

Je veux qu'ennivré, pour ainsi dire, de fi découverte, il se soit trompé en croyant voir dans son principe sonore la source de tous les arts 8c de toutes les sciences; que dans fi lettre aux Philosophes il ait outré les conséquences ( 26) ; ensin, qu'il ait eu des torts en ménageant trop peu ses critiques. Mais ces légers

(<») Article doigter dans l'Encycîopédie.

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.<io)

nuages assoibliront-ils Péclat de fa gloire ? Sera-t-il moins certain que Rameau a perfectionné , si ce n'est même créé, la théorie de la musique ?

Pour détruire la plupart des objections que l'on rifquoit contre son système ; pour faire sentir tout ce que les. sarcasmes de ses ennemis avoient d'odieux , il lui auroit suffi d'en appeller à l'expérience. C'est à la tribune de Ste. Croix de la Bretonnerie ( 27), à la salle du Concert (28), à celle de POpéra, qu'il auroit dû sommer ses adversaires de se rendre. Là sans doute PAbbé des Fontaines n'auroit pas dit : " Et vous spéculations Physico-Madié» matiques, cessez de vouloir prendre part au » plaisir de Poreille : vous êtes cependant ref» pectables par votre curieuse inutilité, parce » que la vérité la plus stérile est toujours di>, gne de nos respects (<i).«

Forcé de se réformer, cet Aristarque éclairé, mais trop souvent injuste, auroit avoué que la connoissance des régies pouvoit diriger le goût, indiquer la route du coeur 8c faire saisir le vrai beau. Que le même génie qui avoit

(rf) Lettre 139 des Observations de M. l'Abbé des Fontaines fur quelques écrits modernes, en date du 24 Août i737> Pag« 86.


(il)

réussi à former sous la dictée de la nature un corps de loix musicales, étoit capable de porter, dans la pratique, la musique françoife au plus haut point de gloire.

MALGRÉ les efforts des Boisset, des Lambert, des Camus; malgré les succès des Lulli, des Colasse, des Marchand,des Destouches, des Campra, des Mouret, 8c de tant d'autres habiles Musiciens; la musique françoife, tant instrumentale que vocale, n'étoit goûtée qu'en France , & l'Italienne triomphoit par toute PEurope, lorsque Rameau par l'exécution la plus brillante, par la composition la plus belle 8c la plus fçavante, vint opérer une révolution imprévue qui fit partager à notre musique Pempire que possédoit fa rivale.

D'abord ce célèbre Compositeur avoit seulement ambitionné de paroître avec 1 éclat d'un Organiste digne du suffrage des connoisseurs, dont la Capitale abonde. Plusieurs pièces de clavecin qu'il avoit fait graver (29) , la jalousie mcme d'un des meilleurs Organistes de Paris, avoient commencé fa réputation ; ses leçons de clavecin (30) & l'orgue de Sainte Croix de laftretonneric achevèrent de l établir. Bientôt il fut regardé comme supérieur à Marchand

B iij


(«>

8c capable d'entrer en paralelle avec Clairambaut. Moins brillant peut-être dans l'exécution, mais plus fçavant que le premier, dont il le glorifioit d'être Péleve, fa main ne cédoit pas en délicatesse à celle du second ; 8c je serai connoître Pétenduc de son mérite eu ce genre par un seul trait bien capable de le caractériser.

Lorsque pénétré des vrais principes de son art, instruit de toutes les régies, un artiste fçait s'en écarter à son gré; c'est alors qu'on ne peut pas douter de son intelligence 8c de son fçavoir. II est peut-être plus difficile de violer les régies avec méthode que de faire des chefsd'oeuvres en les suivant. Pour faire à dessein exactement mal , il faut non seulement sçavoir par quel moyen il est possible de bien faire , mais encore lutter contre Paîtrait qui nous y porte.

Quand pour obtenir du Chapitre de Clermont la liberté qu'il réclamoit en vain, Rameau forma par ì'enfemble des jeux d'orgues les plus désagréables, par les dissonnances les plus aigres , un charivari capable de déchirer les oreilles les moins sensibles ; il ne montra donc pas moins d'art que dans le moment où, après avoir obtenu son congé, il sçut, en réunissant tout ce que l'harmonie pouvoit avoir de plus touchant 8c de plus flatteur, augmen-


C*3>

ter la vivacité des regrets que lit perte insplroit

insplroit ).

Rameau fut donc un Organiste réellement distingué, 8c ses sonates, ses concertos,mais fur-tout différentes symphonies 8c pièces de clavecin qui furent transportées en Italie, le firent connoitre avec le plus grand avantage ; Pítalien même commença dès-lors à s'étonner qu'un Musicien françois pût mériter des louanges. Mais le moment n étoit pas éloigné où ('admiration devoit succéder à la surprise. Le génie de Rameau le pouíToit dans une carrière plus brillante, 8c des chefs-d'ceuvres de musique vocale dévoient assurer son immortalité.

Avant de quitter Clermont, il s'étoit déjà es sayé dans le genre lyrique par trois cantates à voix feule (32), qui eurent le plus grand succès en Province. Quelques motets à grand choeur, les cantates de Thétis 8c l'enlevement d'Orythie furent bientôt après pour les connoifíèurs un présage assuré de íà grande réputation.

Ce sont ces motets 8c ces cantates qu'il indiquoit à M. de Lamothe, lorsqu'en 1727 il cherchoit à engager ce Littérateur célèbre à lui confier quelques paroles qu'il pût mettre en musique. (33).

De pareilles productions auroient dû déciBiv

déciBiv


(M)

der Lamothe à s'attacher en quelque forte à

la fortune de Rameau : le refus qu'il lui fit doit paroître bien étrange, fur-tout quand on sçait que pour l'y déterminer, Rameau Pengageoit à venir entendre comment il caracténlòit le chant 8c la danse des Sauvages. Votre surprise n'augmenteroit pas peu, Messieurs, si je lifois ici la lettre même que Rameau écrivoit à Lamothe, puisqu'on y voit un homme pénétré de la difficulté à\me entreprise aussi grande que celle d'un Opéra, &: qui connoît les ressorts qui doivent faire jouer une machine auíìi compliquée.

Si Lamothe résista aux instances, de ce fçavant Musicien,c'est, fans doute, pour n'avoir pu se garantir des idées désavantageuses qu'on lui avoit données de notre illustre Compatriote.

Forcés d'avouer leur ignorance ou de s'élever contre le novateur , les Musiciens qui jcuislbient de la confiance du public, mettoienttouten oeuvre poiu L décrier. Les plus modérés d'entr'eux , selon l'usage constamment suivi parmi les gens d'une même profession , lui donnoient C\QS louanges, mais avec des restrictions qui tcndoient à détourner Peffet du paralelle qu'on pouvoit faire entr'eux. Ils convenoient volontiers que Rameau étoit sçavant, mais iîs en concluoient qu'il ne pouvoit faire de îa musique agréable.


Un homme livré aux spéculations arides de la science des nombres 8c des grandeurs ; un Mathématicien hérissé de calculs,pourroit-il, dilbit l'un, avoir un coeur sensible ? pourroit-il nuancer les différons fentimensque la musique doit peindre ? L'autre affuroit que le seul mérite des morceaux qu'il avoit mis au jour étoit d être difficiles à exécuter. Que semblable à ces voltigeurs qui se plaisent à nous effrayer par des sauts surprenants, Rameau affectoit les intonations les plus singulières , les accords les plus extraordinaires, 8c s elevoit jusqu'au Ciel pour retomber avec plus de fracas ; qu'en voulant enfin se frayer une route nouvelle, il s etoit écarté de celle que Lulli avoit ouverte & qu'on avoit toujours suivie avec succès.

Tels étoient, Messieurs, les moyens dont les Musiciens se servoient pour empêcher Rameau de percer la foule obscure qu'il alloit bientôt dissiper ; 8c comme le nombre des gens intéressés à lecarter étoit immense , Pentrée du temple , où ses succès dévoient être écrits en caractères ineffaçables, lui fut longtemps interdite. Rebuté même des tentatives qu'il avoit faites, il avoit renoncé à l'espoir de paroitre sur la scène lyrique, quand la représentation de Popéra de Jephté lui st reprendre la résolution de s'exercer dans ce genre (34).


(*<í)

Un Poe'te envers lequel ses contemporains furent aussi injustes que Boileau I'avoit été à regard de Quinaut, l'Abbé Pellegrin étoit l'auteur du poème de Jephté. Ce fut à lui que Rameau crut devoir s'adresser pour avoir les paroles d'un opéra : mais fans l'indigence de cet Abbé, ce fçavant Compositeur n'eût peut-être jamais trouvé Poccasion de déployer tous ses talents. Ce qui rend cette conjecture trèsprobable ; c'est que le Poëte exigea du Musicien un billet de 500 livres, & qu'il ne livra Topera d'Hipolyte 8c Aricie qu'après avoir reçu ce billet. Mais s'il eût à se reprocher d'avoir montré tant de défiance au grand Rameau; qu'il répara bien cette injustice ! & que cette espèce de faute fit d'honneur à son goût.

Le premier acte de cet opéra fut répété chez un particulier qui aimoit notre Compatriote (35). L'Abbé Pellegrin étoit présent à cette répétition, 8c frappé de la beauté de la musique, il courut embrasser l'Auteur 8c déchira le billet en s'écriant, qu'un pareil Musicien n'avoit pas besoin de caution : qu'auroit donc dit cet Abbé s'il eût entendu le second acte?

Quelle gloire pour lui d'avoir le premier connu le mérite d'un Compositeur contre lequel on avoit inspiré les plus injustes préven-


(*7)

rions ? mais que le jugement qu'il avoit porté

eut de peine à être approuvé du public !

Les ennemis de Rameau avoient toujours travaillé à Pempêcher de paroître fur la scène. Ils se liguèrent 8c caballerent pour l'en faire descendre avec ignominie ; malheureusement le caractère de la musique de l'opera d'Hypolite 8c Aricie servit quelque temps leur malignité.

Que ne peut l'habitude fur nous ? Si depuis long-temps nous n'avions été éclairés que par la foible lueur d'un flambeau , nous fermerions les yeux à la lumière du soleil, 8c la crainte d'être ébloui pendant quelques moments , nous feroit préférer Phorreur des ténèbres à Péclat du plus beau jour. La nature noús inspire en vain le bon goût, l'habitude en forme souvent un factice, pour lequel les préjugés fortifient notre attachement; 8c Rameau faillit à en être la victime.

Lulli avoit accoutumé nos oreilles aux sons les plus doux, aux intonations les plus faciles ; content d'intéresser le coeur, il n'avoit que rarement cherché à captiver tous nos sens par la magie de l'harmonie; il s'étoit principalement attaché à la mélodie que le goût & le sentiment lui inspiroient ; 8c quoique ce grand Musicien n'eût pas saisi tout ce


(z8>

qui caractérisoit le goût naturel , le François né sensible , toujours entraîné par le mouvement de son coeur, n'avoit pas cru qu'il pût y avoir d'autres beautés que celles qui brilloient dans les oeuvres de ce créateur de la musique françoife. Le goût qui regnoitdans ses opéra paroiíìòit au public le bon goût, par excellence. Tous les ouvrages de musique n'étoient appréciés que par les rapports qu'ils avoient avec ceux de Lulli. Campra, Mouret, Destouches , 8c tous ceux qui avoient paru jusqu'alors fur la scène, avoient encore donné de la force à ce préjugé , en s'attachant à imiter cet homme célèbre. Quel effet ne devoit donc pas produire fur les esprits le goût dans lequel Rameau avoit composé son opéra ?

On entendoit, pour la première fois, des airs dont l'accompagnement augmentoit Pexpreffion, des accords surprenants, des intonations qu'on avoit cru impraticables , des choeurs, des symphonies dont les parties différentes , quoique très-nombreuses, se mêloient de façon à ne former qu'un tout. Les mouvements étoient combinés avec un art inconnu jusqu'alors; appliqués aux différentes passions avec une justesse qui produisoit les effets les plus merveilleux* Ce n'étoit plus au coeur seul que la musique parloit;les sens étoient émus,


<*9)

8c Pharmonie enlevoit les spectateurs à euxmêmes, fans leur laisser le temps de réfléchir fur la cause des espèces de prodiges qu'elle opéroit.

Lulli avoit charmé, avoit séduit; Rameau étonnoit, subjuguoit, transportoit. Etoit-il facile de reconnoître dans la musique de celui-ci le véritable langage de la nature, tandis qu'on étoit prévenu que l'autre avoit fçu le rendre ?

Aussi la toile fut à peine levée,qu'il se forma dans le parterre un bruit sourd, qui croissant de plus en plus, annonça bientôt à Rameau la chute la moins équivoque. Ce n'étoit pas cependant que tous les spectateurs contribuassent à former un jugement auíìì injuste ; mais ceux qui n avoient d'autre intérêt, que celui de la vérité, ne pouvoient encore se rendre raison de ce qu'ils fentoient, 8c le silence que leur dictoit la prudence, livra le Musicien à la fureur de ses ennemis (36).

Un revers si peu mérité l'étonna fans l'abattre : je me fuis trompé, difoit-il; j'ai cru que mon goût réuffiroit ; je n'en ai point d'autre ; je ne ferai plus d'opéra.

Cette résolution qui fait connoître jusqu'à quel point Rameau respectoit le goût du public, eût eu des suites bien préjudiciables au progrès de la musique, 8c Part encore imparfait eût


été borne sans retour; si revenus de leur première surprise, les connoisseurs n'cuflènt senti les beautés d'un genre dont la nouveauté les avoient d'abord étonné au point de les mettre hors d'état de se décider sur son mérite. Leur silence avoit servi la jalousie des rivaux de notre Compatriote, avoit porté coup à fa réputation naiílànte; mais bientôt leurs suffrages assurés 8c réfléchis y mirent le sceau.

Peu à peu les représentations d'Hy polite furent plus suivies 8c moins tumultueuses ; les applaudissements couvrirent les cris d une cabale qui s'assoiblissoit chaque jour ; 8c le succès le plus décidé couronnant les travaux de PAnteur,l'excitaàde nouveaux efforts; efforts précieux qui lui firent partager avec Lulli les honneurs de la scène lyrique ; 8c par la révolution la plus étonnante, lui méritèrent le titre glorieux de réformateur de la musique.

En vain ses rivaux voulurent-ils dans la fuite élever la voix ; en vain le déchirerent-ils par des libelles, il les confondit par de nouvelles productions, où se pliant à tous les genres, il montra qu'un homme de génie fçait saisir 8c peindre toutes les passions.

On l'accusoit d'être incapable de faire de la musique tendre, gaie, légère ; 8c l'opéra des Indes galantes, dans lequel tous les différents


(JI)

caractères de la musique sont réunis, acheva de fermer la bouche à ses envieux.

Ils osoient prétendre que Rameau ne faisoit pas un air chantant; mais la plupart des morceaux de cet opéra 8c même les airs de danse, presque tous charmants, pleins de goût 8c d'invention , furent parodiés, 8c sont encore dans la bouche de tout le monde.

Dès ce moment les yeux de la France se fixèrent avec complaisance sur notre Compatriote. Les applaudissements le fuivoient pour ainsi dire par-tout (37) ; 8c fa fécondité égalant la force de son génie, il s'empara de la scène lyrique 8c donna successivement Castor 8c Políux, les Talents Lyriques, Dardanus, les Fêtes de Polymnie... . Mais je m arrête , Messieurs , rémunération feule de ces chefsd'oeuvres me conduiroit trop loin; 8c il n'est personne parmi vous qui ne fçache de combien de pièces M. Rameau a enrichi le répertoire de l'Académie Royale de musique (3 8).

Toujours nouveau, toujours varié 8c se rendant de plus en plus naturel : tantôt par une touche mâle&vigoi ^ufe,il inspira Phorreur 8c l'essroi; tantôt par le* sons les plus flattés 8c les plus doux, il arracha des larmes ; tantôt jouant avec les grâces 011 badinant avec la marotte de Momus,il plaça fur le théâtre les ta-


CîO

bleaux les plus riants, les plus agréables ; enfin , ce qu'avant lui aucun compositeur n'avoit fait, ce qu'après lui personne encore n'a osé tenter, Rameau sçut tour à tour faire gémir Melpomene& répandre Penjouement sur les pas de Terpsichore 8c de Thalie.

Tous ses opéra cependant ne furent pas également accueillis. Je pourrois dire que la foiblefle de la plupart des poèmes qu'il mit en musique en fut presque toujours la cause. Rameau n'a pas été heureux dans le choix du Poëte qu'il s etoit attaché de préférence. L'on fçait que la nature ne donne pas tous les talents à la même personne ; un excellent Musicien peut n'être pas connoisseur en poésie ; ma is le nôtre est trop grand pour que je sois .intéressé à dissimuler ses fautes. Je peux avouer fans crainte qu'on a quelquefois désiré un rapport plus direct entre les paroles 8c les airs ; je le peux d'autant mieux, qu'il ne fut presque jamais vaincu que par luimême, 8c que ce fut le plus souvent en opposant Rameau à Rameau, qu'on se permit de censurer ses ouvrages (39).

II ne porta pas le récitatif au point de perfection où l'on appercevoit souvent qu'il eût été capable de le conduire, je le sçais ; mais si dans cette partie même, il doit en quelques endroits le céder à Lulli 6k à Destouches, je

sçais


sçais qu'il surpassa tous ceux qui marchèrent en même temps que lui dans la carrière lyrique : je sçais encore que plus grand qu'eux dans plusieurs morceaux de ce genre, il leur étoit supérieur dans les symphonies 8c dans tous; les airs de caractère (40).

Toutes les ouvertures de ses opéra sont de la plus grande beauté ; tous ses airs de dante sont admirables;8c les suffrages des étrangers, ceux même des Italiens, ont à cet égard mis un laurier immortel fur le front de Rameau.

L'opéra de Zoroastre a été traduit en Italien, & joué a Dresde. Les symphonies, les airs de danse de ce grand Homme sont adaptés aux opéra d'Italie (41). Quel éclat ne répand pas fur lui un témoignage si peu suspect ? Comment ses ennemis ont-ils cru réuflir à Paffoiblir, en soutenant qu'on dédaigne en Italie de faire des airs de danse (a) r*

Le ridicule de cette prétention est si saillant qu'on seroit tenté de suspecter la vérité de cette assertion; mais doit-elle étonner quand on a vu résilier à la langue françoife la faculté de pouvoir s'associer â une bonne musique, 8c nier en conséquence qu'il y eût une musique

(a) Assertion de Mr. Jean-Jacques Rousseau dans fa lettré contre la musique françoife.

c


françoife; quand on a vu prodiguer à la Serva Padrona, à la Zingara, des applaudissements qu'on n'avoit donnés à Zoroastre qu'avec la plus grande réserve (42).

Mais si Paris fut séduit par ces nouveautés agréables, le prestige d'un goût exclusif ne dura pas long-temps, 8c Peípècc d'enthousiasme avec lequel il a accueilli Castor & Pollux dans ses reprises, en faisant honneur à son goût, a vengé Rameau de la manière la plus éclatante (43).

II est donc vrai que ce célèbre Artiste a non feulement perfectionné la théorie de son Art, mais encore que joignant Pexemple aux préceptes , il a étonné l'Europe 8c porté la musique françoife au plus haut point de fa gloire.

Le développement de ces vérités, Messieurs , suffit sans doute pour établir les droits que Rameau avoit à votre estime. Mais jusqu'à présent je n'ai fait mention que de ses travaux fans parler des récompenses qu'il obtint. D'ailleurs, plus un homme est grand, plus on aime à le connoître en détail; les particularités de fa vie, les qualités de son esprit, sa figure même intéressent la curiosité, 8c je dois en historien m'empresser de satisfaire la vôtre. / Rameau étoit d'une taille fort au dessus de la médiocre, mais d'une maigreur singulière ;


tous les traits de son visage étoient grands, bien prononcés, 8c annonçoient la fermeté de son caractère; ses yeux étincelloient du feu dont son ame étoit embrasée : si ce feu paroi s soit quelques fois assoupi, il se ranimoit à la plus légère occasion ,& Rameau portoit dans la société le même enthousiasme qui lui faisoit enfanter tant de morceaux sublimes. Ainsi, quand on se rappelle que ce Musicien célèbre aimoit la gloire, qu'il faisoit tout pour elle, qu'il voyoit une foule d'envieux 8c d'ignorants acharnés à le décrier, oivne doit pas être étonné qu'on ait accusé Rameau d'être peu sociable. Quel est le grand Homme auquel on n'ait pas fait le même reproche ? Malherbe Corneille , Milton, Michel Ange 8c Lulli paflbient pour être sombres 8c brusques (44). Les gens médiocres sont forcés de polir exactement leurs surfaces ; mais les hommes de génie dédaignent cette attention qu'ils croient, peut-être mal-àpropos , au dessous d'eux. Au reste, qu'importe à la postérité, qu'un homme, dont le génie Péclaire, ait été d'un humeur peu traitable. Quoi qu'il en soit, si Rameau eut encore ce trait de ressemblance avec les plus grands Hommes du siécle précédent, on trouve dans son application à défendre Lulli contre les attaques du fameux Rouílèau (45 ) ; dans

Cij


.00

la vivacité des fentimens qu'il exprima, lorsqu'en 1761 cette Académie se Passocia (46) ; clans son empressement à rendre service à tous ceux avec lesquels il avoit eu des relations (47) : 011 trouve, dis-je, des preuves marquées de la bonté de son coeur.

Trop grand pour être jaloux, il louoit avec sincérité, avec plaisir, avec chaleur, ceux qui méritoient de* louanges, eussent-ils même été ses ennemis (48) ; il distinguoit, il encourageoit les talens : Mrs. Marchand, Dauvergne 8c Balbâtre rendent hautement témoignage aux bontés dont il les combla. J'ajouterai, pour achever son portrait, que quelque prévenu qu'il dût être en fa faveur, il cédoit aux observations critiques des gens instruits. Souvent Mrs. Rebel 8c Francoeur lui ont fait réformer fur la partition, des morceaux de musique auxquels il avoit d'abord paru fort attaché (<i). 11 porta la sincérité jusqu'à avouer , dans les derniers temps de fa vie, qu'il fentoit son génie s'assoiblir (49) : aveu qu'un grand homme seul pouvoit faire. Son ame étoit douée de la plus grande sensibilité, 8c son oreille de la plus giande délicatesse. La musique lui a souvent fait verser des larmes (50); 8c lors des ré(•>)

ré(•>) trait est tiré de la lettre 411e m'a écrite M, JJalbáue.


,(37) , pétitions de ses opéra, il démêloit la moindre

dissonnance étrangère à fa composition, 8c il désignoit avec le doigt celui des Musiciens auquel on pouvoit la reprocher.

Je ne le suivrai pas plus loin,Messieurs,8c je ne vous conduirai pas dans son cabinet, oú livré à la composition, il eísayoit sur le violon, & quelquefois fur le clavecin, Pesset des airs qu'il imaginoit (51); il feroit impossible de rendre avec assez de force Penthousiafme dont en ces instants il étoit transporté : qu'on se rappelle, pour en juger, avec quelles couleurs il fçavoit peindre les sentiments les plus forts, les situations les plus pathétiques 8c les plus terribles; qu'on se transporte en idée sur le théâtre où l'on admira si souvent ses talents; talents sublimes qui lui procurèrent tous les avantages qui peuvent flatter un homme sensible à la vraie gloire.

Notre auguste Monarque , juste appréciateur du mérite , s etoit convaincu par lui-même que les applaudissements donnés à Rameau n'étoient point Pesset du goût des François pour les nouveautés. Dès 1744 ce célèbre Artiste obtint de Pestime de son Roi, la preuve la plus flatteuse qu'un François puisse désirer, la confiance de son Maître.

C iij


(3«)

Un mariage que le peuple souhaitoit depuis

long-temps avec ardeur, alloit bientôt soutenir les espérances de la nation; des Fêtes pompeuses dévoient exprimer la joie de la France, &c Rameau fut choisi pour ajouter encore, s'il étoit possible, à la vivacité des sentiments des François que M. de Voltaire s'étoit chargé de rendre (f 3). La manière heureuse dont il répondit aux vues de S. M. 8c aux voeux de la nation, lui valut le titre de Compositeur de la musique du Cabinet, 8c deux mille livres de pension.

II fut chargé, quelque temps après, de met tre en musique différents actes d'opéra, que les Seigneurs de la Cour dévoient jouer fur le théâtre des petits appartements ( 5 3 ) ; 8c plus d'une fois en réunifiant leurs applaudissements à ceux que Rameau recevoit de la bonté du Roi, les courtisans agirent avec sincérité, en imitant leur Maître.

Lorsque la reconnoissance de Mrs. Rebel 8c Francceur les porta à faire fur les fonds de l'Académie de musique une pension de 1500 liv. à Rameau, fans l'en avoir prévenu (54) ; les Ministres d'Etat s'empressèrent d'assurer Pexécution d'un projet auíli louable.

Mais nous osons le dire, ce que l'on avoit fait juíques-là pour Rameau, lui laiílbit en-


(39),

core quelque chose à prétendre. Ce sçavant

Musicien avoit servi la France en Pillustrant; la France devoit à son tour répandre sur lui cet éclat qui distingue ceux dont les aïeux lui ont rendu des services importants. Des Lettres de Noblesse (55) acquittèrent Pefpèce de dette que PEtat avoit contractée ; 8c Rameau alloit être décoré de POrdre du Roi, quand la mort vint l'enlever; mort annoncée par la langueur qui minoit depuis longtemps ce grand Homme, 8c par lage avancé auquel il étoit parvenu, mais qui n'excita pas moins les regrets les plus vifs. Ce fut aussi par les plus frappantes expressions de la douleur qu'on signala la peine qu'on ressentit de fa perte.

Mrs. Rebel 8c Francoeur, à la tête de l'Académie de musique, lui sirent faire un service solemnel, où l'on vit assister tout ce qu'il y avoit de plus distingué à la Cour & à la ville ; tout ce que Paris renfermoit d'amateurs ; service où la musique de Rameau adaptée aux paroles sacrées des Livres saints, fit verser des larmes aux assistants (56).

M. Philidor suivit, peu de temps après,un si bel exemple (57). L'on vit en plusieurs Villes du Royaume les Musiciens se réunir pour porter aux pieds de PEternel les plus ferventes


(40)

prières en faveur de notre Académicien (58).

Plusieurs Poètes cherchèrent à exprimer dans une épitaphe les regrets de la France 8c les motifs de íès regrets (59).

Combien de fois nos concitoyens n'ont-ils pas témoigné Pestime particulière qu'ils faifoient de Rameau? Un des membres de cette Académie célébra ce grand Homme , il y a quelques années, dans des stances qu'il lut à une séance publique (60). Plusieurs d'entre nous avoient saisi avec empressement une occasion qui se présentoit de signaler leur zèle pour sa gloire. Le Journal encyclopédique avoit annoncé (a) qu'on proposoit une souscription pour élever une statue à Rameau; ils écrivirent à Paris pour se faire inscrire ; mais lavis étoit faux 8c leurs espérances s'évanouirent.

Qu'elles étoient légitimes cependant, ces espérances, Messieurs, & qu'il seroit à souhaiter qu'à lVxcmple d'Athènes 8c de Rome on élevât des statues à tous les grands Hommes. Cetoitîe projet d'un de nos Académiciens honoraires, M. du Terrait (61 ). RegretteronsJIOUS toujours qu'un projet aussi beau ne soit

(<i) Voyezlc second volume du mots de Novembre 1764.


(40

pas exécuté ? La gloire de donner cet exemple

à la France devroit nous toucher.

Si notre patrie se glorifie d'avoir vu naître Saumaise, Bossuet, Bouhier, Lamonoie, Crc« billon, Rameau ; si elle compte encore avec complaisance parmi ses enfants les Bustbn, les Piron & plusieurs autres personnes distinguées parleurs talents ou par leur fçavoir ; pouvotisnous douter de Peftèt que produiroit fur la jeunesse une galerie patriotique, où les statues de tous ces hommes célèbres feroient placées ?

En nous rendant leurs traits, ces statues rappelleroient fans cesse à l'efprit des jeunes gens les moyens par lesquels ces sublimes Orateurs, ces Sçavants infatigables , ces ingénieux Auteurs , ces habiles Artistes auroient mérité cette espèce d'apothéose. Leur éloquence persuasive , quoique muette, développeroit infailliblement parmi nous des talents distingués, qui pour éclorre ont besoin d'être échauffés par Peípoir de la gloire.

A quel âge apprenons-nous que des hommes de génie ont illustré notre patrie ? C'est presque toujours dans Page mûr,& leurs images frapperoient nos yeux dès que nous les ouvririons à la lumière.

II me semble que ce seroit féconder d'une façon puissante le germe de Pémulationque Pil-


(42)

lustre Fondateur de cette Académie avoit à coeur de développer. Unepespective auffi flatteuse ne pourra-t-elle nous émouvoir ? Admi* rerons-nous toujours les Anglois fans les imiter en ce qu'ils font de bien ? Les souscriptions seront-elles pour eux seuls la source des établissements les plus utiles ?

Le succès de la proposition que je hazarde, prépareroit à mes successeurs la satisfaction de louer plusieurs de nos Compatriotes avec autant de justice que je viens de le faire en travaillant à exprimer les sentiments d'estime 8c d'admiration que Rameau a sçu vous inspirer (52).


NOTES.

(i) T L vint an monde à quatre heures du soir le 15 SepItembre 1683 ; Ion père demeuroit fur la paroisse Saint Médard.

(a) Le père du grand Rameau avoit près de trente ans, lorsque M. Drey, Chanoine Musical & Organiste de la Ste. Chapelle, s'étant apperçu de son assiduité à la tribune & de son application à l'écouter, lui donna les premiers principes de musique, & lui sit mettre la main fur le clavier.

(3) II leur enseigna la musique avant même qu'ils eussent appris à lire ; des récompenses proportionnées à leurs désirs étoient distribuées à ceux qui sçavoient bien leurs leçons ; &. l'inattcntîon, la fainéantise étoient punies très-sévérement ; aussi ses enfans surent-ils parfaitement la musique.

Demoiselle Catherine Rameau fa fille qui n'est morte qu'en 1761, touchoit sort bien du clavecin; elle a pendant trèslong-temps enseigné ht musique dans cette Ville : mais plusieurs années avant fa mort, les infirmités l'avoient mise Hors d'état'de travailler; & son frère dont je fais l'éloge, lut faisoit une pension qu'il lui paya toujours exactement.

Claude Rameau, frère puîné de Jean-Philippe , s'étoit fait un grand nom parmi les Organistes ; il avoit paru avec éclat dans plusieurs Villes du Royaume : il céda à Ion frère l'orguc de la Cathédrale de Clermont, quand celui-ci, après un premier voyage à Paris, se vit obligé de retourner cn Province.

Claude Rameau a passé la plus grande partie de fa vie à Dijon, où il a eu à différentes sois l'orgue de l'Abbaye de St. lienigne & celui de la Cathédrale; il est mort en 176L à Autun.

II n'étoit pas, à beaucoup près, aussi fçavant que son frerc ;. mais il avoit, comme lui , un leu que l'age même ne put: point amortir, la main bien plus brillante, & la plus excel■• lente exécution : il eût vécu heureux , si son caractère in-« domptable & son humeur fougueuse l'cussein laissé prosite r


(44) des faveurs de la fortune, & de Pestime que la supériorité de ses talents lui avoit conciliée.

(4) Le Père Gauthier, Religieux Carme, condisciple de Rameau, m'a assuré qu'il se distinguoit dans le collège par une vivacité peu commune \ mais que pendant les classes il chantoit on écrivoit de la musique, &. qu'il ne passa pas la quatrième.

iX) Lulli mourut le n Mars 1687.

(o) On ne sç/ait à quel âge il quitta Dijon pour commencer ses voyages ; mais a en juger par fa vivacité & par quelques endroits de ses ouvrages, notamment par fa réponse à P Auteur anonime de la Conférence sur la musique, on

Iieut préfumer qu'il sortit de sa pattie & s'achemina vers PI taie avant que d avoir atteint fa vingtième année.

(7) M. Rameau voulant prouver que l'harmonie nous est naturelle, rapporte dans son Traité fur la manière de former la voix, qu'un homme du commun , âgé de plus de 70 ans, qui n'avoit jamais eu aucun principe de musique, & qui meme ne fréquentoit les spectacles que depuis trèspeu de temps, parce que fa fortune ne lui avoit pas permis «e le faire plutôt, étant un jour dans le parterre à Lyon, pendant la représentation d'un opéra, se mit à chanter tout haut & assez sort la basse fondamentale d'un chant dont les paroles Pavoient frappé.

Cette observation taite à Lyon, prouve que Rameau a séjourné quelques temps dans cette Ville, & confirme ce que la tradition avance a ce sujet. Dans fa réponse à la réplique de l'Auteur anonime de la Conférence, il dit en 1730, <ju'à.l'àge de 20 ans M. Delactoix de Montpellier lui avoit appris la régie de Poctave ; ce qui donne lieu de croire qu'il a parcouru le Languedoc ck fait quelque séjour à Montpellier.

(8) Dans le premier voyage que Rameau sit à Paris, il ídla aux Cordeliers entendre Marchand qui en étoit l'Organiste ; il fut frappé de la beauté de l'exccution de ses symphonies, mais il reconnut aux fugues que cet Artiste n'etoit pas bon Musicien : cependant pénétré d'admiration pour les talents de Marchand, Rameau crut qu'un jeune homme deroit trouver un protecteur dans un Artiste célèbre, il lui reiuiit visite. Marchand lui sit d'abord beaucoup d'offres de service; ensuite il lui demanda à voir quelques-unes de ses pièces d'orgue dont il lui parloit ; mais des qu'il les eut vues, il


(45)

conçut de la jalousie contre Rameau, & ne voulut plus

s'employer pour lui.

Le défaut de ressources obligea Rameau à quitter Paris ; ce fut alors qu'il alla s'établir ù Clermont en Auvergne, où il composa plusieurs cantates ôt son Traité de l'Harmonie réduite à ses principes. Le désir de mettre ce Traité au jour étoit le motif dont il appuyoit la demande qu'il faisoit au Chapitre de Clermont pour la résiliation du bail qu'il avoit fait. Ainsi cet ouvrage ayant été imprimé en 1721, on peut en conclure que ce fut en 1717 ou 1718 que Rameau sit son premier voyage à Paris, & le second en 172t.

(y) Ses ouvrages donnent des preuves fans nombre de son ardeur à rechercher la vérité & la perfection ; Rameau étoit de ces hommes qui n'ont point de volontés soibles , mais qui sont capables des résolutions les plus fortes. Une anecdote de fa jeunesse met Ion caractère dans un jour bien favorable.

Sa dissipation & ses voyages ne lui avoient pas permis d'épurer son langage : une femme qu'il aimoit lui en sit des reproches ; il se mit aufli-tôt à étudier sa langue par principes , & il y réussit au point de patvenir en peu de temps à parler & a écrire correctement.

(10) C'est la progression arithmétique 1 , 2, 3, 4, ç, 6, 6'c. Ce qui prouve qu'elle est plus harmonique que celle à laquelle on a donné ce nom , c'est que le lystème primitií du chant & véritablement harmonique, est de fauter tout d'un coup d'une extrémité a l'autre ut, ut, puis à la quinte /ì>/, à la quarte de cette quinte ut, à la tierce majeure de cette quarte mi, & à la tierce mineure de cette tierce majeure sol > & que Pordre diatonique ne s'établit que par une longue férie (<J) de ces espèces de sauts harmoniques.

La division de la corde par .— *-►-.-.&►- &c. pro1 2345 6 r

duit tous ces différents sons de la manière suivante , 1 1 1 t 1

ut, lit, Jòl, ut, mi y sol y &c.

{a) Cette vérité a été aussi très-exactement démontrée par M. de Brosse dans l'aiticle gamme du Dictionnaire Encyclopédique.


( il ì Ce qui le prouve d'une mantere bien décisive, c'est que si l'on touche sur un clavecin & sur-tout sur une orgue, les six notes désignées ci-dessus, l'on entend tout ce que l'harmonie a de plus brillant & de plus achevé ; ck si l'on n'en touche successivement que cinq , quatre ou trois , on sent diminuer cette perfection.

(12) On remarque dans la division féuaire, que la binaire 1143 6 12 24 donne toujours le même son ttt, ;//, ut, sol, sol, sol, sol.

Cette observation a fait dire aux Musiciens, que les octaves n'étoient pas tant des consonances que des équisonances, & M. Rameau ayant observé que si l'on touche une corde , non seulement celles qui sont à l'unisson, mais encore celles qui sont à l'octave tremblent aussi-tôt ; il en a conclu que les octaves étoient, pour ainsi dire,les mèmes, étoient identiques («*) ; qu'ainsi chaque son pouvoit être rendu par son octave, tant en haut qu'en bas, & que relativement au fond de l'harmonie, c'étoit la mcme chose de comparer un son avec un autre, ou avec l'octave de cet autre son ; ensin que ut sol, ou sol ut étoient foncièrement le même intervalle , tantôt direct , tantôt renversé.

Cette conséquence a été fortifiée par l'expérience ; on a senti que les renversements ne changeoient rien dans la nature des intervalles , mais les rendoient simplement moins brillants ; & elle est devenue entre les mains de M. Rameau un principe fécond.

A l'aidedes lumières que répand ce principe, il a prouvé que la quarte n'étoit point une dissonance ; il en a donné la raison, & il a fait voir que, si jusqu'à présent on I'avoit cru ainsi, c'étoit qu'on avoit regardé comme quarte tout intervalle de quatre notes, tandis qu'il n'y a de vraie quarte que celle qui est a l'aigu du ton & qui fait sous-entendre la quinte.

Le détail dans lequel je viens d'entrer, me conduit malgré moi à l'exposition du système entier de M. Rameau ; mais íì j'ose m'y engager, ce n'est que muni des excellents extraits de Mrs. íes Auteurs du Journal de Trévoux ; j'ai déja copié dans ces notes plusieurs des expressions de ces savants Jour(<»)ll

Jour(<»)ll faut pas croire que Rameau ait prétendu que cette identité fût parfaite , absolue.


(47)

rtalistes, & je vais les faire parler fi souvent eux-mêmes /

Íiu'après l'aveu que j'en fais, on voudra bien me pardonner i je ne les cite pas aussi souvent que je devrois le faire.

Les réflexions de M. Rameau fur les propriétés du nombre sénaira Payant éclairé sur la nature de l'harmonie , il comprit que chaque intervalle représenté par les lix sons qui composent l'harmonie parfaite, n'est dans sa perfection qu'autant qu'il est dans l'ordre ou les intervalles sont présentés.

Que notre oreille, par son organisation, désirant toujours l'harmonie parfaite, toutes les fois que nous entendons un son, elle se compose elle-même toute l'harmonie íénaire, selon que la modulation précédente l'y détermine.

11 en tira cette conséquence, que les sons fondamentaux sont toujours sous-entendus, que les accords ne consistent point un un seul intervalle, & qu'il en faut au moins trois en sous-entcndant les répliques.

II en conclut encore qu'il étoit plus facile de composer à cinq & à six parties qu'à deux ; & que pour composer à deux, il falloit fçavoir composer à quatre, & avoir cette composition présente à Pesprit ; qu'enfin la composition à quatre ck même à cinq étoit sous-entendue dans la composition à deux. «-

Un examen de tous les accords connus, appréciés par le même principe, sit sentir à M. Rameau qu'il ne pouvoit y avoir que deux accords, l'un consonnant & l'autre dissonant.

L'accord consonnant est ut mi sol , en sous-entendant tout le reste, & fur-tout le son principe ut; accord susceptible de deux rem ersements, mi Jol ut qui fait la sixte, & sol ut mi qui est la sixte-quarte.

Cet accord est divisé par tierces ; cette division naturelle sit imaginer à M. Rameau que tout accord devoit être divisé par tierces. D'après cette idée, il procéda à l'examcn des accords dissonants, & ayant trouvé que Paccotd de septième sol fi re sa se divisoit par tierces, il en conclut que cet accord étoit l'accord primitif & fondamental de toutes les dissonances. Les trois renversemens,/? re sa sol accord de fausse quinte, re sa sol st petite sixte ,JJ solfi re triton, prouvèrent qu'il avoit raisonné juste.

La fuite des sons fondamentaux de ces accords, est ce que Rameau appelle la basse fondamentale. Cette basse est tou^e harmonique, procédant par intervalles harmoniques, &. fur-


(4«) tout par quinte, tierce 6k quarte. Elle va par saut ; tandis que les parties supérieures, suivant leur nature diatonique, sonî déterminées a procéder uniment de proche en proche , & même à demeurer le plus souvent inébranlables òk comme au même degré.

Les avantages que l'on retire de la découverte de cette basse , sont fans nombre. Le goût & le génie font imaginer le chant, 6k la basse donne l'harmonie ; elle facilite la composition 6k Paccompaenement au point de mettre une personne intelligente en état, par une étude de quelques mois, d'accompagner & de composer ; tandis qu'on n'y pouvoit parvenir que par plus de dix ans d'étude & de tâtonnement. Son principal usage est de suivre pas à pas 6k de rendre bien sensible la modulation èk le ton précis dans lequel ou est à chaque instant ; car dans chaque ton il y a fur-tout deux notes essentielles qui le caractérisent & le rendent bien sensible. Par exemple, la tonique ou première ut 6k la quinte sol qu'on appclsc dominante, la basse n'est que l'enchaìnement de ces toniques & de ces dominantesjde lorte que toutes les fois qu'on y voit ut 6k sol, on peut dire qu'on est dans le ton d'í/r, fur-tout íi/ol précède ut.

Un autre usage de la basse fondamentale, 6k qui est trèsimportant , c'est de nous faire connoître la nature précise de la basse continue qui ùent le milieu entre les paities supérieures dont elle emprunte la progression mélodieuse ck diatonique, ck la vraie basse fondamentale dont elle emprunte les cadences. C'est fur la connoiflance des propriétés de cette basse, que M. Rameau établit ensuite les régies de la composition.

Tout consiste à composer des parties supérieures fur une basse donnée, ou une basse sous un chant, afin de tirer du chant tout le fond d'harmonie dont il est susceptible , ck d'y ajouter tous les chants dont on veut l'accompagner.

Dans le premier cas, chaque ton étant fondamental & le principe de la modulation, íi l'on a siv parties supérieures a composer, on prend les six modulations que préfente le nombre fénaire ; si l'on n'en a que quatre , on n'en prend que quatre ; èk l'on choisit dans chaque accord , pour une partie , la note la plus voisine de celle que cette partie vient de quitter, 6k autant qu'il se peut, la même.

Dan*


U9) Dans le second, il faut donner à la basse une progressiorf

harmonique qui réponde à la progression mélodieuse ck diatonique de la partie lupérieure. Ainsi toutes les fois que le chant procède par intervalles confonnants, il faut donnera la basse fondamentale la même progreílìon encore plus parfaite, s'il est possible. Enfin les notes de cette basse, en faisant harmonie entr'elles, doivent encore la faire chacune avec la note qui lui répond dans le chant sous lequel on la compose, avec cette difiérence qu'elles peuvent faire entr'eiles la quarte , comme la quinte, la sixte comme la tierce , au lieu qu'avec les notes du chant, elles ne peuvent faire que des intervalles directs 6kprimitifs ; fçavoir, octave, quinte ou tier-» ce, parce qu'elles font la baie 6k le principe de l'accord par-* fait que chacune d'elles porte. Jusqu'ici il n'est question que d'accords confonnants 6k parfaite ; mais quelquagréables qu'ils soient, ils déplairoient bientôt si les dissonances distribuées avec goût ckavec art ne mettoient dans la musique cette variété toujours sûre de plaire ; dissonances aussi nécessaires dans un morceau de musique , que les ombres dans un tableau.

Or la basse fondamentale facilite leur distribution.

On peut d'abord faire entrer les dissonances dans la pro* gression harmonique de la baise fondamentale, y monter de leconde ou y descendre de septième ; ensuite élever des accords dissonants fur cette basse , ce qu'il est plus aisé de faire que d'y placer des accords confonnants ; puilque,pour former les dissonants, on peut choisir entre quatre sons différents , au-lieu que l'accord parfait nous borne aux trois sons qui le composent.

L'accompagnement étant une véritable composition, M. Rameau s'appuie des mènies principes dans les régies qu'il donne pour le perfectionner, 6k dans la réforme qu il fait du doigter. Je voudrois pouvoir fans indiscrétion faire connoître en détail Part avec lequel il vent qu'on distribue les doigts pour enchaîner les accords ; je voudrois pouvoir donner , d'après lui, les raisons qui lui font regarder l'exéemion de la basse continue comme rarement impottante 6k qui rengagent à conseiller aux commençants de h négliger ; les motifs qui l'ont déterminé à blâmer les chiffres dont on faisoit usage pour indiquer les accords 6k à leur en substituer d'autres ; je voudrois pouvoir citer ici tou.t ce qu'il dit fur les:


( 50) cidences 6k fur les syncopes: mais fans le suivre, pour ainsi dire, pas à pas dans h développement de son système. il me suilìt;a d'avoir indiqué les objets fur lesquels son génie s'exerça ; de faire observer que la découverte du véritable principe sonore donna de la force à son système 6k en devint la démonstration la plus covnplette.

Jusqu'au moment où M. Rameau eut interprêté le langage que la nature faisoit entendre dans la resonnance du corps sonore, il lui avoit fallu des calculs 6k les réflexions les plus profondes pour bâtir 6k étayer son fystême. Mais dès qu'il eut le mot de cette eibèce d'énigme, tout ce qui paroissoit conjectural se dissipa. On ne vit dans fa basse fondamentale , dans ses accords, que les expressions de la nature même qui lui avoit révélé ses secrets.

Le corps sonore, outre le son principal, fait entendre son octave, fa douzième ck fa dix-septiéme en dessus ; en même temps il fait frémir ses multiples à la douzième 6k à la dixseptiéme en dessous.

L'observation de ce phénomène sut pour Rameau un de ces traits de lumière qui venant tout à coup à éclairer un voyageur qui marche pendant la nuit, augmente fa hardiesse en lui faisant connoître qu'il a pris la véritable route qu'il devoit suivre.

Rameau trouva d'abord, dans le produit de cette expérience, la preuve physique de l'identité des octaves,de l'harmonie naturelle, toujours désirée 6k sous-entendue par l'oreille,6k des propriétés du nombre sénaire. U trouva dans les douzième 6k dix-septiéme qui réfonnoient en dessus 6k frémissoient ou réfonnoient en dessous, il trouva les harmoniques du son principal ; il vit que ce son, avec ses harmoniques en destus réduits aux moindres intervalles par la nature même 6k conséquemment à l'identité des octaves, formoit l'accord parfait. Cette observation fortifia ses idées fur la,réduction.des accords, 6k le conduisit à celles des modes. Tous ceux qui avoient été imaginés, lui parurent se confondre dans le majeur 6k le mineur, modes indiqués par la nature, dont le premier étoit formé par le son principal ou générateur 6k ses harmoniques en. dessus a 6k le second pa.r.le même son 6k ses harmoniques en dessous.

Bientôt il sentit que chaque son pris séparément pouvoit être considéré, comme Pesset d'un corps sonore isolé 6k tou*


(s»)

jours accompagné de ses harmoniques ; 6k dès-lors il donna une nouvelle torme à la démonstration de son fystême.

Je ne le suivrai pas plus loin , 6k je croirai en avoir dit assez, si ceux qui ont eux-mêmes étudié Rameau, y retrouvent un précis des idées de ce grand Homme; si 1c» autres peuvent saisir les principes d'après lesquels il a raisonné ; si enfin ce foible extrait peut mettre les lecteurs , de quelque ordre qu'ils soient, en état d'apprécier le mérite théorique du célèbre Musicien dont je fais l'éloge, 6k les convaincre que c'est en historien 6k non pas en panégyriste que je l'ai écrit. ( 13 ) Le Père Merfenne, Waílis 6k Sauveur avoient reconnu, avant Rameau, qu'une corde pincée faisoit entendre le son principal ck ses harmoniques en dessus ; mais ils ne s'étoient pas apperçusde Pestet de cette même corde fur ses multiples : de plus, ignorant» l'identité des octaves 6k le penchant qu'a la nature à préférer les plus petits intervalles , ils n'avoient pas senti que la dix-septiéme se rendoit par la tierce dont elle étoit la double octave, 6k la douzième par la quinte.

(14) Depuis le traité de l'harmonie donné en 1721, le nouveau fystême de musique mis au jour en 1726, la dissertation fur les différentes méthodes d'accompagnement pour le clavecin, imprimée en 1731,6k la lettre lur la musique, inférée dans le Mercure de Septembre 1731, à laquelle étoit jointe une carte de la balle fondamentale ; M. Rameau n'avoit fait que donner différents écrits polémiques , répandus dans les Mercures 6k dans les Journaux de Trévoux: fçavoir, son examen de la conférence fur la musique daus le Mercure de Juin 17^9 ; fa réponse à la réplique de P Auteur de la conférence dans celui de Juin 1730; èk dans les Mémoires de Trévoux, de Juillet 173Ó , fa réponse à la critique du Père Castel, qui dans les memes Mémoires aux mois d'Août 6k de Septembre de Tannée précédente, avoit voulu lui enlever la gloire d'avoir découvert la basse fondamentale. U crut en rassemblant, pour ainsi dire, toutes ses forces dans son traité de la génération harmonique qui partit en 1737 , imposer silence à la critique ; mais il ne connoissoit pas asse* les hommes ; l'envie excitée par les succès qu'il avoit fur le théâtre lyrique, n'en fut que plus animée contre ses ouvrages. Le jugement favorable que l'Académie des Sciences porta de celui-ci, auroit dû produire un effet bien différent.

D ij


(50

Les Commissaires, à Pexamen desquels cette nouvelle

production de Rameau avoit été soumise, après en avoir fait une analyse raisonnée, terminoient leur rapport en disant :

»» NOUS croyons que la basse fondamentale, prouvée par D P Auteur 6k puisée dans la nature même, est le principe a de l'harmonie 6k de la mélodie: que M. Rameau explique J> avec succès, par le moyen de ce principe, les faits dont nous s> avons parlé, 6k que personne avant lui n'avoit réduit en i> un fystême ausiì lié 6c aussi étendu ; sçavoir,

» Les deux Tétra-cordes des Grecs ;

» La formation de l'Echelle diatonique ;

« La différence de valeur qu'un même son peut avoir ;

» L'altération qu'on remarque dans cette échelle 6k Pin'■» sensibilité totale de l'oreille à cette altération ;

» Les régies du mode majeur ;

» La difficulté d'entonner trois tons consécutifs ;

La raison pour laquelle les deux tierces majeures ou les ï» deux accords parfaits sont proscrits dans un ordre diatonique;

» L'origine du mode mineur, fa subordination au majeur, « 6k ses variétés ;

» L'usage de la dissonance ;

» Lacauíedes effets que produisent les différents genres de M musique diatonique, chromatique 6k enharmonique ;

J> Le principe 6k les loix du tempérament ;

» Ainsi l'harmonie assujettie communément à des loix assez 5> arbitraires, ou suggérées par une expérience aveugle, est M devenue, par le travail de M. Rameau, une science géo3> métrique, 6k à laquelle les principes mathématiques peu» vent s'appliquer avec une utilité plus réelle 6k plus sensi» ble. ... C est pourquoi M. Rameau après avoir acquis J> une grande réputation par ses ouvrages de musique pra» tique, mérite encore d'obtenir, par les recherches 6k ses » découvertes dans la théorie de son art, Papprobation 6k » Péloge des Philosophes. «

Les Commissaiies étoient MM. Demairan, Nicole 6k d'Alembert.

(15) En 1750 M. Rameau donna une nouvelle démonstration du principe de l'harmonie; ouvrage dans lequel il s'attache à rendre de plus en plus sensible i'effet du son générateur fur ses harmoniques, 6k l'usage de la découverte du principe sonore.


(53) (i6) II mit au jour en 1752 des réflexions fur la maniers

de former la voix 6k d'enseigner la musique.

M. Rameau suppose que nous avons tous les dispositions ck les talents nécessaires pour apprendre la musique èk pour chanter ; que si ces dispositions 6k ces talents ne se montrent pas avec autant d'avantage dans tous les sujets, c'est qu'on occupe tout à coup Pesprit de trop d'objets, 6k qu'on exige trop tôt que les organes exécutent les mouvements auxquels ils doivent se prêter ; tandis qu'il faut les exercer peu à peu jusqu'à ce quils aient acquis la souplesse 6k la flexibilité nécessaires : il résulte de cet empressement une trop grande préoccupation qui gêne le jeu de ces memes organes, 6k qui par les efforts qu'elle oblige à faire, leur enlevé la faculté d'agir avec aisance.

Cert d'après ces idées que M. Rameau trace le plan qu'on doit suivre dans Péducation musicale. 11 veut qu'01 se hâu lentement, 6k il recommande fur-tout de prendre la peine de rien point prendre.

(17) Ses observations fur notre instinct pour la musique 6k fur son principe parurent en 1754.

Nous avons, au dedans de nous, une disposition naturelle à la musique, une espèce d'instinct ; on ne peut en disconvenir , quand on a suivi les raisonnements par lesquels M* Ramau a établi cette vérité. Les preuves qu'il donne de Pexistencede cette faculté musicale sont de la plus grande force, ck on voit que cette faculté est un don de la nature, ou plutôt de son Auteur, 6k a un rapport direct avec le principe général 6k fondamental de l'harmonie , fçavoir la réfonnance du corps sonore.

Voici une des observations dont M. Rameau tire les plus grandes conséquences, 6k que tout le monde peut répeter.

Tout homme qui chante de fantaisie 6k qui n'est guidé par aucune théorie, ou pratique musicale , prend dans le milieu de fa voix le premier son qu'il entonne ; le second est la quinte préférablement à tout autre intervalle;. .i avoit quelqu'expérience, il entonneroit aussi la tierce 6k formeroit l'accord parfait

Quand on prélude sans un dessein marqué de faire un chant particulier, c'est toujours par ut, mi, sol y ut qu'on prélude. On peut vérifier cette assertion en obligeant Phomme le moins exercé à préluder. M. Rameau explique ce phénomène acous-


(54)

tique par Pempire desconfonnance> íurPoreille qui n'est alors occupée que des degrés qui les forment.

» C'est à ce mcmc empire des consonnances, que M. Ra» meau attribue le penchant qui nous porte à trouver de ji nous-mêmes la basse fondamentale d'un chant 6k la facilité » de suivre le mode annoncé par le premier début d'haï monie.

« C'est encore à cet empire que nous devons, suivant M. » Rameau , ces beaux préludes, ces caprices heureux ausii?> tôt exécutés qu'imaginés, principalement fur Porgue. En » vain les doigts y seroient exercés fur tous les chants possi>» blés 6k en état d'obéir dans le moment à Pimagination gui?» dée par Poreille, si le guide de celle-ci n'étoit pas des plus » simples .... n'étoit pas l'harmonie d'un premier corps » sonore, dont elle n'est pas plutôt frappée, qu'elle pressent ?» tout ce qui peut suivre cette harmonie & y ramener, u

( 18) Dans le code de musique donné en 1760 avec de nouvelles réflexions fur le principe sonore, M. Rameau a rassemblé ck présenté dans un ordre très-lumineux tous les principes qu'il avoit établis, 6k toutes les régies qu'il en avoit déduites: réunissant par-tout Pexemplc au précepte, il en a fait un livre élastique d'une si grande utilité, qu'il pourroit suffire lui seul à un Musicien qui désire de se perfectionner.

(19) M. Betizy sit paroìtre en 1754 un ouvrage sur la musique, auquel il donna pour titre :

Exposition de la théorie ù de la pratique de la musique suivant les principes de A/. Rameau.

(20) M. d'Alembert donna en 1752 des éléments de musique théorique 6k pratique suivant les principes de M. Rameau.

11 est vrai que ce Philosophe crut pouvoir dans la fuite, fans s'écarter des principes établis par M. Rameau, ne pas adopter toutes les conséquences que cet Auteur en déduisoit ; il critiqua même quelques-unes des définitions èk des régies de M. Rameau dans différons articles de PEncyclopédie. Rameau répliqua; ck M. d'Alembert donna eu 1762 une nouvelle édition de ses éléments de musique , dans laquelle il fortifioit par de nouvelles raisons le parti qu'il avoit pris.

La génération du . .ode mineur est un des principaux objets fur lesquels ces deux fçavams étoient de sentiments opposés.


(îi) On trouve Pexpression de sa reconnoissancc dans une lettre qu'il adressa à P Auteur du Mercure cn 1752, cy. qui est insérée dans le volume du mois île Mai de la ineme amn?. « L'homme illustre à qui s'adrelfe ma recunnoilìancc, y «difoit-il, a cherché dans mes ouvrages, non des défauts » à reprendre, mais des vérités à analyser, à simplifier, à » rendre plus familières, plus lumineuses, ck par conséquent » plus utiles au grand nombre,par cet esprit de netteté d'ordre » ck de précision qui caractérise ses ouvrages ; il n'a pas dé» daigné de le mettre à la portée même uos entants, par la » force de ce génie qui plie, maîtrise ck modifie à l'on gié » toutes les matières qu'il traite. «

(22) Sa lettre à M. d'Alembert fur ses opinions en musique, est placée à la fuite du code de musique.

Ses critiques de l'Encyclopédie, fous le titre d'erreurs fur la musique, qu'il sit paroitre cn 17^; la fuite des mêmes erreurs en 1756, ont été données séparément. i (23) M. Eíteve, Académicien de Montpellier, dans mi \ ouvrage qui avoit pour titre, nouvelle découverte du prin\ cipe de l harmonie, avec un examen de ce que Rameau a | publié sous le titre d: démonstration de ce principe , qui \ parut en 1751 ; prétendoit que les octaves étoient harmoI niques 6k non pas identiques, 6k nioit l'existence des har| moniques en dessous.

1 M. Rameau dans fa réponse qui parut en 1752, sous le | titre de nouvelles réflexions fur- la démonstration du principe de 3 l'harmonie servant de base à l'art musical & pratique ; en ap« pelle à l'expérience, qui prouve Pesistencedes harmoniques en dessous parla résonnance des multiples,ou par leur simple frémissement, quand la corde pincée est trop grande pour que leurs vibrations puissent se rendre sensibles à Poreille. Pour prouver l'identité des octaves, M. Rameau cite Pobservation journalière par laquelle il est constant que nous lbm*( mes portés à réduire les intervalles aux moindres, ck qu'en | chantant avec quelqu'un nous prenons naturellement l'oétave ■}.. cn haut ou en bas, s'il prend un ton que nous ne puissions suivre. Cette observation est bien favorable au sentiment de \ M. Rameau ; auslì la fait-il valoir dans fa réponse à M. Eul'} 1er qui nioit encore l'identité des octaves. I (24) Le penchant qui nous porte à.faire choix des moinI dres intervalles, la nécessité de conformer le chant aux mo-


(50

disications de la glotte, 6k à Pétendtte bornée de notre voix^ la croyance où l'on est que les hommes 6k les femmes chantent à Punisson, quoiqu'ils soient toujours à l'octave les uns des autres. Les succès qu'on a eu dans le chant en suivant la nature qui ne nous donne que le sentiment occulte des octaves avec la facilité de les mêler, de les confondre, de les faire servir à rapprocher les intervalles, sont les motifs

3ui parurent capables à M. Rameau de résoudre la question e façon à ne plus laisset de doute fur cet oojet.

(25) Un anonime dans une espèce de dissertation sur le titre de conférence fur la musique,insérée dans le Mercure de France, volume de Juin, année 1729, commença par nier l'existence des harmoniques, blâma les préceptes de Rameau fur les accompagnements, l'usage fréquent des dissonances , qu'il reproche à ce grand Homme de ne pas préparer, 6k la liaison de sa méthode avec la connoisiance du mode.

II se montra plus à découvert dans fa réplique à la réponse de Rameau qui avoit paru au mois d'Octobre 1729 dans le Mercure ; 6k l'on voit dans le même Journal en 1730, qu'il prétendoit que le principe sonore s dont il avoit d'abord combattu l'existence ], étoit connu de tous les Musiciens qui ont travaillé avant Rameau ; qu'U ne s'ensuivoit donc pas que cet Artiste fût Pauteur de cette découverte , parce qu'il etoit le premier qui en eût parlé dans ses écrits.

Que la basse fondamentale, dont il faisoit parade , lui avoit été enseignée par un Musicien qu'il désigne sans le nommer.

Que le traité de l'harmonie n'est qu'une compilation, 6k comparable à de bonnes pièces de musique, comme un ru« diment à une piéce d'éloquence.

Que le premier fondement de la science harmonique est la connoissance des proportions qui se trouvent entre les vibrations des corps sonores, celle des loix du mouvement 6k de la nature de Pair ; qu'ainsi Rameau étoit incapable de donner à ce sujet quelque chose de bon, puisqu'il n'avoit pas fait fa philosophie, 6k n'étoit pas physicien.

Qu'il étoit ridicule de fixer à deux le nombre des accords. Premièrement, parce qu'il étoit douteux que les renversements de ces accords pussent se pratiquer ; secondement,

parce


parce qu'en renonçant a la multiplicité des accords, on re* nonçoit aux avantages infinis que donne la variété.

La plupart de ces objections ne décèlent que la méchanceté de leur auteur, ck leur foiblesse est lì sensible, que je donnerai seulement ici la réponse de Rameau à celle qui concerne la basse fondamentale,

u 11 est vrai, difoit-il en répondant à l'anonime dans le » Mercure de Juin de la même année 1730, il est vrai que s> M. Delacroix de Montpellier m'a donné à Page de vingt » ans une connoissance distincte de la régie de l'octave, mais M il y a loin delà à la basse fondamentale. «

Cette régie de l'octave consiste à sixer Paccord qui convient à chaque note du ton, soit en montant, soit en descendant; mais elle ne fixe rien, lorsque le ton lui-mém<% n'est pas sixé , 6k que la modulation est indécise ; dès-lors on sent la solidité de la réponse de Rameau.

Ce sut avec autant d'avantage qu'il se maintint contre l<î Père Castel dans la possession de la découverte de cette bassï fondamentale.

Ce sçavant Journaliste qui avoit senti tout le prix de la découverte de Rameau, qui en avoit parlé en homme éclairé; 6k convaincu, 6k qui non seulement par Pexactitude des analyses qu'il avoit faites des ouvrages de cet Auteur, en avoit fait connoîtrele mérite, mais encore qui, par la clarté des extraits qu'il en avoit donnés, avoit mis le fystême de Rameau à la portée de tout le monde : ce sçavant Journaliste, dis-je, changea tout à coup de langage en 1735, 6c dans les volumes des Mémoires de Trévoux pour les mois d'Août 6k de Septembre, il revint contre ce qu'il avoit dit fur l'importance & la nouveauté de la découverte de la basse fondamentale.

>i Kircher, disoit alors ce célèbre Jésuite, nous apprend >> qu'une vraie basse, qu'il nomme base, ne devroit procé» der que par quarte, quinte 6k octave ; ce que Kircher nous D a dit, ce que Rameau nous a répété, fans l'avoir trop bien » démontré ni l'un ni l'autre, je tâchai de l'établir dans ces »> Mémoires, lorsque j'y rendis compte, dans le temps,de » la découverte de cette basse fondamentale, que je croyois » plus neuve 6k d'un usage plus étendu. «

Rameau ne fut point enrayé par le mérite 6k par la science de ce nouvel adversaire, il prit la plume; adressa sa réponse.

E


(5S) au Père Castel lui-même, òk celui-ci í'inséra dans le volume des journaux de Trévoux pour le mois de Juillet.

11 étoit question de prouver que Kircher n'avoit connu que la basse proprement dite, ck non pas la basse fondamentale ; 6k Rameau, dens fa lettre au Pcre Castel, établit cette vérité par les expressions mêmes de P Auteur, 6k par les notes suivant lesquelles il fait procéder fa basse. En effet , si Kircher eût connu la basse fondamentale, s'il eût voulu la désigner, eût-il admis, comme il le fait, dans la succession de cette basse, l'octave, qui n'étant qu'une réplique, est da mille valeur en succession ? cut-il oublié la tierce qu'il reconnoit lui-même dans un autre endroit pour une consonnance, 6k qui conséquemment doit être comprise au nombre des plus grands intervalles, qu'il fait consister dans des consonnances? lui eût-il donné pour accords le parfait 6k ceux de sixte, de quarte, de seconde, de septième, de neuvième, de fausse quinte 6k de triton ì fa basse ensin, ajoutoit Rameau, ne dissére-t-elle pas totalement de la mienne ? dont toute l'harmonie consiste dans l'accord parfait, avec la septième ajoutée cn dessus 6k cn dessous, d'où naît la sixte majeure 6k tous les accords possibles en conséquence du renversement.

De toutes ces remarques, M. Rameau concluoit qu'il y avoit de Pinjustice à faire honneur à Kircher d'une découverte qui lui appartenoit si incontestablement. On a lieu de croire par le silence du Père Castel, qu'il se rendit làdessus, 6k qu'il renonça à fa prétention en faveur de Kircher ; mais , malgré les succès qu'eut l'harmonie de Rameau fur le théâtre lyrique , succès évidemment dus à Pheureux usage de la basse fondamentale, il persista dans ce qu'il avoit avancé fur le peu d'avantage qu'on pouvoit retirer de cette découverte.

Si après avoir montré à Rameau la meilleure volonté possible, après avoir été son panégyriste, le Père Castel voulut renverser en quelque sorte les autels qu'il avoit élevées à ce grand Homme, étoit-ce par conviction ou par inconstance ? 6k ne cédoit-il pas plutôt à quelqu'impulíion étrangère ? Ce qui n'est pas fans exemple. Un Journaliste peut quelque fois se tromper lui-même, ou se laisser tromper , 6k servir ainsi la malignité 6k Penvie des rivaux d'un

un


(59)

homme, auquel il auroit rendu justice s'il n'eût pas été séduit.

Si l'Abbé des Fontaines n'eût pas vu Rameau à travers les nuages dont la jalousie s'efforçoit de le couvrir, eût-il prétendu , en rendant compte du Traité de la génération harmonique, cût-il prétendu que par les expériences du Père Mersenne 6i de Wallis, 6k par celles de M. Sauveur qui les avoit empruntées d'eux , on fçavoit que le son, produit par la résonnancc du corps sonore, est toujours accompagné de fa tierce majeure 6k de fa quinte ; tandis qu'il est certain que ces Auteurs n'ont parlé que de douzième ck de dix-septiéme, 6k que n'ayant pas connu l'identité des octaves, ils n'ont pas pu réduire ces douzième 6k duc-septième à la quinte ck à la tierce ; tandis qu'il est démontré qu'aucun d'eux n'avoit soupçonné les harmoniques eu défions , 6k qu'ainsi ces sçavants iguoroient absolument le principe sonore découvert par Rameau ?

Si l'Abbé des Fontaines n'eût pas été mal intentionné 6k porté à donner à tout une tournure ironique, il se l'eroit bien gardé de dire : » Autant cela est magnifique 6k subli» me, quant à la science ; autant, ce me semble, cela est-il » vain 6k déplorable quant à Part. Imaginez-vous un maître » de danse qui, pour apprendre à former ses pas , donne un » traité d'anatomie dans l'intention de faire connoître les 3» ressorts qui font mouvoir les jambes.

Quand cet aristarque osoit assurer que les principes d'oìt partoit Rameau, 6k les préceptes qifil donnoit, »n'étoient 3» propres qu'à faire de la musique bizarre, fans expression » 6k lans goût «, il étoit indubitablementl'organe de la passion de quoiqu'un des ennemis de notre illustre Compatriote, ou le jouet de la sienne propre.

Comment douter qu'on n'ait été souvent injuste à Pégard de Rameau ? lorsqu'on Yoit que même dans PEncyclopédie, ouvrage fait pour être le dépôt de toutes les connoiifances de notre siécle, on s'est permis de blâmer fa méthode de doigeer, jusqu'au point de prétendre » qu'il en résiiite une J> harmonie brutte 6c dure, dont Poreille est choquée (<:),

(a) V. Particle doigter.

Eij


(6o)

En lin, pour prouver l'acharncment des ennemis de Rameau , faut-il tirer de Poubli plusieurs libelles méprisables , îels que Pallégorie de Marsias par le Poète R.oi, dans laquelle ce célèbre Musicien étoit jugé digne du supplice qu'Appollon sit souffrir au téméraire Phrygien. Si Rameau dans ses réponses aux différentes critiques qu'il essuya, a mis un peu trop de chaleur; si même il s'est permis quelquefois des expressions peu ménagées; ses ennemis Pont rendu euxjnèmes excusable.

(26) Cette lettre est insérée dans la quimiéme lettre de ÏU. Fre.-on , année 176*.

M. Rameau y avance «que toutes les sciences étant fon3> dées fur les proportions , il ne faut qu'une minute d'at5» tention fur la rélonnance du corps sonore, pour tirer de a> la nature même ce qui a coûté tant de siécles à l'imagiD> nation. «

Toutes les proportions 6k toutes les régies que la géométrie a pu imaginer pour déterminer une proportion quelconque , lui paroissent annoncées par les rapports établis entre le son fondamental, ses harmoniques 6k Pétat des corps sonores qui produisent ces sons : on trouve ce fystême développé 6k étendu dans son ouvrage fur Porigine des sciences, suivi d'une controverse à ce sujet qui a paru en 1761.

(27) 11 fut Organiste de Ste. Croix de la Brctonncïic, 6k plus d'une sois cette Eglise fut remplie des amateurs 6k des artistes attirés par le plaisir de Pentendre.

(28) Les pièces de clavecin de Rameau y ont été jouées pendant long-temps avec le plus grand applaudissement.

(29) Le premier livre de pièces de clavecin qu'il donna au puolic , fut imprimé en 1706 ; il en parut un second en 1721 ; un troisième en 1726, 6k il en mit au jour un quatrième en 1741.

(30) Comme maître de clavecin, il eut pendant longtemps la plus grande vogue ; il ouvrit une éccle de composition en 1737. M, de la Borde, premier Valet de chambre du Roi, connu par plusieurs pièces qui ont eu du succès , a reçu de lui des leçons d'harmonie 6k de composition.

Un autre élève qui fait beaucoup d'honneur à Rameau, est Mde. de Sr.int-Maur, née Alcon ; elle saisit si bien le fystême musical de son maître, qu'elle cn donna un extrait


(6i)

très-bien fait dans le n*. CLXXÎX du pour 6k contre de l'Abbé Prévôt, année 1737. Cette Dame est devenue excellente Musicienne ; 6k si Rameau conserva toujours fur elle en tait de composition, la supériorité que son génie lui donnoìt sur les plus célèbres Musiciens, il fut force de lui céder la gloire de l'exécution fur le clavecin, 6k la main de son écoliere furpasla bientôt la sienne en brillant 6k en délicatesse.

(31) En qualité d'Organiste, Rameau avoit passé un bail avec le Chapitre de la Cathédralî de Clermont en Auvergne ; mais il ne tarda pas à se trouver à Pétroit dans cette ^r'ille. Le sentiment de les forces lui faisoit délirer de retourner à Paris. L'intcntion où il étoit de faire imprimer son Traité de l'harmonie réduite à ses principes, étoit le motif par lequel il croyoit pouvoir engager Messieurs du Chapitre de Clermont a résilier le bail qu'ils avoient fait avec lui. Mais fi la noble ambition de paroìtre fur un théâtre plus vaste, excitoit Rameau à réclamer fa liberté, la supériorité de ses talents rendoit le Chapitre insensible à ses prières : fa résistance força Rameau à recourir à un moyen extraordinaire, moyen blàmable.mais qui produisit tout Pesset qu'il en efpéroit.

Le Samedi dans POctíve de la Fête-Dieu, au salut du matin, étant monté à POrgue, Rameau mit simplement la main sur le clavier au premier 6k au second couplets ; ensuite il se retira, 6k ferma les portes avec fracas : on crut que le souffleur manquoit, 6k cela ne sit aucune impression. Mais au salut du soir, il ne fiit pas possible de prendre le change, 6k l'on vit qu'il avoit résolu de témoigner son mécontentement par celui qu'il alloit donner aux autres.

II tira tous les jeux d'orgue les plus désagréables, 6k il y joignit toutes les dissonances possibles. En vain lui donnat-on le signal ordinaire pour Pobliger à cesser de toucher ; on se vit forcé de lui envoyer un enfant de choeur ; dès qu'il parut, Rameau quitta le clavier 6k sortit de PEglife. Il avoit mis tant d'art dons le mélange des jeux 6k dans l'assemblage des dissonances les plus tranchantes, que les connoisseurs avouoient que Rameau seul étoit capable de jouer aussi désagréablement.

Le Chapitre lui fit faire des reproches ; mais fa réponse fut qu'il ne joueroit jamais autrement, si l'on persistoit à lui refuser fa liberté. On sentit qu'on ne le détennineroit pas à


(si2>.

abanstonner le parti qu'il avoit pris. On se rendit ; le bail fut résolu*; ík les jours suivants il témoigna la satisfaction 6k fa leconnoissance en donnant fur Porgue des pièces admirables. 11 se surpassa le Jeudi de POctave après la rentrée de la procession ; c'étoit le jour où il jouoit pour la derniere fois. U mit dans son jeu tant de douceur, de délicatesse 6v de force, de brillant ck d'harmonie, qu'il fit passer dans Pâme des assistants tous les sentiments qu'il voulut leur inspirer, 6k qui rendirent plus vifs les regrets de la perte qu'on ailoit faire. (32) Ces cantates étoient, Médéc , PAbsence 6k l'Impatience.

(33) Lettre de M, Rameau à As. Houdart de la Motte y de s Académie Françoise, pour lui demaader des paroles d'opéra , en date du ÌJ Oclohre 1727 {a).

v Quelques raisons que vous ayez, Monsieur, pour ne pas 5> attendre de ma musique théâtrale un succès aulli favorable jjque de celle d'un Auteur plus expérimenté en apparence,dans » ce genre de musique, permettez-moi de les combattre òk de justisier en même temps la prévention où je fuis en ma «faveur, fans prétendre tirer de ma science d'autres avan» tages que ceux que vous sentirez auslì-bien que moi deJ3 voir être légitimes. Qui dit un sçavant Musicien, entend » ordinairement par-là, un homme à qui rien n'échappe dans J3 les différentes combinaisons des notes ; mais on le croit cn 33même temps tellement absorbé dans ces combinaisons, 33 qu'il y sacrifie tout, le bon sens, le sentiment, Pesprit 6k » la raison. Or, ce n'est là qu'un Musicien de Pécole; école 33 où il n'est question que de notes 6k de rien de plus ; de 3> sorte qu'on a raison pour lors de lui préférer un Musicien 33 qui se pique moins de science que de goût. Cependant 33 celui-ci, dont le goût n'est formé que par des comparai3» sons à la portée de ses sensations, ne peut tout au plus 33exceller que dans de certains genres, je veux dire dans

(a) J'ai tiré cette lettre du Mercure de France du mois de Mars 1765 , pag. 36 ; ck PAuteur de cet Ouvrage périodique assure qu'elle a été exactement copiée fur Poriginal trouvé parmi les papiers de M. de la Motte.


v"3) j, les genres relatifs à son tempei.tment. F.st-il naturellement ,, tendre, il exprime bien la tendreste ; son caractère est-il „ vif, enjoué, badin, &c. fa musique y répond pour lors: „ mais sortez-le de ces caractères qui lui sont naturels, vous „ ne le reconnoissez plus. D'ailleurs, comme il tire tout de „ son imagination, fans aucun secours de Part, par ses rap„ ports avec les expressions, il s'use à la fin : dans son pre,,mier feu il étoit tout brillant; mais ce feu se consume h ,, mesure qu'il veut se ralumcr, 6k l'on ne trouve plus chez „ lui que des redites ou des platitudes. U scroit donc à sou„ haiter qu'il se trouvât pour le théâtre un Musicien qui étu,, diât la nature avant que de la peindre, 6k qui par fa science „ scùt faire le choix des couleurs 6k des nuances dont son „ esprit 6k son goût lui auroient fait sentir le rapport avec „ les expressions nécessaires. Je fuis bien éloigné de croire „ que je sois ce Musicien ; mais du moins j'ai au dessus des „ autres la connoissance des couleurs 6k des nuances dont „ ils n'ont qu'un sentiment confus, 6k dont ils n'usent à pro„ pos que par hasard : ils ont du goût 6k de Pimagination , „mais le tout borné dans le réservoir de leurs sensations, „ où les différents objets se réunissent en une petite portion ,, de couleurs, au delà desquelles ils n'apperçoivent plus rien. „ La nature ne m'a pas tout-à-fait privé de ses dons, 6k je „ ne me fuis pas livré aux combinaisons des notes jusqu'au „ point d'oublier leur liaison intime avec le beau naturel qui „ suffit seul pour plaire ; mais qu'on ne trouve pas facilement „ dans une terre qui manque de semences, 6k qui a fait fur,, tout ses derniers efforts. Informez-vous de Pidée qu'on a „de deux cantates qu'on m'a prises depuis une douzaine „d'années, 6k dent les manuscrits sont tellement répandus „ en France, que je n'ai pas cru devoir les faire graver, puif„ que je pourrois en être pour les frais, à moins que je n'y „ en joignisse quelques autres, ce que je ne puis faire faute „ de paroles. L'une a pour titre, s Enlèvement d'Orithie ; il „ y a du récitatif 6k des airs caraétérifés : l'autre a pour ti„tre, ThetiS) où vous pourrez remarquer le degré de co„ lere que je donne à Neptune 6k à Jupiter, selon qu'il ?n„partient de donner plus de sens froid, ou plus de poiïes,, lion à l'un qu'à l'autre ; 6k selon qu'il convient que les or„ dres de l'un 6k de l'autre soient exécutés. II ne tient qu'à „ vous de venir entendre comment j'ai caractérisé le chant


(*4) )> & U danse des sauvages qui parurent fur le théâtre italien; j>il y a un an ou deux; 6k comment j'ai rendu ces titres, j) les Soupirs, les Tendres Plaintes, les Cyclopes, les Tour-* »billons[c'est-à-dire les tourbillons de poussière excités par » de grands vents] ; lentretien des muses y une musette y un » tambourin, {a) 6'c. Vous verrez pour lors que je ne fuis 3» pas novice dans Part, 6k qu'il ne paroît pas fur-tout que 3» je fasse grande dépense de ma science dans mes produc3» tions, ou je tâche de cacher Part par Part même ; car je »3 n'y ai cn vue que les gens de goût 6k nullement les fça33 vants, puisqu'il y en a beaucoup de ceux-là, ck qu'il n'y j> en a presque point de ceux-ci. Je pourrois encore vou33 faire entendre des motets à grand cheeur, où vous recon33 noîtriez si je sens ce que je veux exprimer. Enlin, en voilà 3» assez pour vous faire taire des réflexions. Je fuis, 6V. Signé >» Rameau. «

(34) Cet opéra fut donné en 1730, M. eau avoit

alors quarante-sept ans ; 6k n'ayant pu obtc es parole de M. de la Motte, le succès de Jephté le déu.mina à s'adresser à M. l'Abbé Pellegrin qui lui vendit Hypolite 6k Aricie.

(3O M. 6k Mde. Rameau passoient, pour ainsi dire, lentvie chez Mr. de la Poupliniere, soit à Paris, soit à ta belle maison de Passy. U y eut sur la fin quelque refroidissement causé, selon Papparence, par un autre compositeur que ce Fermier Général avoit pris chez lui. Cc fut chez ce généreux Financier, où l'on repétoit le premier acte d'Hypolitc, que PAbbé Pellegrin se fit tant d'honneur en déchirant le billet que Rameau lui avoit fait.

(l6) Mgr. le Prince de Conty demani't:ït à Campra ce qu'il pensoit de l'opéra d'Hypolite, ce Musicien répondit, Monseigneur, il y a dans cet opéra assez de musique pour en faire dix.

On peut juger des dispositions des Confrères de M. Rameau à son égard, par la nécessité dans laquelle il fut quelauefois de prouver le succès de ses opéra, par le produit es représentations, parce qu'ils avoient la méchanceté d'en

(a) Pièces de clavecin de M. Rameau.

annoncer


(°"5)

annoncer la chute, de façon à en imposer à ceux qui ha» bitoient les Provinces ou les Pays étrangers.

On trouve dans le Mercure de Juillet, année 1749, des plaintes de M. Rameau au sujet d'une assertion de PÀuteur du Journal des Sçavants, qui avoit avancé que Platée, poème lyri-comique, n'avoit pas réussi ; ce qui étoit une fausseté, puisque tout 1c monde se rappelle que cet opéra eut le plus grand succès dans fa nouveauté : mais M. Rameau crut devoir prouver cette vérité par un bordereau de la recette de treize représentations, dont six, quoiqu'en Carême, avoient produit 32000 liv.

Je ne citerai pas plusieurs autres traits d? ta jalousie des rivaux de ce célèbre Musicien, ils doivent rester ensevelis dans un éternel oubli ; 6k je me contenterai de rappelles l'effet que le succès de Popéra de Castor 6k Pollux sit, à ce que l'on dit, fur Mouret. La jalousie de ce Musicien , qui cependant avoit beaucoup de mérite , parvint à son comble 6k lui sit perdre la tête, au point qu'on fut obligé del'entermer à Charenton, où dans ses accès de folie, il chantoit continuellement le beau choeur des démons du quatrième acte : qtt au feu du tonnere, le feu des enfers déclare la guerre,

(37) M. de Monteclair, un des zélés antagonistes de M; Rameau, dont il décrioit la personne 6k les ouvrages, ne put s'empêcher, à la sortie d'une représentation de cet opéra, d'aller à lui pour le complimenter d'après le plaisir qu'il venoit d'éprouver lui-même.

Mr. Frcron dans son année littéraire, fur la sin d'une de ses lettres datée du 30 Octobre 1760, dit, après avoir annoncé le code de musique de Rameau : 33 Le public, en 3) dernier lieu, a rendu une justice éclatante à ícs talents; n c'étoit à une représentation de Dardanus. On Papperçut 3) à Pamphithéatre ; on se retourna de son côté, 6k on battit 3) des mains pendant un quart d'heure : après Popéra les ap»> plaudilVements le suivirent jusques fur Pcfcalier.

(t8) Ses ouvrages lyriques sont :

liypolite 6k Ancie, tragédie donnée en 1733 , 6k reprise en 1742 6k 1749.

Les Indes Galantes, ballet en 1735 > reptisen 1743,1751 ; 1762 6k 1764.

Castor 6k Pollux, tragédie cn 1737 , reprise en 1754* 1764 6k v/6u

F


{66)

Dardanus, tragédie en 1739, reprise en 1742, 1759 6k 1763.

Les Talents Lyriques, ballet en 1739 , repris en 1747, 1756 6k 1765.

Les Fêtes de Polymnic, ballet cn 1745.

Le Temple de la Gloire , ballet en 1745.

Les Intermèdes de la Princesse de Navarre, comédie en

1745Samson,

1745Samson, non représentée.

Pigmalion, comédie en 1747. Le poëme étoit de M. de Lamotte. Rameau, dans la composition de la musique, se montra plus Poëte que Lamotte ; 6k si celui-ci eût vécu dons le temps où fa piéce fut donnée, quels reproches ne se seroit-il pas fait d'avoir refusé de courir la carrière lyrique avec un tel Compositeur. Cet opéra a été repris plusieurs fois, 6k le public l'a toujours vu avec un nouveau plaisir.

L'ouverture de cet opéra a été mise fur le clavecin par M. Balbâtre. Ce fut en 1754 que ce célèbre Organiste la joua, pour la première fois, chez M. delaPoupcliniere, cn présenre de M. Rameau, qui croyoit la chose prefqu'impoflibìe. 33II en fut si étonné 6k si satisfait, m'a écrit Mr. balbâtre, 33 qu'il m'en donna des preuves non équivoques. Je „ lui dis que je voulois conserver cette piéce pour moi, 6k ,, n'en faire part à personne ; au contraire , reprit M. Ra„ meau, il faut la donner à tous les Organistes 6k à tous les „ Clavecinistes. . . . Quelque temps après Mde. la Com„ tesse de la Marck m'écrivit que feu Monseigneur le Dau„ phin desiroit Pcntcndre ; 6k j'eus Phonneur de la jouer à ,,, Versailles devant ce Prince 6k toute la Cour. "

Depuis ce temps-là M. Balbâtre a exécuté plusieurs fois cette ouverture au concert spirituel, à la grande satisfaction du public ; il a mis de même fur le clavecin plusieurs autres morceaux des opéra de Rameau, qui tous ont été joués un concert spirituel avec applaudiiïcment, 6k qui sont l'ouverture des Fêtes de Polymnic, celle des Talents lyriques, de Platée 6k de Zoroastre, ainsi que la pantomime de Pigmalion ,-outre plusieurs airs de ballets.

Les Fêtes de PHymen 6k de PAmour, ballet en 1748, repris en 1754 6k 1765.

Zais, ballet en 1748 , repris en 1764.

Nais, ballet en 1749.


(67)

Plattée, ballet bouffon en 1749, repris en 1753.

Zoroastre , tragédie en 1749, reprise en 1756.

Acante ckCéphise, pastorale,en 1751.

La Guirlande, ballet en un acte, en 1751.

Anacréon, ballet en un acte, en 1754.

La Fête de Pamilie, ballet en un acte, en 1754.

Les Surprises de l'Amour, ballet cn 1757.

Les Sibaritcs, ballet cn un acte, en 1759.

Les Paladins, comédie-ballet,en 1760.

Anacréon, les Sibarites 6k la Guirlande, ont été repris plusieurs fois, mais séparément, avec d'autres fragments de différents Auteurs.

On observe que tous les opéra de Rameau ont été mieux goûtés 6k plus lui vis quand on les a remis au théâtre, que dans leur nouveauté ; la raison que m'en a donné un homme de goût, me paroît bien concluante ; c'est que dans les premières représentations , Porcille avoit peine à détailler les beautés de la musique ; mais que, dans les reprises, connoissant tous les détails de Popéra, elle jouissent de l'ensemble : d'ailleurs, les Musiciens ctant plus exercés, Pcxécution étoit plus parfaite.

(39) On en a un exemple récent dans le succès de la reprise des Fêtes de PHyinen en 1765. Au dire des connoisseurs, on trouve une musique très-riche, forte 6k nerveuse d-ins certains morceaux de cet opéra, agréable 6k fleurie dans d'autres, par-tout admirablement travaillée,6k portant l'empreinte du génie de son célèbre Auteur ; mais le public étoit encore dans un enchantement de Castor 6k de Pollux, peu favorable à cet opéra-ci, 6k il n'a pas eu autant de succès qu'il en auroit eu fans cette circonstance : ici Rameau a été vaincu par lui-même.

(40) 11 faut voir, dans Péloge de M. Rameau par M. Chabanon, combien la qualité de Symphoniste ajoute au mérite de Rameau, 6k lui assure de supériorité fur tous ceux qui Pont précédé. Tout ce que dit 5. ce sujet cet orateur, ainsi que fur la musique imitative, est d'une beauté 6k d'une force qui a fait fur moi la plus grande impression ; 6k en général la sublimité des pensées 6k la richesse des expressions de M. Chabanon, m'ont plus d'une fois lait tomber la plume des mains en écrivant cet F.loge,6k plus d'une fois je me fuis accusé de témérité en la reprenant.

F ij


(68)

(41) L'Auteur du Mercure de France dans le volume du ftiois de Mai 1751, pag. 164, dit :

33 Nous croyons devoir rendre compte d'un événement » très-glorieux pour notre théâtre lyrique , ck très-statteur «pour Mrs. Cahuzac 6k Rameau.

3» On a traduit en vers italiens Popéra de Zoroastre , 6k 53 il a été représenté pendant le carnaval dernier avec grande 91 magnificence 6k beaucoup de succès furie théâtre royal de 33 Dresde.

3> Outre le beau choeur, trembles, trembles, fuis nos pas, 33 du premier acte, sur lequel on a mis une traduction ita33 lienne très-bien adaptée au chant 6k au dessein, on a con33 serve encore tous les grands tableaux de musique de l'opera 33 françois ; comme la marche sublime pour 1 adoration du 93 soleil levant du second acte, 6k on a débuté par Pouver33 ture, dont on a donné une explication traduite du fran3) çois.

33 Ainsi grâce aux talents de Mrs. de Cahuzac 6k Rameau, » la France partage avec deux de ses Auteurs modernes, un >3 honneur dont nos Poètes lyriques 6k nos Musiciens n'avoient 33 pas encore joui. «

On sçait que depuis long-temps en Italie on a mis fur le théâtre, dans les opéra, les symphonies dansantes de Rameau ; c'est une vérité attestée par M. Chabanon 6k par P Auteur du Mercure de France.

(42) La représentation de Popéra de Zoroastre, piéce très-digne de Rameau, fur-tout par la magnificence des choeurs, n'attira pas autant de spectateurs, à beaucoup près, que celles de la Serva Padrona, de la Zingara,,ôV. que des bouffons italiens donnèrent quelque temps après fur le même théâtre. On se passionna pour ce genre de spectacle nouveau en France, mais bien inférieur à celui de nos opéra, quoiqu'il soit cependant très-agréable.

(43) Le Mercure de Juin 1765 donne une idée de l'ìmpreííion que cet opéra sit à la icprise de celte année.

3> Nos lecteurs de Province doivent voir avec étonnement cet article ne contenir, depuis plusieurs mois, que la con33tinuation de Castor 6k Poilux ; ils sciont plus étonnés en>3 core, quand ils apprendront que dans une saison où l'on >j est avide de promenades, 6k lorsque le temps les favorise v le plus, elles sont tellement sacrifiées au plaisir que fait cet


(«9) >3 opéra, que les recettes ont été jusqu'à présent aussi fortes

33 que dans les plus grands succès de l'Hiver.

3> Par une singularité unique pour Popéra de Castor , les

„ dernieres représentations ont été suivies avec autant d'cm„

d'cm„ que les premières. La recette du Vendredi 24

„ Mai, trentième représentation de la reprise, excédoit 4500

„ livres ; il est vrai que les soins 6k Pattention des Direc„

Direc„ pour la perlcction de ce spectacle, loin de s'être

„ reposés fur le succès, ont journellement ajouté quelques

,, nouveaux ornements à ce magnifique tableau. En dernier

., lieu s'étant apperçus que l'enlevement de Castor des Champs

„ Elifées fur la terre, étoit susceptible de plus d'illusion, on

„ avoit fait une machine dont Pesset pittoresque étoit si bien

„ entendu, qu'elle rendoit admirablement bien cette action.

„ II semble qu'on se lassera plutôt de représenter cet opéra,

„que le public d'y accourir en foule 6k de Papplaudir: par

,, le concours des François 6k des étrangers à ce spectacle ,

33 par les lustrages 6k Padmiration de ces derniers, le procès

33 entre la musique françoife 6k la musique italienne paroîtdé»3

paroîtdé»3 jugé. 3»

(44) Malherbe étoit brusque dans fa conversation 6k dans ses manières.

Milton avoit une humeur bizarre 6k impérieuse.

Michel Ange étoit si sombre 6k si peu sociable, qu'il se

Í>romcnoit toujours seul 6k cherchoit les promenades les plus òlitaires.

Lulli étoit brusque 6k peu poli.

Le grand Corneille étoit naturellement mélancolique, il avoit 1 humeur brusque 6k quelquefois rude cn apparence ; il avoit Pâme sicre 6k indépendante , nulle souplesse, nul manège.

En substituant au nom de Corneille celui de Rameau, on aura le véritable pot trait de ce célèbre Musicien ; l'un 6k Pautic atnoient cru s avilir en sollicitant des grâces ; 6k quoiqu'on acculât Hameau d'aimer Pargent, cette passion ne put jamais Pengager à plier pour quelque motif que ce fût.

Cette uniformité de caraéleres dans les grands Hommes est-el!e une fuite nécessaire de la disposition de leurs organes ? est - elle Pesset de leur sensibilité ì Ce problême n'est peut-être pas indigne de sixer Pattention de nos Moralistes.

(45) On peut voir dans son Ouvrage intitulé , Objavu'


(70) tions sur notre instinftpour la musique, & sur son principe ,avcc quelle chaleur, avec quelle force il venge, en quelque sorte , Lulli des sarcasmes de M. Jean-Jacques Rousseau, en démontrant la foiblesse de la critique du monologue d'Armide : Enfin il est en ma puissance, que ce célèbre Ecrivain s'étoit permis de faire. Le Journaliste de Trévoux disoit à cette occasion dans le volume du mois d'Août 1754, p. 2008.

" M. Rameau se fait bien de Phonneur en vengeant Lulli; „ c'est Cicéron qui n'auroit pas souffert qu'on eût déprime „ Hortensius. "

(46) M. Rameau fut reçu à l'Académie de Dijon le 11 Mai 1761 ; il le montra très-sensible à cette distinction, 6k il ne sit aucun ouvrage fans l'offrir à l'Académie.

Sa sensibilité s'étoit déjà manifestée, lorsqu'il avoit été admis cn Juillet 1752 dans une société littéraire qui s'étoit établie cette année-la, dans la même Ville, chez M. le Président de Russey, mais qui ne subsiste plus.

(47) On voit par fa lettre à Mr. Mongeot, inférée dans le Mercure de France du mois de Juin 1765, d'où j'ai tiré l'anecdote de M. de Monteclair placée dans la note 37; on voit, dis-je, combien il aimoit à rendre service. Mrs. Dauverjjne, Marchand 6k Balbâtre déposent encore hautement en faveur de son empressement à seconder les talents.

Dans la réponse à une lettre que j'avois écrite à Mr. Bal. bâtre, ce célèbre Organiste me marquoit qu'il étoit redevable à M. Rameau de ce qu'il fçavoit ; aveu d'autant moins suspect, que M. Balbâtre arriva à Paris avec des dispositions qui, dans une personne un peu prévenue, auroient pu passer pour des talents perfectionnés. Je fuis son compatriote 6k son contemporain, je Pai connu dès Penfancc; je me rappelle qu'à lâge de six à sept ans, il touchoit déjà sort bien du clavecin, ck lorsque Mr. Cazc, Fermier Général, l'emmena à Paris cn 1748, il jouissoit à Dijon d'une grande réputation , méritée par de ttès-jolics pièces 6k par une main très-brillante.

M.'do Feîigonde, Secrétaire Perpétuel de l'Académie de Clermont, auquel je m'étois adressé pour avoir quelques éclaircissements au sujet du séjour de Rameau dans cette ville, après m'avoir parlé de la réputation qu'il s'y étoit faite 6k de la scène singulière qu'il donna le Samedi dans l'octave de la Fête-Dieu, ajoutoit.


(70 c< U n'a cessé de rendre service aux Musiciens qui ont ré',, clamé fa protection, 6k il a servi avec empressement le „ Chapitre de notre Cathédrale pour le choix des sujets „ dont il avoit besoin. **

(48) Tout le monde sçait qu'il loua hautement au sortir du coficert spirituel du 10 Juin 17^4, jour de la Pentecôte, un motet, Exaudi Deus, de M. Giroust, Maître de musique de l'Eglife d'Orléans.

Les nouveaux opéra comiques, connus sous le nom d'opéra bouffons, reçurent aussi ses applaudissements ; il trouva celui des troqueurs admirable ; 6k présageant jusqu'à quel point de perfection on pourroit porter ce genre dans ta fuite, il léstéchissoit avec attendrissement au progrès que le goût pour cet opéra feroit faire à la bonne musique.

(49) De jour en jour j'acquiers du goût, disoit-il à M. Chabanon ; mais je n'ai plus de génie : il a fait très-souvent ce même aveu fur la fin de fa vie. M. le P. de Brosse (a) I pressoit un jour de mettre cn musique un des opéra de Quinault ; il lui représentoit qu'il est comme impostible qu'un opéra ait une réussite constante, si le poème n'est intéressant, bien fait 6k bien écrit; vérité qui n'étoit pas encore assez sentie au temps de Lulli, óù l'on donnoit tout au Musicien , 6k trop peu à son admirable associé. 11 lui alléguoit Pexcmple de 1 Italie où les bons poèmes étant aulli rares qu'en France, les paroles de Métastase 6k de Zeno deviennent un bien commun à tous les co positeurs, 6k font mises tour à tour en musique par Jutm .ly, par Galuppi, par Scarlati, 6V. nprès l'avoir déjà étc' par Vinci, par le Pergolefe, par Léo, par le Saxon, 6V. 4 lui proposoit Popéra d'Alceste, dont la coupe est excellente 6k très-variée, ainsi que celle do presque tous les opéra de Quinault, cn retranchant néan» moins quelques confidents 6k quelques petites scènes comiques, restes d'un mauvais goût du temps, que Quinault luimême épura bientôt tout-a-fait. Mais Rameau résista constamment à ces instances, 6k répondit à M. le P. de Brosse, que l'imagination étoit usée dans une vieille tête, 6k qu'on

(•t) De l'Académie Royale des Inscriptions 6k BellesLettres , 6k un de nos Académiciens Honoraires résidents.


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n'étoit pas sage quand on vouloit travailler à cet âge aux arts qui sont entièrement d'invention.

(50) On a eu plus d'une preuve de son extrême sensibilité aux beautés de la musique. Mr. Balbâtre raconte que pendant le cours de la convalescence d'une maladie fort vive

3ue Rameau eut quelques années avant fa mort, on exécuta e la musique dans fa chambre, Mlle, fa fille y dansa, 6k on le vit plusieurs fois ému jusqu'aux larmes.

(51) Voici ce que Mrs. Balbâtre 6k Vcnevaut m'ont appris fur la manière dont il composoit ses opéra.

Lorsque le Poëte lui avoit donné son poème, il le lisoit plusieurs sois, le raisonnoit, le déclamoit, 6k obligeoit très» souvent P Auteur à y faire des changements qui exerçoient beaucoup fa patience.

C'étoit un violon à la main qu'il composoit sa musique ; quelquefois cependant il se mettoit à son clavecin ; mais lorsqu'il étoit à Pouvrage, il ne soussroit pas qu'on Pinterrompìt : malheut à Pindifcret qui perçoit alors jusqu'à lui.

II n'avoit pas autant de facilité à composer de la musique vocale que la musique instrumentale à laquelle il s'étoit livré de bonne heure. Une particularité, dont je n'ai été instruit que pendant Pimprestion de ces dernieres feuilles, 6k qui mérite bien qu'on en fasse mention, est que Rameau n'a jamais eu de Maître de composition , 6k l'a apprise de luimême.

11 étoit réellement dans l'enthousiafme en composant : il se livroit à une gaieté déclamatoire, lorsque son génie le servoit à son gré ; 6k à une espèce de fureur chagrine, s'il se refufoit à ses efforts.

Quoiqu'il ait réuni dans un point bien rare toutes qualités qui font le bon Musicien, il chantoit mal ce qu'il sentoit, mais il faisoit sentir, ce qu'il avoit imaginé, 6k jugeoit avec autant de sévérité que ae goût 6k de justesse, "exécution des morceaux qu'il faisoit répéter.

Quand on réfléchira sur la toiblesse des Musiciens qui remplistoient Porchestre de Popéra, lorsque M. Rameau commença d'occuper la scène lyrique, on se sera une juste idée de la patience qui lui sut nécefiaire dans les répétitions ; il s'est vu même obligé de supprimer des morceaux où regnoit Penharmonique par Pimpoftibilité de les faire exécuter avec justesse. Aux répétitions de ses opéra il s'asseioit dans le parterre


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terre où il vouloit être seul ; si quelqu'un venoit l'y troubler 6k s'approchoit de lui, il le repoussoit avec la main, fans lui parler 6k même fans le regarder. Dans ces moments-là il étoit forcé de parler beaucoup ; ce qu'il faisoit avec tant de feu, que la bouche se désséchoit si prodigieusement, qu'il étoit obligé de manger quelque fruit pour le mettre en état de continuer : la même chose lui arrivoit quelquefois dans la conversation, 6k alors on le voyoit dans Pinstant où il étoit le plus animé, se taire, ouvrir la bouche 6k faire comprendre par ses gestes qu'il ne pouvoit plus parler.

II se plaçoit presque toujours dans une petite loge, lors des représentations de ses opéra ; mais il s'y cachoit de son mieux, 6k même s'y tenoit couché. Si le public Pappercevoit 6k Papplaudissoit, il recevoit les applaudissements avec une modestie qui l'en rendoit encore plus digne : on voit dans son Eloge par M. Chabanon, combien peu il les recherchoit, 6k même avec quelle attention il les fuyoit.

(52) M. Rameau fut choisi pour faire la musique des intermèdes de la Princesse de Navarre, comédie de M. de Voltaire , 6k celle du Temple de la Gloire, opéra du même Auteur. Ces morceaux de musique surent très-applaudis. Outre les gratifications que le Roi sit distribuer à tous ceux qui avoient été employés dans les fêtes que l'on donna pour le mariage de Mgr. le Dauphin, Sa Majesté, pour.preuve de fa satisfaction , créa pour lui le titre de Compositeur de la musique de son cabinet, 6k lui fit 2000 liv. de pension.

(53) Ces actes sont connus fous le nom des Surprises de P Amour, 6k sont Linus 6k Uranie, Venus 6k Adonis, 6k un prologue dont Vulcain 6k le Temps sont les principaux perlonnagcs: ils furent joués à la Cour en 1748 6k 1749: on les a donnés au public sous lc titre de Théâtre des petits Appartements,

(54) Mrs. Rebcl 6k Francocur ayant obtenu le privilège de POpéra, se firent autoriser en 1747 par le Ministère, à l'infçu de M. Rameau, pour lui assigner une pension de 1500 liv. qui lui a été payée jusqu'à fa mort, indépendamment des honoraires réglés pour la musique des ouvrages nouveaux.

(55) Le Roi lui avoit accordé des Lettres de Noblesse qui ont été enregistrées à la Chambre des Vacations du Parlement de Paris en 1764 ; 6k il étoit désigné pour être décoté de POrdre de Saint Michel, lorsqu'il mourut le ix SepG

SepG


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tembre de la même année; il fut inhumé le lendemain à St» Eustache, où est le tombeau du célèbre Lulli.

M. Rameau a été marié avec Dame Maric-Louise Mangot qui lui survit. Mde. Rameau est une femme honnête, douce 6k aimable, qui a rendu son mari fort heureux; elle a beaucoup de talents pour la musique, une fort jolie voix 6k un bon goût de chant. Sa soeur Religieuse Dominicaine à Poissy, est une des plus belles voix qu'il y ait en France. 11 a laissé trois enfants ; Mr. Claude-François Rameau, Ecuyer, Valet de Chambre du Roi, sort estimé de tous ceux qui le connoissent ; Dame Marie-Louise Rameau , Religieuse au Couvent de la Visitation de Sainte Marie à Montargis; 6k Dame Marie-Alexandrine Rameau mariée depuis la mort de M. son père , à Mr. FrançoisMarie de Gauthier, Ecuyer, Mousquetaire du Roi de la première Compagnie.

(56) On lui sit un premier service le 27 Septembre dans PEgliíe de Mrs. les Prêtres de POratoire, aux frais des Directeurs de l'Académie royale de musique. « Plusieurs beaux 3> morceaux tirés des opéra de Castor 6k de Dardanus, fu33 rent adaptés aux prières qu'il est d'usage de chanter dans 33 ces cérémonies (<i). «

(57) On en sit un second dans PEglife des Carmes Déchaustés près le Luxembourg ; la musique étoit de la composition de Mr. Philidor. Ces deux services attirèrent un concours de monde prodigieux.

(58VOrléans,où Mr. Giroust est Maître de musique, 6k Marseille, sc signalèrent particulièrement en cette occasion. Dans la première de ces Villes on exécuta la messe de Gilles, une prose de la composition du Maître de musique, 6k un de prosundis adapté à plusieurs morceaux de Popéra de Castor 6k Pollux.

(59) Epìgrame par M, BilU de Sanvigni.

En jacet Aonius, frigido fub matmore Ramanis, Proh dolor ! 6k Phccbi, muta jacet cithara ; Qui blando nostras sonitu captavérât aures, Hic meritò famaî retulit iple ibnum.

Mercure de France 1764 y mois d'Otfobre, 2 vol.

(.*) Voyez le calendrier des deuils de la Cour.


(75) Autre Epìtapfu P. M. C.

Ci git le célèbre Rameau, '

11 fut par son vaste génie

De la musique le flambeau,

Et l'objet des traits de Penvie.

Muses, pleurez fur ce tombeau

Le Créateur de l'harmonie.

Mercure de France, Janvier tyóf.

(60) Mr. Picardet Paîné, Conseiller à la Table de'Marbre , parloit ainsi dans les stances dont je fais mention :

Du sommet de POlympe, Appollon vint l'instruite ; De l'harmonie il a fixé les loix; De fils nouveaux remonté notre lyre ; A d'autres tons fléchi nos voix.

Lorsqu'échappéc à d'indignes outrages

De Progné la plaintive soeur, Par le récit de son malheur, Pour la première fois attendrit les bocages : Jamais d'aussi beaux sons n'avoient frappé les airs, Le Zéphyre craignit d'agiter les feuillages ; Faune oublia ses jeux, les Nymphes leurs concerts; Tout se tut, étonné de ces nouveaux ramages.

Telle on dit qu'attentive à des sons plus touchants, L'Yonie écouta la voix de Thimothée ; Telle aussi la seine enchantée, De Rameau son Emule ouit les premiers chants.

Mr. Picardet après avoir chanté les merveilleux effets que produit l'harmonie , caractérise ainsi Rameau.

Sublime, gai, nais, varié, toujours beau, Qu'il fçait bien de nos sens amuser les caprices ; De notre ame à son gré mouvoir tous les ressorts. Choeurs divins ! vous fixez mon oreille charmée ; O prestige l ò délire ! à quels hardis essorts Elevez-vous une verve enflammée Par la beauté de vos accords !

Gij


(76) Le Poëte termine ces stances par différents tableaux, où il rend ce que Rameau peignoit à nos oreilles ; 6k je détacherai encore la stance dans laquelle il célèbre le talent de Rameau pour les peintures naïves 6k légères.

Mais aux chansons de ces tendres musettes,

Qui du Printemps célèbrent le retour.

Je crois goûter le charme d'un beau jour;

Les messanges 6k les fauvettes

Ainsi parlent de leur amour.

Cette eau qui fur ses bords voit danser les bergères, Semble d'un flot badin carresser les fougères ; Du volage zéphyr ce chant peint les erreurs ;

Ce papillon parmi les fleurs

Promène ses ardeurs légères.

M. François, auquel l'Académie a donné une place d'Associé , quoiqu'il n'ait que quatorze ans, a auili célébré Rameau dans son discours de remerciement. 11 venoit de parler de Crebillon, 6k continue ainsi.

Près de lui j'apperçois le sils de Polymnie ; Sur fa lyre, ses doigts, source de lharmonic ,

Se promènent rapidement. Soit que faisant gronder la foudre ck les orages, De la mer soulevée il chante les ravages

Et le sombre mugissement; Soit que ses sons légers, entants badins des Grâces, De Pamour 6k des jeux qui volent fur ses traces, Nous fassent partager le doux enchantement. CCÎ hardi Prométhée , au séjour des nuages, A dérobé le feu qui régna en ses accords ; peint tout à no 1, sens par la foule d'images Qu'enfantent à la fois ses lyriques tranfpoiis.

(6î) Mr. le Marquis du Terrail, Maréchal des Canins 6k Armées du Roi, 6k son Lieutenant Général clans le Vcidnnois, proposoit, pour orner la place de Louis XV à Paris, de construire des ^aliènes patriotiques, dans lesquelles on auroit placé les stí.:ucs de tous les grands Hommes qui ont illustré la France ; des bustes 6k des médaillon: antoient été le partage des hommes d'un métite du second oidie.


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Ce projet étoit digne d'un véritable patriote 6k d'un philo» sophe. Le même esprit de patriotisme qui avoit fait naître cette idee à M. du Terrail, vient de l'engager à fonder dans cette Académie le prix que jusqu'à présent les pensionnaires donnoient d'eux-mêmes, fur les fonds destinés à leurs pensions.

(62) Mes voeux sont accomplis ; avec quelle joie ne dois-je pas saisir cette occasion de Pannoncerl

Dijon n'enviera plus à Rome, ni à Athènes, Phonneur de couronner les talents. M. Lcgoux (a) par un nouvel effet de son caractère noble 6k bienfaisant , qi/« a déjà enrichi l'Académie d'un Cabinet d'histoire naturelle, fait travailler aux bustes de plusieurs denosillusttes Compatriotes, des Jeannin, des Febvret, desSaumaise, des Bossuet, des Vauban , des Boursier, des Lamonoie, des Crebillort 6k des Rameau. 11 se propose d'y joindre ceux de quelquesuns des plus célèbres Académiciens vivants, de Mrs. de Bnsson, Piron ck Voltaire ; 6k tous ces bustes entoureront celui du Prince auguste qui gouverne la Bourgogne 6k protège notre Académie.

Je peux ajouter ici une preuve éclatante de Pintérêt que cette Ville prend àjla gloire des Hommes illustres qui sont nés dans son sein.

En réparant la salle des spectacles, on s'est vu obligé de construire un nouveau proscenium. Celui qui vient d'être élevé par ordre du Corps municipal, 6k fur les desseins de Mr. Lejolivet, Architecte 6k Voyer, est formé par quatre colomncs d'ordre ionique ; deux de chaque côté, espacées suivant les proportions du fystile.

Ces colomnes ornées de guirlandes, supportent un plafond décoré de Pécu de S. A. S. Mgr. le Prince de Coudé, accolé de deux renommées, dont lune développe \\\\ rouleau fur lequel on lit ce vers de Virgile.

Nulla die s ut.quam mtmotì vos ex'tmet avo.

L'autre embouche une trompette, dont la banderole est ornée du mot Friedbtrg. On a placé dans Pcntrecolonncment les statues de Crcbillon

(.r) Ancien Grand Bailli de la Noblesse du Dijonnois, Académicien Honoraire.


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<6k de Rameau ; statues très - ressemblantes à ces grands Hommes, dont les talents sont caractérisés par les attributs que l'on donne à Melpomene 6k à Polymnie.

Au milieu du stylobat, qui porte l'empâtement des bases des colomnes, 6k immédiatement au dessous des statues, est un médaillon ovale qui excède la hauteur des bases attiques de l'ordre choisi, afin de donner plus d'élégance 6k plus d'élévation aux statues. Ce médaillon est couronné d'une guirlande qui fe termine fur le profil du stylobat décoré d'une tête de lion, fur laquelle est posée cette guirlande. La table rase de chaque médaillon, est remplie par lenomdecesHomiíietjSï^oresckladate.de leur naissance, /v' " ',.£"■


E R RA T A.

X A G E 11, ligne a, assuré, lisez, sûr* Pag. 13, lign. 7, retranche^ , que. Pag. 67, lign. 15, donne, lisez, donnée. Pag. Jiy lign. ire. J «/ âge y lisez, <iyî>/i «£*•.' /</V/n, lign. 30, toutes qualités, lisez, /(?«/« /</ qualités: