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Titre : Bulletin historique et philologique du Comité des travaux historiques et scientifiques

Auteur : Comité des travaux historiques et scientifiques (France). Auteur du texte

Éditeur : Comité des travaux historiques et scientifiques (Paris)

Date d'édition : 1898

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32729088p

Notice du catalogue : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb32729088p/date

Type : texte

Type : publication en série imprimée

Langue : français

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Description : 1898

Description : 1898 (N1)- (N2).

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k5725968g

Source : Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, 8-LC18-347 (BIS)

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 19/01/2011

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MINISTERE DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE ET DES BEAUX-ARTS

COMITÉ DES TRAVAUX HISTORIQUES

ET SCIENTIFIQUES

BULLETIN HISTORIQUE ET PHILOLOGIQUE

ANNÉE 1898. — Nos 1 ET 2

PARIS IMPRIMERIE NATIONALE

M DCCC XGVIII


SOMMAIRE DES MATIERES CONTENUES DANS LE PRÉSENT NUMÉRO.

LISTE des membres de la Section d'histoire et de philologie du Comité des travaux historiques et scientifiques, des membres honoraires et des membres non résidants du Comité, des correspondants du -Ministère, p. 1-20.

Séance du lundi 10 janvier 1898, p. 21-24.

Rapport de M. DE BOISLISLE sur une communication de M. DUJARRIC-DESCOMBES, p. 24-25.

Rapport de M. BRUEL sur une communication de M. l'abbé DUBARAT, p. 25-26.

Communication de M. l'abbé DUBARAT : Arbitrage entre les chanoines de Bayonne des deux obédiences sur les revenus du chapitre, après le schisme d'Occident (avril 1418), p. 26-40.

Rapport de M. G. PARIS sur une communication de M. MERLET, p. 40.

Communication de M. MERLET : Le poète chartrais Jehan Le Marchant, chanoine de Péronne, p. 40-44.

Rapport de M. SERVOIS sur une communication de M. FLOUR DE SAINT-GENIS, p. 45-46.

Communication de M. FLOUR de SAINT-GENIS : Note sur les minutes notariales de l'arrondissement de Semur (Côte-d'Or), antérieures à 1790, p. 46-49.

SÉANCE du lundi 7 février 1898, p. 50-52.

SÉANCE du lundi 7 mars 1898, p. 53-54.

Rapport de M. OMONT sur une communication de M. DE GRASSET, p. 54-55. SÉANCE du lundi 4 avril 1898 , p. 56.

Rapport de M. A. DE BARTHÉLÉMY sur une communication de M. GlMOD,

P- 57Communication

57Communication M. J.-B. GIRAUD : Comptes de l'écurie de François

d'Angoulème (1514) , p. 58-81.

Rapport de M. LONGNON sur une communication de M. l'abbé GALABERT, p. 81-82.

CONGRÈS DES SOCIÉTÉS SAVANTES DE PARIS ET DES DÉPARTEMENTS À LA SORBONNE, p. 83-175.

ANNEXE aux procès-verbaux de 1898, p. 176.

I. Communication de M. A. GUESNON : Introduction au livre rouge de la vintaine d'Arras, p. 176-312.

II. Communication de M. le comte de LOISNE : : Les baillis, gouverneurs et grand baillis de Béthune (1210-1789), p. 212-328.

III. (Communication de M. Edouard FORESTIÉ : Les comptes et mandements des receveurs et maîtres d'hôtel du vicomte de Fezenzaguet (1365-1372), p. 329-343.

( Voir la suite à la troisième page de la couverture.)


BULLETIN HISTORIQUE ET PHILOLOGIQUE

DU

COMITÉ DES TRAVAUX HISTORIQUES ET SCIENTIFIQUES



MINISTÈRE DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE ET DES BEAUX-ARTS

BULLETIN

HISTORIQUE ET PHILOLOGIQUE

DU

COMITE DES TRAVAUX HISTORIQUES ET SCIENTIFIQUES

ANNEE 1898

PARIS

IMPRIMERIE NATIONALE

M DCCC XCVIII



MINISTERE DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE.

COLLECTION

DE

DOCUMENTS INEDITS

SUR L'HISTOIRE DE FRANCE.

I. — Chroniques, mémoires, journaux, récits et compositions historiques.

I. Chronique des ducs de Normandie par BENOÎT, trouvère anglonormand du XIIe siècle, publiée par Francisque MICHEL. — 1836-1844, 3 vol.

2. Les Familles d'outre-mer de DU GANGE, publiées par E.-G. REY. — 1869, 1 vol.

— 3. Histoire de la croisade contre les héretiques albigeois, écrite en vers provençaux, publiée par C. FAURIEL. — 1837, 1 vol.

4. Histoire de la guerre de Navarre en 1276 et 1 977 [chronique rimée], par Guillaume ANELIER de Toulouse, publiée par Francisque MICHEL. — 1856, 1 vol.

-¥- 5. Chronique de Bertrand du Guesclin, par CUVELIER, Trouvère du XIVe siècle, publiée par E. CHAHRIÈRE. — 1839, 2 vol.

. G. Chronique du religieux de Saint-Denys, contenant le règne de Charles VI, de 1380 à 1422, publiée et traduite par L. BELLAGUET. — 1839-1852, 6 vol.

(1) Les volumes précédés du signe sont presque épuisés. ( 2) Les volumes précédés du signe — sont épuisés.

HISTOIRE ET PHILOLOGIE. 1


— 2 —

7. Chroniques d'AMADI et de STAMBALDI [6I5-I458], publiées par R. DE MAS LATRIE. — 1891-1893, 2 vol.

■¥■ 8. Mémoires de Claude HATON (1553-1582 ), publiés par F. BOURQUELOT. — 1857, 2 vol.

9. Journal d'Olivier LEFÈVRE D'ORMESSON [1643-1672], publié par A. CHÉRUEL. — 1860-1861, 2 vol.

10. Mémoires de Nicolas-Joseph FOUCAULT [1641-1718], publiés

par F. BAUDRY. — 1862, 1 vol.

11. Histoire de la Guerre sainte, poème de la troisième croisade

(1190) publié par G. PARIS. — 1897, 1 volII.

volII. Cartulaires et recueils de-chartes.

— 12. Cartulaire de l'abbaye de Saint-Père de Chartres, publié par

B. GUÉRARD. — 1840, 2 vol.

13. Cartulaire de l'abbaye de Saint-Bertin, publié par B. GUÉRARD. — 1840, 1 vol.

14. Appendice au Cartulaire de l'abbaye de Saint-Bertin, publié par F. MORAND. — 1867, 1 vol.

— 15. Cartulaire de l'église Notre-Dame de Paris, publié par B. GUERARD,

GUERARD, MARION et DELOYE. — 1850, 4 vol.

16. Cartulaire de l'abbaye de Saint-Victor de Marseille, publié par B. GUÉRARD, MARION et DELISLE. — 1857, 2 vol.

— 17. Cartulaire de l'abbaye de Redon en Bretagne, publié par A.DE

COURSON. — 1863, 1 vol.

18. Recueil de chartes de l'abbaye de Cluny, formé par Aug. BERNARD,

publié par Alex. BRUEL; tomes I-V. — 1876-1894, 5 vol.

19. Cartulaires de l'église cathédrale de Grenoble, dits Cartulaires

de Saint-Hugues, publiés par J. MARION. — 1869, 1 vol.

20. Cartulaire de Savigny, suivi du petit cartulaire de l'abbaye

d'Ainay, publiés par Aug. BERNARD. — 1803, 2 vol.

21. Cartulaire de l'abbaye de Beaulieu (en Limousin), publié par M. DELOCHE. — 1859, 1 vol.


— 3 —

22. Archives de l'Hôtel-Dieu de Paris (1157-1300), publiées par L. BRIÈLE et E. COYECQUE. — 1894, 1 vol.

23. Privilèges accordés à la couronne de France par le SaintSiège [1224-1622], publiés par Ad. et J. TARDIF. — 1855, 1 vol.

24. Recueil des monuments inédits de l'histoire du Tiers-État (1re série, région du Nord), publié par Augustin THIERRY. — 1850-1870, 4 vol.

— 25. Archives administratives de la ville de Reims [IVe-XIVe s.], publiées

publiées P. VARIN. — 1839-1848, 3 vol.

26. Archives législatives de la ville de Reims | XIIIe-XVIe s.], publiées par P. VARIN. — 1840-1852, 4 vol.

27. Archives administratives et législatives de la ville de Reims; table générale des matières, par L. AMIEL, — 1853, 1 vol.

III. — Correspondances et documente politiques ou administratifs.

28. Lettres de rois, reines et autres personnages des cours de France et d'Angleterre, depuis Louis VII jusqu'à Henri IV, tirées des archives de Londres par BRÉQUIGNY et publiées par J.-J. CHAMPOLLION-FIGEAC. — 1839-1847, 2 vol.

29. Rôles gascons, publiés par Francisque MICHEL et Ch. BÉMONT ; tome I et supplément [1242-1255]. — 1885-1896, 2 vol.

30. Les Olim, ou registres des arrêts rendus par la Cour du roi sous les règnes de saint Louis—Philippe le Long [12541318], publiés par le comte BEUGNOT. — 1839-1848, 4 vol.

- 31. Règlements sur les arts et métiers de Paris, rédigés au XIIIe s.

sous le nom de Livre des métiers d'Etienne BOILEAU, publiés par G.-B. DEPPING. — 1837, 1 vol.

32. Correspondance administrative d'ALFONSE DE POITIERS, publiée par Aug. MOLINIER; tome I [1268-1270]. — 1894, 1 vol.

33. Paris sous Philippe le Bel, notamment d'après le rôle de la taille de Paris en 1291, publié par H. GÉRAUD. -— 1837, 1 vol.


34. Procès des Templiers, publié par J. MICHELET. — I84I, 2 vol.

35. Mandements et actes divers de Charles V (1364-1380), publiés

publiés analysés par L. DELISLE. — 1874, 1 vol.

36. Itinéraires de Philippe le Hardi et de Jean sans Peur, ducs de

Bourgogne (1363-1419), publiés par Ernest PETIT. — 1888,1 vol.

37. Journal des États généraux de France teints à Tours, en 1484, sous le règne de Charles VIII, par Jehan MASSELIN, publié et traduit par A. BERNIER. — 1835, 1 vol.

38. Procès-verbaux des séances du Conseil de régence du roi

Charles VIII (août 1484-janv. 1485), publiés par A. BERNIER. — 1836,1 vol.

39. Procédures politiques du règne de Louis XII, publiées par

R. DE MAULDE. — 1885, 1 vol.

40 Négociations diplomatiques de la France avec la Toscane [1311-1610], documents recueillis par Giuseppe CANESTRINI et publiés par Abel DESJARDINS. — 1859-1886, 6 vol.

41. Négociations diplomatiques entre la France et l'Autriche durant les trente premières années du XVIe siècle, publiées par A. LE GLAY. — 1845, 2 vol.

— 42. Négociations de la France dans le Levant [1515-1589], Publiées

Publiées E. CHARRIÈRE. — 1848-1860, 4 vol.

43. Captivité du roi François 1er, par A. CHAMPOLLION-FIGEAC. — 1847, 1 vol.

— 44. Papiers d'État du cardinal DE GRANVELLE [1516-1565], publiés

publiés Ch. WEISS. — 1841-1852, 9 vol.

45. Lettres de Catherine DE MÉDICIS, publiées par Hector DE LA FERRIÈRE et BAGUENAULT DE PUCHESSE; tomes I-VI.— 18801895, 6 vol.

46. Négociations, letires et pièces diverses relatives au règne de François II, publiées par Louis PARIS. — 1841, 1 vol.

47. Relations des ambassadeurs vénitiens sur les affaires de France au XVIe siècle, recueillies et traduites par N. TOMMASEO. — 1838, 2 vol.


48. Procès-verbaux des États généraux de 1593, publiés par Aug. BERNARD. — 1842, 1 vol.

49. Recueil des lettres missives de HENRI IV [1562-1610], publiées par BERGER DE XIVREY et GUADET. — 1843-1876, 9 vol.

50. Lettres, instructions diplomatiques et papiers d'État du cardinal DE RICHELIEU [1608-1642], publiés par AVKNEL. —

1853-1877, 8 vol.

— 51. Maximes d'État et fragments politiques du cardinal DE RICHELIEU,

RICHELIEU, par M. Gabriel HANOTAUX. — 1880, 1 vol.

52. Négociations, lettres et pièces relatives à la Conférence de Loudun [1615-1616], publiées par BOUCHITTÉ [et LEVASSEUR].

LEVASSEUR]. 1862, 1 vol.

53. Correspondance de Henri d'Escoubleau DE SOURDIS, archevêque de Bordeaux, chef des conseils du roi en l'armée navale, publiée par Eugène SUE. — 1839, 3 vol.

54. Lettres du cardinal MAZARIN pendant son ministère [16421661], publiées par A. CHÉRUEL et 6. D'AVENEL. — 18721894 8 vol.

55. Correspondance administrative sour, le règne de Louis XIV, recueillie par G.-B. DEPPING. — 1850-1855, 4 vol.

56. Mémoires des intendants sur l'état des Généralités, dressés pour l'instruction du duc de Bourgogne. Tome I, Mémoire de la Généralité de Paris, publié par A. DE BOISLISLE. —

1881,1 vol.

— 57. Négociations relatives à la Succession d'Espagne sous Louis XIV

[1662-1679], publiées par F. MIGNET.— 1835-1842, 4 vol.

— 58. Mémoires militaires relatifs à la Succession d'Espagne sous

Louis XIV [1701-1713], publiés par les lieutenants généraux DE VAULT et PELET.— 1835-1862.11 vol., et allas in-fol.

59. Correspondance des Contrôleurs généraux des Finances avec les Intendants des Provinces, publiée par A. DE BOISLISLE. — 1874-1898, 3 vol.

60. Remontrances du Parlement de Paris au XVIIIe siècle, publiées par J. FLAMMERMONT; tomes I et II. — 1888-1895, 2 vol.


IV. — Documents de la période révolutionnaire

[gr. in-8°].

61. Recueil de documents relatifs à la convocation des États généraux

généraux 1789, publié par A. BRETTE; tomes I et II. — 1894-1896, 2 vol.

62. Correspondance secrète du comte DE MERCY-ARGENTEAU avec

l'empereur Joseph II et le prince de Kaunitz [1780-1790], publiée par A. D'ARNETH et J. FLAMMERMONT. — 18891891, 2 vol.

63. Procès-verbaux du Comité d'instruction publique de l'Assemblée

l'Assemblée publiés par J. GUILLAUME. — 1889, 1 vol.

64. Procès-verbaux du Comité d'instruction publique de la Convention

Convention publiés par J. GUILLAUME; tomes I—III. — 1891-1897, 3 vol.

65. Recueil des actes du Comité de salut public, publié par F.-A.

AULARD; tomes I-XI. — 1889-1895, 10 vol., et table des tomes I-V, 1 vol.

66. Correspondance générale de CARNOT, publiée par Et. CHARAVAY;

tomes I—III.— 1892-1897, 3 vol.

V. — Documents philologiques, littéraires, philosophiques, juridiques, etc.

67. L'Éclaircissement de la langue française, par Jean PALSGRAVE [I53O], publié par F. GÉNIN. — 1852, 1 vol.

68. Les quatre livres des Rois, traduits en français du XIIe siècle, publiés par LEROUX DE LINCY. — 1841, 1 vol.

69. Le livre des Psaumes, ancienne traduction française, publié par Francisque MICHEL. — 1876, 1 vol.

— 70. Ouvrages inédits d'ABÉLARD, publiés par Victor COUSIN. — 1836, 1 vol.

71. Li livre dou Trésor, par Brunetto LATINI, publié par P. CHABAILLE.

CHABAILLE. l863, 1 Vol.

72. Li livres de Jostice et de plet, publié par P. CHABAILLE. —

1850, 1 vol.


* 73. Le Mistère du siège d'Orléans, publié par F. GUESSARD et E. DE CERTAIN. — 1862, 1 vol.

74. Lettres de PEIRESC [1602-1637], publiées par Ph. TAMIZEY DE

LARROQUE; tomes I-VI. — 1888-1896, 6 vol.

75. Lettres de Jean CHAPELAIN [1632-1672], publiées par Ph. TAMIZEY

TAMIZEY LARROQUE. — 1880-1883, 2 vol.

76. Documents historiques inédits tirés des collections manuscrites

de la Bibliothèque royale, etc., publiés par CHAMPOLLIONFIGEAC. — 1841-1848, 4 vol., et table (1874), 1 vol.

77. Mélanges historiques, choix de documents [publiés pardivers].

— 1873-1886, 5 vol.

VI. — Publications archéologiques.

78. Recueil de diplômes militaires, publié par L. RENIER; 1re livraison.

livraison. 1876, 1 vol.

79. Étude sur les sarcophages chrétiens antiques de la ville d'Arles,

par Edm. LE BLANT. — 1878, 1 vol. in-fol.

80. Les sarcophages chrétiens de la Gaule, par Edm. LE BLANT. —

1886, 1 vol. in-fol.

81. Nouveau recueil des inscriptions chrétiennes de la Gaule antérieures

antérieures VIIIc siècle, par Edm. LE BLANT. — 1892, 1 vol.

* 82. Architecture monastique, par Albert LENOIR. — 1852-1856, 2 vol.

* 83. Étude sur les monuments de l'architecture militaire des Croisés en Syrie et dans l'île de Chypre, par Guillaume REY.

— 1871, 1 vol.

* 84. Monographie de l'église Notre-Dame de Noyon, par L. VITET et D. BAMÉE. — 1845, 1 vol., et atlas in-fol.

— 85. Monographie de la cathédrale de Chartres [par LASSUS et Amaury DUVAL]. Explication des planches par J. DURAND.

— 1867-1886, atlas in-fol., et 1 vol.

* 86. Notice sur les peintures de l'église de Saint-Savin, par P. MÉRIMÉE. — 1845, 1 vol. in-fol.


— 87. Statistique monumentale (spécimen). Rapport sur les monuments

monuments des arrondissements de Nancy et de Toul, par E. GRILLE DE BEUZELIN. — 1837, 1 vol., et atlas in-fol.

88. Statistique monumentale de Paris, par Albert LENOIR. —

1867, 1 vol., et atlas in-fol.

89. Inscriptions de la France du Ve au XVIIIe siècle. Ancien diocèse

de Paris, par F. DE GUILHERMY et R. DE LASTEYRIE.— 18731883, 5 vol.

* 90. Iconographie chrétienne. Histoire de Dieu, par DIDRON. —

184 3, 1 vol.

— 91. Recueil de documents relatifs à l'histoire des monnaies frappées

par les rois de France, depuis Philippe II jusqu'à François 1er, par F. DE SAULCY; tome I [1179-1380]. — 1879, 1 vol.

92. Inventaire des sceaux de la collection Clairambault à la Bibliothèque

Bibliothèque par G. DEMAY. — 1885-1886, 2 vol.

93. Inventaire du mobilier de Charles V, roi de France [1380],

publié par J. LABARTE. — 1879, 1 vol.

94. Comptes de dépenses de la construction du château de Gaillon

[1501-1509], publiés par A. DEVILLE. — 1850, 1 vol., et atlas in-fol.

95. Comptes des bâtiments du Roi sous le règne de Louis XIV,

publiés par J. GUIFFREY; tomes I-IV. — 1881-1896, 4 vol.

VII. — Rapports, instructions, etc.

96. Rapports au Roi [par F. GUIZOT]. — 1835, 1 vol.

97. Rapports au Ministre [par divers]. — 1839, 1 vol.

— 98. Instructions du Comité historique des arts et monuments [par divers]. — 1839-1843 et 1857, 4 fasc, et 2 vol.

_ 99. Rapports au Ministre sur la Collection des documents inédits de l'histoire de France [par divers]. — 1874, 1 vol.

100. Le Comité des travaux historiques et scientifiques; histoire et documents, par X. CHARMES. — 1886, 3 vol.


— 9 —

101. Dictionnaires topographiques des départements. — 18611891, 21 vol.

1. Aisne, par Matton. — 1871. a. Alpes (Hautes-), par Roman.

— 1886.

3. Aube, par Boutiot et Socard.

— 1876.

4. Calvados, par Hippeau. — 1883.

5. Cantal, par Amé. — 1897.

6. Dordogno, par A. de Gourgues.

Gourgues. 1873.

7. Drôme, par Brun-Durand.

— 1891.

8. Eure, par le marquis de

Blosseville. — 1878. g. Eure-et-Loir, par L. Merlet. — 1861. 10. (Jard, par Germer-Durand.

— 1868.

11. Hérault, par Thomas. — 1865. 12. Marne, par Longnon. — 1891. 1 3. Mayenne, par Maître. — 1878. ift. Meurthe, par Lepage. — 1862. 15. Meuse, par Liénard. — 1872.

16. Morbihan, par Rosenzweig. —

1870.

17. Moselle, par E. de Bouteiller. —

1874.

18. Nièvre, par G. de Soultrait. —

1865.

19. Pyrénées (Basses-), par Raymond.

Raymond. 1863. 20. Rhin (Haut-), par Stofel. —

1868. 21. Vienne, par Rédet. — 1881. 22. Yonne, par Quantin. — 1862.

102. Répertoires archéologiques des départements. — 1861-1888, 8 vol.

1. Alpes (Hautes-), par Roman.

— 1888.

a. Aube, par H. d'Arbois de

Jubainville. — 1861. 3. Morbihan, par Rosenzweig.

— 1863.

4. Nièvre,par G.de Soultrait.— 1870.

5. Oise, par Woillez. — 1862.

6. S.eine-Inférieure, par l'abbé Cochet.

Cochet. 1873.

7. Tarn, par Grozes. — 1865.

8. Yonne, par Quantin. — 1868.

103. Bibliographie générale des travaux historiques et archéologiques publiés par les Sociétés savantes de la France, par R. DE LASTEYRIE, E. LEFÈYRE-PONTALIS et E.-S. BOUGENOT; tomes I et II, et fasc. 1 du tome III. — 1888-1897, 3 vol.


— 10 —

Sous presse,

1. Becueil de chartes de l'abbaye de Cluny, publié par Alex.

BRUEL; tome VI.

2. Rôles gascons, publiés par Ch. BÉONT; tome II.

3. Correspondance administrative d'Alforise de Poitiers, publiée

pat Aug. MOLINIER ; tome II

4. Documents relatifs aux comtés de Champagne et de Brie (XIIeXIVe siècle), publiés par A. LONGNON,

5. États généraux de Philippe le Bel, publiés par G. PICOT.

6. Journaux du trésor de Philippe de Valois, publiés par

J. VIARD.

7. Lettres de Catherine DE MÉDICIS, publiées par BAGUENAULT DE

PUCHESSE; tome VII.

8. Lettres du cardinal MAZARIN, publiées par G. D'AVENEL;

tome IX.

9. Lettres de PEIRESC, publiées par Ph. TAMIZEY DE LARROQUE;

tome VII.

10. Les Médailleurs français, du XVe siècle au milieu du XVIIe;

documents publiés par F. MAZEROLLE.

11. Comptes des bâtiments du Roi sous le règne de Louis XIV,

publiés par J. GUIFFREY; tome V.

12. Missions archéologiques françaises en Orient aux XVIIe et

XVIIIe siècles; documents publiés par H. OMONT,

13. Remontrances du Parlement de Paris au XVIIIe siècle, publiées

par J. FLAMMERMONT; tome III.

14. Recueil de documents relatifs à la convocation des Etats généraux

généraux 1789, publié par A. BRETTE; tome III.

15. Procès-verbaux du Comité d'instruction publique de la Convention

Convention publiés par J. GUILLAUME; tome IV.


— 11 —

16. Recueil des actes du Comité de salut public, publié par

F.-A. AULARD; tome XII.

17. Correspondance générale de Carnot, publiée par Et. CHARAVAY ;

tome IV.

18. Bibliographie générale des travaux historiques et archéologiques publiés par les Sociétés savantes de la France, par R. DE LASTEYRIE et E.-S. BOUGENOT; tome III, fasc. 2.



BULLETIN

HISTORIQUE ET PHILOLOGIQUE

DU

COMITÉ DES TRAVAUX HISTORIQUES ET SCIENTIFIQUES.

LISTE DES MEMBRES

DE LA. SECTION D'HISTOIRE ET DE PHILOLOGIE DU COMITE DES TRAVAUX HISTORIQUES ET SCIENTIFIQUES, DES MEMBRES HONORAIRES ET DES MEMBRES NON RESIDANTS DU COMITE, DES CORRESPONDANTS HONORAIRES ET DES CORRESPONDANTS DU MINISTERE.

I MEMBRES DE LA SECTION D'HISTOIRE ET DE PHILOLOGIE.

Président :

M. DELISLE (Léopold), membre de l'Institut, administrateur général de la Bibliothèque nationale, rue des Petits-Champs, 8.

Vice-Président :

M. PARIS (Gaston), de l'Académie française, administrateur du Collège de France.

Secrétaire :

M. GAZIER, professeur adjoint à la Faculté des lettres de l'Université de Paris, rue Denfert-Rochereau, 22.

.... Membres :

MM.

AULARD, professeur à la Faculté des lettres de l'Université de Paris,

place de l'École, 1.

HlST. ET PHILOL. Nos 1-2. 1


MM. BAGUENAULT DE PUCHESSE, membre de la Société historique et archéologique de l'Orléanais, rue Vignon, 18.

BARTHÉLÉMY (Anatole DE), membre de l'Institut, rue d'Anjou, 9.

BOISLISLE (Arthur DE), membre de l'Institut, boulevard Saint-Germain, 174.

BOISSIER (Gaston), secrétaire perpétuel de l'Académie française, professeur au Collège de France, quai Conli, 2 3.

BRUEL, sous-chef de section aux Archives nationales, rue du Luxembourg, 30.

LABORDE (Joseph DE), archiviste honoraire aux Archives nationales, quai d'Orsay, 25.

LANGLOIS (Victor), chargé de cours à la Faculté des lettres de l'Université de Paris, rue de Tournon, 2.

LONGNON, membre de l'Institut, professeur au Collège de France, rue de Bourgogne, 50.

LUÇAY (DE), ancien maître des requêtes au Conseil d'État, rue de Varenne, go.

MARTY-LAVEAUX (Charles), professeur honoraire à l'École des chartes, rue Pelletan, 19, à Vitry-sur-Seine.

MEYER (Paul), membre de l'Institut, directeur de l'École des chartes, professeur au Collège de France, avenue La Bourdonnais, 16.

MONOD (Gabriel), membre de l'Institut, maître de conférences à l'École normale supérieure, rue de Clagny, 18 bis, à Versailles.

OMONT (Henry), conservateur adjoint à la Bibliothèque nationale, rue Raynouard, 30.

PICOT (Georges), secrétaire perpétuel de l'Académie des sciences morales et politiques, rue Pigalle, 54.

SERVOIS (Gustave), directeur des Archives nationales.

SOREL (Albert), de l'Académie française, secrétaire général de la présidence du Sénat, au palais du Luxembourg.


Il

MEMBRES HONORAIRES DU COMITÉ. MM.

ARBOIS DE JUBAINVILLE (H. D'), membre de l'Institut, professeur au

Collège de France, boulevard du Montparnasse, 84.

AUDREN DE KERDREL, sénateur, rue de Grenelle, 18.

BAYET, correspondant de l'Institut, directeur de l'Enseignement primaire au Ministère de l'instruction publique.

BERTRAND (Joseph), de l'Académie française, secrétaire perpétuel de l'Académie des sciences, rue de Tournon, 4.

BLANCHARD, membre de l'Institut, professeur honoraire au Muséum d'histoire naturelle, rue de l'Université, 34.

BOUTAN, inspecteur général honoraire de l'instruction publique, boulevard Voltaire, 172.

BRÉAL (Michel), membre de l'Institut, professeur au Collège de France, rue d'Assas, 70.

BROUARDEL, membre de l'Institut, doyen de la Faculté de médecine de l'Université de Paris.

CHARMES (Xavier), membre de l'Institut, directeur honoraire au Ministère de l'instruction publique et des beaux-arts, rue Bonaparte, 17.

CHENNEVIÈRES (le marquis DE), membre de l'Institut, rue PaulLouis-Courier, 3.

COLLIN DE PLANCY, consul général et chargé d'affaires de France à Séoul (Corée).

CROSSE, directeur du Journal de conchyliologie, rue Tronchet, 25.

DELABORDE (le comte Henri), membre de l'Institut, rue de l'Université, 8.

DESJARDINS (Gustave), chef de bureau honoraire au Ministère de l'instruction publique, rue du Cherche-Midi, 34.

Du MESNIL, ancien conseiller d'État, rue Gay-Lussac, 36.

FAYE, membre de l'Institut, rue Cortambert, 39.


— 4 —

MM.

FIERVILLE, proviseur honoraire, rue de Charenton, 241.

HEUZEY, membre de l'Institut, avenue Bosquet, 3 bis.

JANSSEN, membre de l'Institut, directeur de l'Observatoire de Meudon.

LAFERRIÈRE, vice-président du Conseil d'État, rue Saint-Lazare, 62.

LAVISSE, de l'Académie française, professeur à la Faculté des lettres de l'Université de Paris, rue de Médicis, 5.

LEFÈVRE-PONTALIS (Antonin), membre de l'Institut, rue des Mathurins, 3.

LEROY-BEAULIEU (Paul), membre de l'Institut, avenue du Bois-deBoulogne, 27.

MOWAT, membre de la Société nationale des antiquaires de France, rue des Feuillantines, 10.

PASSY (Louis), membre de l'Institut, député, rue de Clichy, 45.

RAVAISSON-MOLLIEN (Félix), membre de l'Institut, quai Voltaire, 11.

RENDU (Eugène), inspecteur général honoraire de l'instruction publique, rue de Clichy, 51.

RICHET (Charles), membre de l'Académie de médecine, professeur à la Faculté de médecine de l'Université de Paris, rue de l'Université, i5.

ROCHAS D'AIGLUN (le lieutenant-colonel DE), administrateur de l'École polytechnique.

ROUSSEL (le docteur), membre de l'Institut, sénateur, rue du Faubourg-Saint-Honoré, 71.

STRUVE, directeur de l'Observatoire de Pulkova (Russie).

VAN TIEGHEM, membre de l'Institut, professeur au Muséum d'histoire naturelle, rue Vauquelin, 22

WATTEVILLE (le baron O. DE), directeur honoraire au Ministère de l'instruction publique, boulevard Malesherbes, 63.

ZEYS, conseiller à la Cour de cassation.


III

MEMBRES NON RÉSIDANTS DU COMITÉ. MM.

ALLMER (Auguste), correspondant de l'Institut, à Lyon.

BABEAU (Albert), correspondant de l'Institut, à Troyes.

BEAUREPAIRE (Charles DE ROBILLARD DE), correspondant de l'Institut, archiviste du département de la Seine-Inférieure.

BLANCARD (Louis), correspondant de l'Institut, archiviste du département des Bouches-du-Rhône.

BLEICHER, professeur à l'École supérieure de pharmacie de l'Université de Nancy.

BOURIANT, directeur de l'Institut français d'archéologie orientale, au Caire.

BRUN-DURAND (Justin), à Crest (Drôme).

BULLIOT, président de la Société éduenne, à Autun.

CAILLEMER, correspondant de l'Institut, doyen de la Faculté de droit de l'Université de Lyon.

CARTAILHAC, directeur de la Revue d'anthropologie, à Toulouse.

CHANTRE (Ernest), sous-directeur du muséum des sciences naturelles de Lyon.

CHEVALIER (le chanoine Ulysse), correspondant de l'Institut, à Romans.

COURNAULT (Charles), conservateur du musée lorrain, à Malzéville, près Nancy.

CROIX (le P. Camille DE LA), membre de la Société des antiquaires de l'Ouest, à Poitiers.

DELATTRE (le P.), correspondant de l'Institut, à Carthage. DERRÉCAGAIX (le général), commandant la 36e division d'infanterie,

à Bayonne. DESNOYERS (l'abbé), conservateur du musée archéologique d'Orléans. DEZEIMERIS (Reinhold), correspondant de l'Institut, à Bordeaux, DUMOUTIER, directeur de l'enseignement, à Hanoï.


— 6 —

MM.

FINOT (Jules), archiviste du département du Nord

FOURNIER, professeur à la Faculté de droit de l'Université de Grenoble.

GARNIER, archiviste du département de la Côte-d'Or.

GASTÉ (Armand), professeur à la Faculté des lettres de l'Université de Caen.

GAUCKLER, inspecteur chef du service des antiquités et des arts de la Régence, à Tunis.

GRANDMAISON (Charles LOIZEAU DE), correspondant de l'Institut, archiviste honoraire du déparlement d'Indre-et-Loire.

HARMAND(le docteur), ministre plénipotentiaire de France à Tokyo.

JULLIOT, président de la Société archéologique de Sens.

KERVILER (René), ingénieur en chef des ponts et chaussées, â Saint-Nazaire.

LA BORDERIE (Arthur DE), membre de l'Institut, à Vitré.

LENNIER, directeur du muséum du Havre.

LIÈVRE, bibliothécaire de la ville de Poitiers.

MAÎTRE (Léon), archiviste du département de la Loire-Inférieure.

MARSY (le comte DE), directeur de la Société française d'archéologie, à Compiègne.

MAXE-WERLY (Léon), président de la Société des lettres, sciences et arts de Bar-le-Duc.

MIREUR , archiviste du département du Var.

MORGAN (DE), délégué général à la Direction des fouilles archéologiques en Perse.

OEHLERT, conservateur du musée d'histoire naturelle de Laval.

PAPIER (Alexandre), président de l'Académie d'Hippone, à Bône, département de Constantine.

PETIT (Ernest), président de la Société des sciences historiques et naturelles de l'Yonne, à Auxerre.

PILLOY (Jules), ancien agent voyer d'arrondissement, à SaintQuentin.


— 7 —

MM. PORT (Célestin), membre de l'Institut, archiviste du département de Maine-et-Loire.

POULLE (Alexandre), ancien président de la Société archéologique de Constantine, à Montauroux (Var).

BÉVOIL (Henri), correspondant de l'Institut, architecte du Gouvernement, à Nîmes.

RONDOT (Natalis), correspondant de l'Institut, rue Saint-Joseph, 20, à Lyon.

ROSCHACH, archiviste de la ville, conservateur du musée archéologique de Toulouse.

ROSTAND (Eugène), publiciste, à Marseille.

SABATIER, doyen de la Faculté des sciences de l'Université de Montpellier.

SAIGE (Gustave), correspondant de l'Institut, conservateur des archives et de la bibliothèque du Palais de Monaco.

SAUVAGE (le docteur), conservateur du musée de Boulogne-surMer.

TEISSIER (Octave), bibliothécaire de la ville de Draguignan.

THIOLLIER, membre de la Société historique et archéologique du Forez la Diana, rue de la Bourse, 28, à Saint-Etienne.

TRUTAT, conservateur du muséum d'histoire naturelle de Toulouse.

VILLEY, correspondant de l'Institut, doyen de la Faculté de droit de l'Université de Caen.

IV

CORRESPONDANTS HONORAIRES DU MINISTÈRE.

ALRIC, interprète pour les langues orientales au Ministère des affaires étrangères.

ARBAUMONT (Jules D'), secrétaire de la Commission des antiquités de la Côte-d'Or, à Dijon.

ARBELLOT (le chanoine), président de la Société archéologique et historique du Limousin, à Limoges.


— 8 —

MM.

BARBIER DE MONTAULT (le chanoine), à Poitiers.

BARCKHAUSEN, professeur à la Faculté de droit de l'Université de Bordeaux.

BASSET, directeur de l'École supérieure des lettres d'Alger.

BAZIN- DE BEZONS, proviseur du lycée de Reims.

BEAUCHET, professeur à la Faculté de droit de l'Université de Nancy.

BERTHOLON (le docteur), à Tunis.

BIGARNE (Charles), membre de la Société archéologique de Beaune, à Chorey (Côte-d'Or).

BOULARD (Gustave), directeur des contributions directes en retraite, rue de la Bienfaisance, 4, à Paris.

BROCARD, membre de la Société historique et archéologique de

Langres.

CHATEL (Eugène), ancien archiviste du département du Calvados, rue Vavin, 5, à Paris.

CHÉNON, professeur adjoint à la Faculté de droit de l'Université de Paris, rue des Écoles, 3o.

CHEVREUX, archiviste du département des Vosges.

CLOSMADEUC (le docteur DE), président de la Société polymathique du Morbihan, à Vannes.

CONTADES (le comte DE), membre de la Société historique et archéologique de l'Orne, à Magny-le-Désert.

COURMEAUX, conservateur de la bibliothèque et du musée de la ville de Beims.

DEJEANNE (le docteur), à Bagnères-de-Bigorre.

DION (A. DE), président de la Société archéologique de Rambouillet, à Montfort-l'Amaury (Seine-et-Oise).

DISSARD, conservateur des musées de la ville de Lyon.

DOMERGUE, à Saint-Geniez-sur-Lot (Aveyron).

DUHAMEL, archiviste du département de Vaucluse.

ESTAINTOT (le comte D'), avocat, à Rouen.


— 9 —

MM.

FARGES (le capitaine), attaché aux affaires indigènes, à Constantine.

FROSSARD, pasteur de l'Église réformée, à Bagnères-de-Bigorre.

GARNIER (le chanoine), curé de Corlée (Haute-Marne).

GARRIGOD (le docteur), président de l'Association pyrénéenne, à Toulouse.

GAUTIER (l'abbé), curé de Saint-Cyr-l'École (Seine-et-Oise).

GIDE, professeur à la Faculté de droit de l'Université de Montpellier.

GUESNON, professeur honoraire de l'Université, rue du Bac, 93, à Paris.

GUIGNARD, bibliothécaire de la ville de Dijon.

GUIGUE (Georges), archiviste du département du Rhône.

HÉRELLE, professeur au lycée de Bayonne.

JULLIAN (Camille), professeur à la Faculté des lettres de l'Université de Bordeaux.

JUSSIEU (DE), ancien archiviste du département de la Savoie, à Chambéry.

LEBLANC, ancien conservateur du musée de Vienne, à Saint-Laurent-de-Chamousset (Rhône).

LE BRETON (Gaston), correspondant de l'Institut, directeur du musée des antiquités de la Seine-Inférieure et du musée céramique de Bouen.

LECHEVALLIER-CHEVIGNARD, professeur à l'École des arts décoratifs, à Paris.

LEDIEU (Alcius), bibliothécaire de la ville d'Abbeville.

LEMIRE (Charles), ancien résident de France en Annam, boulevard de Latour-Maubourg, 14, à Paris.

LEROY, bibliothécaire de la ville de Melun.

LESCARRET, correspondant de l'Institut, à Bordeaux.

LEYMARIE (Camille), conservateur de la bibliothèque communale, à Limoges.


10

MM. LIÉGEOIS, professeur à la Faculté de droit de l'Université de Nancy.

LOISELEUR, bibliothécaire honoraire de la ville d'Orléans.

LOTTIN DE LAVAL, aux Trois-Vals, près Bernay (Eure).

MAIGNIEN, bibliothécaire de la ville de Grenoble.

MARION, professeur à la Faculté des sciences de l'Université de Marseille.

MARIONNEAU, correspondant de l'Institut, à Bordeaux.

MONTÉGUT (DE), ancien magistrat, à Larochefoucauld (Charente).

MONTESSUS (le docteur DE), à Chalon-sur-Saône.

MOUGINS DE ROQUEFORT (le docteur), conservateur du musée d'Antibes.

MUGNIER , conseiller à la Cour d'appel de Chambéry.

PACQUETEAU, syndic des gens de mer, à Ténès (département d'Alger).

PAILLARD, au château de Charly, par Mazille (Saône-et-Loire).

PARROT (Armand), membre de la Société académique de Maine-etLoire, à Angers.

PICHE (Albert), à Pau.

PIETTE, archéologue, à Rumigny (Ardennes.)

POQUET (le chanoine), curé de Berry-au-Bac (Aisne).

POTHIER (le général), rue de Bellechasse, 14, à Paris.

PRAROND (Ernest), membre de la Société d'émulation d'Abbeville.

PRIVÂT, colonel du 49e régiment d'infanterie, à Bayonne.

BEVILLOUT, professeur honoraire à la Faculté des lettres de l'Université de Montpellier.

ROBERT (Zéphirin), ancien conservateur du musée de Lons-le-Saunier, à Bletterans (Jura).

ROSEROT (Alphonse), ancien archiviste de la Haute-Marne, rue Saint-Placide, 60.


— 11 —

MM.

SABATIER (Camille), inspecteur général des services administratifs au Ministère de l'intérieur.

SAINT-GENIS (Flour DE), ancien conservateur des hypothèques, château de la Rochette, par Semur (Côte-d'Or).

SAINTE-MARIE (Pricot DE), ancien consul de France à Santander, marques del Duero, 3, à Madrid.

SALEILLES, agrégé près la Faculté de droit de l'Université de Paris , rue du Pot-de-Fer, 10 bis.

SAUREL (l'abbé), membre de l'Académie des sciences et lettres de Montpellier.

SOUCAILLE (Antonin), ancien professeur de l'Université, secrétaire de la Société archéologique de Béziers.

SOULICB, conservateur de la bibliothèque de la ville de Pau.

TARTIÈRE, archiviste du département des Landes.

THOMAS, chargé de cours à la Faculté des lettres de l'Université de Paris, boulevard Raspail, 213.

VALLENTIN (Ludovic), juge au tribunal civil de Montélimar.

VERLAQUE (l'abbé), à Fréjus.

VERNEILH (le baron Jules DE), membre de la Société historique et archéologique du Périgord, à Puyraseau (Dordogne).

VÉTAULT, bibliothécaire de la ville de Rennes.

VOULOT (Félix), conservateur du musée d'Épinal.

V

CORRESPONDANTS DU MINISTERE.

ALLAIN (l'abbé), archiviste diocésain, à Bordeaux.

ANDRÉ (Edouard), archiviste du département de l'Ardèche.

ANDRÉ (Ferdinand), ancien archiviste du département delà Lozère, rue Rougier, 14, à Marseille.

ARNAUD, notaire, à Barcelonnette.


— 12 —

MM.

AUBÉPIN, archiviste du département du Cantal.

AUDIAT (Louis), président de la Société des archives historiques de la Sainlonge et de l'A unis, à Saintes.

AUTORDE, archiviste du département de la Creuse.

BARBAUD, archiviste du département de la Vendée.

BARDEY, négociant à Aden.

BARDON, receveur des domaines, à Nîmes.

BARDY, président de la Société philomathique vosgienne, à Saint-Dié.

BAYE (le baron Joseph DE), membre de la Société nationale des antiquaires de France, à Baye, par Montmort (Marne).

BEAUNE (Henri), avocat, à Lyon.

BEAUREPAIRE (Eugène DE ROBILLARD DE), secrétaire de la Société des antiquaires de Normandie, à Caen.

BEAUVOIS, à Corberon (Côte-d'Or).

BERTHELÉ (Joseph), archiviste du département de l'Hérault.

BERTHOMIEU, secrétaire de la Commission archéologique de Narbonne.

BERTRAND (Louis), conservateur du musée de Philippeville.

BEYLIÉ (DE), membre de la Société de statistique, des sciences naturelles et des arts industriels de l'Isère, à Grenoble.

BLANCHET, professeur au lycée de Constantine.

BLED (l'abbé), président de la Société des antiquaires de la Morinie, à Saint-Omer.

BLOCH, archiviste du département du Loiret.

BONDURAND (BLIGNY-), archiviste du département du Gard.

BONNO (l'abbé), curé de Chenoise (Seine-et-Marne).

BORDIER, contrôleur civil en retraite, à Hammamet (Tunisie).

BORREL, architecte, à Moutiers (Savoie).

BOURBON, archiviste du département de l'Eure.

BOURDERY (Louis), avocat, à Limoges.


— 13 —

MM.

BOURGEOIS (Alfred), archiviste du département de Loir-et-Cher.

BRAQUEHAYE, directeur de l'École municipale de dessin, à Bordeaux.

BRAY (DE), capitaine au 4e régiment de tirailleurs, à Sousse (Tunisie).

BROCARD (le commandant), chef de bataillon du génie en retraite, à Bar-le-Duc.

BRUCHET (Max), archiviste du département de la Haute-Savoie.

BRUNE (l'abbé), curé de Baume-les-Messieurs (Jura).

BRUTAILS, archiviste du département de la Gironde.

BRY (Georges), professeur à la Faculté de droit de l'Université d'Aix.

BUREAU (le docteur Louis), directeur du Muséum d'histoire naturelle, à Nantes.

CABANES, membre de la Société d'études des sciences naturelles de Nîmes, secrétaire général de la Société d'horticulture du Gard.

CARDAILLAC (DE), conseiller à la Cour d'appel d'Agen.

CARRIÈRE, président de la Société d'études des sciences naturelles de Nîmes.

CARSALADE DU PONT (le chanoine DE), président de la Société historique de Gascogne, à Auch.

CARTON (le docteur), médecin-major au 19e régiment de chasseurs, à Lille.

CAZALIS DE FONDOUCE, secrétaire général de l'Académie des sciences et lettres de Montpellier.

CHATELLIER (Paul DU), archéologue, au château de Kernuz, par Pont-1'Abbé (Finistère).

CHAUVIGNÉ, vice-président de la Société de géographie de Tours.

CHAVANON, archiviste du département de la Sarthe.

CLAUDON, archiviste du département de l'Allier.

CLERVAL (l'abbé), docteur es lettres, à Chartres.

COMBARIEU, archiviste du département du Lot.


— 14 —

MM. CORNILLON, conservateur du musée de Vienne (Isère).

GORTEZ (Fernand), à Saint-Maximin (Var).

COUARD, archiviste du département de Seine-et-Oise.

COURANT (Maurice), interprète au Consulat de France à Tien-Tsin (Chine).

COUTIL (Léon), président de la Société normande d'études préhistoriques, aux Andelys (Eure).

DANNREUTHER (Henri), pasteur de l'église réformée, à Bar-le-Duc

(Meuse).

DAST LE VACHER DE BOISVILLE, secrétaire de la Société des archives historiques de la Gironde, à Bordeaux.

DEMAISON, archiviste municipal de la ville de Reims.

DESDEVISES DU DÉZERT, professeur à la Faculté des lettres de l'Université de Clermont-Ferrand, président de la Société d'émulation de l'Auvergne.

DESPLANQUE, archiviste du département des Pyrénées-Orientales.

DOUAIS (le chanoine), vicaire général à Montpellier.

DLBARAT (l'abbé), aumônier du lycée de Pau.

DUJARRIC-DESCOMRES, vice-président de la Société historique et archéologique du Périgord, à Périgueux.

DUMOULIN (Maurice), professeur de l'Enseignement secondaire, en congé, boulevard François Ier, au Havre.

DURAND (Georges), archiviste du département de la Somme.

DUTILLEUX , chef de division à la préfecture de Versailles, secrétaire de la Commission départementale des antiquités et des arts de Seine-et-Oise.

DUVAL, archiviste du département de l'Orne.

DUVERNOY, archiviste du département de Meurthe-et-Moselle.

DYBOWSKY (Jean), directeur de l'agriculture et du commerce de la Régence, à Tunis.

ECK (Théophile), conservateur du musée de Saint-Quentin.


— 15 —

MM.

ESPÉRANDIEU, professeur à l'École militaire d'infanterie, à SaintMaixent (Deux-Sèvres).

FAGE (René), avocat, à Limoges.

FAVIER, conservateur de la bibliothèque de la ville de Nancy.

FERRAND (Gabriel), vice-consul de France, à Oubone, par Bassac, via Saigon (Siam).

FILLET (l'abbé), curé d'Allex (Drôme).

FLAMARE (DE), archiviste du département de la Nièvre.

FLEURY (Paul DE), archiviste du département de la Charente.

FOUQUET (le docteur), archéologue, au Caire.

FOURDRIGNIER, receveur des contributions indirectes, à Sèvres (Seineet-Oise).

FOUREAU (Fernand), à Biskra.

FRÉMINVILLE (DE), archiviste du département de la Loire.

GAUTHIER (Jules), archiviste du département du Doubs.

GERMAIN (Léon), secrétaire perpétuel de la Société française d'archéologie, à Nancy.

GIRAUD, conservateur du musée archéologique de Lyon.

GIRAULT (Arthur), chargé de cours à la Faculté de droit de l'Université de Poitiers.

GRANDMAISON (LouisLOIZEAU DE), archiviste du département d'Indreet-Loire.

GRASSERIE (Raoul DE LA), juge au tribunal civil de Rennes.

GRASSET (le comte DE), archiviste adjoint honoraire du département des Bouches-du-Rhône, à la Tourelle, par Mazargues, près Marseille.

GRAVE, pharmacien, à Mantes (Seine-et-Oise).

GSELL, professeur à l'Ecole supérieure des lettres d'Alger. GUILLAUME (l'abbé), archiviste du département des Hautes-Alpes.


— 16 —

MM.

GUYOT, sous-directeur de l'École nationale forestière de Nancy, président de la Société d'archéologie lorraine et du musée historique lorrain.

HABASQUE, conseiller à la Cour d'appel de Bordeaux.

HANNEZO, capitaine au 108e régiment d'infanterie, à Bergerac.

HAUTREUX, ancien directeur des mouvements du port, à Bordeaux.

HÉRON, professeur libre, à Bouen.

HUBERT (Eugène), archiviste du département de l'Indre.

HUGUES, archiviste du département de Seine-et-Marne.

ISNARD, archiviste du département des Basses-Alpes.

JADART, secrétaire général de l'Académie nationale de Reims.

JARRY (Louis), membre de la Société historique et archéologique de l'Orléanais, à Orléans.

JOUAN (le commandant), capitaine de vaisseau en retraite, à Cherbourg (Manche).

JOUBIN, professeur à la Faculté des sciences de l'Université de Rennes.

JOVY, professeur au collège de Vitry-le-François.

LABANDE, conservateur de la bibliothèque de la ville et du musée Calvet, à Avignon.

LABAT, ancien président de la Société des archives historiques de la Gironde, à Bordeaux.

LABROUCHE, archiviste du département des Hautes-Pyrénées.

LACROIX, archiviste du département de la Drôme.

LAHONDÈS (DE), membre de la Société archéologique du Midi de la France, à Toulouse.

LAIGUE (DE), consul général de France à Rotterdam.

LAUGARDIÈRE (DE), membre de la Société des antiquaires du Centre, à Bourges.

LAURENT, archiviste du département des Ardennes.


— 17 —

MM.

LE CLERT, conservateur du musée archéologique de Troyes.

LEMOINE, archiviste du département du Finistère.

LEMPEREUR, archiviste du département de l'Aveyron.

LEROUX, archiviste du département de la Haute-Vienne.

L'ESPINASSE-LANGEAC (le vicomte DE), président de la chambre consultative d'agriculture de Tunisie, à Sfax.

LETAINTURIER (Gabriel), publiciste, sous-préfet de Châteaudun.

LEX, archiviste du département de Saône-et-Loire.

LHUILLIER, chef de division à la préfecture de Melun.

LHUILLIER (Victor), membre du Conseil départemental des bâtiments civils de l'Oise, à Beauvais..

LIBOIS, archiviste Au département du Jura.

L'ISLE DUDRENEUC (Pitre DE), conservateur-directeur du musée archéologique de Nantes.

LOIR (le docteur), directeur du laboratoire de bactériologie et de vinification, à Tunis.

MALAVIALLE, secrétaire général de la Société languedocienne do géographie, à Montpellier.

MARTIN (l'abbé J.-B.), membre de la Société littéraire, historique et archéologique, à Lyon.

MÉLOIZES (le marquis DES), membre de la Société des antiquaires du Centre, à Bourges.

MÉLY (DE), au château de Mesnil-Germain, par Fervacques ( Calvados).

MERCIER (Ernest), président de la Société archéologique de Constantine.

MERLET (René), archiviste du département d'Eure-et-Loir.

MÉTAIS (l'abbé), secrétaire-archiviste de l'évêché, à Chartres.

MINGAUD (Galien), secrétaire général de la Société d'études des sciences naturelles de Nîmes.

MONCEAUX, membre de la Société des sciences historiques et naturelles de l'Yonne, à Auxerre.

HlST. ET PHILOL. Nos 1-2. 2


— 18 —

MM. MONLEZUN, lieutenant-colonel du 4e régiment de tirailleurs algériens, à Sousse (Tunisie).

MOREL (l'abbé), curé de Chevrières (Oise).

MOREL (Léon), receveur particulier des finances en retraite, à Reims.

MORIS, archiviste du département des Alpes-Maritimes.

MUSSET (Georges), bibliothécaire de la ville de la Rochelle.

NICAISE (Auguste), membre de la Société d'agriculture, commerce, sciences et arts de Châlons-sur-Marne.

OTTAVI, vice-consul de France, à Mascate.

PAGART D'HERMANSART, secrétaire général de la Société des antiquaires de la Morinie, à Saint-Omer.

PARFOURU, archiviste du département d'Ille-et-Vilaine.

PASCAUD, conseiller à la Cour d'appel de Chambéry.

PASQUIER, archiviste du département de la Haute-Garonne.

PATY DE CLAM (le comte DU), chef du poste de Kouadiokofi, par Grand-Lihou (Côte-d'Ivoire).

PÉLICIER (Paul), archiviste du département de la Marne.

PÉLISSIER (Léon-G.), professeur à la Faculté des lettres de l'Université de Montpellier.

PÉRATHON (Cyprien), à Aubusson (Creuse).

PEV (Joanny), membre de la Société d'économie politique, cours Morand, 3o, à Lyon.

PIGEON (le chanoine), membre de la Société académique de Coutances.

Coutances.

PLANCOUARD, membre de la Commission départementale des antiquités et des arts de Seine-et-Oise, à Berck-Plage (Pas-de-Calais)..

PORTAL (Charles), archiviste du département du Tarn.

POTTIER (le chanoine), président de la Société archéologique de Tarn-et-Garonne, à Montauban.

PRADÈRE (Bertrand), conservateur du musée du Bardo, à Tunis.


— 19 —

MM.

PRUDHOMME, archiviste du département de l'Isère, secrétaire perpétuel de l'Académie delphinale.

RAFFRAY, consul de France, au Cap.

BANÇON (le docteur André), médecin principal des colonies, à Tamatave (Madagascar).

REBILLET, chef de bataillon au 4e régiment de zouaves, à Tunis.

RENAULT (Bernard), président de la Société des sciences naturelles d'Autun.

REQUIN (l'abbé), à Avignon.

REVON (Michel), professeur à la Faculté de droit de l'Université de Tokio.

REYMOND (Marcel), à Grenoble.

BICHARD (Alfred), archiviste du département de la Vienne.

RICHEMOND ( Meschinet DE), archiviste du département de la CharenteInférieure.

RICOUARD, président de la Commission des antiquités départementales du Pas-de-Calais, à Arias.

RIVIÈRES (le baron DE), secrétaire adjoint de la Société archéologique du Midi de la France, àAIbi (Tarn).

ROCHEMONTEIX (DE), correspondant de la Commission des monuments historiques, maire de Cheylade (Cautal).

ROCHER, consul de France, à Malte.

ROMAN (Joseph), au château de Picomtal, par Embrun (Hautes-Alpes).

ROUCHON, archiviste du département du Puy-de-Dôme.

ROULE, professeur à la Faculté des sciences de l'Université de Toulouse.

ROUSSET, correspondant de la Société nationale des antiquaires de France, à Uzès.

ROUVIER (le docteur), professeur à la Faculté française de médecine de Beyrouth.

BUPIN (Ernest), président de la Société historique et archéologique de la Corrèze, à Brive.

2


0

MM.

AINT-ENANT DE), inspecteur es forêts, à evers.

SCHIRMER, professeur à la aculté des lettres de 'Université de yon.

SOUCHON, archiviste du département de 'Aisne.

STEENACKERS, consul de rance, à agasaki.

SARTE Victor E), résorier-payeur général des finances, à ille.

THOISON Eugène), membre de la ociété historique et rchéologique du Gâtinais à Larchant (Seine-et-Marne).

THOLIN, archiviste du département de Lot-et-Garonne.

THOMAS (l'abbé), curé de Taverny (Seine-et-Oise).

THOULET, professeur à la Faculté des sciences de l'Université de

Nancy.

TRAVERS (Emile), archiviste-paléographe, à Caen.

TRIGER (Robert), vice-président de la Société historique et archéologique du Maine, au Mans.

TRIHIDEZ (l'abbé), aumônier du lycée de Reims.

TROUILLARD, archiviste du département de l'Ariège.

URSEAU (l'abbé), secrétaire de l'évêché, à Angers.

VALLETTE (René), inspecteur de la Société française d'archéologie, à Fontenay-Ie-Comte (Vendée).

VERNIER, archi\iste du département de la Savoie.

VIDAL, bibliothécaire de la ville de Perpignan.

VIGNAT (Gaston), membre de la Société historique et archéologique de l'Orléanais, à Orléans.

VILLEPELET (Ferdinand), archiviste du département de la Dordogne.

VILLERS, membre de la Société des sciences, arts et belles-lettres de Bayeux.

VISSIÈRE, premier interprèle de la légation de France, à Pékin.

WAILLE, professeur à l'École supérieure des lettres d'Alger.


SEANCE DU LUNDI 10 JANVIER 1898.

PRÉSIDENCE DE M. LÉOPOLD DELISLE, PRÉSIDENT. La séance est ouverte à 3 heures et demie.

Le procès-verbal de ia séance du lundi 6 décembre 1897 est lu et adopté.

M. LE PRÉSIDENT donne lecture d'une lettre de M. Gaston Paris qu'une indisposition empêche d'assister à la séance de ce jour.

En outre, M. Delisle fait part à la section de la mort de M. Buot de Kersers, président de la Société des antiquaires du Centre, membre non résidant du Comité. L'expression de nos regrets sera consignée au procès -verbal de nos séances.

Il est donné lecture de la correspondance, avec renvoi à divers rapporteurs des communications suivantes :

M. le chanoine DOUAIS, correspondant du Ministère, à Montpellier : Dénombrement des biens de l'abbaye de Grandselve en 1687. — Renvoi à M. Longnon.

M. René MERLET, correspondant du Ministère, à Chartres : Les coutumes de Lorris. — Renvoi à M. Omont.

M. Antonin SOUCAILLE, correspondant honoraire du Ministère; à Béziers : Hommage des habitants de Villeneuve h leur seigneur Roger Bernard de Lérys (1401). — Rénvoi à M. Paul Meyer.

Hommages faits à la Section :

Le vieux Mulhouse, documents d'archives publiés par les soins d'une Commission d'études historiques, tome II

M. le chanoine U. CHEVALLIER, membre non résidant du Comité : 1° Ordinaires de l'église cathédrale de Laon [XIIe et XIIIe siècles)


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suivis de deux mystères liturgiques publiés d'après les manuscrits originaux ;

2° Actes anciens et documents concernant le bienheureux Urbain V, pape, tome I.

M. le docteur COULON, à Cambrai : Contribution à l'histoire des remèdes; quelques pages d'un manuscrit picard du xve siècle.

M. GROISE-DUPÉRON, membre de la Société historique et archéologique du Maine : L'abbaye de Fontaine-Daniel (en collaboration avec M. Goutrion).

M. Gaston GAUTHIER, instituteur public à Champvert (Nièvre) :

1° Les droits de salage, saunage et minage de sel à Nevers au XVIe siècle;

2° Les registres de deux basses justices seigneuriales (XVIe et XVIIe siècles);

3° Notice historique sur la commune de Saint-Martin-d'Heuille (Nièvre);

4° Lettres de Pologne (XVIIe siècle); fragments inédits de la correspondance de Marie Cazimire de la Grange d'Arquian, reine de Pologne, de son père et de son frère;

5° Jeanne d'Arc en Nivernais;

6° Les anciennes ventes de bois en Nivernais;

7° Rogny et Saint-Eusoge ( Yonne) depuis les origines jusqu'à nos jours;

8° Monographie de la commune de Blanmart-la-Ferrière ( Nièvre).

M. René KERVILER, membre non résidant du Comité, à SaintNazaire : Répertoire général de bio-bibliographie bretonne. Livre I. Les Bretons; 26e fascicule.

M. LETAINTURIER-FRADIN, correspondant du Ministère, à Nogentsur-Seine : L'honneur et le duel.

M. RICHENET, professeur agrégé en retraite : Le patois de PetitNoir, canton de Chemin (Jura).

M. RUMEAD, directeur de l'école Saint-Sylve à Toulouse : Formalion du district de Grenade; la Gascogne en 1790.


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M. Léon DUVAL, correspondant du Ministère, à Alençon : La confrérie de Saint-Nicolas et les origines du théâtre à Alençon.

M. DE LOISNE : Le cartulaire du chapitre d'Arras.

Remerciements, dépôt à la bibliothèque.

M. DE BOISLISLE propose le dépôt aux archives d'une communication de M. Dujarric-Descombes : Lettre inédite sur l'arrestation des princes (1650)(1).

M. BRUEU propose l'insertion au Bulletin, après qu'on l'aura soumise à M. Meyer, d'une communication de M. l'abbé Dubarat : Arbitrage entre les chanoines de Bayonne des deux obédiences sur les revenus du chapitre, après le schisme d'Occident (avril 1418)(2).

MM. LANGLOIS et OMONT demandent le dépôt aux archives de deux communications, l'une de M. Soucailie : Sentence arbitrale portée par Pierre Bérenger; évêque d'Agde, en faveur des consuls de Marseillan, sur un différend survenu entre eux et Raimond de Tornel, commandeur de l' Hôpital de Saint-Jean de Jérusalem, au sujet de l'adduction des troupeaux dans un lieu de dépaissance, dit le Sagier 24 janvier 1277); l'autre de M. l'abbé Urseau : Traité d'alliance entre le duc d'Anjou et le roi de Portugal.

Sur la proposition de M. Gaston PARIS, une communication de M. René Merlet : Le poète chartrain Jehan le Marchant, chanoine de Péronne, sera insérée au Bulletin du Comité(3).

L'insertion est demandée par M. SERVOIS pour une communication de M. Flour de Saint-Genis : Note sur les minutes notariales de Semur (Cote-d'or) antérieures à 1790 (4).

M. DE BOISLISLE annonce que la Société de l'histoire de France commence la publication d'un recueil de Lettres-missives du roi Charles VIII, destiné à faire suite à celui des Lettres do Louis XI qui compte déjà six volumes, et qu'elle en a confié l'exécution à

(1) Voir à la suite du procès-verbal, (2) lbid. (3) lbid. (4) lbid.


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M. Pélicier, archiviste du département de la Marne et auteur d'une remarquable étude sur la régence d'Anne de Beaujeu. Il demande à la Section la permission d'insérer dans le Bulletin un appel aux correspondants du Ministère qui auraient connaissance de lettres de Charles VIII. La Société accueillerait les communications et indications avec une vive gratitude, soit qu'elles lui fussent adressées aux Archives nationales, rue des Francs-Bourgeois, n° 60 , ou bien à M. Pélicier lui-même, à Châlons-sur-Marne.

Le reste de la séance est consacré à un échange de vues entre les membres de la Section sur les récompenses qui pourraient être demandées à M. le Ministre en faveur des savants de province,' à l'occasion du Congrès de la Sorbonne de 1898.

La séance est levée à 5 heures.

Le Secrétaire de la Section d'histoire et de philologie,

A. GAZIER, Membre du Comité.

RAPPORT DM M. DE BOISLISLE

SUD UNE COMMUNICATION DE M. DUJARRIC-DESCOMBES.

M. Dujarric-Descombes a adressé au Comité une lettre inédite relative à l'arrestation des princes de Condé et de Conti et du duc de Longueville qui fit tant de bruit au temps de la régence d'Anne d'Autriche (18 janvier 1650), mais produisit pendant un temps d'heureux effets. La lettre est adressée à l'historien Denis Amelote, vicaire général de l'évêque de Périgueux et signée : MIRABEAU. M. Dujarric-Descombes estime que ce signataire pourrait être l'ancêtre du célèbre orateur qui fut le premier marquis du nom, c'està-dire Honoré III Riqueti (1622-1687), ancien enseigne de gendarmes, plus tard premier consul d'Aix et premier procureur du pays de Provence. Ce pourrait être plutôt un François-Marie de Mirabeau qui était, en ces temps-là, médecin ordinaire du roi et de Monsieur'1', et par conséquent attaché à la cour, tandis que

(1) Gazette de 1652, p. 1104; Arch. nat., Insinuations du Châtelet,Y 212, fol. 20.


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rien n'autorise à croire que Honoré Riqueti ou Biquety, officier de grade inférieur, eût ses entrées dans le Palais-Royal, et même fût resté à Paris au lieu de rentrer dans sa province(1). Cette supposition en faveur du médecin se corrobore par ce fait que la lettre renferme divers détails assez spéciaux sur l'état des santés de la reine régente, de Monsieur Gaston, de Madame, etc.

Quoi qu'il en soit de ce détail, la lettre, en elle-même, outre qn'il en manque un feuillet sur deux, ne nous apprend que bien peu de chose de plus que nous ne possédions jusqu'ici dans les très nombreux récits du temps'2'. Tout au plus y peut-on signaler quelques différences de détail dans le caractère de l'indisposition vraie ou prétendue qui retenait Anne d'Autriche à la chambre, ou dans la brève apostrophe de Condé à Guitaut l'arrêtant.,

Je ne crois donc pas qu'il y ait lieu d'insérer ce document dans le Bulletin, déjà trop surchargé, et je proposerai de le déposer aux archives du Comité, en adressant des remerciements à M. DujarricDescombes.

A. DE BOISLISLE,

Membre du Comité.

RAPPORT DE M. RRUEL

SUR UNE COMMUNICATION DE M. L'ABBE DUBARAT.

Notre zélé correspondant, M. l'abbé Dubarat, nous communique un document fort intéressant sur la manière dont le grand schisme d'Occident se termina dans le diocèse de Bayonne.

Ce document est le seul que notre correspondant ait pu trouver dans les archives des Basses-Pyrénées sur la période de 1378 à 1417, mais il méritait d'être tiré de l'oubli.

Pendant ce temps, en effet, le diocèse de Bayonne, qui s'étendait à la fois en France, en Espagne et en Navarre, fut divisé entre les deux obédiences.

( 1) On le suit jusqu'en 1663 dans les opérations militaires de Roussillon et de Piémont, où il avait reçu plusieurs blessures.

( 2) Voir Retz, Segrais, Monglat, Nicolas Goulas, Arnauld, Gourville, Choisy, Mme de Motteville, etc., la relation de Cominges publiée par Pli.Tamizey de Larroque en 1871, les documents reproduits dans le tome VI de Y Histoire des princes de Condé ou dans le tome III de l'Histoire de la minorité de Louis XIV, par Chéruel ; tes mss. franc. 4181 et Clairambault 290, etc.


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La partie espagnole et navarraise obéissait à Clément VII et à ses successeurs; la partie française (alors soumise au roi d'Angleterre) reconnut Urbain VI et ensuite Jean XXIII. Le concile de Constance, réuni pour élire le pape Martin V et rétablir la paix, se préoccupa spécialement du diocèse de Bayonne. Guillaume-Arnaud de Laborde, quoiqu'il appartint au parti de Pierre de Luna, autrement dit Benoît XIII, fut seul reconnu comme évêque par le Concile, qui ordonna une égale répartition des fruits et dîmes du chapitre entre les chanoines des deux obédiences. C'est pour obtempérer à cet ordre que fut passé le compromis communiqué par M. Dubarat, et sur lequel nous ne nous étendrons pas davantage, puisqu'il en a donné une analyse détaillée.

Nous ajouterons seulement que cet acte, outre sa valeur historique, offre encore un sérieux intérêt philologique. Il fournit une nouvelle preuve que dans le diocèse de Bayonne, au XVe siècle, les actes publics étaient rédigés en gascon. M. l'abbé Dubarat estime que le dialecte employé est le gascon maritime, encore usité à Bayonne et sur la côte depuis Biarritz jusqu'à Bordeaux.

Il signale, à cet égard, des particularités philologiques sur lesquelles nous demandons la permission d'attirer l'attention de noire collègue, M. Paul Meyer. Sa compétence spéciale sera tout à fait nécessaire pour l'établissement de ce texte, si, comme nous le demandons et l'espérons, le Comité veut bien lui accorder les honneurs de l'impression.

A. BRUEL,

Membre du Comité.

ARBITRAGE ENTRE LES CHANOINES DB BAYONNE DES DEUX OBÉDIENCES SUR LES REVENUS DU CHAPITRE, APRÈS LE SCHISME D OCCIDENT (Avril 1418).

Communication de M. Dubarat, aumônier du lycée de Pau.

Ce document porte deux cotes: l'une du temps, en latin, est ainsi formulée : Instrumentum compromissi inter canonicos résidentes in civitate Baione et canonicos in regnis Yspanye et Navarre moram trahenies, super fructibus.

L'autre, du chanoine Denis de Nyert, au XVIIe siècle, est en ces termes : Compromis passé entre quatre chanoines qui, au temps du


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schisme, s'estoient retirés en Navarre et Castille, diocèse de Bayonne, et jouissoient des dixmes et droits appartenants à l'église de Bayonne, et les autres chanoines qui résidoient à Bayonne et avoient jouy des dixmes, biens, cens, rentes et autres droits, dans le royaume de France, par lequel compromis il est dit que la plus part seront partagés esgallement, à la réserve des choses distribuelles manuellement. Du règne de Henry, roi de France et d'Angleterre, an 1418.

C'est un résumé complet du document. Voyons ce que nous dit l'histoire sur cette époque.

Pendant le schisme d'Occident, le diocèse de Bayonne fut partagé entré les deux obédiences qui se disputaient alors le monde catholique. Cela s'explique par le fait que ce diocèse s'étendait à la fois en France, en Espagne et en Navarre. La partie espagnole et navarraise obéit à Clément VII et à ses successeurs; la partie française (soumise alors aux rois d'Angleterre) reconnut Urbain VI et Jean XXIII.

Lorsque le concile de Constance se réunit pour élire le pape Martin V et rétablir la paix dans les diocèses troublés, il se préoccupa tout spécialement de celui de Bayonne. Pierre'de Mauloc, évêque de l'obédience des Papes italiens, venait à peine d'être nommé (1416). Guillaume-Arnaud de Laborde, ancien franciscain, appartenant au parti de Pierre de Lune (Benoît XIII), établi depuis longtemps à Saint-Jean-Pied-de-Port, disent les historiens bayonnais, fut reconnu comme seul évêque par le concile de Constance. Il prêta serment en cette qualité le 15 avril 1417(1). En même temps, le concile ordonna une juste répartition des fruits et des dîmes du chapitre entre les chanoines des deux obédiences (2).

Les archives du chapitre de Bayonne, encore très riches, et faisant partie du dépôt départemental des Basses-Pyrénées, sont presque absolument muettes sur les cinquantes années du grand schisme(1378-1417). Sans doute les archives du Vatican et peutêtre aussi celles de Pampelume nous réservent-elles des surprises à cet égard; mais, actuellement, nous ne possédons guère à Pau qu'un seul document rappelant la mémoire d'une si longue division. C'est une convention d'arbitrage au sujet des revenus du cha(

cha( J. Balasque, Études hist. sur la ville de Bayonne. Bayonne, E. Lasserre, t. III, p. 455.

(2) Mansi. Sacr. Concil. nova et amplissima collectio. XXVII, 1055-1056. SESS. XXXI. Decretum super redintegratione ecclesiee Bayonensis.


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pitre, entre les chanoines qui étaient restés à Bayonne et ceux qui résidaient en Navarre et en Castille.

Cette pièce, écrite sur parchemin, mesure 45 cent. 1/2 de haut sur 68 de large. C'est une expédition authentique, signée par Bernard de Campgrand, prébendier de Bayonne, notaire ecclésiastique et clerc du diocèse de Dax; elle est assez bien conservée, sauf les plis où les mots ont été effacés ou enlevés, ce qui en rend la lecture difficile et quelquefois impossible.

La forme de cet accord est d'autant plus curieuse qu'elle a été rédigée en gascon. Cette particularité doit appeler notre attention à plusieurs titres.

On s'étonnera d'abord que le gascon soit ici employé comme langue officielle entre les chanoines français et espagnols. Il semble que le latin dût seul être en usage, surtout entre ecclésiastiques de nationalité différente. On n'y trouve en latin que les conclusions Acta fuerunt hec et les formules des notaires d'Église. Tout le reste est en gascon.

A la réflexion, il n'y a pas cependant trop lieu de s'en étonner. Le gascon et le béarnais — selon que l'on appartint aux diocèses de Dax ou de Bayonne — étaient employés dans les actes publics. Le diocèse de Dax avançait vers la basse Navarre jusqu'auprès de Saint-Jean-Pied-de-Port et possédait des contrées (les cantons de Sauveterre, de Salies et d'Orthez, en partie du moins) où l'on en parlait que le béarnais. Le diocèse de Bayonne s'étendait en Espagne jusqu'à Pampelune et Pasage; tout autour de Bayonne, jusqu'à Cames et Guiche, d'un côté, le long de l'Adour; à Anglet et à Biarritz, de l'autre, le gascon paraît avoir été la langue seule en usage parmi les indigènes. Le basque, parlé en Labourd et en Navarre, n'a jamais été employé comme langue officielle. Il est même probable que dans les documents publics écrits à cette époque en Espagne, dans l'ancien diocèse de Bayonne, on se servait ordinairement du gascon. M. Pavia, membre de la Diputacion de Guipuzcoa, nous a appris, au dernier Congrès ethnographique de Saint-Jeande-Luz, que les archives de Saint-Sébastien contiennent de nombreuses pièces des XIVe et XVe siècles en langue béarnaise ou gasconne.

On peut encore comprendre que notre document soit rédigé en gascon, puisque c'est un arbitrage fait par un clerc, Bernard de Puydarrer, un bourgeois, Vidau de Lobard, et un marchand, Boni-


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face de Laduich, tous trois de Bayonne. Les deux derniers ne savaient probablement ni le latin ni l'espagnol.

Le gascon ici employé est ce qu'on appelle le gascon maritime. Il est encore usité à Bayonne, sur la côte, depuis Biarritz jusqu'à Bordeaux et dans une bonne partie du département des Landes. Il a pour caractéristiques principales le défaut d'accentuation pour l'e (aqueste, celle-ci, au lieu de acquèste; ère, elle, au lieu de ère). L'article féminin est toujours le au lieu de la (le hemne, la femme, au lieu de la hémné); le masculin est lo dans les textes béarnais et gascons; mais en gascon le génitif est dou au lieu de deu. Le béarnais très accentué est une douce musique sur les lèvres de ceux qui le parlent bien, tandis que le gascon est toujours dur et peu harmonieux.

Quoique notre texte soit gascon, on voit que le notaire Bertrand de Campgrand, prébendier à N.-D. de Bayonne, mais clerc du diocèse de Dax, a toujours employé l'article féminin la. Cela prouverait qu'il était du côté d'Orthez ou de Salies (les Camgran y étaient nombreux, surtout dans cette dernière ville. L'un d'eux, Jean de Camgran(1), ira de Salies à Pau et y donnera même son nom à une rue). On trouve dans la transcription du Livre d'or de Bayonne, laquelle date du XIVe siècle, des actes où le scribe met indifféremment les articles féminins le et la(2). Mais, quoi qu'il en soit, le génitif dou trahit ici une origine gasconne incontestable.

Notre document d'ailleurs est aussi et plus important au point de vue historique qu'au point de vue philologique. L'ancien bibliothécaire de Bayonne, E. Dulaurens, a fait paraître une bonne analyse de cet acte dans le troisième volume des Etudes historiques de Balasque(3); mais personne n'a encore publié ce texte gascon. Nous verrons qu'il nous fournira matière à des remarques intéressantes.

Donnons-en au préalable une courte analyse :

Les chanoines de Bayonne étaient au nombre de douze, dont

( 1) L. Lacaze, Recherches sur les rues de Pau, Pau. L. Ribaut, 1888, p. 49.

( 2) Par exemple, au folio 65 v°, dans un acte de 1365, il y a toujours l'article le; et au folio suivant (fol. 66 v°), dans un acte aussi de 1265, on voit toujours l'article la. Ceci est une altération du texte original par le copiste. D'ailleurs les deux textes n'ont pas été transcrits par le même copiste et le dernier est certainement bien postérieur au précédent. Il y a tout un registre du XVIe siècle (Livre de fondations ou d'obits) où les deux articles le, la, sont employés indifféremment par le même scribe.

( 3) Jules Balasque, Etudeshist. sur la ville de Bayonne. Bayonne, E. Lasserra. 3 vol. in-8°, t. III, p. 457.


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deux alors absents. Les anciens chanoines de Saint-Jean-Pied-dePort, au nombre de quatre, résidaient en Navarre et en Castille. Pour obéir aux prescriptions du concile de Constance, mais n'ayant pu s'entendre sur le partage équitable des fruits et des dîmes, depuis l'année du rétablissement de la paix (1417), ils choisirent des arbitres qui devaient trancher le différent (14 avril 1418). Le ai du même mois, les arbitres se réunirent à la cathédrale de Bayonne, dans la vieille chapelle de Saint-Barthélémy, pour entendre les deux parties et rendre la sentence définitive. Auparavant ils avaient consulté des juristes et des foristes, car, sauf le clerc Bernard de Puydarrer, les deux autres arbitres ne devaient pas être grands connaisseurs en matière juridique.

Voici maintenant les principales dispositions du jugement :

1° Les chanoines de Navarre jureront sur l'autel-de Saint-Antoine qu'ils ont donné un compte exact des revenus appartenant au chapitre et perçus par eux à titre de chanoines. Même condition pour les chanoines résidant à Bayonne; 20 Ceux-ci donneront aux autres la moitié des revenus de Saint-Jean-de-Luz ; 3° On partagera les fruits des dîmes appartenant au chapitré de Bayonne, partout où elles se trouveront; 4° De même pour le prix de la vente du vin,les revenus de la boucherie et de certaines terres; 5°Exception pour les offrandes et oblations, celles-ci étant considérées comme des distributions quotidiennes aux services religieux; 6° Le cidre recueilli à Bayonne appartiendra à ceux qui y résidaient; 70 Les chanoines de Bayonne répondront à ceux de Navarre du « devoir du château»' 1' sur le profit des fours; 8° Les droits de fiefs de la mense capitulaire seront partagés fraternellement entre tons, sauf les distributions aux anniversaires et fêtes; 90 II en sera ainsi du revenu du moulin de Donzac et du casuel provenant de l'administration des sacrements de baptême et de l'eucharistie ; io°Même résolution pour les dîmes d'Engress et de Sortz dans les Landes; 11° Si l'on trouve, en Navarre, plus de revenus qu'il n'en a été déclaré, on les partagera à parts égales; 120 Pour les dépens faits avant le rétablissement de la paix, chacun rapportera les frais(2);

M Peut-être un impôt mis sur les babilants pour les réparations et l'entretien des Château-Vieux et Château-Neuf. L'excellent juriste Balasque n'explique pas ce» termes.

( 2) D'après M. Dulaurens, "chacune des parties en supportera te quart", ce qui nous paraît ne pas avoir de sens.


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13° Tous autres frais depuis la «réintégration» ou rétablissement de la paix, pour la rentrée et la perception des revenus, le voyage et le séjour des chanoines en Navarre et à Bayonne, se prélèveront sur la mense capitulaire ou sur les recettes de part et d'autre; 14° On jurera sur l'autel de Saint-Antoine à quelle somme se montent les frais; 15° Tous seront obligés d'observer cette sentence, et si l'on a oublié quelques points litigieux, on étendra et prorogera le terme de la rédaction définitive du compromis jusqu'au mardi d'après inclusivement.

Nous donnons à présent le texte de ce document important pour l'histoire du schisme dans le diocèse de Bayonne.

In Nomine Domini. Amen.

Conegude cause sie a totz que cum pleit, débat, question e( 1) discordie fossen e esperassen( 2) a esser enter los seinhors en Perarnaud de Taler, en Peys de Labastide, en Saubat de Larrasthen, en Jacmes d'Arribeyre, en Bernad douBernet, en Jehan d'Alotz, en Johan de Casenave, en Johan de Barbide, en Per Joban de Laduychs, en Guassarnaud de la Segue(3), caJonges(4), a présent residens en la glisie mayor de Baione, tant per lor quoantper los dus autres, lors concanonges, abscentz de mediche glisie, d'une part; e enter los( 5) seinhors en Dieguo d'Untie e en Martin de Iturbide, aqui estans presens, per lor e per nom de en meste Johan de Galindo e de en Martin Garssie de Raxa, lors consortz canonges abscentz, d'autre; e los quoaus haven estat en las partides de Navarre e de Castelc e de mediche diocèse de Baione, per lo cisme qui ère estât, donc temps ha passât, en sancte mayre Glisie. Easso a cause que a présent, mianssan( 6) la gracie de Diu Nostre Seinhor, tot lodiit abescat de Baione ère e es estai réintégrât, tant en lo cap quoant en los membres, per lo sant Conceith congregat e amassât en la ciutat de Constancie. Lo quoau sant Conceilh ha volut e ordenat que los fruytz de totes las partides dou( 7) diit abescat de Baione et apertientz a la taule( 8) capitular de mediche glisie, per l'an de

(1) On trouve dans le même texte e, et. ( 2) Ici dans le sens de "craindre". (3) Futur évêque de Bayonne, 1444-1454. (4) Le même document donne calonges, canonge, concanonges. ( 5) Los, forme béarnaise, employée dans les textes gascons. Dans sa grammaire béarnaise, M. Lespy dit que los se prononçait tous. (6) Moyennant.

( 7) Dou, du , article génitif gascon ; le béarnais fait deu. ( 8) Table, c'est-à-dire « mense» capitulaire.


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la réintégration doud. abescat, et d'aqui en avant ayssi medichs se aguossen et ayeu a partir e distribuir frayraumens ( 1) enter los d. calonges, e fens la d. ciutat de Baione, per tau forme e maneyre, cum ère usât et acostumat de ffar prunier et avantz dou temps dou diit cisme, si cum appare en las lettres patentes feytes e autreyades per lo d. sant Coneeilh e per lo d. an de la diite réintégration, los d. calonges de Baione aguossen e deguossen demostrar e donar conte aus autres quoate calonges spberdiitz, qui eren estatz en las partides soberdites de Navarre e de Castelle, e los diitz quoate calonges de las d. partides ayssi medichs ausd. calonges de Baione dous fruytz, redemies et debers a la d. taule capitular apertienlz, e aquetz partir e dividir enter los totz, cum diit es. Suber lasquoaus partilhe e division, conte e mostre dous d. fruytz, bey acordablemens los d. calonges enter lor no se poden acordar, segont dictionl>), e volens évitai- e esquivar, a lor leyau poder, totes rancors, maubolences, discordies, divisions, despens, costadges e trops autres inconvénientz que per vie de pleyt e litigi per temps abiedor enter lor se podoren insurgir e enseguir, si cum tôt so fo diit aqui medichs per las d. partides, per soes que :

Constituez personaumens, en la presentie de mi notari public et dous testimonis dejus escriulz, estantz fens la capere de mossen Sent Bartbolomiu de la d. glisie maior de Baione(3), los avant diitz seinhors calonges, de la une part e de l'autre, e en speciau, iosd. seinhors en Diego d'Un lie e en Martin de Iturbide, per lor e per nom de lors dus autres concanonges soberdiitz, haben poder ad asso, segont dichon, et los d. seinhors canonges de Baione e dessus part nominatz, per lor et per nom de lors autres dus consortz calonges abscentz, ayssimedichs, per vie de patz e de concordie, e per evitar totes rancors, discordies, divisions, maubolences, costadges, despens e autres inconvenientz que se poderen insurgir e enseguir, cum diit es, enter lor e per trattement e intervention de auguns lors amies et beybolentz suber lous d.acontes dousd. fruytz, debers e rebenues, a lad. taule capitular apertientz, e per lo d. an de la d. réintégration, queinhs ni quoaus los uns aus autres se auran a donar e mostrar ni estar responsables, entrâmes(4), las d. partides, de lor bon grat, e per nom que dessus, d'un voler e conscentiment, se son comprometudes en lolau(5), sentencie, arbitradge, pronuntiation o autremens amigable composition dous

(1) Fraternellement.

( 2) Forme gasconne usitée dans l'arrondissement de Dax (Landes) : diehoun aujourd'hui.

( 3) On trouve au moyen, dans les archives du chapitre, que celui-ci se réunissait dans les chapelles de Saint-Edouard, de Saint-Barthélémy, de Saint-Jean l'Evangéliste et à la grande sacristie.

( 4) "Les deux ensemble."

< 5) Laut, laud « approbation», du bas-latin laudum.


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honorables, savis e discretz seinhors en mes te Bernad de Puydarrer, clerc, en Bidau de Lobard, borgers, e Boneffaci de Laduychs, marchant de la ciutat de Baione, ayssi cum arbitres arbilradors, pronuntiedors e amigables composidors, per lor datz e deputatz, et los an donat, atribuit, concedit e autreyat enterames lasd. partides poder e auctoritat que etz diitz arbitres o la maior partide de lor pusquen e ayen poder e auctoritat arbitrarimentz de decernir e declarar, sententiar e deffinir, o amigablemens componir suber losd. contes dousd. fruytz, debers et revenues a lad. taule capitular apertientz, queinhs et quoaus lasd. partides la une a l'autre deura estar responsable de l'an soberd. de lad. réintégration, e asso, ordie de dret servada o no observade, die feriat e no feriat, en seden, en estant, e en totes hores de dies e de nuytz, e en tôt loc, las pars présentes o abscenles, la une présente e l'autre abscente, e que pusquen lor arbitradge, laut, sentencie, pronuntiation, o amigable composition une o plusors debetz( 1) profferir e interpretar, corregir e emmiendar, si mestii( 2) o nécessitât es, e continuar o con...( 3) contre lasd. partides e cascune d'aqueres autrëyar e punir, e aqueras citar, mandar e probocar, en tôt loc e locs que a lor sera vist, e que pusquen sententiar, pronuntiar e componir en escriu t e de boque. E an prometut e autreyat enterames lasd. partides e cascune de lor e per nom que diit es, e per ferme stipulation, e sus la pêne e mul... ( 4) bons morlans feytz de bon argent, applicadores la meytat a la part obtempérante e obediente, miey permiey, que tierau, compliran, e observeran de punt a punt tôt so c quoant que per losd. seinhors arbitres arbilradors e amigables composidors, e perla maior partide de lor sera estât diit, sententiat, arbitrât, pronunliat, e en autre maueyre amigablemens componit en las causes soberdites e en cascune d'aqueres; e que encontre de aquero que per los diitz arbitres arbitradors e amigables composidors sera estât diit, sententiat, arbitrât, pronuntiat o autremens amigablemens componit, ab bon ni ab maugin (5), no vieran ni( 8) venir per autre quoauque sie enterpausade persone a escus p) ni a présent, en augune maneire de dreit, de feit, de palaure o per obre, directemens o indirectemens, no feran, e que augun frau, dol, engan, ni déception en las causes soberdites, ni cometer no feran encontre lo présent compromes, augun rescriut no empej treran, ni augun privilegi no allegueran, ni augune exception no obpauseran, ni meteran, e que no se ajudaran de augun beneffici de nulle ley, ni de dret, per que podossen vitiar o far vitiar ni interrompre lo présent

(1) «Une ou plusieurs fois. »

( 2) «Besoin.»

(3) Mot effacé.

( 4) Sans doute mulctation, suivi du taux de l'amende.

( 5) « De bon ou mauvais gré. »

( 6) Disjonctton à relier, pour le sens, avec feran, feront, plus bas.

( 7) « En cachette, en dessous. »

HIST. ET PHILOL. — N°s 1-2. 3


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compromes o las personcs dons arbitres o augune fie lor o las persanes dous comprometentz o de las causes de las quoaus es compromelut.

E an renuntiat e deffeit renuntien per ténor d'aquest présent public instrument interames lasd. partides e cadune d'aqueres au beneflici de las causes soberdites e a lolz autres benefficis, privilégia, exceptions e leysa lor e cascune de lor compétentes e favorables, e en speciau a tote appellation e ad arbitre de bon baron e a totz autres dretz, leys, observances, benefficis, privilégia, quoaus que sien, ab los quoaus se podossen, volossen o entenossen ajudar et valer per vier o far vier contre las causes soberdites o augune d'aqueres. En ayssi cum si speciaumens per mi notari dejus scriut fossen de totes e singlaumens certificatz e emformatz losd. comprometentz , e an volut e autreyat lasd. parlides e cascune de lor dret e de cadun de lor, e per emformar los coradyes dousd. senhors arbitres pusquen donar e valhar e offerir per davant losd. seinhors arbitres cade dues cedules, so es assaber, la prumeyres per lors demandes desso que cascune se enten a demandar la une a l'autre c aqueres per lor donades e valhades autres scngles cedules, en responen cascune a las demandes que feit se auran, chetz far ni donar plus autres cedules, ni procès de boque, ni per escriut, c las quoaus cedules cascune de lasd. parlides âge valhat, oflerit cl douât, deffens très jorns, empres( 1) que losd. seinhors arbitres auran près, recebut e assumit en lor la carque dou présent compromes. E losd. arbitres que ayen a pronuntiar, diser, arbitrar, sententiar o amigablemens componir en las causes soberdites e cascune d'aqueres, deffens vui jorns naturaus et complitz, empres la date dou présent compromes.

Vistes las arresous de lasd. partides contingudes e expressades en lasd. quoate cedules, ab asso empero( 2) avistat que si ère la cause que losd. seinhors arbitres o la maior partide de lor no poden, per autre occupation que aguossen, pronuntiar deffens lo lermi soberdiit, que en aquet cas etz o la maior partide de lor pusquen e ayen poder e auctoritat per lors medichs, en presentie de lasd. parlides, o estan abscentes, de perloncar o porrogaar lo présent compromes per lo lermi e espaci de autres quoate jorns tant soleinens chetz plus.

Totes e sengles las quoaus causes soberdites e cascune d'aqueres, lasd. partides an promes e autreyat de lier, complir et observar de punt a pont, chetz hier ni far bier en res a I'encontre per lor ni per autre enlerpausade persone, ab bon ni maugin, a escus, ni a présent, en e sus la pêne è encorreineiil d'aquere dessus part expressade e deelarade, e que ayssi ac liuran e de lot en lot compliran, chetz far ni bier en res a I'encontre. A major habundancie, lasd. partides aguan jurât sober l'aular de mossen Sent Barlholomer, de lors maus dexlres, dessus pari deud. pausades corpo(

corpo( Emprès « après» , employé encore dans le pays de Gosse. (2) Empero «cependant».


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raumens(1) de (oies e sengles lasquoaus causes enterames lasd. pardites requerin mi notari dejus escriut que los ne retinguossi sengles publicx instrumenta o tantz cum los ne sera necessari a conservation de lor dret e de une mediche ténor, lasquoaus per mon offici los autreyey fasedors.

Actafuervnl hec Baione, in ecclcsia maiore et in capella beali Bartholomey ejusdem eccksie, die que fuit XIIII mensis aprilis, anno ab Incarnatione Domini millesimo cccc° XVIIIe, regnantibus serenissimo ac illuslrissimo principe Domino Domino Henrico, divina gratia Anglie et Francie rege duceque Aquitanie, revermido in Christo Pairefralre Guilhermo Arnaldi Baionensi episcopo, prudenti viro, Vitale de Scto Johanne, régente maioriam Baionensem, presenlibus venerabilibus et discretis viris dominis Baymundo de Cava, Amaldo ie Cotura, Amaldo de Ssamatoytz , presbyteris, Dominieo de Albino, clerico ac prebendario in eadem ecclesia maiori Baione, magistro Petro de Cunibus, Pampilonensis diocesis notariom, et aliis pluribus ibidem existentibus tcstibus ad premissa vocalis specialiter et roguatîs.

D'aqui en dret e d'aqui medichs lasd. parti les, en presentie de mi nolari public'dejus escriut, e testimonis dessus nominatz, anan e se traiisportan en e per (lavant jos soberdiitz seinhors en mesle Bernad de Puydarrer, clerc, Vidap de Lobard, borgers, e Boneffacie de Laduychs, marchant de lad, ciutat de Baione. E estantz los totz amassa Iz e congregualz fens lad. glisie maior, arbitres arbitiadors e amigables composidors, elegitz e deputatz per lasd. partides, ayssi cum dessus part es diit e déclarât, e aqui ab tote bavilitat que podon e deguon, si prégnan et supplican, en tant quoant a lor se apertie, ausd, seinhors arbitres, que per lo bey de patz e de concordie, volossen prener, receber e assumir en lor poder ja carque dou présent compromes ; losquoaus seinhors arbitres aqui medichs, per honor e reveientie de Diu, e per (au que enter lasd. partides aguosse e s'en ensegui bone patz e concordie et a las preguaris de lasd. partides, prencon e recebon en lor la carque dond. présent compromes, e mandan e assignan a enterames lasd. partides, per lo poder e auctoritat a lor donatz eautreyatz, e en vertut dou segrement per lor feyt e sus las pênes en lo soberdiit compromes contingudes, que de feit donassen e valhassen las demandes e respostes d'aqueres que entenen a donar e affar la une contre l'autre, e asso deffens lo termi contingut en lo soberdiit compromes, uuquoau lasd. partides, de lor bon gral, se eren restretes. E aqueres douades e balhades, etz diitz arbitres se presentan de procedir en la présent cause

(,) Les serments sur les autels étaient fréquents à Wayonue. On prétait mémo serment à l'autel de Saint-Pierre, sur le Corps de Jésus-Christ, au xvi" siècle (Ârch. B. P. G., 55 et 56, passim).

( 1) A remarquer ce notaire espagnol de Pampelune, qui peut-être aida à instrumenter à Bayonne, quoiqu'il soit dit témoin.

3.


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e de donar e profferir lor sententie arbitrarie, en la forme que far daguoren.

Agul concelh e délibération, e segont lo poder e auctoritat a lor donatz e atribuitz per vertut doudiit compromes, de lasquoaus causes, tant lasd. partides e cascune de lor, e a conservation de lor dret, tant losd. seinhors arbitres, per lor offici requerin sengles presenlz instramentz de une mediche ténor, per mi notai i soberdiit a lor fasedors, losquoaus per mon offici los antreyey de ffar.

Acta fuerunt hec, in loco predicto, anno, die, meiise, regnantibus et testibus quibus supra.

Consequentmens, lo diyaus, qui fo lo xxi jorn dou soberdiit mes d'abriu, an, et regnantz qui de-sus, los soberdiitz seinhors arbitres estant fens lad. glisie maior de Baione, e davant la capeire dou soberdiit mossen Sent Barthomiu, en seden cum a judges dessus pari deputatz, estantz présentes enterames lasd. partides per assignation a lor feite per losd. seinhors judges arbitres, per lor e cascune de lor elegitz e deputatz, sober los pleitz e debatz, e ez presencie de mi notari publie e testimonis dejus escriutz, losquoaus d. seinhors arbitres aqui medichs, per vertut, viguor e auctoritat doud. compromes e per lo poder a lor donat e atribuit per lasd. partides, e a lor requeste vistz, regoardalz, riminatz e perescrutatz lo dret, resons e alleguations de cascune de lasd. partides, e segont ère estât resonat, e alléguât en las cedules per lor balhades e conlingudes en lo procès de la présent cause, donan, balhan e profferin judiciaumens lor pronunciat, sententie e déclaration arbitrari en escriut per la forme e maneire seguentz ( 1) :

E nos, Vidau de Lobard, Boneffaci de Laduychs e Bernad de Puydarrer, arbitres arbitradors e amigables composidors, per las partides dejus nominades elegitz e deputatz communemens, segont appar o pot apparer per instrument public, retingud e feit en sa forme per mossen en Bernad de Campgran, caperan e prebender en la glisie maior de Nostre Done de Baione e notari public per la auctoritat imperiau.

Vistes e entendudes las arrosons de cascune de lasd. partides, las recëptes contes e impugnations, feitz, donatz et valhatz per cascune de lor, e agut conceilh e délibération sober lo tôt enter nos ab juristes e costumés, haventz Diu davant nostres oels (?), lo nom de Diu invocat, volentz que patz, concordie e union sie e regni perpetuaumens enter lasd. partides e per lo poder a nos per lor donat en lad. compromes a donar nostre sentencie e déclaration e amigable composition, procedim en la forme seguent :

Prameyremens, pronuntiam e declaram que davant totes causes, mossen

(1) Ce qui va suivre est le jugement des arbitres.


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en Dieguo d'Untie e mossen en Martin de Iturvide, pfr lor e per nom de meste Johan Galindo e de Martin Garssie de Raxa, canonges, qui son estatz, lonctemps ha passai, en las partides de l'abescat de Baione existentz en los reyaumes de Navarre e de Gaslelle( 1) e son de présent en la glisie cathedrau de Baione, la gratie de Diu miaussan, per la réintégration e union de la Glisie, feitesper losanl Conceilh enie ciutat de Constantie, jurin sober l'aular de mosser Sent Anthoni(2) que la recepte per lor valhade en escriut es vertadeyre e contiey totes las arrendes arpentientes a la taule capitular de Baione e aqueres que an recebudes, cum a calonges, en lasd. partides de Navarre e de Gastelle, e que negune no n'an suffocat ni suffoquen(3), ab bon ni maugin, e si aguan que ac declarin per medichs segrement, e aquero medichs e per semblant maneire jurin e fasen mossen en Bertran d'Aliu, mossen en Perarnaud de Taler, mossen en Peys de La Bastide, mossen en Saubal de Lairasthen ab lors autres concanonges qui son estatz, lonc temps ha passât, residens e si n'i a de abscentz, que ac fasen los presentz per lor e per los abscenlz, de las desmes, rendes, proflieytz e emolumentz qui son en la ciutat de Baione, suburbis e jurediction d'aquere, e en la terre de Labort apertientes a lad. taule capitular, e si n'an suffocat, que ac declarin per medichs segrement.

Item, pronuntiaui, sententiam e declaram, e per amigable composition, componim e accordam que los soberdiitz mossen en Bertran, mossen en Perarnaud, mossen en Peys, e mossen en Saubat, et autres lors concanonges e consortz, responin de la maytat d'aquero que an recebut de l'arrendement de Sent Johan de Luys (4),de l'an qui se contavel'an mil cccc" xvn aus soberdiitz mossen en Dieguo, mossen en Martin, per lor et per lors dos autres concanonges e consortz, so es que ladiite meytat sie partide e dividide frayraumens enter totz losd. calonges de la une part e de l'autre, e que l'autre dou soberdiit an se valhe a la partide dous canonges de la partide de Navarre e per cause.

Item, pronuntiam, sententiam e declaram que los arrendementz dou soberdiit an, feitz de las desmes apertientes a la taule capitular de Baione, en quoauque part que sien, lo tot sie partit frayraumens enter totz los soberdiitz canonges. E aquero medichs sie feit dous devers de la carneceyrie e dous terradges doud. an, apertientz a lad. taule capitular. E

(1) La Navarre comprenait la basse et haute Navarre (celle-ci au delà des Pyrénées); le royaume de Castille comprenait entre autres, le Guipuzcoa qui dépendait du diocèse de Bayonne.

( 2) Un des nombreux autels, croyons-nous, placés à l'entour du vieux choeur qui se trouvait vers le milieu de la cathédrale. Il s'agit ici de Saint-Antoine l'ermite.

( 3) Suffocar «supprimer, dérober, dissimuler.»

( 4) Le chapitre de Bayonne et l'évéque possédaient la baronnic de Saint-Jeande-Luz, depuis Bertrand, vicomte de Bayonne, au XIe siècle.


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quoant a las offerentes e oblations en lod. an feites, pronuntiam e declaram que losd. quoate calonges de Navarre no deven arres haver, cum sien distributions cotidianaus.

Item, quant a la pomade doud. an, que fo en Baione, crue se vailhe ausd. canonges de Baione.

Item, pronuntiam, sententiam e declaram que los nus apertientz a lad. laule capitular en l'an susd., sien partitz frayraumens enter totz losd. canonges , exceptât la distribution que se trobera esser feite d'aquetz en anniversaris e en festes doud. an.

Item, sententiam, pronuntiam e declaram que l'arrende e proffieyt.dou molin de Donsalb doud. an, apertientz a lad. taule capitular, sie lo tôt partit frayraumentz enter totz los calonges susd. E aquero e per semblant maneire sie feit dous proffieytz dous batiars e de la administration dou Cors de Diu( 1) apertientz a lad. taule capitular per l'an susd.

Item, sententiam, pronuntiam e declaram que l'arrende d'Angresse e de Soutzm apertiente a lad. taule capitular per l'an susd. sie partide frayraumens inter totz losd. calonges.

Item, si se trobe per lo segrement que se ha affar, cum en lo prunier article dou présent pronuntiat fit conlengut, que mes y haye que no an donat e balhal en lasd. arreceptes, que tôt so que mes se trobera per lèd. an, sie partit enter totz losd. calonges frayraumens.

Item, quoant aus despens feitz per lo temps de davant Tan susd. de la réintégration, pronuntiam sententiam e declaram que cascune de lasd. partides supporti son carc(3).

Item, quoant aus despens en l'an que dessus de lad. réintégration e d'aquet, en fore de qui au jorn présent, per cascune de lasd. partides, tant per la bulle de la réintégration, quoant en seguen, per vertut d'aquere, lad. réintégration, e per prener las possessions de las rendes de la une part e de l'autre, e per crubar e arrender aqueres ; et ayssi medichs los despens feitz per los canonges de Baione en la anade que fon en Navarre e los despens que los calonges de Navarre an feit en bien e tremeten de part dessa(4), sententiam, pronuntiam e declaram que los totz sien paguatz sober totes las arrendes capitulars et apertientes aud. capito, o sien rebatutz de las receptes que cascune partide ha donat.

( 1) A Bayonne, le chapitre était curé primitif de la paroisse ; un vicaire perpétuel, d'ordinairo un chanoine, qui prenait le titre de caperanmajor (chapelain majeur), faisait les services dont les chanoines ne voulaient pas. Les revenus appartenaient au chapitre, sauf une légère rétribution au vicaire perpétuel.

M Dans les Landes, près Tarnos.

( 3) M. E. Delaurens a pris carc ( charge) pour cart (quart) — erreur facile d'ailleurs — et a fait ainsi une traduction fautive.

( 4) Aucun document ne nous est resté de ces allées et venues des chanoines de Bayonne en Espagne.


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Item, pronuntiam, sententiam e declaram que cascune de lasd. parlides juri sober lo diit autar de mosseinhor Sent Anthoni, e declari, per aquet, quoant e quoaus son los despens que an feit per lod. an, e a d'aquet, ensa entro au jorn présent, en seguen lo proffieyt capitular dons totz e que no y han inettit ni meten. . . autre ab bon ni mangin.

E mandam a cascune de lasd. partides, per lo poder cum per lor e per cascune de lor donat e sus las peues e segrement en lod. compte mes expressades e contingudes, que lo présent pronuncial linguen e ohscrvin de punt a punt chetz far ni vier en res a I'encontre. Et si augune cause nos es oblidade o laquoau no agossem declarade o diffinide, nos saubam a dillinir e declarar, e per aquero far, proroguam lod. compromes d'equi a dimarlz prosman vient, lod. jorn de dimartz enclus. Losquoaus avandiitz pronnnlial, sententie, ordination e déclaration feytz, rendutz e profferitz per losd. seinhors arbitres a lasd. partides aqui medichs estantz présentes, cum diit es, e per la forme e maneire susd. las mediches partides per lor et per nom que dessus, los laudam, rattificam c aproan, en tôt e per tôt.

E requerin a mi notari dejus escriut que a consservation de lor dret e de cascune de lor, los ne retinguossi, fessi, donassi e balhassi sengles publicx instrumenta o tantz quoantz los sera necessari d'une mediche ténor, losquoaus los autreyey per mon offici fasedor.

Acta fuerunt hec, loco, anno, die, mcnse, et regnantibus quibus supra, principibus, venerabilibus et discretis viris dominis Baymundo de Cava, Guarssia Arnaldo d'Angladis, presbyleris et prebendariis in eadem ecclesia majori Baionensi, Baymundo Arnaldo de Monachom, Lascurrensis dioecsis, et pluribus aliis ibidem existenlibus testibus ad premissa vocatis specialiter et roguatis.

Et me Bernardo de Campomagno, Aquensis diocesis clerico, auctorilate imperiali publico notario, qui premissis omnibus cl singulis et eorum quolibet personaliier una cum prenominatis testibus presens fui eoque sic fieri vidi et audiri. Et hoc presens publicum instrwmentum retinui et recepi et in hauc publicam formam manu mea propria scriplum ad requestam predictorum dominorum canonicorum in predicta ecclesia majori Baionensi de presenti residentium et existentium redegi, signoque meo quo utor auctoritale predicta impcriali signavi in fidem et lestimoninm omnium et singulorum premissorum roguatus et requisitus.

CONTINGUDES, ALTAR, DE L'AN, MAYTAT(2). Constat mihi notario de rasuris et

( 1) Peut-être pour Monenho, de Moneinx.

(2) Ce sont des mots raturés ou omis qui sont ici indiqués par le notaire, et approuvés.


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omissionibus superius in presenti publico factis quas et earum quamlibet approbo ex inadvertencia mci et non aliter nec alias forte factis.

Datum ut supra. [Arch. Basses-Pyrénées. G. 8a.]

BAPPORT DE M. G. PARIS

SUR UNE COMMUNICATION DE M. MERLET.

M. Merlet, archiviste d'Eure-et-Loir, envoie la copie d'une charte de l'évêque de Chartres, Mathieu des Champs, du i4 octobre 1259, dans laquelle il constate que magister Joannes Mercator, chanoine de Péronne, a donné à l'abbaye de Saint-Cheron-lésChartres un demi-arpent de vigne. Ce document, à vrai dire, ne nous apprend rien de nouveau sur Jean le Marchant, l'auteur des Miracles de Notre-Dame de Chartres, puisque nous savions déjà par lui-même que Louis IX lui avait fait obtenir une prébende à Péronne et qu'il avait terminé son poème en 1269; que le traducteur du Recueil des miracles chartrains fût de Chartres ou des environs, c'est ce dont il n'y avait pas non plus à douter. Mais une pièce où figure un de nos anciens poètes est toujours intéressante, et je propose d'imprimer dans le Bulletin la charte que M. Merlet a copiée, avec l'introduction très bien informée qu'il a mise en tête.

G. PARIS, Membre du Comité.

LE POÈTE CHARTRAIN JEHAN LE MARCHANT, CHANOINE DE PÉRONNE.

Communication de M. René Merlet.

Dans la préface de l'édition qu'il a donnée, en 1855, du poème français de Jehan Le Marchant sur les miracles de Notre-Dame de Chartres'1', M. Duplessis s'exprime ainsi au sujet de l'auteur :

Nous ne possédons aucun renseignement historique ou biographique sur l'auteur de ce poème, qui n'est au reste qu'une traduction. Ce que nous

(1) Le livre des miracles de Notre-Dame de Chartres, écrit en vers, au XIIIe siècle, par Jehan Le Marchant, édité par G. Duplessis, Chartres, Garnier, 1855, in-8°.


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savons de lui, c'est lui même qui nous l'apprend dans l'épilogue de son ouvrage. Il se nommait Jehan Le Marchant; il vivait du temps du roi Louis IX et de la reine Blanche, et il reçut du saint roi la prébende de Péronne, sans qu'il nous dise précisément si cette prébende était une cure, un canonicat ou un prieuré. . . Cet auteur ne nous donne pas non plus de renseignements précis sur le livre ou recueil de miracles dont il a entrepris la traduction, et nous n'avons rencontré nulle part d'indication sur ce recueil, qui faisait probablement partie de quelque bibliothèque de chapitre ou de monastère(1).

Depuis l'époque où ont été écrites ces lignes, le recueil original latin des miracles de Notre-Dame de Chartres, que Jehan Le Marchant n'a fait que traduire en français, a été retrouvé par M. A.Thomas dans un manuscrit de la Bibliothèque du Vatican, et publié par lui, en 1881, dans la Bibliothèque de l'Ecole des chartes (2). Mais aucun renseignement nouveau n'a été découvert sur la biographie même de Jehan Le Marchant. Ni M. Fôlster, dans son article intitulé : Sprachliche Reimunter suchungen der Miracles de N.-D. de Chartres, paru à Marburg, en 1885, dans les Ausgaben und Abhandlungen, ni, plus récemment encore, en I895, M. l'abbé Clerval, dans ses Ecoles de Chartres au moyen âge (p. 354-355), n'ont ajouté de nouvelles informations au peu que nous savions de la personnalité de l'auteur du poème des Miracles.

Une charte, qui m'est tombée récemment sous les yeux, en inventoriant, aux Archives d'Eure-et-Loir, le fonds de l'abbaye de Saint-Cheron, permet de compléter, en partie, les indications trop vagues que Jehan le Marchant nous a fournies sur lui-même. Cette charte,datée de 1259, est émanée de Mathieu des Champs, évêque de Chartres. Elle nous apprend que maître Jehan Le Marchant, chanoine de Péronne, venait de léguer à l'abbaye de Saint-Cheron-lèsChartres, un demi-arpent de vigneau Marchais-Guy on, proche les fossés du monastère, et qu'il avait fait cette donation afin de fonder en l'église Saint-Cheron son propre anniversaire ainsi que ceux de son père André et de sa mère Julienne.

Il résulte de ce document que Jehan Le Marchant, que nous savons avoir été un clerc assez lettré et un poète de quelque mérite, était d'origine chartraine, et fils, à ce qu'il semble, de parents

M Livre cité, préface, p. v-vi. (2) Tome XLlI,p. 505-550.


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d'humble condition, qui lui avaient laissé, comme héritage, quelques terres situées dans les faubourgs mêmes de la ville de Chartres. Attaché, suivant toute vraisemblance, à la personne de l'évêque Mathieu des Champs, notre poète, grâce sans doute à l'intervention du pontife chartrain, avait obtenu du roi Louis IX un canonicat dans la collégiale de Sainl-Fursy de Péronne. Comme le prouvé la charte de Saint-Cheron, c'est antérieurement à 1259 que Jehan Le Marchant avait été nommé par le roi chanoine de Péronne; c'est également quelque temps auparavant qu'il avait entrepris, à la prière do Mathieu des Champs, la traduction du Recueil des Miracles, dont le manuscrit venait d'être découvert dans une huche au trésor de l'église cathédrale de Chartres :

Par lonc tems a esté teu

Li livres, qui n'ert pas seu,

Ne il n'estoit pas en mémoire,

Car il ert enclous en l'aumoire,

Ou trésor de l'iglise, à Chartres,

Où il a moult lettres et chartres

Previleges de seignories

Et livres de toutes clergies,

Qui melz vallent qu'argent ne qu'or

En une huche, en ce trésor,

Fu trové par quaiers h livres

Qu'en prise plus que d'or mil livres,

Ne que richesces ne qu'avoir :

Trové fu, ce devez savoir,

Au tens à l'evesque Mahé(1),

A cui il a moult agréé

Que cest oevre fut commenciée,

Et achevée, et avanciée,

Et dou latin en roumans mise

Et de la laie gent aprise,

Qui le latin mie n'entendent(2).

Deux mois seulement après l'époque où il confirmait la donation faite à Saint-Cheron par Jehan Le Marchant, l'évêque Mathieu des Champs vint à mourir (31 décembre 1259). Ce ne fut que trois ans plus tard que noire poète acheva, comme il nous l'ap(1)

l'ap(1) s'agit ici de Mathieu des Champs, évêque de Chartres. ( 2) Duplessis, livre cité, p. 18.


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prend lui-même, la traduction qu'il avait commencée à la demande du pontife défunt :

Mestre Johan le Marcheant, . Que Dex garde d'estre mescheant Et doint que toz jorz bien li chée, Ceste euvre a dusquà chief cerchiée, Mil deux cens LXU ans Puis l'incarnacion passans ; Ou sexante deux en septembre, Si com par mon escript me membre, Fut ceste besoigne achevée.

Ceste euvre fut par le ouvrée, Et commenciée, et consummée, Au tems de nostre rois Lois, Que Dex sauve en son seint païs, Et sa mère, qui ot non Blanche, Qui fut dame piteuse et franche

Por le roi et por les suens

Se ge pri, c'est reisons et sens,

Car la provende de Péronne

Me donna li rois qui bien donne(1).

On n'a pu découvrir ni le jour ni l'année du décès de Jehan Le Marchant; mais j'ai trouvé, dans un calendrier de l'abbaye de Saint-Cheron, la preuve qu'au XVIIe siècle, son anniversaire se célébrait encore le 14 octobre en cette église : II idus octobris, anniversarium deffuncti magistri Johannis Marchant, qui dédit religiosis Sancti Carauni dimidium arpentum vinee situatum in clauso Marchesii Guidonis (2).

(1) Duplessis, livre cité, p. 210. (2) Archives d'Eure-et-Loir, H 2790.


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Confirmation par l'évêque de Chartres, Mathieu des Champs, de la donation faite par Jehan Le Marchant, chanoine de Péronne, à l'abbaye de SaintCheron, d'un demi-arpent de vigne au Marchais-Guyon.

1259, 14 octobre.

Universis présentes litteras inspecturis, Matheus, miseratione divina episcopus Carnotensis, Fahitem in Domino. Noveritis quod in nostra presencia constitutus, magister Johannes, dictus Mercator, canonicus Peronensis, dédit, contuht et concessit, coram nobis, ecclesie Sancti Karauni Carnotensis, in puram et perpetuam elemosinam, ad usus pitenciaram conventus dicte ecclesie, ob remedium anime sue et animarum patris sui et matris sue, dhnidium arpentum vinee quod habeat situm, ut dicebat, apud Marchesium Guidonis, in censiva domini de Machereio ( 1) (de quo dimidio arpento predicti abbas et conventus solvunt annuatim, ut dicitur, duodecim denarios censuales domino censive predicte, et idem magister de predicto dimidio arpento solvebat dictis abbaa' et conventui de annuo supercensu sex sohdos, proul confessus fuit coram nobis dictus magister), pro anniversariis Andrée, patris, et Juliane, matris ejusdem magistri, in ecclesia Sancti Karauni annuatim in festo beati Calixti pape, simul in perpetuum celebrandis, et etiam pro anniversario ipsius magistri, post decessum suum, in die obitus sui, vel alia die certa, separatim ab anniversariis predictis, in dicta ecclesia a tempore obitus dicti magistri singulis annis in perpetuum celebrando. Prefati vero abbas et conventus, coram nobis constituti, ad requisitionem dicti magistri se obligaverunt, coram nobis, ad celebrandam unam missam de Spiritu Saneto, scilicet majorem, pro ipso magistro, singulis annis, quamdiu vixerit, infra quindecim dies post anniversaria patris et matris ipsius magistri, illa die qua sibi videbunt expedire. In cujus rei testimonium et munimen, nos, atl petitionem dictorum abbatis et conventus et dicti magistri Johannis, présentes litteras sigillo nostro predictis abbati et conventui dedimus sigillatas.

Actum anno Domini M° cc° quinquagesimo nono, die martis, in festo beati Calixti, pape.

[Original en parchemin , Archives d'Eure-et-Loir, H. 2854.]

( 1) Machery (Eure-et-Loir), commune de Béville-le-Comte, canton d'Anneau, arrondissement de Chartres.


— 45 — RAPPORT CE M. SERVOIS

SUR UNE COMMUNICATION DE M. FLOUR DE SAINT-GENIS.

La Section d'histoire a mis à l'ordre du jour du prochain Congrès des Sociétés savantes une question relative aux «mesures prises, en certains départements, pour assurer la conservation des minutes notariales, et en faciliter les communications demandées en vue de travaux historiques». M. Flour de Saint-Genis, correspondant honoraire du Ministère, est de ceux qui, avant la publication du programme du futur Congrès, s'étaient préoccupés du sort des archives notariales et qui ont contribué à en démontrer l'intérêt historique.

Au début de l'année dernière, M. de Saint-Genis écrivait, pour la Société des sciences historiques et naturelles de Semur (Côted'Or), société née en 1864 et dont le Comité a encouragé les débuts, un mémoire, rempli de bons conseils, sur les sources historiques de l'Auxois. Dans cette notice, où il se proposait d'éveiller «la curiosité » de ses collègues et de «préserver de nouvelles dilapidations les anciens titres », M. de Saint-Genis passait en revue: 1° les archives communales (d'où il n'est pas exact, pour le noter en passant, que l'on tire, comme l'auteur paraît le penser, des pièces d'origine municipale pour en opérer «le transfert obligatoire» aux archives départementales) ; 2° « les archives des bureaux administratifs de l'État, et spécialement des bureaux de l'enregistrement et des bureaux des hypothèques », archives dont l'auteur peut parler avec l'expérience d'un administrateur et la compétence d'un érudit; 3° les anciennes archives notariales, qu'il a également consultées en diverses études ; et enfin, 4°, les «dépôts privés» de l'Auxois, dont il a visité quelques-uns.

Un second mémoire de M. Saint-Genis, imprimé à la suite du premier dans le dernier Bulletin de la Société de Semur (1896), est spécialement consacré aux archives notariales de l'Auxois, et c'est pour le signaler à votre attention, sans attendre le congrès de 1898, que votre correspondant vous adresse la note manuscrite qui m'a été renvoyée à l'une des dernières séances. La Chambre des notaires de l'arrondissement de Semur avait imprimé en 1867 tria liste des notaires successifs de chaque étude, depuis les plus anciens minutiers connus». M. de Saint-Genis a complété, annoté et ré-


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imprimé, dans son second mémoire, cet utile tableau, dont l'édition, de peu d'exemplaires d'ailleurs, est épuisée. En mettant ce document à notre disposition, il donne un exemple qui mériterait d'avoir partout des imitateurs, et particulièrement dans les tdépartements où les chambres de notaires n'ont pas établi et publié les listes et les dates de leurs minutiers(1).

Puisse, en chacun des arrondissements, s'employer à un travail du même genre, le zèle de quelque érudit de bonne volonté, ou mieux encore, celui d'un notaire ami de l'histoire des archives !

G. SEBVOIS, Membre du Comité.

NOTE SUR LES MINUTES NOTARIALES

DE L'ARRONDISSEMENT DE SEMUR (COTE-D'OR) ANTÉRIEURES À ijgo. Communication de M. Klour de Saint-Genis.

La petite province d'Auxois, en Bourgogne, correspond à l'arrondissement actuel de Semur. Elle comptait un très grand nombre de petites paroisses rurales et de seigneuries; divisée en 143 communes pour une superficie de 163,068 hectares, on y rencontre 198 châteaux,dont les deux tiers ruinés ou transformés enfermes.

Ces habitations étaient riches en archives et en papiers domestiques; on en a perdu ou détruit la majeure partie; il en reste beaucoup encore dont on aurait à déplorer la perte, si l'on ne prenait a bref délai des mesures pour en faciliter la recherche et en assurer la conservation.

Notre expérience personnelle nous a permis d'apprécier de quelle ressource seraient ces documents pour notre histoire nationale »'Hs étaient mis en lieu sûr et catalogués. Nous inspirant des conseils et des leçons du Comité des travaux historiques, nous avons signalé l'intérêt de cette question à la Société des sciences historique» et naturelles de Semur-en-Auxois, dont nous avons l'honneur de faire partie, et nos collègues ont eu à coeur de nous prêter leur concours le plus sympathique.

C'est en leur nom que nous avons pris l'initiative de deux mé(

mé( Dans les Archives de la France, MM. Ch.-V. Langlois et H. Stein ont énuméré presque tous les arrondissements où s'est faite cette publication.


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moires publiés par le Bulletin de la Société en 1897 et que nous avons l'honneur d'offrir au Comité, en lui demandant la permission d'appeler sa bienveillante attention sur leur objet et sur leurs conclusions.

Le premier de ces mémoires, daté du 16 février 1897, a pour but de signaler au public, et plus particulièrement aux habitants de l'arrondissement de Semur, qu'ils soient ou non détenteurs de vieux papiers, l'intérêt local et même l'intérêt national qui s'attachent à leur conservation.

En faisant connaître de quoi se composent Les sources historiques de l'Auxois, nous avons cherché à éveiller la curiosité des érudits et à préserver les anciens titres de nouvelles dilapidations, en prévenant leurs détenteurs actuels de la valeur qu'ils peuvent avoir. Nous avons, à cet effet, cité plusieurs faits qui sont dans ce pays de notoriété publique et qu'il était opportun de rappeler.

Nous examinons, dans cette rapide enquête, les dépôts publics et les dépôts privés.

Les premiers se divisent en trois catégories :

I. Archives municipales (1) ;

II. Archives des bureaux administratifs de l'État et spécialement des bureaux de l'Enregistrement et des bureaux des hypothèques (2);

III. Archives notariales.

Quant aux dépôts privés, ils sont d'un abord plus difficile; mais les investigations qu'on pourrait y faire donneraient, à coup sûr, d'excellents résultats; nos recherches personnelles nous permettent de l'affirmer.

Il s'y trouve quantité de pièces qu'on croyait perdues et des éléments avec lesquels on rétablirait l'intégrité de précieuses collections demeurées incomplètes. C'est dans un grenier que nous avons eu la bonne fortune de retrouver, sous forme de parchemins à demi

(1) C'est dans des circonstances analogues que nous avons pu établir, en 1877, l'Inventaire historique des archives municipales de Chàtellerault ( Vienne), qui fit rentrer la ville en possession de 45 volumes (20,704 pièces) de documents épars, voués à la destruction.

( 2) Comme nous l'avons fait en 1892, dans Les vieilles archives d'un bureau d'hypothèques à Paris, où nous avons pu redresser, preuves en main, une erreur accréditée depuis cent ans sur la non-exécution prétendue de la loi du 9 messidor an III.


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rongés, toute l'histoire économique et sociale de la paroisse et seigneurie de Chassey, de 1454 à 1790.

Le second mémoire publié par le Bulletin de la Société des sciences historiques de Semur a trait aux archives notariales.

La question est à l'étude depuis bien des années. La chancellerie se montrait disposée à faire décréter d'office le transfert aux archives centrales de chaque département des minutaires antérieurs à 1790; le notariat protesta avec vivacité au nom du droit de propriété, et tout fut ajourné. En attendant, ces précieux documents sont laissés à l'abandon, sans inventaire ni responsabilité, et ils vont s'émiettant à chaque déplacement de titulaire.

Cependant, comme il s'agit ici non pas d'une propriété privée, mais d'un dépôt public, peut-être trouverait-on une combinaison de nature à concilier les prétentions des notaires avec l'intérêt des études historiques et le pouvoir dominant de l'Etat.

Ce serait de dresser à bref délai, dans chaque étude, l'inventaire sommaire des minutes notariales antérieures à 1790, dans la forme prévue par le règlement.

Déjà, il y a trente ans, les notaires de l'arrondissement de Semur ont pris la très intelligente initiative de cette mesure de conservation, en publiant à leurs frais, le 10 octobre 1867, une plaquette de 65 pages in-4° contenant, pour chacune des vingt-cinq études d'alors, la liste des titulaires successifs de chaque office.

Ce tableau, très utile puisqu'il indiquai!, le lieu de dépôt des anciens minutaires, pourvu qu'on connût le nom du rédacteur du contrat, n'a pas été mis dans le commerce, et les exemplaires, devenus très rares, en sont épuisés. Nous l'avons publié à nouveau, sous une forme scientifique, en l'annotant et en le conduisant jusqu'en 1897.

Sous ce titre : Notes sur l'inventaire des minutes notariales de l'Auxois, nous avons relaté, par ordre chronologique et en indiquant la durée de chaque gestion, la liste des titulaires successifs de chaque étude depuis l'origine connue jusqu'à la date actuelle, en distinguant les minutaires antérieurs à la loi des 29 septembre6 octobre 1791 de ceux créés sous l'empire de la loi du 25 ventôse an XI.

Nous y avons ajouté quelques notes faisant apprécier la valeur


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historique de ces pièces et les déductions déjà précieuses que l'on pouvait tirer de celte sèche nomenclature.

Nous serions heureux d'avoir pu mériter par cette initiative la bienveillante attention de la Section.

Nous avons pris la liberté de lui soumettre cet essai en voyant que la Section a mis à l'ordre du jour du Congrès des Sociétés savantes de 1898 la question suivante :

V. — Indiquer les mesures qui ont pu être prises, dans certains départements, pour assurer la conservation des minutes notariales et en faciliter les communications demandées en vue de travaux historiques.

Nous espérons pouvoir, en 1898, rendre bon compte des résultats obtenus à la suite des pourparlers engagés à ce double point de vue avec la chambre des notaires de Semur, et son exemple pourrait engager d'autres chambres à la suivre dans celte voie libérale. Le congrès annuel des notaires de France, dont la 7e session s'est tenue à Chalon-sur-Saône, du 22 au 24 juin 1897, a déjà adopté sur ce point spécial la résolution suivante :

A. Les minutes notariales resteront entre les mains des titulaires des charges, en vertu de leur droit de propriété sur leurs archives, confirmé par la législation (1), et au nom de l'intérêt des familles.

B. Dans chaque étude il sera organisé un registre minutier des actes antérieurs à 1790. Les notaires délégués pour la vérification de la comptabilité auront mission de s'assurer de l'état des anciennes minutes, de leur conservation et de l'existence des registres minutiers.

C. La communication des archives notariales ne pourra être faite qu'aux archivistes officiels. Pour tous autres, la communication des archives antérieures à 1700 ne pourra être donnée que sur l'autorisation écrite de l'un des ayants-droit connu ou du président de la chambre, avec le consentement du titulaire de l'office.

( 1) Les minutes notariales ne sont point la propriété des titulaires d'office, mais un dépôt public; la jurisprudence antérieure à 1790 est unanime et les prétentions des notaires actuels ne sont pas justifiées. Les lois de 1791 et de l'an xi n'ont pas modifié les précédents; nous l'avons démontré par le rapprochement des textes depuis les origines du notariat.

HlST. ET PHII.OL. — Nos l-2. 4


50 —

SÉANCE DU LUNDI 7 FÉVRIER 1898.

PRÉSIDENCE DE M. LÉOPOLD DELISLE, PRÉSIDENT.

La séance est ouverte à 3 heures et demie.

Le procès-verbal de la séance du lundi 10 janvier 1898 est lu et adopté.

M. DE SAINT-ABROMAN donne lecture d'un arrêté ministériel par lequel M. Xavier Charmes, membre de l'Institut et directeur honoraire au Ministère de l'instruction publique, est nommé membre honoraire du Comité des travaux historiques et scientifiques. M. le Président déclare, au nom de la Section tout entière, qu'il est heureux de voir M. Charmes continuer ainsi à faire partie du Comité aux travaux duquel il a pris longtemps une part si active et avec un si grand dévouement.

Il est donné lecture de la correspondance, avec renvoi à divers rapporteurs de la demande de subvention et des communications dont suit la nomenclature.

L'Académie des sciences, arts, belles-lettres et agriculture de Mâcon demande une subvention à titre d'encouragement pour ses travaux. — Cette demande sera l'objet d'un rapport à notre prochaine séance.

Communications :

M. CHAVANON, correspondant du Ministère, au Mans : Comptes du collège du Mans à Paris (1585-1588). — Benvoi à M. Gazier.

M. le comte DE GRASSET, correspondant du Ministère, à la Tourelle (Bouches-du-Bhône) : Copie d'une charte du fonds du chapitre métropolitain de Saint-Sauveur d'Aix de l'an 1215. — Benvoi à M. Omont.

M. HUGUES, correspondant du Ministère, à Melun : Etats gêné-


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raux convoqués à Orléans en 1649 : Cahiers de doléances des paroisses de Quiers et de Soisy-sur-Etiole, bailliage de Melun. — Benvoi à M. Georges Picot.

M. SOUCHON, correspondant du Ministère, archiviste de l'Aisne : Protestation des habitants de Laon contre l'alliance qu'on leur reprochait d'avoir conclue avec les meneurs parisiens en 1356. — Benvoi à M. Langlois.

Hommages faits à la Section :

M. Jules CAMUS, correspondant de la R. Deputazione di storia patria de Modène : La venue en France de Vakntine Visconti, duchesse d'Orléans, et l'inventaire de ses joyaux apportés de Lombardie.

M. VEUCLIN, au Mesnil-sur-l'Estrée (Eure) :

1° Les Lyonnais et la Russie au siècle dernier;

2° Havrais et Russes au XVIIIe siècle (en collaboration avec M. Alph. Martin);

3° La manifestation franco-russe de 1782;

4° Les idées républicaines de France enseignées en Russie par Catherine Il à son petit-fils Alexandre ;

5° Le génie français et la Russie; les tapissiers français en Russie;

6° Un poète français en Russie; Voltaire et la Russie; Catherine II à la mémoire de Voltaire;

7° Les Académies de France et de Russie; leurs rapports au siècle dernier;

8° La Comédie-Française et la Russie;

g" Relations politiques et commerciales entre la France et la Russie, 1689-1763;

I o° Le génie français et la Russie sous Catherine II;

II ° Le génie français et la Russie sous Pierre le Grand, Catherine Ire et Elisabeth.

Remerciements, dépôt à la Bibliothèque.

M. OMONT donne lecture d'un rapport relatif à une communication de M. Bené Merlet, intitulée : Le texte des coutumes de Lorris. M. Omont a été surpris en constatant que ce même texte, adressé au Comité, venait d'être publié ailleurs par M. Bené Merlet; en

4.


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conséquence, et jusqu'à nouvel éclaircissement, M. Omont ajourne les conclusions de son rapport.

La séance est levée à 4 heures trois quarts.

Le Secrétaire de la Section d'histoire et de philologie,

A. GAZIER, Membre du Comité.


— 53 — SEANCE DU LUNDI 7 MABS 1898.

PRÉSIDENCE DE M. LÉOPOLD DELISLE, PRÉSIDENT.

La séance est ouverte à 3 heures et demie.

M. LIARD, membre de l'Institut et directeur de l'Enseignement supérieur, auquel est rattaché désormais le Comité des travaux historiques, assiste à cette séance.

Le procès-verbal de la séance du lundi 7 février est lu et adopté.

Il est donné lecture de la correspondance : une communication de M. l'abbé GALABERT : Pièce tirée des archives du château de Lauture par Lauzerte (Tarn-et-Garonne), est renvoyée à l'examen de M. Longnon.

Hommages faits à la Section :

M. l'abbé CASSAN :

1 ° Guide des touristes à Saint-Guilhem-du-Désert; 2° Les archives municipales d'Aniane.

M. J. DULON : Jacques II Stuart, sa famille et les Jacobites à SaintGermain-en-Laye.

M. HÉRON, correspondant du Ministère, à Bouen : Journal de la dépense faite pendant le mois de décembre 1552 par François de Brézé et son train.

M. LEX, correspondant du Ministère, à Mâcon : Les fiefs du Maçonnais.

M. MOKEL, correspondant du Ministère, à Chevrières (Oise) : La naissance de saint Louis à la Neuville-en-Hesse.


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M. Alfred BICHARD, correspondant du Ministère, à Poitiers : Notice sur Bélisaire Ledain.

M. Eugène THOISON, correspondant du Ministère, à Larchant (Seine-et-Marne) : La pseudo-retable de Recloses.

Remerciements, dépôt à la bibliothèque.

M. GAZIER propose le dépôt aux archives d'une communication de M. J. Chavanon : Comptes du collège du Mans à Paris (i585-i588).

Sur la proposition de M. Paul MEYER, une communication de M. Soucaille : Hommage des habitants de Villeneuve à leur seigneur Roger Bernard de Lérys, sera déposée aux archives.

M. OMONT propose également le dépôt aux archives d'une communication de M. le comte de Grasset : Copie d'une charte du fonds du chapitre métropolitain de Saint-Sauveur d'Aix de Tan 1215 (1).

La séance est levée à 4 heures trois quarts.

Le Secrétaire de la Section d'histoire et de philologie,

A. GAZIER, Membre du Comité.

RAPPORT DE M. OMONT

SUR UNE COMMUNICATION DE M. DE GRASSET.

M. le comte de Grasset, archiviste adjoint des Bouches-du-Rhône et correspondant du Ministère, à Marseille, a adressé au Comité la copie d'une charte du fonds du chapitre métropolitain de SaintSauveur d'Aix (série G, liasse 4, pièce 20). C'est ie texte d'une donation faite en février 1216 à l'église de la Madeleine d'Aix, à charge de célébration d'anniversaires et sous réserve de certains droits, par Douceline, veuve de Bernard de Bodour, d'une rente de vingt mesures de blé qu'elle possédait sur des vignes, sises au delà de la rivière de d'Arc, près du chemin de Gardanne.

( 1) Voir à la suite du procès-verbal.


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La principale remarque à laquelle puisse donner lieu cette pièce d'intérêt privé, comme l'a fait très justement observer M. de Grasset, consiste dans la mention, qui se lit au début, du nom de Sanche d'Aragon, qui administrait alors le comté de Provence pendant la

minorité de Baymond-Berenger IV : "tanno Incarnationis

M°CC°VX. (sic), mense febroarii, comité Sancio Provinciam procurante». Je propose que des remerciements soient adressés à M. de Grasset et que sa communication soit déposée aux archives.

H. OMONT, Membre du Comité.


56 —

SÉANCE DU LUNDI 4 AVRIL 1898.

PRÉSIDENCE DE M. LÉOPOLD DELISLE, PRÉSIDENT.

La séance est omerte à 3 heures et demie.

Le procès-verbal de la séance du lundi 7 mars est lu et adopté.

Il est donné lecture de la correspondance, avec renvoi à divers rapporteurs d'une demande de subvention formée parla Société des sciences historiques et naturelles de l'Yonne, et de plusieurs communications.

Communications :

M. le comte DE GRASSET, correspondant du Ministère, à la Tourelle, près Marseille : Copie de deux chartes provenant du fonds métropolitain d'Aix, de Tan 1286. — Benvoi à M. Bruel.

M. G. LEROY, correspondant honoraire du Ministère, à Melun : L'obituaire de Tabbaye de Rarbeau, ordre de Citeaux, diocèse de Sens. — Benvoi à M. Longnon.

M. THOISON, correspondant du Ministère, à Larchant (Seine-etMarne) : Contrat de mariage de comédiens. — Benvoi à M. Gazier.

Hommages faits à la Section : Le vieux Mulhouse, tome II.

M. l'abbé PÉCHENART, correspondant de l'Académie nationale de Reims, à Maubert-Fontaine :

A. Le domaine des Potées (Ardennes) ou la donation de Saint-Rémy (532-1896);

B. Sillery et ses seigneurs;

C. Château Regnault-Bogny.


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M. René KERVILER, membre non résidant du Comité, à SaintNazaire : Bépertoire général de bio-bibliographie bretonne, fascicule 37.

Bemerciements, dépôt à la bibliothèque.

M. DE BARTHÉLÉMY propose l'insertion au Bulletin d'une communication de M. Giraud : Les comptes de Técurie de François d'Angoulêmc en 1314 (1).

M. LONGNON propose le dépôt aux Archives d'une communication de M. l'abbé Galabert : Pièce tirée des archives du château de Louture par Lauzerte ( Tarn-et-Garonne) (2).

La séance est levée à 4 heures et demie.

Le secrétaire de la Section d'histoire et de philologie,

A. GAZIER, Membre du Comité.

RAPPORT DE M. A. DE BARTHÉLÉMY

SUR UNE COMMUNICATION DE M. GlRAUD.

M. Giraud adresse au Comité les comptes de l'écurie de François d'Angoulême à l'occasion des joutes tenues lors du mariage de Louis XII avec Marie, soeur de Henri VIII d'Angleterre, rue SaintAntoine, près des Tournelles, en 1514.

Ce compte peut intéresser également les Sections d'archéologie et d'histoire; il me semble que celle-ci doit en tirer le meilleur profit à cause des détails que l'on peut y constater sur les dénominations données aux différentes pièces de harnachement et d'armures et sur les prix attribués aux chevaux et aux ouvrages fournis par les armuriers, orfèvres et coffriers.

A. DE BARTHÉLÉMY. Membre du Comité.

( 1) Voir à la suite du procès-verbal. (2) lbid.


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COMPTES DB L'ECURIE DE FRANÇOIS D'ANGOULÊME (1514).

Communication de M. J.-B. Giraud, conservateur des Musées archéologiques de la ville de Lyon.

"Ledict sieur d'Angoulesme, voulant bien donner à congnoistre pour complaire au Roy et aux Anglois qu'il estoit bien aise dudict mariage, entreprit les jouxtes et tint le pas. Et pour mieulx faire et plus honnestement, il choisit sept capitaines de France, et lui pour le huictième : et estoit le premier Monsieur de Vendosme, Monsieur de La Palice, Monsieur de Bonnivet depuis admirai de France, le grand Sénéchal de Normandie, le jeune Advantureuxt1', le grand Escuyer de France, et le duc de Suffolk, Anglois. Etavecques leurs aydes tinrent le pas à tous venans, tant Anglois que François, feust à cheval ou à pied; et vous asseure qu'ils eurent merveilleusement à souffrir, car ils eurent dessus les bras plus de trois cent hommes d'armes. Et y feurent faictes de fort belles choses, de frapper et bien jouxter (2). " C'est ainsi que Fleurangequi en fut un des principaux acteurs, consigne dans ses Mémoires le souvenir des joutes qui furent données en l'honneur du mariage de Louis XII avec la jeune Marie d'Angleterre.

Un récit que le fils de Louise de Savoie fit rédiger par Montjoie son héraut d'armes (3), nous apprend qu'elles eurent lieu rue SaintAntoine, près des Tournelles; et les comptes de l'écurie de la maison d'Angoulême nous fournissent de précieux détails sur les harnachements et les armures du prince fastueux qui dans une fête aussi brillante tenait à mettre en évidence le nouvel époux de la fille aînée du roi de France.

Malgré qu'ils soient incomplets, ces comptes de 1514 (4) abondent en renseignements sur ce qu'on appelait alors l'écurie d'un prince, héritier probable de la couronne:les grands chevaux, les haquenées

(1) Robert de la Mark, seigneur de Fleurange et de Sedan.

( 2) Mém. de Fleurange, éd. Michaud et Pouj, t. V, p. 45.

( 3) «L'ordre des Ioustes faites à Paris, à l'entrée de la Royne, le pas des armes de l'arc triomphal... L'an mil cinq cens et quatorze et le xiu" jour de novembre, ung lundy à deux heures après midy, furent ouvertes les ioustes dedans Paris près des Tournelles...» Bibl. nat., plaquette de 44 feuillets.

(4) Arch. nat., KK 240, fol. 120 et suiv.


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et les courtaux, les remèdes et l'entretien, les harnais journaliers et de cérémonie, l'équipement du cavalier, etc. La partie la plus intéressante est sans contredit celle qui a trait aux armures de joule. Pour " tenir le Pas de l'Arc Triomphais Monseigneur commanda à Jacques Merveille, Italien ( 1) fixé à Tours, une armure qui lui revint après de cinq cents livres. Sur une armure composée d'un halecret ou corps de cuirasse articulé, d'un tonnelet et de très longues tassettes, d'un harnois de jambes avec sabots, de bacinet, de gardebras, d'avant-bras et de gantelets, viennent s'ajuster en supplément ou en transformation, et suivant les besoins de la lutte, dix-sept «doubles pièces^ ayant chacune leur nom et leur emploi, seize rondelles, cinq contre-rondelles et deux paires de "gants garnis de doigts».

La confection d'un harnois aussi complexe, qui devait être évidemment le dernier mot de l'art du batteur de plattes en 1514, a exigé beaucoup de soins. Il a fallu près de trois mois, et J. Merveille a couru plusieurs fois les routes d'Etampes et de Paris pour en faire essayer toutes les pièces à son fastueux client. La liste des dix-sept doubles pièces ou pièces de renfort énoncées dans les articles 146 à 161 est des plus intéressantes par elle-même. Nous avons essayé de préciser d'une façon exacte leur fonctionnement, en nous aidant des textes contemporains spéciaux, notamment de l'Anonyme du Costume militaire des Français en 1446, de l'Ordonnance des Chevaliers errans, de Merlin de Cordebeuf, et des pièces de même époque publiées par M. B. Prost dans son Traité du duel judiciaire.

( 1) Nous ne sommes pas sûrs de cette origine étrangère ; peut-être était-il parent d'un autre "Merveille, natif de Milan, sommelier ordinaire de l'armurerie du Roi», son contemporain? Cf. J.-B. G., Documents pour servir à l'histoire de l'Armement au Moyen âge, t. I, p. 190.


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COPIE DU COMPTE (1).

Compte septiesme de Pierre de La Place, escuyer argentier de Monseigneur due de Valois, comte d'Angoulesme, pour une année entière commençant au premier jour de janvier mil cinq cens treze, et finissant au dernier jour de décembre mil cinq cens quatorze (v. s.), rendu par led. de la Place, argentier (Fol. 120).

Escuyrie.

[1] (Fol. îai.) Verdun Taboys à Bloys, le jour que Mons* 1 partit pour aller Angoulesme : à l'esperonnier du Roy pour une paire d'esperons dont les molettes et les membretz( 2) sont d'argent VIIj s. vj. d.

[2] A luy pour avoir bruny une paire d'esperons dont la gamylure est dorée, les avoir garny de cuyr IIj s.

[3] A Chastellerault.pour ung licou simple garny de deux rênes pour le cheval que mène Sequain vrj s. vj d.

[ 4 ] Aud. lieu pour une bride à une celle de courtault( 3) qui est rompue, l'avoir embourée et atachée vi s. vj d.

[5] Aud. lieu pour avoir embourré la selle du courtault de Robertet, Angoulesme, pour cinq licoux de cùyr simples garnis de rênes pour cinq courtaulx (fol. 121 v") à v. s. pièce xxv s.

[6] Aud. fieu pour quatre paires de sangles pour les grans courtaulx virj s.

[ 7 ] Aud. lieu pour dix portemors( 4) garniz de grans boucles noires, v s.

[8] Aud. lieu pour avoir abillé la celle de Brosse rompue devant, l'avoir embourée et retachée vj s.

[9] Aud. lieu pour avoir embourré îa celle du Turc qui est trop large et l'avoir acoustrée nij s.

[10] Pour six contresangleaux( 5) mis aux celles des petiscourtaulx. mjs.

( 1) Arch. nat. KK. 240, fol. 120 à 144.

( 2) «Membretn, petite épaisseur qu'on ménage au bout de chaque branche d'un éperon.» Littré. — 1530 circ. «Deux paires d'esperons blancs, les molettes et les membres dorés.» Armurerie de Nancy; /ne. des ducs de Lorraine, p. 21.

( 3) 1606. « Courtaultn est un cheval qui a crin et oreilles couppées.» — Dict. de Nicot.

( 4) s Porte-mors » ; il se dit des cuirs de la bride qui soutiennent le mors.n Littré. — 1530. «Ung petit sacque de courrion où il y a deux bossettes, quétre ports mors, quatre blocques avec les clos, et autres pièces appartenant à ung accouslrement de harnoys de mulle, avec aussi deux étriers. » Arm. de Nancy ;Inv. des ducs de Lorraine, p. 7.

( 5) it Contre-sanglon » courroie clouée sur l'arçon de la selle et qui sert à arrêter la boucle de la sangle. » Littré.


— 61 —

[11] Pour avoir habillé le coursier à courir la poste(1), et mis du cuyr blanc Ij s.

[12] A Bloys, pour lever le coisinet du mors du Turc avecques le bosses( 2) Ij s. vj d.

[13] Pour la garniture d'une paire d'esperons pour mond. Sgr où il y a douze membrez, deux moletes et deux bources(3), et les avoir noircies et garnies de cuyr neuf. vm s.

[14] Pour une paire de bosses neufves pour la mulle et pour l'avoir... de mors VIj s. vj d.

Qui est en tout lad. somme de IIIj I. XIX s. VIIj d.

[15] Anthoyne Dubat commis au payement de l'Escuyrie (fol. 122) des grans chevaulx la somme de neuf livres neuf solz pour pareilhe somme par luy payée durant les moys de janvier et février;

[16] Scavoir est à ung drappier de Bloys pour deux aulnes de gros bureau gris à faire une couverture à l'espaignolle à ung des chevaux de lad. escuyrie xx s.

[17] A l'apothiquaire pour drogues à faire onguens aux chevaux de lad. escuyrie xxxj s.

[18] Au cellier pour plusieurs menues parties par luy faictes aux selles et bamois desd. grans chevaulx durant lesd. moys L s.

[19] A l'esperonnier pour plusieurs menues parties avec une paire d'esperons baillée pour mond. Sgr, avecques ung mors pour le Courserot XL s.

[20] Pour avoir faict dorer lesd. espérons et faire les boucles de lacton doré avecques douze clous aussi dorés XLV S.

[21] En cordes pour servir en lad. escuyrie IIj s.

Qui est en tout lad. somme de IX 1. IX s. t.

[22] A Verdun Taboys pour mises faictes en voiages ( fol. 122 v°) de l'enterrement de la Royne à St Laurent des Eaulx, pour avoir reffect la tectière du harnoys du drap du Turc pour ce qu'elle estoit Irop grande.. ij s. vj d.

[23] A Clery pour avoir embourré la celle du courtault, abillé la lestière( 4) et la celle du grans courtault. . . , IIj s.

(l) 1513. « Le 14 d'octobre 1513, en venant de vespres de Saint Léger de Congnac, je entrai en mon parc, et près du dedalus, la poste m'apporta nouvelles fort bonnes du camp de mon Gis, lieutenant du roy Louis XII en la guerre de Picardie, scavoir est que le roi des Romains s'en estoit allé de Tournai, et que le roi d'Angleterre s'affaiblissoit de jour en jour.» Journal de Louise de Savoie, Michaud et Pouj, t. V, p. 38.

( 2) 1630 cire. «Deux mors avecques les bossettes dorées.» Invent, des ducs de Lorraine, p. 21.

( 3) Enveloppe, étui ; cf. J.-B.-G., Les épées et dagues du comte de Salm, p. 119.

( 4) « Têtière", partie de la bride d'un cheval qui est appliquée sur la tète, et qui


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[24] Pour avoir mis ung aneau à l'embouchure (1) du Curé... XIj d.

[25] Pour deux paires de sangles pour les deux Curés et embourage des celles v s. VJ d.

[26] A Paris pour la noircissure de deux mors pour la mulle que Mons. d'Estissac a donné à Monsgr, et l'autre pour le courtault que le premier président a aussi donné, et pour avoir assis les bosses dessus, VIj s. vj d.

[27] Pour deux paires de bosses pour led. mors xs.

[28] Pour deux paires d'estrieux à quatre filletz( 2) pour lesd. courteanlx de mulle xxv s.

[29] Aud. lieu pour l'embourrure de troys celles neufves du Turc et (fol. 123) de la hacquenée et du courtault dud. président v s.

[30] Pour une bouche à testière de lacdite hacquenée et ung tiret à ung poytral ij s. vj d.

[31] Aud. Paris pour une grosse serrure à la porte de l'armetrie qui est au Tournelle vrj s. vj d.

[32] Pour deux bandes de fer aux coffres des bardes( 3) qui est rompu et remis un morillon IIIj s. vj d.

[33] A cinq hommes qui ont porté neuf coffres et la tappicerie du bas des Tournelles en l'armurie, et pour avoir nectoyé la chambre v s.

[34] Pour seze aulnes de toille pour fere deux paillasses à coucher les paiges à II s. VI d. l'une XL S.

[35] Pour la fason desd. paillasses IIj s.

[36] Pour deux estrilles pour l'escuyrie des courteauk x s.

Qui est en tout lad. somme de vj I. xx s.t.

[37] Aud, Verdun la somme de unze livres (fol. ia3 v°) huit solz tourn. pour le remboursement de pareilhe somme par luy payée, c'est assavoir :

[38] A l'homme de Monseigneur de Chaudron, troys escuz sol. valent cru] s.

sert à supporter le mors.» Littré. — 1530 «Une vieille testière de cheval couverte de vellours noir.» bit. des ducs de Lorraine, p. a.

( 1) « Embouchure » partie du mors qui entre dans la bouche du cheval.» littré. — 1564. « Après que l'on aura baillé au cheval le mors tel que le requiert ta composition de sa teste et de son col... et advisé que la barbette de la garde soit repliée en dehors afin qu'elle ne luy offense la lèvre, sera besoin premièrement de regarder que l'embonchure soit bien aiustée en la bouche et la gourmette au menton. » Traicté de la manière de bien embrider... les chevaux... par le S. César Fiaschi. Paris, 1564, fol. 30 v°.

( 2) Probablement étrier, dont la semelle ajourée est formée par quatre liges parallèles (?).

( 3) 1530 cire. « Autres harnois estans dans un coffre desappin emmy ledit galetas. .. Deux coffres de bardes dans lesquels il y a les armures de deux selle» de jouste.» Inv. des ducs de Lorraine, p. 17.


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[39] Au pallefrenier du baron de Monmoreau troys escuz sol.

valent cxiij s.

de don a eulx faicl par mond. Sgr pour luy avoir présenté de par leurs maitres chacun ung cheval.

Qui est en tout la somme de xj l. vnj s. t.

[ 40 ] A Verdun Taboys la somme de douze livres huit solz pour le ramboursement de pareilhe somme par luy payée, savoir est :

[ 41 ] Au pallefrenier de Mons. le premier président de Paris pour avoir présenté de par son maistre ou moys de janvier der. passé un cheval de poil bayart( 1) à Monseigr vnj l.

[42] Au pallefrenier de Mons. d'Estassac pour avoir aussi présenté de par son maistre une mulle à mondit Sgr cviij s.

Qui est ladicte somme de xij l. vnj s. t.

[43] (Fol. 124) A Jehan Merlin, mareschal, ou moys de janvier pour

avoir pensé une mulle d'une espaulle et d'une jambe xxx s.

[44] Pour avoir bailhé deux boytes d'onguens à v s. chacun. . x s.

[45] Pour une boyte de cyre v s.

[46] Pour avoir fet une enmyelleure à la hacquenée xv s.

[47] Pour luy avoir faict ung brevaige xij s.

[48] Pour avoir bailhé troys boytes d'onguens a v s. chacun.. xv s.

[49] Pour avoir bailhé ung brevaige au cheval bayart x s.

[50] Pour une myeleure à la hacquenée blanche vnj s.

[51] Pour ung brevaige a petit engoyson vij s.

[52] Pour deux boytes d'onguens x s.

[53] Pour drogues fournyes pour le Curé qui a eu le feu.... xij s.

[54] Pour ie mulet qui a eu aussi le feu v s.

Qui est en tout vj l. xix s.

[55] A Anthoine Duval, argentier des grans chevaulx, la somme de neuf livres tourn. par luy payée, scavoir est :

[56] A ung esperonnier de Bloys pour plusieurs menues parties par luy faictes, scavoir est pour ung vieulx mors qu'il a reblanchy et mis ( fol. 124 ) une chesnete, des touretz(2), aneaulx, et aussi a tache deux paires de bosses viij s.

[57] Pour ung mors a la genete (3), reblanchy les branches.... xv s.

(1) 1666. «Un cheval bai ou bayart....» I. Nicot.

( 2) « Touret », gros clou dont la tête arrondie est arrêtée dans une branche d'un mors.... En serrurerie, petite tringle ayant une tète d'un bout et courbée en S de l'autre.» Littré.

( 3) « Mors à la genete ». 1554. «Genêt s'appelle icy une sorte de mors que coustumièrement on baille aux genêts d'Espaigne.» César Fiaschi (fol. 18 v°et fig., 67 v°, 63 et v°).


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[ 58 ] Pour deux portemors et deux aneaulx ij s.

[59] Pour ung soulier de cuyr au cheval de Longueville qui est malade d'uug pié iij s.

[60] Pour douze grosses eguilhetes( 1) de soye pour servir aux bardes de Monsgr xv s.

[61 ] A ung apothicquaire de Bloys pour drogues par luy baiUées à faire onguemens pour les chevaulx xx s.

[62] Pour troys quars de gros bureau a rabillier une couverture qui esl rompue vij s.

[ 63 J A ung cousturier qui a faict deux couvertures à l'espaignolle et rabillé troys aultres, pour ses peyne et façon xv s.

[64] Pour deux hors de lacton à mectre sur les bardes xv s.

[65] Pour un mors à pas d'asne( 2) garny de bossetes dorées pour l'Estradiot ( 3) xxv s.

[66] Pour une paire d'estrieux neufs pour (fol. 125) led. Estradiot x s.

[ 67 ] A un apothicaire de Paris pour drogues à faire onguens doux pour les chevaulx de lad. escuyrie xviij s.

[68] Pour une paire de fourches pour servir en lad. escuyrie... x s.

[69] Pour avoir faict des châssis aux estables de lad. escuyrie. viij s.

[70] Pour ung sac de toille iiij s.

[71] Pour une boucle dorée à ung des espérons de mond. Sgr.. v s.

Qui est en tout lad. somme de ix 1. t.

[72] Aud. Verdun, fourrier de l'Escuyrie, la somme de vingt huit livres dix huit solz unze deniers t. scavoir est :

[73] Pour avoir faict noircir une paire d'esperons à double garnyture nj s.

( 1) i56i. « Estât des marchandises non comprises es prix, faicts avec les marchands. . ., lesquelles seront comptées ainsy qu'est cy après déclairé, assavoir... Les esguillettes de fine soye d'Angleterre renforcée, la douzaine xv s. vi d.; Autres esguillettes de tresse d'un quartier de long, aussy renforcées, la douzaine xv s.; Les esguillettes de ruban large, renforcées à rames, la douzaine us...» Etats relatifs à la. . . maison... du duc d'Orléans,frère de Charles IX, par J. Brosssard, ap. Bull: archéol., 1890, p. 23.

( 2) 1564. «Advenant qu'il soit besoin de bailler à tel cheval le mors ouvert, H luy faudra lors bailler le mors à pas d'asne (ou cbiappon) de deux prises, et sites deux prises ne suffisent pas, y adiouster la troisième.» César Fiaschi (fol. 6 v° et fig. 56 v°, 58 v°, 59 à 62 v°.

( 3) Nom donné à un cheval, probablement à cause de son origine orientale. — 1494 « Estradiots sont gens comme Genelaires,vestusàpied et à cheval comme les Turcs, sauf la teste où ils ne portent ceste toile qu'ils appellent Tolliban, et sont dores gens et leurs chevaux, et couchent dehors tout l'an. Ils estoient tous Grecs, venus


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[74] Pour la garnyture de cuyr desd. espérons xx d.

[75] Pour une paire d'estrieux à quatre filletz retors pour mond. Sgr ù la hacquenée Chaudron, xij s. vj d.

[76] Pourungjnors pour le petit(fol.125 v°) Traquenart avecques une paire de bossetes noires xv s.

[77] Pour ung mors pour le cheval de Gruffy, et pour avoir remis les bossetes dessus led. mors xj s. nj d.

[78] Pour une paire d'estrieux à armer pour Monsgr xv s.

[79] Pour deux paires d'esperons à armer pour mond. Sgr faiclz à grant haste xx s.

[80] Pour deux grosses lances pour mondict Seigneur avec les fers mj 1. xij s. vj d.

[81] Pour deux aneaulx d'estaingn pour courir la bague pour mond.

Sgr vj s- VJ d[82]

d[82] sept aguilhetes de soye blanche pour mectre les espérons et les bothines de mond. Sgr nj s.

[83] Pour ung fourreau couvert de velours blanc pour une des espées de mond. Sgr vj s. vj d.

[84] Pour avoir fourby deux espées de mond. Sgr qui estoient gastées de rouille ix s.

[85] Pour avoir couvert une paire de bardes avecques la tectière el rêne du cheval, couvertes lesd. bardes toutes de loille d'argent, et par dessus la moictié de velours blanc, et l'autre ( fol. 12 6 ) moictyé de marroquin blanc, avecques deux bors de cordelières de toilled'argent et de marrocquin par moytié, qui sont deux couvertures de bardes, pour ce faire a prins quatre hommes toute nuyt pour luy aydcr à ce fere vnj 1. x s. t.

[86] Avoir garny lesd. bardes par dedans le cuyr tout autour pour atacher lad. couverture xx s. t.

[87] Pour sept boucles estaignées, larges et remforcées pour le harnoys dud. cheval pareilhes desd. bardes xxij s. vj d.

[88] Pour quarante aguilhetes de soye blanche pour servir esd. bardes, poisant lesd. eguilhetes dix onces à xu s. vi d. l'once vjl. v s.

[89] A troys hommes qui ont porté de Paris aux bonhommes là où Monsgr courut la lance, les bardes et lances vj s.

[90] Pour deux paires d'estrieux camus par dessoubz pour la chasse pour Monsgr xxv s.

[91 ] Pour quatre paires de bosselés à la tureque pour la chasse noyres, et pour les avoir assis sur les mors xxv s.

Qui est en tout lad. somme de xxvnj 1. xvnj s. xj d. t.

des places que les Vénitiens y ont, les uns de Naples de Roumanie en la Morée, autres d'Albanie devers Duras, et sont leurs chevaux bons et tous de Turquie. Les Vénitiens s'en servent fort et s'y fient.» Commines, édit. 1581, p. 289.

HIST. ET PUILOL. — Nos 1-2. 5


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[92] (Fol. 126 v°.) A Jehan Migean, baslier suyvant la court, la somme de deux cens cinquante ol six livres dix solz tournoys, pour six vingt quinze escuz sol., pour troys muletz par luy venduz et livrés en l'Escuyrie de mond. Sgr. pour servir de sommiers(1), pour cecy IIe LVJ 1. x s.

[93] A Pierre Bobyc, marchant dechevaulx, demourantà Paris la somme de quatre cens vingt et une livre seze solz tourn., scavoir est : pour troys grans chevaulx, l'ung de poil noir, l'autre bay et l'autre gris, de luy achaptez pour mond. Sgr la somme de vi" x ? t. d'or sol. vallant à xxxviij s. pièce iiij e xvuj L, lesqueulx chevaulx ont été livrés en l'Escuyrie de mond. Sgr, et LXXVI s. pour le vin des varletz (2) dud. marchant; qui est en tout lad. somme de iiij xxj l xvj s.

[94] A Anth. Dubal la somme de neuf livres troys solz tournoys pour le ramboursement de pareillie somme par luy payée pour l'Escuyrie des grans chevaulx de mond. Sgr, scavoir est :

[95] A ung apothicaire L S. pour plusieurs drogues par luy baillées pour faire onguens au cheval nommé Telude qui est blessé d'ung coup de pié de cheval, et pour autres onguens doux pour les aultres chevaulx de lad. Escuyrie.

[96] Pour treze aulnes grosse toille à faire troys couvertures à l'espaignolle aux chevaulx de lad. Escuyrie à la raison de nj s. l'aune... XMJ s.

[97] Aux cousturiés pour la façon des couvertures et rabillement des troys autres xxv s.

[ 98 ] A ung esperonnier pour ung mors double( 3) pour ung courtault bay, avoir estamé troys paires d'estrilles et en avoir baillié deux, rabillé troys mors pour les autres chevaulx de lad. Escuyrie, et pour (fol. 127 v") ung aultre petit mors à ung courtault tx s.

| 99] Pour deux espoucetes à nectoyer les harnois de veloux de lad. Escuyrie vj s.

Qui est en tout lad. somme de ix 1. xnj s. t.

[100] A Charles de Leanue, ayde en cuysine, la somme de treze livres neuf solz six deniers tourn. pour ung cheval de poil bay de luy achaptéet mis en l'Escuyrie de mond. Sgr pour servir à porter ung des paiges, pour cecy xnj 1. ix s. vj d.

[101] A Jehan Arnoul, hosle du Lyon d'or à Gergueau (Jargeau), la

(1) 1606. «Sommier»... pour un cheval portant en somme, c'est-à-dire sur le dos, soit bahus ou autre charge.» I. Nicot.

(2) 1606. « Le vin des varlets, le vin des clercs : accessio vel accessiones.it lbid.

( 3) 1564» Mors à double filet de palenostres; que nous disons à couplet et à ballottes rayées. . . Mors à fronde en bastonnet double prises que nous disons à couplet, quatre rouelles, deux dessus et deux dessous ou bastonnets à quatre rouelles.» César Fiaschi, fig., fol. 54 et 55.


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somme de treze livres six solz tournoys pour ung cheval de poil gris de luy achaplé pour servir h porter ung des paiges, pour cecy. . xnj 1. xi s.

A Yvonnet Robert bossetier d'Amboise la (fol. 128) somme de soixante et troys solz dix deniers tournoys, scavoir est :

[102] Pour avoir faict deux grans paires de bossetes longues et noyres x s.

[103] Pour six paires de moyennes noyres à v s. paire xxx s.

[104] Pour deux paires de plaines lugnes( 1) pour la mulle et l'antre pour le courtault viij s.

[105] Pour avoir ataché sur les mors lesd. bossetes xij s. vj d.

[106] Pour demy cent de clou jaulne pour l'escuyrie des grans chevaulx pour atacher les bossetes sur les mors iij s. iiij d.

Qui est en tout lad. somme de LXIIJ S. X d. t.

A Jacques Merveihes armurier la somme de soixante et dix huit livres cinq solz tournoys pour parties de son mestier, par luy faictes et fournies pour mond. Sgr, et à luy livrées ou moys de mars en l'an de ce rolle comme s'en suit, scavoir est :

[107] Pour ung harnoiz complet à double croysant ( 2) et grant buffe( 3) et le gantelet droit à doiz( 4) l'avant bras droit (fol. 128 v°) à lames par dedans ( 5) xxxv ?

[108] Pour une grant lame(6) avecques deux gran tassetes, pour

ce iij

[109] Pour la voicture dud. harnoiz de Tours à Bloys, pour le mener essaier et pour la voicture de le retourner à Tours xxx s.

( 1) «Pleine lune», variété de bosselle.

( 2) Pièce protégeant l'aisselle : 1468. « Idem une salade, ung harnois de jambes, ung croissant tenant à un méchant pourpoint, et deux paires de hauberjeon avecques une vieille espée d'armes.» Inv. et comptes des obsèques de Jean, bâtard d'Orléans, par J. Jarry ap. Mém.Soc. archéol. et hisl. de l'Orléanais, t. XXIII, 1892, p. i44. — 1501. « Le roy Régnier de Cecille (René d'Anjou) esleva une confrairie de chevaliers et d'escuyers qui portoient le croissant sons l'asselle, les chevaliers d'or et les escuiers d'argent; et y avoit escript: « Croissant en loz.» Espitre pour. . . célébrer la feste du Thoisun d'or, par 01. de la Marche, ap. Bern. Prost, Duel judiciaire, p. 103.

(3) Cf. La Buffe et la Passegarde, ap. J.-B. G., Doc. pour servir à l'hist.de l'armement au moyen âge, p. 216 et suiv.

( 1) Dans l'armure de joute, le gantelet droit qui devait empoigner la lance était à articulations libres, tandis que la main gauche était armée d'un miton.

( 5) La même observation s'applique à l'avant-bras droit, dont le mouvement devait être plus aisé.

^ «Grant lame», terme générique pris ici pour la braconnière, défense fixée au bas de la cuirasse et à laquelle étaient suspendues les tassettes mobiles.

0.


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[110] Pour la despence de luy et de son cheval quant il fut pour essayer led. harnois noir, pour despence et pour tout LIS.

[111 ] Pour la voicture dud. harnois neuf et du vieulx harnois qui fut rocleué avecques les grans doubles pièces de Tours à Bloys LX s.

[112] Pour la despenec de son voiage quand il fut à Bloys mener lesd. harnoiz blancs"', tant pour sa despence que de son cheval LXS.

Qui est en tout ladicte somme de LXXVIII 1. vu s. t.

[113] A maistre Martin du Cartelier, maistre (fol. 129) du fils de Mons' de S' Vallier, la somme de sept livres Ireze solz ts pour ung cheval de luy achapté pour servir à porter ung des paiges de mond. Sgr, pour cecy vij I. xiij s. t.

[114] A Jehan de Paris, serviteur de Monsr de Saiuct Marsault, la somme de neuf livres dix sept solz six deniers tourns pour ung cheval de luy achapté pour servir à porter ung des paiges de Mond. Sgr, pour cecy ix 1. xvij s. vj d.

[115] A Loys Beal la somme de dix solz ts pour le ramboursement de parcilhe somme par luy à payer à Charles Fuyelle, esperonnier d'Abeville, pour ung mors de bride achapté pour ung des courtaulx de mond. Sgr, pour cecy xj s. sic.

[110] A Marc Bonneviu la somme de dix neuf (fol. 129 v°) livres treze solz neuf deniers tourns pour cinquante aulnes de frange de soye pour franger deux harnois de courtaulx et une housse, poisant vingt six onces ung quart à xv solz l'once, valent lad. somme de xix 1. xnj s. ix d.

A Jacques Merveilhes, armurier, la somme de vingt six livres cinq solz tourns, scavoir est :

[117] Pour avoir rabillié et relevé tout à neuf le harnois de mond. Sgr qu'il avoit en Picardie nj esc.

[118] Pour avoir nectoyé et relevé une paire de harnois de jambes que Iehan d'Ausonnc a faict, une grant lame et deux grans tassetes, une paire de gantelets, doux chanfraius, reflet une petite baviere( 2) et les lames sur l'armet de mond. Sgr iiij esc.

[119] Et pour avoir faict une grant visière 13' heaulme et une baviere iij esc.

[ 120] Pour avoir relevé et nectoyé les grans doubles pièces(4). . . ij esc.

( 1) Cf. J.-B. G., La boutique de Jean de Vouvray. . ., p. 170, note 2.

(2) Cf. J.-B. G., Importation des armes étrangères à Lyon. . ., p. 202 , note 5.

( 3) 1606. «Que des Essars en son Amadis appelle souvent voue, est la face antérieure du heaulme par où l'homme d'armes ielte sa veiie, comme par une fente ou meurtrière.» I. Nicot.

( 4) 1530 cire. «Les pièces doubles d'un harnois complet, excepte l'armet.» Inv. des ducs de Lorraine, p. 16. «Les harnois de jouste tous completz avec toutes les doubles


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[121] Pour ung voiage faict de Tours à Bloys (fol. 130) quérir les harnois LX s.

[122] Pour la voisture d'avoir mené ledict harnois dudict Bloys à Tours x s.

Qui est en tout lad. somme de xxvj 1. v s. t.

[123] A Ozias de Lavernade, escuyer, Sgr de la Bastie, la somme de sept cens soixante livres tournoys pour la vendition et livraison d'un coursier' 1' de poil bay brun par luy vendu à mond. Sgr, et douze aulnes de veloux que mondicl Sgr luy a fet bailher oultre et par dessus la somme de vii° LX 1.t.

[124] A Jehan Merlin, mareschal de mond. Sgr, pour plusieurs parties de son mestier fournies et bailhées pour les chevaulx de l'Escuyrie de mond. Sgr, depuis le mois d'avril l'an de ce compte, jusques ou moys de décembre ensuivant comprins en ce drogues, onguemens et brevaiges pour les chevaulx qui ont esté mallades, pour cecy lad. somme de... ix l. v s. t.

[125] A Iehan Bruneau, secrétaire de mond. Sgr la somme de soixante livres cinq solz tournoys pour le remboursement de pareilhe somme par luy payée, scavoir est :

[126] Au palefrenier du Sgr Iehan Iacques Trivulce(2), xx 1. tant pour payer à ses despens de s'en retourner de la ville de Paris à la maison de son maistre Embrun( 3' où il pourra vacquer xxij ou xxinj journées de don à luy faict par mond. Sgr. en récompense de la poyne qu'il a eue en amenant dud. Ambrun ung grant cheval que son maistre a prêté à mond. Sgr h Paris, pour luy servir au tournoy qu'il a faict à l'entrée de la Boyne.

[127] Au pallefrenier de Monsgr de la Bocheffoucault( 4) qui avoit

pièces. » lbid. p. 18. — Dans un recueil de dessins d'armures de la seconde moitié du xvi e siècle ayant fait partie de la collection Spitzer, figure la reproduction d'un assez grand nombre d'armures accompagnées de leurs doubles pièces; nous en avons publié deux planches : t. VI, Armes et armures, p. LIV et LV.

( 1) 1606. «Coursier ou Corsaire», c'est-à-dire un cheval de lance, sur lequel on court la lance.» I. Nicot.

( 2) 1513. Un des chefs les plus imprévoyants de l'armée française battue à Novare : «M. de la Trémouille et les autres capitaines les voulaient toujours attendre (les lansquenets); mais le sieur Iean Iacques, lequel avoit charge de les mener jusqu'à Milan avec un esperon de lois, estoit encore en ceste fantaisie, et les faisoit tousjours haster, dont mal en prist, comme vous verrez cy après.» Mém. de Fleurange, ap. Mich. et Pouj., t. V, p. 34. — 1515. Maréchal de France, il accompagna François Ier dans sa campagne d'Italie. Mém. de Martin du Bellay, ap. lbid., p. 1 a 3.

( 3) 1515. Embrun fut la dernière étape de François Ier sur la route d'Italie. lbid.

'*' i5i3. «Le 3 de septembre qui fut un sabmedy de nuict, 1513, je feus griefvement malade de collique à Congnac; et par ce fut rompu mon voyage, car je devois aller à Barbezieux tenir l'enfant de La Rochefoucault. » Journal de Louise de Savoie, ap. Mich. et Pouj., t. V, p. 88.


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quatre grans chevaulx et ung courtault and. Paris pour pareilhe cause que dit est xvij 1. x s.

|128| A homme de la montagne pour ramener à la maison de son maistiv (loi. 131) ung grant cheval qu'il avoit preste à mond. Sgr. pour le lournoy cv s.

[129] Au pallefrenier de messire Paul Camille lieutenant du Sgr. Teaulde pour s'en retourner en Languedoc en la maison de sond. maistre et y ramener ung grant cheval qu'il avoit preste à mond. Sgr. pour led. lournoy xvij I. x s.

Qui est en tout lad. somme de i.x 1. v s. t.

A Phelipot Dumont, aubergeonnier du Roy, la somme de neuf livres cinq cens sols tournoys, scavoir est :

1130] Pouravoirabilhéunepairedebotinesdemailhecouvertes. xxxvs.

[131] Pour avoir couvert deux paires de souliers de mailhe avecques les pointes xxxv s.

[132] Pour avoir bailhé une mailhe de lennelel( 1) LXX s.

[133] Pour avoir garny une paire de souliers de mailhe jaulne, et bailhé la mailhe de grève coppée( 2) et par plusieurs fois necty et regluy (fol. 131. v°) lesd. soulliers de maille xxxv s.

[134] Et pour avoir baillé la maille du ply du bras et du poignet. . x s.

Le tout par luy fourny à mond. Sgr pour luy servir au tournoy, pour cecy ix 1. v s. t.

A Claude de Camuel et Iehan de Soûlas, la somme de soixante et dix livres dix solz tournoys, scavoir est :

[135] Pour le boys et clou, poyne d'ouvriers et vaccation d'avoir par eulx faict des escussons du Roy et de la Royne pour mectre à l'arc triomphal du lournoy que Monseigr a faicl à l'entrée de la Boyne à Paris ou moys de novembre en l'an de ce compte xiiij l.

[136] Pour la ferrure à soustenir les escussons, c'est assavoir : ung pivot de six piedz de long avecques quatre pattes clouées au pilier du peyron, deux grandes bandes coudées atachées à clous rivés contre lesd. escussons qui entrent dedans led. pivot pour soustenir iceulx escussons.. iiij I. x s.

[137] (Fol. 132.) Pour l'escusson de mond. Sgr vij s.

[1 38] Pour avoir painct d'or, ajouré d'autres estoffes ( 3) les escuz dud. Sgr, de la Royne et de mond. Sgr xxxv 1.

( 1) Tonnelet de maille, jupe de maille. i53o cire. : «Ung harnois complet pour combattre à pied, excepté les gantellets el harnois de jambes. Six tonnelelz. Six bassinetz. Six paires de gardebras.» Inv. des ducs de Loir., p. 2 9.

( 2) Grèves coupées, cf. J.-B. G., La boutique de Jean de Vouvray, p. 174, note 4.

(3) 1521. «A Hue de Boulongne, paintre de Md. S., pour les estoffes de sondit


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[139] Pour les cinq escuz de l'emprinse et autres chouses. ... x l. Qui est en tout lad. somme de LXX 1. x s. t.

[140] A Jehan Bore, la somme de vingt livres t. pour sa perle, domaige et interest qu'il a eu en la demolution d'un pen de meur, el des f'ray qu'il luy a convenu faire pour osier le boys de sa court qu'il avoit mis pour la garnison de sa maison, et que les portes dud. logis ont esté fermées durant le tournay que mond. Sgr a faict à l'entrée de la Royne à Paris, pour fere led. bastillon, pour cecy XX l.

A Jacques Merveilles la somme de quatre cens (fol. 132 v°) quatre vingts douze livres cinq sols tournoiz, scavoir est :

[141 ] Pour une grant buffe avecqucs le grant gardebras . . xvij l. x s.

[142] Pour une grand visière et une grand baviere( 1) avecques le fronteau ( 2) vij 1.

[143] Pour une grand tassete avecques le grand casset( 3) et la grand lame couvrant toute la curasse x I. x s.

[144 ] Pour la grand pièce de l'avant bras LXX S.

[145] Pour la grand double pièce du gante'let avecques la rondelle L s.

mestier, et peines de plusieurs ouvriers qu'il a eu avec lui et en sou gouvernement, pour hastivement jour et nuit faire pour les joustes, qui ou mois de may mil cccc sxi ont esté faictes à Bruges à la fesle d'ilec, les harnois de joustes qui s'ensuivent : c'est assavoir, pour la première journée d'icelles joustes, un harnoiz de joustes entier, housse de satin bleu, ensemble une paire de manches et la couverture du cheval de Md. S. de mesmcs pendans en terre, tous couvers de papillons d'argent et autres devises toutes enlevées et figurées de couleurs.. . » L. do Laborde, Ducs de Bourg. Preuves, t. I, p. 191.

(1) 1465. «Et là (Montlhéry) ledict comte (de Charolais) fut en bien grand danger, et eut plusieurs coups; et entre les autres en la gorge d'une espée dont l'enseigne luy est demeurée toute sa vie, par faute de la bavière qui luy estoit cheute, et avoit esté mal attachée dès le malin, et luy avoye veu cheoir.» Mém. de Mess. Ph. de Commines, éd. 1581, p. 13.

( 2) 1381-13802. «A Hennequin du Vivier, orfèvre,... pour or mis et employé par ledit orfèvre en la garnison d'un autre (fol. 14) bacinet pour ledit Seigneur, garny d'or meilleur que touche; c'est assavoir ledit bacinet sans vervelles, fait de grant ouvraige de grant peine, fermant dessus à bonne courroie derrières faite de bonne manière, esmaillée de France, et bon mordant et bon frontier audit bacinet de visière, garnie tout autour à la devise du harnois dud. Seigneur, et un liz d'or fin et esmaillé de blanc sur ledit bacinet pour mettre trois plumes, et fermant dessus à viz, laquelle poize ij mars ij onces xv esterlins, de quoy il y a d'or fin. . . » Arch. nat., Comptes de Colart de Tanques, KK 34, fol. 13 v°-l4.

( 3) «Casset», évidemment pièce de renfort. C'est la première fois que nous rencontrons cette expression qui vient peut-être de l'italien : «Casso, la parte concava del corpo, circondata dalle costole.» Vocab. délla Crusca.


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[146] Pour une espaulette double avecques la rondelle LXX S.

[147] Pour le tonnelet, le bacinet, le harnois de jambes garnis de lames par dedans et tout doux soubz boucle avecques les sabotz, une paire de gardebras, une paire d'avant bras tnurnans et garnis de lames par dedans, une paire de ganteletz pour le tout vj" 1. x s.

[148] Pour ung allccret( 1) (fol. i33) devant et derrier avecques des tassetes de lames bien longues xxxj 1.

[149 ] Pour ung autre bacinet servant aud. allecret et tonnelet, en façon d'aulmes xxvj 1. v s.

[150] Pour une brayes( 2) toutes clouses devant et derrière., xxvij 1. x s.

[151 ] Pour une espaule de mouthon( 3) cv s.

[152] Pour une main de fer( 4) cv s.

[153] Pour seze rondelles ( 5) de lames . XLIX 1.

[154] Pour cinq contre rondelles es.

[155] Pour deux paires deganz garniz de doiz XL s.

[156] Pour la veture de toutes lesd. pièces de Tours à Estamppes qu'elles furent menées pour essayer sur mond. Sgr et pour retourner à Paris xx 1.

[157] Pour avoir payé ceux qui ont porté et rapporté par plusieurs fois led. harnoiz quant mond. Sgr ce essayoit tant en Esle que aux Tournelles, et aussi celluy (le harnois) de pièce L s.

( 1) 1606. «Hallecret est la couverture et armure de fer dont le gendarme et le picquier sont armez par le buste, sans brassalz ne fauldières, qu'on dit aussi corselet parce qu'il n'arme que le corps sans plus.» I. Nicot.

( 2) 1606. «Brayes en pluriel, qu'on dit aussi Braques, sont ces chausses courtes de lin ou d'autre toile, qu'on porte sous les chausses par netteté... Braques ne se trouve qu'en nombre pluriel, et signifie ces chausses de lin ou autre toile qui ne couvrent que les cuisses.» Ibid.

( 3) 1446. «Depuis le gantellet jusques outre le code (dans le harnois de joute), en lieu de avant braz y a une armeure qui se appelle espaulle de mouton, laquelle est faezonnée large endroit le code, et se espanonist aval, et endroit la ploieure du bras se revient ploier par faezon que quant l'on a mis la lance en l'arrest, laditle ploieure de laditte espaulle de mouton couvre depuis ia ploieure du braz un bon doy en hault. » Du cost. milit., éd. R. de Belleval. p. 11.

W «Main de fer», sorte de miton à pièces rigides couvrant le revers de la main gauche: la droite, immédiatement à l'abri derrière la rondelle de lance, avait le gantelet à doigts. — 1585. Un miton de ce genre est dessiné dans les pièces de renfort de l'armure de sir Christofer Hatton. J.-B. G., Coll. Spitzer, t. VI, Armes et armures, p. LV. Cf. infra.

( 5) 1400-1401. «A luy (Colart de Laon, paintre), pour avoir doré de fin or pour ledit Seigneur gantelez, bracelez, et mains de fer, iiij rondelles, les dandins (clochettes), les gros bouillons dessus la couppe du cheval dorez, iiij lances, douze autres lances avecques les rondelles paintes à la devise dudit Seigneur et des couleurs qu'il porte; pour ce xx francs.» Compte Cordelier de Guesme, Arch.nat., KK 35, fol. 73 v°.


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[158] Pour les journées dud. Merveilles et des gens tant de luy (fol. 133 v°) que de son cheval, pour deux moys et demy qu'il a amené lesd. harnoys de mond. Sgr à Estampes pour essayer, et durant le temps qu'il a achevé lesd. harnois et qu'il a servi mond. Sgr au tournay, luy a esté ordonné xv s. par jour, qui se monte pour lesd. deux moys et demy LVJ 1. v s.

[159] Pour autre quinze journées quand il fut mandé par mond. Sgr pour prandre la mesure desd. harnoys où il fut à Chateauneuf, tant pour ses journées que despence de luy et de son cheval xj 1. v s.

[160] Pour le voisturier qui a apporté les pièces doubles de mond. Sgr de Tours a Chasteauneuf lesquelles mond. Sgr a donné à Bonnivet... mj 1.

[161] Plus a esté ordonné aud. Merveilles pour sa récompense de plusieurs compaignons qu'il a faict venir pour faire la besongne dessusd. de Tours à Paris, tant pour leur despence, salaire que louage ( fol. i34) de chambre, bouthicque et houtilz pour besoingner cl.

Qui est en tout lad. somme de iiijeo iiij" xij 1. v s. t.

A Verdun Taboys, la somme de quatre cens cinquante et sept livres sept solz neuf deniers tourn., scavoir est :

[162] Pour avoir couvert xxxvj paires de bardes(1), c'est assavoir douze paires couvertes la moytié de drap d'or couvert de satin cramoysi a nerveures de toille d'argent, bordé par le bas de toille d'argent à deux bords platz' et tout le satin decoppé; l'autre moytié couverte de drap d'or à ondes avecques toille d'argent, bordé le bas de satin cramoysi à deux bords platz, avecques les harnoys des chevaulx aussi doublés dud. drap d'or et couverts dud. satin, et autant d'estrivières ( 2) comme de harnois (fol. 134 v°) pour la façon de chacune paire desd. bardes avecques le harnois à c s. paire LX 1.

[163] Pour la façon de douze aultres paires couvertes de veloux blanc bordées à deux rancs de cordillères toille d'argent, et dessoubz doublés de lad. toille d'argent et décoppé entre deux, et par dessus semées de chiffres de lad. toille d'argent, et avoir cousu lesd. chiffres et cordelières ausd. bardes avec les harnoys de chevaulx et estrivières, doublé lesd. harnoys de toille d'argent, pour la façon de chacune paire aud. pris LX 1.

[164] Pour la façon de douze aultres paires couvertes la moictié de toille d'or et bordées à deux rancs aud. pris LX 1.

[165] Pour la façon de douze aultres paires de bardes couvertes la

'■' 1610. «Leur cheval estoit volontiers housse, c'est-à-dire couvert et carapassonné de soye aux armes et blason du chevalier, et pour la guerre de cuir bouilly ou-de bardes de fer.» Prés. Fauchet, fol. 514.

(2) 1576. «Deux harnachemens de chevaulx de cuyre rouge de Turquie, painctz et figurez, consistant en deux testières, deux rennes, deux poictraux, deux cruppières et une paire d'estrivières.» Inv. des ducs de Lorr., château de Nomény, p. 248.


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moytié de toille d'or, bordées de cordelières de veloux jaulne et semées par dessus de (fol. i35) chiffre dud. veloux, et l'autre moytié couverte de toille d'or et de veloux jaulne à ondes, et bordées de cordelières et semées de chiffres dessus; et sont toutes les bandes couvertes à la façon d'Itallye et doublées de bougran, et toutes garnies de harnoy de chevaulx, pour la façon desd. bardes LX 1.

[166] Pour quatre vingtz dix neuf douzaines d'aiguilhetes de fil d'Espinay selon la couleur desd. bardes, ferrées d'or et d'argent pour servir esd. bardes, pour la façon, fil or et argent à x s. la douzaine XLIX 1. x s.

[167] Pour troys cens vingt et quatre boucles de laiton faictes en couleur d'or pour les harnois des chevaulx, et en y a partie de blanches pour les harnoy blancs, pour chacune boucle xx d. vallent xxvij I.

[168] Pourla façon d'ung grant capelason ( 1) faict moytié de (fol. i35v°) drap d'or couverte de satin cramoysi bordé de toile d'argent à deux bords platz, et nervée de lad. toille et tout decoppé; et l'autre moytié de drap d'or el toille d'argent à ondes bordé de satin cramoysi à deux bords platz avec des flocquars (2) de mesme ; led. caparason avecques ung grant harnoys faict de mesme. Led. caparason et doublé de drap d'or frangé de frange de soye jaulne et rouge, et une housse de veloux rouge pour la selle à servir aud. caperason; le tout nervé de toille d'argent. Pour la façon dud. caperason, harnoys et housse c s.

[169] Pour une boucle mise en couleur d'or pour led. harnoys dud. capparason à xx d. pièce xiiij s.iiij d.

[170] Pour quatorze grans houppes de soye jaulne, blanche et rouge, et pour vingt et quatre aulnes de frange de soye de mesme, lesd. houppes pour franger lesd. harnois avec cothone de soye( 3) pour pendre lesd. houppes (fol. i36) et faire aguilhetes pour atacher led. caperason; le tout poisant xxii° et demye à xv s. l'once, façon et soye... xvrj 1. xvij s. vj d. t.

[171 ] Pour trente et six pavois pour servir aud. tournay qui sont de boys tous nervés et couvers de cuyr, et peinetz de gris et noyr, pour chacune pièce XL s. vallent lxxij l.

[172] A ung voisturier qui a amené partie du harnois de moud. Sgr. de la ville de Paris à Tours pour faire les doubles pièces lv s.

[173] Pour avoir faict porter les lices[ 4) qui avoient esté faictes au

( 1) 1610. «Housses (que nous appelions caparaisons d'un mot italien on espagnol qui à mon advis signifie grande chappe) dont les chevaux et chevaliers estaient couverts et parez.» Prés. C. Fauchet, De l'orig. des armoiries, t. I, p. 514.

( 2) xiv° siècle? «Flocars, s. m., floc, touffe de laine : Faisoient plusieurschappeaulx, bouquets et fiocars.» Carlbeny, Voyage du Chev. errant, fol. 5ob, op. Lacurne.

( 3) Coton de soie, passementerie dont l'âme était de coton recouverte de Joie.

( 4) 1606. «Lices, le lieu à faire tournois à cheval, ainsi appelé parce qu'il est


es

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Louvre et en Esle h huict hommes qui trenchèrent et portèrent le boys au port dud. Louvre, et de l'autre port delà l'eau; l'ont aussi porté ded. ici:ile. el faict les lotisses et vuyder la place; pour leur poyne et sallairc, pour deux journées qu'ilz ont vacquées iiij I.

[174 | Pour troys cens de clou pour reclouer le boys a v s. le cent, xv s.

[175] Pour corde à faire coder1'' pour faire la lice droit iij s.

[176] (Fol. 136 v°.) Aux cherpenliers qui ont remis lesd. lices et re droisser, pour leur poyne et sallaire LX s.

[177] Pour cinq cens de petit clou pour clouer la toille... iiij s. ij d.

[178] Aux notonniers qui ont passé le boys desd. lices et la toille.. v s.

[179] A deux hommes qui ont porté les coffres du harnoys( 2) de mond. Sgr depuis les Tournelles jusqu'à Nesle , ij s.

[180] Pour quarante tombayres desablon mis dedans lesd. lices, vi 1.

1181] A deux hommes qui ont descendu six coffres de la haulte chambre des Tournelles et mis là où est l'armurie de mond. Sgr nj s.

[182] Pour une clef à la serrure de lad. armurie et rabillé la serrure de la porte iiij s.

[183] Au cherpentier pour le boys trunctuor(?)qui couvre les planches pour lices et contrelices (fol. 137) et pour le tout, et pour la masonnerie, car les poteaulxdesd. lices et contrelices sont tous massonnés en terre, poulies avoir rendues prestes comme elles sont fors le sablou et la place, LXXV 1.

[184] Pour quarante et une journées de homme qui ont haulcé le tout d'en bas et ousté les grosses pièces qui y estaient, et porté du sablon, et redresser la place, à chacun iij s. par jour vj 1. xv s.

[185] Pour vingt et cinq tumberées de sablon mises ded. les lices le landemain que la pluye avoit tout gasté, à xv d. la tomberée. xxxi s. ij d.

[186] A quatre hommes qui ont esptendu led. salon, et mis esd. lices, et ousté la boue xij s.

[187] A six autres hommes qui oustèrent la bouhe, car la pluye gastoit tout et les chevaulx qui y couroient, et redroisé le chemyn, à chacun îj s. qui est xv s. (sic).

[188] A dix hommes qui allèrent tirer (fol. 137 v°) du sablon dedans les foussés de la ville et ouster, et redroisèrent le chemin et mirent le sablon dedans, à chacun iij s. pour ce xxx s.

[189] A troys chartiers qui ont amené led. sablon, à chacun vij s. vj d. pour ce xxxij s. vj d.

remparé de palis et traversins d'un costé et d'autre de la toile, lequel équipage s'appelle proprement Lices.» I. Nicot.

(1) 1606. «Cordeler, carder : Funem torquere vel texere.n I. Nicot.

(2) l400-1401. «A Robin Garnier, coffrier. . . Pour un long coffre pour mettre les armeures du Roy : c. s. t, » Compte Cordelier de Guesme, Arch. nat., KK 35, fol. 44 v°.


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[190] A six autres hommes qui oustèrent la houhe et redroisèrent le

chemyn, à chacun xx d. vallent x s.

Qui est en tout lad. somme de iujc LVIJ 1. vij s. ix d.

A Jehan Aymery, plumacier, la somme de quatre et cens cinquante et huit livres dix solz, scavoir est :

[191] Pour ung chappeau de plumes blanches x L x s.

[192] Pour une plume terse( 1) à troys bouts pour mectre à l'entour d'ung bonnet blanc LX s.

[ 193] Pour six trousseaux ( 2) de plumes vertes, vallent la pièce LXX s xxi l.

[194] Pour la garnyture (fol. 138) de six chappeaulx de plumes de incarnat à c s. pièce xxx 1.

[195] Pour la garny ture de six aultre chappeaulx de plumes blanches à XL s. pièce .. . . xij 1.

[196] Pour douze chappeaulx garniz de plumes rouges, blanches et jaulnes avecques les chanfrains à xiiij s. la pièce viij** viij l.

[197] Pour douze aultres tous blancs avecques le chanfrain( 3) aud. pris viij** vnj 1.

[198] Pour douze aultres tous jaulnes aud. pris viij** viij l.

[199] Pour vingt et deux trouseaulx en lenscquenetz tous noirs à vnj 1. xv s. pièce ix" xn 1. x s.

[ 200] Pour vingt et deux aultres trouseaulx tanez aussi en lanscquenetz aud. pris ix" xij 1. x s.

[201] Pour vingt et deux aultres trouseaulx tous gris aussi en lenscquenetz ii e iiij" 1.

[ 202 ] Pour six douzaines de plumes simples, blanches, rouges et jaulnes à x s. la douzaine xij 1.

[203] Pour six douzaines de plumes simples blanches aud. pris.... xxl.

[204] Pour une trouse blanche à mectre à ung bonnet de veloux (fol. 138 v") XL s.

[205] Pour une grande plume blanche terse pour mectre à l'entour d'ung bonnet LXIIII S.

[206] Pour avoir rabillé le chappeau blanc et avoir mis quatre plumes du grant trouseau, pour le rabillage et plumes XL s.

(1) «Terse», nettoyé,purifié, participe passé du verbe lerdre : «De ma manche n'a tors mon nés.» Mss., 7989 2, fol. 213, ap. Lacurne.

(2) xiv e siècle? «Trousse», paquet : «Une trousse des plus grosses lances.» Don Florès de Grèce, 156, ap. Lacurne.

( 3) C'est-à-dire «plumes de garniture du chanfrein»; 1530 cire. : «Une barde d'assier garnie de chanffrain et craignière. Trèze bardes painctes.» Inv. des ducs de Lorr., p. 23a3.


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[207] Pour quatre douzaines de plumes toutes jaulnes à XL S. la douzaine viij 1.

[208] Pour une trouse jaulne pour mectre au bonnet XL s.

[ 209] Pour une plume blanche pour mectre autour dud. bonnet, xx s.

[210] Pour une plume jaulne pour mectre aud. bonnet XL s.

[211] Pour deux douzaines de plumes noires terses à XL S. la douzaine iiij 1.

[212] Pour deux autres douzaines de plumes sangles à XL S. la douzaine iiij 1.

[213] Pour trois douzaines de plumes sangles, grises el pers.. vi 1.

[214] Pour une douzaine de plumes tanées sangles XL s.

[215] Plus a esté ordonné aud. plumacier pour mond. Sgr (fol. 139) pour le remboursement de soixante et seze plumailz oultre le pris cy dessus la somme de vj" xnj 1. qui est pour chascun ung escu.

Qui est en tout lad. somme de xiiij" LVIIJ 1. x s. t.

A Vincent Biart, esperonnier de Paris, la somme de seze livres dix neuf solz, quatre deniers tourn., scavoir est :

[216] Pour les deux mors de deux courtaulx des paiges xx s.

[217] Pour troys autres mors, l'ung pour la mulle, l'autre pour la hacquenée de mond. Sgr et l'autre à Jehan d'Espaigne xxx s.

[218] Pour troys aultres mors, l'ung pour la Hère, l'autre pour le Rouhan et l'autre pour Piedefort xxx s.

[219] Pour avoir noircy les estrieulx de la mulle de mond. Sgr. ij s.

[220] Pour avoir rétamé les mors du Turc et avoir renoircy les bossetes ij s. vj d.

[221] Pour deux paires d'estrieulx pour mond. Sgr xx s.

[222] Pour (fol. 139, v°) quatre paires de bosses noires xx s.

[223] Pour douze grans boucles blanches pour ung harnois de cheval quant mond. Sgr courut la lance au boys de Vincenes xx s.

[224] Pour deux paires d'esperons pour mond. sgr, une paire de noirs et une paire de blancs à armer xv s.

[ 225 ] Pour la noircissure d'une paire d'estrieulx et une paire d'esperons iiij s.

[226] Pour avoir noircy deux paires de bosses pour la hacquenée et pour la mulle mj s.

[227 ] Pour deux paires d'estrieulx a quate filiez pour le courtault que mond. Sgr a achapté, et pour le courtault des cordes xv s.

[228] Pour quatre paires d'estrieulx à armer pour mond. Sgr. xxxv s.

[230] Pour ung grand mors pour le grant cheval ChastiUon. xvij s. vjd.

[231] Pour avoir ataché deux paires de bosses sur deux grans mors et fourny de clou jaulne pour les atacher vj s.

[232] Pour ung esperon pour mond. Sgr et noircy l'autre, nj s. iiij d.


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[233] Pour deux mors, l'un pour le Lombard, l'autre pour ung petit courtault (fol. 14o) xx s.

[234] Pour troys patres d'estrieux qui ont servi pour les courtaulx des paiges x s.

[235] Pour troys estables xx s.

( 236] Pour la noircissure de quatre paires d'estrieulx viij s.

[237] Pour la noircissure d'une paire d'esperons à deux paiges pour mond. Sgr g s.

[238] Pour deux paires d'esperons à deux paiges x s.

[239] Pour une serrure mise à I'armurie de mond. Sgr avecques deux couroilz derrière le huiz, parce qu'elle n'esloit pas scurc. ... vij s. vi d.

[210] Pour pailhe pour encoffrer le harnoys de mond. Sgr... xq d.

[241] Pour boys et fagot pour faire feu en lad. armurie pour en paillasser led. harnois xviij d.

[242] Pour ung mors pour le cheval d'ung des pbifres de mond. Sgr x s.

[243] Pour une paire d'esperons pour le paigc nommé Gamaiche. v s.

Qui est en tout lad. somme de xvj 1. xix s. iiij d.

[244] A Christofle le More la somme de cent solz t. (fol. 140 v°) pour aller quérir ung cheval à Vaujoux que le comte de Sanserre avoit donné à mond. Sgr, pour cecy c s. t.

[245] A Verdun Taboys, la somme de unze livres cinq solz pour ung cheval qui fut achapté pour ung des paiges de l'année passée, au délogement du Roy à Blois et de mond. Sgr, pour cecy xj L v s.

A luy la somme de sept vingts livres, douze solz six deniers, et pour le ramboursement de pareilhe somme par luy payée, scavoir esl :

[246] A Morice Canari dict Pignerault, paige de Mgr de Longueville, de don à luy faite par mond. Sgr pour s'en retourner en sa naàson ( fol. 141 ) viij L V s.

[247] A Jehan de Montrolier aussi paige dud. de Longueville pont'lad. cause CV s.

[248] A Jehan Dutac, aussi paige dud. de Longueville pour lad. cause cv s.

[249] A Pierre Valeris, pallefrenier dud. de Longueville pour luy avoir ung cheval et pour s'en aller à sa maison xviij l .

[250] A Jacquin et Guillaume, variez des chevaulx dud. de Longueville pour eutx en aller à leurs maisons xl x s.

[251] A Jehan Pasquier, marchand de Corbie pour l'achapt de sept chevaulx pour lesd. cinq paiges dud. de Longueville, pour


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ce que mond. Sgr avoit retenu les chevaulx et pour deux paiges de mond. Sgr iiij** viij 1. ij s. vi d.

Qui est en tout la somme de : vij" 1. xij s. vj d.

[252] A luy la somme de quarante et une livre cinq solz et pour l'achapt et payement de (fol. 141 v°) troys chevaulz pour troys des paiges, pour ce que moud. Sgr a donné ceulx qu'ilz souloient chevaucher, scavoir est : ung pour le Basque qui est avecques monsr de Corveson. xi.\ 1. v s.

[253] L'autre pour Gamaiche xij I.

[254] Et l'autre pour Estellain x l.

Qui est en tout lad. somme de XLI l. v s. t.

A Gabriel Marchant, sommelier d'armurie du roy, la somme de douze cens quatre vingts livres six solz, scavoir est :

[255] Pour quatorze cens quatre vingts troys lances par luy fournies et livrées pour mond. Sgr pour lui servir au tournay qu'il a faict à Paris es moys d'octobre et novembre an dict, ce compte à xu s. pièce vijd mj" ix 1. xvj s. t.

[256] Pour l'interest qu'il a eu en deux cens cinquante lances qui luy sont demourées entre ses mains xx l.

[257] Pour deux cens soixante et six petites espées à xvij s. vj d. chacune ijc xxxii l. xv s. t.

[258] (Fol. 142.) Pour son interest de cent quatorze espées prinses aud. nombre qu'il a fourny oultre le marché qu'il estoit tenu fournir lesquelles il luy a faillu surachapter xv I.

[259] Pour cinquante et neuf espées à deux mains à xxxvj s. pièce, ci ciij l. v s.

[260J Pour son interest pour en avoir fourny dix neuf oultre sond. marché vij I. x s.

[261] Pour l'abillaige de cinquante et quatre espées d'armes, et pour avoir recersé les poignées es.

[262] Pour avoir abillé plusieurs desd. espées à deux mains qu'on a faict servir plusieurs foys XL s.

[263] Pour deux cens bastons de sappin et de fraigne qui ont esté livrés aux cappitaines et archiers durant led. tournay es.

Qui est en tout lad. somme de xij° iiij" l. vj s. t.

A Jehan Migean, bastier suyvant la court, la somme de vingt et cinq livres quatorze [s.] six deniers tournoys pour parties de son (fol. 142 , v°) mestier par luy fournies en l'année finissant le dernier jour de décembre


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mil cinq cens et douze à coucher ou compte d'icelle année, scavoir est :

[ 264] Pour deux batz de muletz, six testières, deux mourraulx(I),quatre ramboureures et la garniture desd. deux bals neufs par luy livrés en lad. année, pour cecy xxv 1. xviii s. vi d.

[265] A luy la somme de trente et neuf livres seze solz tourn. pour aultres parties de son mestier par luy fournies en l'année finissant le dernier jour de décembre , à compter en icelluy, scavoir est :

[266] Pour quatre batz neufs garniz de toutes choses pour les muletz à ix 1. v s. pièce xxxvrj 1.

[267] Pour avoir rembouré ung aultre bast et mis de la toille neusve xx s.

[268] Pour six testières de cuyr rouge à vi s. pièce (fol. i43). xxx s.

Qui est en tout ladite somme de xxxix 1. xvj s.

Aud. Migean la somme de soixante et ung solz.

[269] Pour troys. mourraux pour les mulelz à ix s. pièce... xxvij s.

[270] Pour deux sangles à viij s.

[271 ] Pour deux souchières xvj s.

Qui est ladite somme de LXJ s. t.

[272] Aymonet Robert, bastier, la somme de neuf solz dix deniers tourn. pour parties de son mestier par luy faictes et fournies en Tannées finye le dernier jour de décembre, l'an mil cinq cens et treze et précédent ce compte, en icelluy obmises à compter les parties veues à l'audition de ce compte montant à lad. somme de ix 1. ix s. x d.

[273] A Gabriel Marchand, sommelier d'armure (fol. 143 v°) du Roy, la somme de vingt six solz tournoy pour avoir faict faire la menuyserie à pendre le harnois à pié, el ajouté ung couvercle à une tonne, une serrure à la fermer, avecques deux conbletz à mectre le harnoys aux Tournelles à Paris, pour cecy xxvj s.

[274] A Guillaume Servet, bossetier du Roy, la somme de cinquante livres tourn., scavoir est : pour une paire de grans bossetes( 2) semées de cordelières, de sallemandres et de ferez, le tout de raparé et doré moytié or brun et or mate; quatre larges portemors semés de sallemandres et de

(1) «Mourraulx», dans le genre peut-être du simple filet à embouchure brisée dont on se sert encore aujourd'hui pour les mulets, ânes et mules?

( 2) i53o cire. : «Une paire de bossetles de mulles non dorées.» Inv. des ducs de Lorr., p. 13.


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cordelières dorées avec seze clous dorés: pour chacun portemors six grans boucles à l'anlicque semées de treufles et sallemandres ; pour avoir faict et doré lesd. mors avecques les touretz, chenetes (fol. 144) et barres; pour une paire de bossetes dorées, pour ung courtault, pour deux douzaines de longs fers cordelières dorées pour servir aux armes; et pour une paire d'estrieulx semmés de sallemandres et de cordelières dorées, le tout employé pour ledit service à la garniture de la mulle de mond. Sgr et ailleurs, pour cecy L 1.

[275] A Jehan d'Ausonne, armurier, la somme de dix sept livres dix solz tourn. pour une pièce de harnoys de jambes garnis de maille par luy baillé et livré à mond. Sgr, pour cecy xvij 1. x s.

[276] A Dominique de Gourtaisine, maistre des euvres de masonnerie du Roy nostre Sire, la somme de troys cens livres, pour la façon de l'art triomphal où sont pendus les cinq escuz de l'emprinse du pas que mon Sgr a tenue à Paris (fol. 144 v°) à l'entrée de la Royne, et pour la façon du bastillon qu'il a aussi tenu à lad. entrée, pour cecy iii e l.

[277] A luy la somme de cent livres tourn. pour plusieurs choses par luy faictes aud. peron et bastillon oultre le marché premièrement faict, pour cecy cl.

[278] A Jacques Garnier, cellier, la somme de troys cens vingt huit livres dix neuf solz neuf deniers tourn. pour parties [par] luy faictes et fournies en l'escuyrie des courtaulx de mond. Sgr durant l'an de ce compte, ainsi que s'ensuyt, scavoir est :

[279] Pour sept harnoys couvers de drap noir à xl.vs.la pièce, xvl. xvs.t.

[280] Pour ung harnois de mulle, l'avoir couvert

Coetera désuni.

RAPPORT DE M. LONGNON SUR UNE COMMUNICATION DE M. L'ARBÉ GALABERT.

La charte en date de 1299, dont M. l'abbé Galabert adresse une copie au Comité, fait partie des archives du château de Lauture, près Lauzerte (Tarn-et-Garonne), et elle semble y avoir été apportée en raison du rapport qu'offre le nom des possesseurs actuels de cette ancienne demeure seigneuriale, d'Escayrac, avec celui de l'un des témoins qui figurent dans la pièce en question, Guillermus Escuraci ou Escurati. M. l'abbé Galabert ignore à quelle contrée elle appartient. C'est en réalité l'acte d'une vente faite à un certain Géraud d'Azelle (Geraldus de Asselano) et au monastère de Saint-Pierre-de-Caunes, du diocèse de Narbonne (aujourd'hui canton

HlST. ET PHILOL. Nos 1-2. 6


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de Peyriac-Minervois), qu'on y appelle monasterium Sancti Pétri de Chaunas et Sancte Marie de Libras, par suite de l'union à l'abbaye de Caunes d'un autre monastère déjà mentionné en 812 sous le nom de Libras (Vaissete, Histoire de Languedoc, nouv. édit., t. Il, Preuves, n° 21); mais le document n'offre qu'un très faible intérêt et j'en propose le dépôt aux archives.

Aug. LONGNON, Membre du Comité.


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CONGRES

DES

SOCIÉTÉS SAVANTES DE PARIS ET DES DÉPARTEMENTS À LA SORBONNE.

Le mardi 12 avril, le Congrès s'ouvre à 2 heures précises, dans le grand amphithéâtre de la nouvelle Sorbonne, sous la présidence de M. Alexandre Bertrand, membre de l'Institut, président de la Section d'archéologie du Comité des travaux historiques et scientifiques, conservateur du Musée des antiquités nationales de SaintGermai n-en-Lay e.

Sont présents : MM. Léopold Delisle, Bouquet de La Grye, le docteur Hamy, Babelon, Himly, A. de Barthélémy, Glasson, Levasseur, l'abbé Thédenat, Grandidier, membres de l'Institut; Maunoir, Vaillant, Tranchant, Le Boy de Méricourt, A. Angot, Davanne, Georges Périn, Bienaymé, Marcel, Octave Noël, Baguenault de Puchesse, le général de la Noë, Mathias Duval, Gazier, Omont, Cordier, A. des Cilleuls, de Saint-Arroman, membres du Comité des travaux historiques et scientifiques; Léon Maître, le président Sorel, le conseiller Pacaut, le comte de Marsy, Hautreux, Salefranque, Georges Harmand, B. de La Grasserie, Ludovic Drapeyron, Ed. Blanc, Genvresse, Poupé, le docteur Philbert, Picavet, S. Pector, le docteur Ledé, Sage, Alex. Boutroue, de Castelnau d'Essenault, Léon Morel, le docteur Boucher, E. Couard, P. Barré, l'abbé David, Duprat, Guesnon, Pihan, Jules Gautier, Péron, Martial Imbert, Yvernès, Albanel, le baron Textor de Bavisi, le chanoine Ulysse Chevalier, Charlier-Tabur, Emile André, Bougenot, Pressart, Camoin de Vence, Emile Belloc, Boy, Lucien Magnien, J.-F. Bladé, Maxe-Werly, Mowat, le P. Camille de La Croix, Prarond, Veuclin, de Montaigu, de Laigue, de Malarce, Eugène Thoison, Bormery,

6.


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Alfred Neymarck, Charles Lucas, Georges Blondel, le comte de Castellane, le capitaine Espérandieu, Joseph Roman, Maurice Bucquet, Louis de Grandniaison, Arthur Girault, Prillieux, Eugène Rochetin, Louis Etcheverry, H. Hauser, Seré-Depoin, Pierre des Essars, Octave Vauvillé, Henri Froidevaux, etc.

Au nom de M. le Ministre de l'instrution publique et des beauxarts, M. Alexandre BERTRAND déclare ouvert le Congrès des Sociétés savantes et donne lecture de l'arrêté qui constitue les bureaux des sections :

Le Ministre de l'instruction publique et des beaux-arts, ARRÊTE :

M. Alexandre BERTRAND, membre de l'Institut, président de la Section d'archéologie du Comité des travaux historiques et scientifiques, conservateur du Musée des antiquités nationales de Saint-Germain-en-Laye, présidera la séance d'ouverture du Congrès des Sociétés savantes, le mardi 12 avril prochain.

Suivant l'ordre de leurs travaux, MM. les délégués des Sociétés savantes formeront des réunions distinctes dont les bureaux seront constitués ainsi qu'il suit :

HISTOIRE ET PHILOLOGIE.

Président de la Section : M. Léopold DELISLE. Secrétaire : M. GAZIER.

Présidence des séances.

Mardi 12 avril : M. Léopold DELISLE, de l'Institut, président de la Section.

Mercredi 13 avril, matin : M. BAGUENAULT DS PUCHESSE, membre du Comité des travaux historiques et scientifiques.

Mercredi 13 avril, soir : M. A. DE BARTHÉLÉMY, de l'Institut, membre du Comité des travaux historiques et scientifiques.

Jeudi 14 avril, matin : M. Henry OMONT, membre du Comité des travaux historiques et scientifiques.

Jeudi 14 avril, soir : M. ALLARD, membre du Comité des travaux bistoiques et scientifiques.

ARCHÉOLOGIE.

Président de la Section : M. Alexandre BERTRAND. Secrétaire : M. R. DE LASTEYRIB.


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Présidence des séances.

Mardi 12 avril : M. Alexandre BERTRAND, de l'Institut, président du Congrès.

Mercredi 13 avril, matin : M. CHABOUILLET, président honoraire de la Section.

Mercredi 13 avril, soir: M. HÉRON DE VILLEFOSSE, de l'Institut, vice-président de la Section.

Jeudi 14 avril, matin : M. BABELON de l'Institut, membre du Comité des travaux historiques et scientifiques.

Jeudi 14 avril, soir : M. A. DE BARTHÉLÉMY, de l'Institut, membre du Comité des travaux historiques et scientifiques.

SCIENCES ÉCONOMIQUES ET SOCIALES.

Président de la Section : M. E. LEVASSEUR.

Secrétaire : M. Ch. LYON-CAEN.

Secrétaires adjoints : MM. Georges HARKAND et Léon SALEFRANQUE.

Présidence des séances.

Mardi 12 avril : M. LEVASSEDR, de l'Institut, président de la Section.

Mercredi 13 avril, malin : M. Ferdinand BUISSON, membre du Comité des travaux historiques et scientifiques.

Mercredi 13 avril, soir : M. GLASSON , de l'Institut, membre du Comité des travaux historiques et scientifiques.

Jeudi 14 avril, matin : M. Octave NOËL , membre du Comité des travaux historiques et scientifiques.

Jeudi 14 avril, soir : M. CHEYSSON, membre du Comité des travaux his toriques et scientifiques.

Vendredi 15 avril, matin : M. AULARD, membre du Comité des travaux historiques et scientifiques.

Vendredi 15 avril, soir : MM. TRANCHANT, vice-président de la Section , et LEVASSEDR, de l'Institut, président de la Section.

SCIENCES.

Président de la Section : M. BERTHELOT. Secrétaires : MM. A. ANGOT et L. VAILLANT.

Présidence des séances.

Mardi 12 avril : M. DAVANNE, membre du Comité des travaux historiques et scientifiques.


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Mercredi 13 avril, matin : MM DARHOUX, de l'Institut, membre du Comité des travaux historiques et scientifiques ; APPELL, de l'Institut, membre du Comité des travaux historiques et scientifiques; TROOST, de l'Institut, membre du Comité des travaux historiques et scientifiques; le docteur LE ROY DE MÉRICODRT , de l'Académie de médecine, membre du Comité des travaux historiques et scientifiques.

Mercredi 13 avril, soir : MM. DAVANNE, membre du Comité des travaux historiques et scientifiques: MASCART, de l'Institut, vice-président de la Section ; Mathias DUVAL , de l'Académie de médecine, membre du Comité des travaux historiques et scientifiques.

Jeudi 14 avril, matin : M. le docteur LE ROY DE MÉRICOURT, de l'Académie de médecine, membre du Comité des travaux historiques et scientifiques.

Jeudi 14 avril, soir : MM. le docteur GHATIN, de l'Institut, membre du Comité des travaux historiques et scientifiques; DAVANNE, membre du Comité des travaux historiques et scientifiques; DEPÉRET, doyen de la Faculté des sciences de l'Université de Lyon.

Vendredi 15 avril, matin : M. le docteur LE ROY DE MÉRICOURT, de l'Académie de médecine, membre du Comité des travaux historiques et scientifiques.

Vendredi 15 avril, soir : M. MASCART, de l'Institut, vice-président de la Section.

GÉOGRAPHIE HISTORIQUE ET DESCRIPTIVE.

Président de la Section : M. RODQDET DE LA GRYE. Secrétaire : M. le docteur HAMY.

Présidence des séances.

Mardi 12 avril : M. HIMLY, de l'Institut, membre du Comité des travaux historiques et scientifiques.

Mercredi 13 avril, malin : M. RODQDET DE LA GRYE, de l'Institut, président de la Section.

Mercredi 10 avril, soir : M. GRANDIDIER, de l'Institut, membre du Comité des travaux historiques et scientifiques.

Jeudi 14 avril, matin : M. le général DE LA NOË, membre du Comité des travaux historiques et scientifiques.

Jeudi 14 avril, soir : M. HADTREUX, correspondant du Ministère.

Vendredi 15 avril, matin : M. BOUQUET DE LA GRYE, de l'Institut, viceprésident de la Section.

Fait à Paris, le 28 mars 1898.

Signé : A. RAMBAUD.


— 87 — M. Alexandre BERTRAND prend la parole en ces termes :

« MESSIEURS,

"L'honneur de vous souhaiter la bienvenue revient chaque année à l'une des cinq sections du Comité des travaux historiques et scientifiques. Ce grand honneur appartient aujourd'hui à la Section d'archéologie. Permettez-moi de me féliciter d'être son interprète et de me trouver ainsi en contact le plus intime avec les vaillants représentants que vous êtes de la science désintéressée, parmi lesquels on ne saurait oublier les archéologues.

a Aucune branche de la science n'exige plus de dévouement, d'abnégation , de sacrifices de tout genre que l'archéologie. Les archéologues peinent pour éclairer les autres. Sans vos savantes recherches dans les annales locales, sans vos fouilles, vos explorations, que pourraient les savants de cabinet? Vous leur faites connaître les richesses de la France, que sans vous ils ignoreraient. C'est grâce à vous, grâce à vos efforts incessants, que la lumière se fait de jour en jour plus éclatante sur les premiers temps de notre histoire.

« Comment ne seriez-vous pas les bienvenus ?

"L'année dernière, l'éminent président de la Section d'histoire retraçait, ici même, un tableau saisissant des travaux accomplis en province, depuis un demi-siècle, dans l'ordre de l'histoire. Il s'en félicitait au nom de la France. Permettez-moi de dire, à mon tour, que la France n'a pas lieu d'être moins fière de ses archéologues que de ses archivistes. Les archives que contient le sol sont plus riches encore que celles de nos mairies, de nos préfectures, de nos archevêchés et de nos monastères. La source en est inépuisable. Or quels progrès sous ce rapport n'avons-nous pas faits, grâce à vous, depuis cinquante ans ?

« Sans parler de Boucher de Perthes et de cette inoubliable découverte qui a ouvert à la science des voies nouvelles et si notablement agrandi son domaine, n'avons-nous pas vu, transportées de province à Paris, pour nos expositions universelles, plusieurs de ces incomparables collections archéologiques qui ont fait l'admiration du monde entier : les unes faisant revivre à nos yeux l'homme des contrées sous-pyrénéennes, aux temps quaternaires, avec ses armes de pierre, ses flèches barbelées, ses essais de sculpture sur bois de renne ou sur ivoire d'éléphant; les autres étalant dans de vastes vitrines les dépouilles arrachées aux sépultures du Celte, du


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Gaulois, du Belge, du Gallo-Romain et du Franc, dont les textes nous donnent des descriptions obscures ou insuffisantes.

« Combien d'autres collections provinciales, non moins instructives, que nous ne connaissons pas assez, fruits de sacrifices aussi méritoires, d'efforts aussi intelligents, qui attendent notre visite?

« On ne se rend pas assez compte des richesses que contient là province. En avez-vous vous-mêmes une idée exacte ?

" Le Ministère de l'instruction publique a eu l'heureuse pensée de publier, l'année dernière, un modeste petit volume sous le titre de : Annuaire des musées scientifiques et archéologiques des départements (en dehors des collections privées). Peu d'entre vous savaient peutêtre que le nombre de ces collections dépasse trois cent cinquante. Plusieurs — cela vous le savez — sont d'une extrême richesse. Quels services rendraient ces collections, si les catalogues en étaient dressés scientifiquement et publiés! On peut en juger par ceux qui le sont déjà et font tant d'honneur aux sociétés et aux villes qui en ont fait les frais, aux archéologues et aux savants qui les ont rédigés.

" Un mouvement sensible se dessine en ce sens, encouragé par M. le Ministre de l'instruction publique. Voilà un noble but actuellement offert à vos efforts, un champ fécond ouvert à toutes vos curiosités, une occasion nouvelle de mettre en relief la variété de vos richesses.

" Ce n'est pas, en effet, seulement en archéologie souterraine que la province a, depuis plus de cinquante ans, signalé son originale activité et pris de fécondes initiatives.

ce La numismatique gauloise, par exemple, n'est-elle pas une science d'origine presque exclusivement provinciale ? Après Tochon, d'Annecy, qui dès 1820 préparait et annonçait la publication d'un recueil complet des médailles gauloises, oeuvre que la mort ne lui permit pas de mener à bonne fin; après le marquis de Lagoy, se montrent au premier rang Lambert, de Bayeux; Hucher, du Mans, qui n'ont pas été seulement des collectionneurs intelligents, mais des vulgarisateurs éclairés. Leurs ouvrages sont encore nos meilleurs guides. N'est-pas, enfin, au nom de la Société archéologique de Metz que Félibien de Saulcy et Charles Bobert, alors provinciaux, envoyaient à l'Institut leurs premiers mémoires de numismatique?

"Dans toutes les branches de la science, votre part a été grande dans le passé. Les grandes universités nouvellement créées ne man-


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queront pas d'imprimer à vos sociétés une activité nouvelle. L'avenir est aux sociétés de province.

" L'intérêt de la science exige donc que soient resserrés de plus en plus les liens qui rattachent Paris aux sociétés savantes des départements, et je me plais à vous redire, à vous leurs dignes représentants : Soyez les bienvenus, en vous invitant à vous rendre dans vos sections respectives conformément à l'arrêté de M. le Ministre. »

La séance est levée à 2 heures et demie, et les différentes sections se réunissent dans les locaux qui leur ont été affectés.


90 —

SÉANCE DU MARDI 12 AVRIL 1898.

SOIR.

PRÉSIDENCE DE M. LÉOPOLD DELISLE, MEMBRE DU COMITÉ DES TRAVAUX HISTORIQUES ET SCIENTIFIQUES, ET ENSUITE DE M. OMONT, ASSISTÉS DE MM. BAGUENAULT DE PUCHESSE, GUSTAVE SERVOIS, DE LUÇAY, MEMBRES DU COMITÉ.

Assesseurs : MM. GAUTHIER, Ulysse CHEVALIER, Léon MAÎTRE.

Comme les années précédentes, et conformément aux instructions de M. le Ministre, l'ordre du jour des séances a été fixé à l'avance par les soins du Comité des travaux historiques; il sera suivi aussi exactement que possible d'après le tableau imprimé et distribué à MM. les délégués des sociétés savantes.

PROGRAMME DU CONGRÈS DES SOCIÉTÉS SAVANTES

À LA SORBONNE EN l8g8. (SECTION D'HISTOIRE ET DE PHILOLOGIE.)

1° Déterminer les systèmes suivis dans les différentes provinces pour le changement du millésime de l'année de l'ère chrétienne; s'attacher à l'examen des séries d'actes émanés d'une même chancellerie ou d'une même juridiction. Indiquer autant que possible l'époque à laquelle chaque usage a disparu.

2° Etablir la chronologie des fonctionnaires ou dignitaires civils ou ecclésiastiques, dont il n'existe pas de listes suffisamment

exactes.

Dans ces études, on devrait se préoccuper de l'utilité des listes pour fixer la chronologie des documents dépourvus de date et pour identifier les personnages qui sont simplement indiqués dans les documents par le titre de leurs fonctions. Pour ces recherches, il est recommandé de tenir compte des documents financiers et des lettres de notification adressées aux cours supérieures.


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3°- Signaler, dans les archives et bibliothèques, les pièces manuscrites ou les imprimés rares qui contiennent des textes inédits ou peu connus de chartes de communes ou de coutumes.

Communiquer, s'il y a lieu, des reproductions photographiques.

Mettre, dans tous les cas, à la disposition du Comité une copie du document, collationnée et toute préparée pour l'impression, selon les règles qui ont été prescrites aux correspondants, avec une courte note indiquant la date certaine ou probable du document, les circonstances dans lesquelles il a été rédigé, celles des dispositions qui s'écartent du droit consigné dans les textes analogues de la même région, les noms modernes et la situation des localités mentionnées, etc.

4° Indiquer les archives particulières renfermant des correspondances ou des documents relatifs à l'histoire politique, administrative, diplomatique ou militaire de la France.

5° Indiquer les mesures qui ont pu être prises dans certains départements pour assurer la conservation des minutes notariales et en faciliter les communications demandées en vue de travaux historiques.

6° Rechercher à quelle époque, selon les lieux, les idiomes vulgaires se sont substitués au latin dans la rédaction des documents administratifs.

Dépouiller systématiquement les fonds d'archives appartenant à une localité ou à une circonscription nettement limitée, dans lesquels on peut constater la substitution de la langue vulgaire au latin, comme comptes administratifs, actes et sentences judiciaires, délibérations municipales, minutes notariales ou autres documents officiels. Etablir à quelle date la substitution s'est opérée dans ces diverses catégories de pièces. Distinguer aussi entre l'emploi de l'idiome local et celui du français, et fixer à quelle date le second a remplacé le premier. Dans les territoires qui ont appartenu successivement à des États différents, indiquer la corrélation ou l'absence de corrélation entre les idiomes employés et les régimes politiques.

7° Étudier quels ont été les noms de baptême usités suivant les époques dans une localité ou dans une région; en donner, autant que possible, la forme exacte; rechercher quelles peuvent avoir été


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l'origine et la cause de la vogue plus ou moins longue de ces différents noms.

Dépouiller les registres paroissiaux, les minutes des notaires, les registres des municipalités, les actes d'assemblée, les cadastres, ou tout autre fonds d'archives suffisamment abondant, en établissant pour chaque époque la proportion numérique des divers noms, celle des noms simples, doubles et multiples, celle des noms empruntés au patron de la paroisse, aux autres saints du diocèse, au pays lui-même, aux familles prineières ou seigneuriales de la région, aux courants d'opinion politique, aux modes littéraires, aux souvenirs patriotiques. Rechercher dans quelle proportion ont été suivis, selon les époques, les divers usages consistant à donner à l'enfant le nom du parrain ou celui de la marraine, celui d'un ascendant, etc. Pour les noms particuliers à une région et peu connus ailleurs, indiquer exactement les formes en langue vulgaire et en latin. Pour les noms pris en dehors de la région, indiquer les différentes modifications de forme et chercher l'origine.

8° Signaler les travaux qui ont été ou peuvent être faits sur les registres paroissiaux antérieurs à l'établissement des registres de l'état civil; indiquer les mesures prises pour la conservation et le parti qu'on en peut tirer pour l'histoire des familles ou des pays, pour la statistique et pour les autres questions économiques.

On pourrait prendre comme type la publication qui est en cours des registres paroissiaux de trois diocèses bretons.

90 Etudier les origines et l'histoire des anciens ateliers typographiques en France.

Faire connaître les pièces d'archives, mentions historiques ou anciens imprimés qui peuvent jeter un jour nouveau sur la date de l'établissement de l'imprimerie dans chaque ville de France, sur les migrations des premiers typographes et sur les productions sorties de chaque atelier.

10° Rechercher par quels moyens et dans quelles conditions les livres d'étude ou de lecture courante pouvaient être, sous l'ancien régime, mis à la disposition des personnes qui ne pouvaient pas s'en procurer des exemplaires.

11° Etudier les procédés suivis, sous l'ancien régime, pour l'enseignement de la lecture et de l'écriture.


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12° Rechercher les documents relatifs à l'histoire de la marine française.

Dépouiller particulièrement les archives notariales des villes maritimes, les archives des chambres de commerce ou d'autres dépôts pouvant contenir des correspondances et des actes relatifs à la marine royale ou à la marine marchande et privée.

13° Recueillir les renseignements qui peuvent jeter de la lumière sur l'état du théâtre et sur la vie des comédiens en province depuis la Renaissance.

14° Etablir comment se faisait la transmission des correspondances avant le règne de Louis XIV.

i5° Étudier comment les nouvelles politiques et autres, de la France et de l'étranger, se répandaient dans les différentes parties du royaume, du xv e au xvii e siècle.

16° Recueillir les indications sur les mesures prises avant le xvine siècle pour la construction et l'entretien des routes.

170 Rechercher, d'après un ou plusieurs exemples particuliers, comment furent organisées et comment fonctionnèrent les assemblées municipales établies conformément à l'édit de juin 1787.

180 Étudier les délibérations d'une ou de plusieurs municipalités rurales pendant la Révolution, en mettant particulièrement en lumière ce qui intéresse l'histoire générale.

190 Étudier, dans un département, dans un district ou dans une commune, le fonctionnement du gouvernement révolutionnaire institué par la loi du 14 frimaire an 11.

20° Étudier, dans un département ou dans un canton, le fonctionnement du régime de la séparation de l'Église et de l'État sous le Directoire et sous le Consulat jusqu'au Concordat.


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COMMUNICATIONS ANNONCÉES PAR MM. LES DÉLÉGUÉS

DES SOCIÉTÉS SAVANTES.

Mardi 12 avril, à 2 heures et demie.

M. ASTIER, professeur au lycée de Toulouse : La lettre 180 de Gerbert et le premier canon du 1 Ve concile de Carthage.

M. FLOOR DE SAINT-GENIS, correspondant honoraire du Ministère : sur la 5e QUESTION DU PROGRAMME : «Indiquer les mesures qui ont pu être prises dans certains départements pour assurer la conservation des minutes notariales et en faciliter les communications demandées en vue de travaux historiques, »

M. GAUTHIER (Jules), correspondant du Ministère, archiviste du département du Doubs : Le pontifical d'Hughes Ier, archevêque de Besançon, au Musée Britannique.

M. GUESNON , correspondant honoraire du Ministère : Le livre rouge de la vintaine d'Arras.

M. le comte DE LOISNE, de la Commission départementale des monuments historiques du Pas-de-Calais : Les baillis, gouverneurs et grands baillis de Béthune (îaio-i7S0).

M. MACARY (S.), ancien archiviste adjoint du département du Gers : Etude sur l'origine, la propagation et le développement de Imprimerie à Toulouse au xv" siècle.

M. MAÎTRE (Léon), membre non résidant du Comité des travaux historiques et scientifiques, archiviste du département de la LoireInférieure : Une charte carolingienne inédite et un monastère retrouvé en Poitou.

M. PAWLOWSKI (Auguste), ancien élève de l'École nationale des chartes : Inventaire des archives du canton de Bourmont (Haute-Marne); pièces non collationnées. Recherches dans les archives communales de SaintThiébault-sous-Bourmont, avec la transcription complète de plusieurs chartes non éditées dans le Trésor des chartes.

M. PERRAULT -DABOT (A.), archiviste delà Commission des monuments historiques au Ministère : Le décret d'union entre les Grecs et les Latins : manuscrit du xv" siècle.

M. VINCENT, de la Société archéologique de Touraine : Les actes des notaires au point de vue de l'histoire.


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Mercredi 13 avril, le matin à g heures et demie.

M. le comte COURET, delà Société académique indo-chinoise de France : Réception solennelle d'un roi de Portugal à Orléans, en 1476, d'après les Comptes inédits de l'ancienne municipalité orléanaise.

M. DAST LE VACHER DE BOISVILLE, de la Société des Archives historiques de la Gironde, correspondant du Ministère : Un registre de baptême de protestants de Castelmoron-à" A gênais (xvii e siècle).

M. l'abbé GALABERT, de la Société archéologique de Tarn-et-Garonne : Charte familiale de libertés, 8 mars 1289.

M. HAUSER , professeur à la Faculté des lettres de l'Université de Clermont : Les suites d'une grève au xvi e siècle (1542-1573).

M. HÉRON, correspondant du Ministère : Le drap du sceau de la fabrique de Rouen.

M. Hughes (A.), correspondant du Ministère, archiviste du département de Seine-et-Marne : Essais sur le régime des ponts et chaussées dans TÎle-de-France avant le xviii e siècle.

M. MARION, professeur à la Faculté des lettres de l'Université de Bordeaux : L'impôt sur la rente en 1764.

M. MUSSET (Georges), de l'Académie des belles-lettres, sciences et arts de la Rochelle, de la Commission des arts et monuments historiques de la Charente-Inférieure, correspondant du Ministère, bibliothécaire de la ville de la Rochelle : Les pèlerinages à SaintJacques-de-Compostelle, en Saintonge et Aunis.

M. SCHMIDT (Ch.), de la Société des sciences historiques et naturelles de l'Yonne : Une réunion de communautés de métiers : Règlement de la communauté des apothicaires-épiciers et épiciers-merciers à Auxerre (1767).

M. TRIGER (Robert), de la Société historique et archéologique du Maine : L'hôtel de ville du Mans.

M. VEUCLIN (V.-E.), correspondant du Comité des sociétés des beaux-arts des départements : Notes historiques et secrètes du curé de la paroisse de Ver, près Dreux (1608-163o ).

Le soir, à 2 heures.

M. ABBADIE (François), de la Société de Borda : Le livre rouge cl le livre noir : archives municipales de Dax.


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M. l'abbé BOSSEBOEUF (L.), de la Société archéologique de Touraine : Les comptes d'un château au xive siècle : le Coudray-Montpensier ( Indre-et-Loire).

M. CIIAVANON (Jules), correspondant du Ministère, archiviste du département de la Sarlhe : Greffin Affagart, pèlerin de Terre-Sainte (1533-1534), et sa relation.

M. CORTEZ (Fernand), correspondant du Ministère : Les premiers registres de catholicité de Saint-Maximin ( Var).

M. DEPOIN (Joseph), de la Société historique et archéologique de l'arrondissement de Pontoise et du Vexin : Les comtes de Meulan et les vicomtes de Mantes aux xi e et xii e siècles.

M. GUIGUE, correspondant honoraire du Ministère, archiviste du département du Rhône : Le trésor de Saint-Nizier (1345-1372). Les décès de la paroisse (1346-1348).

M. JEANROY, professeur à la Faculté des lettres de l'Université de Toulouse : Règle et constitution du monastère des 11,000 vierges de Toulouse : original aux archives de la Haute-Garonne.

M. l'abbé MÛLLER (Eugène),-de la Société académique d'archéologie, sciences et arts du département de l'Oise : Sur une «charité» à Saint-Leu d'Esserent.

M. QUESNÉ (Victor), de la Commission départementale des antiquités de la Seine-Inférieure : Le désert des Carmes-Déchaussés pour la province de Paris.

M. ROUCAUTE (J.), de la Société d'agriculture, industrie, sciences et arts du département de la Lozère, professeur au collège de Béziers : La répartition des tailles en Gévaudan au début du xvii e siècle.

M. VACHER DE LAPOUGE (G.), du Félibrige latin, bibliothécaire de l'Université de Rennes : La langue de la Gaule avant les Gaulois.

M. VERNIER (J.-J-), correspondant du Ministère, archiviste du département de la Savoie : Philippe le Hardi, duc de Bourgogne : sa vie intime pendant sa jeunesse, ses qualités et ses défauts, ses goûts et ses habitudes.

Jeudi 14 avril, le matin à 9 heures et demie.

M. l'abbé CALHIAT (Henri), de la Société archéologique de Tarnet-Garonne : Superstitions dans le Tarn-et-Garonne.

M. le docteur COULON (H.), de la Société d'émulation de Cambrai : L'ancien hôpital Saint-Jacques-au-Bois de Cambrai.


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M. HALLBERG, professeur à la Faculté des lettres de l'Université de Toulouse : Recherches sur le fonds historique de certaines légendes alsaciennes relatives à Strasbourg.

M. l'abbé MARBOT, de l'Académie des sciences, agriculture, arts et belles-lettres d'Aix : Un cartulaire arlésien.

M. l'abbé MOREL (E.), de la Société historique de Compiègne, correspondant du Ministère : Le mouvement communal au xii" siècle dans le Beauvaisis et aux environs.

M. PÉROT (Francis), de la Société d'émulation et des beaux-arts du Bourbonnais : Le Chevau-Fug à Moniluçon (Allier).

M. l'abbé TAILLEFER, de la Société archéologique de Tarn-et-Garonne : Deux années a Lauzerte sous la domination anglaise ( 13671368).

M. THOISON (Eugène), de la Société historique et archéologique du Gàtinais, correspondant du Ministère : De Tutilité des registres paroissiaux.

M. Veuclin (V.-E.), correspondant du Comité des sociétés des beaux-arts des départements : Translation en Tabbaye de l'Estrée (monastère cistercien d'hommes) du prieuré de la Colombe (monastère de femmes), et fin de cette abbaye.

M. VIDAL (F.), de la Société félibréenne d'Aix : La pastorale en Provence.

M. VUACHEUX, publiciste : sur la 13e QUESTION DU PROGRAMME : Recueillir les renseignements qui peuvent jeter de la lumière sur l'état du théâtre et sur la vie des comédiens en province depuis la Renaissance.

Le soir, à 2 heures.

MM. D'ABZAC , de la Société des amis des sciences et arts de Bochechouart; l'abbé CHAPRON, de la Société dunoise d'archéologie, histoire, sciences et arts; GAUTHIER (Gaston), de la Société nivernaise des lettres, sciences et arts : sur la 18e QUESTION DU PROGRAMME : Etudier les délibérations d'une ou plusieurs municipalités rurales pendant la Révolution, en mettant en lumière ce qui intéresse l'histoire générale.

M. BLOCH (Camille), de la Société archéologique et historique de l'Orléanais, correspondant du Ministère, archiviste du département du Loiret : Une réunion électorale en 1789.

M. LAMBERT, de la Société d'émulation du Doubs : La mort du jeune Muiron, aide de camp de Ronaparte à la bataille d'Arcole.

HlST. ET PHILOL. — Nos 1-2. 7


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M. MONTIER (A.), de la Société normande d'études préhistoriques, de la Société de l'histoire de la Révolution française, de la Société de l'histoire de Normandie : Le fonctionnement du gouvernement révolutionnaire dans le district de Pont-Audemer (Eure).

M. PONTIIIEUX (Alfred), du Comité archéologique et historique de Noyon : L'assemblée municipale de Guiscard avant 1789.

M. POUPE (Edmond), professeur au collège de Draguignan : Les districts du Var : la formation des administrations et leurs renouvellements.

M. SOREL (Alexandre), de la Société historique de Compiègne : La ville de Compiègne sous le gouvernement révolutionnaire, 1 4 frimaire an ii.

M. R. ASTIER, professeur au lycée de Toulouse, communique un mémoire relatif à ce qu'il appelle une erreur historique : la lettre 180 de Gerbert (Sylvestre II) et le quatrième concile de Gartbage.

La profession de foi que fit Gerbert, élu archevêque de Reims, a soulevé un grand nombre de controverses.

Pour les éditeurs français, MM. Olleris et Julien Havet, cette profession de foi est dirigée contre les néomanichéens du nord de la France.

Pour les critiques allemands elle constitue un document médiocrement favorable à la papauté et une tentative coupable de Gerbert, qui voulait séduire le peuple de Reims en lui permettant l'usage de la viande, et gagner les voix du clergé en lui permettant le mariage. Or la profession de foi de Gerbert n'est ni ceci, ni cela.

Elle date en réalité de 393 après Jésus-Christ, et appartient au quatrième concile de Carthage.

L'attribuer à Gerbert, c'est faire une erreur de six cents ans.

M. ASTIER a comparé les deux formules et montré qu'elles sont absolument concordantes.

M. Léopold DELISLE confirme la parfaite exactitude du renseignement donné par M. Astier dont le mémoire sera inséré au Bulletin du Comité.

M. Delisle lit au nom de M. FLOUR DE SAINT-GENIS, empéché et qui s'est excusé, un mémoire sur les mesures prises dans le dépar-


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tement de la Côte-d'Or pour assurer la conservation des minutes notariales et en faciliter les communications demandées en vue de travaux historiques.

Ce sujet si important pour l'avancement et la sûreté des études historiques, est à l'ordre du jour depuis cinquante ans. On en saisit l'intérêt par les publications des sociétés savantes locales ; les documents que retrouvent et commentent les érudits de la province complètent chaque jour nos annales nationales, de plus en plus claires et instructives, à mesure qu'on pénètre davantage dans le détail.

Les minutes notariales sont une source inépuisable d'informations exactes; mais c'est une richesse improductive. De récents incidents montrent à quelles résistances se heurtent les chercheurs les plus autorisés; en province, c'est pis encore. Tantôt on se retranche derrière le prétexte un peu vieilli du secret professionnel, tantôt on se refuse à la recherche d'un acte parce qu'on ignore son existence ou qu'on ne sait pas le lire, ce qui est le cas le plus fréquent, d'ailleurs très excusable.

L'argument qui sert de base unique à la résistance du notariat, c'est le prétendu droit de propriété des notaires sur les minutes, même antérieures à la réorganisation des offices ministériels en 1802. Cette prétention ne tient pas debout. M. de Saint-Genis démontre par la série des textes et les arrêts des Parlements, qu'à aucune époque de notre histoire juridique, pas plus au moyen âge qu'au xviii e siècle, les notaires n'ont été propriétaires de leurs minutaires. Us n'en sont que les dépositaires privilégiés et, à ce titre, le dépôt des archives notariales n'ayant été créé que pour être mis à la disposition du public, c'est au Gouvernement seul qu'il appartient de décider, par mesure administrative, quels sont les documents qu'il est opportun de détacher des dépôts privés, où ils restent inconnus, pour les confier aux archives départementales. La jurisprudence la plus récente consacre cette doctrine, qui découle du droit supérieur de l'État.

On se trouve en présence de deux solutions :

1° Ou autoriser le maintien des anciennes minutes dans les études, à la condition d'en dresser et d'en publier des inventaires détaillés, et de les mettre à la disposition des érudits : c'est le système que préconise M. de Saint-Genis;

2° Ou, en adoptant les conclusions de la Commission de 189O,

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formulées par une proposition de loi déposée à la Chambre des députés par M. de Benoît en 1893, décider que, dans le délai de trois mois, les notaires seront tenus de verser aux archives départementales les minutes antérieures à 1790.

Cette communication donne lieu à une série d'observations faites par M. THOISON , qui fait ressortir l'intérêt de documents historiques et financiers rencontrés par lui dans un minutier de Nemours et ayant servi de "chemises» au moment de la Révolution, particularité qui n'est probablement pas unique; par M. Victor ADVIELLE, par M. VINCENT, notaire honoraire; par M. COUARD et par un certain nombre de membres de la Section. Les uns proposent la remise des anciennes minutes dans les dépôts publics d'archives, d'autres insistent sur le devoir des notaires de conserver leurs minutes. A la sui te d'une discussion prolongée, M. L. DELISLE résume les débats en disant que tout le inonde est d'accord pour souhaiter qu'il soit pris des mesures à l'effet de rendre accessibles aux travailleurs les dépôts des notaires.

M. Jules GAUTHIER, archiviste du Doubs, communique une étude sur le pontifical d'Hugues Ier (archevêque de Besançon de 1031 à 1060), conservé au Musée Britannique. Déjà signalé par le cardinal Pitra à la suite de missions en Angleterre (il y a déjà un demi-siècle), ce précieux volume, inscrit sous le n° 15,222 des manuscrits du British, avait été pris par l'éminent bénédictin pour un monument de la liturgie bisontine. Cette opinion était inexacte, et M. Gauthier démontre que le corps même du pontifical, c'està-dire la série des cérémonies et des prières accomplies par l'évêque, est un pontifical messin, témoin le document final, un tarif d'honoraires de l'église de Metz, dressé par l'évêque Enghilramne (Anghilramnus proesul), qui vivait de 768 à 791.

Mais le pontifical messin, écrit au xi e siècle, devint franc-comtois dans la première moitié de ce dernier siècle, et servit à l'archevêque Hugues le Grand et à plusieurs de ses successeurs, soit pour conférer les ordres dans le diocèse de Besançon, soit pour recevoir les serments des suffragants de Bâle, de Belley, de Lausanne et de nombres d'abbés ou abbesses de l'ordre de Saint-Benoît. Les feuillets 1-5 du pontifical contiennent une vingtaine de ces formules de serment, transcrites pour former titre au profit de l'église de


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Besançon; quelques-unes sont colligées comme les pièces d'un cartulaire, longtemps (cinquante ou cent ans) après leur rédaction; d'autres, sans être autographes, sont dressées au moment même de la consécration des prélats, abbés ou abbesses, et revêtues par les récipiendaires d'une croix : la signature de ceux qui n'ont jamais su signer. De toute façon, ces formules ont un intérêt considérable pour la chronologie de la Gallia christiana. Un autre motif donne une importance exceptionnelle au pontifical de Metz. Les liens d'amitié qui ont uni Brunon, d'abord évêque de Toul, puis pape sous le nom de Léon IX, à Hugues le Grand, son ami inséparable, donnent une grande probabilité à l'opinion de M. Gauthier qui croit voir dans le manuscrit 15,22 2 du British un présent de Brunon à Hugues, qu'il consacra à Toul le 7 novembre 1031. De toute façon, ce précieux manuscrit mériterait d'être publié in extenso, tant au point de vue liturgique, comme le propose M. le chanoine Ulysse Chevalier, qu'au point de vue historique franccomtois, comme M. Gauthier en exprime le désir.

M. GUESNON, correspondant honoraire du Ministère, communique une étude sur le Livre rouge de la vintaine d'Arras.

L'industrie des tissus de laine, saga, birri, florissante chez les Atrébales au IIIe siècle, subit une longue éclipse après les invasions. Il faut descendre, pour en retrouver la trace, jusqu'aux premiers tarifs du tonlieu d'Arras, donné à Saint-Vaast par Thierry III, son fondateur.

L'abbaye ne possédait qu'un petit nombre de troupeaux ; c'est à l'importation des laines que l'industrie locale dut son développement. Celles d'Angleterre affluèrent sur le continent après la conquête normande, et les draps d'Arras prirent alors le chemin des grands marchés de Londres et de Stanford, et des foires de Champagne et de Brie.

De ce mouvement économique date l'origine de l'aristocratie marchande et financière à laquelle Philippe-Auguste concéda la régie de la nouvelle commune. Les satires du temps ont reproduit la physionomie de ces gros bourgeois; celle de la ville avec ses corps de métiers assermentés, hiérarchisés, réglementés, donne l'impression d'une vaste exploitation industrielle.

Les confréries de métiers n'y apparaissent qu'au XIIe siècle; au premier plan, la «gueude» ou guilde supérieure des marchands :


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Guilda mercatorum, et, parmi celles de la draperie, les foulons, les tisserands, les tondeurs de draps. Les curieux statuts de cette dernière nous initient à l'organisation militaire de ces confréries. Une satire contemporaine nous a conservé le récit burlesque d'une expédition armée des tisserands d'Arras sous la bannière du châtelain Hugues.

L'admission des gueudes au partage de l'administration communale inaugure le xive siècle. Alors entre en scène la « Vintaine de la draperies, commission technique de vingt membres chargée par délégation échevinale de faire exécuter les édits et réglementa du métier et d'en appliquer les pénalités. L'origine de l'institution reste inconnue; sa halle est topographiquement indiquée dès le milieu du XIIIe siècle ; un poète artésien du temps la mentionne.

Les règlements des métiers ressortissant à la halle de la Vintaine furent réunis, vers la fin du xive siècle, par Thomas Bouchel, clerc de l'échevinage, en un recueil appelé, de la couleur de sa tranche, le Livre rouge de la Vintaine. Les cent pièces qu'il renferme peuvent être groupées sous six chefs : 1° l'Office de la Vintaine et sa juridiction; 2° la laine et ses transformations; 3° la draperie; 4° la sayetterie; 5° la tapisserie; 6° statuts des chapeliers, des chaussetiers et des parmentiers.

Si la date de ce registre aux bans de la draperie d'Arras le met au second rang par rapport à ceux de Douai, Saint-Omer et Valenciennes, ses statuts de guilde armée et ses règlements sur les tapis sarrasinois et les haute lices compensent cette infériorité.

Des rapprochements entre les mots arazzi, rascia, areste, batiste, et l'examen du mot usina, dans Du Cange, terminent cette communication.

Le comte DE LOISNE, de la Commission des monuments historiques du Pas-de-Calais, lit un mémoire sur les baillis, gouverneurs et grands baillis de Bélhune ( 1210-1789).

Après avoir indiqué le rôle important des baillis au XIIIe siècle, dans leurs quadruples fonctions militaires, administratives, judiciaires et financières, M. de Loisne détermine quelles sont celles de ces fonctions conservées par les gouverneurs, lorsque, vers le milieu du XIVe siècle s'opéra la transformation des baillis primitifs en baillis gouverneurs, par suite de l'adjonction du commandement militaire à l'administration de la justice et de l'abandon des fonc-


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tions financières à un receveur. Il en fut ainsi jusqu'à l'édit de 1664, par lequel Louis XIV enleva aux gouverneurs la charge de bailli et réunit cet office à son domaine. Dès lors, deux personnages se partagent les fonctions des anciens baillis : le gouverneur militaire et le grand bailli. L'un, homme de guerre, chargé exclusivement des choses militaires; l'autre, ayant des attributions mal définies, cherchant sans cesse à usurper les prérogatives des anciens baillis du XIIIe siècle, assiégeant toutes les juridictions de ses prétentions; si bien que l'histoire des grands baillis de Béthune est celle d'un long procès avec l'échevinâge, procès auquel la Révolution seule mit un terme, en supprimant à la fois la charge de bailli et la gouvernance de Béthune.

Une liste chronologique très complète des fonctionnaires qui précèdent ajoute un réel intérêt à la communication qui précède et qui se termine par l'énumération des lieutenants particuliers de la gouvernance, dont les fonctions ont, à toutes les époques, été intimement liées à celles des baillis.

M, DE GÉRIN fait une communication sur les anciens registres paroissiaux d'état civil en Provence, de 1503 à 1790. Il signale les travaux faits dans cette région et notamment à Aix, Marseille, Âuriol, et préconise, comme moyen de conservation de ces actes, un système de transcription sous forme de tables. Cette étude fait ressortir les ressources que présentent ces archives pour l'histoire. la statistique et l'économie, et fait connaître, outre diverses formules de baptêmes, épousailles et sépultures, des actes inédits et leurs fac-similés se rapportant au créateur du roman français, le célèbre Honoré d'Urfé, dont on ne connaissait pas exactement la date de naissance, au Quintilien français, l'avocat Laget de Dardelin, aux d'Albizzi, etc.

L'auteur a dépouillé les archives paroissiales de dix communes des Bouches-du-Rhône ; ses recherches ont aussi porté sur le dépôt d'Aix et sur celui de Marseille, qui renferme les documents les plus anciens du genre. M. de Gérin a relevé dans ces divers fonds plusieurs centaines d'actes et de curieux documents parmi lesquels il cite un jugement rendu par l'officialilé d'Aix dans une discorde intéressant le clergé de Fuveau.

M. Edouard FORESTIÉ, secrétaire général de la Société archéo-


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logique de Tarn-et-Garonne, présente une analyse très détaillée d'un document intéressant pour l'étude des moeurs de province au XIVe siècle. Ce document fait partie du riche fonds d'Armagnac conservé aux archives de Tarn-et-Garonne. Il consiste en un cahier incomplet formant 119 feuillets du livre sur lequel les secrétaires du vicomte de Fezensaguet inscrivaient les ordres de payement et les comptes rendus par les receveurs du vicomte.

Jean d'Armagnac, fils de Géraud II, était vicomte de Fenzasaguet, de Brulhois et de Creysselh, et baron de Roquefeuil; il avait un train de maison considérable, soit à Mauvezin, soit dans le Carcassonnais ou dans ses divers châteaux.

La variété de ces mandements et de ces comptes est particulièrement intéressante parce qu'elle permet de suivre le vicomte et sa famille dans leurs diverses résidences, de voir les provisions de bouche, les achats de vêtements, les pensions et gages payés, etc.

Parmi les citations les plus curieuses, il faut noter l'achat de faucons, de molosses, le prix des voyages, la multiplicité des étoffes et les prix et détails de la façon; en particulier, il est question d'une houppelande (sopalanda) dont la confection est détaillée avec soin : drap de Bruxelles, drap de soie, cendal, coton; enfin la fourrure qui nécessita neuf cent-soixante dos de petit-gris; l'achat de pourpoints fourrés de menu vair pour les damés; la fourniture d'épices pour la cuisine, etc.

La publication de ces textes, qui se rapportent aux années i365 à 1372, serait intéressante parce qu'elle fournirait des renseignements complétant ceux que M. Forestié a publiés dans les Livres des comptes des frères Bonis, qui s'arrêtent à peu près à cette époque.

M. Léon MAÎTRE, archiviste de la Loire-Inférieure, signale la nécessité de porter ses investigations même dans les archives particulières, et surtout dans les fonds des domaines confisqués sur le clergé. Une heureuse rencontre lui a fait trouver chez le propriétaire de l'ancien domaine du prieuré d'Amauld (Maine-et-Loire) une charte de 676, contenant l'énumération des domaines donnés à l'abbaye de Saint-Philibert de Noirmoutier, un diplôme de Louis le Débonnaire et de Lothaire autorisant les religieux de Noirmoutier à se fortifier; en 83o, une charte du fils d'un comte d'Aquitaine nommé Garlon, renfermant la donation de nombreuses terres situées en Poitou et en Bourgogne, et enfin un décret épiscopal


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d'Isembert, évêque de Poitiers vers 1040, qui nous dépeint la situation de la paroisse de Beauvoir-sur-Mer au xie siècle. Les personnages cités dans ces quatre documents ont joué un grand rôle dans l'histoire, et leur biographie se trouve éclairée notablement par les détails que nous révèlent les pièces découvertes par M. Maître. Ansoald, évêque de Poitiers au XIIe siècle, a transformé sa ville épiscopale; Garlon, abbé de Tournus, a été le fondateur de la célèbre abbatiale de cette ville et est mort évêque de Langres. Le diplôme de 830 a déjà été publié, mais la copie qui a servi de texte n'était pas exempte de fautes; dans tous les cas, la pièce vaut la peine d'être commentée et publiée de nouveau.

M. DESPRÈS, inspecteur de l'enseignement primaire à Valognes, signale à l'attention du Congrès un registre paroissial dans lequel le curé ou le vicaire d'une petite paroisse de Basse-Normandie (Bloville, près Carentan) a noté les actes religieux auxquels il a pris part pendant une période de vingt années, de 1520 à 1539. Il y a trois séries d'actes : 1° les baptêmes; les excommunications, les aggravations et les absolutions; 3° les testaments reçus par le curé.

C'est assurément l'un des plus anciens registres de ce genre qui aient été signalés, au moins en Normandie.

M. Emile BELLOC donne lecture, au nom de M. Macary, exarchiviste adjoint du Gers, d'un mémoire sur L'origine, la propagation et le développement de Timprimerie à Toulouse à la fin du xv e siècle.

L'auteur fait connaître la source où il a puisé ses renseignements; c'est dans les minutiers des notaires de Toulouse qu'il a poussé ses investigations; elles ont été couronnées de succès, puisqu'elles lui ont révélé l'existence de trente documents inédits (1483-1501).

M. Macary cite d'abord un passage de l'Inventaire des titres et documents du couvent des Grands Carmes déposé aux archives départementales de la Haute-Garonne, relatif à la vie de sainte Jeanne, qui prouverait, d'après lui, que l'établissement de l'imprimerie remonterait bien avant 1474, c'est-à-dire vers 1471 ou 1472.

Un acte du 4 avril 1483, analysé par l'auteur, démontrerait que Henri Tournier, premier imprimeur établi à Toulouse, était atteint d'infirmités à cette époque, ce qui l'avait forcé de s'associer Jean Paris. Celui-ci fut le second imprimeur de Toulouse.


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Il justifie — d'après une procuration du 27 avril 1491, donnée par Paris à un de ses serviteurs pour régler ses comptes avec un imprimeur de Valence, un prêtre de Pampelune et un habitant de Sarragosse — que le commerce des livres imprimés à Toulouse remonterait au delà de 1491.

D'après le même auteur, tous les incunables non signés ou signés des lettres H T, J T ou M H T, doivent être attribués à Tournier et non à divers autres imprimeurs qui n'ont existé que dans l'imagination de certains auteurs.

Poursuivant ses recherches, M. Macary dit que Mayer, troisième imprimeur, vint s'établir à Toulouse vers 1484 ou 1485, et non en 1489, comme on l'avait prétendu jusqu'à ce jour. La preuve, il la trouve dans l'acte du 31 mars 1490; Mayer reconnaît devoir à Fabri 185 écus d'or 28 doubles, représentant le salaire de six années.

Continuant son étude sur Mayer, il donne l'analyse de quinze actes (de louage et d'embauchage d'ouvriers, 1492-1494) faisant connaître les noms, prénoms, lieux d'origine, la spécialité et la durée de l'engagement ainsi que le prix du salaire convenu.

M. Macary arrive ainsi au XVIe siècle et signale deux acte» de vente relatifs à Grandjean :

1° La vente par Jean Paris à Grandjean du matériel d'imprimerie de Mayer (8 avril 1501);

20 La vente par Grandjean à Thibaud Monin et à Nicolas Gayraud (9 juillet 1501). L'inventaire et les pactes écrits en langue romane sont joints à l'acte.

Il cite un mariage du 10 octobre 1487, entre Bernard Intz Verger, imprimeur, natif de Spire, avec Raymonde ou Mondette Olière, veuve de Jean Villères, relieur de Toulouse.

M. Macary rappelle les travaux publiés par M. le chanoine Douais sur l'art toulousain, d'après les documents puisés dans les registres des notaires.

il termine son mémoire en émettant l'espoir de voir prochainement les registres des notaires versés dans des dépôts spéciaux accessibles au public.

M. Auguste PAWLOWSKI, de la Société de géographie, donné lecture d'un inventaire des archives du canton de Bourmont (HauteMarne), archives jusqu'ici non collationnées. Cet inventaire com-


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prend les communes de Saint-Thiébault, Brainville, Goncourt, Graffigny, Vaudrecourt (archives de la Mothe) et Goncourt. Les communes de Bourg-Sainte-Marie, Chaumont-la-Ville, Doncourt, Gonaincourt, Hailliécourt, Hacourt, llloud, Malaincourt et Nijon ne contiennent que des registres de l'état civil, dont les plus anciens, remontant à 1641, offrent un intérêt particulier. Quelques documents sont utiles pour l'histoire de la région; ainsi, il faut citer : une ordonnance de Richemond, évêque de Toul (1122), confirmée en 1157 par son successeur Henri (archives de Bourg-SainteMarie); les pièces d'un procès entre Sommerécourt et Vaudrecourt (archives de Vaudrecourt); un rôle d'impositions pour les moines de l'abbaye de Morimont, les dames de Poussay, et Hubert de Crèvecoeur, seigneur de Vroncourt (archives de Vroncourt); des papiers concernant la famille de Choiseul. Il convient de signaler une tradition qui place à Haréville le tombeau de Calixte II (Gui de Bourgogne), tradition très consistante dans le canton de Bourmont.

Les documents capitaux, au point de vue historique, sont renfermés dans les archives communales de Saint-Thiébaull. Ce village, aujourd'hui déchu, l'emportait jadis sur Bourmont (carte du XVe siècle). La charte de Saint-Thiébault est d'une extrême importance juridique. Elle prouve aussi que Thiébault Ier prit le titre de comte de Luxembourg en 1203 (confirmation d'une charte d'échange de 1203 conclue avec Blanche de Navarre, comtesse de Champagne). II demeure évident que le Barrois de par-deçà la Meuse fut soumis dès le début du XIIIe siècle à lu suzeraineté du roi de France.

Cette charte est complétée par une série de parchemins, un diplôme de 1219 et un ordinaire de 1366, des confirmations de Henri de Bar (1300), Edouard de Bar (1319 et 1329) et enfin Yolande d'Avignon (1482). Les chartes des ducs de Lorraine sont souvent précieuses.

Les sceaux sont parfois bien conservés et seraient consultés utilement pour la sigillographie de l'est de la France.

M. VINCENT, notaire honoraire, de la Société archéologique de Touraine, rend compte du dépouillement rapide qu'il a fait des actes de son ancienne étude cédée à son fils, de 1560 à 1799, pour démontrer les renseignements intéressants qu'on peut y trouver; en effet, dans ce premier examen qu'il a fait, il a vu passer sous ses yeux les actes ci-après, énoncés très sommairement;


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Un partage de biens de la famille du Bellay de 1565, avec rente à dame Loyse de Clermont;

Un acte de la Trimouille de 1571 ;

Plusieurs actes du poète Ronsard, alors prieur du prieuré de de Saint-Cosme, près Tours, de 1571 ;

Une procuration de 1587, donnée par les Dames religieuses de l'abbaye royale de Beaumont-lès-Tours, dont la signature est en lettres gothiques;

Un contrat de mariage de 1591, auquel assistait MmeDiane de France, fille et soeur légitime de rois, duchesse d'Angoulême, comtesse de Ponthieu;

Trois actes de 1601 et 1623, signés de François Béroalde de Verville, l'auteur du Moyen de parvenir, que plusieurs dictionnaires font mourir en 1612, ce qui est une erreur, puisqu'il signe un acte notarié le 14 septembre 1623;

Le contrat de mariage signé par les deux familles du poète Racan, du 29 février 1628;

Un acte de 165o, signé de d'Estrées;

Un acte de société de joueurs d'instruments à Tours, du 24 décembre 1657;

Acte de 1670 des religieux de l'illustre monastère de Marmoutiers de Tours;

Une ordonnance de police pour le nettoyage des rues, de 1681 ;

Une ordonnance de police intéressante, de 1721, sur les processions de la Fête-Dieu avec les diverses corporations de la ville;

L'inventaire des 6 au 11 mars 1763 après le décès du poète Grécourt, contenant des détails faisant bien connaître le personnage dont les hommes de loi viennent d'envahir l'appartement;

Une lettre du général Hoche, publiée dans le Bulletin de Paris du 19 septembre 1797, peu de temps après sa mort.

M. PRUDHOMME, archiviste de l'Isère, correspondant du Ministère, secrétaire perpétuel de l'Académie delphinale à Grenoble, donne lecture d'un mémoire sur le commencement de l'année et de i'indiction en Dauphiné. Ses conclusions sont : 1° en ce qui concerne l'indiction, que si l'on rencontre dans les cartulaires dauphinois des exemples de toutes les indictions connues, deux modes principaux s'y sont partagé la faveur des chancelleries et des notaires : le mode impérial du 24 septembre et le mode pontifical du 25 décembre;


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que l'indiction du 2 4 septembre a été la plus usitée dans les régions du Viennois, Terre de la Tour, Valentinois, Diois et Baronnies, tandis que l'indiction du 25 décembre était presque constante dans le Graisivaudan et le Briançonnais et peut-être dans le Gapençais et. l'Embrunais; et enfin qu'il faut tenir compte, dans l'étude comparative des notes chronologiques dont sont datés les actes dauphinois, d'une indiction fautive du 2 5 mars, dont on trouve particulièrement des traces assez nombreuses dans les baronnies de Monlauban et de Mévouillon, mais qui a été aussi employée à l'état exceptionnel dans toutes les parties du Dauphiné où l'on commençait l'année au 2 5 mars;

2° L'usage de commencer l'année au 2 5 décembre, désigné sous le nom de style delphinal, n'a jamais été universellement adopté en Dauphiné. Le Viennois, le Valentinois et Diois, les Baronnies sont toujours restés fidèles au style du 2 5 mars, dit florentin, et aussi, quoique d'une façon moins absolue, le Gapençais et l'Embrunais, qui ne l'ont abandonné que tardivement.

Le style delphinal a été donné au Dauphiné par l'Italie et il est arrivé à Grenoble par la route de Briançon. C'est dans ce pays, la plus ancienne possession des comtes d'Albon, que nous le trouvons dès la fin du XIIe siècle. Des évêques de Grenoble l'emploient à la même époque, et il semble même que saint Hugues ait daté de ce style les actes de ses cartulaires. En tout cas, la chancellerie épi— scopale de Grenoble l'accepte la première vers 1290.

Quant aux Dauphins qui lui ont donné leur nom, ils suivirent d'abord les règles chronologiques du style du 2 5 mars et ne se rallièrent définitivement au style de la Nativité que dans les premières années du xive siècle ;

3° Enfin on observera que les mêmes parties du Dauphiné qui ont suivi le style du 2 5 mars pour le commencement de l'année ont employé l'indiction de septembre, tandis que l'indiction du 2 5 décembre se rencontre dans les régions qui ont pris à cette date le commencement de l'année.

La séance est levée.


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MATIN.

PRÉSIDENCE DE M. BAGUENAULT DE PUCHESSE, MEMBRE DU COMITÉ DES TRAVAUX HISTORIQUES.

Assesseurs : MM. SOREL, de la Société de Compiègne; MUSSET, de l'Académie des belles-lettres, sciences et arts de la Rochelle; DAST LE VACHER DE BOISVILLE, de la Société des archives historiques de la Gironde.

La séance est ouverte à 9 heures et demie.

M. DAST LE VACHER DE BOISVILLE, de la Société des archives historiques de la Gironde, lit un travail ayant pour titre : Un registre de baptême de protestants de Castelmoron d'Agênais.

Les éléments de ce travail sont extraits d'un registre déposé aux archives départementales de la Gironde et contenant les baptêmes faits du 30 juillet 1634 au 24 septembre 1662. Le nombre des actes de ce registre est de 1,393 pour une période de vingt-huit années. Ils furent rédigés pour la grande plus partie par le pasteur Pierre Labarre.

M. de Boisville répond dans son travail à deux questions do jft-ogranmie du Congrès, la septième et la huitième. II signale fout d'abord l'importance des registres baptistaires des protestante déposés aux archives municipales de Bordeaux pour l'histoire des lamilles appartenant à ce culte qui habitaient celte ville au xviii esiècle; il rappelle le rôle important joué par elles au point de vue commercial, littéraire et politique, tout particulièrement au début delà Révolution, et la tolérance dont elles étaient l'objet de la part des pouvoirs publics : Parlement, intendance et municipalité.

Parlant ensuite des registres paroissiaux du Bordelais, qui, sauf de rares exceptions, ne remontent pas au delà du XVIIe siècle, M. de Boisville montre l'utilité de ces registres pour l'histoire de l'art, la biographie des artistes, sculpteurs, architectes, peintres, fondeurs de cloches, etc., et cite plusieurs documents intéressants extraits de ces registres. Au point de vue littéraire, le chercheur peut y dé-


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couvrir parfois de curieux actes, comme le démontre la découverte de la preuve irréfutable du séjour de Molière à Bordeaux en 1656, faite par lui dans un registre baptistaire de Saint-André de Bordeaux.

Revenant au registre de Castelmoron, M. de Boisville donne la statistique de la population. Il a relevé 241 familles de noms patronymiques différents, formant 616 ménages, dont 288 n'ont que 1 enfant; puis viennent 136 ménages à 2 enfants, 84 à 3,

32 à 4, 42 à5, 10 à 6, 16 à 7, 2 à 8, 5 à 9, enfin 1 ménage à 10 enfants. Il donne ensuite la statistique des noms de profession ou de qualité, les noms des principales familles, la liste des pasteurs, anciens et lecteurs et les mentions intéressantes fournies par ce curieux registre, qui présente 108 prénoms simples et 2 prénoms doubles, concernant 7,269 individus, soit 3,666 prénoms d'hommes et 3,603 prénoms de femmes; le plus commun parmi les hommes, c'est Pierre, répété 999 fois, et parmi les femmes, Marie, répété 886 fois; puis viennent: pour les hommes, 968 Jean, 194 Joseph, 181 Jacques, 180 Etienne, 147 Moïze, 108 Mathieu, 88 Jacob, 80 Daniel, 79 Elie, 69 Abraham et Isaac, 43 François, 38 Samuel, 34 Paul, 33 Antoine et Louis, 29 André, 21 Arnaud et Salomon, 18 David, 17 Claude et Thomas, 15 Phelip, 14 Guilhem, 12 Abel, Charles et Théophile, 11 Isaïe et Raymond, 7 Aron, Bernard, Bertrand, Jeannicot et Rigon, 5 Gabriel et Gratieu, 4 Géraud, Hugues et Jacquot, 3 Barthélémy, Bertholomy, Benjamin, Berthomieux, Donathan, Cranier, Nadal et Noé, 2 Annet, Balthazar, Clément, Cosne, Elisée, Germain, Jérémie, Laurent, Marin, Martin, Micheau et Phelippon; les prénoms les moins usités sont Georges, Job, Marc, Martial, Mathelin, Mathurin, Nicolas, Noël et Zacharie, mentionnés 1 fois; les prénoms multiples sont peu usités : on ne compte en effet que 3 Jean-Jacques et 2 JeanCharles.

Pour les femmes, 571 Jeanne, 560 Anne, 284 Elisabeth, 258 Suzanne, 232 Marthe, 220 Judith, 95 Catherine, 83 Esther, 80 Marguerite, 59 Rachel, 44 Anthonie, 35 Sara et Françoise,

33 Magdelaine, 32 Louise, 11 Géraudeet Guillaumette, 10 Bonne, 7 Eve, 6 Hellix, 5 Claire, Léa et Peyronne, 4 Germaine, 3 Guirautine, Hélène et Présille, 2 Adrianne, Annette, Bernarde, Leone, Marquise, Matheline et Philolée.

Les prénoms les moins usités sont : Armande, Mangine, Mon-


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dette et Sébastienne, mentionnés 1 fois. Presque tous ces prénoms sont empruntés à l'Ancien Testament.

M. le comte COURET présente un court mémoire sur la réception parla ville d'Orléans, en 1476, du roi de Portugal, Alphonse V dit l'Africain, lequel, venant de Tours, où l'avait somptueusement accueilli Louis XI, se rendait à Paris, où on lui fit également une entrée solennelle, le 18 novembre de la même année.

Les détails fournis par M. Couret sont extraits des anciens comptes de communes conservés aux archives municipales d'Orléans, dont un fragment important est reproduit à la suite du travail.

M. Gabriel DE GASTEBOIS, de la Société archéologique de Tarnet-Garonne, donne lecture d'un travail de M. l'abbé Galabert, de la même Société, travail intitulé Une charte familiale de libertés, 8 mars 1289.

Nombre de chartes communales de libertés ont été publiées, éclairant d'un jour nouveau la situation politique, administrative et économique de nos aïeux; nous ne croyons pas qu'il ait été publié de chartes de libertés concernant une seule famille. Aussi M. Galabert a-t-il cru intéressant de mettre en lumière celle que, le 8 mars 1289, Fontanier de Gourdon octroya aux trois frères Hugues, Arnaud et Raymond Deyssac, habitants de Saint-Projet, près Gourdon, en reconnaissance de services rendus.

Les privilèges dont il les gratifia, et qui étaient transmissibles à leurs descendants, furent : exemption de taille, quête et journées de manoeuvre; exemption de nouvelles redevances sur les biens que lesdits frères et leurs descendants pouvaient acquérir dans la baronnie de Gourdon; liberté de four et de moulin; exemption d'emprisonnement, pourvu que les prévenus fournissent une caution, et cela sauf le cas où le crime serait passible du dernier supplice; enfin, exemption des servitudes réelles et personnelles qui avaient nom angaria et parangaria.

M. HAUSER, professeur à l'Université de Clermont, étudie Les Suites d'une grève au xvi e siècle 1542-1574. Il s'agit de la grande grève qui agita l'imprimerie parisienne et lyonnaise de 1539 à 1542. Les compagnons ne cessèrent de protester contre le droit


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reconnu aux maîtres d'avoir un nombre illimité d'apprentis. De nombreux procès, dans lesquels la ville de Lyon soutenait les maîtres, élernisèrent cette querelle. En 1571, les consuls de Lyon et l'Université de Paris demandent au roi un nouveau règlement sur l'imprimerie; il est donné en mai 1571, par l'édit de Gaillon, qui confirmait les édits de François Ier et interdisait une fois de plus aux ouvriers de se coaliser. Le roi supprime le salaire-nourriture pour ne laisser subsister que le salaire-argent. Les ouvriers prolestèrent contre cet édit par un factum d'une rare violence, véritable acte d'accusation contre le capitalisme du xvi e siècle : les patrons y sont dénoncés comme des exploiteurs s'engraissant «de la sueur» de ceux qui les font vivre par leur travail. Les compagnons ne veulent plus être traités comme « des esclaves et des forçats-n. Les maîtres répondirent par un mémoire dans lequel ils affirment que la majorité des ouvriers est terrorisée par quelques meneurs. Quoi qu'il en soit, le roi finit par donner, dans une certaine mesure, gain de cause aux compagnons par sa déclaration de 1672. Notamment, il décide qu'il n'y aura plus désormais que deux apprentis par presse et que l'apprentissage durera trois ans. L'imprimerie, qui était sous François Ier un métier absolument libre, tendra de plus en plus à modeler son organisation sur celle des jurandes.

M. A. HÉRON, de l'Académie des sciences, belles-lettres et arts de Rouen, donne lecture d'un travail sur le Drap du sceau de la fabrique de Rouen.

L'expression te droit du sceau* a donné lieu à d'étranges méprises de la part de quelques érudits. Furetière et, d'après lui, Littré ont dit qu'elle provenait de ce que ce drap avait été fabriqué à Usseau, village situé près de Carcassone; or, cette localité n'a jamais existé. M. Héron a remis les choses au point en établissant, d'après des arrêts du parlement de Normandie et les archives municipales de Rouen, que le drap du sceau était une fabrication appartenant spécialement à cette ville, qu'il a joui d'une grande vogue au XVIIe siècle et a été l'objet d'un trafic considérable, même dans les pays du Levant.

M. HUGUES, archiviste du département de Seine-et-Marne, donne lecture d'un mémoire sur le régime des roules, avant 1700, dans l'Ile-de-France. Il expose que les péages, jusqu'à l'avènement de

HIST. ET PHILOL. — N° 1-2. 8


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Sully, sont destinés presque exclusivement à fournir les ressources nécessaires à l'entretien de la viabilité; elles sont malheureusement détournées de leur but, malgré de nombreuses ordonnances royales et les plaintes des Etats généraux.

Au XVIIe siècle, est constitué un budget public des routes; mais les recettes ne sont pas encore rigoureusement appliquées à leur objet; de là l'état lamentable des chaussées jusqu'au milieu du XVIIIe siècle, époque où le recours à la corvée et la création d'un personnel technique imprime un immense essor à la création du réseau de nos routes.

M. MARION, professeur à la Faculté des lettres de l'Université de Bordeaux, donne lecture d'un mémoire intitulé l'Impôt sur la rente en 1764. La désastreuse situation des finances, après la paix de Paris, contraignit le Gouvernement de recourir à tous les expédients. Les Parlements furent invités par le contrôleur général Laverdy à consigner dans des mémoires leurs vues sur les moyens propres à remédiera la pénurie financière et à améliorer la répartition et le recouvrement des impositions. Un certain courant se manifesta parmi eux en faveur d'un impôt sur les rentes payées par l'Etat et, trop docile à leurs conseils, Laverdy, par un édit de décembre 1764, soumit à une retenue d'un dixième tous les payements faits par l'État, y compris notamment les rentes. L'effet immédiat de cette mesure fut de porter un coup terrible au crédit français, surtout à l'étranger. On voit dans la correspondance diplomatique d'Angleterre que les porteurs de rentes françaises dans ce pays s'empressèrent de vendre à tout prix, et le 4 p. 0/0 anglais monta du coup du taux de 94 au pair, qui fut lui-même bientôt dépassé. Un mouvement analogue se produisit aussi en Hollande.

M. Georges MUSSET, de la Commission des arts et monuments historiques de la Charente-Inférieure, communique une étude sur les Pèlerinages à Saint-Jean-de-Compostelle, en ce qui concerne l'Aunis et la Saintonge. L'auteur de ce mémoire rappelle que le nom de Saint-Jacques était demeuré pendant de longs siècles aux anciennes grandes voies romaines ou aux voies secondaires fréquentées par les pèlerins, et que de nombreux hôpitaux ou des établissements charitables s'élevaient sur ces voies à Saint-Jean-d'Angély, SaintVivien-de-Saintes, Pons notamment, pour l'assistance de ceux qui


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se rendaient en Espagne. Parmi les autres faits curieux ou inédits relatifs aux pèlerinages dans la région étudiée, M. Musset rappelle que les pèlerins prenaient souvent la voie maritime pour se rendre à Saint-Jacques, qu'ils affrétaient des navires à la Rochelle, et qu'à l'occasion ils faisaient accomplir leur voeu de pèlerinage par procuration donnée au maître ou aux hommes de l'équipage.

A propos de la communication de M. Musset, M. Victor ADVIELLE présente au Congrès un bijou qu'il dit être la pomme en argent de la canne à main d'Adalard, seigneur flamand, fondateur de l'hospice d'Aubrac en Rouergue, mort en ce lieu le 5 mai 1135.

M. Charles SCHMIDT, de la Société des sciences historiques et naturelles de l'Yonne, donne lecture d'un mémoire sur Une réunion de communautés de métiers en 1767. Il y montre comment, dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, furent réunies dans la ville d'Auxerre plusieurs corporations; les apothicaires, les épiciers, les épiciersmerciers furent, en effet, par arrêt du Conseil d'État du 17 mars 1767, déclarés réunis en " communauté ", et le subdélégué d'Auxerre chargé de rédiger un projet de règlement pour la nouvelle corporation.

M. Schmidt essaye de montrer comment le subdélégué établissait la minute de son règlement, de quels précédents il se servait et où il prenait ses modèles; le projet du subdélégué fut en grande partie approuvé et adopté par l'intendant à Dijon et par le rapporteur du Conseil d'État à Paris, c'est montrer une fois de plus que le rôle du subdélégué n'était pas nul. Les notes marginales de l'intendant et des membres du Conseil d'État sont, à un autre point de vue, d'un véritable intérêt : les mesures de tolérance, en effet, sont, en général, conseillées ou ordonnées par le pouvoir central, qui, à cette occasion est obligé de modérer l'ardeur et la sévérité de son agent provincial.

M. Robert TRIGER, vice-président de la Société historique et archéologique du Maine, correspondant du ministère, donne lecture d'un mémoire sur L'hôtel de ville du Mans (ancien palais des comtes du Maine), que la ville du Mans se propose de reconstruire prochainement.

La révolution communale de 1071 n'ayant pas laissé de traces

8.


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durables dans les institutions locales, l'administration municipale du Mans ne remonte qu'à la fin du XVe siècle. Pendant les premières années de son existence: elle ne possède que de modestes "coffres" pour renfermer ses archives, et elle tient ses séances dans une des tours de l'enceinte, parfois dans une maison particulière, parfois même à la cathédrale ! En 1611, elle fait bâtir une «chambre de ville» dans l'ancien palais des comtes du Maine, à côté des "chambres du Présidial", et en 1764 elle prend possession des bâtiments qu'elle occupe aujourd'hui encore. A maintes reprises, notamment en 1488, en 1529 et en 1617, elle étudie des projets de construction d'un hôtel de ville plus grandiose.

M. Robert Triger expose, d'après les documents inédits, ces différents projets, auxquels les projets actuels donnent un intérêt pratique, cl présente à l'appui de son mémoire des plans et des dessins qui permettent de reconstituer l'ancien hôtel de ville du Mans à diverses époques.

M. VEUCLIN, correspondant du Comité des sociétés des beauxarts des départements, présente une série de notes diverses, tirées du "Pappier contenant les baptesmes, mariages et mortuaires» de la paroisse de Ver, près Dreux. Ces notes, dues à Jehan Caille, curé de celte paroisse, dont il était originaire, mort en 1630, se rapportent à différents événements qui se passèrent dans la contrée de 1608 à 1629 : phénomènes atmosphériques, tels que le grand hiver de 1608, la gelée du 9 mai 1616 qui détruisit à demi les vignes, les ravages de la grêle et des inondations en 1623; faits locaux : coutume de donner deux parrains aux enfants mâles et deux marraines aux filles, la bénédiction du lit nuptial à partir de 1613; l'inhumation du seigneur dont le corps fut exposé sur deux tréteaux, dans l'église, pendant cinq mois, etc.

Mêlées à ces notes sont des citations latines, des notes personnelles dont quelques-unes en chiffre.


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SEANCE DU MERCREDI 13 AVRIL 1898

SOIR.

PRÉSIDENCE DE M. A. DE BARTHÉLEMY MEMBRE DU COMITÉ DES TRAVAUX HISTORIQUES.

Assesseurs : MM. GUESNON, correspondant honoraire du Ministère; Alfred RICHARD, archiviste du département de la Vienne.

M. ABBADIE, membre de la Société de Borda, donne lecture d'une étude sur deux livres des archives municipales de Dax, connus sous le nom de Livre rouge et de Livre noir. Il fait d'abord une description détaillée des deux cartulaires inédits jusqu'à présent, et fait ressortir l'intérêt qu'ils présentent au double point de vue historique et juridique. Non seulement ces livres renferment des détails très particuliers sur une commune au moyen âge, mais en outre des documents qui touchent aux rapports de la France et de l'Angleterre, continuellement en contact dans le sud-ouest aquitain au moyen âge. Au point de vue du droit, le coutumier contenu dans le Livre noir ne présente pas un moindre intérêt. Il montre que la division géographiquement adoptée des pays de coutume et des pays de droit écrit est loin de correspondre partout aux distinctions juridiques d'après lesquelles elle a été établie. La constitution réelle de la famille à Dax accuse une origine celtibérienne conforme aux données de l'histoire. Elle était en opposition formelle avec le droit romain. Elle rattache à une genèse mystérieuse le groupe des coutumes pyrénéennes, de ces coutumes égarées pour ainsi dire en pays de droit écrit, qui constituaient l'antique législation focale, à l'abri de laquelle vécurent et luttèrent durant plus de quatorze siècles les petites autonomies de la Gascogne adouréenne.

M. l'abbé L. BOSSEBOEUF, président de la Société archéologique de Touraine, communique les Comptes du Château du Coudray-Montpensier, pour l'année 1360. Après un préambule d'un caractère général sur les fruits à retirer, pour l'histoire de France, des registres de comptes conservés dans les châteaux et aussi sur l'impor-


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tance du Coudray-Montpensier, M. L. Bosseboeuf entre dans l'analyse sommaire de ces comptes. On y rencontre les redevances et le détail des dépenses ordinaires et extraordinaires.

Les divers travaux de la vie rurale, les frais d'entretien et de réparations, les voyages, les plaids, etc., y occupent une place importante. Ce qui attire surtout l'attention, ce sont les dépenses qui se rattachent à la guerre de Cent Ans et qui présentent une série de détails d'un caractère très piquant.

Il y a dans ce registre tout un ensemble de renseignements que M. l'abbé L. Bosseboeuf se propose d'utiliser pour une Histoire du Château du Coudray-Montpensier.

M. CHAVANON, archiviste de la Sarthe et correspondant du Ministère de l'instruction publique, lit une étude sur Greffin Affagart, pèlerin de Terre-Sainte (1533-1534), et sa relation. C'est la préface de l'édition do cette relation qui doit paraître prochainement. Le récit du voyage en Palestine et en Egypte, de Greffin Affagart, seigneur de Courteilles au Maine et de Courteilles en Normandie, a le double avantage d'être inédit et d'être plus original que la plupart des oeuvres de même nature, ordinairement copiées les unes sur les autres. Divisé en sept parties et composé en forme de guide, il contient, parmi des longueurs, de très curieux récits, de pittoresques détails et des observations intéressantes. M. Chavanon l'analyse et le critique. Il en fait aussi connaître, au moyen de documents nouveaux tirés de divers chartriers privés, l'auteur, à peine identifié jusqu'à ce jour, et sur la vie duquel il n'a été publié que des notices incomplètes et erronées.

M. GAZIER donne lecture d'une communication de M. F. Cortez, correspondant du Ministère, ayant pour titre: Les Premiers registres de catholicité de Saint-Maximin (Var).

Il résulte d'un procès-verbal de constat, dressé en 1644 par le juge royal de Saint-Maximin, portant description et extraits des divers registres des actes paroissiaux (ancien état civil), que SaintMaximin possédait la série complète de ses registres (en partie détruits à la Révolution) depuis 1473, date qui n'est dépassée que par une ou deux communes en France. Grâce à ce document, on a l'acte de naissance d'Antoine de Puget de Saint-Marc (1542-1636) qui prit part aux guerres de religion en Provence et a laissé des


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Mémoires insérés dans la Nouvelle collection de Michaud et Poujoulat. Les divers biographes d'Antoine de Puget avaient ignoré ou donné inexactement le lieu et la date de sa naissance : par son extrait de baptême, on apprend qu'il naquit le 8 mai 1542 au château de Seillons, près Saint-Maximin. Des notes à l'appui de la pièce justificative ont trait à la colonie juive de Saint-Maximin, à des renseignements biographiques complémentaires sur divers prieurs du couvent des dominicains, à l'origine de la famille de Saint-Marc, des conseillers au Parlement de Provence, enfin à la date de l'arrivée du roi Charles IX à Saint-Maximin, date.qui, d'après la version de deux notaires de la ville, offre une. légère variante avec celle qui a été donnée par l'historiographe du roi.

Le P. DE LA CROIX, membre non résidant.du comité des travaux historiques, signale l'existence d'une chapelle érigée au XIIe siècle dans la propriété ancienne de Vernay, distante d'Ervault (DeuxSèvres) d'environ 1 kilomètre, et celle de deux couvercles en pierre de sépultures du XIIe siècle.

Sur l'un se trouve seulement un blason, et sur l'autre un blason semblable accompagné d'une épée et de l'inscription suivante :

HIC EXPECTO RESVRECTIONI (RESVRECTIONEM ?) MORTVORUM.

Le P. de la Croix présente quelques observations sur le blason, l'épée et l'inscription. Il pense que ces deux sépultures, qui se trouvent dans une chapelle sous le vocable de saint Thomas de Cantorbéry, pourraient avoir appartenu aux deux de Brocs, excommuniés par l'archevêque, deux jours avant son martyre. Il fait ensuite appel aux savants que leurs études spéciales mettent à même de résoudre le problème.

M. Joseph DEPOIN, de la Société historique du Vexin, présente un essai, accompagné de pièces justificatives inédites, sur la succession des comtes de Meulan et des vicomtes de Mantes aux XIe et XIIe siècles.

La suite authentique des comtes de Meulan commence à un Hugues de Meulan qui fut l'un des quatre membres du Conseil de régence établi pour administrer la portion du royaume de France donnée par Hugues Capet à son fils Robert, encore enfant, associé


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à lu couronne en 989. Cet Hugues ne prend nulle part le titre de comte, et il paraît n'être autre que Hugues, vicomte, fils du vicomte Hellouin, cité dans le cartulaire de Saint-Père, de Chartres. C'est Galeran. fils de Hugues, qui est pour la première fois qualifié comte de Meulan dès les premières années du XIe siècle. M. Depoin établit ainsi la chronologie des comtes :

Galeran 1er, mort entre 1067 et 1069; Hugues (III), fils de Galeran et d'Ode, qui se qualifie comte du château de Meulan par la grâce de Dieu, mort entre 1080 et 1082; Robert Ier de Beaumont le Roger, son petit-fils, mort le 5 juin 1118; Galeran II, fils de Robert, mort le 6 avril 1166.

La succession des vicomtes de Mantes est l'objet d'une élude qui permet de la déterminer ainsi : Robert, en 1001; Sanson, entre 1023 et 1033: Hellouin (II), frère de Galeran Ier de Meulan, sous Henri Ier; Raoul Mauvoisin, sous le comte Simon; Hellouiu (III), sous Philippe Ier; Guillaume, fils d'Hellouin, en 1117; Hugues, fils de Guillaume, qui épousa Basle, fille de Gauthier Hait, vicomte de Meulan, et réunit les deux vicomtés entre 1135 et 1187; il mourut après 1165 et fut remplacé par son petit-fils Robert II (de 1187 à 1224).

M. Depoin termine en rétablissant la généalogie, jusqu'ici incomplète, des premiers membres de la famille Mauvoisin, propriétaire de nombreux domaines et notamment de la terre de Rosny.

Le chanoine Eug. MÜLLER raconte brièvement comment il a découvert dans un coin de son presbytère de Saint-Leu d'Esserent les comptes d'une confrérie de charité et de l'hôpital qui lui succédèrent, depuis le 20 décembre 1665 jusqu'à la Révolution.

Le but de la confrérie, dit-il, était le soin corporel et spirituel des souffrants. Le but était poursuivi par des dames appelées " soeurs ", qui devaient, chacune leur mois " servir les malades et faire la queste". L'élection établissait parmi elles une supérieure, une trésorière et une garde-meubles sous la direction du religieux du prieuré, qui était curé de la paroisse (Saint-Nicolas), assemblées générales où la trésorière rendait compte de sa gestion... Les comptes mentionnent ces ressources et ces dépenses.

Les ressources sont fournies par: les quêtes, les aumônes, dont certaines viennent de l'évêque de Beauvais, Choart de Buzenval, du chanoine Hermant et de quelques donateurs; de legs; des


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"boëttes" ou troncs placés ici et là; des jubilés; des amendes de cabarets; des remboursements; des rentes.

Quant aux dépenses, ce sont les secours accordés aux malades : viande, opérations chirurgicales, frais d'inhumation, etc.

En 1686, un bureau de charité substitue une certaine bureaucratie à la sollicitude pieuse des femmes.

En 1690, achat d'une maison pour hôpital. Les premiers malades y entrent en janvier 1696. Suivent les luttes intestines causées par l'oubli de la réglementation et le caractère autoritaire, ce semble, de Ladvocat fils, et une paix plus ou moins boiteuse est ramenée par les bons offices de M. Joly de Fleury et du notaire Thibaut.

Ces comptes sont remplis de documents sur les familles de SaintLeu aux XVIe et XVIIe siècles, sur la liste des religieux-curés, sur le prix des denrées, etc.

M. Victor QUESNÉ, de la Société d'émulation de la Seine-Inférieure, fait une communication sur le désert des carmes déchaussés, pour la province de Paris.

Après un résumé du règlement et de l'installation spéciale à ces couvents, il indique divers titres conservés aux archives d'Évreux, et présente un travail sur beau parchemin et relié, fait par un ancien moine qui fut un des grands collaborateurs de la fondation de ces déserts.

M. ROUCAUTE, de la Société d'agriculture, sciences et arts du département de la Lozère, attire l'attention du congrès sur un manuscrit inédit des archives de l'Hérault dont le titre général est : Estat du domaine et des propriétés taillables en 1625 d'après le registre du taillon. Cette date de 1625 est fausse; ce manuscrit appartient aux années 1631, 1632 ou 1633. Il comprend une liste de toutes les communautés réparties entre les vingt-deux diocèses civils du pays de Languedoc avec le "tariffe et pesage de ce que chascun lieu porte tous les ans de la totalité de l'imposition du taillon sur le pied de 282,600 livres", et l'indication des seigneurs dont elles relèvent respectivement.

Ce document permet de reconstituer : 1° les domaines " ruraux " ou roturiers du roi, des seigneurs laïques et ecclésiastiques du Languedoc au début du XVIIe, siècle; 2° Le tarif d'après lequel était


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taxée chacune des communautés du pays. Le même tarif de répartition s'appliquait, en effet, à toutes les impositions rurales, aide, octroi, crue, préciput de l'équivalent, taillon. C'est assez dire quelle est la valeur de ce registre, dont M. Roucaute souhaite une prochaine publication.

M. JEANROY résume un mémoire sur l'abbaye des Onze mille vierges ou de Saint-Pantaléon de Toulouse, et sa règle en langue romane (1358).

M. Jeanroy donne d'abord quelques renseignements sur les origines de ce monastère. Le fondateur est Jean Raymond; cardinal de Comminges, premier archevêque de Toulouse. Voulant laisser à son diocèse un témoignage éclatant de sa libéralité, le prélat demandait en 1348, au pape Clément VI l'autorisation de disposer de tous ses biens, même de provenance ecclésiastique, en vue de cette fondation. Cette autorisation lui était accordée par une bulle en date du 28 septembre 1348. Avant sa mort, survenue deux mois après (20 novembre), le cardinal avait eu le temps de faire son testament; cette pièce, aujourd'hui perdue, nous est connue par une bulle pontificale (22 février 1350) en approuvant les dispositions. Ces dispositions étaient grandioses : le cardinal voulait que le monastère comptât deux cents chanoinesses, divisées en quatre choeurs égaux, de manière que l'office divin ne vaquât ni jour ni nuit. Ces dispositions trop ambitieuses durent être restreintes au cours des travaux. Nous pouvons suivre l'amoindrissement progressif des plans primitifs dans une série de pièces d'archives (Archives départementales de la Haute-Garonne, série H) qui s'échelonnent entre 1351 et 1358, date de l'approbation de la règle et du procèsverbal d'installation de la première abbesse.

C'est principalement de la Règle, dont l'original est conservé aux archives de la Haute-Garonne, que M. Jeanroy entretient le congrès; elle a l'intérêt de nous renseigner exactement sur la vie intérieure d'un couvent de femmes au milieu du XIVe siècle, et M. Jeanroy en cite quelques curieux passages. Néanmoins, son importance est surtout philologique; c'est par l'étude approfondie de documents comme celui-ci, exactement datés de temps et de lieu, que la dialectologie méridionale fera quelques progrès. L'auteur, qui ne peut que résumer très brièvement les résultais de l'étude qu'il a faite du présent document, se propose de la donner en tête d'une édition du texte qu'il publiera prochainement.


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M. VACHER DE LAPOUGE, bibliothécaire de l'Université de Rennes, lit une communication sur Les langues de la Gaule avant les Gaulois. MM. de Planta, Bréal et d'Arbois de Jubainville ont établi que certaines inscriptions de la Gaule méridionale, regardées comme gauloises, sont rédigées en réalité dans un dialecte italique particulier. Ces inscriptions, caractérisées par la présence habituelle des mots bratoude (merito) et cantena (lapidem), sont toutes eu caractères grecs. De l'étude grammaticale et notamment de celle de la déclinaison, il résulte que le dialecte nouveau doit se classer plus près de l'osque et du latin que de l'ombrien. La syntaxe est particulière, les mots étant placés dans l'ordre logique, ce qui constitue une différence avec les langues italiques et celtiques. Les inscriptions proviennent toutes de la basse vallée du Rhône et spécialement de Nîmes, d'où le nom de namausique, dérivé de namausicos, Nîmes, dans le dialecte même.

Il résulte de l'étude des inscriptions que le dialecte particulier de cette région était italique, qu'il a été adopté par les Gaulois eux-mêmes et se parlait encore au commencement de notre ère. D'autres inscriptions permettent de supposer que les Gaulois ont trouvé dans diverses parties de la Gaule des dialectes plus ou moins voisins du groupe italique, qui ont persisté sous la domination romaine et contribué probablement dans une proportion quelconque à la formation du français. Le namausique, en tout cas, présente, avec des caractères d'archaïsme très marqués, une tendance non moins nette vers le roman.


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SEANCE DU JEUDI 14 AVRIL 1898.

MATIN.

PRÉSIDENCE DE M. H. OMONT, MEMBRE DU COMITÉ DES TRAVAUX HISTORIQUES, ASSISTÉ DE M. LE COMTE DE LUÇAY, MEMBRE DU COMITÉ.

Assesseurs: MM. CHATEL, HALLBERG, professeur à l'Université de Toulouse; COÜARD, archiviste du département de Seine-et-Oise; DUFOUR, de la Société de Corbeil.

M. le chanoine Henry CALHIAT, de la Société archéologique de Tarn-et-Garonne, fait une lecture sur les Superstitions de son département.

Dans une première partie, il raconte les prouesses d'un escroc habile de son pays qui avait un talent merveilleux pour faire fortune grâce à la sorcellerie.

Dans une deuxième partie, il fait connaître le rôle que joue encore dans certaines contrées le coeur de boeuf dardé de pointes et cuit à sec dans une marmite placée sur un brasier ardent. Ce rôle est bien connu des nécromanciens pour les recettes superstitieuses. Quant le coeur éclatait, on était guéri ou sauvé.

Collin de Plancy fait mention de celte superstition dans son Dictionnaire infernal.

Dans une troisième partie, l'auteur de la communication esquisse la physionomie de plusieurs sorcières qui passent pour avoir des remèdes contre les maladies, les sortilèges et les maléfices et qui, consultées par les paysans, ordonnent tour à tour à leurs clients des pains bénits, des messes et mêmes des communions. Bien entendu, elles ne font pas ce métier gratuitement. Quelques-unes n'exigent rien pour leurs honoraires, mais reçoivent volontiers des cadeaux. D'autres ont leur tarif qu'il faut respecter scrupuleusement.

Dans une quatrième partie, enfin, M. Calhiat, à propos d'apparitions macabres, de maisons hantées et de chambres infestées, raconte un fait qui montre une fois de plus que les esprits lutins,


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qui dans les manoirs d'autrefois prenaient plaisir à tourmenter le sommeil des habitants ou des visiteurs et à effrayer le voisinage, n'étaient le plus souvent que des chats ou des rats, des singes ou des chiens parfaitement innocents, ou bien encore des farceurs sinistres.

M. le docteur COULON, de la Société d'émulation de Cambrai, lit un mémoire sur l'ancien hôpital Saint-Jacques-au-Bois, de Cambrai. Il s'attache à faire ressortir l'intérêt que présentent de nombreux fragments de sculpture du XIIe siècle, découverts au milieu de ses ruines.

L'auteur fait ensuite l'historique de ce monument séculaire. L'hôpital Saint-Jacques était principalement destiné à recevoir les pèlerins et les pauvres voyageurs. Un chapitre très intéressant dépeint les moeurs, les coutumes, les règlements et les réformes des différents desservants de l'hôpital. A noter également le passage où se trouve décrit l'admirable dévouement des soeurs noires de SaintJacques pendant les épidémies qui décimèrent la ville de Cambrai au XVe et au XVIe siècle.

Au commencement de la tourmente révolutionnaire, les soeurs noires de Saint-Jacques se dispersèrent, et toutes leurs propriétés furent vendues comme biens nationaux. Leur chapelle, à partir de ce moment, fut appropriée à usage de brasserie.

A propos de cette communication, M. VALRAN, professeur au lycée d'Aix présente quelques observations sur la crise hospitalière en Provence de 1740 à 1770.

Des trois principaux hôpitaux généraux, la Charité, la Miséricorde, l'Hôtel-Dieu, elle a particulièrement atteint la Charité. Elle s'explique par des causes de deux ordres, également propres à ces institutions :

1e Les hôpitaux sont trop nombreux;

2° Leurs administrateurs commettent, de bonne foi d'ailleurs, de graves fautes de gestion financière.

Trop nombreux, les hôpitaux recrutent avec peine leurs corps de recteurs; ceux-ci se perpétuent, se laissent aller à des abus de pouvoirs, négligent la comptabilité.

Trop nombreux, ces établissements se portent préjudice les uns aux autres, lorsqu'ils sollicitent des dons pour les pauvres; ils épuisent le fond de la charité privée.


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Enfin, créanciers les uns des autres, ils souffrent chacun de la situation précaire de son voisin. Il est résulté de là de grandes difficultés.

M. HALLBERG, professeur à l'Université de Toulouse, fait une communication intitulée : Recherches sur le fond historique de certaines légendes alsaciennes relatives à Strasbourg. Les nombreux et intéressants ouvrages qui, depuis un demi-siècle, ont été consacrés à l'étude des légendes alsaciennes, ne semblent pas avoir donné, sur bien des points, une solution définitive. C'est, par exemple, une question importante que celle de savoir au juste quel est ou peut être le fond historique de beaucoup de ces légendes. En ce qui concerne Strasbourg, la question mérite d'être étudiée, et, dans bien des cas, on peut se demander où commence la tradition, et quelle créance mérite cette tradition.

M. Hallberg n'a pas la prétention de trancher cette question; il voudrait seulement éveiller l'attention des savants et des curieux, notamment sur certains points qui peuvent intéresser plus spécialement notre patriotisme, et qui sont relatifs aux attaches françaises de Strasbourg. En voici la simple énumération : 1° Les Strasbourgeois descendent des Ninivites, comme les Francs des Troyens; 2° Etymologies du nom de Strasbourg; 3° Prophéties sur les grandes batailles dont Strasbourg doit être le théâtre; 4° Évêques français ou aquitains do Strasbourg au VIIe et au XIe siècle; 5° La légende de Brutus à Strasbourg; 6° Les Flagellants venus de France au XIV siècle; 7° Origine des Zigeuner ou Bohémiens; 8° Invention de l'imprimerie; 9° Le roi de France, Henri II, devant Strasbourg; 10° Les esprits frappeurs avant la Révolution française; 11° Wuthenheer ou la Mesnie sauvage à Strasbourg; 12° Le petit homme rouge et ses avertissements; 13° Napoléon à Strasbourg et au Kyffhauser; 14° Le souvenir des Armagnacs à Strasbourg; 15° Diverses légendes de la cathédrale de Strasbourg : sa fondation par Clovis, Pépin, Charlemagne, saint Henri, saint Bernard, etc.

La conclusion générale à tirer de cette étude sommaire est que les légendes de Strasbourg paraissent assez souvent favorables à la France, ou témoignent, du moins, de rapports qui n'avaient rien d'hostile.

M. l'abbé MARBOT, de l'Académie d'Aix, présente au Congrès une


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note sur un Cartulaire arlésien qu'il a trouvé. C'est un recueil de quarante-trois chartes relatives à la prébende du sacristain au chapitre d'Arles. Plusieurs de ces documents offrent un réel intérêt dans leurs détails : c'est ainsi que l'on peut relever le titre d'administrateur au lieu d'archevêque, donné au cardinal de Foix (1453) déjà légat du pape; le culte rendu au bienheureux Louis Alleman, dès sa mort; une querelle homérique avec les vicaires perpétuels de Salon qui se passaient, comme à perpétuité, l'humeur réfractaire au payement de leurs redevances, etc. La plus ancienne de ces chartes est de 1210. M. Marbot fait remarquer, à propos de cette collection dressée en 1775, que vers la fin du XVIIIe siècle on a, dans le Midi, collectionné et analysé beaucoup de documents : ce qui semblerait indiquer un pressentiment de la dispersion prochaine de tant d'archives.

M. l'abbé MOREL, de la Société historique de Compiègne (Oise), esquisse à grands traits le mouvement communal au XIIe siècle et au XIIIe, dans la région qui forme aujourd'hui le département de l'Oise. Des documents analysés par lui il ressort que Beauvais dut sa charte de commune à son évêque Ansel, dès 1099 ; Noyon à son évêque Baudry, dès 1100; Compiègne à l'abbé de Saint-Corneille, Guillaume de Flogny, en 1553.

L'influence de la commune de Noyon ne semble pas avoir dépassé l'enceinte de la ville. Celle de la commune de Beauvais s'est au contraire étendue au loin; elle est visible dans les chartes de communes de Compiègne, Senlis, la Neuville-Roy et Crépy-enValois.

La concession de franchises à une ville ou à un village tantôt n'a été que l'approbation de coutumes anciennes, tantôt a inauguré des privilèges nouveaux. Elle n'a pas toujours entraîné cependant la concession de la commune. Aussi ces chartes de franchise doivent-elles se répartir en trois catégories : 1° les chartes de commune avec approbation de coutumes traditionnelles; 2° les chartes de communes avec concession de faveurs; 3° les chartes de coutumes ou de franchises sans commune.

M. l'abbé Morel passe ensuite en revue les conditions d'admission dans les communes, les devoirs qui incombaient aux communiers, le mode d'élection des administrateurs, maires, pairs ou jurés et échevins, les articles fondamentaux des chartes-types de


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Beauvais, Chambly, Chaumont, Royal-Lieu, les redevances qui faisaient contrepoids aux franchises accordées, etc.

Le nouveau régime a-t-il au moins inauguré pour les communes une ère de prospérité? S'il leur fit grand plaisir, il ne larda pas à les cribler de dettes. Bon gré mal gré, il leur fallut renoncer à leur autonomie et demander à être régies connue autrefois par une administration prévôtale.

M. François PÉROT décrit une ancienne fête qui se célébrait à Montluçon, dès le commencement du XIIe siècle, et qui n'a pris fin que vers 1820. C'était la fête dite du Chevau-Fug; elle était donnée par des canotiers montant un cheval de bois et de carton; elle avait lieu le lendemain de la Pentecôte.

L'auteur estime que l'institution de celle fête servit à perpétuer le souvenir de la défaite de l'armée anglaise commandée par le duc de Buckingman en 1171, lors du siège de Montluçon, repris par Philippe-Auguste en 1188 seulement.

Il y a lieu de rapprocher celle fête de celle du Chevau Frux, qui se faisait à Aix-en-Provence, et instituée par le roi René.

M. PERRAULT-DABOT, archiviste de la Commission des monuments historiques au Ministère de l'instruction publique et des beauxarts, donne connaissance de la notice qu'il a consacrée au décret, signé en 1439, au concile de Florence, par le pape Eugène IV et l'empereur Jean Paléologue, empereur de Constantinople, pour sceller l'union de l'Église grecque à l'Eglise latine.

On sait que ce décret est resté sans force, les prêtres et le peuple grecs ayant refusé de ratifier les décisions prises en leur nom. Cependant le concile de Florence est loin d'être oublié, et si cette grande question était reprise de nos jours, ce seraient les déclarations comprises au décret de 1439 qui formeraient le point de départ des nouvelles conférences.

On se rappelle les faits : le pape était en opposition avec les prélats réunis à Bâle en concile général et faisant, de leur côté, les plus grands efforts pour arriver à une entente avec les Grecs schismatiques. En attendant ce résultat, chaque parti diffamait l'autre, au grand scandale de la chrétienté.

Tous les souverains étaient contraires au pape; Charles VII lui-même, assez favorable aux Pères du concile, dont il approuvait


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les doctrines sur la puissance des papes, profitait de ces dissentiments pour rendre (7 juillet 1438) la fameuse ordonnance appelée Pragmatique sanction.

Seul, le duc de Bourgogne tenait pleinement pour le pape et conservait un ambassadeur près du Saint-Siège. Ce prince généreux, issu de cette fastueuse race des Valois, était mû, non par des calculs politiques, mais par son entier dévouement aux intérêts de la religion. Il le prouvait encore en envoyant au secours de Rhodes, assiégée par les Turcs, une escadre dont les chefs, tous Bourguignons, tinrent pendant trois ans la mer et ne revinrent qu'après s'être couverts de gloire.

Cette haute intervention est constatée par un document qui figure à la Bibliothèque nationale, à Paris. Ce manuscrit, dont M. Perrault-Dabot produit une gravure au trait, et qui n'a jamais été publié, est écrit moitié en grec et moitié en latin sur une feuille de parchemin de très grandes dimensions, au bas de laquelle sont apposées les signatures du pape et des Pères du concile d'un côté, et de l'autre celles de l'empereur et des patriarches grecs, toutes à l'encre rouge, suivant l'usage de Constantinople.

C'est un des rarissimes exemplaires du traité qui aient été signés en plein concile, dont fort peu existent encore et ne se voient plus que dans les bibliothèques de Rome et de Florence. Le haut du texte est chargé d'une foule d'ornements, brillamment coloriés et rehaussés d'or, que décorent les armoiries du pape, de l'église catholique et du duc de Bourgogne.

Celte dernière particularité nous révèle la provenance et la destination de ce curieux document, qui représente évidemment l'exemplaire du traité adressé par le pape à son allié Philippe le Bon.

Comment la Bibliothèque nationale possède-t-elle cet exemplaire? Il est catalogué comme faisant partie du fonds Colbert, Or ce ministre avait réuni une importante collection de pièces manuscrites, parmi lesquelles un grand nombre provenaient des archives de la ville de Lille. Il est vraisemblable que c'est là que ce parchemin fut déposé par Philippe le Bon, puis acheté par les émissaires de Colbert. Ce serait donc par suite de ce concours de circonstances que la Bibliothèque nationale se trouve aujourd'hui en possession de ce magnifique spécimen de l'art italien du milieu du XVe siècle, si intéressant en même temps au point de vue de l'histoire.

HIST. ET PHILOL. — N°s 1-2. 9


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En réponse à la 8e question du programme, M. Eugène THOISON, de la Société historique du Gâtinais, montre à l'aide de nombreuses citations les services que peuvent rendre les registres paroissiaux aux diverses branches des éludes historiques. La météorologie elle-même peut leur demander des renseignements intéressants. Après avoir énuméré les ouvrages publiés en Seine-et-Marne et qui ont utilisé ces données, l'auteur expose les mesures qu'il y aurait lieu de prendre, à son avis, pour assurer la conservation de ces précieux documents.

M. VEUCLIN, de la Société historique de Lisieux, communique à la Section un mémoire intitulé : Translation en l'abbaye de l'Estrée (monastère d'hommes) du prieuré de la Colombe (monastère de femmes); fin de cette abbaye. Le prieuré de la Colombe, situé près de Longwy, avait été détruit par suite de l'établissement des fortifications de cette ville; la translation effective de ce prieuré eut lieu vers 1711 en l'abbaye de l'Estrée, qui, depuis plus de dix ans, avait été abandonnée par le dernier des religieux cisterciens qui l'avaient occupée depuis plus de cinq cents ans. Le registre capitulaire des religieuses de la Colombe, compulsé par M. Veuclin, a fourni des détails complets, à partir de 1737, sur les affaires du monastère.

M. VUACHEUX, publiciste au Havre, a adressé un travail sur le théâtre au Havre, de l'origine au commencement du XIXe siècle, répondant à la 18e question du programme: Recueillir les renseignements qui peuvent jeter de la lumière sur l'état du théâtre et sur la vie des comédiens en province depuis la Renaissance.

La première salle de spectacle a été construite en 1727. Cette salle eut une durée éphémère. Une autre fut construite en 1740, rue de Paris, près de l'église Notre-Dame, et en 1756 on en établit une place Richelieu. Cette dernière salle s'écroula en ensevelissant sous ses décombres les nombreux spectateurs qui assistaient à la représentation de la tragédie de Samson. A partir de cette époque, à cause de cet événement, à cause du bombardement du Havre (1759), à cause aussi de ses finances et de la misère qui y régnait, la ville du Havre jusqu'en 1764 fut privée de spectacles. Après 1766, une salle fut construite rue de la Halle, 8, qui fut exploitée jusqu'en 1790. C'est alors que s'ouvrit le théâtre de la République.


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M. Vuacheux parle des différentes troupes venues au Havre, notamment des troupes de la famille de Toscano Tortorily (1766), dont le père avait obtenu un privilège du Régent le 18 octobre 1717, de la dame Lubis (1767), de la veuve Lekain (1779), de De Neuville et autres, et enfin des difficultés survenues entre les échevins du Havre et le bailliage.


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SEANCE DU JEUDI 14 AVRIL 1898.

SOIR.

PRÉSIDENCE DE M. AULARD, MEMBRE DU COMITÉ DES TRAVAUX HISTORIQUES.

Assesseurs: MM. SERÉ-DEPOIN, BLOCH, archiviste du département du Loiret.

En réponse à la 18e question du programme, M. D'ABZAC, de la Société "les Amis des sciences et arts de Rochechouart", étudie l'existence, pendant la Révolution, d'une commune rurale des environs de Limoges (Saint-Yrieix-sous-Aize), en s'appuyant sur les délibérations de la municipalité de cette époque.

Une grande solidarité existait entre les habitants. C'est ainsi que les terres laissées par les défenseurs de la patrie étaient les premières cultivées; tous les citoyens s'y employaient avec empressement et fournissaient les semencees nécessaires.

Un profond sentiment religieux animait la population. En 1791, le curé était depuis vingt-cinq ans à la tête de la paroisse; pressé par les fidèles, qui avaient pour lui une grande affection, il fit sa soumission aux lois.

A chaque élection, le curé Cantillon était nommé soit président du bureau de vote, soit membre de la municipalité. Aucune opposition violente n'était faite aux mesures décrétées parla Convention, notamment en ce qui concerne les cultes ; mais la municipalité et le curé, par une résistance d'inertie, ne se conformaient pas aux injonctions du district de Limoges ; le culte ne cessa pour ainsi dire jamais d'être exercé, et rien ne fut changé dans la vie calme et laborieuse de la population de cette petite commune.

M. l'abbé CHAPRON, curé de Courtalain (Eure-et-Loir), lit un travail relatif aux délibérations de la municipalité de cette localité pendant la période révolutionnaire.

Celte municipalité, comme presque toutes les autres municipalités rurales, accepta d'abord avec enthousiasme le nouveau régime.


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Les souffrances qu'on eut ensuite a endurer altérèrent un peu ce dévouement ; cependant les habitants restèrent unis, aucune dénonciation ne vint troubler cette union; aucun citoyen ne fut incarcéré, pas une goutte de sang ne fut versée.

M. AULARD remercie M. l'abbé Chapron de son intéressante communication et fait observer à ce propos que la tranquillité dont jouit la petite commune de Courtalain pendant la Révolution ne fut pas exceptionnelle. On n'a guère parlé jusqu'ici que des quelques centaines de communes où il y eut des troubles à cette époque. Dans les autres, c'est-à-dire dans des milliers de communes, dans la très grande majorité du pays, les choses se passèrent régulièrement, paisiblement. L'histoire de ces communes dont la vie fut normale a un intérêt considérable pour l'histoire générale de la Révolution.

Une réunion électorale en 1789. — M. Camille BLOCH, archiviste du Loiret, correspondant du Ministère, analyse le rapport adressé à l'intendant de la généralité d'Orléans par M. de Lavau, subdélégué de Clamecy, qui raconte les opérations préliminaires de la convocation des Etats généraux, soit dans la circonscription électorale, soit dans la ville même de Clamecy. Après quelques détails relatifs aux démêlés entre le lieutenant du bailliage de Saint-Pierrele-Moutier et le grand bailli de Nevers, touchant la présidence de l'assemblée électorale, entre le bailli d'Auxerre et le duc de Nivernais, qui se disputaient le droit de convoquer l'un à Auxerre, l'autre à Nevers les paroisses du Donziois qui avaient été convoquées dans ces deux villes, M. de Lavau en donne d'autres des plus curieux qui éclairent pour nous les moeurs électorales du temps : faits de pression sur les curés de son diocèse par l'évêque de Nevers, candidat virtuel pour la députation aux États, ou sur les gentilshommes de son voisinage par le marquis de Sérent, grand propriétaire foncier du Nivernais; lutte d'influences dans les élections de la ville de Clamecy entre deux partis : celui du subdélégué et de Dupin, officier en la châtellenie et procureur-syndic du département d'une part, et celui des sieurs Faulquier, substitut du procureur du roi en l'élection, et Simonot de Grandpré, entreposeur des tabacs, d'autre part. M. Bloch retrace, d'après la lettre de M. de Lavau, le tableau de la campagne active entreprise par le parti


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Faulquier, campagne de brochures distribuées dans les cafés et dirigées contre les agents de l'administration, de menées frauduleuses aux cours des scrutins, etc. Grâce à ces procédés, le parti Faulquier triompha, après une journée électorale commencée à neuf heures du matin et close à minuit.

M. Maurice LAMBERT, de la Société d'émulation du Doubs, présente une étude sur la mort du jeune Muiron, aide de camp de Bonaparte, à la bataille d'Arcole. Le colonel Jean-Baptiste Muiron mourut, frappé par une balle, en couvrant Bonaparte de son corps, au moment où le général de l'armée d'Italie s'élançait sur le pont d'Arcole, un drapeau à la main. "Mort héroïque et touchante !» a dit Napoléon, dans son Mémorial de Saint-Hélène. Muiron n'avait que vingt-sept ans. Il laissait une jeune veuve enceinte. MarieJoseph Chénier, dans une élégie sur la mort de Muiron, représente cette jeune femme accourant après la bataille et expirant sur le corps de son époux. De cette légende M. Lambert rapproche la réalité, qui ne fut pas moins triste. Mme Muiron, née de Béraud de Courville, était restée en France. Une lettre écrite par Bonaparte, au lendemain d'Arcole, lui apprit la mort de son mari. Peu de temps après, elle mit au monde un enfant qui ne vécut que vingt jours, et elle-même mourut quelques jours après lui. Le docteur Antommarchi, dans les Derniers moments de Napoléon, rapporte que l'empereur parlait encore de Muiron à Sainte-Hélène, et, chose étrange, le récit qu'il met dans la bouche de Napoléon est la reproduction exacte et presque textuelle d'une lettre écrite par lui au Directoire vingt-quatre ans auparavant. En tout cas, la reconnaissance de Napoléon envers Muiron est attestée par un legs de 100,000 francs qu'il fit, dans son testament, à Mme Muiron et à son enfant dont il ignorait la mort.

M. MONTIER, de la Société de l'histoire de la Révolution française, a étudié le fonctionnement dans le district de Pont-Audemer du gouvernement révolutionnaire établi par la loi du 17 frimaire an II. Ce gouvernement, voté à la suite d'un rapport de Saint-Just, devait exister jusqu'à la paix, assurer la rapide exécution des lois d'intérêt général et la centralisation entre les mains du Comité de salut public des ressources effectives du pays, en hommes, en


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matériel et en denrées de toutes sortes pour les opposer sur les frontières aux armées étrangères, en même temps qu'il contenait à l'intérieur les menées des contre-révolutionnaires. Ce gouvernement ne dura guère qu'un an et ne survécut pas aux causes qui avaient amené sa création. Établi dans le district de Pont-Audemer, au commencement de 1794, par Delacroix, Legendre et Louchet, il se trouva, dès le début de ses opérations, en face de difficultés graves: le personnel des municipalités et des comités de surveillance laissait beaucoup à désirer sous le rapport de la capacité, de l'activité, et, dans un grand nombre de communes rurales, il ne dissimulait guère une parfaite mauvaise volonté en ce qui touchait à l'exécution des réquisitions. C'est au milieu de l'hostilité sourde des campagnes que le conseil général du district dut assurer cette exécution pour l'approvisionnement des halles, et surtout de l'armée des côtes de Cherbourg et de l'armée du Nord. R. Lindet, chargé de ces approvisionnements, avait décidé de les obtenir des départements de la Normandie et de les diriger par terre au moyen de voitures de réquisition jusqu'à Maubeuge. Cette opération si hardie réussit, et la victoire de Fleurus termina la première partie de la campagne de l'an II.

Mais le représentant Siblot tenta de « déchristianiser" la région, et il en résulta de nouvelles difficultés.

Après le 9 thermidor, les curés demeurés dans leurs communes n'en continuèrent pas moins leurs prédications contre les réquisitions, et ils en arrivèrent vite à semer dans les campagnes les germes d'une haine implacable contre la Révolution. L'agent national, dans son rapport décadaire, signale fréquemment la marche progressive de l'esprit antirépublicain du district. Les réquisitions deviennent à peu près impossibles, et il faut à chaque instant faire marcher les gardes nationales et la gendarmerie pour assurer les approvisionnements. «Le clergé, dit-il, se rit des lois sur la police des cultes et des proclamations de l'agent national. Il sonne les cloches et annonce au public les offices. Les paysans se réunissent, sous prétexte d'assister aux offices, en réalité pour s'entendre afin de combiner les moyens de se soustraire aux réquisitions. »

La loi du 28 germinal an III, qui enlevait aux départements et aux districts la compétence exceptionnelle et révolutionnaire que leur avait accordée la loi du 14 frimaire, fut le signal du triomphe de la politique thermidorienne, et, jusqu'à la fin des travaux de la


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Convention, les campagnes du district se montrèrent de plus en plus hostiles aux idées soutenues par l'ancien Comité de salut public, tandis que l'idée républicaine n'était plus en faveur que dans une faible partie de la bourgeoisie des villes.

M. PONTHIEUX, du comité archéologique de Noyon, lit un mémoire intitulé : L'Assemblée municipale de Guiscard avant 1789 (17e question du programme).

On sait, dit M. Ponlhieux, que les municipalités constituées à la suite de l'édit de juin 1787 n'eurent qu'une existence éphémère; aussi trouve-t-on en général fort peu de documents à ce sujet.

Trois registres de délibérations conservés à Guiscard (Oise) et dans les communes voisines ont permis d'étudier en détail l'organisation de ces assemblées dans la généralité de Soissons.

Après un court exposé de la réforme décentralisatrice préparée par Turgot et Necker, et appliquée par Brienne en 1787, M. Ponthieux rappelle que les assemblées de paroisse étaient composées d'un syndic, et de trois, six ou neuf membres élus par les contribuables payant plus de 10 francs d'imposition, du curé et du seigneur de la paroise, membres de droit.

Leur principale fonction consistait à répartir la taille et les autres impositions accessoires assignées à la communauté. Elles établissaient ainsi — très souvent d'après les données du terrier seigneurial — les rôles de la taille, de la capitation, des deux vingtièmes, et aussi le rôle des travaux de routes (pour remplacer la corvée qui venait d'être supprimée).

Ils nommaient les répartiteurs chargés d'aider le syndic dans cette opération, ainsi que les collecteurs d'impositions.

Les assemblées de paroisse étaient en relations assidues avec les procureurs-syndics du bureau d'élection; ceux-ci leur adressaient fréquemment des questionnaires à remplir au sujet de la situation agricole, de l'état des chemins, des institutions de charité, etc. Elles signalaient les réformes à accomplir, les progrès à réaliser dans la localité.

M. Ponthieux indique sommairement le mode d'élection et le règlement des municipalités. Tous les trois mois, les membres se réunissaient pour examiner les dépenses du syndic dont le détail était adressé au bureau d'élection. Les proclamations, les décrets et les divers documents émanant de l'administration ou des com-


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munautés correspondantes étaient lus publiquement chaque dimanche, à l'issue de la messe, et ensuite affichés au portail.

Au point de vue judiciaire, l'assemblée élisait trois ou six adjoints chargés d'assister le juge local. A ce sujet, M. Ponthieux cite une curieuse délibération des représentants de la communauté de Guiscard demandant le maintien, en qualité de juges, des anciens officiers seigneuriaux qui viennent d'être destitués par la loi.

Les formalités administratives en 1788 — dont M. Ponthieux donne un exemple relatif à une reconstruction d'église — offraient une certaine ressemblance avec les formalités actuelles.

L'étude se termine par un état des paroisses de l'élection de Noyon en 1787, avec la liste des membres de l'assemblée de district.

M. Edmond POUPÉ, membre de la Société d'études archéologiques et scientifiques de Draguignan, et professeur au collège de cette ville, donne lecture d'un mémoire intitulé: Les Districts du Var. — La formation des administrations et leurs renouvellements.

Montrer la mise en activité de ces administrations de district et leurs renouvellements présente d'autant plus d'intérêt, que leur organisation ne ressemble en rien à celle des arrondissements actuels et que leur existence fut de courte durée. Parmi les districts de France, ceux du département du Var, par leur situation dans un département frontière que des mouvements contre-révolutionnaires agitèrent pendant plusieurs mois, par leur éloignement de Paris, qui rendait difficiles la transmission et l'exécution des lois, sont particulièrement intéressants.

D'aspirations et de tendances diverses, ils montrent en petit ce que fut la France entière pendant les cinq premières années de la Révolution.

L'administration du district de Toulon entra la première en fonctions, le 12 août 1790 ; celle du district de Grasse termina la dernière ses opérations le 10 frimaire an IV. Pendant ce laps de temps de cinq ans, trois mois et vingt jours, près de cinq cents administrateurs, procureurs-syndics ou agents nationaux se succédèrent. Certains d'entre eux ne restèrent en fonctions que quelques mois, d'autres une année ou deux. Il n'y en eut que deux qui assistèrent aux séances d'ouverture et de clôture de l'administration dont ils faisaient partie, sans avoir jamais cessé leurs fonctions.


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Mais, quelle qu'ait été la durée de leurs fonctions, ces administrateurs, ceux qui furent élus de 1790 à 1793, comme ceux qui furent nommés par les représentants du peuple en mission,donnèrent toujours à leurs administrés l'exemple du respect des lois.

Ils firent exécuter les décrets des assemblées Constituante et Législative ainsi que ceux de la Convention nationale, les premiers dans l'espoir d'une rénovation sociale pacifique, les seconds parce qu'ils comprenaient qu'il fallait sauver la France menacée par les ennemis du dehors et du dedans. Certaines administrations, il est vrai, ne firent qu'appliquer à regret les lois politiques de la période terroriste, mais toutes furent unanimes à faire exécuter strictement celles d'un intérêt général, destinées à fonder le nouveau régime sur les ruines de l'ancien.

M. SOREL (Alexandre), de la Société historique de Compiègne, retrace l'histoire de cette ville sous le Gouvernement révolutionnaire du 14 frimaire an II (4 décembre 1793).

Il rappelle qu'antérieurement à la Révolution, Compiègne protestait de son amour et de son dévouement pour la royauté ; mais après la prise de la Bastille, l'état des esprits se modifia sensiblement. En mai 1791, il se forma une Société des Amis de la Constitution qui, l'année suivante, fut dissoute pour faire place à celle des Amis de la République, dont le programme était bien plus avancé.

A partir de cette époque, l'élément révolutionnaire domina dans la ville, grâce à quelques exaltés: la nouvelle Société se mit en relations avec celle des Jacobins de Paris, et avec Marat, en l'honneur duquel elle fit célébrer plus tard une grande fête ; elle alla même jusqu'à demander à la Convention de débaptiser la ville de Compiègne et de l'appeler désormais Marat-sur-Oise.

Quelques temps auparavant, la Convention avait envoyé dans l'Oise deux de ses membres, Collot-d'Herbois et Isoie, qui profitèrent de leur présence à Compiègne pour y créer un comité de salut public.

M. Sorel montre ensuite que la marche de la Révolution fut à Compiègne ce qu'elle fut ailleurs, quand le Comité révolutionnaire était formé de membres exaltés.

La création du gouvernement révolutionnaire provisoire comporta de nouvelles élections à Compiègne et la Société populaire


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procéda, sous la présidence d'André Dumont, envoyé à son tour dans le département de l'Oise, à l'épuration de tous les fonctionnaires.

En même temps, cette même société organisa des bals civiques, des fêtes décadaires, et on célébrait avec pompe la fête de l'Etre Suprême.

A la chute de Robespierre, tout changea, et la Société populaire, réunie extraordinairement, «manifesta, dit son procès-verbal, la plus juste et la plus violente indignation en apprenant les crimes horribles de Robespierre, Saint-Just, Lebas et leurs complices».

On décida en outre que les mots: "9 thermidor an II» seraient inscrits sur le mur de la salle, comme une des époques les plus mémorables de la Révolution.

Enfin, continue le procès-verbal, "on procéda à la lecture des bulletins qui fourmillent d'adresses à la Convention, sur le supplice de Néron, Caligula, Héliogabale, Robespierre et ses lâches et cruels complices".

Là se termine ce qui a trait au gouvernement révolutionnaire à Compiègne.

Pendant cette période, la violence qui se manifesta consista plutôt en paroles qu'en actions, car, sauf les religieuses carmélites et le marquis de Gouy d'Arsy, dont l'arrestation fut l'oeuvre du Comité de sûreté générale de Paris, personne à Compiègne ne fut traduit au tribunal révolutionnaire.

André Dumont terrorisait dans ses écrits, mais, d'après lui, plus il fonçait les couleurs, plus il épargnait d'existences. «Le Comité de salut public, a-t-il dit, me demandait du sang, je lui envoyais de l'encre.»

M. ASTIER, professeur au lycée de Toulouse, fait une communication sur un portrait du jeune Bonaparte par Volney.

En 1792, Volney se trouvait en Corse; il y rencontra le jeune Bonaparte, et cinq ans plus tard, étant aux États-Unis, il publia dans un journal de ce pays un article sur le jeune général qui venait de terminer d'une manière si brillante la campagne d'Italie.

L'article, écrit en langue anglaise, a été recueilli par les éditeurs d'un ouvrage à peu près introuvable aujourd'hui, et publié à Londres en 1799 sous le titre de Biographical Notes on the Founders of the French Revolution.


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C'est l'article de Volney que M. Astier a traduit en français, donnant à la fois un portrait du jeune Bonaparte, et deux pages peu connues, sinon inédites, de Volney.

M. Gaston GAUTHIER, de la Société nivernaise des lettres, sciences et arts, répond à la 18e question du programme. Ses notes relatives à l'histoire générale sont extraites des registres des délibérations de plusieurs municipalités rurales pendant la Révolution.

Il examine successivement les administrations civile, judiciaire, militaire et religieuse; les finances, l'état de la population et de l'instruction et la situation faite aux émigrés à cette époque.

L'ordre du jour est épuisé. M. le Président félicite les membres du Congrès de l'intérêt qu'ils ont pris aux lectures faites ; il les remercie d'être venus assister en grand nombre aux séances, et le Congrès est déclaré clos en ce qui concerne la Section d'histoire et de philologie.


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SEANCE DE CLOTURE.

Le samedi 16 avril a eu lieu, dans le grand amphithéâtre de la nouvelle Sorbonne, sous la présidence de M. Alfred Rambaud, Ministre de l'instruction publique et des beaux-arts, l'assemblée générale qui clôt chaque année le Congrès des Sociétés savantes de Paris et des départements et des Sociétés des beaux-arts des départements.

Le Ministre est arrivé à 2 heures, accompagné de M. L. Liard, membre de l'Institut, directeur de l'enseignement supérieur, conseiller d'État; de M. A. Sacquin, chef du cabinet, et de M. Leydier, chef du secrétariat particulier.

Il a été reçu par MM. les doyens de la Faculté des lettres et de la Faculté des sciences, M. de Saint-Arroman, chef du bureau des Travaux historiques et des Sociétés savantes, parles hauts fonctionnaires de l'Université, M. le secrétaire de l'Académie de Paris et par MM. les membres du Comité des travaux historiques et scientifiques.

M. Alfred Rambaud a pris place sur l'escadre, ayant à sa droite MM. Alexandre Bertrand, de l'Institut, président de la Section d'archéologie du Comité, président du Congrès; Ch. Tranchant, viceprésident de la section des sciences économiques et sociales; Xavier Charmes, de l'Institut, directeur honoraire au Ministère de l'instruction publique; Léon Vaillant, secrétaire de la Section des sciences; G. Servois, directeur des Archives nationales, membre du Comité; — à sa gauche : MM. L. Liard, de l'Institut, directeur de l'enseignement supérieur, conseiller d'État; Levasseur, de l'Institut, président de la section des sciences économiques et sociales; Bouquet de La Grye, de l'Institut, président de la Section de géographie historique et descriptive; Milne-Edwards, de l'Institut, vice-président de la Section des sciences; Darboux, de l'Institut, membre du Comité; Janssen, de l'Institut, directeur de l'observatoire de Meudon, membre honoraire du Comité.

MM. Sacquin et Leydier, chef du cabinet et chef du secrétariat


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particulier; de Saint-Arroman, chef du bureau des Travaux historiques; le docteur Hamy, Himly, Glasson, Grandidier, E. Babelon, Juglar, de l'Institut; F. Buisson, Bienaymé, Octave Noël, Maunoir, Henri Cordier, Gabriel Marcel,prince Roland Bonaparte, Davanne, Henri Omont, Jules Guiffrey, Houdas, E. Lefèvre-Pontalis, membres du Comité; Barbier de Meynard, de l'Institut, administrateur de l'École spéciale des langues orientales vivantes; Bergeron, secrétaire perpétuel de l'Académie de médecine; E.-A. Martel, Louis Rousselet, Delignières, Georges Harmand, E. Trutat, Léon Salefranque, le docteur F. Ledé, Franche, sous-chef du bureau des travaux historiques et des sociétés savantes, etc., ont également pris place sur l'estrade.

Aux premiers rangs de l'hémicycle on remarquait MM. Fringnet, Niewenglowski, Adrien Dupuy, Hémon, Jules Gautier, Laviéville, Pestelard, inspecteurs d'académie; MM. Bertagne, Fourteau, Staub, Cuvillier, Voisin, Jalette, Morlet, proviseurs et censeurs des lycées de Paris; Braquehaye, l'abbé David, Le Sergent de Monnecove, R. de La Grasserie, Léon Maxe-Werly, comte de Marsy, de Malarce, Justin Dupont, le docteur Barthès, Ludovic Drapeyron, Jules Gauthier, Alexandre Boutroue, Toussaint Loua, Léon de Vesly, docteur Rouire, M. et Mme Ernest Chantre, Auguste Sauvigné, Durand-Lapie, Gauthiot, Gaston Le Breton, Quarré-Reybourbon, Gabriel Ventenat, Georges Blondel, Camoin de Vence, Emile Belloc, Henri Escoffier, Charlier-Tabur, Guesnon, Eugène Chatel, de Beaumont, Albert Jacquot, etc.

La musique du 24e régiment d'infanterie prêtait son concours à cette cérémonie.

M, le Ministre a ouvert la séance et donné la parole à M. Darlu, membre du Comité des travaux historiques et scientifiques, qui a lu le discours suivant :

«MONSIEUR LE MINISTRE, « MESSIEURS ,

«Combien de temps faudra-t-il et quel éloignement pour que l'historien de l'avenir puisse apercevoir avec un relief suffisant les traits principaux du siècle qui s'achève et en saisir la caractéristique? Pour nous qui ne pouvons le comparer qu'à ceux qui l'ont


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précédé, sans le mesurer aux suivants, ce siècle, qui a commencé au bruit du canon de Marengo et qui va finir dans le tumulte pacifique d'une exposition universelle où cinquante nations apporteront les produits de leur art et de leur industrie, a bien la figure, oseraije le dire naïvement comme je le pense, d'un siècle géant, pendant lequel le foyer de la civilisation a brûlé avec une intensité incomparable, tandis que sa flamme a rayonné sur toute la terre. Tous les organes de la vie sociale ont grandi jusqu'à déconcerter le regard du praticien: ateliers, marchés, voies de communication, armées, laboratoires et écoles. Des sciences entières ont jailli du cerveau des savants, comme l'astronomie stellaire. Des peuples sont sortis du sol tout formés, comme ces extraordinaires États-Unis d'Amérique, auxquels notre très cher président consacre depuis des années son infatigable curiosité, et qui le méritent bien, peut-on dire; car ils sont tout un monde en fermentation. En même temps la mystérieuse Afrique percée à jour et partagée; l'humanité d'Extrême-Orient, après 4,000 ans d'une civilisation isolée, entrainée pour toujours dans l'orbite de la nôtre; dans le vieux monde, des empires plus vastes que l'histoire n'en avait connu : l'un qui s'étend sans interruption du pôle à l'Himalaya, de la Suède au Japon; l'autre qui couvre la terre par places et compte 300 millions d'hommes, un quart environ du genre humain : jamais depuis le moyen âge, depuis la chute de l'empire romain et la naissance des nations modernes, la carte du globe n'avait subi des changements aussi étendus et probablement aussi décisifs. Jamais non plus, depuis la formation du régime féodal, la société n'avait été transformée aussi profondément qu'elle l'est par l'avènement de la masse du peuple au gouvernement des États. Et quand donc l'énergie humaine a-t-elle enfante des miracles d'héroïsme plus grands? Les Livingstone et les Nansen valent les Colomb et les Albuquerque. Et quand l'imagination a-t-elle produit des merveilles d'art et de poésie plus abondantes? Mettez en pensée les poèmes de Byron et de Victor Hugo auprès de la poésie de Pope ou de Voltaire, les opéras de Wagner auprès de la musique de Rameau ou de Grétry, voire de Mozart; comparez la philosophie de Hegel ou celle de Spencer avec la critique de Hume ou l'idéologie de Condillac, partout la grandeur de ce temps, son énormité, dirai-je, éclatera avec la même disproportion.

«Mais on peut «diviser les difficultés»; c'est la méthode de la


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science, depuis Descartes, et celle de l'art de tout temps. Si nous nous bornons à considérer le progrès de l'activité spéculative en ce temps, il n'est plus impossible de le suivre et même de le mesurer dans les divers ordres de la connaissance, et je crois qu'on pourrait s'accorder à reconnaître qu'il n'a nulle part été plus considérable que dans le domaine des études historiques. Et peut-être, Messieurs, en considérant la grandeur et la portée des résultats obtenus dans cette branche du savoir, auriez-vous quelque indulgence pour le prophète qui s'obstinerait à chercher un nom à ce siècle et se risquerait à l'appeler, au point de vue de l'idée, le siècle de l'histoire.

«En effet, toutes les actions des hommes, sans exception, dans tous les temps, dans tous les pays, sont devenues l'objet d'une enquête incessante, poursuivie par des milliers de chercheurs. A côté de l'histoire politique, elle-même infiniment accrue, se sont formées des histoires particulières, en si grand nombre que je ne saurais les énumérer toutes: histoire des moeurs, de l'art, des sciences, des religions, du langage, des institutions juridiques, économiques, etc.; et tous ces affluents ont formé, à eux tous, une vaste histoire générale, celte histoire de la civilisation qui se développe sous vos auspices(1), Monsieur le Ministre, et par vos travaux personnels(2). Chacune de ces histoires cependant, en habituant notre regard aux perspectives du passé, a changé l'aspect du présent. Les études les plus vénérables se sont transformées. Les dogmes ont perdu leur caractère d'éternité. La grammaire ellemême est devenue historique. L'histoire littéraire a découvert successivement par delà l'idéal classique français auquel La Harpe, en 1805, rapportait encore toutes les oeuvres de l'esprit, l'idéal anglais de Shakespeare, l'idéal italien de Dante, l'idéal grec de Sophocle, l'idéal indien de Valmiki, et tant d'autres, qu'elle nous a appris à comprendre et à goûter. Le folk-lore a suivi la poésie plus loin encore, jusqu'à sa source, qui est dans l'âme populaire; et, chemin faisant, il a fait mille charmantes découvertes; par exemple, il a retrouvé la trace des pas du Petit Poucet, pas de sept lieues vraiment, de la Grande Ourse au palais de Versailles(3). L'histoire de

( 1) L'Histoire générale du IVe siècle à nos jours se publie sous la direction de MM. Rambaud et Lavisse.

( 2) Histoire de la civilisation française, 3 volumes, chez Armand Colin. (3) Le Petit Poucet et la Grande Ourse, par M. Gaston Paris (1875).


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l'Orient a reculé nos origines; elle a retrouvé le sens des langues abolies, elle a déchiffré sur la pierre et la brique les annales des empires de l'Euphrate et du Tigre. Elle a fait sortir du sol qui les avait recouverts la ville de Ninive et l'art assyrien; elle a réveillé dans leurs tombeaux les héros homériques de Troie et de Mycènes, et les rois des dynasties immémoriales de l'Egypte. En même temps, les géologues trouvaient dans les couches inférieures du sol des ossements fossiles, des pierres taillées, du bois carbonisé, monuments inattendus d'une humanité primitive. Et la préhistoire, qui est encore de l'histoire, nous a raconté l'homme quaternaire. Elle prolongeait ainsi les soixante siècles de l'époque historique en une immense perspective de siècles écoulés par centaines; elle rattachait l'histoire de l'homme à celle de la terre.

«Enfin, de tant de découvertes, de vues, de souvenirs, s'est élevée une idée d'une généralité suprême, l'idée philosophique de l'évolution, sorte de point de vue sur l'univers, d'où l'esprit a cru pouvoir considérer presque à la fois les mouvements des astres, les transformations des êtres vivants, le progrès des sociétés. Le savant philosophe Herbert Spencer en a composé tout un système qui soumet le flux de toutes choses au rythme de ses formules abstraites. Et notre Renan, dans un brillant article de la Revue des Deux Mondes, que les lecteurs de mon âge n'ont pas oublié, s'amusait à faire chanceler les sciences de la nature et à les précipiter dans l'histoire, depuis la biologie, qui enseigne l'histoire de la vie sur la terre, jusqu'à la chimie, qui raconte l'histoire quasi fabuleuse de la molécule dans l'éther. Il ne faisait qu'une exception, si je me souviens bien, par respect sans doute, à moins que ce ne fût par dédain, en faveur de la métaphysique, laquelle cependant il ne tenait qu'à lui de nous donner pour l'histoire de l'éternel.

«Tel est à peu près le cercle qu'a décrit l'idée historique. Mais si ingénieuses, si séduisantes que semblent les vues de Renan et de Spencer, il ne faudrait pas croire que les sciences doivent se perdre dans l'histoire, comme les fleuves dans la mer. La vérité est tout opposée. De l'histoire, au contraire, doivent tendre à se dégager certaines sciences, celles précisément dont j'ai à vous entretenir, les sciences sociales. Plusieurs d'entre elles sont encore presque tout historiques. Et toutes ont reçu du développement de l'histoire l'impulsion qui les a fait fleurir en ce temps. C'est grâce à l'histoire que les choses humaines, qui n'avaient guère été jusqu'alors que

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l'objet des préceptes du moraliste ou des calculs du politique, sont devenues un objet de savoir. Pourtant les sciences sociales doivent avoir leur manière propre de considérer cet objet. Car, à peine nées, elles ont répandu sur l'histoire une lumière nouvelle. Elles lui ont imposé des cadres nouveaux. C'est elles qui ont dressé la liste de toutes ces histoires particulières que j'énumérais tout à l'heure. Chacune d'elles a suscité l'histoire spéciale sur laquelle elle avait besoin de s'appuyer. El toutes ont fait prédominer sur l'histoire pragmatique l'histoire générale des sociétés.

« Cependant on ne saurait dire encore si elles ont leur assiette définitive. Ce qui frappe les regards quand on commence à les examiner, c'est la diversité et l'opposition des théories, la mêlée des doctrines, la lutte des écoles entre lesquelles elles sont partagées. Récemment, on entendait à Genève quatre docteurs en économie politique, venus des quatre points de l'horizon, et leurs discours ont été publiés sous ce titre : Les Quatre Ecoles. Mais il y en a bien plus : école déductive, école empirique, idéaliste, matérialiste, historique, évolutionniste, nationaliste, étatiste, individualiste, libérale, socialiste; pour être exact, il faudrait en compter autant que d'auteurs. N'est-ce pas là le caractère des sciences qui se cherchent encore et qui ne sont pas un système de vérités, mais un chaos d'opinions? Tel est sans doute le sentiment, non pas du savant qui en a approfondi quelqu'une pour son compte, mais du profane qui les cherche dans les livres. C'est pourquoi il m'a semblé qu'il pouvait être utile d'y regarder d'un peu près, et de proposer ici les réflexions du philosophe pour les soumettre, Messieurs, à votre compétence de spécialistes. La philosophie aime les vues d'ensemble, sans doute parce qu'elle ignore le détail. Elle démêle assez bien les idées directrices des sciences, mais elle ne prétend pas se substituer à elles pour deviner à priori l'explication du réel. Elle se contente volontiers aujourd'hui, dans l'ordre spéculatif tout au moins, d'être une critique des sciences. Et, par conséquent, ses réflexions doivent subir un double contrôle, celui des faits et celui des sciences elles-mêmes. L'occasion est donc favorable pour essayer ensemble de débrouiller l'état actuel des sciences sociales et même, s'il est possible, de pressentir leur avenir.

" Je voudrais d'abord les distinguer de l'histoire, avec laquelle elles ont de si étroits rapports : elles en tirent, en grande partie, leurs matériaux, et jamais, sans doute, elles ne s'en dégageront


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entièrement(1). La distinction est donc délicate, puisqu'elle ne peut être une séparation; mais elle est importante,car il s'agit du caractère même de la science. L'histoire est une narration; elle retrace la succession des événements. La science sociale est une explication : elle cherche dans le flot des événements les lois permanentes, ce qu'un savant contemporain a appelé le «déterminisme des phénomènes», ce qui est, pour parler comme les anciens, la nature des choses. L'histoire décrit des événements concrets qui se sont produits un certain jour, en un certain endroit, et qui, dépouillés de ce caractère local, cesseraient d'être des faits historiques : une bataille, un traité, le vote d'une constitution, la rédaction d'un code, un partage de terres, une vente de communaux. La science sociale conçoit, à propos de ces événements, des phénomènes généraux de nature à se reproduire : l'ardeur guerrière des peuples pauvres, la forme ou la sanction des traités, les caractères de tel genre de constitution, la production comparée de la grande et de la petite propriété, le rapport dans un système d'institutions juridiques du statut personnel et du statut réel. L'histoire cherche à imaginer les faits passés tels qu'ils auraient frappé nos yeux si nous en avions été les témoins, ce qui lui a fait donner par quelques logiciens le nom de science subjective (bien qu'à vrai dire elle ne soit ni scientifique ni subjective).

«Dans un discours récent, un éloquent historien, M. Sorel, disait fort bien, en se plaçant au point de vue de l'histoire : «Com« prendre le passé, c'est le revivre; l'expliquer, c'est le ranimer»(2). Et à propos de l'histoire du droit en particulier, il conseillait aux jeunes gens qui l'écoutaient « de restituer dans les termes du code l'humanité complexe, ondoyante, mais familière, mais passionnée, que les législateurs en ont ôtée»; il les pressait de ne pas laisser aux moralistes, aux romanciers, aux dramaturges, à un Balzac, à un Dumas, «le privilège de poser dans leur réalité poignante les questions qui touchent de plus près l'être humain». Voilà l'histoire, sans doute, dramatique, pittoresque, passionnée. On ne saurait parler ainsi de la science sociale. Elle ne se pique nullement de revivre le passé et de lui rendre sa figure, sa cou(1)

cou(1) une intéressante communication de M. Levasseur à la Société d'économie politique sur l'Emploi de la méthode historique en économie politique. (Séance du 5 novembre 1897.)

( 2) Discours prononcé à la rentrée solennelle de l'Université de Lille, 1897.

10.


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leur, son âme. Au contraire, elle analyse le réel, elle le décompose en éléments les plus simples possibles; elle traduit la vie en concepts théoriques; elle est abstraite, aride et froide.

«Je n'oublie pas que l'histoire cherche aussi à expliquer les faits; mais elle les explique à sa manière en les rapportant, comme à leurs causes, à des volontés humaines. Elle passe alors de l'action aux acteurs, des événements aux hommes, et, de préférence, à ces individus éminents qui ont préparé ou accompli les grands changements historiques. Elle met toutes ses complaisances dans les grands hommes, conquérants, fondateurs d'empire ou de religion, savants, poètes, créateurs de toute sorte, parce qu'elle sent qu'elle leur doit sa plus riche matière et qu'ils ont, surtout à l'origine, façonné les peuples, institué les États, pétri les âmes, construit les cerveaux. Mais quand elle est arrivée à ce point, quand elle a rencontré la pensée ou la volonté d'un homme, elle s'arrête comme devant une cause première, impénétrable. C'est, en effet, le mystère de l'individualité. Aussi la trame des événements historiques est-elle vraiment inextricable. On y peut suivre un moment quelques fils plus longs et plus gros que les autres, mais ils sont presque sans cesse traversés, rompus par les caprices des passions ou par les jeux de la nature qui mêle au hasard( 1) ses lois, à elle, avec les nôtres et qui embrouille encore l'écheveau. Je ne sais plus qui demandait ce qui serait arrivé, ou plutôt ce qui ne serait pas arrivé si l'impératrice Sophie n'avait pas eu l'idée malsonnante d'envoyer une quenouille au général Narsès. Sans doute, Narsès n'aurait pas appelé les Lombards, qui n'auraient pas menacé le pape, qui n'aurait pas demandé l'aide de Pépin de France, qui n'aurait pas enlevé à l'empereur pour le donner au pape l'exarchat de Ravenne. Or, si la papauté n'avait pas eu de pouvoir temporal, toute l'histoire aurait suivi un autre cours, jusqu'à ces marins français de l'Orénoque qui n'auraient pas monté la garde à Civita-Vecchia au moment de la guerre de 1870; et peut-être. . . Mais Pascal a dit plus éuergiquement : «Le nez de Cléopâtre : s'il eût été plus «court, toute la face de la terre aurait changé». L'histoire est le domaine de la contingence. C'est pour cette raison qu'elle ne repasse jamais par les mêmes voies, et pour cette raison encore

(1) Dans le sens où Conrnot entend ce mot : l'Indépendance de plusieurs séries de causes concourantes.


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qu'elle est impuissante à prévoir. Cournot compare ces historiens fatalistes qui expliquent le passé à merveille par de prétendues lois d'évolution, sans jamais prédire l'avenir, «aux conteurs de ces fic«tions épiques où un personnage divin découvre au héros les des«tinées de sa race, à condition que sa clairvoyance cesse précisé« ment vers l'époque où le poète a chanté(1)». Pour le dire nettement il n'y a pas de lois historiques.

«Ce n'est pas à dire qu'il n'y ait pas de lois dans les événements historiques, cachées sous leur contingence, ni que l'analyse scientifique ne puisse les atteindre, pourvu qu'elle parvienne à un certain degré d'abstraction. Dans l'élévation de César à Rome, il est possible d'apercevoir la nature du gouvernement populaire qui penche vers la tyrannie; dans l'appauvrissement de l'Espagne au XVIe siècle, il est possible de connaître la nature de la richesse qui se consomme si vite et doit sans cesse être reformée par le travail. Supposons, par exemple, que ce passage, si souvent signalé par l'histoire, de la démocratie à la tyrannie fût une loi proprement dite, fondée en dernière analyse sur la nature de l'âme humaine, qui, livrée à elle-même sous la discipline relâchée des États libres, développerait ses pires instincts jusqu'à prendre pour devise ces mots qui précisément servent de titre au livre d'un de nos jeunes césariens : «Le sang, la volupté et la mort»; c'est, on le sait, l'enseignement de Platon dans le huitième et le neuvième livre de la République, qui contiennent la plus étrange et la plus profonde sociologie qui se puisse concevoir. Une telle loi ne serait pas historique, à proprement parler, et ne déterminerait point nécessairement l'évolution de la France contemporaine, mais ce serait une vérité capitale de la science politique. Et, appuyée sur cette loi, la science serait capable de prévision. L'événement concret qui est passé ne se renouvelle pas; mais dans les événements nouveaux, le phénomène abstrait, déjà déterminé, se retrouve et, dès lors, ses effets nécessaires peuvent être annoncés d'avance avec une probabilité scientifique. Ce sont des prévisions partielles et toujours conditionnelles. Il n'en est pas autrement dans les sciences de la nature où l'on retrouve, comme dans les actions humaines, en proportion bien différente, il est vrai, comme nous le verrons, et par d'autres raisons, un certain mélange du contingent et du né(1)

né(1) sur les fondements de nos connaissances, t. II, p. 311.


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cessaire, du général que la science détermine et du particulier qui échappe à la détermination et à la prévision. Stuart Mill a bien exprimé ce caractère de la loi : «Toutes les lois de causation étant «sujettes à être contrariées doivent être exprimées en termes qui «n'affirment que des tendances et non des résultats effectifs(1).»

«Je ne puis tout dire. Il faudrait rappeler encore que l'histoire propose souvent une autre explication que celle dont je viens de parler, à savoir une explication des faits par des causes générales; et, pour cela, elle tente de distinguer les faits principaux des faits secondaires, et l'essentiel de l'accidentel; par où elle se rapproche des sciences sociales, sans pouvoir cependant arriver à des lois, parce qu'elle reste enfermée dans le concret et qu'il ne lui appartient pas d'user de l'analyse et de l'abstraction pour chercher, ce qui demeure sous ce qui passe. Et il faudrait, d'autre part, montrer que les sciences sociales ont plus ou moins de peine à se dégager de l'histoire et que toutes n'ont pas acquis et ne paraissent même pas susceptibles d'acquérir la même indépendance. Ainsi la science économique est la plus avancée de toutes parce que la conception abstraite du désir de la richesse, de l'homo eeconomicus, est facile et naturelle, tandis que bien des auteurs ne conçoivent même pas l'idée d'une science politique ou ne la croient pas possible, parce qu'en effet le phénomène politique ne se laisse pas abstraire aisément du milieu des faits sociaux. Les belles considérations des anciens sur la politique se rapportent en partie à ce que noua appelons la sociologie et en partie à l'art politique. Cependant on y trouverait à glaner nombre de vérités importantes pour la science politique proprement dite.

«Ceci nous amène, pour achever de circonscrire le domaine des sciences morales, à faire une distinction plus délicate encore que la précédente, et qui ne peut être non plus une séparation, entre la théorie et la pratique, ou, comme on dit souvent, entre la science et l'art. Quand il s'agit des actions des hommes, il est intéressant de remonter aux causes qui les déterminent; mais il est plus important encore de considérer le but pour lequel elles sont faites. De là deux objets distincts, ou plutôt deux points de vue auxquels il est inévitable que le savant qui s'applique à l'étude des choseshumaines se place tour à tour sans toujours s'en rendre compte. De

( 1) Logique, livre III, ch. x, § 5.


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là, encore, deux sortes de sciences; car la solution des problèmes relatifs aux fins de l'action prend nécessairement la forme d'une théorie construite par le raisonnement sur la base de l'expérience, c'est-à-dire qu'elle présente les caractères de la science, aussi bien que la recherche des causes et des lois. De là, enfin, tant de discussions sur la part à faire à la causalité et à la finalité dans les sciences sociales, discussions qui remplissent les manuels de sociologie. On lèverait, je le crois, ces difficultés, si on distinguait les théories relatives aux faits des théories relatives à ce qui doit être : les sciences du réel, et les sciences de l'idéal. Wundt a proposé, avec quelque succès, de donner à ces dernières le nom de sciences normatives. Et ce nom est très convenable. On pourrait encore les appeler les arts de la vie sociale, en s'autorisant de ce passage de Stuart Mill dans sa Logique : «Le mode impératif est la caractéris« tique de l'art en tant qu'il se distingue de la science. Tout ce qui «s'exprime par des règles, par des préceptes, et non par des asser« tions relatives à des questions de fait, est un art(1)." Et cette considération est très forte. Cependant on ne peut espérer qu'elle puisse prévaloir sur les raisons très fortes aussi qui portent les théoriciens de l'idéal à réclamer le nom de science pour des spéculations d'une si grande importance. Et d'ailleurs les mots, quels qu'ils soient, ne tromperaient pas, si les idées étaient claires. Or ce qui est essentiel à mon sens, c'est de distinguer l'explication du réel, la science proprement dite, de la spéculation sur l'idéal. Le socialisme est une doctrine de l'idéal économique, tandis que l'économie politique est une science. C'est une science mal assise, soit, toute pleine de contestations dès la première définition qu'elle essaye de poser, la définition de la valeur, et cela précisément parce que le socialisme la tire à lui, autant qu'il le peut; mais enfin elle est, en partie au moins, une science, c'est-à-dire un ensemble de propositions démontrables et vérifiables, sur lesquelles l'accord des savants doit se faire. Au contraire, les problèmes relatifs au bien et au mal, relatifs à l'idéal, ne sont pas susceptibles de solution scientifique à proprement parler, et donnent naissance à des systèmes où domine la méthode à priori. Ne comprend-on pas mieux ainsi la véritable signification de ces vastes spéculations de la première moitié du siècle, la doctrine du droit de Kant, la théorie de

(1) Logique, livre IV, ch. XII, § 1.


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l'Etat de Hegel, les théories sociales des saint-simoniens et de Fourier, et même, en dépit de son titre, la politique positive d'Auguste Comte? Ce sont des systèmes qui construisent la société idéale, non des essais scientifiques pour comprendre le réel. Et dans de telles spéculations, il faut bien que l'esprit embrasse l'ensemble de la vie humaine; l'idéal économique doit être juste, et ne se sépare pas de l'idéal juridique. L'idéal de l'État est aussi bien de consacrer le droit et de régler les relations économiques. C'est dire que toutes les sciences de l'idéal vont se perdre ou plutôt se retrouver dans la morale : ce qui rend inévitable l'emploi d'une méthode synthétique et déductive. Il serait, certes, d'un grand intérêt de s'arrêter sur cet ordre de recherches et d'examiner un moment la constitution de la morale, en général, et des sciences morales particulières qu'elle comprend. Mais ce serait prétendre beaucoup. Et je paraîtrai peut-être mieux observer la distinction que je recommande si je m'attache à traiter seulement des sciences sociales proprement dites.

«Dès que celles-ci sont ramenées sur la terre et attachées aux faits, il apparaît qu'elles ne peuvent user que de la méthode commune des sciences, qui consiste dans une union étroite du raisonnement et de l'expérience. Toutes les sciences ont le même but et la même structure essentielle; et s'il n'y a pas une science générale, il y a une idée de la science qui s'est constituée d'une manière définitive au commencement des temps modernes. C'est précisément d'après cette idée que le philosophe peut essayer de concevoir les sciences sociales, même celles qui tardent à naître. Or à cette idée est liée nécessairement une méthode qui est la méthode scientifique et qui se retrouve dans toutes les sciences et jusque dans les mathématiques. Les mathématiques paraissent être le triomphe de la méthode a priori. Pourtant à y regarder de près, on trouverait des données expérimentales au point de départ de leurs théories et une généralisation inductive dans chacun de leurs progrès. Seulement en avançant, et par une sorte de coquetterie, elles se purifient de toutes les traces de l'expérience en transformant les données de fait en postulats, et les résultats de l'induction en définitions et en principes. D'ailleurs, à les prendre dans leur ensemble, elles forment un art : l'art de mesurer, ce qui explique certaines analogies de méthode qu'elles ont aussi avec les sciences de l'idéal, analogies, on le sait, qui avaient frappé l'esprit de Kant et l'ont décidé


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à traiter de la morale en géomètre. Mais, dans toutes les sciences du réel, sciences de la nature ou sciences sociales, la méthode comprendra nécessairement trois opérations essentielles : observer, raisonner et vérifier. Ce sont les procédés particuliers de ces opérations qui varient avec chaque science, selon la nature de leurs objets. Le progrès des sciences physiques depuis le XVIIe siècle tient à deux causes essentielles : l'application des mathématiques et l'emploi systématique de l'expérimentation. Il faut reconnaître que les sciences sociales ne se prêtent ni à l'un ni à l'autre de ces procédés. Elles ne peuvent faire qu'un usage en quelque sorte extérieur du calcul; tandis qu'en physique, il est une analyse, en matière sociale il ne sert guère qu'à compter les faits (1) ; et, d'autre part, elles ne font guère d'expériences proprement dites, car le savant ne manie pas les hommes, ni même l'argent. Les mesures du législateur, les expériences du praticien ne sont pas vraiment, quoiqu'on s'y soit souvent trompé, des expériences scientifiques; elles offrent seulement une matière nouvelle, aussi complexe, à l'observation du savant(2).Les sciences sociales rachètent comme elles peuvent, bien imparfaitement, cette très grave infériorité. Elles suppléent à l'expérimentation par la méthode comparative qui s'applique surtout dans l'histoire ; et elles donnent à l'observation de la précision par la statistique, procédé très important dont l'usage mieux dirigé et plus étendu contribuera beaucoup à leurs progrès; non pourtant que la statistique conduise par elle seule à des lois proprement dites, à des lois explicatives; car, pour les moyennes qu'elle permet de calculer, personne, sans doute, n'y verra autre chose que des généralités très grossières, parfois tout à fait factices; et pour les constantes qu'elle fournit directement, comme le taux des mariages, des suicides, ce sont des effets complexes de causes inconnues, très probablement variables, et dont le concours seul, par une sorte de compensation, reste fixe; où, par conséquent, l'on ne saurait reconnaître que des lois empiriques, simples données de la science, qui n'y entrent jamais comme un élément constitutif. Les éléments constitutifs des scien(1)

scien(1) dans certaines parties de l'économique, dans la théorie des prix notamment, Cournot, Walras et quelques autres auteurs ont essayé de faire du calcul un instrument d'analyse.

( 2) Voir la Politique expérimentale de Léon Donnat. Voir aussi Belot, Introduction à la logique des sciences morales de Stuart Mill, p. 67.


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ces sociales sont, comme en physique, des vérités abstraites obtenues par le raisonnement et vérifiées, autant que possible, par l'expérience. J'aime à citer, pour donner un échantillon de ce genre de vérités, une loi économique bien connue, la loi de Gresham, que l'on voit sortir par une multiple déduction de la définition de la monnaie. Cet exemple montre assez bien, ce semble, comment les sciences sociales font usage de l'abstraction et se constituent par l'emploi du raisonnement déductif.

«En somme, il ne semble pas trop malaisé de se mettre d'accord sur les procédés d'investigation qui leur conviennent. C'est la nature des choses qui les leur impose. Il n'y a pas plusieurs manières de dégager la loi des faits. Au vrai, les querelles de méthode sont le plus souvent oiseuses. Ce qui sépare les écoles, ce n'est pas la méthode, c'est l'idée générale dont elles s'inspirent, c'est le point de vue où elles se placent pour envisager les faits. Il est facile de recommander l'usage de l'abstraction. La difficulté commence et la divergence des vues, quand il s'agit de distinguer dans les faits si enchevêtrés de la vie sociale l'élément qui est réellement essentiel. Chacun l'assigne par une conjecture où il y a quelque chose d'arbitraire. Aussi entrerait-on bien plus profondément dans notre sujet, si l'on essayait de définir ce qu'il y a de caractéristique dans chacun des genres de faits qui est l'objet d'une science sociale, depuis le phénomène religieux jusqu'au phénomène économique. Je dois me borner à considérer ces sciences dans leur ensemble. Il me suffira donc d'examiner l'idée directrice dont elles dépendent toutes, qui leur fournit leurs hypothèses générales, qui oriente leurs recherches, et jusqu'où il faut remonter pour trouver l'origine de la divergence des principales doctrines. Elle n'est autre que l'idée même de la société.

« On peut concevoir la société comme un être réel organisé, dont les individus sont comme les membres; et on peut la concevoir comme une simple abstraction de l'esprit qui n'a de base que dans les relations des individus. Si l'on me permet d'employer les termes de l'école, je dirai que la sociologie peut être réaliste ou nominaliste. Précisément, l'évolution de toutes les sciences sociales dans les cinquante dernières années s'est faite en passant d'une idée à l'autre; elles ont traversé d'abord une période que l'ont peut appeler biologique; elles sont entrées maintenant dans la période psychologique. C'est ce que je voudrais montrer brièvement.


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«La comparaison de la société avec le corps vivant est si naturelle que celte image s'est offerte à l'esprit des premiers penseurs grecs. Pour les Socratiques, la cité, is6Xis, est un être vivant, Çvov. Il semble donc que les lois de la vie s'appliquent aux sociétés, et que la biologie doit être la base de la sociologie. Telle est l'idée fondamentale de la doctrine d'Auguste Comte. Elle a été reprise et développée par Spencer, avec plus de rigueur encore, parce qu'il rejetait la thèse de la discontinuité des formes de l'existence, enseignée par Comte, pour y substituer une évolution continue; et aussi avec une ampleur, une abondance de vues, une masse incroyable de faits, qui devaient l'imposer pour un temps à tous les penseurs.

«Vers la même époque, d'ailleurs, paraissaient deux ouvrages importants qui achevaient de faire prévaloir l'idée naturaliste : en Allemagne, le livre de Schoeffle, dont le titre est tout un programme : Bau und Leben des socialen Koerpers (Structure et vie du corps social); et en France, le beau livre sur les Sociétés animales de M. Espinas, l'un des promoteurs parmi nous de la science nouvelle, que j'aimerais à louer, si une loi jalouse, qui tient, je pense, à une interpélation pharisaïque de l'Évangile, ne voulait que nous réservions notre reconnaissance aux ouvriers de la onzième heure. Au point de vue où se placent ces savants, l'individu est dans la société comme la cellule dans le corps vivant; il entretient obscurément la vie de l'organisme ; mais il reçoit du dehors les éléments qui font sa substance, et le mouvement qui fait son activité. Les institutions sociales sont les organes ou les tissus dont la structure détermine ses fonctions, et les lois sociales sont des lois naturelles qui ont leur siège au-dessus de lui et s'exercent d'elles-mêmes. Il est roulé dans le torrent de l'évolution des sociétés, des peuples, des races. On le perd de vue, et on a l'illusion que les faits sociaux s'accomplissent non seulement sans la volonté, mais en dehors même de la conscience des individus. Jadis Fénelon croyait assurer la démonstration de l'existence de Dieu en comparant le monde à l'Iliade, qui témoigne de l'existence d'un auteur. Mais l'Iliade ne prouve plus l'existence d'Homère; elle est l'oeuvre du génie de la Grèce. Et toute grande poésie est de même impersonnelle. Il y a eu chez les peuples primitifs un instinct qui a créé les langues et qui, malheureusement, s'est perdu (1). La discipline sociale a formé

( 1) Renan.


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dès les premiers temps notre conscience morale; seulement, plus heureuse que celle du langage, cette oeuvre se poursuit encore. L'âme tout entière de l'individu est une création sociale. Cournot écrivait en 1861 : «L'homme individu avec les facultés qu'on lui «connaît est le produit de la vie sociale, et l'organisation sociale est «la véritable condition organique de l'apparition de ses hautes «facultés(1).» Et ailleurs : «Newton a dû d'être Newton bien moins «à quelques détails de la structure de son cerveau qu'à la vie qui «animait l'Angleterre du XVIIe siècle, à la vie dont on vivait au sein «de l'Université de Cambridge, de la société royale de Londres et «de la Chambre des communes(2).» Vous savez, Messieurs, comment Taine, Renan, la plupart des historiens se sont faits les échos de ces pensées. Les philologues eux-mêmes ont cru voir les mots vivre, comme le philosophe voyait vivre les idées; et ils pariaient comme leurs confrères en sciences sociales, de l'évolution de l'organisme linguistique accomplie sous l'action de la concurrence vitale et de la sélection naturelle. Et puis toutes ces belles conceptions, après nous avoir longtemps enchantés, se sont affaissées peu à peu; elles ont perdu leur âme de vérité; et maintenant elles ne paraissent plus que comme des expressions mythologiques, vaines, sinon dangereuses.

«On s'est aperçu, en effet, de cette vérité bien simple, que la société n'est pas une chose visible, une réalité physique, qu'elle n'existe que dans la conscience des individus, qu'elle n'est faite que de nos sentiments et de nos idées, qu'elle est, à la lettre, un être spirituel. Et la conséquence a suivi, que les lois sociales ont leur fondement dans les lois psychologiques. De tous les côtés, presque en même temps, les savants sont arrivés à cette même conclusion, par un accord remarquable, dont je voudrais apporter ici quelques témoignages. L'économiste Wagner écrit que «le carac«tère éminent de l'économie politique est d'être une psychologie «appliquée et que les erreurs théoriques ou pratiques des écono«mistes se laissent ramener à des erreurs de psychologie(3).» Dans une introduction au livre de Lang : Mythes, Cultes et Religions, M. Marillier montre que les vraies causes des croyances religieuses

(1) Essai sur les fondements de nos connaissances, t. II, p. 3.

( 2) Matérialisme, Vitalisme, Rationalisme, p. 190.

( 3) A p. Bougie. Les sciences sociales en Allemagne, p. 75.


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doivent être cherchées dans l'état intellectuel de l'homme primitif et il conclut ainsi : «Les problèmes que les études de mythologie «amènent en dernière analyse à se poser sont des problèmes de «psychologie(1).» Hier même, M. Bréal s'élevait contre «la fantas«magorie» d'une évolution organique des langues, et pour rétablir la volonté humaine dans le domaine des mots, il écrivait son livre sur la Sémantique, où il expose les lois intellectuelles du langage. M. Tarde, qui plus que personne a contribué à faire prévaloir la thèse psychologique, l'a appliquée à la sociologie générale; on pourrait reprendre un mot célèbre, en le modifiant pour caractériser son oeuvre : «Donnez-lui le désir et la croyance, et il construit le «monde social.» Un penseur original et profond, M. Lacombe, dans son ouvrage sur l'Histoire considérée comme science, a montré par l'exemple comment la psychologie résout scientifiquement les grands problèmes de l'histoire. Et, en même temps, tous ces auteurs rejettent les explications biologiques. «Il n'est plus permis, «dit M. Tarde, d'entendre cette expression dont on a tant abusé, «le génie d'un peuple ou d'une race, et aussi bien le génie d'une «langue, le génie d'une religion, comme l'entendaient nos devan«ciers. .. Le génie collectif, impersonnel, est la photographie «composite des génies individuels, il ne doit pas en être le mas«que(2).» «Les idées de race et de génie, dit à son tour M. La« combe, avec non moins de force, ont servi de masque à la con«tingence.» Mêmes déclarations de M. Seignobos dans un livre tout récent : «L'expérience du passé, dit le savant historien, préserve «d'expliquer par les analogies biologiques (sélection, lutte pour «l'existence, hérédité des habitudes) l'évolution des sociétés qui ne «se produit pas par l'action des mêmes causes que l'évolution ani«male(3).» Et ceci encore : «Il n'y a d'histoire que des actes indi«viduels.. . Ce qu'on appelle la structure de la société, ce sont les «coutumes et les règles qui répartissent les occupations, les jouis«sances et les fonctions entre les hommes; et le fonctionnement de «la société, ce sont les actes habituels par lesquels chaque homme «entre en rapport avec les autres(4).» Enfin, sur l'idée de race : «Il n'est plus nécessaire de démontrer l'inanité de la notion de

(1) Lang, Mythes, Cultes et Religion, p. 7.

( 2) Revue de métaphysique et de morale, n° de janvier 1878.

( 3) Introduction aux études historiques, p. 379.

( 4) Ibid., p. 209.


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«race(1).» N'est-il pas digne de remarque que cette idée descende dans la rue, agitée par des journalistes ignorants, au moment où elle est bannie du cabinet des savants? Enfin, M. Durkheim luimême, qui avait paru faire de la science sociale un chapitre, non pas même de la biologie, mais de la physique, dans son premier ouvrage sur la Division du travail social, où il ne parlait que de densités et de volumes, se rallie à l'idée nouvelle. Dans un ouvrage tout récent sur le Suicide, il affirme toujours le caractère spécifique du fait social, mais il écrit ceci : «Nous ne voyons aucun incon«vénient à ce qu'on dise de la sociologie qu'elle est une psycho«logie, si l'on prend soin d'ajouter que la psychologie sociale a ses lois propres qui ne sont pas celles de la psychologie individuelle(2).» Et ceci encore : «En séparant la vie sociale de la vie individuelle, «nous n'entendons nullement dire qu'elle n'a rien de psychique. Il «est évident, au contraire, qu'elle est essentiellement faite de repré« sentations(3). » Si l'on prend garde que M. Durkheim n'est pas seulement un savant d'une rare vigueur d'esprit, mais un professeur éminent qui a des disciples, et qu'il vient de grouper autour de lui pour une oeuvre de longue haleine, l'Année sociologique, la plupart des jeunes agrégés de philosophie qui s'adonnent aux études sociales, on pensera sans doute que cette déclaration que je relève ne manque pas d'importance, et qu'elle peut servir à marquer le jour où l'idée spiritualisle a triomphé de l'idée naturaliste.

«Je crois qu'il faut se réjouir de ce changement. Sans entrer dans le fond du débat toujours pendant entre le spiritualisme et le matérialisme, et sans décider ai le spiritualisme est le vrai, on doit accorder qu'il donne pour l'explication des choses humaines un principe plus élevé et plus fécond. Si ample que soit la nature, l'âme est encore plus variée et plus riche; car, d'abord elle reflète la nature et la retrouve dans ses idées, et, de plus, elle porte dans ses aspirations le monde idéal de l'art, de la morale et de la religion, dont on ne trouvera jamais l'équivalent dans les énergies mécaniques ou chimiques des corps. On comprend donc plus profondément les phénomènes sociaux, si, au lieu d'y chercher les lois de la vie animale, on y entrevoit les lois de la vie psychologique. Ainsi il est permis de considérer la nouvelle conception

(1) Introduction aux études historiques, p. 908. ( 2) Le Suicide., p. 352. (3) Ibid., p. 352.


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comme un progrès de la science sociale. Cependant je souhaite qu'elle ne laisse pas perdre la vérité partielle contenue dans l'idée naturaliste, à savoir la réalité de l'élément social. Il y a quelque exagération dans le nominalisme de quelques-uns de nos auteurs. Les espèces et les genres de la nature ne sont pas sans doute des êtres; mais ils ne sont pas non plus de simples fictions du langage. Ce sont des groupes de lois qui constituent, en partie, l'essence des individus. Les individus de la même espèce ont donc, pour une part, pour une très grande part, une essence commune. Et de même la société est une portion, une très grande portion de nos âmes; en elle, nous sommes non pas seulement unis, mais un. M. Tarde incline à voir dans les individus des monades, à la manière de Leibniz, tout originales et substantiellement distinctes, et qui sont, dans l'uniformité de la matière, le principe de toute différence et de toute nouveauté. Soit; mais qu'il n'oublie pas que pour Leibniz la plus humble monade est le «le miroir représentatif de l'univers», et que si l'univers n'est sous un rapport qu'un reflet partout réverbéré, sous un autre rapport il a plus de réalité que chaque monade prise à part. Il reste donc permis de parler d'un esprit humain qui est autre chose que la collection des esprits individuels, et qui à la longue «a plus d'esprit que Voltaire», car il a pour fond les vérités accumulées avec le temps; et aussi d'une conscience collective, ou mieux d'une conscience commune, dont on peut dire qu'elle se fait dans l'histoire, et qu'elle est la conscience du genre humain : conscientia generis humani. L'idée spiritualiste ne conduit donc pas nécessairement à l'individualisme; elle peut faire une part à la réalité de la vie sociale.

«Ainsi se trouve définie, si je ne me trompe, l'idée directrice des sciences sociales. Il reste à essayer de suivre des yeux leur développement et à marquer, s'il est possible, le degré de perfection qu'elles peuvent atteindre. Et d'abord doivent-elles se réunir en une science unique, en une science sociale générale qui étudierait ce que Stuart Mill appelle des «états de société», c'est-à-dire la liaison de tous les phénomènes sociaux simultanés, idées, croyances, coutumes, forme du gouvernement, état de l'industrie?.. C'était la conception de Comte et de Stuart Mill. Elle a été beaucoup discutée dans ces derniers temps, souvent sous une forme bien scolastique : on demandait si la sociologie est une science, si elle existe. Une telle conception doit paraître chimérique. Nous avons vu que les


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sciences sociales ne peuvent arriver à la détermination des lois que par l'analyse du réel : c'est dire qu'elles doivent se briser en fragments de sciences, loin de s'unir dans une même synthèse. On ne prend pas garde qu'il n'y a pas davantage une science de l'univers, mais diverses sciences naturelles placées à des points de vue différents, point de vue physique, point de vue chimique. . . De même, il ne peut y avoir une science de l'humanité. Le mot de sociologie, un peu rude pour l'oreille du puriste, est cependant nécessaire. Il désigne tout d'abord un point de vue, une méthode si l'on veut, selon laquelle il est intéressant d'étudier toutes les manifestations de l'esprit. C'est à ce point de vue que le regretté Guyau a traité de l'art et de la religion. Il a cru trouver à la source de l'émotion esthétique «un sentiment de solidarité sociale»; il a cherché «le fond des religions dans une sociologie mythique ou mystique». M. Durkheim dit de la même manière : «La puissance qui est devenue l'objet de l'adoration de l'individu, c'est la société dont les dieux ne furent que la forme hypostasiée. » Formule sans doute trop tranchante; car les puissances de la nature, l'éclat des astres, les mystères de la vie et de la mort, ont fait impression dans l'imagination des hommes autant que la puissance sociale. Il est vrai cependant, d'une large vérité, que la cité de Dieu est l'image embellie de nos cités humaines, et que les lois de la justice éternelle sont, comme le voulait Socrate, les soeurs des lois de la République : ol vfxÉTspot âSsMpoi oi gV AtSov N<Sfto«. Les considérations sociologiques ne manquent donc, on le voit, ni de vérité, ni même de beauté.

«Et maintenant la sociologie n'est-elle pas quelque chose de plus qu'un tel genre de considérations? Ne pourrait-t-on concevoir une sorte de science qui ne serait pas la synthèse des sciences sociales, mais qui s'élèverait au-dessus d'elles toutes, pour s'attacher à l'élément commun des faits sociaux, et pour en dégager les lois générales de toutes les relations humaines: science qui, à cause de son extrême généralité même, se laisserait déduire presque immédialement de la psychologie; qui serait celle psychologie sociale que réclame M. Durkheim, ou plutôt une philosophie des sciences sociales; elle pourrait même être plus vraie que les philosophies de l'histoire, toujours artificielles, et plus sereine aussi, parce qu'au lieu de nous emporter dans le flot d'une évolution toujours incertaine et toujours troublée, elle nous donnerait le spectacle de l'âme


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dont les lois sont fixes, et nous y montrerait s'élargissant sans cesse sous l'action du sentiment et de l'idée les cercles de la sympathie, de la justice et de la solidarité : telles les ondes qui se propagent à partir d'un foyer lumineux.

« J'ai l'air de raconter un rêve de mon esprit. Non, je pense à l'oeuvre étrange et captivante d'un penseur français, écrite dans une langue tourmentée qui éclate sous la charge des idées, mais où l'on goûte une sorte d'ivresse intellectuelle; à peu près achevée maintenant, elle est exposée dans trois livres que vous connaissez bien : les Lois de l'imitation, la Logique sociale, l'Opposition universelle.

«Tant de travaux et si importants n'excitent pas seulement une admiration stérile. Ils inspirent le goût de ces études aux jeunes gens. Aussi, de toutes parts, des facultés de droit, des facultés des lettres, de l'école normale, les travailleurs viennent aux sciences sociales.

« Une si belle ardeur permet-elle de présager pour elles des progrès rapides, éclatants, quelque chose de l'épanouissement de la physique au XVIIe siècle ou de la chimie au commencement du nôtre? Il ne faut décourager personne, et les jeunes esprits moins que les autres. Cependant je dois avouer qu'une telle espérance ne me semble pas permise. Pour en juger, il faudrait commencer par discerner la cause de l'imperfection actuelle de ces sciences et de la lenteur de leur développement. Auguste Comte, on le sait, a cru la trouver dans la loi même de l'évolution des sciences : raison qui n'est pas sans valeur, et que nous avons reconnue d'une certaine manière, quand nous avons remarqué que leurs progrès ont été liés à ceux de l'histoire. Cependant on approche davantage de la vérité, quand on met en ligne de compte la très grande complexité des faits sociaux. Et on en approche encore plus, quand on reconnaît, comme nous l'avons vu, qu'elles ne peuvent faire qu'un usage imparfait des méthodes communes des sciences, étant à peu près impuissantes à manier l'analyse expérimentale, et réduites presque exclusivement à l'analyse abstraite, infiniment moins pénétrante et moins sûre. Mais on n'achèvera de saisir le principe fatal de leur faiblesse et d'apercevoir leurs limites étroites que si l'on veut considérer sur quel terrain mouvant elles bâtissent.

«Les sciences de la nature s'élèvent sur la base à peu près immuable des lois physiques, auxquelles, en tout cas, nous ne chanHlST.

chanHlST. PHILOL. — N°s 1-2. 11


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geons rien en apprenant à les connaître. Les sciences sociales ont pour objet ce milieu humain où vivent les individus, et lis individus créent ce milieu en vivant. La société change donc sans casse, et la science même que nous pouvons en acquérir nous aide à hâter ce changement. On pourrait croire, il est vrai, que le poids du passé pèse de plus en plus sur nous, et que, plus l'humanité avance, plus son action est étroitement déterminée. On se rappelle la forte parole d'Auguste Comte: «Les vivants sont de plus en plus gouvernés par les morts.» Il suffirait donc de prolonger la ligne, droite ou courbe, de l'évolution au delà du présent, pour prévoir l'avenir. Mais on ne prend pas garde que l'expérience même du passé nous affranchit de son joug. L'homme mûr, sans avoir sans doute une plus grande somme d'énergie à déployer que l'adolescent, est plus capable de se conduire, parce qu'il sait mieux l'usage à faire de sa liberté. Ainsi l'humanité apprend à mieux déterminer le point d'application de l'acte d'initiative qui doit changer sa marche et infléchir la courbe de son développement, Aussi l'évolution sociale, à quelque moment qu'on la considère, est-elle indéterminée; il est permis de croire qu'elle l'est plus largement encore pour des sociétés civilisées comme les nôtres, que pour des tribus sauvages, plus rapprochées pourtant de l'enfance, Il se produit donc dans le domaine de la vie sociale un phénomène singulier qui n'a jamais lieu dans le domaine de la nature, une sorte d'interférence de la théorie et de la pratique. L'art y tient la science en échec et la limite sans cesse en lui fournissant une réalité toujours nouvelle à élaborer. Nous intervenons dans les lois mêmes que la science détermine pour desserrer ou pour rompre la chaîne qui unit la cause à l'effet, ou pour y insérer un anneau nouveau. Il y a dans la science économique des parties qui sont presque d'une science naturelle: celles qui traitent, par exemple, de la part de la nature dans la production, ou encore des rapports des variations de la population avec les variations de la richesse, avec le travail, avec le taux des salaires, avec la rente du sol. Quelques-unes de ces lois même, les plus essentielles, sont indépendantes de toute forme particulière d'organisation sociale et semblent être vraiment des lois de la nature: par exemple, la loi du rendement non proportionnel, que Stuart Mill regarde comme la proposition la plus importante en économie politique, et dont il dit que, si elle était différente, presque tous les phénomènes de la production et de la


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distribution seraient autres; il nous suffira cependant d'étendre un peu notre connaissance pour réussir à tirer du sol plus de produits avec le même travail. A plus forte raison en est-il ainsi pour cette autre partie de la science, la plus vaste de beaucoup, qui étudie les faits économiques dépendant de l'organisation sociale et de toutes ces institutions qui les déterminent et les gouvernent pour ainsi dire : propriété privée, salariat, concurrence, héritages, etc. Or ces institutions sont notre oeuvre, et quoiqu'elles soient plus ou moins enracinées dans les lois de notre être moral qui sont, si l'on veut, des lois naturelles, elles peuvent être modifiées, elles l'ont été, elles le sont incessamment. Déjà nous restreignons de plus en plus, semble-t-il, la loi de la concurrence. Je lis dans une étude récente de M. Georges-Raphaël Lévy sur l'industrie allemande( 1) que, dans le bassin de la Ruhr, le syndicat des compagnies houillères fixe pour chaque mine un maximum de production annuelle. Il faut remarquer, d'ailleurs, que les lois économiques conçues par abstraction dans un régime de concurrence absolue garderaient toute leur vérité, si ce régime faisait place à un régime d'association et de solidarité. Seulement elles ne correspondraient plus à la réalité. Peut-être voyons-nous mieux à présent de quelle manière les sciences sociales sont des sciences proprement dites, indépendantes de l'histoire, et de quelle manière elles y resteront éternellement enveloppées. Plus généralement encore, on peut dire que le rapport de la science et de l'art n'est pas le même dans les relations de l'homme avec la nature et dans les relations des hommes entre eux. Dans nos relations avec la nature, l'art est une application de la science, l'art de l'ingénieur une application de la mécanique, l'art de l'agronome, de la chimie; si la science était achevée, l'art serait infaillible, et la science n'a d'autres bornes que celles qu'y met la médiocrité de notre esprit. Dans les relations sociales, l'art met bien encore à profit les lois déterminées par la science; mais, par cela même, il change sans cesse la matière de la science et il s'oppose à son achèvement. Le monde social tout entier est, en dernière analyse, l'oeuvre de notre volonté, instinctive ou consciente; et notre volonté, à son tour, n'est mue que par le désir d'un idéal toujours fuyant. Ainsi, par la nature des choses, la science des causes et des lois restera toujours subordonnée à la science de

(1) Revue des Deux-Mondes, n° du 15 février 1898.

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l'idéal, la science économique à la théorie de l'idéal économique et, pour tout dire, la science sociale à la morale.

«Ajoutons enfin que l'avenir de l'humanité doit rester un problème, le problème de la lutte du bien et du mal. Nous avons en nous les causes et les moyens du bien et du mal. Nous avons en nous les causes et les moyens du progrès, d'un progrès sans limites : dans notre raison, d'abord, qui, selon la parole de Pascal, est faite pour l'infini, et dans notre coeur, qui a besoin de s'unir au coeur des autres hommes. Mais nous avons aussi des passions violentes et trop souvent une volonté misérable. Les sociétés qui résident dans nos âmes, nous l'avons vu, doivent s'élever avec nos efforts et s'abaisser avec nos défaillances. Une loi d'évolution fatale paraît donc être une chimère. Le progrès est une espérance permise, il n'est pas une certitude. Pourtant, à mesure que les sociétés deviennent plus rationnelles, la science est plus nécessaire pour éclairer notre action. Nous ne pouvons plus retourner à la vie instinctive. La raison seule peut guérir les maux qu'elle a faits. Si les sciences sociales ne doivent jamais à elles seules assurer le progrès, on peut dire que de plus en plus il sera impossible sans elles. »

M. le Ministre a pris ensuite la parole en ces termes :

«MESSIEURS,

«Depuis le jour où M. Guizot organisait l'union des sociétés savantes, en lui donnant pour charte la liberté, l'institution n'a cessé de prendre de nouveaux développements et, tout le monde en convient, de se perfectionner.

«A travers ces modifications, ont persisté deux organismes, dont chaque jour met en lumière plus vive l'utilité et la nécessité.

«D'une part, le Comité des travaux historiques, devenu le Comité des travaux historiques et scientifiques, et dont le rôle consiste, comme l'a voulu M. Guizot, à transmettre aux sociétés savantes, «d'un centre commun, les moyens de travail et de succès qui ne « sauraient leur venir d'ailleurs et recueillir à ce même centre les «fruits de leur activité pour les répandre dans une sphère plus «élevée».

«D'autre part, le congrès des sociétés savantes, qui se réunit annuellement à Paris et où vous venez, avec la pleine liberté qu'a


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voulu vous assurer votre fondateur, mettre en commun et livrer à la plus large publicité les résultats de vos recherches et de vos travaux.

«Votre congrès a subi d'importantes modifications, car toutes les sciences sont venues tour à tour y revendiquer et y occuper leur place légitime. Aux deux sections qu'avait seules prévues M. Guizot, celle d'histoire et philologie et celle d'archéologie, se sont ajoutées celle des sciences, puis celle des sciences économiques et sociales, puis celle de géographie historique et descriptive. La Section des sciences a dû elle-même se subdiviser en sous-sections qui tendent à devenir plus nombreuses.

«N'oublions pas que, parallèlement à vos travaux, se poursuivent ceux des sociétés des beaux-arts, réunies dans la splendide salle de l'Hémicycle, où le pinceau de Delaroche a convié les artistes du passé à entourer les trônes réservés aux trois grands génies artistiques de l'ancienne Hellade.

«Nous nous croyons en mesure, Messieurs, quelque ampleur que doivent prendre dans l'avenir, par le progrès même des sciences, vos futures assises, de les suivre dans tous les développements que vous jugerez à propos de leur donner. Il n'est pas à craindre que Paris puisse jamais faillir à ses devoirs d'hospitalité envers les représentants provinciaux de la science et de l'art français.

« Ce n'est donc aucune inquiétude de ce genre qui m'a porté à étudier le projet tendant à faire alterner entre Paris et quelque ville des départements l'honneur de recevoir le congrès des sociétés savantes.

«Ce projet, soumis d'abord à l'examen du Comité, y a rencontré une approbation unanime.

«Il est donc entendu que votre prochain congrès se tiendra dans une ville de province; le suivant, celui de 1900, viendra nécessairement contribuer à l'éclat dont rayonnera la métropole de la France; et ainsi se poursuivra l'alternance.

«Les avantages de la réforme sont évidents. Celles de vos sessions qui auront pour théâtre une de nos villes de province, — et non pas seulement une très grande ville, non pas seulement une ville d'université, mais toute ville qui, parmi les compétitions qu'il est bien permis de prévoir, aura fixé votre choix, — trouveront dans l'originalité même du milieu provincial un renouveau de vitalité et de fécondité.


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« Tel centre vous offrira l'attrait d'incomparables merveilles archéologiques et préhistoriques; tel autre celui d'une région infiniment intéressante au point de vue géologique, comme le sont, par exemple, la Bretagne avec ses granits battus de l'Océan, l'Auvergne avec ses volcans éteints, le Languedoc avec ses causses pleins de surprises; ici, vous serez sollicités par des institutions de grand intérêt économique ou social; là, dans un de nos grands ports, vous serez comme baignés d'effluves marines, vous sentirez tout proche les mondes que vous croyiez lointains, et tout près de votre coeur les Frances d'outre-mer. Quelque jour, peut-être, vous serez tentés de passer la Méditerranée et d'aller installer vos assises dans cette Algérie où les roumis ont retrouvé la trace des Romains, ou bien au pied de la colline où se dressa Cartilage. Partout vous rencontrerez un accueil empressé, les mêmes souhaits de bienvenue dans les accents dont la variété même fait le charme de notre langue; partout votre présence suffira à faire sortir de l'ombre des trésors d'art et de science, suscitera des collaborations inattendues, affranchira des bonnes volontés qu'enchaînait peut-être trop de modestie; et le réveil de vie que vous aurez provoqué sur votre passage profitera peut-être à l'éclat de vos futures sessions parisiennes.

« Et ne serait-ce pas déjà un grand avantage que d'avoir mieux fait connaître la province aux savants de Paris, et aux provinciaux mêmes les provinces que, sans une telle occasion, ils n'auraient jamais visitées? Peut-être avons-nous le tort de vivre un peu trop chacun chez soi; si le provincial affectionne son coin de pays, pour beaucoup de Parisiens, Paris n'est qu'un coin dont ils ne sortent pas volontiers. Le congrès les en fera sortir, les promènera au Nord et au Sud, à l'Ouest et à l'Est, leur révélera la variété infinie et l'originalité de ces provinces françaises qui se souviennent d'avoir été autrefois des nations, avec leurs lois, leurs parlements, leur église, leur dialecte, leurs costumes, leur art, leur littérature, tout au moins leur folk-lore. C'est de la forte originalité de ces petites patries que sont faits le charme et la puissance de la grande patrie.

« Michelet a déjà montré comment de tous ces esprits locaux s'est formé l'esprit national. La France, si diverse de races, est avant tout une harmonie.

«Revenons aux travaux que vous avez accomplis cette semaine. Toutes vos sections ont rivalisé de féconde activité.


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«La réunion des sociétés des beaux-arts vous a vus, suivant l'heureuse expression de M. Millaud, sénateur, un de vos présidents, «diriger vos investigations vers toute oeuvre qui s'éclaire «d'un rayon d'art et de génie».

«La Section d'histoire a mis au jour de précieux documents, précisé d'importants points de détail, sur lesquels pourront se fonder en toute sécurité les travaux d'ensemble, les hardies et larges généralisations comme celles dont M. Darlu nous a offert, au début de son discours, un éloquent exemple.

«J'ai vu avec grand plaisir que votre Section d'histoire n'a pas négligé la période révolutionnaire : beaucoup de lectures ont eu pour objet de nous faire comprendre comment fonctionnèrent dans tel département les assemblées locales créées par la Révolution; comment, au plus fort de la tourmente, nombre de localités trouvèrent moyen de vivre en plein repos; et le président de la séance, un historien d'une compétence incomparable, M. Aulard, a eu soin de faire ressortir combien «l'histoire de ces communes, dont la «vie fut normale, a un intérêt considérable pour l'histoire géné«rale de la Révolution».

«La Section d'archéologie, par delà les monuments des âges historiques, nous a fait remonter aux origines de l'industrie du fer, au développement déjà si riche de la primitive céramique, à la première lueur d'une pensée artistique chez des hommes qui se terraient dans les cavernes.

«La Section des sciences économiques et sociales a rendu de sérieux services à la politique et à l'humanité en étudiant les moyens d'enrayer la dépopulation des campagnes, les divers aspects du fermage et du métayage, la question des habitations à bon marché, la statistique et les causes de la criminalité, les oeuvres de mutualité et de prévoyance, la procédure criminelle et correctionnelle, le régime fiscal des valeurs mobilières, la condition de l'étranger en France, la réforme successorale en Allemagne, et mon attention a été particulièrement attirée par la nouveauté et la précision des procédés de critique appliqués à l'oeuvre de Jean-Jacques-Rousseau.

«La Section de géographie a soulevé d'intéressants problèmes, comme ceux qui concernent les courants de l'Océan, les îles Chaussey, les antiques forêts disparues, les pêcheries lointaines, les colonies françaises.

«Les sous-sections scientifiques ont apporté de précieuses con-


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tributions à l'étude des maladies épidémiques, des maladies parasitaires, comme à toutes les branches des sciences naturelles.

«Peut-être, parmi ces sous-sections, le principal honneur des dernières journées revient-il à celle de photographie. Ceux d'entre vous qui ont assisté à ses travaux sont encore sous la vive impression des révélations de M. le lieutenant-colonel Moëssard sur les services que rend la photographie aux sciences astronomiques, et de MM. Lumière sur les procédés qui leur ont permis de réaliser la photographie en couleurs et d'annoncer une révolution totale dans la librairie illustrée.

«Je m'arrête, car je vois que je me laisse entraîner à citer des noms, et je m'étais imposé de n'en citer aucun, pas même les noms de ceux dont les travaux ont le plus contribué à l'éclat de cette session. Pourtant, j'en citerai encore quatre, mais parce que c'est vous-mêmes, Messieurs, qui, par les présentations arrêtées dans les sections du Comité, les avez désignés à l'attention du Gouvernement.

«Comme l'année dernière, et pour les mêmes raisons, c'est-àdire parce que le contingent attribué à mon département pour les nominations dans la Légion d'honneur est épuisé depuis le mois de janvier, je ne puis aujourd'hui que proclamer ces noms, mais j'ai l'assurance que le Ministre de l'instruction publique, quel que soit l'homme qui, en juillet prochain, détiendra ce portefeuille, ratifiera ma promesse.

«Vous applaudirez, Messieurs, dès aujourd'hui, j'en suis certain, à la présentation qui sera faite alors à M. le Président de la République, pour le grade de chevalier de la Légion d'honneur, de :

«M. Edouard-Alfred Martel, membre de la Société de géographie de Paris, de la Société de spéléologie, de nombreuses sociétés savantes en France et à l'étranger, le hardi explorateur des cavernes qui, de celles des Îles Britanniques, de la Dalmatie, du Monténégro, de la Grèce, a transporté son activité et son audace à celles de l'Aveyron, de la Lozère, des Alpes; qui, de ce monde souterrain a rapporté tant de notions précieuses sur le régime et la composition des eaux, la faune des abîmes, l'humanité préhistorique et qui, hier encore, vous tenait sous le charme de sa parole si éloquente et si précise;

«M. Louis Rousselet, membre de la Société de géographie et de plusieurs autres sociétés savantes, le voyageur qui voulut revivre


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sur place l'histoire des Dupleix et des Bussy, et qui nous a donné l'Inde des Rajahs, le continuateur de Vivien de Saint-Martin dans la publication du Dictionnaire de géographie universelle, l'auteur enfin de tant de publications agréables ou utiles à la jeunesse française;

«M. Ernest Petit, président de la Société des sciences historiques et naturelles de l'Yonne, membre non résidant de votre Comité, lauréat de l'Institut, et à qui nous devons tant de travaux éminents sur l'histoire de la Bourgogne ;

«Enfin, M. Emile Delignières, président de la Société d'émulation d'Abbeville, proposé au Ministre par le comité des sociétés des beaux-arts, pour ses savantes publications sur les artistes et les monuments artistiques de la région du Nord.

«Messieurs, de cette enceinte où vous êtes aujourd'hui rassemblés, qu'il me soit permis de reporter ma pensée vers d'autres laborieux, d'autres vaillants, d'autres savants, qui s'honorent d'être vos collaborateurs dans la recherche ardente de la vérité scientifique et dans le dévouement passionné à la grandeur française ; ils travaillent loin, parfois très loin de vous, et plusieurs, en ce moment peut-être, endurent la fatigue, les privations et courent péril de la vie.

«Je voudrais vous rappeler, en quelques mots, les missions accomplies dans le courant de cette année ou que sont en train d'accomplir ces courageux Français. Ce sera pour leurs efforts une première récompense que la proclamation de leurs noms devant les représentants des sociétés savantes de la France entière.

« Parmi les nombreuses missions qui ont sillonné l'Afrique inconnue, je parlerai seulement de celles qui ont fonctionné sous les auspices du Ministère de l'instruction publique. Celle de M. le capitaine Cazemajou opère en ce moment dans le Sokoto et ses environs, et je n'en ai pas encore de nouvelles certaines. En revanche, j'ai sous les yeux les documents relatifs au voyage accompli, avec une bravoure, une endurance, une précision dans la recherche scientifique tout à fait remarquables, par M. Edouard Foa. Coupant sur plusieurs points les itinéraires de Livingstone et de plusieurs autres de ses devanciers, il a abordé l'Afrique par l'embouchure du Zambèze, remonté le Chiré, exploré à fond les lacs Nyassa et Tanganyika ainsi que leurs abords et regagné l'Atlantique en suivant le cours du Congo, ayant parcouru 10,000 kilomètres dont 6,000 entièrement à pied, rapportant des observations astrono-


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miques, hygrométriques et météorologiques qui rendent définitifs pour la science les résultats de son exploration, et enfin enrichissant nos musées de collections infiniment précieuses,

«Dans l'Afrique du Nord, il convient de signaler la continuation des fouilles du P. Delattre sur le sol de Carthage, et l'établissement d'une carte très développée de la vieille métropole punique. Je dois ici remercier MM. les Ministres de la guerre et de la marine, qui n'ont rien négligé pour aider les savants patronnés par le Ministre de l'instruction publique et par l'Académie des inscriptions et belles-lettres.

«A Madagascar, M. Guillaume Grandidier, marchant sur les traces et désireux d'accroître l'héritage scientifique de son illustre père, reprend l'exploration de la grande île et compte préciser ses recherches par des fouilles dans les gisements de fossiles.

«En Egypte, près d'Abydos, M. Amelineau, s'attaquant à de véritables collines formées par les débris de poteries antiques, y a relevé des fragments de dessins ou d'inscriptions qui permettent de déterminer ce qu'était la civilisation égyptienne sept ou huit mille ans avant notre ère.

«Je viens de recevoir des dépêches m'annonçant que M. Loret a, dans les ruines de Thèbes, retrouvé les tombeaux de deux des plus illustres pharaons : Aménophis II et Thoutmès III. C'est sur les traces glorieuses de Mariette, de Maspero et de Jacques de Morgan que marche le nouveau «directeur des antiquités égyp« tiennes».

«En effet, M. Loret a succédé en cette qualité à M. de Morgan qui, ainsi que vous le savez, va entreprendre de nouvelles fouilles en Perse, grâce au crédit de plus de 500,000 francs que j'ai obtenu du Parlement, et grâce à un traité fort avantageux conclu avec le shah et qui laisse à la France la propriété, par moitié, des objets à découvrir.

«Les dernières lettres que j'aie de M. de Morgan m'annoncent seulement la marche de 900 kilomètres qu'il vient d'accomplir de Téhéran à Suze, constamment harcelé par des tribus pillardes, rebelles au roi de Perse, et contre lesquelles notre archéologue a dû se retrancher toutes les nuits, en faisant le guet, son fusil à la main. Nullement découragé par les fatigues, les privations elles dangers, il m'informe que je puis compter — et croyez bien que je n'en ai jamais douté — «sur sa prudence et son énergie».


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«Un autre de nos missionnaires, M. Sylvain Lévi, professeur au Collège de France, explore en ce moment l'Inde et les confins de l'Inde. A Bénarès, la ville sainte des Indous, il a conversé en sanscrit avec les brahmanes qui, abdiquant tout fanatisme, l'ont traité comme lin des leurs, comme un pandit. Le Népaul, qui se ferme si jalousement aux Européens, s'est ouvert à lui; sa dernière lettre m'est arrivée de Katmandou; le maharadja lui a livré sa bibliothèque de manuscrits rares. Nous pouvons espérer de ce voyage un précieux accroissement de nos connaissances comme de nos collections.

«La mission présidée par M. Bonin entreprend un itinéraire qui doit la mener de la Birmanie au Mékong, et de Sining-fou à Irkoutsk en Sibérie.

«D'autre part, M. Chaffanjon, déjà connu pour sa mission sur l'Orénoque, à peine reposé de son voyage à travers l'Asie centrale, est reparti avec le dessein d'explorer la Sibérie, la Mandchourie et la Corée, de dresser la carte de ces pays et d'y faire des recherches d'ethnographie et d'histoire naturelle.

«Je dois rappeler que récemment une femme, Mme Isabelle Massieu, sous les auspices du Ministère de l'instruction publique, mais sans aucune subvention, a parcouru la Birmanie, les États Shang, la Mongolie, la Sibérie et le Turkestan.

«Ainsi les itinéraires français se croisent sur l'immensité de l'Asie, et nos voyageurs rivalisent de zèle avec les Anglais et les Russes, mais ne sont mus que par l'amour désintéressé de la science, tandis que nos rivaux ou alliés se préoccupent, très légitimement d'ailleurs, de leurs intérêts nationaux dans des régions si voisines de leurs possessions.

«L'Amérique n'est point délaissée par nos explorateurs, et prochainement s'ouvrira au Muséum l'exposition des collections que M. le comte Henri de la Vaulx a rapportées de son voyage à travers la Patagonie.

«Nous n'abandonnons pas non plus le sol de la Grèce où tant de découvertes, et tout récemment les fouilles de Delphes, ont honoré le nom français. Grâce à un nouveau crédit annuel de 20,000 francs que vient de voter le Parlement, le service des fouilles est assuré, et notre école d'Athènes, dont les regards sont déjà fixés sur l'île sainte de Délos, n'aura rien à envier aux missions allemandes, anglaises ou américaines.

«Les espérances que nous font concevoir les travaux de vos so-


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ciétés, Messieurs, et les hardies entreprises de vos émules en pays lointains ne peuvent nous empêcher de faire un retour sur ce que l'année écoulée, féconde et glorieuse à tant d'égards, nous a apporté de deuils et de regrets.

«Le Comité des travaux historiques et scientifiques a perdu quatre de ses membres : dans la Section d'archéologie, M. Le Blant; dans la Section des sciences économiques et sociales, M. Bufnoir; dans la Section de géographie, M. Schefer; dans la Section des sciences, M. Aimé Girard.

«Edmont Le Blant, membre de l'Institut, ancien directeur, de notre École de Rome, avait consacré sa vie à l'étude de nos origines religieuses. Son Recueil des inscriptions chrétiennes de la Gaule, qui lui valut la première médaille au concours des antiquités nationales de 1852; sa collection, commencée en 1878, des Sarcophages chrétiens de la Gaule; son étude sur Les persécuteurs et les martyrs au premier siècle de notre ère, resteront ses principaux titres de gloire et l'honneur impérissable de sa mémoire.

« Il y a bien peu de semaines que nous disions le dernier adieu à M. Bufnoir, l'un des maîtres les plus éminents qui aient honoré notre École de droit, un des collaborateurs les plus assidus de votre comité, où sa droiture de caractère et l'élévation de ses idées ont laissé un souvenir inoubliable.

«Presque dans le même temps notre Ecole des langues orientales perdait son directeur, Charles Schefer, qui, avant d'être appelé à la tête de la maison où il fut d'abord élève, exerça les fonctions du drogmanat à Beyrouth, à Smyrne, à Alexandrie, enfin à Constantinople. Il fut mêlé à d'importantes négociations : celles qui aboutirent au traité de 1856, celles qui nous valurent la colonie d'Obock; dans l'intervalle, il avait accompagné la petite armée française qui pacifia le Liban. Il était depuis 1857 professeur de persan à l'école des langues. Il possédait, dans la même perfection, l'arabe et le turc. Nommé directeur de l'École, il lui assura un nouveau local et une autonomie plus complète, y fit créer de nouvelles chaires et conférences — dont il m'a été donné d'augmenter encore le nombre— enrichit la bibliothèque, qui passa de 325 volumes à plus de 40,000, commença la série des Publications de l'Ecole qui compte plus de 60 volumes, ainsi que le Recueil des voyages et documents, enfin rédigea de sa main pour ces deux collections des ouvrages de premier ordre.


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«Le jour même où s'ouvrait votre congrès, nous apprenions la mort d'Aimé Girard, l'éminent professeur de chimie à l'Institut agronomique et au Conservatoire des arts et métiers.

«Parmi les membres honoraires du comité, nous avons à regretter la perte de Georges Ville, qui a rendu tant de services aux sciences économiques ; — de Léon Gautier, l'historien amoureux de nos institutions et de notre littérature du moyen âge, l'érudit dont les Épopées françaises furent une révélation même pour le monde savant et dont le livre sur La chevalerie et l'édition définitive de La chanson de Roland ont rendu le nom populaire jusque sur les bancs de nos écoles;— et enfin de A. Bardoux, le plus aimable et le meilleur des hommes, qui fut, comme ministre ou comme membre du Parlement, un serviteur passionné du progrès de l'instruction publique à tous ses degrés, et qui, présidant en 1878 votre congrès, définissait avec tant de justesse votre rôle. Parlant du grand effert que venait d'accomplir la France pour son relèvement intellectuel, il vous disait : « Les sociétés savantes en repré« sentent un des côtés les plus rares; l'investigation sagace et pa«tiente, l'amour profond des origines, la recherche minutieuse des «faits, tout cet ensemble d'études provinciales qui apportent les «matériaux de l'édifice ».

«Messieurs, qu'il s'agisse d'apprécier les travaux qui vous ont été lus dans ce palais de la Sorbonne, ou d'envoyer une parole d'encouragement à ceux qui travaillent et combattent loin de vous pour la même cause que vous, ou d'évoquer le souvenir de ceux que la mort a enlevés dans nos rangs, nos coeurs battent à l'unisson, émus des mêmes joies, des mêmes espérances ou des mêmes tristesses.

«Je voudrais que les étrangers qui, sur les rumeurs ou les tumultes de la rue, jugent sévèrement et jugent mal la nation française, et qui s'imaginent peut-être, pour avoir lu des articles de polémique, que ce peuple est voué à la division et à l'impuissance, je voudrais qu'ils se donnassent un moment le spectacle que j'ai aujourd'hui sous les yeux. Ils commenceraient à savoir ce qu'est vraiment la nation française, car vous, les laborieux de la science et de l'art, vous êtes ici comme la représentation et comme l'élite des laborieux de la terre et de l'atelier.

«Ceux-ci, tandis que vous accroissez le patrimoine intellectuel de la France, travaillent sans relâche à l'accroissement de sa for-


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tune matérielle. Dédaigneux des vaines clameurs, ils fécondent ces champs sous les renflements desquels vous retrouvez parfois les ossements de leurs aïeux héroïques; ils tissent, ils taillent et ils forgent; ils créent, sans se reposer, la riehesse do la patrie; ils accumulent l'épargne qui aux jours critiques la rendra maîtresse de l'heure; ils recrutent de robustes soldats ses légions; ils sont l'armée immense des bons citoyens, respectueux des lois et soucieux de l'avenir de la nation. Entre eux et vous, il y a l'air de famille et le sentiment de la solidarité dans le bien. En eux comme en vous, je salue de tout coeur la province française. Et comme c'est dans la province française que se retrouvera le congrès qui clôt aujourd'hui sa session parisienne, en vous disant merci au nom du Gouvernement, qu'il me soit permis, en tant que membre de plusieurs de vos sociétés, d'ajouter ce mot : Au revoir!»

M, de SAINT-ARROMAN donne ensuite lecture d'arrêtés ministériels décernant des palmes d'officier de l'Instruction publique et d'officier d'Académie.

Ont été nommés pour l'Histoire et la Philologie :

Officiers de l'instruction publique,

MM. DEMAISON (Louis), secrétaire archiviste de l'académie nationale de Reims, correspondant du Ministère de l'instruction publique. ISNARD (Marie-Zéphirin), archiviste du département des Basses-Alpes,

correspondant du Ministère de l'instruction publique, à Digne. l'abbé TRIHIDEZ, correspondant du Ministère de l'instruction publique, à Reims.

Officiers d'académie.

MM. D'ABZAC (Louis-Octave), membre de la Société des amis des sciences et arts de Rochechouart.

l'abbé BOSSEBOEUF, président de la Société archéologique de Touraine,

membre correspondant du Comité des Sociétés des beaux-arts des

départements. EDMONT (Edmond), membre de la Soeiété des parlers de France et de

la Commission du musée do Saint-Pol (Pas-de-Calais). LA RONCIERE (Charles DE), archiviste paléographe, secrétaire adjoint

de la Société de l'École des chartes.


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MM. l'abbé MARTIN, correspondant du Ministère de l'instruction publique, à Lyon.

le chanoine MÜLLER (Eugène-Émile), secrétaire du Comité archéologique de Senlis.

VIGNAT (Gaston), président de la Société archéologique et historique de l'Orléanais, correspondant du Ministère de l'instruction publique.


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ANNEXE

AUX

PROCÈS-VERBAUX DU CONGRÈS DE 1898.

I

INTRODUCTION AV LIVRE ROUGE DE LA VINTAINE D'ARRAS. par M. A. Guesnon.

Le Livre rouge de la Vintaine est un recueil inédit de règlements sur les manufactures de draps de laine, de sayettes et de tapisseries d'Arras au moyen âge, que des additions successives, mais non continues, ont prolongé jusqu'à la dernière période du XVIIIesiècle.

Le manuscrit, conservé aux archives de la Ville, sera décrit plus loin et prochainement publié.

Cette communication a pour objet de le faire connaître, en insistant de préférence sur les questions d'origine qui s'y rattachent.

La première nous reporte au temps des Romains; elle paraît donc sortir du cadre tracé à notre examen par la nature même du document. Mais, d'autre part, ce serait enlever, pour ainsi dire, une de ses pièces honorables au blason de l'ancienne capitale des Flandres, si, contrairement à un usage consacré par tous ses historiens(1), l'on passait ici sous silence ses premiers titres de noblesse industrielle.

( 1) 1° Ferreoli Locrii, Chronicon Belgicum. Arras, 1616; in-4°, p. 7.

2° Deslyèons (le baron), Mémoires pour servir à l'Histoire de la province d'Artois jusqu'à l'établissement de la Monarchie françoise dans les Gaules. Amsterdam, 1778; in-8°, p. 61.

3° D. Devienne, Histoire d'Artois. Cinq parties en 2 vol. 111-8°, s. l., 1784-1787. 1re partie, p. 42-43.

4° Hennebert, Histoire gén. de la province d'Artois. Saint-Omer, 3 vol. in-8°, 1786-1789, t. I, p. 214.

5° Harbaville, Mémorial hist. et archéol. du Pas-de-Calais, Arras, 2 vol. in-8° 1842, t. I, p. 37.


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Qu'il me soit donc permis dans cette lecture de les rappeler une fois de plus; je le ferai sommairement.

I

Deux écrivains de l'Histoire Auguste, Trebellius Pollio et Flavius Vopiscus, attestent qu'au IIIe siècle de l'ère chrétienne, les Romains étaient tributaires des manufactures atrébates : l'Italie importait leurs saga, Rome recherchait leurs birri; et, cent ans plus tard, on voit, dans saint Jérôme, leurs tissus mentionnés de pair avec les somptueuses étoffes de Phrygie.

Comme document complémentaire, nos historiens n'ont eu garde d'oublier le témoignage de Suidas. Notons cependant qu'il doit être rajeuni de dix siècles : en le faisant contemporain de la conquête des Gaules, on a trop visiblement cédé à la tentation de reporter au delà de l'époque historique le mystère généalogique d'une origine inexpliquée(1).

6° Dinaux (Arthur), Les Trouvères artésiens. Paris, in-8°, 1843, p. 2-3. 7° Paris (Paulin), Art. Arras dans Guilbert (Aristide), Hist. des villes de France, 8 vol. in-8°, 1844-1849, t. III, p. 313.

8° Héricourt (Achmet d'), Les sièges d'Arras. Paris, in-8°, 1845, p. 18. 9° Héricourt ( Achmet d') et Godin (Alex.), Les Rues d'Arras, a tomes en 1 vol. in-8°. Arras, 1856, t. I, p. 6-7.

10° Proyart (l'abbé), Recherches hist. sur les anciennes tapisseries d'Arras, dans les Mémoires de l'Académie d'Arras, 1863, t. XXXV, p. 146-147.

11° Van Drival (l'abbé), Les Tapisseries d'Arras. Arras, 1864, in-8°, p. 19-27. 1 2° Parenty (Auguste), Etude sur l'industrie et le commerce de la ville d'Arras, dans l'Annuaire administratif du Pas-de-Calais, Arras, 1867; in-8°, t. XVI, p. 351-352.

13° Lecesne (Edmond), notice Arras, dans le Dictionnaire hist. et archéol. du Pas-de-Calais; in-8°, 1873, t. I, p. 23.

14° Le Gentil (Constant), Le Vieil Arras. Arras, 1877; in-8°, p. 027-530. 15° Terninck (Auguste), Arras. Arras, 1879, in-4), p. 21. 16) Lecesne (Edmond), Histoire d'Arras. Arras, 1880; 3 vol. in-8), t. I, p. 18-19.

17° Boutry (Jules), Arras, son histoire et ses monuments. Arras, 1890; in-8°,

P. 8.

51° Voici ces textes, d'après les travaux les plus récents de la critique :

1° «Perdita Gallia risisse ac dixisse perhibetur [Gallienus] : "Num Atrabaticis

sagis tuta res p. est?» — Trebellii Pollionis Gallieni duo, in Scriptor. Historioe

Augustee, ed. Hermann Peter. Lipsiae, 1884, XXIII, 6, 6.

Au lieu de Atrabaticis des deux plus anciens manuscrits ( l'un du IXe, l'autre du

Xe ou XIe siècle) l'édition princeps de Milan (1475) imprime, d'après une autre

HIST. ET PHILOL. — N°s 1-2. 12


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Quelles que soient d'ailleurs les exagérations du patriotisme de clocher, malgré sa tendance habituelle à voir toute la Gaule dans les Atrébates, et à ne comprendre par Atrébates que les seuls habitants du chef-lieu de la cité; malgré l'incertitude de telle et telle leçon et l'erreur de certaines interprétations systématiques, la portée

source, trabeatis, leçon adoptée par Casaubon sous l'influence de Suidas, mais rejetée par Saumaise.

2° «Donatum est Graecis artificibus, et gymnicis, et histrionibns et musicis aurum

aurum argentum; donata est vestis serica Jam quid lineas petitas AEgypto

loquar? Donati sunt ab Atrabatis birri petiti, donati birri Canusini, Africani,

Africani, in scena non prius visae, » — Flavii Vopisci Carinus, Ibid., XXX, 20, 6.

La correction Atrabatis, au lieu de Atrabaticis donné par les diverses éditions, est justifiée par les anciens manuscrits précités. Saumaise, qui avait imprimé la leçon courante, corrigea son texte dans la note que voici : " Vopiscus in Carino birros ab Atrabatis petitos memorat, nam ita legendum.» — Cl. Salmasii Hist. Aug. Script., Paris, 1620; in-fol., p. 178, 281.

D'après le contexte, le sens de la phrase ne peut être douteux: Des Romains prodigues donnaient à des acteurs de riches vêtements, qu'on allait chercher en Egypte, en Afrique, jusque chez les Atrébates.

Ferry de Locre n'a pas compris; il a fait des Atrébates ces donateurs prodigues : Donati sunt ab Atrabatis birri, au lieu de birri ab Atrabatis petiti (op. cit., p. 7).

L'abbé Van Drival, copiant ses devanciers, s'est naturellement approprié l'erreur, mais il est allé plus loin. Après avoir cité "le don de ces birri fait par les Gaulois d'Arras à des comédiens», il ne craint pas d'altérer ainsi le texte de Vopiscus pour l'adapter à son contresens : " Donati sunt ab Attrebatensibus birri pretiosi." Puis il ajoute avec aplomb : «Ce texte est ordinairement cité d'une manière très fautive» ! (Op. cit. p. 19.)

3° Tunc [im]pexa tunica et nigra subucula vestiebaris Nunc lirais et

sericis vestibus et Atrebatum ac Laodiceae indumentis ornatus incedis. — Hieronym. contra Jovin, lib. II, ap. Migne Patrol. lat., t. XXIII, col. 315.

Ici encore il est question de vêtements de luxe fabriqués chez les Atrébates, sans doute ces mêmes birri mentionnés dans Vopiscus. Cependant, si l'on en croit James Yates, c'est de tissus de lin qu'il s'agirait. Le savant anglais traduit indumentis par "shirts», eu faisant observer que ce mot est opposé dans la phrase a subucula, et doit désigner, comme l'autre, le vêtement de dessous, la chemise de lin. Saumaise (De pallio, p. 410) dit, en effet: "Tunica lanca erat, subucula linea.» — James Yates Textrinum antiquorum, An account of the Art of Weaving among the ancients. London, 1843, in-8°, p. 34, 221, 985.

4° krpaëarixdis — Èv raïs sopraïs xai rots èistvtxlois, xaï intpàvrav npeoGéuv, èveSiovro -^nSvas xai %Xap.iSas noixlXas, àvà %pvaov xal ttoptyipas xal iXXos iras noXvrsXeis' èv Se raïs xoivaïs awoSots ZnpapireXivxs rà %pSjici as ixéXevv ArpaSauxàs àito rov %piiparos . rà yàp péXav irpov xaXovmv . il Sri fiera rpaêalas Tairais eîàDtioav %prjoôai . rpaSaïai Se Xèyovrai ai TioXvreXeïs yXapùits.

Atrabaticas. — In diebus festis et triumphis, praesentibus legatis, induebant chlamydes auro et purpura variegatas, vel alio ornatu insignes; in vulgaribus au-


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générale des témoignages invoqués n'en est pas moins incontestable : leur autorité résulte d'une impression d'ensemble.

Quant à savoir ce que furent exactement nos saga Atrebatica et nos birri, c'est-à-dire ce qui différenciait ceux-là des saga fabriqués ailleurs par toute la Gaule, même en Espagne, et en quoi ceux-ci se distinguaient des produits similaires de Canosa, de Tarente et d'Afrique, c'est un problème dont la solution technique échappera toujours aux vagues données des textes que nous possédons, ainsi qu'aux spéculations plus ou moins hasardées des étymologistes(1).

tem conventibus xerampelino colore tinctas, quas vocabant Atrabaticas ; aut quia nigrum appellabant atrum, aut quod illis una cum trabeis uti solebant: chlamydes enim pretiosae appellantur trabeoe. — Suidoe Lexicon, ed. God. Bernhardy, in-4°, 1853, t. I, col. 843.

La première partie de cette phrase est une citation dont Suidas n'indique ni l'auteur ni le pays auquel elle se rapporte. La seconde, depuis inà rov yipt!>p.aros, est une glose sur krpaëanxds, que le scholiaste n'a pas compris; il cherche à l'expliquer par les fausses étymologies atrum et rpaëaïat, trabeoe.

( 1) Le sagum ou sagus, manteau militaire emprunté aux Gaulois par les Romains, nous est connu par de nombreux textes et des représentations figurées. Voir Montfaucon, l'Antiq. expliquée, t. III, p. 31, 46, 83, 84, 91, t. IV, p. 36.

Mais on ne sait si l'épithète Atrebatica impliquait une différence technique locale, el laquelle, ou bien si elle n'était qu'une simple désignation de provenance régionale, sans caractère spécifique.

Sous les noms de birri et de chlamydes des textes ci-dessus, on comprenait toutes sortes de variétés de la lacerna, casaque ou pardessus à capuchon, qui se portait au-dessus de la toge ou de la tunique, lbid., t. III, p. 8, 15.

"Birrum et lacernam et chlamyden eamdem esse vestem, solo nomine diversam...»,

diversam...», Saumaise; et il ajoute: "Byrrus, coloris ut plurimum byrri, hoc

est russei, unde illi nomen. Nam burrurn et byrrum Latini dixere quod Graeci mvppov. Sed et cujuslibet coloris lacernas byrros etiam xara%ptionxiïs appellabant.» — Cl. Salmasii in Tertull. libr. de Pallio Notoe, p. 79, 80.

C'est ainsi que, toujours par catachrèse, le nom du vêtement passa à son capuchon, lequel s'appela birretum, d'où le «béret», la "barette», etc. Ibid.

D'après la citation de Suidas, ce qui caractérisait les birri Atrebatici, ce serait leur couleur de feuille de vigne sèche, SvpafiiitXlvov, nuance rouge foncé, entre l'écarlate et le violet: «inter coccinum et muricem», dit le scholiaste, ou, selon Ferrari, "rufus ex flavo et fusco temperatus». — Oct. Ferrarius De re vestiaria, Paris t. II, p. 57, 58.

Non pas qu'il s'ensuive que trieur couleur provenait d'un mélange de murex, de coccinum ou cochenille obtenu du coccum et d'une herbe appelée acinas", comme le dit l'Hist. d'Arras (t. I, p. 19). Où les teinturiers d'Arras auraient-ils pris ces ingrédients? Ce renseignement, d'ailleurs suspect quant à acinus «herbe», sans doute confondu avec acinus «grain», acinus cocci «graine du coccus» ou «cochenille», ne peut évidemment concerner que la pourpre italienne.

C'est aux plantes tinctoriales seules que les Gaulois transalpins empruntaient


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Ces textes — il y en a quatre, pas davantage( 1) — Henri Estienne et Du Cange, Casaubon et Saumaise, Octave Ferrari, dans son De re vestiaria, les avaient depuis longtemps signalés, discutés, annotés, on sait avec quelle compétence, lorsque, vers le milieu du siècle dernier, un membre de l'Académie d'Arras, l'avocat Camp, échevin député à la cour par les États de la province, publia, sur les anciennes manufactures de cette ville, un mémoire devenu rare, où il rassembla les doctes commentaires des princes de la critique, et les mit en oeuvre à l'appui de sa thèse sur l'ancienneté de la culture de la garance en Artois(2).

alors cette couleur, ainsi que les autres: «Transalpina Gallia herbis Tyrium atque conchylium tingit, omnesque alios colores.» — Pline, Hist. nat., XXII, 3.

Cependant il est inexact de dire avec Aug. Parenty (op. cit., 12°, p. 352) que sous Auguste «la teinture rouge se tirait essentiellement des Gaules». Strabon n'affirme rien de semblable. Pline nous dit, au contraire, que la garance cultivée en Italie était la plus estimée, et qu'on l'employait à la teinture des laines et des cuirs. — Hist. nat., XIX, 17, 1; XXIV, 56, 1.

Ajoutons enfin que le «turbato simillina mulson (et non musto) emprunté à Martial (XIV Ep., CXXXII), et inexactement répété, se rapporte à une étoffe brune de Canusium, «Canusinae fuscae», qui n'a rien à voir avec les produits atrébates.

( 1) Les références de nos historiens en signalent deux autres. D'abord une lettre de saint Jérôme à Agérucie (Migne, Patr. lat., t. XXII, col. 1057). Là on trouve, en effet, dans une longue énumération des villes sacagées par les barbares, le nom moderne d'Arras Attrebatoe, selon la remarque de P. Paris (op. cit., 7°, p. a), mais rien de ses manufactures, comme le croit E. Lecesne, op. cit. 13°, p. 2.

Il en est de même d'Aurelius Victor. Dom Devienne (op. cit. 3° I, p. 43), le confond avec Trebellius Pollio; de là, sans doute, la même erreur dans A. Dinaux (op. cit., p. 3). Le baron Deslyons, de son côté, le cite, avec d'autres témoins, à l'appui de celte opinion étrangement paradoxale, que le birrus canusinus se fabriquait dans le pays des Atrébates. — Deslyons, op. cit. 2° p. 61.

Cet appel en garantie n'a d'autre fondement que les deux passages d'Aurélius Victor relatifs à la caracalle, capote militaire gauloise, sorte de blouse adoptée par le fils de Septime Sevère et transformée par lui en tunique longue à l'usage des Romains : d'où son surnom de Caracalla. — De Caesar., XXI. Epit., XXI.

Or, en dehors de ce renseignement, on chercherait en vain dans le texte un rapport quelconque entre la caracalle et les Atrébates. Ce rapprochement forcé résulte d'inductions spécieuses, et contestables, que le P. Lucas développa en 1760, non sans quelque érudition, dans un mémoire lu à l'Académie d'Arras, dont il était associé honoraire. On en trouve une analyse dans les Mém. de l'Acad. d'Arras, t. XXXV, p. 468, ann. 1863.

( 2) Notes historiques sur l'origine et l'ancien usage de la plante de Garance en Artois, par M***, de la Société littéraire d'Arras, lues à la séance publique du 25 mars 1758 ; in-4°, 40 pages. S. l. n. d.

La première partie de ce mémoire avait été lue à la séance du 30 mars 1754.


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C'est à cette source d'érudition que notre histoire locale a puisé, s'inspirant largement des textes et des gloses réunis pour la première fois dans un travail d'ensemble sur la matière, travail auquel elle ne pouvait sans péril ajouter quelque chose, sauf des guillemets, qu'on devrait toujours voir en marge de certaines adaptations(1).

En résumé, les saga Atrebatica de l'Histoire Auguste sont la plus ancienne trace que l'on connaisse de nos «saies» ou «sayettes», de même que les birri ab Atrabatis(2) petiti, rappelées sous une autre forme par Suidas, offrent la première mention de nos « bures " ou «burats", dont le nom désignait alors les étoffes de luxe dont parle saint Jérôme.

Il est vraisemblable que la fabrication industrielle de nos tissus indigènes remontait beaucoup plus haut. Dès avant l'ère chrétienne, tout le Nord de la Gaule nous est donné par Strabon comme un pays producteur de grosses laines que le tissage transformait en «saies» communes ou sayons( 3)

Le géographe semble cependant attribuer une qualité de finesse supérieure à certaines toisons des parties les plus septentrionales,

Les développements que son auteur y ajouta lui furent suggérés par la lecture de la publication suivante :

Mémoires sur la Garance et sa culture, avec la description des étuves pour la dessécher et des moulins pour la pulvériser, par M. Duhamel du Monceau, de l'Académie royale des Sciences, etc. Paris, Impr. royale, M. DCC. LVII; 8 in 4°,80 pages et 8 planches.

( 1) Conf. Camp, Notes hist., p. 2 à 6, 9, 10, et Van Drival, op cit. 11°, pages 19, 20, 21, 24, 25, extraites presque littéralement du mémoire qui précède, et dont l'auteur n'est cité pour la première fois qu'à la page 26.

( 2) Peut-être pourrait-on voir ici, dans Atrabatis, la plus ancienne mention d'Arras sous son nom moderne, vers l'an 300. La Notitia dignitatum Imp. la désigne sous cette même forme vers l'an 400 : «Praefectus Laetorum Batavorum Nemetacensium», Atrebatis Belgicae Secundae». Un peu plus tard, saint Jérôme la nomme Attrebatoe (voir ci-dessus p. 157 n. 1 ). A de Belfort, Descr. des monnaies mérov. décrit, au n° 430, une monnaie présentant un buste diadêmé avec la légende ATflH9 ATIS ; à l'avers A^DEBAVDES, avec une croix grecque (V. Hermand Hist. mon. d'Artois, 1845, p. 473; Serrure Rev. num. 1886, p. 38.) Sur les locatifs en is des noms de peuples devenus noms de villes, voir E. Prou, Catalogue des monnaies mérovingiennes, Introd. p. LXVI.

La question de savoir à quelle date remonte le nom actuel de l'ancien Nemetacum, est ainsi tranchée par un de nos historiens : «Jules César, mort plus de 46 ans (sic) avant la naissance de Jésus-Christ, en parle dans ses commentaires et l'appelle Atrebatum(!) nom qui lui est resté.» Comment. 1. 4. — Ad. de Cardevacque Hist. de l'Admin. munic. de la ville d'Arras, in-8°, 1879, p. 2.

(3) H à epea Tpa^eia fièv axpopaAAos dé, alp «s TOUS aaasis oayovs éçofÇmvov-


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sans doute les Morins et les Ménapiens, tribus limitrophes des Atrébates. Chez eux, en effet, l'élevage rencontrait les conditions les plus favorables dans la nature du sol, surtout vers les pâtures du littoral, qui ne cessèrent depuis d'alimenter de nombreux troupeaux.

Ce n'est donc pas sans raison que, donnant une interprétation pieuse à un phénomène météorologique enregistré par les continuateurs de la Chronique d'Eusèbe, Arras verra plus tard dans cette laine tombée du ciel une manne miraculeuse providentiellement secourable à la misère des temps (1).

La laine devint en effet pour cette ville et pour toute la région

mv ots Xaivas xaXovmv. 0/ pêvrot Piepaïoi xai èv rots ■apoaëopporirois ùvaSiÇdépovs rpétyovoi tsolpvas ixavâs âaletas êpeas. — Strabonis Geographica, édit. Aug. Meineke, 1877. A. 4. 3, p. 268.

Ce passage, si important pour notre sujet, a malheureusement souffert dans la transmission. kxpéfuxXXos offre déjà quelque obscurité. 0/ (livrai Papaïoi ne se comprend guère dans le contexte. On a proposé de le rattacher à la phrase précédente. D'aucuns pensent qu'il pourrait bien avoir usurpé la place de quelque nom mal lu, celui d'une des tribus du Nord, par exemple les Morins au lieu des Romains. iiioSiipdépovs n'est pas non plus sans difficulté. Voir ces mots dans H. Estienne, Thés. gr. ling.

(1) Pline (Hist. nat., t. II, p. 57) mentionne déjà une de ces pluies de laine, Celle qui a donné naissance à la Sainte-Manne d'Arras est ainsi relatée par le continuateur anonyme de la Chronique d'Eusèbe, reproduite par Paul Orose, Cassiodore, Paul d'Aquilée, etc. : "Apud Atrebatas lana e coelo pluvioe mixta defluxit." (Migne Patr. lat., t. XXVII, col. 695.)

Dom Devienne se montre absolument sceptique à l'endroit de la Manne, inventée, d'après lui, en 1285 (op. cit., 1re part., p. 44 et 2e part., p. 152). Son contemporain Deslyons, al. Des Lyons (le baron), de l'Académie d'Arras, conteste la signification miraculeuse attribuée à la chronique; il ajoute même assez crûment «qu'on en fait accroire aux habitans d'Arras.» (Op. cit., p. 82.)

Il est certain que la cause finale du miracle imaginée après coup — sécheresse et stérilité du sol — s'accorde mal avec la tradition, constatée par l'évêque Gérard dans sa lettre à l'abbé de Saint-Vaast Leduin, de 1020 environ, à savoir, que cette pluie tomba, non pas au printemps, comme on veut le dire mais vers l'avent, et qu'elle consistait en deux viaures ou toisons de laine blanche, signe de la miséricorde céleste: «Ante adventum Domini ob signum misericordiae alba vellera duo leguntur cecidisse." — (Le Glay, Chron. de Balderic l, III. XXVII, p. 287.)

Contrairement à l'opinion hasardée de Dom Devienne, récemment reproduite, il paraît vraisemblable de rapporter l'origine de la Manne à cette date, celle de l'incendie de la cathédrale et de sa reconstruction, celle aussi de l'invention de nombreuses reliques dans le sanctuaire de Notre-Dame. (Ibid., l. II, 13, p. 330.)

Tournai eut comme Arras sa pluie de laine, mais seulement en 1497, au dire


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la source d'une merveilleuse prospérité industrielle et commerciale, dont l'épanouissement se manifestera tout à coup au XIIIe siècle, sans que la pénurie des documents permette d'en suivre, aux époques antérieures, la croissance et le développement(1).

II

Les plus anciens titres de l'abbaye de Saint-Vaast sont muets quant à l'économie rurale de leurs vastes possessions. Nous savons seulement, par un diplôme de Charles le Chauve du 30 octobre 867, que la totalité du lin récolté dans les vingt-quatre villoe assignées à la nourriture des moines et à leur entretien, et quatre cents livres de laine sur leur produit annuel étaient dévolues à la chambre, ad cameram, c'est-à-dire au vestiaire et à la lingerie; le prévôt disposait du reste (2).

Suivant la règle de saint Benoît, la transformation de ces laines devait s'opérer dans les officines mêmes du cloître, enceinte jusqu'alors sans défenses, mais que de solides murailles allaient bientôt transformer en castrum pour le protéger contre un retour offensif des «hommes du Nord»(3).

Notre marché hebdomadaire existait de temps immémorial, comme les deux places sur lequel il se tenait : le tonlieu en avait été donné à l'abbaye par Thierry, son fondateur.

de Ph. Meyer dans sa continuation des Ann. Flandr. de Jacques Meyer, Bibl. d'Arras, ms. 423, fol. 55 r° (65 r°).

(1) Le désir de combler le vide historique qui suit les invasions peut seul expliquer comment le nom d'Attila a pu être associé au souvenir de nos anciennes manufactures : c'est une réédition des caracalles. A. Dinaux, tout épris de nos anciens trouvères, avait remarqué que le minnesinger allemand, auteur anonyme des Nibelungen, parle sans cesse de robes de prix, de coussins brodés, de riches tentures. Pourquoi, pensa-t-il, Attila, le héros du poème, n'aurait-il pas emporté d'Arras ces tapis imaginaires? Et nos historiens d'emboîter le pas à cette fantaisie d'artiste! — A Dinaux, op. cit., 6°, p. 3. — D'Héricourt et Godin, op. cit., 8°, p. 7. — Proyart, op. cit., 10°, p. 147. — Terninck, op. cit., p. 21.

(2) «Linum vero omne ex omnibus villis fratrum usibus deservientibus cum lana usque ad sammam cccc librarum ad cameram venient. Si quid vero superfuerit ex lana, non ex lino, in ordinatione prepositi erit : nam linum omne volumus ut ad cameram veniat.

Outre ces vingt-quatre villoe, la charte royale en répartit dix-sept autres environ entre divers services. — Cartul. Guiman de S. Vaast, p. 42.

(3).... Officinas quod ipsum castrum capere prevaleat, secundum regulam sancti Benedicti, in eo habentes, non (ne?) sit eis necessitas foris vagare, ut idem


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De ce tonlieu nous sont parvenus deux tarifs à peu près semblables, l'un sans date, l'autre de 1087. Outre certaines matières tinctoriales telles que la cendre gravelée et le guède ou pastel, la perception portait sur les laines, les filés, les draps, les hayons des marchands d'étoffes étalés le samedi sur la place(1).

Les moines de Saint-Vaast ne suivirent pas l'exemple de certaines abbayes de leur ordre, Saint-Germain-des-Prés, Saint-Ouen, Saint-Wandrille, Fécamp, Jumièges, Fleury, ou l'industrie des laines devait prendre un développement si considérable; chez eux l'oviculture demeura stationnaire.

Deux bergeries leur avaient été données, l'une avant 1022, de trois cents moutons, par Baudouin le Barbu, au pays de Furnes(2); l'autre, d'égale importance, par le comte Robert II, à Téteghem près de Dunkerque, au rapport annuel de xxxi l. v s. et deux «poises" de fromage(3).

Ils avaient en outre, avant 1026, la mitoyenneté d'un troisième troupeau à Testerep, entre Bruges et Ostende (4), et. l'échange de

pater docet, quia non expedit animabus eorum. — Cartul. Guiman de SaintVaast, p. 55. — Diplôme du roi Eudes, du 21 mai 890.

J'ai traité la question du Castrum Nobiliacus dans les Mém. de l'Acad. d'Arras, 2e série, t. XXVI, p. 183-258. Les titres authentiques prouvent qu'il fut construit vers 885. On en prétend faire une «reconstruction», succédant à un soi-disant château romain. La valeur purement subjective de cette hypothèse archéologique est trop insuffisante pour qu'on l'admette sans preuves. — Mémoires, ibid., t. XXV, p. 83.

(1) Capitulum de consuetudinibus Thelonci. Ibid., p. 165-175.

( 2) «Terram praeter haec, quam saepedictus cornes Balduinus in Furnensi pago, pro remedio animae suae ad trecentas oves depascendas, vestrae dedit ecclesiae, nequaquam volumus omittere. — Cart. Guiman de Saint-Vaast, p. 57. Bulle de Benoît VIII, du 28 déc. 1022.

(3) Berberia que data est pro comite Rotberto, que sita est Tetingehem habet ccc oves et solvit per annum xxx libras et unam et v solidos et duas pensas caseorum, his terminis et hoc modo : in festo sancti Johannis Bapt. x libras, quas habent camerarius et thesaurarius ; in festo sancti Remigii x libras, quas habent cellerarius et elemosynarius; in festo sancte Marie candelor x libras, quas solet habere hospitarius. Viginti quinque solidi et duo pense casee (sic) solvuntur in die sancti Johannis.» — Bibl. d'Arras, ms. 624, fol. 145.

( 4) In Flandris unam berberiam et unam dimidiam in Testereph. — Cart. Guiman de Saint-Vaast, p. 60. Bulle de Benoit VIII, du 16 mars 1024. Cf. ibid., p. 94.

«Carta Philippi comilis altare de Serchingehem et berberiam de Testereth S. Vedasto adjudicantis. 1168. — Cart. Guiman, copie de l'Évêché n° 550.


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Coulemont, en 1106, leur en donna deux autres près de Bergues, de cent moutons chacun, au rapport annuel de xx l. (1).

On ne voit pas que ce chiffre, augmenté du produit éventuel des villoe, ait sensiblement varié par la suite. Il semblera bien modeste si l'on songe à l'étendue des possessions rurales de la puissante abbaye. Les cisterciens de Clairmarais, certes moins richement dotés, comptaient dans leurs bergeries plus de trois mille six cents moutons au XIVe siècle : leur domaine, il est vrai, se rapprochait davantage des prés salés de la Flandre maritime (2).

La production indigène, la laine «nostrée", comme on l'appelait, ne put donc contribuer que dans une proportion assez restreinte au développement de l'industrie textile dans notre cité.

Le facteur principal de ce progrès fut l'importation des laines des provinces limitrophes ou autres, surtout celles des pays étrangers.

III

Avant l'entrée de César en Gaule, de nombreuses colonies belges s'étaient établies dans la Grande-Bretagne. Leur principal «emporium" était Venta Belgarum, aujourd'hui Winchester. Les noms relevés sont ceux des Remi, des Morini et des Atrebates(3). Ceux-ci occupaient, vers la Tamise, un territoire compris dans le Hampshire et le Berkshire; leur capitale s'appelait Calleva Atrebatum. Les ruines en ont été récemment exhumées par les soins de la Société Royale de Londres, au hameau de Silchester(4).

Caria Gualteri, Tornacensis episc. pro Serchingehem et berberiam de Testereth. 1169. — Cart. de Saint-Vaast, codex du XIIe siècle, nos 40 et 42.

Cf. «allodium nostrum de Testrepa», Du Chesne, Gand et Guines, Preuves, p. 198 et Oostende te Strep dans Warnkönig, FI. St. u. Rechtsg. I. Carte de Flandre.

( 1) «Boinvillare et Basilica et Columbae mons, ville S. Vedasti... a Roberto comite, qui in ecclesia S. Vedasti jacet, et matre ejus Clementia, que in Avesnensi ecclesia jacet, pro quadam berquaria xx librarum cambiate sunt» Cart. Guiman, p. 397 : Charte de l'abbé Henri ; de 1106.

«Berberia quam habemus pro Columunt habet cc oves, et tenel hanc et

nepotes ejus et solvunt xx libras. Harum due partes sunt cellerarii, tercia vero pars camerarii. — Bibl. d'Arras, ms. 624 , fol. 145.

(2) Gallia Chr., III, Instr. col. 123.

(3) J. Desnoyers, Annuaire hist. de la Soc. de l'Hist. de Fr., 1861, p. 300.

(4) M. J.-V. Vaillant, dans une Note datée de Boulogne-sur-mer, le 27 décembre 1890, a rendu compte de ces fouilles à la Commission des monuments historiques du Pas-de-Calais. Cette Note est insérée au Bulletin de la Commission, t. I, IIIe livr., p. 179 (1891).


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Il existait donc, de vieille date, entre les deux pays des liens étroits de fraternité et de relations commerciales. César sut mettre cette circonstance à profit pour réaliser ses plans de conquête, en se servant de l'influence que la communauté d'origine et les rapports d'intérêt devaient assurer à Commius l'Atrébate sur les colons insulaires.

Ces relations, fortifiées par trois siècles de domination romaine, survécurent à sa ruine. Les invasions purent les interrompre temporairement, non les supprimer : après chaque avalanche, la vie commerciale suspendue reprenait avec un redoublement d'énergie, de plus en plus intense à mesure que l'envahisseur, devenant moins farouche, se laissait à son tour subjuguer par la civilisation du vieux monde.

Les Saxons et les Danois étaient des marins intrépides, leurs rapports avec les Frisons, ces entrepositaires des marchands orientaux, ne pouvaient que favoriser le progrès du trafic maritime sur les côtes de l'Océan Britannique(1).

La conquête de l'Angleterre par les Normands donna une impulsion nouvelle aux relations de la Grande-Bretagne avec la Flandre, dont Arras était alors la capitale : on sait que Guillaume le Bâtard avait épousé Mathilde, fille du comte Baudouin V et soeur du Roi de France Henri Ier.

Sous cet implacable justicier, qui avait, supprimé le brigandage et veillait à la sûreté des chemins, on vit, au dire d'un contemporain, l'importation des marchandises de l'ancienne Gaule prendre, en Angleterre, un essor inconnu jusque-là, et les Anglais eux-mêmes se plier aux élégances des modes françaises(2).

(1) « Les navigateurs entreprenans et actifs de l'Aquitaine, de la Neustrie et de la Bretagne, alloient chercher, et les habitans des îles Britanniques, de la Saxe, de la Frise, des bords du Danube, apportoient les pelleteries, les toiles, le fer, le plomb, l'étain, l'ambre et les autres marchandises du Nord, qu'ils échangeoient contre des vins et divers produits de l'industrie française.» — J. M. Pardessus, Coll. des lois maritimes, t. I., Introd. p. 61.

( 3) «His temporibus opitulante gracia Dei pax in Anglia regnabat, et securitas aliquanta procul repulsis latronibus habitatores terrae refovebat. Civiliter Angli cum Normannis cohabitabant in burgis, castris et urbibus, connubiis alteri alteros sibi conjungentes. Vicos aliquot aut fora urbana Gallicis mercibus et mangonibus referta conspiceres, et ubique Anglos, qui pridem amictu patrio compti videbantur Francis turpes, nunc peregrino cultu alteratos videres. Nemo praedari audebat...» — Ord. Vital, Hist eccl., ann. 1071, t. II, p. 214, edit. Aug. le Prevost.


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Un développement rapide de l'exportation des produits anglais devait en être la conséquence. Les laines d'outre-mer ne tardèrent pas à affluer dans les ports du littoral et sur nos marchés, tandis que nos tissus prenaient, avec ceux des autres villes drapières, le chemin des foires d'Angleterre, de Flandre, du Lendit, de Champagne et de Brie, d'où le courant commercial les emportait au delà des Alpes et des Pyrénées.

De ce grand mouvement économique date l'origine de noire bourgeoisie et l'acheminement du haut négoce à la conquête de l'influence politique. On voit, sous cette impulsion, les gens de métier se grouper, leurs confréries se multiplier, les corporations se hiérarchiser sous la guilde des marchands, guilda mercatorum, la «carité d'Arras", dont la fameuse chandelle a perpétué le souvenir(1).

Cette guilde, à son tour, se syndique avec les marchands des villes de la région, et forme avec elles une puissante association pour la défense de leurs intérêts communs : l'union drapière des dix-sept villes de la hanse de Londres(2).

A cette période ancienne et si peu documentée de notre trafic international se rattache le nom d'un de nos marchands, Martin Campion, bourgeois d'Arras, mort en 1222 (3). Il fréquenta longtemps les marchés d'Angleterre, comme on le voit par les saufs-conduits

(1) «Porro guilda mercatorum debet viginti quatuor solidos, qui dicuntur de candela, quos scabini solvunt. Quando mercatores ad suam consident caritatem, si cellerarius vel thesaurarius illuc mittunt, uterque ex consuetudine debet habere dimidium vini sextarium.» — Cart. Guiman de Saint-Vaast, p. 191.

«Cascune carge d'avoir de pois, porouec qu'ils aient lettres : xvi deniers sor soumier, pour que li avoirs soit à bourgois de le carité d'Arraz manans dedens les murs.» Tarif du Tonlieu de Bapaume dans Tailliar. Recueil d'actes, p. 32 (fautif) et dans J. Finot, Etude hist. sur les relations comm. entre la France et la Flandre; in-8°, 1894, p. 154.

Ce texte de Guiman montre qu'en 1170 les intérêts de la guilde des marchands se confondent déjà avec ceux de la commune. V. Sigill. d'Arras, in 4°, Introd.

p. XIII.

(2) Roisin, Coutumes de la ville de Lille, p. 151 à 153.

( 3) Extraits des Rotuli litterarum patentium :

1° «Rex etc. omnibus etc. Sciatis quod dedimus licenciam Martin. Campin., mercatori de Atrebato, quod salvo possit venire et redire, vel homines suos mittere cum dominicis rebus et merchandisis suis, et negociari per totam terram nostram etc. usque ad festum S. Michaelis, anno etc. VII°. Et prohibemus ne quis ei vel suis injuriam faciat vel gravamen. —T. Saherus de Quency,— XIII die aprilis anno, etc. VI°.»

[13 avril 1205. — Vol. I, pars. I, p. 52.]


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qu'il obtint du roi Jean sans Terre dans les premières années du XIIIe siècle(1).

D'après le portrait qu'en a tracé Guillaume le Breton, dans sa Philippide, la caractéristique de nos familles bourgeoises d'alors était l'àpreté au gain, la soif de l'argent, l'usure :

Atrebatumque potens, urbs antiquissima, plena Divitiis, inhians lucris et foenore gaudens.

Ce fut cette aristocratie mercantile et financière qui obtint de Philippe Auguste, avec la grande charte de 1194, le privilège d'un échevinage désormais électif et périodiquement renouvelable, assisté

2° «Martinus Campio de Attrebato habet litteras domini regis patentes quod possit salvo et secure venire in Angliam ad debita sua perquirenda, et redire, usque ad mediam Quadragesimam, anno, etc. VII°."

[Ibid., p. 67.]

3° «Rex omnibus, etc. Sciatis quod ad petitionem dilecti nostri S. comitis Winton., concessimus Martino Campion, mercatori de Attrabato, licenciam et salvum conductum veniendi et morandi in terra nostra Anglie cum rebus et mercandisis suis, ad fidem nostram quandiu nobis placuerit , IX sept., regni nostri x°.»

19 sept. 1208. — Ibid., p. 86.

4° «Rex omnibus etc. Scialis quod recepimus Martinum Campionem, civem Attrabatensem, in protectionem et defensionem tanquam dominicum mercatorem nostrum, et omnes homines, res et mercandisas suas; et concessimus quod ipse et sui eant et redeant salvo et secure, cum rebus et mercandisis suis, et negocientur per totam terram nostram, faciendo modo rectas et debitas consuetudines. Ita quod securitatem facial in adventu et recessu suo quod homines sui sint cum mercandisis suis et quod non nisi sua propria advocabit. Et ideo vobis precipimus quod ipsum et omnes predictos homines suos presentes litteras deferentes et omnia sua protegatis et defendatis, nec ci vel suis faciatis vel fieri permittatis injuriam vel gravamen, et si quid eis forisfactum fuerit, id eis sine dilacione faciatis emendari. — Apud Notingh. III° die decembr., anno regni nostri x°.»

[ 3 déc. 1209. — Ibid., p. 88. ]

(1) Le sauf-conduit suivant constate les relations commerciales d'Arras et de cinq villes voisines avec la Rochelle :

«Rex etc. majori et communie de Rupella etc.

. . . Idem volumus quod faciant et sub eodem conductu nostro et in eadem pace nostra eant et redeant mercalores de sex villis Flandrie, scilicet de Sancto Audomaro, de Attrebato, de Ypra, de Brugis, de Insula, quamdiu fuerint in co statu quo modo sunt, et ad fidem nostram.. . Apud Winton. I die januarii.» [1 janv. 1209. — lbid., p. 91.]


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d'un conseil administratif de douze membres, c'est-à-dire une sorte d'autonomie tempérée, sous l'autorité des officiers du roi.

Le tableau que présente à nos yeux l'organisation de la commune donne l'impression d'une vaste usine : la cloche du beffroi sonne l'ouverture des ateliers, l'heure du repas, la cessation du travail, l'extinction des feux.

Les corporations de métiers, nos «gueudes", fonctionnent sous l'autorité, la direction, la réglementation et au profit de quelques familles patriciennes, où se recrutent l'échevinage et le conseil, familles qui ont accaparé depuis longtemps le commerce des laines, l'exportation des draps et les lucratives opérations du change.

De même que dans la hiérarchie féodale et politique, depuis le roi jusqu'au bourreau, depuis le maire jusqu'au « tue-kien", la clef de voûte de cet édifice est le serment à tous les degrés : serment civique, qui solidarise la bourgeoisie haute et basse; serment corporatif, qui enchaîne le serf industriel à sa tâche; serment administratif, qui en assure le contrôle et l'exécution(1).

Juges souverains de l'association, au civil comme au criminel(2),

(1) Nous avons imprimé le Livre aux Serments de l'échevinage à la fin du volume de Documents de notre Inventaire chron. des Chartes de la Ville d'Arras (1859-1862), dont le volume d'analyses n'a pas paru. Au commencement du Livre rouge de la Vintaine on trouve les serments des métiers de la draperie, qu'on y a ajoutés postérieurement.

Dans l'un comme dans l'autre de ces recueils, certains offices inférieurs ne sont pas représentés, leur serment rentrant, par analogie, dans l'une ou l'autre des formules inscrites. Mais aucun office n'échappait à cette obligation, pas même les lieurs et cordeurs de draps, à plus forte raison les auneurs, les hostelains, les courtiers, etc.

Le «tue-kien» communal, qu'on peut considérer comme placé au dernier échelon de la hiérarchie — encore que sa fonction fût loin d'être une sinécure — prêtait le serment, non compris au Livre, «qu'il ne tuera que kiens truans, et bien et loialement il les tuera, sans prendre aucun pourfit de respiter ent aucun.» — Arcli. comm. Reg. mém. III, fol. 92 v°.

(2)M Au criminel, leurs sentences étaient, exécutoires nonobstant appel en cas de flagrant délit ou d'aveu, comme on le voit par un important arrêt du Parlement de 1286, extrait d'un registre aujourd'hui disparu des Olim, à la requête de Jean Carbonnel, procureur d'Artois, et sur les diligences de Jean Duret, solliciteur du Duc de Bourgogne à Paris en janvier 1497 :

«Ordinatum fuit quod reciperentur appellationes in causis criminalibus, tam super (ondempnacione quam super absolucione. Sed ubi confessus fuerit de crimine et condempnatus, vel ubi erit captus in ipso maleficio, poterit sentencia condempnacionis mandari execucioni. Et in causa appellacionis excusabitur judex a quo


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les échevins — banquiers et marchands — en sont en même temps

les gérants et les commanditaires.

Dans leurs conflits perpétuels avec l'Eglise, hostile à l'usure par état, jalouse avant tout de ses privilèges, c'est aux foires que l'excommunication va les atteindre — in nundinis(1).

Le Livres de jostice et de plet nous raconte que le maire d'Arras étant mort, une partie du corps électoral, alors en marchandise, demanda au roi l'ajournement de l'élection jusqu'à son retour (2).

Le roi rejeta la requête; il pouvait, en effet, paraître excessif de soumettre l'élection au bon plaisir de bourgeois partis, soit en

crit appellatum, si probet aliquem casum predictorum. In aliis casibus oportebit supersederi execucioni.» — Inter arresta expedita Parisius in parlamento, anno Dom. M° cc° octogesimo sexto circa Penth. Ainsi signé : Coll° facta est, Reynaut. (Extractum a registris curie Parlamenti.)

Arch. du Nord, Reg aux Ch. 1498-1506, fol. 131. — Arch. comm. d'Arras, Reg. mém., XI, fol. 26 v°.

( 1) «Cum enim dicti scabini a nobis contumaciter recessissent... lam ipsos quam alios scabinos ipsis immediate de novo substilutos. . . per totum Alrebatensem diocesim, et in nundinis omnibus cum eis contractus ineuntes vel alio quolibet modo cis scienter communicantes excommunicari fecimus.» Cartul. Guiman, copie de l'Évêché. — Pièces de procédures transcrites en tête du manuscrit, § 6, Aggravatio sententiae, novembre 1222.

( 2) «Quant li meres d'Arraz fut morz, dix des plus riches homes de la vite, qui estaient hors de la vile, mandèrent as autres borgois de la vile, par certain message, qu'il ne nonmassent nule autre persone jusque il [y] fussent. Porquoi li borgois qui estoient présent, asignerent terme, segont la commune (coutume) dou pais, à cels qui n'y estoient mie, et qu'ils venissent à faire le eslection; et demandèrent le roi savoir se li lointain devent estre atendu? El li rois respont qu'ils eslisent, et quant auront esleu, qu'il li presentent l'eslection, et li confermera comme rois.

Entend que (qu'en) eslection de meor de borgois «tant lonctens (lointains) ne devent pas estre atendu; car demore est molt sospeceneuse et domageuse es eslection; et aucun aporte auscune fois les fez à deus persones.» — Li Livres de jostice et de plet, Ed. Rapetti (1850), p. 33, § 17.

Il a déjà été question du maire d'Arras dans cet ouvrage, p. 13, § 1, à propos d'un ensaisinement,

La mairie d'Arras était un office féodal, mouvant du roi avant 1236, ensuite du comte, auquel il fit retour, on ne sait ni quand ni pourquoi. Après l'avoir tenu assez longtemps dans sa main, Robert II l'inféoda de nouveau en 1272.

L'élection ci-dessus n'a pu se faire que pendant une vacance du fief; or l'intervention du roi semble en reporter la date, et par conséquent celle du Livres de jostice et de plet, avant l'avènement du comte Robert Ier, tout au moins à l'époque de la minorité de Robert II.


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Lombardie vendre leurs draps, soit en Angleterre acheter des laines(1).

L'un et l'autre commerce en supposait un troisième, celui de l'argent, la banque. Ils alternaient souvent dans la même famille : le père était drapier, le fils usurier, ou réciproquement, sinon tous les deux à la fois (2).

Dans la collection de nos satires artésiennes, d'un intérêt si vif pour reconstituer la physionomie de notre société au XIIIe siècle, mais si énigmatiques dans leurs allusions personnelles, et si difficiles à dater, il en est une qui trouve ici sa place tout indiquée; on peut l'intituler : La laine h ma tante (3).

«Ma tante», c'est l'Angleterre; elle a vendu des laines à nos bourgeois d'Arras, qui ne veulent pas payer. Le jongleur, son soidisant neveu, vient de passer la mer pour recouvrer ces créances. Il s'annonce ainsi :

Biau signeur, je ne sui ne sorciers, ne devins, Semoneres de cors, ne crieres de vins; Ains sui li mervilleus, cil qui dist les mervelles : Por çou me mande on as festes et as velles. Je di si grans mervelles, por gens esmervillier, C'on doit bien une nuit por mi oïr villier, Saciés que je sui nés là outre en Engleterre; Ça outre sui passés por paor de la guerre.

( 1) Raisons alléguées par l'abbaye de Saint-Vaast, en laaa, dans le procès intenté par elle à Nicolas Morteanguille, Jacques Esturion et Jean Huquediu, marchands et bourgeois d'Arras, se prétendant à ce titre exempts du tonlieu de leurs draps sur le marché d'Arras :

«Item adversarii emunt in foro nostro, non ad usum civilatis suae, sed ut exportent et discurrant per nundinas longinquas et per Lombardiam ; unde, quantum ad taies negociatores, reputandi sunt quasi extranei mercatores; et sicut solvunt consuetudines aliorum mercatores, sic et consuetum theloneum in mercato nostro tenentur solvere.» (Cartulaire Guiman, copie de l'Evêché. — Pièces de procédures transcrites en tête du manuscrit n° 69, § 1er : Rationes super consuetudine Flandrioe.)

On voit, par un passage de ces plaidoiries, que les marchands d'Espagne et de Lombardie fréquentaient le marché de cette ville :

«Pari enim racione teneremur probare institutionem thelonei ad Lumbardos et Hispanos, vel quoscumque mercatores debere extendere, quod probare non tenemur.» (lbid., n°60, § 2. Positiones.)

(2) «Filius mercatoris quandoque non est mercator sed usurarius, et e converso.» (Ibid., n° 69, § 2 , Rationes.)

( 3) Bibl. nat., ms. fr.IV. 12615, fol. 209 v°.


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S'ai une miue antain, qui ça m'a envoie Por requerre une dete, mais on li a noié. Bien a passé trois ans, viegne à le Mazelaine. C'on li doit à Arras quatorze sas de laine.

Alors commence le défilé des débiteurs récalcitrants. Vingt-deux noms de notre aristocratie marchande figurent dans celte revue humoristique, entre autres Henri Huquedieu(1), de l'une de nos familles les plus marquantes du XIIe siècle. Elle possédait dès 1170 un manoir au bas de la rue de l'Abbaye, près du Crinchon(2).

Or me covient là jus en l'Abie avaler ; A Henri Huquediu me convenra parler. Se Dex ne li aiue, il ert mors aparmain : Il a le plus naiue de le laine m'antain, Bien en peut faire cape, por çou qu'il est capés : Mais encor n'est-il mie de me rime escapés, Se je n'ai cele cape qu'il m'a pièça pramise : Je croi qu'ele est de bure, si est toute remise.

Ce dernier vers avec sa double équivoque sur "bure», étoffe, qui s'entend aussi beurre, et sur "remise», qui veut dire à la fois retardée et fondue, fournit un échantillon de ces « rébus de Picardie», ou calembours, qui valurent aux habitants d'Arras l'épithète courante de «bordeor» et de «hauguigneurs» (3).

( 1) Ce Henri Huquedieu, qui ne voulait payer ses laines d'Angleterre, ni en argent, ni en nature, eut maille à partir avec l'inquisition. Dénoncé pour avoir mal parlé de la foi, il fut cité devant le terrible frère Robert, qui comburebat hereticos. Il n'eut garde de comparoir, et fut excommunié par contumace. Avril 1244. (Godefroy, Inv. des chartes d'Artois, n° 169. — J.-M. Richard, Inv. somm. du Pas-de-Calais, série A, t. I, p. 18, col. 2. — Cf. Le Nain de Tillemont, Vie de Saint-Louis II, 290.)

Sur les Huquedieu du XIIe siècle, voir nos Orig. d'Arras et de ses institutions. Arras-Ville, I, 1896, p. 48 et 71 du tiré à part (Mém. de l'Acad. d'Arras, 2e série, t. XXV, p. 228, 251.)

En mai 1257, Robert Crespin, fils de feu Robert, acheta de Henri Hukedieu la part de Wautier Mulet dans les moulins de Méaulens, à charge de l'usufruit de OEdain Mulete, sa mère. (Arch. dép. Saint-Vaast, Chirog. orig.)

( 2) Sequitur molendinum de Alluenth. Domus Sawalonis Hucdeu. (Cartulaire Guiman, p. 201; cf. p. 221, 227, 228, 234, 235.)

( 3) Le 18 mai 1743, l'Académie d'Arras, consultée sur le sens du sobriquet li bordeor d'Arras «ne le crut pas susceptible d'une dissertation, dit le procès-verbal, ni de remarques de sa part». — Cette fin de non-recevoir, quelque peu guindée,


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La satire ne s'arrête pas là; elle prend à partie le maire d'Arras et sa famille :

Se li maires d'Arras fust ne fols ne estons(1), Saciés que ses parens j'es i mesisse tous; Qu'il en i a de teus, qui sont de se lignie, Ki tinrent a m'antain pièça grant compaignie De le laine d'Escoce et de celi de Wales : Me sire Bauduins et me sire Sawales, Cascuns d'eus en a bien, je quit, piere et demie, Mais par lor grant orguel paier n'en voelent mie.

L'Eglise elle-même n'est pas épargnée; un de ses hauts dignitaires trafiquait, paraît-il, de compte à demi avec les gros bourgeois :

Je croi l'archediaques, qui sire est d'Ostrevant,

A part a cele laine ; à lui m'en vois clamer.

S'il cuke de se corne, nul ne l'en doit blasmer,

K'ainc mais ne vi bernart ne mouton si cornu( 2) ;

Je croi de grant sience a il tout son cors nu...

Par son allusion à la guerre, l'auteur paraît avoir écrit en 12 58. Cependant d'autres éléments synchroniques fournis par l'ensemble des personnages cités, joints à la désignation assez transparente de

laisserait croire que, par suite d'une fausse analogie, on aurait vu dans ce mot une imputation de mauvaises moeurs, ce qui n'est pas.

Ce dicton du XIIIe siècle, se trouve dans les proverbes transcrits par La Curne de Sainte-Palaye à la fin de son recueil de Poésies mss. avant 1300, t. IV, p. 1651. (Bibl. de l'Arsenal, n° 3102). Crapelet l'a reproduit dans ses Proverbes et dictons populaires. Le mot bordeor signifie «conteur de bourdes, trompeur, farceur», et devient synonyme de «jongleur» pris en mauvaise part. — Voir les exemples dans les Dictionnaires de La Curne et de Godefroy.

«Ceux de la ville d'Arras en Artois, dit Brantôme, ont esté de grands causeurs de tout temps, et les appeloit-on hauguineurs, et font rencontres qu'on appelle des rébus d'Arras.» (Capit.fr., t. II, p. 130.)

«Hauguineur», qu'on écrit aussi «hoguineur», voudrait dire, d'après La Curne «importun, fatigant»; mais on ne trouve ni exemple, ni dérivation qui justifie l'hypothèse. N'y aurait-il pas là plutôt une transcription fautive de engigneur, mal saisi par une oreille étrangère au dialecte picard? On rentrerait ainsi dans le sens exact de bordeor.

(1) Je comprends : ne fust fols ne estons. — «Si le maire d'Arras n'était stupide et fou, sachez que je lui enverrais tous ses parents.»

( 2) Bernart, surnom de l'âne, synonyme de «cornart», sot, niais. — Voir Du Cange, v° BERNACUS et BERNARIUS.

HIST. ET PHILOL. — Nos 1-2. 13


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Bernard, archidiacre d'Ostrevant, permettraient peut-être de reculer cette date vers 1242 (1).

En tout cas, on voit que les satires du temps trouvaient déjà une abondante matière dans l'avarice et la sotte vanité de nos bourgeois enrichis. Pour en généraliser l'intérêt, il ne manque qu'un commentaire à ces manifestations de l'hostilité dû «commun» contre les parvenus de la laine et de la finance. Ce commentaire n'est pas sans difficultés : c'est là l'obstacle qui en a jusqu'ici retardé la publication.

IV

Nos anciennes confréries ont à peine laissé trace de leur existence dans les documents du XIIe siècle. En dehors de la guilde des marchands, avec son maire et ses privilèges, on y relève seulement celles des meuniers, des boulangers, des bouchers, des mégissiers, des lormiers, des cordouaniers, des sueurs, des monnayeurs, des parmentiers et des tondeurs de draps (2).

Aucun renseignement ne nous est parvenu sur leur organisation religieuse, ni sur leur condition civile et économique. La police générale de ces corporations rentrait vraisemblablement dans les attributions du châtelain, qui, comme on sait, percevait le tiers des amendes. Aussi les bans de police échevinale, publiés à la bretêque de la ville (3), l'étaient-ils encore en son nom, longtemps après

(1) Nous ne connaissons aucune mention de l'archidiacre d'Ostrevant Bernard, antérieure à octobre 1244. (J.-M. Richard, Inv. somm., série A I, p. 18, col. B.) — Le même inventaire le cite de nouveau en août 12454, p. 19, col. B et en février 1248, p. 20, col. B. — Godefroy, Inv. de Fl., le nomme en juillet 1245, n° 344 et en avril 1347, n° 892.

Entre 1239 et 1253 nous n'avons relevé jusqu'ici aucun autre archidiacre d'Ostrevant. A cette dernière date on trouve Wautier de Gant.

(2) Cartul. de Guiman, p. 191, 332, 335.

(3) D'après M. Ad. de Cardevacque (Les Places d'Arras) p. 376, cette ancienne bretêque se trouvait au coin de la rue de Justice, n° 76. C'est une erreur : tous les documents la placent à la maison de la Bretêque, n° 68, comme l'indique ce nom. Dans le bas était la halle aux chausses; le haut servait de salle de jeu aux bourgeois notables qui cultivaient le brelan. (Arch., com., Mém., III, fol. 111.) L'auteur intervertit d'ailleurs l'ordre chronologique des deux premiers propriétaires qu'on lui connaît; de plus, il transpose les maisons qui lui étaient oontigues. Les Turpinés, placés indûment au n° 66, doivent être reportés au n° 70, à côté des Cappellés, et, réciproquement, la maison juxtaposée par erreur aux Cappellés doit venir séparer la Bretêque de la Baleine, n° 64. Celte maison intermédiaire s'appelait, au XVe siècle, Les petits Barrais, (lbid., Pap. aux ouvrages, 1464-65, fol. 5re)


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que l'institution d'un bailli royal eut fait de son office une espèce de sinécure féodale, en le réduisant à la garde de sa prison ( 1)

A Saint-Omer, au contraire, on voit au XIVE siècle que le châtelain continuait d'intervenir effectivement dans le fonctionnement de certains corps de métiers (2).

Ceux dont le Cartulaire de Saint-Vaast nous a fourni l'énumération précédente permettent de conclure par analogie à l'existence de bon nombre d'autres que Guiman n'a pas eu lieu de citer isolément; une mention en bloc les y laisse deviner(3).

Cependant la communauté des foulons, au moins contemporaine de celle des tondeurs, ne se révèle historiquement qu'en 1216, dans un acte d'affranchissement de certaines redevances auxquelles ils étaient tenus envers Gilles de Beaumetz, châtelain de Bapaume (4).

A son tour celle des tisserands, non moins ancienne assurément que les deux autres, apparaît pour la première fois en 1232 à l'occasion d'un conflit à main armée entre les moines de Saint-Vaast et les chanoines de la cathédrale. Le sujet du litige était un repo(

repo( La plus ancienne mention d'un ban publié à Arras se trouve dans le dispositif d'une charte de Baudouin à la Hache notifiant un jugement de la cour de Flandre rendu dans cette ville en 1115 : «Precepi, et preceptum présentions et futuris in memoriam reservandum scribi et eciam in pleno foro sub banni nomine declamari jussi... » Cart. Guiman, p. 333.

L'assemblée du peuple se faisait, soit en frappant sur la bretêque avec un maillet de bois, soit au son du cornet. Le bassin, dont le trompette de ville se sert encore, se rencontre en 1642.

Le crieur commençait par le sacramentel : « Oyez ! — Je fais le ban de par le chastelain, le maire, les eschevins de la cité et les hommes de la ville», etc.

Certains bans étaient publiés de par la Vintaine, soit devant sa halle qui avait très vraisemblablement une bretêque, soit au Marché au Filet (Filé).

Sa lecture faite, le crieur disait : «N'i a plus, or poés huer.» Et la foule de huer. Aussi les bans s'appelaient-ils des «hués», comme on le voit par l'article 121 du Concordat de 1735 entre Saint-Vaast et la Ville : «Les officiers et sergeans qui feront de la part des eschevins les bans et proclamations appelés hués. .. ». — Cf. Le jus de saint Nicholai dans Montmerqué et F. Michel, Théâtre fr. au moyen âge, p. 167.

( 2) Arch. de Saint-Omer, Manufactures CXXXIV, Ordon. de la draperie, s.d. XIVe s.

( 3) «Multae furrunt hujusmodi caritates; sed quod in aliis refrixit in his viget. » (Cart. Guiman, p. 191.)

( 4) «Item, une petite lettres en latin scellées des seaux de Gilles, castelain de Bappalmes et de A. sa femme, en lache de soie vermeille et cire verde en datte de l'an 1216, par lesquelles ils quittent certaines redebvances annuelles que leur estoient dues par les foulons d'Arras. — Signées au dos : O. (Invent. ms. de 1598 et de 1669, Arch. com. — Titre perdu.)

3.


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soir élevé par ceux-ci sur le tréfonds de l'abbaye, pour y exposer publiquement leur grande châsse.

Les moines ayant aussitôt démoli cet édifice de feuillages, les chanoines firent dresser sur son emplacement la tente de guerre des tisserands d'Arras, tentorium textorum Atrebatensium. Le pavillon de la guilde fut leur sauvegarde ( 1)

Dix ans plus tard, cette même corporation reparaît dans nos chartes : elle y fait l'objet d'une transaction par laquelle la ville s'engage à payer au comte Robert la somme énorme de 12,000 livres parisis, tant pour les amendes que pour la gueude des tisserands, et pour la Vintaine : pro emendis... et pro gueuda textorum, que quitat et de quibus nos in pace dimittit, et pro costuma que Vintena vocatur(2).

On se demande quelle prévarication avait pu motiver une pénalité semblable; le texte ne le dit pas, et nous ne connaissons rien qui puisse suppléer à sa concision énigmatique.

Peut-être faut-il entendre par gueuda textorum quelque assemblée illicite et tumultuaire de la guilde, un de ces soulèvements —"takehans» ou « coquerulles» — dont nos villes drapières furent plus d'une fois le théâtre : on sait que les tisserands étaient toujours en tête du mouvement.

Les satires artésiennes signalées plus haut nous ont précisément conservé le souvenir d'une de leurs prises d'armes. C'est un poème burlesque, sorte de parodie des chansons de geste, écrite en un français flamingant — pour ne pas dire flamingué — outrageusement travesti, farci d'équivoques, où le jongleur nous raconte les préparatifs d'une expédition des tisserands d'Arras contre le château de Neuville.

La banclocque sonne, l'ost est crié par les rues. A cet appel accourent en foule les Flamands des bas quartiers; Simon Banin les harangue; les paladins de la navette revêtent l'armure et montent en selle; 3,000 communiers marchent à la suite du châtelain Hugues précédé de son ménestrel Grardin ( 3) et de son sergent Wautier

(1) Voir à ce sujet, sur certaines divergences de fond et de forme, le Bulletin de la Comm. des mon. hist. du Pas-de-Calais, t. I, 5e liv., p. 303 et 307.

( 2) Invent. chronol. des chartes de la Ville d'Arras, vol. : Documents (seul imprimé, et inachevé), p. 36, et note p. 37.

(3) Ce personnage est connu; son nom figure dans un compte inséré au t. XXII du Recueil des histor. de France, sous le titre Itinera, dona et hernesia anno


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Naimeri, qui porte «l'oriflamme»(1). Et maintenant, à l'assaut du château ! Sus aux usuriers !

Si que de grand bailon nous puist tos savoir gré. Wi ce jor ert l'honeur de tisterant sauvé; Ces useriers poiant ert arriere boîté(1).

Quels usuriers? Pourquoi cette chevauchée et contre qui? Arsin, abatis judiciaire, ou représailles communales? C'est une énigme. L'intervention du châtelain Hugues devrait en faire reporter la date avant 1222, au temps du grand bailli Névelon; mais est-elle historique? La satire ne s'abrite-t-elle pas derrière un anachronisme?

Quoi qu'il en soit, tous les détails de la scène rappellent la topographie d'Arras : la porte Méaulens, la Poterne, le Pré, le Jardin, la paroisse Sainte-Croix et sa première confrérie de tisserands. De frere de saint Jake à ce caperon grant(2).

C'est donc sans raison plausible que Victor le Clerc, en insérant dans l'Histoire littéraire de la France des extraits de cette bouffonnerie héroïque, a cru y voir un souvenir de l'insurrection de Bruges en 1301, et reconnaître dans notre Simon Banin le chef des tisserands révoltés, Pierre de Coninck(3).

D'autre part, l'identification hasardée par le savant français est certainement étrangère aux motifs qui ont conduit Aug. Scheler à publier in-extenso cette burlesque chevauchée; car, s'il en place la scène en Flandre, il lui donne pour acteurs des «villageois flamands», et pour objet «l'honneur du grand bailli Tisteran(4)"!

M. c. XIXIX, p. 597 : «Girardus, ministerellus castellani Attrebatensis, de dono XX sol. ad Gisortium». — Notre châtelain était alors Baudouin, fils de Hugues.

(1) Et Wautier Naimmeri, qui fat de bon sargant,

Il porte un lariflume van de ven desploant, Et Grardin le kiiere (te crieur) qui l'aloit tuletant (trompetant).

Ce sergent est cité parmi les détenteurs de La laine à ma tante :

Nis Wautier Naimmeri n'i ruis jou déporter,

S'il ne fait cele laine en maison raporter ;

Ja por sen bastoncel ne tairai ne li rueve.

As cipaues (grimaces) qu'il fait me mostre bien et proeve

Qu'il a de cele laine assés plus d'un pezon :

J'en ai le contrepois deriere no lexon.

(2) Sur la fondation de la chapelle Saint-Jacques en Sainte-Croix et le renouvellement de la confrérie à la fin du XVe siècle, voir Bull. de la Comm. des mon. hist. du Pas-de-Calais, t.1, p. 158.

(3) T. XXIII, p. 493-501.

( 4) Trouvères belges (nouvelle série), Louvain 1879. N° XIV et page 351.


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La vérité est que les «gueudes" d'Arras n'avaient pas attendu l'exemple des Flamands pour manifester leur turbulence :

En 1253, la veille de saint Nicolas en décembre, on avait dû interdire leurs réunions par mesure de sécurité publique(1).

En 1285, dans des circonstances semblables à celles qu'on a déjà vues, c'est-à-dire à l'occasion des reliques exposées sur la Petite-Place par les chanoines de la cathédrale, un soulèvement populaire éclata. Les séditieux, s'emparant des bannières chez les mayeurs des gueudes, firent appel à leurs confrères, parcoururent la ville en criant : «Mort aux échevins!» ameutèrent la populace, enlevèrent la châsse de son reposoir, la promenèrent, et la reportèrent violemment à l'église Notre-Dame, non sans l'avoir brisée(2).

(1) Bibl. d'Arras. Chron. ms. de Cl. Doresmieux.

( 2) Arrêt du parlement de 1286 dans les Olim., t. IL, p. 245. Voici un document original inédit relatif à cet événement :

«Che sunt les besoingnes d'Arras. — Item dou castelain d'Arras que l'en tient son cors en le prison de Bapaumes et sa castelerie saisie pour v hommes qui escapé li sont de sa prison, qui estoient en cas d'avoir les testes caupées, u de estre traîné et pendu si comme auchun de leur compaignons avoient esté, par ce k'il avoient pris, il et leur aide, u Petit Marchiet, à la foiellie, la fiertre N. Dame, et l'emportèrent en Cité, en mal et en torblement de la vile et en destorbement de la vile et de la justice monsgr le Conte, et prisent les banières chiés les maieurs des geudes et coururent par la vile banières desploiies, et crièrent à la mort contre eschevins et contre les riches hommes, et les vaurent ochire et assalirent, et prisent les clés des portes et les freinèrent, et crièrent leur ban; des quels on a caupé testes et trainés et pendus et de cheus qui sunt escapé li castelains ne veut respondre avenant, ains s'est mis em plait ordené en le cort Mgr le Conte sour ce.» (Bibl. nat., Rouleau, Artois, IV. Colbert. Fland. 187.)

Mairiaus, Jehan de Biaumés et un troisième «prins à le cambe de Puigniel. On dissoit qu'il avoient esté à reuber le fiertre N. Dame d'Arras ou Petit Markiet.» (Archives du Pas-de-Calais, Rouleau, s. d., 1286. )

Notre histoire locale a singulièrement interprété les diverses circonstances de ce soulèvement populaire. Elle nous parle de bannières de la ville foulées aux pieds, de chefs de la révolte réfugiés dans la ville haute, de reliques promenées processionnellement pour calmer l'effervescence, enfin d'émeutiers trouvés ivres-morts dans la cave aux vins de l'échevinage I

Tous ces récits sont purement imaginaires. Le dernier est une création de Harbaville, adoptée de confiance par ses successeurs, bien qu'elle n'ait ni fondement, ni vraisemblance historique. C'est, en effet, plus de deux cent cinquante ans après cette date, que les échevins s'imaginèrent de faire vendre du vin en détail, à leur compte, au célier du nouvel hôtel de ville. Il n'exista jamais de cave semblable dans l'ancienne halle échevinale.—Voir Harbaville, Une émeute en 1285 dans les Mém. de l'Acad. d'Arras, 1845, t. , p. 352. — D'Héricourt et Godin , Op. cit., p. 55. — A. de Cardevacque et A. Ternink, Hist. de l'abbaye de Saint-


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Comme on le voit, la bannière de la confrérie religieuse servait à la fois de signe de ralliement aux gens de métier et d'enseigne militaire à la «gueude». Celle-ci fut, en effet, l'unité tactique de nos premières milices communales dans l'enfance de leur organisation.

Nous possédons à cet égard un document précieux, les statuts de la confrérie de Saint-Julien de nos tondeurs de draps, mentionnée ci-dessus dans un titre du XIIe siècle. Ces statuts, renouvelés au XIIIe siècle, ne portent pas de date, mais on y relève cette phrase : «Et ce, sauf le droit à mon seigneur le roy et au castellain» : ils ne peuvent donc être postérieurs à 1236, année de l'avènement du premier comte d'Artois.

Bien que les copistes du XIVe siècle aient dû faire subir à la lettre de ce document plus d'une altération orthographique, sa rédaction lui imprime un incontestable cachet d'antiquité.

Voici les articles de ces statuts qui concernent le service militaire :

Et chascuns maistres doit avoir ses armes quant on le semonra, et s'il ne les a, xx s. doit.

Quiconques confrères ne gira avec le maieur le premiere nuit que li ost iert mute, x s. doit.

Quiconques confrères trespassera le cariu ( 1) en terre de geure, ne esquievra, x s. doit à la carité :

Et quiconques confrères prendera les armes de le carité, s'il ne les rent le jour qu'il les prent, il doit xx s. à le carité, s'il ne les retient par le volenté du maieur et des esquevins.

Et s'aucuns confrères commenche merlée, puis que osts iert mute, XL S. doit à le carité, sauf le droit as seigneurs.

Et de quele heure que li maires et li esquevin commanderont les confrères à armer, qui ne s'armera x s. doit.

Vaast, t. I, p. 176. — Le Gentil, Op. cit., p. 23. — A. Terninck, Arras, p. 106. — E, Lecesne, notice Arras dans le Dict. hist. du Pas-de-Calais, t. I, p. 10, et Hist. d'Arras, t. 1, p. 135.

(1) Cariu, plus bas quariu, dans le sens de carroi, charroi, est une forme bien douteuse; mais on ne peut lire autrement, car le copiste donne à ses n finales une forme onciale qui ne permet pas de les confondre avec l'u. — Cependant carin, chariot, doit être ici la vraie leçon. Les exemples du mot abondent, et l'un d'eux montre que, dans la tactique des milices d'alors, le carin marchait en tète.


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Et qui les fourfais de ceste carité devera, s'il ne les paye quand li maires et li esquevin le semonront ne d'ost [ne] de quariu, x s. doit.

Tout li fourfait de ceste carité doivent aler à armes accater et as besongnes de le carité.

Tel était le règlement militaire de nos tondeurs de draps avant saint Louis, sinon même avant Philippe Auguste. Que les autres gueudes, tisserands, foulons, teinturiers, pour ne parler que de la draperie, aient eu à l'origine une organisation semblable, c'est ce qu'il semble difficile de contester : on ne s'explique celle-ci qu'en la généralisant.

Cette organisation primitive ne devait d'ailleurs durer qu'un temps; elle fut de bonne heure battue en brèche par celle de connétablies de quartier, mieux appropriée au guet et à la défense de la muraille. La participation des gueudes à la conduite des affaires publiques allait lui porter le dernier coup, en les obligeant à subordonner leurs instincts de révolte et leurs traditions séparatistes aux intérêts de l'unité communale.

V

Il n'y avait guère plus d'un siècle que le pouvoir politique était aux mains de l'aristocratie bourgeoise, lorsqu'elle se vit amenée à le partager avec la classe des artisans.

Cette révolution démocratique, préparée par tant d'années de luttes intestines et d'embarras administratifs et financiers, s'accomplit à l'amiable, sous l'empire de circonstances tragiques, au lendemain du désastre de Courtrai et de la mort du comte d'Artois.

L'échevinage en prit lui-même l'initiative : la mauvaise gestion des années antérieures avait tellement obéré la ville qu'elle possédait à peine six mille livres de recettes pour faire face à un budget de dix mille; il fallait aviser(1).

Le pacte nouveau, bientôt ratifié par le successeur de Robert II

( 1) Ce renseignement nous est fourni par une charte de Robert II du 22 déc. 1300. Cette charte manque dans le volume Documents de l'Inv. chron. des chartes de la Ville d'Arras. Le petit cartulaire du XIVe siècle, qui nous en a conservé l'unique copie, avait disparu du dépôt communal, où il ne fut réintégré, sur nos diligences, que bien des années après cette publication.


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et la comtesse Mahaut d'Artois, institue, parallèlement à l'échevinage ancien, un conseil communal de vingt-quatre prud'hommes, exclusivement chargé de l'administration financière.

De ces vingt-quatre conseillers, huit devront être choisis dans les métiers de la draperie par la Vintaine et ses suppôts, huit dans les autres corps de métiers par les mayeurs des gueudes et le commun, huit enfin par les seize qui précèdent, en dehors de l'échevinage et des gueudes.

Le nouveau conseil aura seul désormais la garde du grand sceau, signature sociale de la bourgeoisie solidaire (1).

On voit ce qu'il faut entendre par les Vingt-quatre, expression qui revient sans cesse dans nos documents communaux du XVIe siècle.

Parlons maintenant de la Vintaine.

C'était un tribunal de police industrielle, chargé par délégation échevinale de faire exécuter les bans, édits et règlements sur les corps de métiers de la draperie et la fabrication des divers tissus de laine pure ou mélangée, et d'en appliquer les pénalités.

On ignore à quelle époque remonte cette institution.

Nous avons rencontré plus haut son nom latinisé en 1243 ; mais l'expression «costuma que Vintena dicitur" ne peut s'entendre que d'une taille, comme dans ce couplet satirique sur le même sujet :

Certes çou est grant estrelois

Et s'est cose grevaine; XX mille livres de tournois

Cousta ceste vintaine(2).

( 1) Charte d'Othon, comte d'Artois, et de la comtesse Mahaut, sa femme, du 21 janvier 1303, approuvant une délibération des maire et échevins d'Arras du 9 août 1302 , qui institue un conseil de vingt-quatre prud'hommes pour contrôler la gestion des finances de la ville. (Invent. chron. des chartes de la Ville d'Arras, docum., LII, p. 48.)

(2) A. Dinaux, Trouv. artésiens, p. 159, emprunte cette pièce satirique au ms. fr. de la Bibl. nat. 12615, fol. 197 v°, et l'attribue à Courtois d'Arras sur la foi du 4e vers :

De canter ne me puis tenir,

S'est drois que cançon face; Or, m'en doinst Diex à cief venir,

K'as courtois mal ne face.

Il saute aux yeux que courtois ne peut être ici un nom propre, comme le croit Dinaux, et que son attribution repose sur une base tout à fait illusoire.


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Tout autre est le sens du mot dans les vers suivants : ils sont d'un certain Simon, poète artésien du XIIIe siècle, inconnu, non signalé — car il serait invraisemblable d'en faire Simon d'Autie. L'auteur y dénonce les atours des femmes, comme ayant un caractère bien tranché d'industrie frauduleuse, qui exige une répression :

Je proverai, qui kel desdise, Que c'est fausse markaandise : Car on ne puet de fi savoir La trekerie de l'avoir. Saciés que c'est cose certaine; Là s'aferoit une Vintaine Assés mex k'en le draperie, Pour veïr cele trekerie( 1)

Un document original de 1261 constate que le siège de la Vintaine, la hale des Vingt hommes, hala XXti hominum, occupait déjà, à l'angle de la rue actuelle des Augustines sur la rue d'Enguinegate, n° 50(2), l'emplacement qu'il devait conserver jusqu'en 1502, époque où la halle fut vendue et la Vintaine transférée non loin de

( 1) Loc. cit., fol. 203 v°.

( 2) In Pomerio, in magno vico. — Domus Radulphi Witegos, pro domo que fuit Ode Augrenon, ante halam XXti hominum, III s. VI cap. (Cueilloir des rentes de l'égliseN.-D. — B. N. Lat. 10972.)

A l'aspect de la maison, on reconnaît encore à première vue l'emplacement de la halle. Le nom de «rue de la Vintaine», puis de «rue de la Vieille-Vintaine», fut longtemps affecté à la section de l'ancienne Grande rue du Jardin, aujourd'hui des Augustines, comprise entre les rues actuelles du Coclipas et d'Enguinegatte ou Guinegatte, deux noms qui, par parenthèse, ont complètement dérouté nos étymologistes.

Les auteurs des Rues d'Arras, t. I, p. 259, constatent bien la forme primitive du mot : Coppe li le pas, mais ne l'ont pas compris. Le sens est : barre lui le passage, enseigne d'une maison de la rue, cabaret ou autre, parfaitement appropriée à sa destination. Il n'a donc rien de tragique, comme on l'a supposé.

L'inintelligible Gueum gate «porte du Marais», suggéré au même ouvrage, t. II, p. 86, est une pure rêverie étymologique. La rue d'Enguinegatte ou Guinegatte s'appelait, dès 1343, rue d'Escorcecat, c'est-à-dire «du Chat écorché», enseigne de cabaret, sans doute un chat peint en rouge.

A partir de 1540 environ, nos titres remplacent ce nom par son synonyme d'allure flamande, Esquinnecat, le chat «esquinné». — Schinden (villen) «Eseoreher», dit L. Mellema, dans son Diction. ou Promptuaire Flameng-Francoys, Rotterdam, 1612. — Comp. all. schinden, angl. to skin."

Il est à noter que, dès 1427, on trouve déjà, en Haizerue, un cabaret de repu-


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là dans la maison des Lombards, à l'angle de la rue de Jérusalem ( 1)

Ce chiffre de vingt hommes fut abaissé à treize par Robert II, en 1300, dont cinq drapiers et huit bourgeois (2). Philippe le Hardi, le trouvant encore excessif, le réduisit à sept en 1394 (3). L'adjonction de deux échevins l'avait ramené à neuf en 1416 (1). Il fut ensuite porté à dix, à douze, à treize, etc. On peut suivre ces variations année par année, jusqu'à la Révolution : elles ne sont pas sans rapport avec les fluctuations de notre industrie textile et du commerce.

Émanation de l'échevinage, qui l'instituait pour une durée égale à la sienne, la Vintaine lui prêtait serment à son entrée en fonctions; elle-même recevait ensuite le serment des commissions de contrôle ou «eswars», épinceurs de draps, ferreurs de saies, etc., et des autres officiers sous sa dépendance.

Elle avait son clerc d'office ( 5) et son sergent, et tenait ses plaids dans les formes ordinaires de la justice échevinale.

Elle connaissait des infractions aux règlements des industries de

talion équivoque à l'enseigne de l'Esquignecat (Arch. comm., Reg. aux Embrev., fol. 109 v°).

Le parler artésien, qui de «courtine» a fait «gourdine», prononçait Esguinegat, Esguinegate, que les clercs reproduisirent dans les actes avec toutes sortes de variations orthographiques ; si bien que le nom de la ruelle se confondit avec celui du champ de bataille.

( 1) La maison des Lombards, où fut transféré le siège de la Vintaine, faisait l'angle de la rue de Neuve-Église, appelée au XVIe siècle rue de Jérusalem, des étuves de ce nom, contrairement à l'hypothèse des Rues d'Arras, t. II, p. 92. Elle avait pour enseigne Les Plouviers et tenait à celle du Sauvage. Les Lombards patentés pour tenir table de prêt sur gages à Arras, à l'exclusion de tous autres «toustains, juifs et caoursins», les possédaient l'une et l'autre en 1473 : de là le nom de rue du Lombard. Il ne vient donc pas du Mont-de-Piété actuel, comme le laisse supposer ce même ouvrage (t. II, p. 109), puisqu'il l'a précédé d'un siècle au moins. Possédée successivement par Regnault Grignard, Me Anth. du Grospré, Guillaume Le Vasseur, sieur du Val-Huon, cette maison devint, vers 1560, la propriété de Bauduin de Montmorency, sieur de Croisilles— aujourd'hui la chapelle des Chariottes.

( 2) Voir p. 177 note 1.

(3) Inv. chronol. des chartes de la Ville, doc. CXXXVIII, p. 164.

(4) Arch. commun. Reg. au Renouvt de la loy.

(5) Nous avons relevé çà et là les noms d'un certain nombre de greffiers de la Vintaine : Bauduin de Maisières, vers 1878. Mahieu Wion cède viagèrement son office à Henri le Plommier pour XVI l. en 1414. — Jehan du Temple, 1445. —


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la laine, de leur application à la maîtrise et à l'ppprentissage(1), des malfaçons, des fraudes, de toutes contraventions en matière de

Jehan de Los (ou Lohes, Loes), déjà depuis longtemps en charge en 1486, meurt en 1497. — Jehan Sifflot, archer de corps de l'Archiduc lui succède

Pierre Doresmieulx, mourut en 1568 et fut remplacé par Michel de Sailly, encore greffier en 1585. — Jean Couppé, 1606, 1609. — Charles de le Sauch, 1619, 1623. — Georges Crugeot, remplacé, vers 1630, par François Doresmieulx. — (Vérifier Reg. aux Résol., t. I, 348 r°).

Les dernières copies de pièces annexées au Livre rouge portent les signatures de Beharel, A. de Beaussart, Macrel.

Le sergent Pierre Pezet «surintendant de la Vintaine pour les échevins», fut autorisé, en 1602, à porter une robe de livrée mi-partie vert et noir. (lbid., fol. 21 r°.)

(1) La rareté des contrats d'apprentissage donne de l'intérêt aux deux actes qui suivent, l'un sans date, du XIIIe siècle, pour le tissage, l'autre de 1437 pour la hautelisse.

1° «Sacent eschevin ki sont et ki avenir sont que Ouede Ferconne piège Mikelet sen fil en vers Mahiu Haimart sor se maison et sorti et sor tout le sien, sor tel partie que Mikelés i doit avoir, par en si que Maihius Haimars le doit aprendre à tistre IIIj ans et li doit livrer sen ostel, se mestier en a, sans peuture. Et s'il avenoit cosse dedens II ans que Mikelés en defausist, restorer le doit, et ce piège Ouede Ferconne, se mère, sorti et sorte sien. Et si se voloit rakater des II daerains ans, racater s'en puet de XXXIII s., et plègera toute abatue. Et s'il ne se racatoit des deus daerains ans, restorer le doit, et ce piège Ouede Ferconne, se mère, ausi sor li et sor tout le sien. Et si piège Ouede devant dite que se Maihius Haimars i avoit ne cous ne damages par Mikelet, sen fil, restorer li doit tons cous et tous damages sor li et sor tout le sien, se Mikelés ne le déservoit.» (Arch. comm., orig. bande de parchemin non scellée.)

a" «Comparut en sa personne Toussains Galiot, nostre bourgeois, et a dit et recongnut que moiennant la somme de six livres de XL gros monnoie de Flandre pour la livre, que il a confessé avoir eu et receu et qui paie lui a esté comptant de Miquiel Malte et des tuteurs et curateurs de Regnauldin Matte, son frère, filz menre d'ans de deffunct Willaume Matte, et ce pour le terme escheu au jour S. Jehan Baptiste, l'an mil 1111e et XXXVII derrain passé, pour la table et gouverne dudit Regnauldin, comme pour le parapprendre le meslier de haulteliche, lequel mestier de haulteliche icellui recongnoissant doit, est et sera tenus de parapprendre audit Regnauldin et lui moustrer et enseigner selon l'usaige dudit mestier deux ans durant, à commenchier pour le premier an au vi" jour de may derrain passé, pour la somme, est assavoir pour le dit premier an, de xn livres, et le second an, pour la somme de x livres monnoie dite. Lequeile somme de six livres, moiennant et pour la cause dite, ledit recongnoissant s'est tenus et tient à conlens et bien paies et en a quittié et quitte, promet à tenir et faire tenir quitte lesdits Miquiel, tuteurs et curateurs et ses hoirs envers et contre tous, soubz et par l'obligation de tous ses biens et héritaiges. Fait par devant messg", le premier jour de juiugnet l'an xxxvn. Pour seel, ij s. mis au hucel.— J. de Paris. J. de Biauffort. (Arch. com., Reg. aux Embr. fol. 89 r°).


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poids et mesures'1'. Sa compétence spéciale, quant à ce dernier chef, finit même par étendre sa juridiction en la matière à tous les métiers indépendants de la draperie, même aux meuniers '2'.

Elle condamnait les délinquants à l'amende, sans préjudice de la saisie des matières frelatées et des produits manufacturés irréguliers ou frauduleux, qu'elle faisait brûler, détruire ou dénaturer.

Le recours en appel était d'ailleurs ouvert au condamné, qui pouvait toujours se pourvoir devant les échevins.

Les amendes se partageaient entre la Ville, la Vintaine et les dénonciateurs, dans des proportions variables.

De peines corporelles, nos règlements n'en édictent aucune, tandis que ceux de Valenciennes, par exemple, condamnent l'artisan, dans un cas donné, à avoir une phalange du doigt tranchée sur le cep '3'.

VI

Ln recueil de ces règlements fut entrepris vers la fin du xivB siècle, par Thomas Bouchel, ancien garde du scel de la prévôté de Beauquesne, devenu procureur de la ville d'Arras en 1397, et clerc de l'échevinage l'année suivante. C'est ce manuscrit, augmenté par la suite de nouveaux cahiers, que la couleur de sa tranche a fait appeler Le Livre rouge de la Vintaine.

II comprend, dans les soixante-cinq feuillets du registre primitif, cent pièces, tant statuts, bans et ordonnances, que jugements et notes diverses.

Une dizaine de ces pièces, dont plusieurs datées, appartiennent au XIIIe siècle, la plupart des autres sont du xive, quelques-unes du xve siècle antérieures à ii2 5.

O) Arch. commun., Reg. mém. vu fol. 3o v°; ix fol. 3i r°. Résol. I fol. 175 r°.

( 2) lbid., Reg. mém. XVI fol. a230a3o r°. — Ce qui surprend davantage, c'est de voir l'office de la Vintaine chargé d'empêcher «tous chirurgiens, barbiers et autres 22personnes faisant profession de raser et faire le poil, de tenir leurs boutiques ouvertes

raser et faire le poil chez eux les dimanches et festes à peine de six livres

d'amende applicable audit office.» (Livre ronge, addit., fol. 91 v°. Ordonn. du 28 fév. 1703.)

( 3) Bans de Valenciennes, ordonn. de 1302, fol. 19 v° : «C'est desbateriaus. . . Et qui n'aroit pooir des lois paier, il ne arme pour lui, on li copperoit une jointe de se main sour le cep, sans déport. » — L'ordonnance de saint Louis condamne à perdre le poing quiconque met en vente des faux draps par lui fabriqués. — Ordonn. L, p. 223, ch. 146.


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Les documents y sont enregistrés sans ordre, et non sans lacunes dans la transcription. Ils peuvent se grouper sous six chefs :

1° L'office de la Vintaine.— Sa composition; sa juridiction; son rôle politique;

2° La laine et ses transformations. — Laines brutes : lavage, triage, ébourrage, cardage. Filature; vente du filé. Teinture, de guède, de bouillon; burgage de noir;

3° Lacdraperie. — Grands draps, pièces, biffes : ourdissage et dimensions. Tissage, tondage, étendage. Draperie nouvelle : épinçage. Vente des draps;

4° La sayetterie. — Saies d'Arras, saies d'Irlande, leur fabrication. Foulage des saies, ferreurs de saies. Tiretaines;

5° La tapisserie. — Fabrication des lapis nostrés. Marcheterie. Statuts des ouvriers et ouvrières de sarrasinois. Fabrication des hautelisses. Serment des hautelisseurs;

6° Règlements divers.— Statuts des chapeliers. Statuts des chaussetiers. Statuts des parmentiers.

Toutes les villes drapières environnantes ont conservé, comme Arras, leurs registres aux bans : Saint-Omer, Douai, Valenciennes, Cambrai, Lille, Aire, Béthune. Par rapport aux trois premières, la date de sa transcription place le nôtre au second rang. Mais il trouve peut-être quelque compensation à cette infériorité dans ses statuts de guilde armée et dans ses règlements sur les hautelisses, qu'on ne rencontre pas ailleurs dans la région (1).

(1) 1° Le registre aux bans de Saint-Omer, du XIIIe siècle, a été publié in extenso par M. A. Giry, Hist. de la ville de Saint-Omer, 1877, dans la Bibl. de l'école des hautes études, fasc. XXXI;

2° Les bans de Douai forment une collection de précieux registres, aussi du XIIIe siècle, analysés dans l'Invent. analyt. des Arch. de la Ville, série AA, 1876, p. 22 et suiv. ;

3° Les bans de Valenciennes sont compris dans deux manuscrits, l'un de 1302, l'autre de 1346. Ce dernier provient de A. Dinaux qui les a décrits l'un et l'antre dans les Arch. du Nord de la France, nouv. série, t. I, p. 268 ;

4° Les bans de Cambrai sont signalés dans un article de M. A. Wilbert, Mémoires de la Soc. d'émulation de cette ville, t. XXX, 1re partie;

5° Outre son registre aux bans, du XIVe siècle, les archives communales de Lille possèdent un grand nombre de documents sur la draperie, la sayetterie, la bourretterie, etc. Les plus récents y sont souvent accompagnés d'échantillons;

6° Le registre aux bans d'Aire est un manuscrit sur parchemin, de soixantehuit feuillets, gardes comprises, dont soixante-deux de la même main. Ce travail


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C'est de Paris, qu'à la suite des expéditions de Philippe le Bel, cette industrie vint s'implanter à Arras. On sait quel en fut le brillant succès et quel éclat devait en rejaillir sur cette ville, dont le nom devint à l'étranger celui de ses merveilleuses tapisseries.

Est-il vrai que nos sayettes, les saga Atrebatica, aient pris au delà des frontières, comme les arazzi, le nom de leur provenance originaire? Il serait difficile d'en douter quand on voit les autorités les plus compétentes, et les moins suspectes de partialité, retrouver le nom d'Arras dans l'Italien rassa, rascia, l'allemand et l'anglais rasch, rash, le néerlandais ras, rasz, rentré en France sous ce même déguisement, ras et rosse — tous synonymes de « serge " on sayette (1).

On en a dit alitant des panni de arest, mais à tort (2). L'arest, mot d'origine inexpliquée, était une soie, bourre au filoselle (3). On la

fut exécuté en août 1400, sur l'ordre du maire Jean de Liestes et des échevins, par Jean Bauberel, clerc de la ville. Les bans de la draperie commencent au folio 32;

7° Les deux registres aux bans de Béthune ont été décrits par M. Travers, dans l'Invent. somm. des Archives de cette ville, sous les cotes AA 3 et HH 7.

(1) L'origine de l'italien arazzi, araziere; arazare, tapisseries, tapissier, tapisser, n'est ni contestée, ni contestable. Il en est de même de l'anglais Arras employé couramment dans le même sens, dès 1397, sous des formes diverses.

Pour rassa et rascia, synonymes de saja, sajetta, serges, saie, sayette, on les a rattachés, comme raso, satin, au latin rasus dans le sens de étoffe rase, non velue. Cette dérivation est donnée par Muratori, Antiq. ital., diss. XXX.

Mais le commerce des Pays-Bas, en regard du néerlandais ras, connaissait les formes étrangères rasse, arasse, arassa, d'où rassa par apocope. (Mellema, Prompt. Flameng-francoys, Rotterdam, 1612). Le bas latin avait de même arracium, arracia, relevés dans Du Cange. Enfin l'allemand offre les variantes arras, arrisz, arresze, barras, harres, harris, d'où, sous l'influence de l'accent français, ras, pub rasch.

La filiation de ces mots ne laisse aucun doute; ils dérivent d'Arras. C'était, il y a un siècle, l'opinion d'Adelung, Gramm. krit. Worterb., 1798; c'est aujourd'hui celle non moins décisive de W. et J. Grimm, Deutsch. Wörterb., t. VIII, 1893.

( 2) D. Carpentier dans le Gloss. de Du Cange, V° AREST.

( 3) Ainsi que nous rapprend un ban sur les mulequiniers du registre de SaintOmer (A. Giry, Hist. de Saint-Omer, p. 565). C'est donc de sa matière première exotique que ce tissu, d'ailleurs indigène, tirait le nom d'arest. Fr. Michel, Rech. sur les étoffes de soie, t. I, p. 300, n° 7, le fait venir de Hârem, ville de Syrie, voisine d'Antioche. Pourquoi pas Arash, dans le Shirvan, sur les confins de la Géorgie, où se fait encore la plus abondante récolte et un commerce très considérable de soie grège? (E. Jurien de la Gravière, Les marins du zvi" siècle.) Hypo-


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tissait sous ce nom à Saint-Omer au XIIIe siècle, et conséquemment à Arras : c'était une oeuvre courante de mulequinerie, métier chez nous fort ancien, qui eut surtout pour spécialité la fabrication des tissus de lin déliés : toilettes, couvre-chefs, batistes (1). Sous ce rapport cependant, et malgré la réputation du «menuet» d'Arras ('2), nous devons, en honnêtes voisins, contents de ce qui nous appartient, reconnaître les hauteurs et prérogatives de Baptiste Cambray, cet inventeur lui-même inventé, auquel sa ville reconnaissante n'a pas craint d'élever une statue (3).

thèse pour hypothèse, la nôtre expliquerait mieux le Arras silk d'un texte anglais, cité par Fr. Michel, Rech., II, 311, et la confusion qui a pu se produire; en tout cas, l'on ne peut rien affirmer.

(1) Nos molequiniers (meulequiniers, mulequiniers, musequiniers, murquiniers) viennent de loin, puisqu'ils procèdent des antiques molochinarü, qui lissaient les fibres de certaines plantes ligneuses ds la famille des mauves (MoAô^tj). Le premier que nous ayons rencontré est Raynerus li molekinius en compagnie de Rodulfus textor, en 1170, dans la Cité d'Arras. (Cart. Guiman, p. 3a5.) Deux antres sont mentionnés ailleurs en 1210;, une muelekinière» en 1366. A Cambrai, nous en relevons plusieurs en i3i8, i338. Douai fabriquait aussi la «toilette de meulequinerie» (Arch. du Nord, Abb. des Prés, i465. Invent. duchan.J. Couvoet, l466). Notre molekin n'est pas oublié parmi les détails du costume local. Dans le poème burlesque cité plus haut :

Il vesti i ara bas (gambais), aine ne vistes se per

H fou (fu) de molekins, cascun plos fa sané (saingnié)

Dans la satire des Auduins, ou du Mari domestiqué : Quant ce vient à l'Assension, Li Auduins, ki n'est mie hom, Doit bien 1 molekin ploier De se feme pour mius loier, Et escourcicr se souskanie Tant k'ele soit par tout ounie.

[Loc. cit., fol. 307.]

(2) «Item une pièche de nappes d'ouvraige de Venize larghes de Ij alnes, nu lbz. — Item une nappe de menuet d'Arras de VIIj aines, XXVI s.— Item une aultre de menuet d'Arras, contenant VI aines, XXX s." (Arch. du Nord, Cambrai, Testam.)

( 3) Baptiste Cambrai, né à Cantaing, l'inventeur supposé de la batiste en 1309, n'est pas plus une réalité historique que l'étymologique brasseur Cambrinus, que Martin et Martine qui martellent les heures au minuscule beffroi moderne de cette ville; ils ont même origine : l'incarnation mythologique d'un mot.

Les «toilettes de Cambrai» furent de tout temps renommées pour la blancheur et l'exceptionnelle ténuité de leur fil de lin. Il y en avait de deux espèces, la première, sorte de linon clair, extrêmement léger; la seconde, d'égale finesse, mais d'un tissu compact, très serré : c'est proprement la batiste.

Ce mot n'apparaît dans le Livre aux bans de Cambrai qu'en 1599 ( 1499?)


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Arras ne fera pas le même honneur à Louis XI : c'est à l'expulsion en masse de ses ouvriers par ce monarque vindicatif qu'est due sa ruine industrielle, et que remonte de proche en proche, pour une large part, la fortune des grandes industries textiles du Nord.

La Laine à ma Tante.

Biau signeur, je ne sui ne sorciers ne devins, Semoneres de cors 1, ne crieres de vins 2 ; Ains sui li mervilleus, cil qui dist les mervelles 3 : Por çou me mande on as festes et as velles.

Mém. de la soc. d'émulation, t. XXVII, 3e partie, p. 122; t. XXX, 1re partie, p. 311.) Godefroy, Dict. t.I, p. 598,col. a, en cite un exemple de 1433, d'après La Fons. J'en ai rencontré d'autres en 1474 (Arch. du Nord, Cambrai, Testam.). Ce mot semble donc, sauf nouvelles constatations, ne pas remonter au delà du XVe siècle.

Ces deux sortes de «toilette» cambrésienne sont inscrites au tarif de la mallote d'Arras du 19 octobre 1690 : «Item pour touttes toeilles de Hollande, 18 patars. — Item pour touttes toeilles de Chambray, tant batiches que claires etc.» (Arch. comm. Reg. mém. XV, fol. 312.

C'est sous la forme adjective, «toile, toilette batiche" — prononciation du pays pour batisse— que le mot se présente dans les textes de cette époque, vraisemblablement avec le sens de «battu», toile battue, compacte, fortement serrée par le battant du métier — à moins qu'on ne lui découvre quelque affinité de sens avec l'expression «ville batisse ou batiche, foire batiche", c'est-à-dire non privilégiée, ce qui me paraît bien douteux (Du Cange, BATICIUM, BASTICIUM. — Godefroy, BATEIS).

Nos toiles «atramées», c'est-à-dire à trame d'étoupe, s'appelaient de même «toiles atramiches», mal lu acramiche par La Fons dans Godefroy, pour qui le sens technique de atramé est resté incompris.

Batisse étant la prononciation populaire de Baptiste, on substitua, au XVIIe siècle, la forme étymologique batiste à la vraie qu'on ne comprenait plus. De là, il n'y avait qu'un pas à faire pour supposer qu'un Baptiste quelconque avait dû jadis donner son nom au tissu, — nom qu'on ne rencontre nulle part ainsi, du moins dans cette région, qu'à une époque tout à fait moderne. N'importe; on le data de 1309, on en fit un paysan de Cantaing, tout en lui donnant le surnom de Cambrai : la légende était complète. Née d'hier, elle a déjà, en dehors de l'histoire locale, les honneurs du Littré, du Larousse, de la Grande encyclopédie — une statue! Ainsi s'expliquent tant d'origines fabuleuses des institutions et des familles.

1 Qui annonce les décès et enterrements. — 2 Qui crie la veute et le prix des vins nouveaux. — 3 Mervelles et Velles, parler artésien.

HIST. ET PHILOL. — Nos 1-2. 14


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Je di si grans mervelles, por gens esmervillier, C'on doit bien une nuit por mi oïr villier. Saciés que je fui nés là outre en Engleterre ; Ça outre sui passés por paor de la guerre 1. S'ai une miue antain 5, qui ça m'a envoie Por requerre une dete, mais on li a noié 3. Bien a passé trois ans, viegne à le Mazelaine, C'on li doit à Arras quatorze sas de laine. Mais je ne sai preudome, vallet, ne baceler. Por qu'il 4 voelle le dete ne noier ne celer, Ne le face semonre dedans l'arceveskie 5. On dist Jehans Durans en a une sakie ; S'en a bien autretant Martin Veaus 6 ses niés : De le laine m'antain est devenus laniers 7. On me fait à entendre de Jaquemon le Noir 8 K'il a de celé laine raempli sen manoir. Mahius Acarios 9 et sire Alars Foubers 10 Et Hellins Audefrois", si est Tumas Raimbers12, Et Gossuins de Hées 13 et Robers ses serouges De le laine m'antain ont raempli lor bouges 14. Si est Jehans Davis 15 et Jehans Teneveaus 16 Et Bernars Harduins 17, si est Tibaut Reveaus 18. Nis Wautier Naimmeri 19 n'i ruis jou déporter, S'il ne fait cele laine en maison raporter; Ja por sen bastoncel 20 ne lairai ne li rueve. As cipaues 21 qu'il fait me mostre bien et proeve Qu'il a de cele laine assés plus d'un pezon : J'en ai le contrepois deriere no lezon 22. Noef livres et demie en a Wautiers Mules 23; S'en a bien autretant uns Vinçans Castdés, Uns Jaquemins de Lille, Jaquemins de Paris : De le laine m'antain cascuus en est noris.

1 V. p. 170. — 2 Une tante à moi. — 3 Nié. — 4 Pour peu qu'il. — 6 Féminin comme evesquie. — 6 Inscrit vers mai 1256. — Marchand de laines. — 3 Inscrit vers déc. 1261. — 9 Sa femme, inscrite en oct. 1257. — 10 Inscrit en mai 1244. — 11 Inscrit vers déc. 1257. — 12 Inscrit vers mars 1254. — 13 Inscrit vers nov. 1261.— 14 Ateliers.— 15 Inscrit vers mars 1268. — 16 Inscrit vers nov. 1248. — 17 Peut-être Aleaume Harduin, qualifié de «bernart»; inscrit vers déc. 1269. (V. Bibl. d'Arras, m3 316, p. 378.) — 18 Inscrit vers avril 1263. — 19 Inscrit vers janvier 1245. — 20 Allusion à la verge de sergent de Wautier Naimeri, qui, en cette qualité, portait la bannière du châtelain dans l'expédition burlesque contre le castel de Neuville. (V. p. 174, noie 1.) — 21 Grimaces. — 2i Lit de repos, canapé. — 23 V. page 169 ci-dessus. Inscrit vers juillet 1374.


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U pert bien à leur cière, qui si est estahiue 1,

Un 0 entre deux eSSes a cascuns en aiue 2.

Or me covient là jus en l'Abie avaler 3;

A Henri Huquediu 5 me convenra parler.

Se Dex ne li aiue, il ert mors aparmain 5,

D a le plus naiuee de le laine m'antain.

Bien en puet faire cape por çou qu'il est capes ;

Mais encore n'est il mie de me rime escapés,

Se je n'ai celé cape qu'il m'a pièça pramise :

Je croi qu'ele est de bure, si est tote remise 7.

D'autre part ses voisins, Raous li Boutilliers 8,

De le laine m'antain a covers ses illiers 9.

Et un vallet i a, que ne vos os 10 nomer,

Qui envers cortoisie a moût le cuer amer;

Mais tant vos en dirai, ne sai que vos en mence 11 :

Par deus V et un l je croi ses noms commence;

Deux eLLes A et U eMme E eSse mes 12 —

De le laine m'antain a le daerain mes 13,

Par devers les cuisseus por çou que c'est li pire 14 :

Ne voel nului nomer por le vallet despire.

Se li maires d'Arras fust ne fols ne estous 15,

Saciés que ses parens j'es i mesisse tous 16 ;

Qu'il en i a de teus, qui sont de se lignie,

Ki tinrent à m'antain pièça grant compaignie

De le laine d'Escoce et de celi de Wales 17 :

Mesire Bauduins et mesire Sawales,

Cascuns d'eus en a bien, je quit, piere et demie 18,

Mais par lor grant orguel paier n'en voelent mie.

Or lor covient le terre et le païs widier 19,

Car à Sotinghehem 20 voirai à ex plaidier1

plaidier1 leur mine hébétée. — 2 Sos, un sot. — 3 Descendre la rue de l'Abbaye.

— 4 Voir ci-dessus, p. 169. — 5 Prochainement. — 6 Naturelle, la plus belle.

— 7 Voir ci-dessus, p. 169. — 8 Inscrit vers juin 1262. — 9 Ses flancs. — 10 Ose. — 11 Mente. — 12 Peut-être Willaumes li Boutilliers, inscrit vers avril 1251. — 13 Mets, part, portion. — 14 La laine des cuisses est la dernière qualité de la toison. — 16 N'était fou et stupide. — 16 Je les lui enverrais tous. — 17 Pays de Galles. — 18 La pierre de laine était de quinze livres à Arras en 1450.

— 19 Vider, déguerpir.— 20 Le bourg de Sottegem ou Zottegem, chef-lieu de. canton de la Flandre orientale, n'a peut-être été choisi comme siège de juridiction compétente dans ce procès qu'à raison de sa première syllabe. Il y a cependant lieu de se demander si ce n'est là qu'une pure allégorie, ou si, dans Sottegem, surnom d'origine ou de seigneurie, il n'y aurait pas une allusion personnelle qui nous échappe au pays de l'archidiacre, soit Bernard, soit Wautier de Gand.

14.


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Ne les voel pas traïr, bien lor di en devant. Je croi l'archediaques, qui sire est d'Ostrevant 1, A part en cele laine; à lui m'en vois clamer; S'il cuke 2 de se corne, nus ne l'en doit blasmer, K'ainc mais ne vi bernart 3 ne mouton si cornu ; Je croi de grant sience a il tout sen cors nu. Signor, Sotinghehens est uns moût bons castiaus ; Là croist li fres fromages avoc les caus wastiaus 4, Et li quartier de tarte, qui plain sont de conduevre 5. Li carpentiers est fols, qui est desconfis d'uevre 6, Qui ne va Ih manoir por carpenter maçues 7 ; Il i a marqueans de soties naçues 8. Signor, Sotinghehens est un mout bons repaires Il n'i a nul signor, se ce n'est sains Achaires 9 ; De lui tient on le terre et trestout le pais : S'uns hom i devient sages, des autres est haïs.

Les dates relevées dans les notes ci-dessus sont tirées du Registre de la Confrérie des Jongleurs et Bourgeois d'Arras (Ms. fr. 8541 ), dont nous procurâmes l'acquisition à la Bibliothèque nationale en octobre 1859. Ce registre, imprimé depuis longtemps, avec table alphabétique des dix mille noms inscrits, paraîtra prochainement, précédé d'une étude historique sur la confrérie. Nous y renvoyons le lecteur pour la discussion des données chronologiques que ce document apporte à notre histoire littéraire et à la reconstitution des anciennes familles bourgeoises d'Arras.

II

LES BAILLIS, GOUVERNEURS ET GRANDS BAILLIS DE BETHUNE (1210-1789 (1).

Communication de M. le comte de Loisne.

Béthune, comme les autres villes de l'Artois, a eu, du xiiie siècle à la Révolution, de hauts officiers, qui sous le nom de baillis, de gouverneurs, de grands baillis, concouraient à l'administration du

1 L'un des deux archidiaconés de l'évêché d'Arras. — 2 Choque. — 3 Cornart.

Cornart. ci-dessus, p. 170. — 4 Gâteaux. — 5 Farce, garniture. — 6 Sans

•travail. — 7 Maroltes. — 8 Sans doute au lieu de «naiues», pour la rime. —

9 St Achaires guérissait de la folie; ses reliques conservées à Haspres, prévôté de

Saint-Vaast, étaient célèbres par les neuvaines qui s'y faisaient.

(1) La communication qui suit est le résumé d'un travail plus étendu, accompagné de 33 pièces justificatives.


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territoire et à sa défense, à la reddition de la justice et à la gestion financière. Nous chercherons à déterminer quelles ont été, parmi ces diverses attributions, celles attribuées, suivant les époques, à chacun de ces personnages, dont nous donnerons la liste chronologique, en y ajoutant celle des lieutenants généraux de la gouvernance.

La justice, dans tous les fiefs importants, fut à l'origine rendue par le seigneur, comme attribut de ses droits de souveraineté. Mais, comme à une époque de guerres continuelles il ne lui était plus possible de remplir lui-même cette partie importante de ces devoirs, il s'en déchargea sur un officier spécial, le bailli ou le sénéchal.

Dès le commencement du XIIIe siècle( 1) nous voyons des servientes, baillivi, baillius, baillieus, établis dans le Nord de la France. Représentants du seigneur(2), ils sont chargés de l'administration générale de la seigneurie, d'y rendre la justice, d'y lever l'impôt et d'y exiger le service d'ost.

Les premiers que nous trouvons mentionnés pour Béthune sont Baudouin de Cauteleux, qualifié sénéchal dans un acte de Guillaume de Béthune de 1210(3), et Jean d'Allouagne, bailli en 121 4(4). A partir de cette époque leur série n'est plus interrompue, jusqu'à leur transformation en baillis-gouverneurs, vers le milieu du xive siècle.

Ces officiers, quoique amovibles et révocables au gré du seigneur, avoué de Béthune ou comte d'Artois, étaient d'importants personnages, dans leurs quadruples fonctions militaires, administratives, judiciaires et financières, et leur pouvoir s'étendait non-seulement sur la ville et les faubourgs, mais encore sur toute la baillie.

1° Fonctions militaires(5). — Les baillis de Béthune appartiennent presque tous à la noblesse. A ce titre ils doivent le service militaire, sans toutefois paraître avoir eu jamais un commandement effectif sur les hommes du seigneur, qu'ils convoquent pour les opérations militaires. En temps de guerre un capitaine ou un châtelain ( 6)

( 1) Voir sur l'origine des baillis : Maxime de Germiny, Les baillis d'Artois, p. 3. (Thèse de l'école des chartes, 1896).

( 2) «Et fu li arés fais par le baillie, qui est au lieu M. de Nevers.» (Arch. du Pas-de-Calais, Tris, des chartes d'Artois, A. 905).

(3) Arch. nat., K. 37, n° 30.

(4) Voir, sur les fonctions des Baillis d'Artois an XIIIe siècle, RICHARD, Inventaire sommaire des archives départementales du Pas-de-Calais, t. II, Introduction.

(s' Saint-Génois, Monuments anciens, p. 502.

( 8) Mandement du comte d'Artois à son receveur de porter en compte diverses


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commande le château ; mais en temps de paix c'est le bailli qui entrelient les approvisionnements(1), qui paye les gens de guerre, assure les vivres, l'armement et l'entretien des ouvrages de défense(2);

3° Fonctions administratives. — Mandataire du seigneur, le bailli préside les enquêtes auxquelles il est commis ( 3) et rend les ordonnances de police. Mais ses fonctions administratives sont limitées par les privilèges de la ville, par les droits des échevins et du chapitre(4). S'il agit, c'est que la coutume l'y autorise. C'est ainsi qu'il intervient dans les élections échevinales( 5) et que les nouveaux échevins prêtent serment entre ses mains(6). Il assiste à la publication des bans et à la reddition annuelle des comptes de la ville, et il prête serment à la collégiale, comme représentant du seigneur de Béthune, qui en est le patron né(7);

3° Fonctions judiciaires. — Le bailli est le procureur du seigneur et remplit le rôle de ministère public auprès de la justice échevinale. C'est à lui qu'appartiennent la recherche et l'instruction( 8) des crimes et des délits commis dans les limites de la baillie et le soin d'en saisir le tribunal échevinal. Il a la conjure, c'est-à-dire le droit de requérir le jugement des crimes et délits et l'expédition d'un acte judiciaire quelconque (9). Il est en outre président de la cour seigneuriale. S'il juge très rarement lui-même, s'il se fait remplacer par un lieutenant(10), c'est lui qui convoque aux plaids, qui semonce les hommes de fief ou les hommes cotiers, suivant qu'il s'agit d'une

sommes à Morel d'Anvin, bailli, et à Tartarin de l'Esglentier, chevalier, châtelain de Béthune (Très, des chartes d'Artois, A. 12).

(1) Id., A. 737 et 780.

(2) Bibl. nat. ms. fr. 11621, fol. 130.

(3) Arch. du Pas-de-Calais, Très, des chartes d'Artois, A. 1005.

(4) Dans le serment qu'il prête au maître-d'autel de la collégiale de Saint-Barthélémy, il jure sur les évangiles de « warder les droits de Dieu, de sainte Eglise..., les chartes, les privilèges, les us et coustumes de ledite ville de Béthune...» (Cte de Loisne, Le cartulaire de Saint-Barthélemy, n° 99).

( 5) Cte de Loisne, La loi de justice et coutume de la ville de Béthune (Bullet. des anquitaires de la Morinie, t. IX, p. 63 et 114).

(6) Archives de Béthune, A A. 4.

( 71 Cartul. de Saint-Barthélemy, n° 138.

( 8) «Samedi avant la saint Pierre entrant août M. CC. IIIIXX et XII, apprise faite par le bailliu de Béthune » (Très, des chartes d'Artois, A. 903).

(9) Voir La loi de justice et de coutume de la ville de Béthune, p. 74. (10). Arch. du Pas-de-Calais, Cartul. des chartreuses de Gosnay, t.1er, fol. 101 r°.


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affaire entre noble et roturiers(1), et les jugements sont rendus à la fois à la conjure et en son nom.

Il y a lieu de remarquer toutefois que jusqu'en 1346, c'était au château de Lens que s'exerçait la haute justice de toute l'avouerie de Béthune et que c'est après le siège des Flamands, pour récompenser les bourgeois de leur conduite, qu'Eudes de Bourgogne, par son ordonnance du 37 décembre, remit la haute justice de l'avouerie au jugement des francs hommes du château de Béthune, à la conjure du bailli dudit lieu(2).

Le bailli représente le seigneur dans les actes de juridiction gracieuse. Il intervient dans les ventes de terres relevant de la seigneurie(3), reçoit les actes transmissifs de propriété, en présence des pairs du vendeur(4), ainsi que les aveux, hommages et dénombrements de tous les fiefs mouvant du château de Béthune'5'. Il délivre fréquemment dos vidimus d'actes( 6) et fait, en dehors du bailliage, les enquêtes dont il est chargé par commission spéciale(7).

4° Fonctions financières. — Le bailli perçoit toutes les recettes, acquitte toutes les dépenses de la baillie et rend ses comptes à l'administration centrale, aux trois termes de la Chandeleur, de l'Ascension et de la Toussaint. Ces comptes, dont un grand nombre a été conservé(8), présentent un vif intérêt pour les renseignements économiques qu'ils contiennent. Ils se divisent en deux parties : les recettes et les dépenses.

La recette comprend les rentes de la ville, le produit des fermes, des droits d'afforage, de change et de travers, les revenus des bois, des moulins et des terres, les droits de vente et de relief, le produit des amendes, etc.(9). Figurent dans la dépense ou mises le service des prébendes de la collégiale et de diverses rentes, les gages des officiers de la seigneurie, frais d'administration, entretien des châ(

châ( Loriquet, Cahiers de 1789; introduction, p. cuv.

( 2) Arch. de Béthune, reg. A. 4, fol. 100.

(3) Cartul. de Saint-Barthélemy, nos 116 et 117.

(4) Cartul. des chartreuses de Gosnay, t. Ier, fol., 22 r°.

(5) Arch, nat, p. 2060, reg. E.

(6) Très, des chartes d'Artois, A. 83.

(7) Id., A. 939.

( 8) Le plus grand nombre s'en trouve aux archives du Pas-de-Calais. Ceux des années 1318, 1324, 1328, 1331, 1340 et 1347 sont à la Bibliothèque nationale (ms. fr. 11631 et Colbert, Flandre, t. CLXXXVIII et CLXXXIX).

(9) Voir Bibl. nat. ms. fr., 11621.


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teaux de Béthune, la Buissière et Gosnay, frais de justice, dépenses militaires, etc. La balance indique la somme dont le bailli est comptable. Les dépenses étaient justifiées par les ordres de payement et les quittances(1).

Il y a lieu de croire que l'administration des baillis de Béthune a toujours été régulière, car les accusations dirigées contre elle sont rares et nous ne trouvons qu'une seule enquête relative à leur gestion.

Les baillis ajoutèrent généralement à leur qualification, vers le milieu du xiv° siècle, celle de gouverneur(2), de châtelain(3), de conseiller du seigneur de Béthune(4), en continuant à cumuler les fonctions administratives et judiciaires, avec le commandement mililaire en plus et les fonctions financières en moins.

Il est difficile de préciser à quelle date eut lieu cette transformation. Suivant M. Loriquet( 5) il y avait déjà un gouverneur à Béthune, en 1312. D'autre part, d'après une requête présentée par les échevins de Béthune, les gouverneurs auraient joui de leurs prérogatives de 1349 à 1664(6). Ce qui est certain, c'est que dès 1340 un receveur est chargé de la gestion financière, à la place du bailli'7', et qu'en revanche, en 1346 et 1047, années troublées par la guerre, il y a un châtelain spécial(8).

Les baillis-gouverneurs nommés par commission royale, sur la présentation du gouverneur d'Artois, veillent à la sûreté delà ville, publient la paix(9), autorisent les nouvelles confréries(10). Quant à

(1) Trésor des chartes d'Artois, A. 158, 737, 774.

2) «Jean, seigneur de Polignac et de Fontaine, gouverneur pour le Roi, nostre sire de la ville, baillage et avouerie de Béthune.» (Recueil de chartes et titres concernant les droits des Grands baillis d'Artois, p. g4.

(3) Trésor des Chartes d'Artois, A. 780.

(4) «Bon de Saveuses, seigneur de Vays, de Savie, conseiller de nostre très grande et très redoultée dame, madame la Comtesse de Namur, dame de Béthune, et gouverneur, bailli, garde de la justice de la ville, terre, chastelerie et advouerie dudit lieu de Béthune.» (Cart. des chartreuses de Gosnay, t.I, fol. 173 r°.)

( 6) Cahiers de 1789, Introduction p. CLXXIII, t. XXIII.

(6) Arch. Nat., E. 2,057.

(7) Bibl. nat.,ms. Colbert, t. CLXXXIX, p. 54.

( 8) Très, des Chartes d'Artois, A. 653 et 658. Il ne semble pas que Béthune ait eu des châtelains héréditaires comme Lens, Arras, Aire et Saint-Omer. On ne voit apparaître le châtelain qu'en temps de guerre, pour commander le château.

(9) Recueil de chartes et titres. . ., p. 68.

(10) Id., p. 82 et 90.


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l'exercice de la justice, s'ils jugent quelquefois eux-mêmes(1), c'est par exception. Généralement ils se font remplacer par un lieutenant général qu'ils nomment( 2) et changent à leur gré. Leur tribunal, la gouvernance, connaît des causes du domaine, des eaux, forêts et impositions. Les ajournements sont faits en vertu de leur commission(3); les jugements sont intitulés de leur nom et leur sceau authentique les sentences et actes judiciaires des échevins, conjointement avec le scel aux causes (4). Ils continuent à recevoir les aveux et les dénombrements( 5) et, comme les anciens baillis, en entrant en fonctions, ils prêtent serment à la halle échevinale et à l'église de Saint-Barthélémy(6). Ce serment n'est pas de pur style; il oblige celui qui le prête, et nous voyons, en 1350, Hugues de Bours défendre les droits de la collégiale contre les prétentions de l'évêque d'Arras lui-même(7).

Les droits honorifiques des gouverneurs consistent à recevoir des présents ou courtoisies quand ils prennent possession de leurs fonctions(8), à avoir la préséance dans les cérémonies, à tirer le premier coup à l'arbalète, à allumer les feux de joie(9), etc.

Il en fut ainsi jusqu'à l'édit de 1664, par lequel le roi Louis XIV enleva aux gouverneurs la charge de bailli et réunit cet office à son domaine(10). Dès lors, nous voyons deux personnages se partager une partie des anciennes fonctions des baillis : le gouverneur militaire et le grand bailli(11).

Le gouverneur est un homme de guerre, officier général presque

(1) Cart. des Chartreuses de Gosnay, t. I, f° 139.

( 2) Pour la forme des provisions du lieutenant général, voir le Recueil précité, p. 133.

(3) Cart. des Chartreuses de Gosnay, t. I, fol. 288 v°.

(4) Règlement de 1423 (Rec. de Chartes et titres concernant les fonctions des grands baillis de la province d'Artois, p. 80; Cf. p. 70 et suivantes. Le scel aux causes est décrit par Demay, Sceaux d'Artois, n° 1032.

( 5) Cart. des Chartreuses de Gosnay, t. I, fol. 175 r°.

(6) Arch. de Béthune, FF. 52 et Cart, de Saint-Barthélemy, n° 138.

(7) Arch. de Saint-Vaast de Béthune.

( 8) En 1556, deux buires d'argent sont offertes à Gilles de Lens; en 1607 une coupe de vermeil est remise au comte de Bossu, et, en 1625, une autre, d'argent, à M. de Gomiecourt.

( 9) Cornet, Histoire de Béthune, t. II, p. 228.

(10) Arrêt du Conseil du 22 août 1776 (Arch. nat., E. 2527).

( 11) De 1645 à 1693 c'est le lieutenant général qui remplit les fonctions judiciaires de l'ancien gouverneur, en l'absence de ce dernier.


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toujburs, qui cumule plusieurs emplois. Il est exclusivement chargé des choses militaires, dirige sous sa responsabilité la défense de la place, en cas de siège(1); mais, en temps de paix, il réside peu au siège de son gouvernement et se fait remplacer par le lieutenant du roi ou le major de place, se contentant de toucher le traitement affecté à ses fonctions ( 2) et il remplit parfois un service à la cour, le plus souvent un emploi aux armées.

Les grands baillis de la province d'Artois furent créés en 1699 et Nicolas du Pire, baron d'Hinges, fut installé comme grand bailli de Béthune en 1693. En dépit de sa qualification de«grand»et de l'hérédité de son office(3), celui-ci diffère des baillis du xiiie siècle, suivant un mémoire de l'époque, «comme une ombre, d'une réalité(4)». Il n'a plus de fonctions militaires. Les finances sont passées aux intendants et à leurs subdélégués. Il ne reçoit plus les aveux et dénombrements des fiefs mouvant du château de Béthune, qu'un arrêt du Conseil d'Etat du 7 juin 1695 attribue au bureau des finances de Lille(5); mais il vérifie ces dénombrements, en vertu d'une commission des trésoriers de France (6). Le baron d'Hinges avait bien revendiqué le droit d'affermer les propriétés de la ville et de passer les marchés en leur nom, comme celui de recevoir les comptes des revenus communaux; mais les usages et privilèges conféraient ces droits au magistrat(7).

Au point de vue administratif il n'a plus à intervenir dans l'élection des échevins. L'édit de 1771 a érigé en offices les fonctions municipales. A Béthune le Corps de ville est composé(8)d'un mayeur et de six échevins. Le premier est nommé parie roi lui-même, Sur la présentation des députés des Etats d'Artois, et les échevins, par

( 1) Voir notre Notice sur Le Prestre de Vauban (Bulletin des Antiquaires de la Morinie, t. IX, p. 266 et 389).

( 2) 2819 livres par trimestre (Arch. du Pas-de-Calais, C. 248).

( 3) L'édit du mois d'octobre 1693 déclara les charges des grands baillis héréditaires; un second édit, de 1696, réglementa cette hérédité.

( 4) Mémoire pour les lieutenants généraux des bailliages de l'Artois contre les grands baillis (notre bibliothèque).

( 5) «Arrêt du Conseil d'Estat du roy, qui condamne le baillif de Béthune à cent livres d'amende, pour avoir reçu un dénombrement d'un fief tenu du Roy, au préjudice de l'arrêt du 7 juin 1695.» (Lille, 1717, in-4°).

(6) Arch. nat., P. 2051.

( 7) Requête du 14 janvier 1693 (Arch. de Béthune, FF. 52).

(8) Édit de novembre 1773 et Règlement de 1768.


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par ces députés eux-mêmes, sur la présentation de la ville. Dès lors le grand bailli reste étranger à la formation du magistrat et son rôle se borne à recevoir le serment du mayeur.

Ses provisions délivrées par le roi( 1) sont adressées au Conseil d'Artois et c'est entre les mains du premier président de ce Conseil ou d'un simple conseiller délégué qu'il prête serment, en présence du magistrat(2).

Il reste étranger à la police de la ville et, en dépit de ses prétentions, il n'a aucun droit sur le produit des amendes et confiscations prononcées par les échevins et sur les droits de greffe; mais il continue à jouir du droit de scel sur les jugements, sentences, actes et commissions (3).

En réalité, ses attributions sont purement judiciaires et honorifiques.

Il continue à être le chef de la gouvernance(4), tribunal à la fois de première instance et d'appel, dont la compétence s'étend sur les trente-huit paroisses du bailliage de Béthune ( 5) et qui connaît en appel des sentences de l'échevinage, de la justice du chapitre et des justices féodales relevant du château de Béthune (6). Ce tribunal ressortit lui-même à la gouvernance d'Arras, sauf en malière criminelle, où les appels sont portés directement au conseil provincial d'Artois (7).

Mais si le grand bailli est chef de la gouvernance, c'est le lieutenant général qui siège à sa place.

Devant l'Echevinage, juridiction municipale de première instance, il continue à avoir la conjure(8), sans toutefois assister aux jugements. De même les grosses sont expédiées en son nom, sans qu'il soit présent à la rédaction des contrats.

(1) Arch. de Béthune, FF. 37.

( 2) Arch. nat., E. 3537.

(3) Édit du 2 novembre 1696 (Rec. de chartes, p. 167).

(4) Ce tribunal se composait du grand bailli, du lieutenant général, d'un conseiller, d'un procureur du roi, d'un greffier et d'un receveur des amendes et épices. Son hôtel se trouvait sur la grand'place. Il avait été acheté en 1607 à Jean de Bonnières, chevalier d'honneur du Conseil d'Artois (Arch. nat., P. 2050).

( 3) Voir Maillart, Coutume d'Artois, p. 22, pour l'énumération de ces paroisses.

(5) Cte de Loisne, Les fiefs relevant du château de Béthune (Abbeville, 1896, in-8°).

(7) Bignon, Mémoire sur l'Artois.

(8) Arrêt du Conseil d'État du a novembre 1700.


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En son absence, les jugements, sentences et ordonnances sont rendus à la conjure du lieutenant général(1). Celui-ci n'est plus à la nomination du bailli. Sa charge a été érigée en office par l'édit de février 1693; il la tient du roi, dont il s'intitule conseiller(2). Il en reçoit les provisions par l'entremise du Conseil d'Artois et prête serment devant cette juridiction.

Le grand bailli n'a plus, comme les anciens baillis, la fonction de partie publique; l'édit de 1773 l'a attribuée au procureur du roi syndic. Mais il nomme à l'office d'huissier audiencier et de sergent royal; il reçoit le serment des procureurs de l'échevinage et les installe. C'est de plus à lui ou plus habituellement à son lieutenant général qu'appartient l'exécution des jugements et ordonnances du magistrat, authentiqués par l'apposition du sceau du bailliage et par le scel aux causes de la ville(3).

En dépit de ses fonctions judiciaires, le grand bailli n'est pas homme de robe. Il reste bailli d'épée, comme ayant le droit, fictif d'ailleurs, puisqu'il n'est plus exercé, de conduire à la guerre le ban et l'arrière-ban du bailliage. A ce titre il convoque la noblesse pour les assemblées préparatoires des États-Généraux. Il préside également l'assemblée des notables et les assemblées extraordinaires des officiers du bailliage (4).

Ses autres droits honorifiques ( 5) consistent à se tenir, dans les cérémonies publiques, après le gouverneur(6), à allumer les feux de joie, à occuper, les jours de Te Deum, une stalle dans le choeur, près du prévôt de la collégiale(7).

L'office de grand bailli conférait, en réalité, plutôt un titre re(1)

re(1) de Béthune, FF. 38.

(1) Il s'intitule ainsi : «Jacques-François Damiens, écuyer, sieur de la Ferté, conseiller du Roi et lieutenant général en ses ville et gouvernance de Béthune.»

(3) Le grand bailli ou le lieutenant général arrête les criminels. Il saisit également les biens des débiteurs et, après que les jugements ont validé la saisie, il les met à exécution.

(4) Arrêt du 3 novembre 1700.

( 5) Il n'a droit ni à des courtoisies, ni a des vins d'honneur( Arch. nat., E. 9597). Cependant, parfois des vins d'honneur lui sont offerts, par politesse, le jour de son mariage (Arch. de Béthune, CC. 721).

(6) Arrêt du Conseil du 2 novembre 1700.

( 7) Le grand bailli se qualifiait aussi «Chef superintendant et administrateur de l'hôpital de Béthune» (Arch. de Béthune, GG. 203 bis.), mais les chanoines de Saint-Barthélemy lui contestaient le premier titre et les échevins, la seconde prérogative.


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dondant que des fonctions importantes. Aussi voyons-nous, pendant tout le cours du xviiie siècle, ces officiers de robe courte chercher à s'arroger les anciennes prérogatives des baillis-gouverneurs et assiéger les Conseils du roi de leurs prétentions et de leurs plaintes(1). Les divers procès faits à ce sujet à la ville de Béthune par les trois barons d'Hinges (2), successivement grands baillis héréditaires de la ville de Béthune, n'aboutirent pas, et la Révolution mil un terme définitif à leur ambition en supprimant à la fois la charge de grand bailli et la gouvernance de Béthune.

LISTE CHRONOLOGIQUE DES BAILLIS.

1210. Baudouin de Canteleux, Balduinus de Cantilupo(3).

1214. Jean d'Allouagne, chevalier, Johannes de Allowagne(4).

1215. Jean de Bruay, Johannes de Bruaco (5). 1222-1226. Jean II d'Allouagne (6). 1226. Hubert Lequien, Eubertus Canis(7). 1259. Simon des Prés, Simon de Pratis(8). 1263-1275. Jean Heugot(9).

1270. Guizelin le Pair, Ghiselin li Per(10).

1275. Jacques de Ham(11).

1275, juin. Jean Heugot, pour la seconde fois(12).

1279. Jean Descardeau(13).

1286. Thomas Bonnier(14).

(1) Requétes des 14 janvier 10693 et 26 mars 1697 (Arch. de Béthune, FF. 5 2).

(2) Id. FF. 53 et 54 (Procès entre le magistrat de Béthune et le grand bailli).

(3) Arch. nat., K. 37. n° 30.

(4) Saint-Génois, Monuments anciens, p. 502.

( 5) id., p. 512.

(6) Cart. de Saint-Barthélémy, nos 44 et 61.

(7) Id., n° 60.

(8) Arch. du Nord, Abbaye d'Anchin, Con 8 (Comon de M. le comte de Germiny).

( 9) Arch. du Pas-de-Calais, ch. de Saint-Barthélémy. ( 10) Inventaire de Godefroy ( Comon de M. le comte de Germiny ).

(11) Id.

( 12) Arch. du Pas-de-Calais, chap. d'Arras, Con H.-L.

(13) Cart. de Saint-Barthélemy, n° 116.

( 14) Saint-Génois, Monuments anciens, p. 740.


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1288. Hubert de Cohem, Oubert de Chohem(1).

1300-1301. Moreau d'Anvin, chevalier, Morellus de Avinyo(2).

1301. Gilbert Pigouche, Ghillebers Pigous(3).

1304-1308. Jean Daulle, chevalier(1).

1311-1312. Anselme d'Anvin, chevalier(5).

1312-1316. Jacques Rolland(6).

1316. Pierre de Neuville, Piéron de Noefoille(7).

1316-1318. Wautier Rouve, chevalier(8).

1318-1321. Jean du Gardin(9).

1321. Guillaume de la Planque(10).

1321-1324. Gilles de Blessy, chevalier, Gille de Bléti(11)

1324. Bertault des Prés (13).

1324-1328. Gilles de Blessy, bailli pour la seconde fois (13).

1328-1332. Guillaume de La Planque, pour la seconde fois Willaume de

La Plenque(14). 1332-1333. Bertault des Prés, bailli pour la seconde fois (15). 1333. Jacques Cornille (16).

BAILLIS - GOUVERNEURS.

1334-1336. Hugues Bouteiller, Hues Boutillers(17), avec Bauduin Wastelin

Wastelin receveur(18). 1336. Enguerrand de Louvencourt, écuyer(18).

(1) Cart. de Saint-Barthélemy, n° 117. ( 2) Trés, des Chartes d'Artois, A. 1 58, 171 et 173. ( 3) Arch. du Pas-de-Calais, Chartes de Saint-Barthélemy. (4) Très, des Chartes d'Artois, A. 825. ( 5) Richard, Inventaire sommaire, t. II, Introduction. ( 6) Très, des Chartes d'Artois, A. 291, 305, 320, 324, 328, 332, 343. (7) Id., A. 345 et 353. (8) Id., A. 350, 358 et 362. (9) Id., A. 367, 370, 373, 384, 392 et 394. ( 10) Demay, Sceaux d'Artois, n° 1423.

(11) Très, des Chartes d'Artois, A. 72, 422 et 947.

( 12) Bibl. nat., ms. Colbert, t. CLXXXVIII, n° 47. — Cart. des Chartreuses de Gosnay, t.1, fol. 231 v°.

( 13) Très, des Chartes d'Artois, A. 425, 429, 435, 437, 441, 458, 468. (14) Id., A. 478, 514 et 540. — Bibl. nat., ms. Colbert, t. CLXXXVIII, n° 39. ( 15) Très, des Chartes d'Artois, A. 523 et 533. ( 16) Cart. de Gosnay, t. I, fol. 84 r°. (17) Id., fol. 151 et Très, des chartes d'Artois, A. 553.

( 18) Demay, Sceaux d'Artois, 11° 1908 et 1910. — Bibl. nat., ms. Colbert, t. CLXXXIX,n° 54. (19) Très, des Chartes d'Artois, A. 555, 559, 561 et 563.


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1338. Thomas Arouet, Arowet, Harouet(1).

1339-1341. Jacques Cornille, pour la seconde fois(2).

1341. Hugues Bouteiller, de nouveau(3).

1343-1349. Jacques Gornille, pour la troisième fois (4).

1349-1351. Hugues de Bours, Hues de Bours, écuyer du roi(5), bailli

et châtelain. Serment du 6 mai 1349. 1351-1354. Etienne Bosquet, Estevennes Boskés. Serment du 26 mars

1351(8). 1354-1359. Hugues de Bours, pour la seconde fois(7). 1359-1362. Jean du Plouy, Jehans du Ploich (8). 1362-1363. Jean Grenel(9). 1363-1365. Regnier de Boubers, dit Gadiffer ou Gladiffers, écuyer.

Serment du 18 décembre 1363 (10). 1366-1368. Jean de La Bevrène, Jehans de le Beurene, écuyer. Serment

du 8 septembre 1366 (11). 1368-1369. Bernard de Quatrevaux, chevalier(12). 1369. Jacques Sauvage, Jakemes li Sauvage. Serment du 15 juillet(13). 1369-1373. Jean de Vaux, Jehans de Vauls, écuyer(14). 1373-1379. Bernard de Quatrevaux, Bernars sires de Quatre Vaulx,

chevalier, gouverneur-bailli pour la seconde fois(15). Serment du

ta janvier 1373(18). 1379-1385. Godefroy de Noyeiles, chevalier(17). Serment du 25 juin

1379.

(1) Cart. des Chartreuses de Gosnay, t. I, fol. 84.

(2) Id., fol. 111 r°. — Très, des Chartes d'Artois, A. 586, 589 et 964.

(3) Id., A. 603.

(4) Id., A. 81, 82,622, 629, 640 et 664.

( 5) Rec. de Chartes et titres, p. 136.

( 6) Id., loc, cit. — Cart. de Gosnay, fol. 196 v°.

(7) Très, des Chartes d'Artois, A. 83, 680, 685 et 686.

( 8) Arch. du Pas-de-Calais, chap. de Saint-Barthélemy, carton a, liasse 5. — Cart. de Gosnay, fol. 101 v°.

(9) Id., fol. 152 v°.

(10) Trés. des Chartes d'Artois, A. 70g. — Rec. des Chartes, p. 135.

(11) Arch. du Pas-de-Calais, Chartes de Saint-Barthélemy, cart. 2, 1. 5. — Très, des Chartes d'Artois, A. 727 et 729.

( 12) Id., cart. 2, l. 4.

( 13) Bec. de Chartes, p. 138. Très, des Chartes d'Artois, A. 757.

( 14) Id., A. 97, 761, 755, 749, 750 et 751.

( 15) Cart. de Gosnay, f. 111 r°. — Très, des Chartes d'Artois, A. 767, 760, 761, 764, 767 et 774.

( 19) Rec. de Charles, p. 138.

( 17) Très, des Chartes d'Artois, A. 780, 782, 786, 795, 800, 802 et 806.

( 18) Rec. de Chartes, p. 138.


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1385. Gilles du Castel. Serment du 11 décembre (1).

1386-1391. Robert de Liettres, Robers de Liestes, écuyer. Serment du 21 mars 1386(5).

1391-1432. Guérard Wambourg, Grars Vuambourc, conseiller du comte de Namur. Serment du 22 juillet 1391(3).

1432-1469. Bon de Saveuse, chevalier, sieur de Bailleulmont, Savy, La Coulure(4).

1469-1477. Louis de Terlon, chevalier(5).

1477-1504. Jean de Polignac, chevalier, sieur de Fontaine et de Beaumanoir(6).

1504-1615. Claude de Bouvard, chevalier, sieur de Gomignies. Serment du la février 1504(7).

1515-1522. François de Melun, chevalier, comte d'Epinoy, baron d'Antoing, sieur de Richebourg, Wingles et Caumont, connétable héréditaire de Flandre, chevalier de la Toison d'or. Serment du 18 juillet 1521(8).

1522-1554. Frédéric de Melun, bâtard d'Epinoy, sieur d'Hinges et du Locon, échanson de l'archiduc. Serment du as juin 1522(9).

1554-1555. Maximilien de Melun, chevalier, vicomte de Gand, sieur de Caumont et d'Hébuterne. Serment du 26 décembre 1554(10).

1555-1556. François de Noyelles, chevalier, baron d'Estrades et d'Aubigny, sieur de Lisbourg et Hucqueliers, gentilhomme de la bouche de l'empereur Charles-Quint et gouverneur d'Hesdin. Serment du 9 juillet 1555 (11).

1556-1563. Gilles de Lens, chevalier, baron d'Aubigny, sieur d'Aix, Habarcq, Beaumetz, Bully, etc., capitaine de deux cents chevaux. Serment du 15 février 1556(12).

(1) Rec. de chartes, loc. cit.

(2) Id., p. 139. — Très, des Chartes d'Artois, A. 790.

( 3) Cart. de Gosnay, fol. 115, 118 ros et 243 v°. — Très, des chartes d'Artois, A. 790. — Comte de Loisne, Sépult. et inscriptions des anc. églises de Béthune (Mém. de la Commission des monuments historiques du P.-de-Cal., t. I, p. 401).

(4) Bibl. nat. ms. Duchesne, t. VI, fol. 371. — Arch. nat. P. 2048. — P. Ignace, Addition aux mémoires, t. VII, fol. 479.

( 5) Bibl. nat., ms. Duchesne, loc. cit.

(6) Arch. de Béthune, HH. 7.

(7) Ms. Duchesne, loc. cit.

(8) Recueil, p. 140. — P. Anselme, Généal. des pairs de Franc, t. V, p. 231.

(9) P. Anselme, t. V, p. 238. — Arch. de de Béthune, BB. 7, fol. 86 v° et BB. 8. — Cf. Sépult. et inscriptions, loc. cit., p. 421.

( 10) Ms. Duchesne, loc. cit. — P. Anselme, op. cit., p. 238.

(11) Bibl. de Boulogne, ms.

( 12) Rec. de chartes, p. 142.


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1564-1584. François de Bernemicourt-Saluées, chevalier, sieur de la Thieuloye, premier maître d'hôtel de la duchesse de Parme. Serment du 9 février 1564 (1).

1584-1593. Jean de Bernemicourt, chevalier de l'ordre de Saint-Jacques, fils du précédent. Serment du 25 décembre 1586 (2).

1594-1597. Gaston Spinola, chevalier de Saint-Jacques, sieur de Bruay, d'Embry, etc. Serment du 22 novembre 1594.

1597-1607. Philippe de Robles, sieur de Fressin. chevalier de SaintJacques.

1607-1625. Maximilien de Hénin, comte de Bossu, marquis de la Vère, sieur de Beuvry, Chocques, La Fosse, Sailly, etc., chevalier de la Toison d'or. Serment du 17 septembre 1607.

1625-1635. Philippe, comte de Gomiécourt, chevalier, baron de Lagnicourt, sieur de Lignereuil, Ervillers et Maizières(3).

1635-1636. Charles Stassin, chevalier, sieur de Brandebourg, mestre de camp de S. M. Catholique(4).

1636-1640. Adrien d'Andelot, chevalier, sieur de Rùmes.

1640-1645. Philippe de Bonnières, chevalier, comte de Guînes(5).

1645-1655. Ferry de Choiseul, vicomte d'Hostel, premier gentilhomme du duc d'Orléans (6).

GOUVERNEURS MILITAIRES.

1655-1687. François de Blanchefort-Créquy, marquis de Marines, maréchal de France, gouverneur par brevet du 4 mars 1655(7).

1687-1702. Nicolas Bochart de Champigny, chevalier, capitaine aux gardes du roi.

1702-1704. Jean-François de Marillac, colonel du régiment de Languedoc , brigadier des années du roi.

1704-1710. Antoine Le Prêtre, comte de Vauban, lieutenant-général(8).

1710-1713. Jean Rabo, baron de Keppel, colonel au service des Provinces-Unies , gouverneur pendant l'occupation.

1713-1731. Antoine Le Prêtre, comte de Vauban, de nouveau gouverneur après le retour de Béthune à la France.

(1) Rec. de chartes, p. 142. ( 2) Id. p. 144.

(3) Bibl. nat., Cab. des Titres, pièces origin., t. CXXXV. (4) Ms. Duchesne, loc. cit.

( 5) C'est lui qui commandait à Béthune pendant le siège de 1645. ( 6) V. Pinard, Chronologie militaire, t. VI, p. 326. (7) On voit son épitaphe, à Paris, à l'église de Saint-Roch. ( 8) Nous avons publié une notice sur ce gouverneur dans le Bulletin des Antiquaires de la Morinie, t. IX, p. 366 et 389 et suiv.

HIST. ET PHILOL. — Nos 1-2. 15


— 226 —

1731-1735. Conrad-Alexandre, comte de Rottembourg, brigadier des armées du roi. Lettres de provisions du 37 janvier 1731(1).

1737-1744. Charles de Tarneau, lieutenant-général des armées du roi. Serment du a mai 1737.

1744-1751. Claude-Roland, comte de Laval-Montmorency. Provisions du 90 septembre 1744. Serment le 7 avril 1745 (2).

1751-1771. Victor-François, duc de Broglie, maréchal de France. Provisions du 3 décembre 1751. Serment du 10 février 1752 (3).

1771-1789. Louis-Charles-Alexandre, marquis de Maupeou, lieutenantgénéral des armées du roi.

GRANDS BAILLIS.

1693-1719. Nicolas-Alexandre du Pire, baron d'Hinges, sieur de Courtaubois, Avelette, Tourlingtun, colonel de dragons(4).

1719-1755. Louis-Alexandre du Pire, baron d'Hinges, fils du précédent (6).

1755-1789. Alexandre-Guislain-Joseph du Pire, baron d'Hinges. Provisions du 4 novembre 175&(6).

LIEUTENANTS GENERAUX.

1323. Thomas Arouet(7).

1328. Jean Havet(8).

1344. Gilles Favrel(9).

1351-1352. Gilles de Lingres (10).

1352-1358. Barthélemy Robelique. Serment du 7 février 1352 (11).

1359. Jean David (12).

( 1) Voir sur ce personnage Pinard, Chronologie militaire, t. VII, p. 83 et 84.

(2) Arch. nat., P. 2458, fol. 48.

( 3) Pinard, op. cit. t. III, p. 460. — Arch. nat., P. 3467, fol. 21 v°.

( 4) Voir sur ce personnage : Arch. nat., P. 2051 et E. 3537. — De Duvienne, Hist. d'Artois, t. II, p. 393. — Arch. de Béthune, FF. 52, 53 et 54; GG. 16.— Duchesne, ms. cit., p. 372.

( 5) Voir à son sujet : Arch. de Béthune, GG. 5, 10, 11 et 19.

(6) Id. FF. 27.

( 7) Cart. de Saint-Barthélemy, n° 119. — Cart. de Gosnay, t. I, fol. 190 v°.

( 8) id., fol. 49, v°.

(9) Très, des chartes d'Artois, A. 1005.

( 10) Recueil de chartes concernant les fond, des grands baillis de la prov. d'Artois, p. 137. (11) Pour ce serment, voir Arch. de Béthune, FF. 53. ( 12) Cart. des Chartreuses de Gosnay, fol. 49 v°.


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1361. Jean de Houchin(1).

1365. Jean le Wastelier(5).

1367. Gilles de Boubers, Gilles de Bouberch, dit des Lonprés(3).

1368-1369. Suos de Beaumarais. Serment du 10 septembre 1368.

1369-1373. Hugues de La Motte ou Delmotte.

1373-1379. Jean Le Wastelier(4).

1379-1385. Hugues de La Motte, Huon de le Mote, et Jean Tristrain, en l'absence du premier(5).

1391. Florent de Saint-Gilles (6),

1400. Jean Tristram. (7).

1418. Jacques de La Brique, Jallemes de le Bricque(8).

1439-1451. Jean Le Bailly, sieur de Corbeaumont(9).

1464-1474. Baudart de Méricourt(10).

1475. Guillaume de Rebreuviette (11).

1503-1509. Jacques du Quesnoy, dit Hector et Florent de Habarcq, écuyers. Serment du 23 mars 1503 (12).

1509-1521. Charles de Crespieul, écuyer. Serment du 31 mai 1609.

1522-1525. Antoine du Péage. Serment du 6 octobre 1522.

1525-1533. Walleran Mencico, sieur du Hocqueron et d'Inghem. Serment du 7 mars 1525.

1533-1536. Robert Rose (6 octobre 1533).

1536-1546. Michel de Béthune-Desplanques, écuyer, sieur d'Hesdigneul (12 juillet 1536).

1546-1550. Huttin Raye, écuyer (4 mai 1546).

1550-1555. Charles de Bernemicourt, écuyer, (2 mai 1550).

1555-1557. Pierre de Bongardin, écuyer (17 juin 1555).

1557-1560. Guislain Desjardins, écuyer, sieur d'Orlencourt (27 novembre 1557).

1560-1569. Eustache de Beaufort, écuyer, ( 23 juillet 1560).

( 1) Cart. des Chartreuses de Gosnay, fol. 101 v°. (2) Id., fol. 106 v°.

(3) Id., fol. 194 v°.

(4) Richard, Invent, des chartes d'Artois, A. 996.

( 5) Cart. des Chartreuses de Gosnay, fol. 111 r° et Bibl. nat., fonds Moreau; ch. et dipl., t. CCXLII, fol. 39, 72 et 79.

( 6) Arch. de Béthune, AA. 6.

(7) Cart. des Chartreuses de Gosnay, t. I. fol, 208 r°.

(8) Id., fol. 159 r°.

(9) Arch. du Pas-de-Calais, Cart. des charitables de Béthune, fol. 40 r° et 109 v°.

( 10) Archives du Pas-de-Calais, série G. Ch. de Saint-Barthélemy.

( 11) Recueil de chartes et titres, loc. cit.

( 12) Cart. des charit. de Béthune, fol. 83 r°.

15.


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1569-1571. Pierre de Montmorency, écuyer, sieur de Malboux (23 septembre 1569). 1571-1579. Nicolas de Gouy, écuyer (22 août 1571). 1 579-1580. Antoine Le Pippre (28 juillet 1679). 1580-1581. Charles de Bernemicourt, écuyer (39 août 1580). 1581-1625. César de Clercq, écuyer, sieur de Colidart (28 août 1581),

avec Guislain Lalain, comme lieutenant particulier, en 1583,

et Antoine Le Pippre, à partir de février 1596. 1625-1626. Maximilien de Génevières, écuyer, sieur de Roisin (a juillet

1625). 1626-1638. François de la Motte, écuyer, sieur de La Croix (16 mars

1626). 1639-1643. Pierre de Moncheaux (13 septembre), avec Adrien Deville,

comme lieutenant particulier, à partir du 1er juillet 1640. 1643-1664. Antoine Desprez, écuyer, sieur de Lagnicourt (30 octobre

1643). 1664 .... Jean-François Damiens, écuyer, sieur de Warenghem et de

Berles-en-Beaurains (23 juin 1664). V. 1675. Charles de Malet de Coupigny, écuyer, sieur de Sallau. 1675-1694. Jacques-François Damiens, écuyer, sieur de Warenghem,

fils de l'avant-dernier. 1694-1730. Jean Delepierre, sieur d'Oresmaux(1). 1730-1748. Nicolas-François Langlé. 1748-1757. Henri-Joseph-Bonaventure Piquait, sieur d'Estrées et d'Honnebecque.

d'Honnebecque. Henri Piquart d'Estrées, fils du précédent(2).

(1) Arch. de Béthune, GG. 55,

(2) Id., GG. 58. Voici quelle était, en 1789, la composition du bailliage de Béthune :

Alexandre du Pire, baron d'Hinges, grand bailli.

Hurbiez, substitut du grand bailli.

Piquarl d'Estrées, lieutenant général.

N.. ., conseiller.

Goltran, greffier, recev. des épices.

Brequin, recev. des consignations. (Almanach d'Artois, année 1789).


— 229

III

LES COMPTES ET MANDEMENTS DES RECEVEURS ET MAITRES D' HOTEL DU VICOMTE DE FEZENZAGUET (1 365-1372)

Communication de M. Edouard Forestié.

L'intérêt qui s'attache aux livres de comptes des siècles passés n'est plus à démontrer. C'est dans ces documents, d'autant plus précieux qu'ils se rapportent à des périodes plus reculées, que l'économiste, l'historien trouvent des matériaux inédits et particulièrement intéressants par leur sincérité et la multiplicité des détails sur la vie intime, sur l'économie domestique, sur l'état des personnes sous l'ancien régime.

Naguère, M. Paul Meyer signalait à l'Académie des inscriptions la découverte de quelques fragments d'un livre de marchands du XIVe siècle, à peu près contemporain du grand-livre des frères Bonis, que j'ai publié en 1891, et disait avec raison que ces trouvailles étaient fort importantes.

Le document que je prends la liberté de signaler à l'attention du Congrès et du Comité des travaux historiques est aussi digne d'être mis en lumière. Je n'en ai fait encore aujourd'hui, — à l'intention de la réunion des Sociétés savantes, — qu'une analyse succincte accompagnée de quelques citations typiques. Une lecture en séance ne saurait d'ailleurs entrer dans tous les détails, et j'ai cru que mieux valait les réserver pour le commentaire qui accompagnerait le texte de ces comptes, si le Comité veut bien en décider la publication.

Ce document appartient au fonds d'Armagnac, qui est conservé aux archives du département de Tarn-et-Garonne et y constitue la mine la plus riche et la plus précieuse de renseignements sur notre Midi pendant les XIIe, XIIIe, XIV° et XVe siècles. On sait quelle fut la puissance de cette race quasi-princière qui, de Bernard le Louche, en 960, va jusqu'à Charles Ier, en 1481 et rayonna sur toute la province.

Parmi les innombrables documents qu'ils ont laissés et qui forment ce fonds, dont l'inventaire sommaire est en ce moment sous presse, j'ai obtenu de M. l'Archiviste communication d'un fragment de cahier contenant les ordonnances du vicomte de


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Fézenzaguct adressées à ses trésoriers ou à ses majordomes pour ses diverses dépenses et celles de sa maison!1).

Les vicomtes de Fézenzaguet, branche cadette des Armagnacs, avaient pour apanage la vicomte de ce nom, détachée de l'Armagnac vers 1163, et dont la capitale était Mauvezin. De 1339 à 1396 Jean d'Armagnac, fils de Géraud II, fut titulaire de cette vicomte, et c'est à lui que se rapportent les feuillets de comptes qui embrassent une période de sept ans, mais avec de nombreuses lacunes (1365 à 1373).

C'est donc une collection de feuillets détachés ou de cahiers, qui comprennent du folio 25 à 58 — 65 à 90— 100 à 110; enfin une série de 21 feuillets non paginés. Le format est de 0 m. 31 sur o m. 31, en papier de chiffe vergé, portant les filigranes du loup passant, ou de l'épée, ou de la hache.

Le document est écrit tantôt en roman, tantôt en latin. Les mandements en roman sont conçus à peu près en ces termes :

Lo vescomte de Fézenzaguet :

Recebedor, te manda m que bailhas a Desbariat ; I quarteron de froment à la mesurade de Maubezin, e en aysso no aya nul deffaut. Dius ajude te. Fait a Creysselh, lo dimas a v. de mars. — et en marge le nom du receveur «P. de Leval».

Lorsque le mandement est en latin, il est précédé du protocole suivant, plus ou moins abrégé :

Johannes de Armaniaco, Dei gratia, vicecomes Fezenzacii, Brulhesii et Creysselhii, dominusque baronie de Rupefollio, dilecto n° receptori, Mandamus vobis, etc.

Dans d'autres cas, et alors l'inscription est en roman, le majordome lui-même écrit :

Remembransa sia que io, Vidau de Nogues, maestre extraordenari de l'ostau de Moss. de Fézenzaguet, conoc aver ayut et recebut per la man d'en B. deu Glaus, bayle, etc., etc. . . et il appose sa signature.

Le mot Registratum, placé au bas de la mention, indique le report de la dépense ou du mandement sur un autre registre.

Le premier acte rapporté à la page xxv, feuillet premier de nos registres, est un document curieux pour le droit ancien : c'est la

(1) Archives départementales de Tarn-et-Garonne, série A. 56 et 57.


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forma litteree procuratoris. Il est en latin et ne diffère point des instrument de même nature qui sont communs dans les registres de notaire, et renferment un si grand nombre de formules, de précisions, que la lecture en devient fastidieuse.

Fol. 26. Le châtelain de Séran, Guillaume de la Roche, reçoit pour ses gages trunum tonellum, sex saumatas vini,et unum quartonatum et medium frumenti». A noble Foulques de Gachan ou de Guxan, autrefois seigneur de Alsomont (de Montaut), sont donnés soixante florins d'or «pro multis et variis serviciis per ipsumnobis impensis et que cotidie impendere non desinit». A noble Fouquet de Garbès pour un don fait par le vicomte : 33 florins d'or.

Raymond d'Aignan, maître extraordinaire de l'hôtel, reçoit du receveur de Brulhois des quantités importantes pour provisions de l'hôtel; huit cartières de blé, trois d'avoine, quatorze saumées et demie de vin.

Le prix d'un roussin est de 3 florins d'or et demi.

Le vicomte de Fézenzaguet étant resté un mois à Agen et à Layrac, la dépense en blé fut de onze quartières et demie, trois quartières d'avoine et 14 saumées et demie de vin.

Fol. 28. Vidal de Noguès, maître d'hôtel extraordinaire, note les dépenses faites par le vicomte en la maison ou château de la Mote; et notamment pour trois paires de garias(1), poules pour 3 jours, au prix de 5 blancs la paire; six paires de faucons pour 12 jours, au prix de 4 blancs la paire: en tout 9 paires, 9 gros et demi toulousains; plus pour poisson 2 florins, 9 gros; 3o pains, 4 gros; une livre de figues, 1 gros; deux gonds de fer et huit clés pour une fenêtre, 1 gros toulousain; pour ferrer le cheval du juge d'un pied, 1 gros, lorsque le maître d'hôtel emprunta ledit cheval pour aller à Mauvezin.

Kol. 29. Notons le nom d'un autre maître d'hôtel extraordinaire: Pierre Arnaud de Lafont, lequel reçoit de Arnaud Bertrand du Burgaud, bayle de Mauvezin, pour les dépenses de l'hôtel, à Mauvezin, pendant 15 jours, en juin 1365, 15 florins d'or, 5 gros et demi et 5 deniers morlaas.

Fol. 3o. Vidal de Noguiès, reçoit pour les provisions de l'hôtel

(1) Ne serait-ce pas des éperviers qu'on nomme encore goiras en Languedoc, el qu'on louait pour un certain temps?


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habité par la vicomtesse et sa suite, au nombre de 21 personnes, et pour 13 semaines : 5 cartons et 5 cartières de blé; deux saumées, deux cartons, et trois cartières d'avoine; cinq tonneaux de vin, trente-trois florins d'or pour 26 moutons avec leur laine;douze florins d'or pour la volaille «ad opus dicte vicecomitesse et liberorum nostroruin"; un porc salé; trois florins d'or pour une canne de drap d'Ypres pour les chausses (caligarum) de la vicomtesse et ses enfants; quatre florins pour 17 paires de souliers (sotularum), pour tout le monde de la maison; un florin pour un ustensile (baxeria) de cuisine; un florin d'or pour la ferrure et la tonte (aborratura) des (saumiers) mulets; 32 livres de cire provenant des rentes; sept livres et demie de poivre; 3 florins pour moutons et fromages? (ovibus et cazeis?), et un florin pour le sel.

Envoi à «dilecto et fideli nostro domino Bernardo de Armaniaco iniliti» 60 d. d'or dits « nobles guiennois de l'Ên. et cela pour payer des lettres scellées envoyées à Bordeaux au prince d'Aquitaine par Sanche de Montfaucon, procureur de Fezenzaguet.

Fol. 3 2. Pierre Arnaud de Lafond, maître d'hôtel, achète des épices de cuisine et envoie chercher à Verdun, du poisson de la Garonne.

Fol. 33 et suiv. Divers mandements pour la provision de l'hôtel pendant les séjours du vicomte à Caudecoste, consistant en vin, porc salé, poules (garias?), avoine, volaille, chandelles, oeufs,etc.

Fol. 34. Jean d'Armagnac, vicomte de Fézenzaguet, fait payer au comte de Foix «per tertia solutione financie captionis persone

nostre, per nos eidem comiti Fuxi debite quatuor milia florenorum

florenorum Cette somme fut envoyée à Mazères et Jean le Lompouz les y apporta avec sept cavaliers à l'aller, et neuf au retour et dépensa 26 florins d'or : il y avait, entre autres : Pierre de Golenchies, Guill. de Sperneras et Dominique de Verdun. Le loyer du roussin de Dominique de Verdun coûta 2 florins; celui du fils aîné du vicomte, de Mazères à Toulouse, 1 florin; et de Toulouse

à Mauvezin, 8 croizetles Payé à maître Raymond de SaintArnaut,

SaintArnaut, Mazères, pour deux années pendant lesquelles Jean, fils du vicomte resta dans sa maison, 15 florins; pour les dépenses faites par ledit Jean et son écuyer, à Mazères, 3o florins...

. . .Pour la façon, lorsque le vicomte alla vers le prince à Angoulême, d'une houppelande, d'un jupon, d'un chaperon, d'une paire de chausses pour son fils, 7 florins et 7 croisettes. — Achat


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de 14 palmes de drap de laine de Malines pour la vicomtesse et quinze cannes et demie de drap de Verdun pour ses filles et leurs damoiselles, lorsque le comte d'Armagnac vint d'Angoulême à Lectoure, 29 florins et 3 croisettes. Achat au seigneur de Prinhan et à son fils des lieux de Servan et de Briffa, 1,5oo florins; honoraire à Jean de la Rochelle, médecin, qui avait soigné son fils Géraud, 75 florins accompagnés d'une lettre de créance adressée au comte d'Armagnac. ..; envoi au juge de Fezenzaguet de 1475 florins.

Jean Breton était maître d'hôtel ordinaire... ll est chargé de divers achats de chevaux, etc., de vaisselle vinaire (octo fustes) ttpro erigendo quandam botilhareum in hospicio nostro de Pinibus et emendo clavos ad opus, dicte botilharie, 15 croisettes d'argent

Fol. 35. Le vicomte avait une maison à Toulouse, dont le loyer lui coûtait 16 florins d'or et 3 croisettes; elle appartenait à Jean de Fauratan. .. Il fait acheter pour son usage une [taire de vases (stiballarum) et trois paires de souliers (sotularum).

Arnaud Guillaume d'Armagnac, en l'absence du majordome de service, fait un reçu au bayle de Mauvezin.

Fol. 36. Parmi les provisions on remarque : 28 livres de cire; une livre de gingembre (zinzibris); demi-livre de canelle; demilivre de poivre; demi-quarteron de safran (crosci), une livre de sucre; trois livres d'amandes (annedalis?).

Dans le récépissé qui suit on trouve : 28 livres de cire, une livre de gingembre (gengibre),' demi-livre de canelle, demi-livre de poivre, demi-quarteron de livre de safran (sic), une livre de sucre, 3 livres d'amandes (meulas) ( 1)

Fol. 36. Voici une des citations les plus intéressantes. Elle se rapporte à des vêtements confectionnés pour le vicomte et sa famille. Je traduis textuellement : « Premièrement, j'achetai cinq cannes et demie de drap de Bruxelles pour faire une houppelande (soparlanda) et deux chaperons doubles, trois paires de chausses, pour Monseigneur; la canne valant 6 florins d'or et neuf croisettes d'argent (total 4o florins d'or et 11 croisettes d'argent). Pour foulonner lesdites étoffes, 6 croisettes; un drap de soie pour faire un jupon à Monseigneur, 19 fl d'or; — une once et demie de soie

(1) Nous citons ces deux articles pour montrer combien chaque scribe écrivait à sa manière les mêmes termes.


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verte pour faire ledit jupon et la houppelande et les chaperons,

1 o croisettes 1/2. — « en fiu » (fil) et cendal pour le jupon, la houppelande et les chaperons, 2 croisettes 1/2. — 2 livres de coton pour le jupon, 5 croisettes; — 13 palmes de toile bourgeoise pour le jupon, 13 croisettes. — 2 cannes de toile verte pour mettre entre le coton et le drap de soie audit jupon, 9 croisettes, —la fourrure de la houppelande en laquelle il y a 962 dos de petit gris, valant le cent 9 florins, total 80 florins; — pour fourrer ladite houppelande, 7 florins et 3 croisettes. — pour faire la houppelande, le jupon et 7 chaperons (le tailleur fut Jean d'Aure, tailleur du comte d'Armagnac), 3 fi. 1/2. — Six paires de souliers (sahatos) pour Mgr., faits par .1. de Samatan, 7 fl. 1/2. — Le lendemain des Rameaux le majordome alla à Toulouse et de là à Foix où était Mgr. d'Armagnac; ils restèrent — lui et quatre cavaliers — trois jours en route, puis le majordome alla à Mazères et ils dépensèrent 9 11. 10 gros; puis il alla à Toulouse pour acheter des draps de soie pour faire la houppelande ainsi que des pourpoints pour Madame et ses filles et ses damoiselles, mais il ne put trouver des draps de soie pour la houppelande : la dépense de ce voyage, qui dura trois jours, fut de deux florins d'or, quatre croisettes ; il acheta cent soixante ventres de vair pour les pourpoints de Madame et de ses filles, ils coûtaient la dizaine un florin soit 16 fl. — deux pourpoints d'agneaux pour les donzelles, 1 fl. — Le jour de Pentecôte, Monseigneur alla faire la fête à Lectoure avec Mg. d'Armagnac, et le maître d'hôtel reçut pour provision pour la compagnie « quar Moss. e los gentius homes manjaran el tinel de Moss. d'Armagnac».

2 flor. 1/2. — le Ve de Fezenzaguet partit de Lectoure et alla en Brulhois, — Une hache faite à Lectoure fut payée 3 fl. 9 croisettes,

— 3 livres de bougie (bugia) 6 blancs. — Puis viennent des dépenses pour le ferrage des chevaux, pour le pain; pour fromage; pour avoine; etc., etc.

Fol. 37. Le ferrage coûtait par fer 7 croisettes.

Fol. 42. Jean Breton, maître d'hôtel ordinaire de la vicomtesse, achète un âne pour porter l'eau à l'hôtel, — deux cannes de drap de laine pour faire une cotte pour la chambrière de la vicomtesse.

— Une balle de morue (mereluciorum) et une autre balle (abletium J de sardines? pour le carême.

Fol. 42 Vidal de Noguès achète des moutons pour la fête de


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Noël, des cierges, des chandelles, des bougies, viande de boeuf, merlus (cabillaud), harengs, et chandelles de suif, etc.

Fol. 43. Me Ph. Sacriste, notaire, nommé receveur, aura pour pension annuelle 10 florins d'or.

. Fol. 48. Le vicomte mande à son receveur de faire recouvrer sa

maison de (effacé) le bas et le haut et faire faire : al salho?

un bon tirant à mettre dans la salle haute contiguë au portail de Toulouse, et resserrer l'anneau qui y est, et faire réparer ce qui en a besoin, faire les provisions, et faire porter dans la plus proche maison qui se ferme à clé, 150 saumées de bois et dans une autre 150 quintaux de foin. — Même ordonnance au receveur de Greysselh; auquel en plus on dit de réunir 35 setiers de froment, 70 d'avoine, 140 quintaux de foin, 150 charges de bois, 60 pièces de volaille, 4o moutons, 1/2 bacou (?) (jambon) de chair salée, et autant pour larder; d'envoyer à Montpellier pour savoir si Guirauton est guéri et dans ce cas lui donner 7 francs, et s'il a besoin de jupon de drap, chaperon double, houppelande, double, chaussés, jusqu'à 3 florins la canne; et s'il a besoin d'un jupon de bocassin, qu'on le lui donne. — Recommandations pour des charrois à exécuter.

Fol. 5o. Vidal de Noguès reçoit de Jean Utable, apothicaire de Milhau (de Amilia) des épices, des cierges, des chandelles de bougie pour les provisions du château de Greysselh.

Fol. 5o. Deodat de Guidon, ou de Guy, nommé châtelain du château de Blanquefort, reçoit une pension annuelle de 8 setiers de blé dont trois parties de froment et une de seigle.

Fol. 51 De Creysselh où il était le 6 mars 1367, le vicomte mande à son receveur de donner à la vicomtesse : pour 4 cannes de drap de Montivilliers 22 florins, 4 cannes de drap de Vervins, moins deux palmes 11 florins et 3 gros; 6 cannes de drap de Vervins pour ses filles, 18 florins; 3 cannes du même drap pour les « donzelles», 9 florins; 3 cannes de drap du pays pour les deux chambrières, 6 florins; 6 cannes de drap pour le Breton (palefrenier), le Bouteiller (échanson), le coc (cuisinier), le portier et le trsouillartu 9 florins; la façon desdites robes coûta 10 florins, le foulonnage des draps 2 florins; la soie, le cendal fin, la toile pour la garniture 4 florins; une fourrure et six pourpoints de vair pour la vicomtesse 10 flo-


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rins; 2 pourpoints pour les 2 filles, 5 florins; les pourpoints pour les donzelles, 1 florin. Le vicomte ordonne ensuite à son receveur de pourvoir aux dépenses de la maison pendant le carême, de la même façon que l'année précédente « e no res mens bailhes los» et ne leur donnez rien moins : que 3 quartières de pois, 1 de fèves, ainsi que la provision de viande.

Fol. 51 v°. Le vicomte ordonne à son receveur de donner à son fils l'argent qui lui sera nécessaire «pour faire plaisir aux officiers

d'Agen».

Fol. 52. Le châtelain de Garabit était Gaillard de Mailhol, et celui de Mont. . . Jean de Lugat.

Fol. 54. Le bouteiller, G. de Cas, achète pour la provision, du froment, de l'avoine, du vin, du foin,3o moutons «avec leur laine»; porc salé, cire «en oeuvre», vaisselle de cuisine, etc.

Fol. 55-56. Le vicomte ordonne à son receveur de donner à son fils, qui ira vers le sénéchal d'Agenais pour un appel, et à Bordeaux, ce qui lui sera nécessaire; d'envoyer à Fortanier de Marestaing cent francs pour six lances «pour notre service». Au seigneur de Clairmont 5o francs pour deux lances; et au même Fortanier 20 francs pour supplément de six lances.

Fol. 56. Le vicomte envoie à sa fille Mascaronne, pour aller à Montauban, 4o florins d'or.

Fol. 57. Guirauton de Montpezat « notre serviteur» achète 2 cannes de drap, 5 florins d'or.

Fol. 58. L'abbesse de Montauban, avec 200 personnes arrivèrent et restèrent de la Pentecôte au 3o juillet, aussi le receveur fait-il faire des provisions.

Fol. 65. Détail de provisions pour l'hôtel, toujours les mêmes: 8 moutons, 10 florins; 4o garias, 4 florins et 2 gros; sucre, amandes, amidon, 2 florins; oeufs, huile et fromage, 2 florins; ferrure, 2 florins; pour achat de poissons, 2 florins; 2 cannes et demie de drap pour le goujat (garçon), 3 florins et 1 gros, pour cam? grosse pour le jour de Noël, 5 florins; piment et neulas (gaufres), 12 gros; une main de papier et pain, 6 gros.

F. 67. Ordre de construire une cheminée de tuiles plates dans le château de Puycasquier. Ordre de donner à Jean de Faudoas,


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chevalier, une certaine somme d'or (sic) et cela pour une servance qu'il avait promis de faire avec certains gens d'armes et dont il avait reçu déjà les deux tiers. Le receveur lui envoie 5o francs d'or. Un messager envoyé au prince d'Aquitaine à Poitiers (Peytius), perdit un cheval que l'on paya 15 florins.

Fol. 68. Ordre de donner de l'argent à son fils pour aller vers le prince à Angoulême.

Fol. 69. Achat d'un dogue (alanum) à Vidorlan de Florensac. Envoi à Toulouse de Me Vidal Beraut, pour consulter sur certaines affaires en la cour du sénéchal de Toulouse.

Fol. 69. A son fidèle seigneur Robert de Preyssac, chevalier, pour une servance faite par lui avec certains gens d'armes. Le tiers de la somme est 5o francs d'or comme ci-dessus à Jean de Faudoas.

Fol. 70. «Lo Recebedo (de Brulhezes). En temps que nos estavam a Layrac; En Arnaud de Sirac era maestre de nostre hostau e labetz (alors) foisa guerra uberta deus reys iasia que pacti fos entre la terra de Rrulhes e del sen de Bue; e per Pe Arnaut de Tornafoc e Arnaut Guilhem de Lartiga, agossan una quantitat d'arencs de un marcade deu loc de Nerac as obs de nostre hostau segon que ledig marcade aferma per que mandam que tu de ladita besonha t'enformes ab lodit Arnaut de Serac e tant cum tu trobaras que del dit areuc sia vengut a profiegt de nostre hostau li dedusiscas de x libras en que es estat condemnat per nostre jucege, e que de questa causa se sias informat dedins XII jours...»

Payement à un tailleur de Lectoure de 22 francs d'or pour la façon de (tunum OYLLA de futhani? pour le vicomte et pour toile, soie, coton pour ladite.»

Fol. 71. Au même Guirauton de Peyregou, payement pour 6 cannes et 2 palmes de drap de laine d'Angleterre pour faire manteaux pour le vicomte; la façon et le travail; et pour 5 palmes 1/2 de velours (velueto), pour faire une oyllam? et pour un orfroi (freia) d'argent et surdoré pour un corrige (?) courroie ou ceinture, 43 florins et 5 gros.

Fol. 71. Achats divers : 8 moutons avec laine, 10 fl., 18 garias(?), 2 florins et 3 gros; oeufs et fromages, 1 fl.; messagers, 1 fl.; 2 cannes de drap de la Flèche noir et 4 uchaux 1/2 de soie noire et 1 once 1/2 de fil blanc, 1 fl. et 5 gros.


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Envoi à Toulouse pour acheter frucha (fruits), estemenias (étamines)

(étamines) cossos? a obs de la coseria, 5 fl.

Fol. 72. Achat de pimentas (piments épicés) pour faire «Ypocras», 1 fl. — Garengal (galanga, épices) e sitoal (citouart) molut, 5 gros. — 2 livres d'amandes, 2 gros; 2 livres de sucre, 2 fl. et 3 gros. — 150 amandes, 3 gros. — 2 cabas pour porter lesdites choses, 1 gr. — Bras-de-fer. envoyé pour ces achats, dépensa 1 gros. — Jean le Flamand fut envoyé à Lectoure pour acheter 22 palmes de toile de Reims (Remps), 2 fl. et 8 gr., sa dépense,

1 gr. — Achat de poisson pour le soir de Saint-Antoine, 18 gr.; depense de celui qui alla chercher le poisson, 4 gros.

Fol. 73. Le vicomte écrit au receveur de Carcasses de fournir à Guirauton 1 jupon, et à Mata une cotte, des chausses et des chaperons, ainsi que de la viande pour le carême. Si la vicomtesse a besoin de médecin, durant le carême, on devra envoyer une ou deux fois à Carcasonne pour la satisfaire raisonnablement, si elle a besoin d'autre chose pour sa personne, ordonnée par les médecins, qu'il le lui donne, et qu'il approvisionne la maison de la vicomtesse de blé, de vin et autres denrées pour le carême.

Le majordome ou maître d'hôtel de la vicomtesse, Jean Brito, lui donna une balle de morue salée, une autre balle de collecum (?) trois quarterons d'huile de noix, trois quarterons de pesis sivecezes (pois) et un quarteron de fèves, et 3 francs d'or pour fruits et riz

Le vicomte recommande que dimanche prochain le receveur lui envoie du poisson à Puycasquier rce gardat ben que en aisso no aia nul défaut, e per cada semana n'aiam duas betz, en manieyra que lo peys de queras doas betz nos abonde per tola la sepmana e'que fessas prendre la part de l'estabue d'en Gentz de la Fotz a qualque pages de Layrac en manieyra que nos aiam lo peys e que tu pagnes l'argent e aysi mettris de l'estabiu de Veyri, si nulh autre hia pars si no la nostra. Dius aiut te».

Pour un uchau de soie, 1 gros; pour deux clefs et deux

barbolas de duas tarlugas?», 4 gros; pour chemises et brayes,

2 florins.

Fol. 73. Achat de 7 cannes carrées de planche bâtarde pour réparer la salle de Puycasquier. Qu'elles soient sans défaut, recommande le vicomte.


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Achat de pois chiches (ceses becuts), 1/2 quartière, 4 gr.; une quartière et demie de pois blancs, 5 gros; pots (olas) pour faire les potages (sic), 4 gros; un quintal d'huile de noix, 6 fl. 10 gros; 2 mains de papier, 4 gros; moutarde, 3 gros; 23 paires de souliers pour les gens d'ordinaire, à 4 gr. la paire, soit : 7 fl. et 8 gros; écuelles de bois et 5o cuillers (culkadas) de bois, à 4 gr. les 12.

Don au couvent des frères Augustins de Toulouse, 1 quarton de froment par amour de Dieu.

Fol. 74. La maison de la vicomtesse était composée de 18 personnes.

Fol. 77. D'autres fois le personnel était de 20 personnes tant ordinaires qu'extraordinaires : à la Saint-Jean-Baptiste on acheta pour les provisions 16 cartons de froment; 7 tonneaux de vin; orge ou avoine, 8 cartons et 2 setiers; paleis (?) pour lesdits chevaux, 3 francs d'or; pour grosse viande, pour chaque semaine deux moutons et demi au prix de 17 croisettes, soit 82 moutons 1/2 ; dix têtes de volaille pour chaque semaine, à 2 gr. 1/2 la paire; pour 66 jours «6 grossos» par jour; pour huile, deux quintaux; pour sel, un boisseau 1/2 par semaine; pour épices de la cuisine : 10 1. de poivre à 6 gr. la livre; 3 livres de gingembre à 1 fr. la livre; 3 livres de canelle à 6 gr. la livre; 1 1. de safran à 2 fl. la livre; le jardinage (ortalicia) pour tout le temps, 2 fl. 9 gr.; chandelles de suif de la Saint-Jean à Toussaint, 1/2 l., et de Toussaint à la Chandeleur, 1 1. par jour, la livre valant 1 gr.; chandelles et torches de cire, 7 1. par mois, à 2 gr. 1/2 la livre; pour la lavandière et la boulangère, 9 gros; pour chausses à la vicomtesse, à ses filles et à ses donzelles, chambrières, écuyers et autres 30 personnes, 12 francs; pour voiles et coiffes, 6 francs, etc

Fol. 77. La maison de la vicomtesse se décomposait ainsi : la vicomtesse, ses deux enfants, 3 écuyers (scutiferos), le maître d'hôtel, deux damoiselles, deux chambrières, le cuisinier, le valet, le portier, le sommelier et l'huissier. Elle fit faire : 3 cottes, 2 tuniques, un manteau double, trois chaperons de drap, le tout avec 12 aunes 6 palmes de drap, 4 fl.; pour la fourniture des cottes et pourpoints, l'une de vair, l'autre noire, 17 francs. Jean Géraud, fils du vicomte, fit faire : 2 jupons de draps et des chaperons et des manteaux ou houppelandes et tuniques, 8 cannes de drap. La


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façon des robes de la vicomtesse et leur garniture ou «aparelh», coûta 6 francs. Chacun des écuyers et le maître d'hôtel firent faire

2 jupons de futaine, au prix de 2 francs chacun ainsi qu'un manteau de houppelande, qui nécessitèrent chacun 12 palmes de drap à 2 fl. la canne; la façon coûta 2 francs. Les cottes des damoiselles et leurs tuniques, 5 cannes 1/2 de drap à 61 croisettes la canne. La façon et la garniture, 2 francs. Les cottes des chambrières,

3 cannes de drap à 2 fl. la canne, et la façon, 1 franc. Les habits du valet et du sommelier, du portier et de l'huissier, 3 cannes pour chacun à 18 croisettes la canne, la façon et la garniture, 6 croisettes,

Fol. 79. «Forma litteroe de faciendo fortificare loca». Sous ce titre est une lettre aux procureurs ordonnant de fortifier les lieux d'Azins, Layrac et Prexan, à cause des dommages «periculis et dampnis que de presenti possint sequi tam de magnis societatibus quam de aliis que sunt in patria ista».

Fol. 81. La seule mention en français est curieuse à citer : « Receveour mandons te que bayles a un bailet despens, que par ma ordenanse pour benir et pour retorner de Leirac aveque nous a Maubezin pour aucunes besonhes toquans a nous de lesquels il convient que nous tourne response. Dieu eiut te. Script a Maubezin le XXVII decembre l'an e trescentz sayssantes et huict.»

Fol. 83. Mention d'un voyage du vicomte à Avignon.

Fol. 86. Jean d'Armagnac écrit au juge de Fezenzaguet : «A la supplication humble de noble Geraud de Cambiac, coseigneur de Montbrun, nous avons compris que pour certaine assemblée (congregatio) de gens d'armes, chevauchées, déprédations de blés, récoltes, vins, et autres méfaits, rapines, dommages excessifs comis par ledit et par noble Ermessende de Montbrun, son épouse, et leurs complices pendant une rixe et guerre naguère survenue entre eux et Pierre de Monlbrun, coseigneur dudit lieu; et pour rébellion à nous et à nos officiers, arrêt et condamnation à la prison les avait frappés, etc , attendu l'humble et larmoyante supplication desdits et en considération de leurs services journaliers et

nocturnes (sic) faits à nous et aux nôtres rémission leur est

faite de notre science certaine et grâce spéciale , etc.»


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Fol. 87. Ordre de payer à Guillaume de Montaut 100 francs pour 6 hommes d'armes, 10 francs pour chaque mois écoulé et 12 francs pour le présent.

Fol. 89. Mandement pour donner au juge tant qu'il restera en Rrulhois pour les affaires du vicomte, 1 franc par jour, et à Me B. de Saint-Jean pour visiter les fortifications et pour 6 jours seulement le même gage.

Fol. 102. «Maestre Felip, mandam te que fassas far a Carcassone et que pagues aqueras pullulas que la vescomtesse te dira e que provezisca 1 maestre en sos nescessaris que nos mandam a la vescomtessa que aya per ensenha los enfans, car aquo que despendut auras per las causas desus ditas per la manieyra que desus, etc.»

Au même Philippe ordre de faire faire à «nostra filha Johaneta» un surcot chaperon d'été fourré. Le surcot fourré par les manches et pourpoint garni de lendac, le tout convenable. Le drap devra être de la valeur de 5 florins

Fol. 108. Le vicomte envoie son bâtard à la Plume ou bien à l'endroit que son fils Bertrand ordonnera, avec ses gens, et ordonne à son receveur de l'approvisionner lui et ses compagnons et leurs chevauchées de ce dont il aura besoin raisonnablement.

Fol. 109. Même ordonnance pour ledit bâtard et ses compagnons en Brulhois. Les consulats payeront les fermes de l'an présent et, s'il le faut, avanceront celles de l'an prochain.

Fol. 134. Le receveur de Brulhois, Jean Pages, paye à noble Roger Bernard de Levis, sr de Mirepoix, sur la dot de Jeanne d'Armagnac, fille du vicomte, épouse de Jean de Lévis, fils dudit seigneur de Mirepoix sur les 1,000 francs d'or payables à Toussaint, 13 avril 1372.

Par ces traductions relevées au courant de la lecture, et sans commentaires que la citation elle-même, on peut juger de l'intérêt exceptionnel que présenterait la reproduction textuelle de certains passages qui offrent à tous les points de vue : linguistique, études de moeurs, questions économiques, des matériaux précieux.

Les divers secrétaires du vicomte de Fezenzaguet écrivaient au jour le jour la copie des lettres ou mandements du seigneur; il y HISTS et PHILOL — N°s 1-2. 16


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a donc de nombreuses variations d'écriture et d'orthographe qui, dans les textes romans surtout, affectent diverses formes dialectales utiles à relever.

On y remarque aussi, en comparant le prix des denrées, des autres objets dont la mention se retrouve dans les Livres de comptes des frères Bonis que j'ai publiés, une hausse sensible sur la plupart des choses mentionnées dans les mandements.

Une comparaison plus détaillée s'imposerait donc si l'on publiait ces pages.

En les signalant au Comité et au Congrès des Sociétés savantes je n'ai eu d'autre but que d'attirer sur ce document l'attention de leurs membres et d'en montrer la haute valeur historique au point de vue surtout de l'élude de la vie privée de nos pères.

Je n'insiste donc pas, et je prie mes lecteurs ou auditeurs de ne considérer cette communication que comme une sorte de préface d'un travail qui devra être plus étendu et plus détaillé.

IV

ETUDE SUR L'ORIGINE ET LA PROPAGATION DE L'IMPRIMERIE À TOULOUSE

AU XVe SIÈCLE. Communication de M. Macary.

Les historiens de l'imprimerie à Toulouse, MM. le docteur Desbarreaux-Bernard et Claudin, malgré les trop rares documents dont ils disposaient, ont néanmoins donné des indications très précieuses sur l'origine et le développement de cet art dans notre

cité.

ll va sans dire que ces indications ont été utilisées par nous : elles ont facilité notre tâche.

M. Desbarreaux-Bernard, dans son Histoire de l'imprimerie dam la province de Languedoc, ne s'est appuyé que sur les incunables déposés à la Bibliothèque de la ville de Toulouse et sur les registres des tailles ou impositions déposés aux Archives de l'hôtel de ville de Toulouse.

M. Claudin, l'érudit libraire de Paris, a puisé lui aussi ses notes dans les mêmes registres. Il a publié le résultat de sa laborieuse enquête dans deux plaquettes. On trouve dans son oeuvre la liste


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des écrivains, enlumineurs, relieurs, imprimeurs et libraires, de 1489 à 1550

Outre les archives de la mairie de Toulouse compulsées par nos prédécesseurs, il existe deux dépôts : celui des Archives départementales et celui des Archives notariales.

Ce dernier n'avait jamais été exploré. Les rares privilégiés qui eurent le bonheur d'y pénétrer ne purent y rien prendre à cause des difficultés des recherches provenant du désordre qui y régnait.

Aujourd'hui, grâce aux libéralités de MM. les notaires de l'arrondissement de Toulouse, le dépouillement et le classement sommaire des registres et des pièces vient d'être fait. Grâce à ce travail, les recherches sont devenues possibles dans ce dépôt, qui n'est pas public.

C'est du côté de ces deux dépôts que nos investigations se sont portées, la vérification des registres de la fin du XVe siècle et du commencement du XVIe siècle nous a révélé l'existence de trente documents, que nous allons analyser d'une manière très succincte.

Toulouse, on le sait, fut jusqu'à la fin du XVIe siècle un des centres universitaires et commerciaux les plus importants.

L'étendue de ses relations et de son influence explique suffisamment l'arrivée des imprimeurs allemands dans cette cité.

Ils y étaient sûrement avant l'année 1475 (n. s.) et la preuve en est facile; non seulement les étudiants allemands se groupaient autour des chaires des illustres et savants professeurs de notre Université, mais aussi les marchands de même nationalité entretenaient sur cette place des facteurs (représentants de commerce), de même Toulouse en avait dans les principales villes de l'Allemagne ; il fut donc facile aux imprimeurs d'apprendre et de connaître les ressources que fournissait la ville de Toulouse pour la propagation et le développement de leur industrie. On ne doit pas s'étonner si elle fut une des premières villes choisies pour devenir le centre d'une imprimerie.

Dans un registre déposé aux Archives départementales de la Haute-Garonne : Livre ou inventaire des titres et documens de ce grand couvent des Carmes de Tolose faict en l'an 1676, je relève le passage suivant :

En l'an 1609 (les Carmes comptaient d'après l'ère espagnole, qui était en avance sur l'ère chrétienne de 33 ans) [1471] et le 20 octobre, etc.

.6.


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Monseigneur l'Archevesque de Tolose nommé Bernard de Rosergio fit eslever ce sacré corps (de sainte Jeanne).

Et celte entreprinse fut dautant mieux veuc, etc., car après son trepas qui feust bientost après cette eslevation et qu'il eut donné son approbation h la vie de cette glorieuse saincte QUI FEUST IMPRIMÉE À THOLOSE, etc (1).

Bernard de Rosergue mourutle 14 mars 1474(n.s. 1475). De cette date il résulte qu'en 1474 et peut-être antérieurement, un atelier d'imprimerie fonctionnait à Toulouse. C'est donc à l'année 1474 au plus tard que l'on doit faire remonter l'établissement de la première imprimerie dans notre cité.

Quel fut le premier imprimeur?

Henri Tornier... d'origine allemande «Henricus Tornerii alamanus et impressor librorum» fut le premier qui fonda à Toulouse un atelier d'imprimerie. Cet imprimeur vit son industrie se développer, grâce à ses connaissances approfondies en cet art. L'acte, Instrumentum Jacobi Gasparis mercatoris Narbone et magistri Johannis Paris impressoris librorum, 4 avril 1483, dont nous avons entrepris l'analyse, prouve le grand crédit dont il jouissait sur la place de Toulouse, puisque Gaspard Sabatier, collégiat du collège SaintMartial de Toulouse, consent à lui prêter sur sa simple signature rcedula mediante propria manu sua signala» une somme énorme pour l'époque, 445 écus ; ils n'ont pas besoin de l'intervention d'un notaire pour faire reconnaître la dette, la signature du débiteur sera un gage suffisant.

Malheureusement atteint de maladie ou d'infirmité «et demum dictus magister Henricus Tornerii venisset ad infirmitatem talem», Tournier voit approcher l'échéance fatale où il ne pourra tenir ses engagements «quod ab illa non potuit evadere». Sabatier, sans tenir compte de cette vie de travail et des efforts faits par son débiteur pour s'acquitter vis-à-vis de lui, de la maladie ou des infirmités qui étreignent son malheureux débiteur, créancier inexorable, veut faire saisir ses biens « et dictus magisler Gaspard Sabaterii excequtionem in bonis suis facere vellet»; mais Paris intervient et prend à sa charge la dette de Tournier son associé «sed ad ipsum magistrum Gasparum Sabaterii venit M. Johannes Paris impressor librorum

( 1) Arcli. dép. Haute-Garonne. — Fonds des Cannes. Reg. cot. 104 page 20, n° 133. — M. l'abbé Baurens en a le premier révélé l'existence dans son livre intitulé Vie de sainte Jeanne de Toulouse.


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Tholose habitator, socius dicti Henrici, qui eidem M. Gaspari dixisset quod non faceret dictam excequtionem etc., quia ipse Paris erat contentus respondere pro dicto Henrico ejus socio».

Tournier exerçait seul son industrie lorsqu'il contracta sa dette vis-à-vis de Sabatier; ce n'est que quand il sentit ses forces s'affaiblir qu'il appela auprès de lui Paris et se l'associa.

Il est probable que Paris exerçait à Toulouse en même temps que Tournier, mais qu'il ne vint s'y établir que quelques années après l'arrivée de Tournier.

Notre avis est que tous les incunables imprimés à Toulouse signés de la lettre T doivent être attribués à Tournier, que ce T, comme l'a prétendu M. Desbarreaux-Bernard n'est pas la première lettre de l'adjectif « teutonicus », pas plus que celle du nom patronymique de « teutonicus» comme l'avaient prétendu avantlui la Serna-Santander, Née de La Rochelle, Gabriel Peignot, J.-Ch. Brunet, etc., mais bien celle du nom de Tournier.

L'erreur commise était d'autant plus facile qu'on ignorait l'existence à Toulouse d'un imprimeur nommé Tournier.

M. Desbarreaux-Bernard, trompé par la ressemblance des caractères d'imprimerie des livres signés T et de ceux signés Paris les a attribués tous à ce dernier; maintenant, grâce à ce document, tout s'explique : Paris, étant l'associé de Tournier, se servait des caractères qui se trouvaient dans l'atelier.

Paris fut, d'après nous, le deuxième imprimeur de Toulouse; il vécut jusqu'en 1502 Ce fut un ouvrier très habile, il entretint des relations commerciales avec l'Espagne, comme l'atteste l'acte suivant: Procuratorium Johannis Paris impressatoris librorum.

Le 27 avril 1491, Jean Paris, imprimeur de livres, donne procuration à Nicolas Zimmerlin son serviteur [employé] de régler ses comptes avec Jean Rosenbach, imprimeur de Valence, et de retirer d'entre ses mains les livres qu'il détient «levandum, percipiendum et exigendum a magistro Johanne Rosenbach, impressatore Valencie magne, omnes res, libros et summas, etc.» avec Pierre Verdet, prêtre habitant de Pampelune «a quodam Petro Verdet presbitero habitatore Pampelone», et enfin avec Denis de La Roche, habitant de Sarragosse « a Dionisio de La Roche habitatore de Sarragosse».

Ce document prouve, nous le croyons du moins, que le com-


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merce avec l'Espagne des livres imprimés à Toulouse existait bien avant cette époque.

Le commerce de Toulouse avec l'Espagne était très prospère et très considérable; de même que les marchands allemands, les marchands espagnols avaient leurs facteurs, plusieurs négociants vinrent même s'y établir et y fonder des comptoirs très florissants, tels que les Bernuy, les Lopez, etc.

L'Espagne ne se contenta pas seulement d'entretenir des relations commerciales avec notre cité, mais elle y envoya aussi des étudiants suivre les cours des professeurs de son Université.

Les imprimeurs de Toulouse s'empressèrent de profiter de ces circonstances pour se créer des débouchés dans les principales villes du royaume d'Espagne et, à l'exemple des autres négociants, ils y établirent des dépositaires.

Mayer vint s'établir à Toulouse vers 1484 ou 1485, et non en 1489 comme on l'a cru jusqu'à ce jour, et il mourut vers 1499 ou 1500

Mayer était aussi allemand; il habitait à Toulouse dans la rue du Taur.

Un grand nombre d'actes que nous avons retrouvés, concernant cet imprimeur, nous ont permis de constater la prospérité de son imprimerie, d'établir le nom de certains de ses ouvriers et de fixer leurs salaires.

Nous avons avancé que Mayer était venu se fixer à Toulouse vers 1484 ou 1485. Ce qui autorise cette précision, c'est un acte portant le titre suivant : Debitum magistri Andrée Fabri impressatoris librorum. (Nous devons faire remarquer que dans le titre de l'acte Debitum le notaire fait toujours figurer le nom du créancier, et jamais celui du débiteur.)

Dans cette acte, qui porte la date du 31 mars 1490 Mayer se reconnaît débiteur vis-à-vis d'André Fabre d'une somme de 185 écus d'or, 28 doubles, montant des salaires qu'il lui devait pour six années de travail « ratione et ex causa laboris sui officii impressure, ex hoc quia dictus Andréas Fabri mansit cum dicto magistro Henrico Mayer per spatium sex annorum continuorum et completorum in exercendo predictum officium impressure»; en tenant compte des six ans que Fabre est resté avec Mayer, nous remontons à l'année 1484 ou 1485, époque que nous avons fixée.


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Testamentum Andree Fabri impressatoris librorum. -— André Fabre fil son testament le 31 juillet 1490 quatre mois après la reconnaissance de sa dette par Mayer, son patron, il institua pour son héritière générale et universelle la Table des corps saints de saint Sernin de Toulouse, et dans ce même acte il déclara que Henri Mayer était son débiteur de 185 écus d'or, 28 doubles, pour les causes énoncées dans un acte de reconnaissance ce et hoc cum mediante quodam publico recognitionis instrumento», dont nous venons de parler. Mayer intervint de nouveau, confessa devoir cette somme et sollicita de son créancier une prolongation de délai jusqu'à la Nativité de Notre-Seigneur.

Debitum Tabule Corporum sanctorum sancti Saturnini. — Peu de temps après la mort d'André Fabre, nous trouvons le 2 4 mai 1491, Mayer détenu dans les prisons de la Maison de Ville de Toulouse, à la requête des bailles de la Table des corps saints de saint Sernin de Toulouse, créancière de Mayer comme héritière d'André Fabre.

Mayer obtient son élargissement en fournissant des cautions, les nommés Hugues Ducos (de Cosso), marchand, Nicolas Barbare (Barbari) Alexandre Grossard, Mathurin Johannely (Johanneli) relieurs. (Nous ferons suivre de la mention « inconnu », tous les noms de relieurs, imprimeurs ou libraires qui ne figurent pas sur les listes de MM. Desbarreaux-Bernard et Claudin.)

Seul, Johannely figure sur la liste de M. Desbarreaux-Bernard, les autres sont inconnus.

lnstrumentum collogii Johannis Decritzmach impressatom librorum Tholose. — Le 1er avril 1490, Henri Mayer, imprimeur (Henricus Mayer, impressator librorum patrie alamanie), prend à son service pour l'aider pendant un an dans le travail de son imprimerie un certain Jean Decritzmâch, imprimeur, de nationalité allemande, moyennant un salaire de 5o florins d'or allemands « quinquaginta florinorum patrie alamanie» payable la moitié à la fête de la Toussaint et l'autre moitié à l'expiration de l'engagement; il devait, en outre, lui fournir le lit et la table «tenere vitam et lectum».

Les témoins de cet acte sont : Nicholas Borbon et Jean Melchisedec, libraires de Toulouse, inconnus.

lnstrumentum quitlancie magistri Henrici Mayer et Johannis Decrite-


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mach. — Le 26 mai 1491, Henri Mayer s'acquitte vis-à-vis de son ouvrier Decrilzmach de la somme qu'il lui devait, 5o florins d'or allemands.

Les témoins de cet acte sont : Pierre Botclher (Botchherii, impressor librorum patrie alamanie) et Pierre Ongre (Ongarice, patrie Ongarie), marchand libraire, habitants de Toulouse, inconnus.

lnstrumentum quittencie magistri Henrici Mayer. — Le 23 octobre 1491, Henri Mayer, paye entre les mains de Dominique Dupeyron, chanoine, prieur claustral du monastère de Saint-Sernin, Pierre Papilhon, prébendier, Pierre Valade et Denis Columb, tailleurs, bailles de la Table des corps saints de Saint-Sernin la somme de 185 écus d'or, 28 doubles montant de sa dette contractée vis-à-vis d'André Fabre.

Debitum magistri Petri Hongri mercatoris librorum Tholose. — Cet acte a appelé notre attention à raison des termes dans lesquels il est conçu.

Le 16 février 1491 (n. s. 1492), Henri Mayer reconnaît devoir à Pierre Hongre, marchand de livres, la somme de 34 livres tournois, pour frais de réparation de lettres (caractères) de leur office d'imprimerie et reliquat de leur compte arrêté entre eux nad causam reparationis certarum litterarum eorum officii impressure et ex accordio et finalis compoti inter ipsos in Tholosa facti » ; d'après ce texte on est autorisé à dire que Mayer eut comme associé pendant quelque temps Pierre Hongre, qui servit de témoin dans l'acte de quittance Decritzmach.

Debitum Johannis de Bazaler impressatoris librorum patrie alamanie et de presenti Tholose habitatoris. —Le 31 mars 1492, Henri Mayer reconnaît une dette de 8 écus en faveur de Jean de Bazeler, pour le payer des services qu'il lui a rendus dans son atelier d'imprimerie, et promet de la lui payer quinze jours après Pâques, soit à Toulouse, soit à Lyon. Il est probable que cet ouvrier en quittant Toulouse se dirigea sur Lyon.

Nous sommes arrivés à une des parties les plus intéressantes de notre étude, ce sont les actes de louage ou d'embauchage d'ouvriers. Comme il y en a un certain nombre, pour éviter de nous répéter,


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nous ne les analyserons pas, nous nous contenterons seulement d'indiquer la date de l'acte, le nom de l'ouvrier, sa spécialité, son lieu d'origine, la durée de son engagement, et le prix de son salaire :

20 juillet 1492. Jacques Balter, imprimeur allemand, 6 mois, 12 livres tournois, lit et table.

20 juillet 1492 Vordelin Urterin, imprimeur, un an, 12 écus, lit et table.

25 avril 1493. Jean Jordan, clerc, compositeur, du heu de Menixtosa? diocèse de Poitiers, 3 mois, 2 écus d'or, lit et table.

25 avril 1493 Jean Burger, compositeur de livres, 3 ans, a écus d'or par mois, lit et table.

25 avril 1493 Jean Kubler, de Thann, diocèse de Bâle, compositeur, 6 mois, 2 écus, lit et table.

22 mai 1493 Jean Balter, imprimeur, 3 mois, 15 livres tournois par mois.

22 mai 1493 Jean Moc, imprimeur, 3 mois, 4 écus.

22 mai 1493 Jean Florac, 3 mois, 2 livres par mois, lit et table.

25 janvier 1493 (n. s. 1494), Thomas Nérec, clerc et imprimeur, du heu de Chambri? arrondissement de Grenoble, 5 mois, 5 livres tournois par mois, ht et table, il s'engage à terminer deux formes par jour.

25 janvier 1493 (n. s. 1494), Jacques Benoit Deyfar, compositeur, du heu de Barcelone, 5 mois, 4 livres tournois par mois, il s'engage à composer et corriger deux formes par jour et à terminer tout livre commencé à raison de 4 livres par mois.

25 janvier 1493 (n. s. 1494), Ambroise Brockseser, compositeur, 5 mois, 5 livres tournois par mois; il s'engage à corriger et à distribuer deux formes par jour du livre De Proprietalibus rerum.

25 janvier 1493 (n. s. 1494), Hugues Meram,dator hongeasi? 3 mois, 3 livres tournois par mois, pour tirer et battre.

26 novembre 1494 Vinaud Lupelhem, 6 mois, 2 livres et demie tournois par mois.

10 décembre 1494 Pierre Ginochas, 4 livres tournois, du 10 décembre à Pâques.

Debitum Anthonii Columberii, — Le 17 décembre 1493 Mayer achète à Colombier, facteur de Guillaume Buisson, marchand d'Ambert, diocèse de Clermont, 4oo rames de papier gros bâtard « grossi bastardi» livrables d'ici à la fin avril prochain au prix de 42 5 livres tournois. Mayer promet de payer savoir: 100 écus petits d'ici à la foire de Pâques de Lyon, et le solde au mois d'août.


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Le 10 novembre 1494, Mayer n'ayant pu s'acquitter aux échéances se reconnaît débiteur vis-à-vis de Buisson de la somme de 425 livres tournois.

Le même jour et dans le même acte, Colombier reconnaît, avoir reçu en gage 700 volumes de l'ouvrage De Proprietatibus rerum, imprimé en langue espagnole.

Cet ouvrage fut commencé le 25 janvier 1493 (n. s. 1494) Mayer embaucha pour l'impression de cet ouvrage Ambroise Brockseser, compositeur; M. Desbarreaux-Bernard le cite dans sa liste des ouvrages imprimés en espagnol par Mayer.

Si Mayer eut ses débuts heureux, à la fin de sa carrière, il ne vit pas ses efforts couronnés de succès; en effet, nous trouvons que tous ses biens furent vendus par le sénéchal à la requête du trésorier royal.

Emptio providi Johannis Magni Johannis librarii Tholose. — Le 8 avril 1501, Paris vend à Grand Jean, le matériel d'imprimerie de Mayer dont il s'est rendu adjudicataire, et lui cède en même temps les 2 5 livres qui lui ont été allouées par le sénéchal moyennant le prix de 16 livres tournois.

Debitum Johanni Magni Johannis concessum per Thibaudum Monin et Nycolaum [Nicholaum] Gayraud. — Le g juillet 1501 Grand Jean vendit à Thibaud Monin, papetier et à Nicholas Garaud, imprimeur de Nerlen, diocèse de Mayence « de Nerlen de la diocesa de Maglhesey»? moyennant 200 écus un matériel d'imprimerie. A l'acte en latin est joint l'original des pactes passés entre les parties contenant l'énumération du matériel écrits en langue romaine et signés de Grand Jean et de Garaud.

Nous ignorons si ce matériel était celui de Mayer, nous n'avons trouvé aucun acte qui pût nous renseigner à cet égard.

Matrimonium Bernardi Intzverger, impressatoris librorum Tholose et Baymunda Oliere, relicte Johannis de Velhieriis quondam religatorii librorum Tholose. — Avant de terminer, nous signalerons le contrat de mariage de Bernard Intzverger, imprimeur, habitant de Toulouse, fils de Conrard Intzverger, du lieu de Spire, avec Raimonde Olière, veuve de Jean Velhier, relieur, habitante de Toulouse; cet acte porte la date du 10 octobre 1488. Cet imprimeur est inconnu.


— 251 —

Parmi les témoins nous relevons le nom de Stephanus Caleblet (ce doit être Estevan Cletebat signalé par MM. Desbarreaux-Bernard et Claudin); nous n'avons trouvé aucun acte intéressant cet imprimeur.

M. Desbarreaux-Bernard nous fait connaître que Paris et Clelebat étaient associés en 1498 nous considérons ce renseignement comme exact, mais nous tenons à faire remarquer que l'association de Clelebat avec Paris fut de courte durée.

Nous terminons cette étude en signalant les précieux renseignements que peuvent fournir les registres des notaires. On a pu en juger par les découvertes de M. le chanoine Douais qui ont permis de reconstituer une partie de l'histoire de l'art toulousain, d'éclaircir certains points obscurs de cette histoire et enfin de révéler l'existence de plusieurs artistes toulousains inconnus.

Ce que M. le chanoine Douais a fait pour l'art toulousain, nous avons essayé de le faire,dans la mesure de nos moyens, pour l'imprimerie à Toulouse.

Le jour, espérons qu'il ne sera pas trop éloigné, où une mesure générale prescrira la centralisation de tous les registres des notaires dans des dépôts spéciaux accessibles au public, les chercheurs auront à leur disposition une quantité de registres qui n'ont jamais été compulsés, et dont les découvertes faites dans le dépôt de Toulouse prouvent l'importance.

V

CHARTE COMMUNALE DU BOURG DE SAINT-THIEBAULT (HAUTE-MARNE)

OCTROYÉE PAR THIBAUT Ier, COMTE DE BAR ET DE LUXEMBOURG, EN 1203

Communication de M. Auguste Pawlowski,

Le village de Saint-Thiébault, sis au pied d'un coteau boisé, n'est séparé de Bourmont, son chef-lieu de canton, que par la Meuse. Réduit aujourd'hui à trois cents habitants environ, il eut jadis son ère de prospérité. Dans une vieille carte manuscrite du comté de Bar, dressée au XVe siècle, il est représenté comme une forteresse d'une importance supérieure à Bourmont, siège de la séné-


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chaussée jusqu'en 1259, et devenu en 1353 chef-lieu du bailliage de Bassigny, à la suite de la réunion du comté de Bar à la Lorraine. Ce qui démontre le mieux l'importance de ce bourg dès le début du XIIIe siècle, c'est qu'il reçut sa charte communale quarante-cinq ans avant la châtellenie de Bourmont dont il dépendait. Il la conserve encore en original dans les archives de sa mairie, avec d'autres chartes garantissant ses franchises municipales et ses privilèges jusqu'à la fin du siècle dernier.

Cette charte communale offre un intérêt multiple au point de vue du droit coutumier, civil, criminel et fiscal du pays barrois. Elle prouve une fois de plus que Thibaut Ier prit le titre de comte de Luxembourg dès 12 0 3, ce qui n'avait encore été consigné que dans une charte de cette même année, par laquelle ce prince fit un échange avec Blanche de Navarre, comtesse de Champagne. Comme ce n'est qu'en 1301, sous Philippe le Bel, que le Barrois de par deçà la Meuse fut soumis à la suzeraineté du roi de France, la charte des franchises communales de Saint-Thiébault ne reçut la consécration royale que cent seize ans plus tard, en 1309

1203

In nomine sancte et individue Trinitatis, ego Theoboldus, cornes Barri et Luceburgis, omnibus manentibus et mansuris apud Sanctum Theobaldum sub Bormonte hanc contuli libertatem quod quicumque ibidem manere voluerit in introitu quinque solidos provinensium mimstro meo persolvet, et quinque solidos de redditu annualim, medietatem in pascha, reliquam vero medietatem in festo beati Remigii. Qui vero infra octo dies post istos terminosredditumistum non persolverit, tantumdempersolvetde emendatione quantum erit de capitali. De plana emendatione duodecim denarios persolvet, de percussione sine sanguine quinque solidos, de sanguine effuso quindecim solidos, de plana pargea quatuor denarios et dampnum illatum, de pargea ovis unum denarium, de porco duos denarios, de ensere duos denarios reddet domino et dampnum ei cui est illatum. Si quis in dampnum alterius in virgulto vel orto, in agro vel prato, vel vinea, nocte vel de [die] inventus fuerit, quinque solidos et dampnum ei cujus est reddet, vel auris ejus abscindetur. Villicum et scabinos sibi communi eligent consilio, et electi domino facient fidelitatem et burgenses, et quamdiu pianum erit placitum inter eos coram viliico et scabinis suis discucietur. Si vero duellum fuerit judicatum, coram domiuo deducetur, vel coram senescaldo suo ; et si armati fuerint in duello et sine ictibus datis eos concordes


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fieri contigerit, unusquisque septem solidos et dimidium persolvet; si autem post datos ictus concordiam fecerint, unusquisque quindecim solidos persolvet. Victus vero in duello centum solidos et obolum reddere tenebitur; pugil vero conducticius, si victus fuerit, pugno vel pede privabitur. Multrum vero et furtum in manu mea retineo. Predicti vero burgenses ab omnibus expeditionibus et exercitibus meis usque ad decem anuos quitti sunt et immunes. Suntis vero decem annis, ubicumque voluerit dominus cum personna ipsius ire in armis tenebuntur ad proprios sumptus per duos dies, post duos vero dies eos, sicut alios homines meos, tenebor procurare. Si quis fidelitatem ville fuerit ementitus, viginti quinque solidos persolvet. Omnes autem isti redditus et emendaciones de moneta provinensium persolventur. Et per has libertates dicti burgenses liberi erunt et immunes ab omni costuma.... taillia et exactione, nisi sit costuma census. In banc autem libertatem nullum hominem meum vel hominem hominum meorum poterunt retinere. Dominus autem Bormontis villam islam de manu sua nullo modo poterit alienare, sed quicumque castrum Bormontis tenebit villam islam tenere tenebitur. Si quis a villa recedere voluerit, omnia que habuit libère vendet, et de venditione domus de quibuslibet viginti solidis duodecim denarii ministro meo reddentur. Si vero a villa voluerit recedere et domum suam vendiderit, nichil inde persolvet. De falsa mensura viginti quinque solidi persolventur vel manns falsarii abscindetur. Si quis redditum qui renta dicitur de foro asportaveril nec sicut jus est persolverit, decem solidos reddere lenebitur. Omnes autem prescriptas libertales in perpetuum observandas filius meus Henricus juravit, et homines mei pro me ipso et a me firmiter tenendi et conservandi juraverunt, videlicet Jofridus de Daulleyo, Lebaudus de Bufremonte, Vallerus advocatus Bormontis, Petrus de Bormont, Arardus de Chastenoy et alii homines mei de castellania Bormontis. Actum anno incarnacionis dominice MCCIIIe, mense aprilis.

[Original sur parchemin, portant à l'angle inférieur droit un las de soie rouge et verte. Le sceau n'existe plus.]

Aux mêmes archives se trouvent aussi : 1° La confirmation royale de cette charte, sous forme de diplôme; 2° Le vidimus de ce dernier acte; les deux également sur parchemin.

Le diplôme émane du roi Philippe V le Long; il est daté de Troyes, novembre 1319 En voici le préambule :

1319

Philippus Dei gratia Francorum et Navarre rex. Notum facimus universis tam presentibus quam futuris nos quasdam infrascriptas vidisse litteras in bec verba. (Suit la transcription fidèle de la charte ci-dessus, puis la con-


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firmation royale :) Nos autem premissa omnia et singula prout superius sunt expressa rata et gratahabentes ea Jaudamus, volumus et approbamus et ex certa scientia tenorem presentium confirmamus. Quod ut firmum stabile perpetuo perseveret, presentes litteras sigilli nostri fecimus appentione muniri, nostro et alieno in omnibus jure salvo. Datum Trecis anno Domini M IIIe XIXe, mense novembris.

Le vidimus commence ainsi :

1366.

A tous ceulx qui ces présentes lettres verront et orront, Pierre Saulnier, garde dou seel de la prévosté de Chaumont, salut. Sachent tuit que Guillaume Lesgelay et Drouoz Rivierre, de Chaumont, clerc tabellion juré à ce faire estaubli audit Cbaumont et en la chastellenie de par nostreseigneur le Roy, m'ont tesmoignié que il ont veu, tenu et leu diligemment de mot à mot unes lettres saumes et entières en seel et en escripture, scellées en laz de soie et de cire vairt, contenans la forme que s'ensuit. (Suit la teneur de la charte originale.) En tesmoing de laquelle vision, je Pierres Saulnier davant nommés à la relacion des dis jurés ay scellé cest preuve transcript dou seel de la prévosté doudit Chaumont, de notre propre seel et contreseel. Ce fut fait treize jours ou mois d'avril avant Pasques commençant l'an de grâce 1366.

Aux mêmes archives figurent encore les quatre chartes qui suivent, portant confirmation ou reconnaissance des franchises municipales de Saint-Thiébault par les souverains du pays.

Confirmation de la charte communale de Saint-Thiébault, par Henri III, comte de Bar.

1300

Nous Henris, cuens de Bar, faisons cognissant à tous que nous volons et ottrions que li denier que nous levons et ferons lever des borgois de Saint-Thiébaut, par la vertu des prières que nous avons fait per tôte nostre terre por nous délivrer de debtes que nous daviens en foires de Champaigne, que ceste chose ne faice aultre fois préjudice ne grevance as lettres de franchise que h dit borgois ont de nos davantiers ou de nous. En tesmoignage de la quel chose et por ce qu'elle soit ferme et estauble, Nous avons fait saeller ces présentes lettres de nostre seel, que furent faites l'an


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de grâce mil et trois cens, le vendredi davant la feste saint Luc évangéliste.

[ Original en parchemin. — Sceau pendant de cire verte, en grande partie disparu. — Au verso : 1300, eu octobre. Cotté C]

Reconnaissance de la charte communale de Saint-Thiébault par Edouard, comte de Bar.

1319 (v. st.).

Nous Eddoars, cuens de Bar, faisens cognoissant à tous que, comme nous, pour l'évident utilitei et commun profit de nous et de nostre terre, avens fait faire prières par nostre contei, meismement as bourgois et as manans de nostre ville de Saint-Thiébaut, desous Bourmont, assavoir est que nous recognoissons, volons et ottroions que lesdites prières faites par nous et nos gens sur les dis bourgois et manans en noslre dite ville de Saint-Thiébaut ne puissent tourneir en préjudice à nul jourmaix à iaulx ne à lor successours bourgois et manans en nostre ville de SaintThiébaut contre la tenour et fourme de leur chartre ne de le[u]r franchize. Et ces dites chozes avens nous promix et prometens pour nous et pour nos hoirs à tenir et à gardeir loiaulment et en bonne foi, sens aleir ne faire à l'encontre par nous ne par altrui qui ait ou puisse avoir cause de nous à nuljourmaix. En tesmoignaige desquelz dites chozes et pour ce que fermes soient et estaubles, nous avons fait seeleir ces présentes lectres de nostre sael, que furent faites et donneies l'an de grâce mil trois cens et dixe noef ou moix de mars.

[ Original en parchemin. — Le sceau manque à la queue. — Au verso: Mars 1319. Cotté D.l

Autre reconnaissance par le mène. 1839.

Nous Eddouards, cuens de Bar, faisons cognissant à tous que comme li prodomine et li habitant de Saint-Thiébault desoubs Bormont à nostre prière et à nostre requeste nous aient succorru et confortei de deniers, de bestez grasses et en aultre manière per plusours foix et en temps que nous avions guerre au Roy de Behaingne, à la ville de Mez et aultre part, et en temps que nous estiens tous pasibles sans guerre nulle. Qu'il n'est mies nostre entendons, ne ne volons mies que la grâce que li dict prodoinme et habitant de la dicte ville de Saint-Thiébault nous ont faicte et en ce qu'il nous ont succorrui en la manière que dicte est que il lour tornoit de riens en préjudice contre leur libertée et franchise; laquelle libertée et


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ranchise nous volons tenir perfaictement sans aler contre, et volons et ottrions et à ce nous sommes consentis et consentons pour nous et pour nos hoirs que les lettres et li previlége que li dict prodomme et habitant de la dicte ville de Saint-Thiébault ont de nous et de nos davantiers de lour dicte libertée et franchise soient et demoroient en lour valour et en lour vertu et que ellez se teingnent de point en point sans corruption nulle. Et pour ce que ce soit ferme chouze et estauble, Nous Eddouards, cuens de Bar dessus dis, en havons donnée ad dis prodommes et habitens de la dicte ville ces lettres pendens seellées de nostre seel, que fuirent faictes l'an de grâce nostre Signour mil trois cens vint et neuf ans, le jeudi davant Pasques flories.

[ Original en parchemin. — Sceau pendant de cire verte. — Au verao : 1329

Cotté G.J

Confirmation de la charte communale de Saint-Thiébault par la reine Yolande, duchesse de Lorraine et de Bar.

23 juin 1482.

YOLANT , par la grâce de Dieu Royne de Jérusalem, de Cicile, d'Arragon, et Duchesse de Lorraine et de Bar, Confesse de Prouvence, de Forcalquier, de Pymont et de Vaudremonts, à tous ceulx qui ces présentes lettres verront salut. L'umble supplicacion et requeste des manans et habitans de nostre ville de Sainct-Thiébault soubz Bourmont, en nostre bailliage de Bassigny, avons receue contenant en effect que en l'an mil deux cens le troisième jour d'avril( 1) feu le conte Thibault, dont Dieu ait l'âme, pour lors conte de Bar et seigneur du dit Sainct-Thiébault, leur bailla et descerna sez lectres de mandement patent, esquelles sont toutes vues les droitures qu'ilz sont tenuz payer et les droiz et usaiges qu'ilz doient avoir et dont jusques cy ilz ont tousiours jouy et usé par le passé, sans qu'on leur y ait donné empeschement. Desquelles lectres et Chartres dessus dictes la teneur s'ensuyt.

(Suit le texte de la charte.)

Lesquelles lectres et Chartres, composées en latin, par fortune des guerres passées furent prinses et emportées par aucuns gens d'armes, desquelx depuis les dicts suppliants ont recouvertes et rachaptées de leurs mains, et par ce que icelles lectres ne sont esté bien gardées et aussi pour la longue espace de temps qu'il y a qu'elles sont faites, en aucunes parties d'icelles sont comme caducques. Pour quoy iceulx supplians font doubte

O Erreur de lecture de la part de la chancellerie : la charte d'affranchissement est du mois d'avril 1203


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que ce ne leur tournast à préjudice pour caducque et que nos officiers ne leur voulsissent à ceste cause mouvoir, ou donner destourbies ou empeschement au contenu d'icelles. Savoir faisons que nous, considérées les causes pour lesquelles le dict feu conte Thiébault ottroya ausdicts supplians iceiles lectres et Chartres, voulans ensuyr son bon et louable propos, aussi par l'advis et deliberacion des gens de nostre conseil, sur ce en avons, de nostre auctorité et plaine puissance, agréé, ratiffié et confirmé et par ces présentes aggréons, ratifiions et confirmons à iceulx supplians et leurs successeurs, manans et habitans de nostre dicte ville de Sainct-Thiébault tout le contenu ez dessusdictes lectres de feu ledict conte Thiébault. Et voulons et ordonnons que de ce jour en avant ilz en joyssent et usent paisiblement sans aucun contredit de nous ou de nos officiers présens et advenir, pourveu aussi qu'ilz seront tenuz semblablement de nous bien et lealment paier et à noz successeurs les droitures que à ceste cause ils sont tenuz faire. Voulons aussi que à la coppie des dessus dictes lectres et chartres cy devant contenue qui est vraye extraicte et collationnée à l'original, et que pour les causes dessusdictes avons fait escripre en cestes cy, soit ores et pour l'advenir foy adjoustée partout en jugement et dehors et que lesdicts habitans et leurs successeurs audict Sainct-Thiébault s'en puissent aider pareillement et en touz caz, comme ilz et leurs prédécesseurs ont fait par le passé dudict original. Mandons de touz nos officiers dudict Bassigny, présens et advenir, ainsi le faire sans aucun [trouble] ou difficulté. Car ainsi le voulons et nous plaist estre fait par ces présentes auxquelles, signées de nostre main, avons, en tesmoing de ce, fait appandre nostre seel. Qui furent faictes et données en nostre ville de Nansi, le XXIIIe jour de juing, l'an de grâce mil quatre cens quatre vingtz et deux.

(Signé : ) YOLANT.

Au bas : Par la Roy ne, Monseigneur le vicaire présent.

(Signé :) COLIGNON ss. (stisser.).

A u verso : Chartre de la commune de Saint-Thiébault.

[Original en parchemin, en largeur. — Parties effacées, mais encore lisibles].

Inventaire sommaire des,archives communales de Saint-Thiébault (Haute-Marne).

1203. Charte des franchises communales, donnée aux habitants de SaintThiébault sous Bourmont par Thibaut, comte de Bar, au mois d'avril 1 203.

[Reproduite plus haut. — Parchemin bien conservé, avec un trou dès l'origine.]

1281 (v. st.). Confirmation par le comte de Bar de la charte et des droits HIST ET PHILOL.— N°s 1-2. 17


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de Saint-Thiébault, accordés par ses prédécesseurs, à la condition de payer 8 sols, moitié à Pâques, moitié à la Saint-Rémy. Donné par Ferry Noircit, chancelier du comté de Bar, le 1er février 1281 (v. st.).

[ Parchemin presque effacé. ■— Il est accompagné d'une copie collationnée, le rj avril 1681, par Julliot et Preneile, notaires à Bourmont. ]

1300. Confirmation de la charte communale de Saint-Thiébault par Henri III, comte de Bar, du mois d'octobre 1300

[Reproduite plus haut. — Parchemin. — Sceau pendant de cire verte, en grande partie disparu.}

1319. Confirmation royale, sous forme de diplôme, de la charte du comte Thibaut, de 1203 ; octroyée par Philippe le Long, roi de France et de Navarre, à Troyes, au mois de novembre 1319

[Reproduite plus haut. — Parchemin endommagé. — Las de soie rouge et verte. — Au bas, sur le repli : fcà [facta] ett collo' [collatio] cum originali. Ptrwat Motuns. ]

1319 (v. st.). Reconnaissance de la charte communale de Saint-TWébault par Edouard, comte de Bar, du mois de mars 1319

[Reproduite plus haut. — Parchemin, simple queue.]

1329 (v. st.). Autre reconnaissance, par le même comte, du jeudi 13 avril avant Pâques fleuries 1829.

[Reproduite plus haut. — Parchemin, sceau pendant de cire verte.]

1366 (v. st.). Vidimus du diplôme du roi Phihppe le Long, de 1819, délivré par Pierre Saulnier, garde du seel de la prévôté de Chaumont, du 13 avril (avant Pâques) 1366.

[Reproduite plus haut. — Parchemin, sceau pendant de cire rouge.]

1445. Diplôme de René, roi de Jérusalem et Sicile, comte de Bar et Lorraine , confirmant les ordonnances de ses prédécesseurs et accordant des marchés à Saint-Thiébault. Donné au ehâteau de Queure en Barrois le 12 mai 1445.

| Parchemin.]

1449. Jehan Thomassin « le Josne», d'Audeloncourt, clerc juré de La Mothe, garde du seel de la sénéchaussée dudit lieu, sur le rapport de Jehan Robert, curé de Graffigni, et de Jehan Menars, de Saint-Thiébault, reconnaît et enregistre la charte du comte Edouard de 1319 Du 12 juillet 1449

[ Parchemin. ]

1482. Confirmation de la charte communale de Saint-Thiébault par la


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reine Yolande, duchesse de Lorraine et de Bar. Donné à Nancy le 23 juin 1482.

[ Reproduite plus haut. — Parchemin. ]

1506. Lettres de René II, duc de Lorraine et de Bar, en faveur de SaintThiébault contre les habitants de Bourmont. Donné à Neusegastre (?) le 22 janvier 1506

[Parchemin, écriture passée et illisible.]

1555. Lettres patentes de Nicolas de Lorraine et de Bar, tuteur du duc Charles, pour les habitants de Saint-Thiébault et pour leur tranquillité. Donné à Nancy le 8 novembre 1555.

[Parchemin, sceau pendant de cire rouge.]

1566. Charles, duc de Calabre, Lorraine, Bar et Gheldres, marquis du Pont-à-Mousson, conte de Prouvence, Vaudemont, Blamonl, Zutphen, etc.», à la requête des habitants de Saint-Thiébault et sur l'avis du Conseil, en raison de l'antiquité des chartes et de leur difficile lecture, confirme la charte de la reine Yolande, de 1482. Donné à Nancy le 20 février 1566 avant Pâques. Signature du duc Charles.

[ Parchemin. ]

1578. Titre des habitants de Saint-Thiébault envers les habitants et prieur du Bourg-Sainte-Marie, concernant la vaine pâture, tant en gros qu'en menue, et droit de champoyage sur une partie du Image dudit Bourg. Passé à Andelot le 13 octobre 1678.

[Parchemin, écriture passée.]

1598. Transaction concernant le vain pâturage sur le Bourg-SainteMarie. Du 4 mai 1598.

Au-dessous : Ratification par René de Choiseul, procureur du Bourg. Du 15 mai 1629.

| Parchemin de grande dimension.]

1602. Requête présentée au Roi par les habitants de Saint-Thiébault, touchant la mairie. Du 2 3 juin 1602.

[ Papier, a ff. ]

1615. Instance des habitants de Saint-Thiébault contre ceux du BourgSainte-Marie et les nommés Regnant Charles et M' Nouet Baptiste, etc. Accord de M. de Choiseul, procureur du Bourg, protonotaire d'Ithe (?). Du 28 avril 1615

[ Parchrmin. ]

17-


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1622. Reconnaissance de 120 francs, par Nicolas Arnoult à Nicolas Vafin. Fait à La Mothe, le 10 août 1629.

[Parchemin.]

1623. Sentence pour les habitants de Saint-Thiébault touchant leurs droits contre les habitants et communautés de la ville de Bourmont. Du 4 juin 1628.

[ Parchemin, et 7 pièces sur papier. ]

1680. Arrêt du Parlement de Paris au sujet d'une somme due par Saint-Thiébault à Léonard de la Coste. Du 21 février 1680.

[Parchemin.]

Arrêt du Parlement de Paris condamnant Saint-Thiébault à payer 95 livres 10 sous à Léonard de la Coste. Du 11 avril 1680. Confirmation royale.

[Parchemin.]

1752. Lettres d'amortissement pour la fabrique de Saint-Thiébault, données par Stanislas, roi de Pologne. duc de Lorraine et de Bar, à Lunéville, le 2.3 octobre 1752.

[ Parchemin, sceau pendant de cire blanche, avec pièces du greffe, sur papier.)

NOTA. Les archives de Saint-Thiébault possèdent encore des centaines de pièces sur papier, du XVIIe et surtout du XVIIIe siècle, d'un intérêt secondaire et que je n'ai pas eu le temps d'inventorier.

VI

Du COMMENCEMENT DE L' ANNEE ET DE L'INDICTION EN DAUPHINE Communication de M. A. Prudhomme, archiviste de l'Isère.

I. — DE L'INDICTION.

Avant d'entreprendre une étude sur le commencement de l'année dans une région déterminée, il importe de rechercher préalablement de quelle façon les computistes de cette région ont entendu l'indiction. L'ont-ils fait commencer au 1er septembre, à la mode de Constantinople, au 24 septembre suivant la coutume des empereurs,


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au 25 décembre ou au 1er janvier conformément à l'usage de la cour romaine? Il est nécessaire d'élucider d'abord cette question, l'indiction étant l'instrument principal à l'aide duquel on peut reconnaître le style adopté par une chancellerie pour le commencement de l'année.

Malheureusement une telle enquête est bien difficile et malgré l'abondance des documents actuellement publiés, les résultats qu'elle donne sont loin d'avoir la précision et la sûreté qu'on désirerait. C'est que, si les documents sont nombreux, tous ne portent pas la mention de l'indiction et, parmi ceux qui la portent, ceux-là seuls sont utiles qui sont datés des trois derniers mois de l'année. Joignez que l'indiction est souvent inconciliable avec les autres notes chronologiques contenues dans le même acte, et partant erronée.

Cette difficulté des recherches et cette incertitude des résultats expliquent que les diplomatistes n'aient pas essayé de tracer la géographie de l'indiction, comme ils ont donné celle des différents modes de commencer l'année usités au moyen âge. « Il serait difficile, a dit l'un d'eux'1), de déterminer avec quelque exactitude l'usage des divers temps, des divers pays, des diverses chancelleries, en ce qui touche les différentes espèces d'indictions, à cause des nombreuses variations et des fréquentes erreurs de calcul,

Il est superflu de dire que nous n'avons pas la prétention de résoudre un problème que de plus habiles ont réputé presque insoluble; mais il nous a semblé qu'on en pourrait préparer la solution par des études régionales comme celle que nous entreprenons, et que, si nos conclusions n'avaient pas une précision rigoureusement mathématique, elles fixeraient du moins certains points à l'aide desquels d'autres trouveraient peut-être un jour la formule des règles suivies au moyen âge dans l'emploi des diverses indictions.

Reconnaissons d'abord qu'il est impossible de dire d'une façon générale que le Dauphiné a adopté l'une ou l'autre des quatre indictions connues. Même après sa réunion à la France, chaque partie de cette province a conservé des habitudes chronologiques distinctes. C'est pourquoi nos recherches porteront successivement sur chacune de ces parties qui sont : Grenoble et le Graisivaudan,

( 1) A. Giry. Manuel de Diplomatique, Paris 1896, in-8°, p. 100.


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le Viennois et la Terre de la Tour, le Valentinois et le Diois, les Baronnies, le Gapençais, l'Embrunais et le Briançonnais.

A Grenoble et dans le Graisivaudan il faut encore distinguer la chancellerie des évêques et celle des dauphins.

L'éditeur! 1) des Cartulaires de Saint-Hugues explique dans une note de son introduction que « l'indiction était comptée en Dauphiné à partir du 1er septembres. Aucune des mentions chronologiques de ces Cartulaires ne justifie une affirmation aussi absolue en faveur de l'indiction de Constantinople et malgré la rareté des actes qui portent la date de l'indiction dans ce recueil, il en existe au moins un qui la contredit formellement. Et cet acte emprunte une portée spéciale à ce qu'il émane de l'évêque saint Hugues lui-même et qu'il fut rédigé par son scribe ordinaire Amatus. fl est ainsi daté : «Facta carta ista venditionis 3° idus octobris, luna 17, concurrente 1 °, epacta nulla, anno Incarnationis Dominice 11 0 1 ° indictione 9e. » Or toutes ces notes chronologiques concordent ( 2) avec la date du 13 octobre 1101. L'indiction 9 est bien celle de l'année 1101 et par conséquent ne s'était pas renouvelée le ier septembre, non plus que le 2 4, du reste. Cet acte est donc daté de l'indiction pontificale du 2 5 décembre ou du 1er janvier (3).

L'acte IX du même Cartulaire (4) rédigé par le même scribe, est daté : «Facta hec carta 9° kal. decembris, anno Dominice incarnationis 1107, indictione Ian. Or l'indiction I correspondant à

(1) Marion. Cartulaires de l'église cathédrale de Grenoble, dits Cartulaires de Saint-Hugues, Paris, 1869, in-4°. Introduction p. LIV, n. 5.

( 2) Sauf l'épacte, qui est celte de nos; mais certains computistes la faisaient commencer le 1er septembre, suivant l'adage ;

Mars concurrentes, september mutat epactas.

(GIRY, Manuel de Diplomatique t p. 151.)

(3) Marion. Op. cit., acte XXXII, p. 108. Un autre acte de Saint-Hugues, daté, du 6 des ides de septembre, l'an de l'Incarnation 1108, indiction I, constitue encore une preuve contre l'indiction du 1er septembre, l'indiction I correspondant à l'année 1108 (Ul. Chevalier. Notice sur le Cartulaire d'Aimon de Chissé, p. 38, 11° 115. Cf. Cartulaires de saint Hugues. A. 5, B. 73, C. 74.) On pourrait anssi peut-être citer la charte 3 du Cartulaire de Chalais, datée de l'an de l'Incarnation 1117, indiction X, épacte 36. L'indiction est exacte pour 1117, mais I'épacte est celle de 1118. On peut supposer qu'elle a été prise, selon le mode égyptien, au 1er du mois de septembre, et cet acte serait par conséquent des quatre derniers mois de l'année. D'où il suivrait que l'indiction n'y aurait pas été prise en septembre (E. Pitol de Thorey. Cartulaire de Chalais, acte 3).

(1) Ibid.,p. 87.


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l'année 1108, il suit que, dans cet acte, l'indiction aurait été prise en septembre; mais rien ne permet de préciser que ce soit plutôt le 1er que le 2 4. Il n'y a pas dans ces cartulaires d'autres éléments d'information, en ce qui concerne le commencement de l'indiction.

Au XIIIe siècle, les évêques de Grenoble emploient plus fréquemment l'indiction du 25 décembre. On en trouverait de nombreux exemples dans le Cartulaire encore inédit de l'évêque Aimon de Chissé. Un acte du 7 des ides de décembre 1261 (1) est daté de l'indiction IV, laquelle correspond à l'année 1261. Donc l'indiction ne s'était pas renouvelée en septembre. La même conclusion ressort d'un autre acte du 6 novembre 1318 indiction I, l'indiction I étant celle de l'année 1318 ( 2) et des actes ci-après empruntés au même Cartulaire : n° 80 (3), daté du 4 des calendes de novembre 12 55, indiction XIII, cette indiction étant celle de l'année 1255; n° 128 (4), du 13 des calendes de novembre 1266, indiction IX; or, 1266 correspond à l'indiction IX; n° 124(5), du 8 novembre 1311 indiction IX, laquelle est celle de 1311 n° 146(6), du 15 octobre 1314 indiction XII, qui est celle de 1314; n°94(7), du 10 novembre 1314, indiction XII, qui est celle de 1314

A dater de cette époque, les évêques de Grenoble, ayant adopté le style de Noël pour le commencement de l'année, employèrent d'une manière à peu près constante l'indiction « cum eodem anno sumpta», c'est-à-dire l'indiction pontificale du 2 5 décembre.

Les comtes de Vienne et d'Albon, qui prirent dans la suite le nom de dauphins, n'ont pas suivi, avant le XIVe siècle, des règles chronologiques constantes. Suivant qu'ils avaient recours pour la rédaction de leurs actes à tel ou tel notaire, ou qu'ils les passaient dans l'une ou l'autre des parties de leurs états, ils employaient l'une ou l'autre des deux indictions les plus usitées, celle du 2 4 septembre ou celle du 2 5 décembre. Toutefois il semble résulter de l'étude des nombreux actes que nous avons examinés qu'ils employèrent plus fréquemment l'indiction du 25 décembre.

(1) Arch. de l'Isère. G. Cart. d'Aimon de Chissé. Cf. [II. Chevalier. Notice analytique sur le Cartulaire d'Aimon de Chissé, p. 13, n° 54. Cf. n° 53.

( 2) Arcb. de l'Isère. Cart. d'Aimon de Chissé, fol. 409.

( 3) 01. Chevalier. Notice analytique , p. 29.

(4) Ibid., p. 41

(5) lbid., p. 4o.

(6) Ibid., p. 45.

(7) lbid., p. 33.


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En voici quelques preuves. Un hommage ( 1) prêté par le comte de Genève à Falque, évêque de Grenoble, et rédigé par un notaire du dauphin Guigue est daté: «Anno 1253, indiction XIIIa, 4°kal. novembris.» Or, à l'année 1253 correspond l'indiction XIII. Un autre acte rédigé à Embrun (2), par ordre du même dauphin, est daté de l'an de la Nativité 1259, le 8 des ides de décembre, indiction II, laquelle correspond à l'année 1259 Un autre acte passé à Briançon pour le même dauphin le 3 « exeunte novembri», de l'an de la Nativité 12 59, indiction II (3), confirme la conclusion que l'indiction n'était pas prise au mois de septembre.

En 12 9 0 le bailli du dauphin date, à Grenoble, une sauvegarde : Anno Domini 1290, le jeudi après la fête de Sainte-Luce (décembre), indictione IIP; or l'indiction III est celle de 1290 W.

D'autre part un acte du mercredi après la fête de Noël 1277 (style de l'Incarnation) porte l'indiction VI, qui est celle de l'année 127815). Et de même un acte du jeudi après Noël 1293 (style de l'Incarnation) est daté de l'indiction VII, qui est celle de l'année 1294(6). Donc l'indiction avait changé avant le millésime de l'année, et très probablement le 25 décembre,si l'on tient compte des preuves négatives que nous avons produites plus haut en faveur de cette date.

Ces preuves négatives pourraient être multipliées. Elles confirmeraient la conclusion formulée par M. l'abbé Ulysse Chevalier dans l'Introduction de l'Inventaire des Archives des dauphins, que l'indiction du 2 5 décembre fut de beaucoup la plus fréquemment adoptée dans la chancellerie des dauphins ; mais avec lui il convient d'ajouter qu'on y trouve aussi, bien que plus rarement, l'indiction du 24 septembre et aussi, mais exceptionnellement, celle du 1er septembre.

De l'indiction du 24 septembre nous pourrions citer quelques exemples empruntés particulièrement au règne de Jean II et de Guigue VII. Un acte de novembre 1315 est daté de l'indiction XIV, qui est celle de 1316 (7) un autre du 1er novembre 1323, indicO

indicO de l'Isère. B. 3266.

« Ibid.

(3) Ibid., B. 3162.

(4) Ibid., B. 2947, fol. 39

( 5) Ul. Chevalier. Invent, des Arch. des dauphins de Viennois, Lyon, 1871, n° 1908.

( 6) Ibid., n°1165.

(7) Valbonnais. Hist. de Dauphiné, t. II, p. 162


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tion VII, qui correspond à l'année 1324(1), un autre du 22 décembre. 1327, indiction XI, laquelle est celle de 1328 ( 2)

Une vente passée à Montbonnot par Guillaume Albert à Béatrix de Faucigny, et rédigée par le notaire impérial Hugues Chabeuil, est ainsi datée : «Anno Incarnationis 1296, scilicet 8°idus novembris, indictione Xe, scilicet ipsa indictione mutata 8° kal. octobris (3)

De l'indiction du 1er septembre nous pourrions citer un acte daté du 10 des calendes d'octobre 1276 indiction V. Or, l'indiction IV étant celle de 1276, il en résulte qu'elle avait changé avant le 22 septembre, et par conséquent le 1er(4).

A l'avènement d'Humbert II ces indictions exceptionnelles deviennent de plus en plus rares, en même temps que se fixe l'usage de commencer l'année au 2 5 décembre, et l'indiction pontificale, trcum eodem anno sumpta» règne enfin sans conteste dans la chancellerie des dauphins comme dans celle des évêques de Grenoble.

Dans le Viennois et La Terre de la Tour, des documents très anciens sembleraient prouver que l'indiction employée n'était pas celle de septembre. Le concile de Mantaille est daté de l'an de l'Incarnation 879, le 15 octobre, indiction XII(5). Or l'indiction XII correspondant à l'année 879, il suit qu'elle n'était pas prise au mois de septembre, à moins que le style de l'Incarnation ne soit entendu dans cette date suivant le mode Pisan.

L'acte 66* de l'appendice au Cartulaire de Saint-André-le-Bas de Vienne est daté de l'an de l'Incarnation 1091, indiction XIV, épacte 28, concurrent 2, le 5 des ides de septembre, férie 3, lune 23. Toutes ces notes chronologiques conviennent exactement au 9 septembre 1091 et écartent toute hypothèse de style pisan. Or l'indiction XIV est bien celle de 1091; donc l'indiction n'avait pas commencé le 1er septembre (6).

Un acte de 1257, le 1er décembre, passé à Vienne, dans la chapelle de l'archevêque, porte l'indiction XV, qui est encore celle de

(1) Valbonnais, t. II, p. 197.

(2) Ibid., t. II, p. 307.

( 3) Arch. de l'Isère. B. 3319. Ce même notaire a rédigé d'autres actes dans la région datés de la même indiction du 24 septembre.

(4) Ul. Chevalier. Invent, des arch. des dauphins, n° 1103

( 5) Marion. Cartulaire de Saint-Hugues, p. 265.

(6) Ul. Chevalier. Cartulaire de Saint-André-le-Bas, de Vienne, Vienne, 1869, in-8°, p. 377.


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1257(1). Un acte de Bernard, archevêque de Vienne est date du 16 octobre 1329 indiction XII, laquelle correspond à l'année 1329 (2).

Ces actes ne prouvent pas que l'indiction en usage à Vienne ait été celle du 2 5 décembre. En ce qui concerne le concile de Mantaille, il est possible que, suivant un usage constaté à l'époque carolingienne et dont nous retrouvons des traces nombreuses en Dauphiné, l'indiction y ait été prise au 25 mars avec le commencement de l'année.

L'acte 91 n'écarte que l'indiction du 1er septembre et laisse possible celle du 2 4. Quant aux deux autres actes que nous avons cités ils prouvent indiscutablement l'emploi de l'indiction pontificale du 2 5 décembre.

Cependant il semble que cette dernière indiction ait été plutôt exceptionnelle dans la région viennoise, et des actes nombreux permettent de croire que l'indiction du 2 4 septembre y était plus fréquemment employée. Et cela s'explique par le voisinage de Lyon, où cette indiction était de règle (3).

Voici quelques exemples de l'indiction du 24 septembre recueillis dans des actes passés à Vienne et dans la Terre de la Tour.

L'acte par lequel la dauphine Anne céda le Dauphiné à son fils Jean fut passé à Vienne en présence de l'archevêque. Il porte la date du 5 des ides de décembre 1289, indiction III; or l'indiction III étant celle de l'année 1290, il suit que la nouvelle indiction avait commencé en septembre (4).

Un traité passé à Vienne entre le dauphin et le chapitre de SaintMaurice est daté des 5 et 9 octobre 1291 (5), indiction V, laquelle correspond à l'année 1292.

Le testament d'un juge de la Terre de la Tour, passé à Crémieu, le 28 septembre 1317 porte la 1er indiction, qui est celle de

(1) Arch. de l'Isère. B. 3162.

( 2) Ibid. Série G. Fonds de l'archevêché de Vienne.

(3)' L'indiction est assez rare dans les actes du XIIIe siècle publiés par M. C. Guigne dans son Cartulaire Lyonnais. Cependant on trouve des arguments négatifs contre l'indiction de décembre dans les actes 787, 798 et 85o (t. II, p. 483, 5o3, 585). Cf. Valbonnais, t. II, p. 111-11 a. — Ajoutons qu'à Vienne même l'indiction était rarement employée dans les actes de l'officialité ( Arch. de l'Itère. G. Fonds de l'archevêché de Vienne).

(4) Arch. de l'Isère. B. 3163. Cf. Valbonnais, t. II, p. 51

(5) Ibid.


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1318(1). Un autre acte passé à Crémieu, le 16 décembre 132 5 et daté de l'indiction IX(2), qui est celle de l'année 1326, justifie la même conclusion que l'indiction avait commencé en septembre.

Les actes des notaires de la région sont datés de l'indiction du 24 septembre, même lorsqu'ils émanent de notaires instrumentant pour le dauphin. Ainsi faisaient Jean de Saint-Denis ( 3) et Humbert Pilat, quand ils habitaient le château de Beauvoir en Royans. Un acte de ce dernier, daté du 22 décembre 1327, porte l'indiction XI, qui est celle de 1228 (4).

Toutes ces mentions chronologiques fournissent autant de preuves négatives en faveur des indictions de septembre, et très probablement en faveur de celle du 24 septembre; mais il n'est pas possible d'affirmer que l'indiction suivie ne soit pas parfois celle du 1er septembre (5).

Dans les comtés de Valentinois et de Diois, l'indiction la plus usitée est incontestablement celle du 2 4 septembre. On en trouve des preuves positives très nombreuses dans les cartulaires de la région.

Un acte de Jean, évêque de Valence est daté «Anno Incarnationis ejusdem 1242 indictione quinta [decima], ipsa indictione mutata octavo kal. octobris(6) »

L'acte 13 du cartulaire de Die ( 7) est daté : «anno Incarnations. ... 1293, indictione VIe, ipsa indictione mutata octavo kal. octobris»

L'acte 9 du même cartulaire, émané de Guillaume de Rous(

Rous( P. Guillaume. Chartes de Durbon. Paris, 1893, in-4°, n° 635.

(2) Valbonnais, t. I, p. 309. Un acte passé à La Balme en Viennois, le 3 des nones d'octobre 1301 porte l'indiction XV, qui correspond à l'année 1302 (Valbonnais, t. II, p. 97).

(3) Arch, de l'Isère. B. Chambre des comptes.

(4) Valbonnais, t. II , p. 407.

( 5) Dn hommage prêté à Humbert Ier, par Guiffrey de Virieu pour le château de Montrevel et divers autres fiefs dans la Terre de la Tour, passé le 10 des cal. d'octobre 1376, indiction V, fournit une preuve en faveur de l'indiction du 1er septembre, l'indiction V étant celle de l'année 1377. (Ul. Chevalier. Inv. des Arch. des Dauphins de Viennois à Saint-André' de Grenoble, en 1346 Lyon, 1871, in-8°, p. 196, n° 1103)

(6) Valbonnais, t. II, p. 63.

( 7) Cartulare civitalis Diensis, pub. par l'abbé 01. Chevalier Bull, de l'Académie debhinale). Doc. inéd., t. II, p. 122.


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sillon, évêque de Valence et de Die porte la même mention : « Actum apud Diam,... pridie kal. januarii, anno Dominice Incarnat ion is 1298, indictione XIIe, ipsa indictione mutata octavo kal.octobris.v Et en effet à 1298 correspond l'indiction XI (1).

Jusqu'au XVe siècle(2), l'indiction du 2 4 septembre est la seule employée par les évêques de Valence. C'est aussi celles des comtes de Valentinois. Une reconnaissance passée en faveur d'Aimar II de Poitiers est datée du 7 des ides [9] d'octobre 1292(3), indiction VI «sumpto millesimo in Annunciatione Dominica et ipsa indictione sumpta VIIIe kal. octobris.»

Une réquisition, adressée par le bailli du Valentinois au courrier épiscopal de Die, est datée du 21 juillet 1312 indiction XII « ipsa indictione mutata octavo kalendas octobris(4)

On trouve, il est vrai, dans le cartulaire de l'église de Die un acte passé à Presles, près Romans, entre l'évêque de Die, Humbert Ier, la dauphine Réatrix et André-Dauphin, son fils, lequel est daté du 1er octobre 1201 (5) indiction IV; or l'indiction IV étant celle de 1201, n'avait pas, par conséquent, changé de millésime en septembre. Ceci pourrait s'expliquer par l'intervention, dans cet acte du dauphin, qui déjà, à cette date, employait fréquemment l'indiction de décembre; mais un autre acte du même cartulaire(6) passé à Die, par ordre du même évêque et daté du mois de novembre 1203 indiction VI(7), confirme qu'à cette époque dans le Diois on ne prenait pas l'indiction en septembre.

Dans les baronnies de Montauban et de Mévouillon, on trouve tous les modes de compter l'indiction, mais plus fréquemment le style du 24 septembre. Une reconnaissance de dette souscrite par Raymond de Mévouillon à un Florentin est ainsi datée : « Anno Do(

Do( Cartulare civitatis Diensis, p. 131.

(2) Voyez notamment la charte 75 du Cartulaire du Bourg-les-Valence, publié par M l'abbé U Chevalier. Elle est datée : «Anno beatissime lncarnationis dominice 1430 indictione nona et die 12e mensis decembris. » Or l'indiction IX est celle de l'année 1431

(3) Archives de l'Isère. B. 3548.

( 4) Ibid. B. 3565. Le calcul de l'indiction est erroné dans cette date; à l'année 1312 correspond l'indiction X.

(5) Ul. Chevalier. Cart. de l'église de Die, acte VIII (Bull, de l'Acad. delphinal.) Doc. inéd., II, 24. Cf. Valbonnais, I. 122

(6) Ibid., p. 41

( 7) L'indiction VI correspond à l'année 1203


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minice Incarnationis 1296, indictione Xe, scilicet anno (il faut probablement lire nono) kal. februarii, ipsa indictione mutata octavo kal. octobris (1)»

Une quittance du même, datée du 10 novembre 1319 porte l'indiction III, qui est celle de l'année 1320( 2)

Quelques actes paraissent datés de l'indiction du 1er septembre. Ainsi une vente du 7 septembre 1322 est datée de l'indiction VI, qui est celle de l'année 1323 (3).

Enfin, c'est dans les Baronnies que nous trouvons l'affirmation positive d'une indiction du 2 5 mars, dont le commencement coïncidait avec celui de l'année prise à l'Incarnation, comme l'indiction du 25 décembre coïncidait avec le premier jour de l'année prise à la Nativité. M. l'abbé Ulysse Chevalier, dans son Itinéraire des Dauphins de la 3e race (4) a relevé la mention suivante, extraite d'un acte rédigé dans les Baronnies le 29 octobre 1300 : « Sumpto millesimo quoad indictionem et Incarnationem simul in Annunciatione Dominica. Cette indiction du 2 5 mars était connue. Les auteurs du Nouveau traité de diplomatique ( 5) ont rappelé que le pape Grégoire VII l'avait employée dans un acte du 10 des cal. d'avril 1073, qui est daté de la XIe indiction et de la première année du Pontificat, c'est-à-dire du 23 mars 1074. Or l'indiction XI est celle de 1073.

L'acte cité par M. l'abbé Chevalier n'est pas le seul qui témoigne de la faveur dont jouit cette indiction du 2 5 mai dans les Baronnies. Un hommage prêté à Raymond de Mévouillon le 3 des nones de février, l'an de l'Incarnation 1267, porte l'indiction X, qui est celle de l'année 1267, et prouve que l'indiction de 1268 (n. st.) n'avait pas encore commencé'6).

Un albergement passé à Raynaud de Montauban, le jeudi lendemain de saint Antoine (18 janvier) cranno Domini 1284» porte l'indiction XII. Or ttanno Domini v doit être interprété ici par l'an pris au 20 mars (style florentin), attendu que le 18 janvier 1285 est précisément un jeudi. Dès lors l'indiction XII étant celle de

(1) Valbonnais, t. II, p. 109. (2) Archives de l'Isère, B. 3674. ' (3) Ibid.,B. 3675.

(4) Petite Revue Dauphinoise, I, 89

(5)' T. V, p. 238, note 1.

( 6) Archives de l'Isère, B. 3644.


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1284, il suit que l'indiction de 1285 n'avait pas encore commencé (1).

Un autre acte daté du 31 janvier 1317 (style du 25 mars), 131 8, n. st. mentionne l'indiction XV qui est celle de 1317(2)

Ce n'est pas seulement dans les Baronnies qu'a été employée l'indiction du 2 5 mars. On la trouve dans l'Embrunais W. Le Cartulaire d'Oulx en fournit des exemples pour la région briançonnaise située sur les confins du Dauphiné et du Piémont'4). On en relève des traces dans le Valentinois et le Diois.

Le testament de Louis II de Poitiers est ainsi daté : «Anno Incarnations ejusdem Domini 1419, indictione decima, cum eodem anno sumpta et die jovis 22e mensis jugniin. Or il est établi, nous le verrons plus loin, qu'a cette époque dans le Valentinois, l'année commençait au 25 mars (5).

On en trouverait même à Grenoble au commencement du XVe siècle, époque où le style de l'Incarnation y cède la place au style de la Nativité pour le commencement de l'année ( 6)

Enfin dans le Viennois et la Terre de la Tour, nous signalerons une mention relevée dans une donation consentie à la Balme-enViennois par Béatrix de Hongrie en faveur de ses fils Guigue VII et Hutnbert II, laquelle est ainsi datée : «Anno Incarnationis 1318

(1) Arch. de l'Isère, B. 3542

(2) lbid.,B. 3674.

( 3) Un acte passé à Chorges dans le palais archiépiscopal est daté : «Anna Incarnationis 1297, indictione Xe» c'est-à-dire le 15 mars 1298, n. st. Or l'indiction X correspond à l'année 1297. (Valbonnais, II, 80.)

(4) Voyez, par exemple, l'acte 59 passé à Oulx et daté du 3 des nones de janvier 1151 (pris à l'Incarnation) indiction XV; or 1151 correspond à l'indietion XIV. L'acte 87, daté du 5 des ides de janvier l'an de l'Incarnation 1193, porte l'indiction XI qui est bien celle de l'année 1198. Toutefois il se pourrait que dans ces actes le millésime de l'année fût pris à la Nativité, malgré la formule de l'Incarnation, ou au 2 5 mars suivant le rite pisau.

( 5) Ul. Chevalier. Cartulaire de Montélimar. Montélimar, 1871, in-8°, acte 95, p. 245. Voyez aussi l'acte 49 du même Cartulaire, qui, s'il est vraiment daté du style du 25 mars, comme cela est démontré par la mention de la 2e année du pontificat de Clément VI, fournit un nouvel exemple de l'indiction fautive du 25 mars. (Ibid., p. 121.)

(6) Un acte du 13 janvier l'an de l'Incarnation 1321, 1322, n. st. est daté de l'indiction IV, qui est celle de 1321 (Valbonnais, II, 164.)


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indictione secunda, ipsa indictione cum millesimo mutata et die 9e mensis marti(1)»

En résumé, l'indiction du 25 mars a pénétré dans toutes les régions du Dauphiné où l'on a pris pour le commencement de l'année la date du 2 5 mars.

Dans le Gapençais et l'Embrunais, les indictions du 1er et du 24 septembre semblent avoir été les plus usitées dans les documents datés du style de l'Incarnation; mais on trouve aussi fréquemment dans des actes du même style des preuves de l'emploi de l'indiction du 2 5 décembre. Cette dernière est la seule employée par les scribes qui font commencer l'année au 2 5 décembre ( 2) Aussi un acte, rédigé à Embrun par ordre du dauphin Guigue, l'an de la Nativité 1259, le 8 des ides de décembre, est daté de l'indiction II, qui correspond à l'année 1269 (3).

Dans la région briançonnaise, les actes du cartulaire d'Oulx nous permettent de constater qu'on employait presque constamment l'indiction du 2 5 décembre ou du 1er janvier, soit dans les documente datés du style de la Nativité, soit dans ceux qui prennent le commencement de l'année au 2 5 mars (style florentin). Quelques documents douteux semblent datés du style pisan et de l'indiction du 1er ou du 24 septembre( 4)

(1) Valbonnais, t. II, p. 178.

(2) Exemples du style de septembre : n° 619 des Chartes de Durbon daté d'Aspres-sur-Buech le 18 novembre 1311, indiction X, qui est celle de 1312 ; — n° 702 daté du 13 septembre 1304 indiction III, qui est celle de 1305; donc l'indiction avait commencé le 1er septembre; — n° 664, daté du 1er septembre 1324, indiction VIII qui est celle de 1325 même conclusion que ci-dessus; — n°510, daté du 15 novembre 1377, indiction V, qui est bien celle de 1377; donc l'indiction ne commençait pas en septembre-, — n° 533, commencé le 20 juillet 1282, indiction X et achevé « eodem anno et indictione quibus supra, die martis post festum B1 Mathey» (c'est-à-dire la 22 septembre); donc l'indiction n'avait pas changé du 20 juillet an 22 septembre et, par conséquent, elle ne se renouvelait pas le 1 er septembre ( Paul Guillaume, Chartes de Durbon) [diocèse de Gap]. Paris, 1893, in-8°. Voyez aussi l'acte 27 de l'appendice à l'Histoire des Alpes du P. Marcellin Former, publiée par M. l'abbé Guillaume (t. III, p. 364). Cet acte est daté du 31 octobre 1346, indiction XIV, laquelle est bien celle de l'année 1346.

( 3) Archives de l'Isère. B. 3266

(4) Exemples de l'indiction du 2 5 décembre avec le style de la Nativité pour le commencement de l'année, empruntés au Cartulaire d'Oulx : n° 55, acte passé à


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De cet exposé des usages chronologiques suivis dans les diverses parties du Dauphiné, on peut conclure, en ce qui concerne l'indiction, que, si l'on rencontre dans les cartulaires dauphinois des exemples de toutes les indictions connues, deux modes principaux s'y sont partagé la faveur des chancelleries et des notaires : le mode impérial du 2 4 septembre et le mode pontifical du 25 décembre; que l'indiction du 2 4 septembre a été la plus usitée dans les régions du Viennois, Terre de la Tour, Valentinois et Diois et Baronnies, tandis que l'indiction du 25 décembre était presque constante dans le Graisivaudan et le Briançonnais, et peut-être dans le Gapençais et l'Embrunais, et enfin qu'il faut tenir compte dans l'étude comparative des notes chronologiques dont sont datés les actes dauphinois, d'une indiction fautive du 25 mars dont on trouve particulièrement des traces assez nombreuses dans les baronnies de Montauban et de Mévouillon M, mais qui a été aussi employée, à l'état exceptionnel, dans toutes les parties du Dauphiné où l'on commençait l'année au 2 5 mars.

II. DU COMMENCEMENT DE L'ANNEE EN DAUPHINE.

Aussi bien pour le commencement de l'année que pour l'indiction il est impossible de dire que le Dauphiné, pris dans son ensemble, c'est-à-dire en comprenant sous ce nom toutes les régions qui le composaient en 1790, a suivi exclusivement l'un ou l'autre des styles usités au moyen âge, 25 mars, 25 décembre, 1er janvier ou Pâques. Et au contraire on pourrait affirmer qu'il n'y eut jamais de

Suse daté « anno Nativitatis 1216, indiction IV», le 4 des nones de novembre: or à 1316 correspond l'indiction IV; — n° 150 daté anno Nativitatis 1 21 8, indiction VI, 7 des ides de décembre : or l'indiction de 1218 est bien VI; — d'autre part, un acte passé à Briançon en novembre 1359 (à la Nativité) porte l'indiction II qui est bien celle de 1259. D'où il suit que l'indiction ne s'était pas renouvelée en septembre. (Archives de l'Isère. B. 3162.) — Exemple de l'indiction du 25 décembre avec le style florentin : acte 238 du Cartulaire d'Oulx (192) passé à Turin et daté : «Anno ab Incarnatione 1058 le 3 octobre, indiction XI, laquelle correspond à l'année 1058 — acte 224 daté anno Dominice incarnationis 1167, le 11 novembre, indiction XV, laquelle est celle de 1167; — acte 236, daté du 6 septembre 1198, indiction XI, laquelle est celle de 1193 Ce dernier acte n'écarte que l'indiction du 1er septembre. (Ulciensis ecclesiae Charlarium animadversionibus illustratum. Augustae Taurinorum, 1753, in-4°.)

(1) Correspondant à l'arrondissement actuel de Nyons, et comprenant en outre quelques parties des cantons de Grignan et de Dieu-le-Fit. (Brun-Durand, Diet. lopogr. de la Drôme, 1891, in-4°, p. 30).


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style chronologique universellement adopté dans toute la province, et que chaque région, chaque chancellerie y conserva ses habitudes spéciales. C'est pourquoi, avant de formuler une conclusion générale, il importe d'étudier séparément les différents modes de commencer l'année suivis dans chacune de ces régions, dans chacune de ces chancelleries.

A Grenoble, les évêques antérieurs à saint Hugues, Humbert en 1012'(1) et Pons en 1076(2), datent de l'Incarnation et très probablement du style florentin(3).

Les actes du cartulaire de Domène, qui sont du XIe et du XIIe siècle, sont également datés du style du 25 mars(4).

Les actes conservés dans les trois cartulaires de saint Hugues, et qui furent passés dans le cours des XIe et XIIe siècles dans la région grenobloise, sont datés : « Anno Incarnationis» ou «Anno ab Incarnatione dominical. Ces formules suffisent-elles à prouver que saint Hugues ait pris le commencement de l'année au 2 5 mars? Et, s'il l'a fait, est-ce d'après les règles du style florentin ou du style pisan? L'éditeur de ces cartulaires a cru pouvoir affirmer que saint Hugues adopta de préférence le style pisan, mais qu'il employa parfois le style florentin, et quelquefois le style de Noël(5).

On pourrait invoquer en faveur du style pisan les actes ci-après :

1° L'acte 3 du cartulaire A ainsi daté: «Data in capitulo Gratianopolim 11° kal. februarii, anno Incarnationis Dominice 1105, indictione XIIIa(6)». L'indiction XIII correspondant à l'année 1105, il s'ensuit que, si le commencement de l'année est ici pris au 2 5 mars,

( 1) Ulc eccl. Chartarium, p. 196. Cf. Gallia Christania, t. XVI Instrum, col. 78.

( 2) Ul Chevalier. Cartul. de Saint-Chaffre, p. 19. (Bull, de l'Académie delphinale. Doc. inéd., t. II.)

(3) L'acte de Pons est daté du 3 des ides d'août, férié 6, mentions qui concordent avec le vendredi 12 août 1076, ce qui écarte l'hypothèse du style pisan, d'après lequel le millésime de l'année devrait être ramené à 1075.

( 4) Cartulare monasterii beatorum Petri et Pauli de Domina. Lugd uni, 18 59 in-8°. Voir notamment les n°s 17 (1106), 18 (1107), 33, 47, 56, 61, 64, 192. La charte 193 fournit la preuve que dans ces actes l'année est bien prise au 2 5 mars.

Elle est en effet datée : « Anno 1082, 6 idus octobris, feria 2e luna 14e » et

contient une mention finale portant confirmation de cet acte, laquelle est datée «feria 8°, 8° idus januarii, eodem annon.

(5) Marion, op. cit. Introduction, p. 54.

(5) Ibid., p. 8.

HlST. ET PHIL0L. N°s 1-2. l8


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c'est à la mode de Pise, c'est-à-dire au 2 5 mars de l'année précédente ; mais cette date peut aussi s'expliquer par l'emploi du style de la Nativité ;

2° L'acte 20 du même cartulaire A est daté : « Acta hec carta 12° kal. februarii, luna 25, anno ab Incarnatione Domini 1042(1)» Or la lune 25 correspond exactement au 21 janvier 1042 Donc il faut encore conclure en faveur du style pisan... ou de celui de Noël;

3° Le cartulaire d'Oulx contient un acte de saint Hugues daté de l'an de l'Incarnation 1106, indiction XIV, le 6 des ides de février, férié 5, lune 2 ( 2) Or toutes ces indications chronologiques concordent avec le jeudi 8 février 1106. Il en résulte donc que cet acte est aussi daté ou du style pisan ou du style de Noël.

Ce qui fait naître nos hésitations entre ces deux modes de commencer l'année, c'est le grand nombre de preuves que nous trouvons dans ces cartulaires contre l'emploi du style pisan, affirmé par M. Marion. Ces preuves sont appuyées sur le raisonnement suivant : «Si c'est le style pisan qui est suivi par les clercs de saint Hugues et de ses prédécesseurs, il convient de rectifier, en le diminuant d'une unité, le millésime de tous les actes datés du 25 mars au 31 décembre. Or comme l'indiction correspondant à l'année pisane ne commence au plus tôt que le 1er septembre, il s'ensuit que tous les actes datés des jours et mois compris entre le 25 mars et le 1er septembre devront porter une indiction en retard d'une unité sur celle qui correspond réellement au millésime de l'année pisane. Ainsi un acte daté, d'après le style pisan, du 1er avril 1100 devra être ramené à l'année 1099 et porter l'indiction correspondante à 1099, qui est VII. Si donc cet acte est daté de l'indiction VIII, qui est celle de l'année 1100, nous serons en droit de conclure que l'acte a été réellement passé en l'année 1100, et par conséquent qu'il n'est pas daté suivant le style pisan.

Or nous trouvons précisément dans les cartulaires de saint Hugues une charte de cet évêque datée de l'année 1100, laquelle comprend en outre de nombreuses notes chronologiques. C'est la charte 109 du cartulaire B(3). Elle est ainsi datée: «Facta carta ista 4°kal.au(1)

4°kal.au(1) op. cit., p. 32

(2) Vie. eccl. chartarium, n° 347.

( 3) Marion, op. cit., p. 166.


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gusti, annoab Incarnatione Domini 1100, luna 18, indictione VIII, era 1138 (1) » Nous l'avons dit, si cet acte a été daté suivant le style pisan, le millésime de l'année doit être ramené à 1099. Or nous pouvons vérifier que l'indiction VIII correspond bien à l'année 1100, à l'année 1138 de l'ère d'Espagne et qu'en cette année le 4 des calendes d'août (29 juillet) était exactement le 18e jour de la lune. Donc la date de 1100 est bien exacte, et par conséquent cet acte n'est pas daté d'après le style pisan.

L'acte IX du cartulaire B ( 2) que nous avons invoqué déjà à propos de l'indiction de septembre fournit une preuve identique. Il est daté du 23 novembre, l'an de l'Incarnation 1107, indiction I, c'est-à-dire du 2 3 novembre 1106, si le scribe a suivi les règles du style pisan. Or l'indiction de 1106 est XIV ou XV, en la supposant renouvelée en septembre, tandis que l'indiction de 1108, prise en septembre 1107, est bien l'indiction I. Donc cet acte ne peut être daté du style pisan.

L'acte VIII du même cartulaire(3), rédigé à Grenoble comme le précédent par le secrétaire ordinaire de saint Hugues, le chanoine Amatus, confirme notre démonstration. ll est daté du 3 des calendes d'avril (30 mars) 1108, indiction I, la 28e année de l'épiscopat de saint Hugues. Or nous l'avons vu, à l'année 1108 correspond exactement l'indiction I.

La charte 32 du même cartulaire B( 4) émane aussi de saint Hugues et elle a été rédigée par le même Amatus; enfin elle a été passée à Grenoble. Or elle est datée du 3 des ides d'octobre 1101, indiction IX, et contient des notes chronologiques assez nombreuses, qui s'accordent, comme l'induction, avec la date du 13 octobre 1101, et rendent impossible toute hypothèse de style pisan.

La charte 119( 5) du même cartulaire B a été passée à Grenoble. Elle est datée ainsi : «Facta est autem hec donatio sive wirpitio apud Gratianopolim, feria 5a 2° kal. maii, luna 16e, anno Incarnationis Dominice 1108, indictione Ia». Toutes ces

(1) Dans le cartulaire, le millésime de l'ère d'Espagne est 1108 par suite de l'omission du mot tricesima, mais cette erreur évidente du scribe ne saurait infirmer la portée de notre démonstration.

( 2) Marion, op. cit., p. 87.

(3) Ibid.,p 86.

(4) Ibid., p. 108. Cette charte a déjà été citée à propos de l'indiction.

( 5) Marion, op. cit., p. 175.

18.


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notes chronologiques conviennent au 3o avril 1108, alors que, si l'on eut suivi le style pisan, elles devraient s'accorder avec le 3o avril 1107.

Ces exemples sont assez nombreux pour démontrer que le style pisan non seulement n'a pas été le plus fréquemment suivi par la chancellerie de Saint-Hugues, mais qu'il reste douteux qu'elle l'ait jamais employé. Et en effet les preuves que nous avons apportées en sa faveur peuvent aussi bien justifier le style de la Nativité, et seule la formule « Anno ab Incarnatione» est insuffisante pour établir une présomption en faveur du style pisan.

D'autre part, les preuves positives de l'emploi par la chancellerie de Saint-Hugues du style florentin sont rares et peu concluantes. L'acte 3 du Cartulaire B (1) est daté «Facta ista carta venditionis... 4°idus martii, luna 8°, anno Incarnationis Dominice 1100, indictione VIIIa, epacta 18°, concurrente 1%. Or, si l'indiction VIII correspond à l'année 1100, l'épacte et le concurrent s'accordent avec 1101, et le 4 des ides de mars est bien, en 1101, le huitième jour de la lune. Cet acte, rédigé par Amatus, serait donc daté du style florentin.

En dehors de cet acte unique, nous n'avons pas trouvé dans ces cartulaires — du moins dans les actes émanés de saint Hugues ou dressés par ses ordres — un seul autre argument en faveur du style florentin, et ceci nous autorise à conclure que saint Hugues, en dépit de la formule « Anno ab Incarnatione», a très probablement suivi le plus souvent le style de la Nativité.

Les évêques de Grenoble, successeurs de saint Hugues, conservèrent, durant un siècle, dans la date de leurs actes, la mention de l'Incarnation; ce qui ne signifie pas qu'ils aient toujours suivi le style du 2 5 mars. Déjà, en 1193, Jean de Sassenage date un acte du cartulaire des Écouges « Anno a Nativitate Domini»(2). Vers 1245, à la formule de l'Incarnation est substituée celle de «Anno Domini», qui couvre également le style du 2 5 mars et celui du 2 5 décembre. Plus l'on avance dans le XIIIe siècle, plus le style de

(1) Marion, op. cit., p. 80.

( 2) Arch. de l'Isère, G. Fonds du chapitre de N.-D. de Grenoble n° 657. Cf. Auvergne, Cartulaire des Ecouges, n° 13. (Bull, de l'Académie delphinale.Doc.inéd., I, 99.— Un acte du même évêque, de la même année, est daté de l'Incarnation, d'après le style florentin (Ibid, n° 14, p. 103.).


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la Nativité devient fréquent et, à dater de 1290(1), on peut dire que, sauf de rares exceptions en faveur du style florentin, il est de règle dans la chancellerie épiscopale de Grenoble (2).

Les comtes d'Albon de la première race emploient la formule « Anno ab Incarnatione», ce qui a permis de croire qu'ils prenaient le commencement de l'année au 2 5 mars; mais il est difficile de le vérifier, les mentions d'indiction qu'on trouve dans leurs actes étant presque toujours fautives (3). Les deux époux de Béatrix, Taillefer ( 4) et Hugues III, duc de Bourgogne datent aussi de l'Incarnation, qui reste prépondérante dans la chancellerie des dauphins de la deuxième racé ( 193-292(5). Toutefois, la formule de l'Incarnation devient plus rare sous le règne de Guigue VI (1237-1269) et fait place à celle de te Anno Domini », précisément à la même époque où cette transformation s'opère dans la chancellerie des évêques de Grenoble. Cette formule «Anno Domini» s'applique aussi bien au style de la Nativité qu'à celui du 25 mars (6) Déjà, du reste, sous le règne de Guigue VI, nous trouvons des actes datés de la Nativité. Nous en avons cité précédemment deux, passés l'un à Embrun et l'autre à Briançon, par l'ordre et pour le compte de ce dauphin, lesquels sont datés « Anno Dominice Nativitatis 1259 (7)».

Il convient de rappeler ici ce que nous avons précédemment dit

(1) Voyez notamment un acte de Guillaume II de Sassenage ainsi daté : «Anno Domini 1290, indictione IIIe, die veneris in vigilia Epiphanie Domini». Or, le 5 janvier 1290 est bien un vendredi, et 1390 correspond à l'indiction III. (Cart. d'Aymon de Chissé aux Archives de l'Isère.)

( 2) Toutefois, un acte de l'officialité de Grenoble du 4 des nones de février 1299, indiction XI,est daté de l'Incarnation, l'indiction XI correspondant à l'année 1398. (Archives de l'Isère, B. 3163.)

(3) Un acte du cartulaire d'Oulx, passé à Vizille, près Grenoble (n° 239) et daté «Anno Incarnationis Dominice 1131, 5° nonas martii, 3e feria» semble bien devoir être ramené au style de la Nativité, en dépit de la formule de l'Incarnation, le 5 des nones de mars 1131 étant exactement un mardi (feria 3e).

( 4) P. Guillaume. Charles de Durbon, n° 160, p. 124.

'( 5) Ul. Chevalier. Itinéraire des Dauphins de la deuxième race. (Petite Revue dauphinoise, t. 1er, p. 56.)

( 6) Voyez notamment (Valbonnais, II, p. 31) un acte daté «Anno ejusdem 1258, indictione Ie, 4e kal. martii». Si cet acte était daté du style du 25 mars, le millésime de l'année devrait être reporté à 1259; or l'indiction I correspond à l'année 1258.

(7) Arch. de l'Isère, B. 3266 et 3162. Ou hommage prêté en 1282 en Graisivaudan est daté «Anno Nativitatis». (Valbonnais, I. 20.)


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à propos de l'indiction, que les dauphins des deux premières races n'avaient pas des habitudes chronologiques bien fixes, et qu'ils suivaient les usages des notaires qu'ils employaient ou des pays dans lesquels étaient passés leurs actes. Or, ils voyageaient beaucoup et résidaient fort peu à Grenoble. Ceci explique et justifie la judicieuse observation de M. l'abbé Ul. Chevalier, que les premiers dauphins de la troisième race, Humbert I et Jean II, conservèrent le style de l'Incarnation, mais que le style de la Nativité devint plus fréquent, surtout à Grenoble (1).

Dans cette ville et dans la région grenobloise, dès le commencement du XIVe siècle, le style de la Nativité est le plus usité. Il triomphe définitivement dans les dernières années du règne de Jean II (1314-1317), et surtout à l'avènement de Guigue VII (1319-1333)(2). Depuis lors, il fut le seul suivi par la chancellerie des dauphins et par les grands corps administratifs et judiciaires créés à Grenoble par Humbert II (3). C'est pourquoi il fut appelé le style delphinal.

Cependant on a observé avec raison que, durant son administration en Dauphiné, le dauphin Louis (depuis Louis XI) conserva, en ce qui concerne le commencement de l'année, les habitudes chronologiques de la cour de France, c'est-à-dire le style de Pâques (4).

A Vienne et dans la Terre de la Tour, le style de l'Incarnation à la mode florentine ne fut jamais abandonné. II y fut adopté dès une très haute antiquité. Le concile de Mantaille et les actes de la chancellerie des rois de Bourgogne sont datés d'après ce style. Un acte du cartulaire de Saint-André-le-Bas, de 1075, dont la date est

( 1) Ul Chevalier. Itinéraire des Dauphins. (Petite Revue dauphinoise , 1.1, p 107.) — On échange conclu à Vienne, où l'on suivait le style florentin, entre Humbert Ier de la Tour et Dreux de Beauvoir, est daté du mercredi 4 des kal. de janvier 1*77, indiction VI, qui correspond exactement au 39 décembre 1277 (pris à l'Incarnation); l'indiction VI, qui est celle de 1278, étant commencée depuis le 24 septembre 1277.

( 2) La mention «Hic mutatur millesimus» se trouve en tête d'un cahier du notaire delphinal, Humbert Pilai, avant un acte du 6 janvier 1328, l'acte précédent étant du mois de septembre 1327. (Archives de l'Isère, B. 2609 fol. 72.)

(3) Ul. Chevalier. Itinéraire dit dauphin Humbert II (Bull, de la Soc. d'archéologie de la Drame, t. XX, p. 333.)

( 4) 01. Chevalier. Itinéraire de Louis XI dauphin. (Petite Revue dauphinoise, LI, p. 2 4).


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en vers, laisserait supposer qu'on a pu dater à cette époque d'après le style de la Nativité; mais M. l'abbé Ul. Chevalier a fait observer avec raison que de la concordance des autres notes chronologiques contenues dans cette date il résultait que l'année y était prise au 2 5 mars( 1)

Dans un acte donné à Vienne le 7 des calendes d'avril 1303, la date est commentée en ces termes : « Et est sciendum quod data incipit in Annunciatione Dominica secundum consuetudinem ecchsie Viennensis (2)». Et cet usage persista même après la réunion du Dauphiné à la France et l'adoption définitive, par la chancellerie des dauphins, du style du 25 décembre. Un acte de 1449 est daté de «l'an de l'Incarnation à l'usage de Vienne(3)». En 1546, à la Côte Saint-André, en Viennois, on datait encore de l'année 1546 «prins à l'Incarnation(4)».

L'usage de commencer l'année au 2 5 mars persista dans le Viennois, la Terre de la Tour et le Viennois-Valentinois jusqu'à la réforme de Charles IX, et jamais le style delphinal ne put l'y supplanter( 5)

Le Valentinois et le Diois restèrent également fidèles au style de l'Incarnation, qui fut constamment employé, tant par les évêques de Valence et de Die que par les comtes de Valentinois, sous la formule «Anno ab Incarnatione Domini», ou «Anno Verbi Incarnati» ou enfin trAnno Domini». Cette dernière devient la plus fréquente à dater du XIIIe siècle (6).

( 1) Ul. Chevalier. Cartulaire de Saint-André-le-Bas de Vienne, Lyon, 1869, in-8°, p. 166.

(2) Valbonnais, t. II, p. 113. — Nous trouvons cependant dans le même auteur (t. II, p. 430-432) un acte de l'archevêque de Vienne, Bernard, donné à Seyssuel le 9 mars «anno a Nativitate 1341».

(3) Archives de l'Isère, B. 3429. Voir aussi les protocoles de Jean Barbarin, notaire de Vienne, de 1383 à 1389, datés du style florentin. (Arch. de l'Isère, E. notaires.)

« Ibid., B. 344o.

( 5) Les actes de Dauphin, notaire à Crémieu, et de Pierre de la Rovère, notaire à Venissieux, an commencement du XVIIe siècle, sont datés constamment du style du 35 mars. Toutefois, un acte de 1436, rédigé par ordre du châtelain de SaintSymphorien d'Ozon, est exceptionnellement daté «Anno Domini 1436 a Pascale sumpto». (Archives de l'Isère, B. 3424 et série E. notaires.)

(6) Voyez les Cartulaires de Saint-Pierre du Bourg-lès-Valence, de Montélitnar, de l'église et de la ville de Die, publiés par l'abbé 01. Chevalier.


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Une reconnaissance passée en faveur du comte de Valentinois, Aimar IV, le 9 octobre 1292,porte la mention «Sumpto millesimo in Annunciatione Dominica et ipsa indictione sumpta octavo kal. octobris(1)»

Aux XIVe et XVe siècles, le style florentin persiste dans la région valenti noise. En voici qnelques exemples empruntés au cartulaire du Bourg-lès-Valence ( 2) :

1° L'acte 63 débute ainsi:« Anno Domini 1344 et die 12e mensis decembris.. . » et plus loin on lit : «Postquam, anno quo supra et die 14e mensis januarii» et plus loin encore : « anno quo supra et die 15e mensis febroarii (3)» ;

2° L'acte 72 du même cartulaire, daté « Anno Dominice Incarnations 1404 et die 13e mensis decembris...» contient ensuite la mention : «postquam, anno proxime dicto, et die 21e febroarii ( 4) »;

3° L'acte 77 daté « Anno salutifere Incarnationis Dominice 1432, indictione XIe et die 9e mensis februari», vise une procuration passée le 6 décembre 1432. D'autre part, l'indiction XI est celle de 1433(5).

Les mêmes constatations pourraient être faites au XVIe siècle et prouveraient la persistance du style florentin dans le Valentinois. Ce mode de commencer l'année était employé même par les officiers delphinaux lorsqu'ils exécutaient des ordres du gouverneur du Dauphiné, lesquels étaient datés du style de Noël. Ainsi nous voyons le procureur fiscal de la cour de Crest accomplir, le 26 février 1490 « ab Incarnatione sumpto» une mission à lui donnée par le Gouverneur du Dauphiné, le 7 février 1491 et a Nativitate sumpto»( 6)

Les mêmes conclusions peuvent être appliquées aux baronnies de Montauban et de Mévouillon. Le style du 2 5 mars y a été de tout temps prépondérant et même après la réunion de cette principauté au Dauphiné, les officiers delphinaux continuèrent à y dater du style florentin. C'est dans un acte de cette région que M. l'abbé

(1) Archives de l'Isère, B. 3548.

( 2) L'acte 66 du Cartulaire de Montélimar confirmerait sur ce point les données fournies par le Cartulaire du Bourg-lès-Valence. Il est en effet daté «Anno Incarnationis. .. 1374, indictione XIIIe et die 5e mensis martiin», c'est-à-dire le 5 mars 1375, nouv. style, l'indiction XIII correspondant à l'année 1375

( 3) Ul Chevalier. Cartul. du Bourg-lès-Valence, p. 113.

( 4) Ibid., p. 139.

(5) Ibid,p. 145.

( 6) Archives de l'Isère, B. 3510.


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Ul. Chevalier a relevé la mention que nous avons citée à propos de l'indiction du 2 5 mars : Sumpto millesimo quoad indictionem et Incarnationem simul in Annunciatione dominical.

Dans le Gapençais, M. l'abbé Guillaume, éditeur des chartes de Durbon et de Bertaud, a observé que le style le plus couram-, ment employé, du XIIe au XVe siècle, était le style florentin. Toutefois il a constaté quelques cas du style de Noël et aussi, peut-être, des traces du style de Pâques( 2) Le style de Noël apparaît surtout vers le milieu du XIVe siècle, sans détrôner cependant de suite le style florentin, car au XVe siècle un grand nombre de notaires du Gapençais prennent encore le commencement de l'année au 2 5 mars, tandis que d'autres adoptent le style delphinal (3).

A dater de 1530-1540, ce dernier style est le seul en usage en Gapençais.

Les archevêques d'Embrun, du XIIe au XVe siècle, ont employé presque constamment le style du 2 5 mars, soit sous la formule Anno ab Incarnatione, soit sous celle Anno Domini, plus fréquente à dater du milieu du XIIIe siècle ( 4)

(1) Petite Revue dauphinoise, t. I, p. 89. On trouvera des preuves de la persistance du style florentin dans les Baronnies dans Valbonnais, t. II, p. 109 et 110, et aux Archives de l'Isère, B. 368o.

(2) Chartes de N.-D. de Bertaud, publiées par l'abbé Paul Guillaume, Gap et Paris, 1888, in-8°, Introduction p. XLVIII. M. l'abbé G. a renvoyé aux numéros des chartes de son recueil qui justifient son affirmation. Le Cartulaire de Durbon, publié par le même M. Guillaume, confirme ce qu'il a dit de la prédominance du style florentin dans le diocèse de Gap. Voir notamment les n°s 5o2, 5o3, 511, etc. Dans ce dernier cartulaire il n'y a pas dix actes datés de la Nativité, et encore plusieurs de ceux-ci sont passés en dehors de Gap ; à Domène dans le Graisivaudan, ou à Mens dans le Trièves. Seul le n° 773 du 4 février 1452 est passé à Gap et émane de l'Officialité.

(3) Archives de l'Isère. E. Fonds des notaires. Cf. Archives des Hautes-Alpes; Des renseignements fournis par l'obligeance de mon érudit collègue M. l'abbé Guillaume, il résulte que suivent le style de l'Incarnation les notaires Melchior Truchet, de Veynes (1477-1484), Jean d'Abon (1458), Repelin (1465), Nicolas Chassepoul (11488-1491), Antoine Farel (1492), Antoine Buset (1507), Richard Cotin (1509), Arey du Four (1534-1538), Gaucher Farel (1525-1528), tous de Gap. Par contre suivent le style de la Nativité, les notaires Jean Colin (1483), Claude Fabri (i4ga), Jean Charbilhiati (14g4), Ant. Bovati (1517, Damien Calhe (1541), Pierre Queyrel(1543-1555), Gilles Charles (1568), tous de Gap, et d'autres notaires de Serre, de Veynes et de Ventavon.

( 4) Cf. Ulciensis eccl. Chartarium, n°s 69, 1 84, 186, 187, 188 et 189. Histoire


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Dans la première moitié du XVe siècle, ils datent encore de l'Incarnation, témoin un acte daté du lundi 6 mars, anno Domini 144o, qui doit être reporté au 6 mars 1441, lequel est précisément un lundi, tandis que le 6 mars 144o est un dimanche'1).

C'est vers cette époque que le style de Noël semble prendre la prépondérance en Embrunais, où il avait été déjà employé, mais à titre exceptionnel, dès la seconde moitié du XIVe siècle (2). Les procès-verbaux d'élection et de prestation de serment de l'archevêque Jean Baile nous fournissent pour la même année des exemples de l'emploi de l'un et de l'autre style. Le procès-verbal de l'élection est daté Anno Incarnaùonis 1457, indictione Ve cum eodem anno sumpta et die 18e mensis febroarii ( 3) L'indiction V correspondant à l'année 1457, on serait en droit de croire que l'année dans cette date a été prise à la Nativité, ce que justifierait encore la formule de l'indiction cum eodem anno sumpta particulière à l'indiction du 2 5 décembre. Mais, d'autre part, nous souvenant que l'indiction a été parfois prise en Dauphiné au 2 5 mars, avec le commencement de l'année florentine, il est permis de supposer que le rédacteur de cet acte a employé cette indiction spéciale, et de reporter cette date au 18 février 1458. Ce qui justifierait cette hypothèse, qui peut paraître hasardée, c'est que la prestation de serment de Jean Baile est datée du 3 mai 1458 suivant le «style de la Nativité» expressément indiqué dans la formule : Anno ejusdem Nativitatis 1458, indictione VIe cum ipso anno sumpta, die vero mercurii numerota tertia mensis maii(4)

Quoi qu'il en soit, depuis le milieu du XVe siècle, le style de la Nativité devint usuel dans les chancelleries embrunaises et le style

générale des Alpes-Maritimes de Marcellin Fornier, publiée par M. l'abbé Paul Guillaume, t. III, Paris-Gap, 1892, in-8° Appendice passim; et Valbonnais, t. II, p. 188. Toutefois, un acte de Lantelme, archevêque d'Embrun, daté du 11- des calendes de février lo84, lune 9, indiction VII, semble daté du style de la Nativité, l'indiction VII correspondant à l'année 1084. Le jour de la lune est inexact pour 1084 comme pour 1085, mais il se rapproche plus de la vérité pour 1084. (Ulc. Chart., charte 183, p. 156.)

( 1) Histoire générale des Alpes, t. III, p. 374.

(2) M. l'abbé Guillaume a bien voulu me signaler des chartes datées de la Nativité et passées à Embrun les 17 août 1364 et 3 avril 1367; à Guillestre, en i4t5 et 1429 à Château-Queyras, en 1439.

(3) Histoire générale des Alpes, t. III, p. 378.

(4) Ibid., p. 382


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du 2 5 mai n'y fut plus employé qu'à l'état exceptionnel dans quelques chartes qui ne dépassent pas le troisième quart du XVe siècle. Au XVIe siècle, on n'emploie plus à Embrun que le style de Noël(1).

A Briançon et dans la région briançonnaise, le style de la Nativité semble avoir été en usage dès une époque très reculée. En effet, bien que le cartulaire d'Oulx nous donne, dans un grand nombre d'actes du XIIe siècle, la formule de l'Incarnation, il résulte de la comparaison des dates de ces actes avec l'indiction — si l'on écarte l'hypothèse peu vraisemblable du style pisan ( 2) — que les computistes de l'abbaye d'Oulx prenaient plus fréquemment le commencement de l'année au 25 décembre (3). Et cela est assez naturelles actes ayant été rédigés dans une région voisine de l'Italie où le style de la Nativité fut très en faveur du IX° au XIIIe siècle (4)

A Oulx, ce style apparaît dès la fin du XIIe siècle(5). A Suse, il est affirmé par la formule Anno a Nativitate dès les premières années du XIIIe siècle, en 1205 (6). A Briançon, on ne constate pas cette formule avant 122 5(7); mais dès lors on la trouve constamment.

CONCLUSION

L'usage de commencer l'année au 2 5 décembre, désigné sous le nom de style delphinal, n'a jamais été universellement adopté en Dauphiné. Le Viennois, le Valentinois et Diois, les Baronnies sont toujours restés fidèles au style du 2 5 mars, dit florentin, et aussi, quoique d'une façon moins absolue, le Gapençais et l'Embrunais qui ne l'ont abandonné que tardivement.

(1) Observations relevées par M. l'abbé Guillaume dans les chartes de Guillestre. Cf.un acte des Archives de l'Isère (B. 3739) donné à Montorsier en 1491, et un autre passé à Embrun en 1525 tous deux datés de la Nativité. En 1649, le notaire Martin, d'Embrun datait : et L'an de grâce 1549, prins à la Nativité de N.-S.n, (Archives de l'Isère, E. notaires.)

(2) Contre l'hypothèse du style pisan, on peut invoquer entre autres les actes 133, 135, 149, 168 et 204 du Cartulaire d'Oulx.

« Voir Ulc. Chart., n°s 59 83, 84, 94, 96, 100, 105, 145, 183, 194 198, 207, 333, 238, etc.

(4) Giry, Manuel de diplomatique, p. 109.

(5) Ulc. Chart., charte 83.

(6) Ibid., charte 80.

( 7) Ibid., chartes 185, 216.


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Le style delphinal a été donné au Dauphiné par l'Italie, et il est arrivé à Grenoble par la route de Briançon. C'est dans ce pays, la plus ancienne possession des comtes d'Albon, que nous le trouvons dès la fin du XIIe siècle. Les évêques de Grenoble l'emploient à la même époque, et il semble même que saint Hugues ait daté de ce style les actes de ses cartulaires. En tous cas la chancellerie épiscopale de Grenoble l'accepte la première vers 1290.

Quant aux dauphins, qui lui ont donné leur nom, il suivirent d'abord les règles chronologiques du style du 2 5 mars, et ne se rallièrent définitivement au style de la Nativité que dans les premières années du XIVe siècle.

Enfin on observera que les mêmes parties du Dauphiné qui ont suivi le style du 2 5 mars pour le commencement de l'année ont employé l'indiction du 25 septembre, tandis que l'indiction du 25 décembre se rencontre dans les régions qui ont pris à cette date le commencement de l'année.

VII

ETUDE SUR UN DOCUMENT RELATIF AU PAPE SILVESTRE II — LA LETTRE

180 DE GERBERT ET LE PREMIER CANON DU IVe CONCILE DE CARTHAGE.

Communication de M. Astier, professeur au Lycée de Toulouse.

Le savant Baluze écrivait jadis : « Quand j'ai vu que mon compatriote l'Aquitain Gerbert, qui a occupé avec gloire le siège de Rome, était représenté par les écrivains tant de notre pays que de l'étranger comme un pervers, un possédé du démon, à peine comme un chrétien, j'ai été, je l'avoue, grandement contristé, et j'ai déploré sa destinée misérable.»

Les écrivains de nos jours — tant français, qu'étrangers — sontils mieux informés? sont-ils plus justes pour les croyances religieuses de Gerbert?

Il est permis d'en douter, au moins, si l'on en juge d'après les critiques — parfois violentes — qu'ils adressent à la profession de foi du futur pontife.


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Cette profession de foi date certainement de l'année 991. Elle fut faite après l'élection de Gerbert, au siège de Reims, et avant sa consécration. Elle porte le n° 178 dans l'édition d'Olleris, le n° 180 dans l'édition d'Havet.

Elle a été vivement critiquée au point de vue dogmatique par Gfrôrer( 1) et par Wilmans( 2) à l'étranger. La profession de foi de Gerbert, dit Olleris( 3) (p. 538) est attaquée avec passion par M. Gfrôrer (p. 1460-1463), qui prête au nouvel archevêque l'idée perverse d'avoir voulu gagner le clergé en autorisant le mariage des prêtres, et le peuple en supprimant les jours maigres et l'abstinence du carême.

Wilmans trouve lui-même qu'elle est assez anti-romaine (Ziemlich unrômisches), parce que Gerbert ne dit pas un mot de la suprématie du Saint-Siège.

Nos critiques français, s'ils n'ont point ici rencontré l'exacte vérité, se sont montrés plus réservés et par suite plus justes au point de vue dogmatique.

Baluze, Olleris et Havet estiment que la profession de foi de Gerbert est surtout une oeuvre de circonstance, et Nuptias non prohibeo», je n'empêche pas les mariages, dit Baluze, preuve que les professions de foi des évêques changeaient avec les circonstances et qu'ils y ajoutaient la condamnation des hérésies nouvelles.

C'est la thèse développée par MM. Olleris, Havet et Picavet. « Le futur archevêque, dit Olleris (CXXXVIII) n'interdit ni les mariages, ni les secondes noces, etc., ce qui nous laisse croire qu'il y avait dès lors des Manichéens en France».

M. Havet est plus explicite encore. Suivant lui : «Les principaux articles de cette profession de foi paraissent dirigés contre les doctrines de la secte des Cathares, plus tard appelés Albigeois, qui commençaient alors à se répandre particulièrement en Champagne. »

Ici M. Havet cite Schmidt (Histoire et doctrine de la secte des Cathares ou Albigeois, t. I., p. 33) et conclut : «ce sont là en résumé les principales doctrines cathares. Quand on songe aux Cathares de Montwimer, de Vertus, de Châlons, il nous paraît impossible de ne pas voir dans les paroles de Gerbert une allusion à cette hérésie» (Havet. Lettres de Gerbert, p. 161 à la note). Tel est aussi le

(1) Allgemeine Kirchengeschichte. 3 Band. 3 Abtheilung.

( 2) Jahrbücher des deutchten Reichs unter den Sâchsischen Hause.

( 3) OEuvres de Gerbert. Olleris. Clermont-Ferrand, 1867.


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point de vue auquel se place M. Picavet. tell semble, dit-il, que l'Église se défende surtout contre les Cathares qui existaient alors en Champagne, peut-être aussi contre les prédécesseurs de ces Manichéens, brûlés en 1022 à Orléans». (Picavet, Gerbert, Un pape philosophe, p. 168.)

Eh bien! il faut avoir le courage de le dire, il y a dans ces jugements presque autant d'erreurs que de mots.

La profession de foi dont il s'agit n'est point l'oeuvre personnelle de Gerbert.

Il l'a signée : il ne l'a point rédigée.

Cette profession de foi est tirée phrase pour phrase, mot pour mot, syllabe pour syllabe d'un formulaire dogmatique évidemment en usage dans l'église de ce temps, puisqu'il fut aussi souscrit en 1082 par Gauzlin, archevêque de Bourges (Boubnovv).

Ce formulaire est antérieur à Gerbert, car il se trouve dans la collection de Réginon.

ll est si peu suspect de tendances anti-romaines ou anti-chrétiennes que le Saint-Siège l'a pour ainsi dire fait sien en l'adoptant pour sa liturgie, et en l'insérant dans l'Ordo Bomanus.

Il est si orthodoxe qu'il est devenu une loi de l'église, et qu'il se trouve à ce titre dans le décret de Gratien. (Distinctio XXII,cap. II.)

Enfin il n'est pas dirigé contre les hérétiques de Champagne de Montwimer, de Vertus et de Châlons, puisqu'il est l'oeuvre du quatrième concile d'Afrique tenu à Carthage, en 398, par 214 évêques, tous alors préoccupés, il est vrai, des progrès du manichéisme en Orient et flétrissant les doctrines de Manès (ce qui explique la méprise de Baluze, d'Olleris et d'Havet), mais peu soucieux, je crois, et du mariage des prêtres et de l'abstinence des jours maigres et du carême, ce qui rend la méprise du savant Gfrôrer tout à fait inexplicable.

Quant au document lui-même, il défie la critique la plus exigeante.

Ici je n'expose plus.

Je traduis quelques lignes de la collection des Conciles du Père Labbe (tome II, colonnes 1197, 1198).

Sous le quatrième consulat d'Honorius Auguste, le premier d'Eutychiasus, le 6 des ides de novembre, l'évêque Aurélianus, avec tous ses frères dans le sacerdoce, siégeant in secretario à Carthage, en concile universel, la sainte assemblée a décidé de faire ces rè-


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glements qui sont nécessaires aux mesures canoniques pour les ordres ecclésiastiques.

Règlement sur l'ordination de l'évêque. — Qu'on examine celui qui doit être ordonné évêque pour savoir s'il est doué de prudence naturelle, etc., et avant tout s'il professe en termes simples et clairs les principes de la foi, c'est-à-dire, que le Père,le Fils et le SaintEsprit sont un seul dieu, reconnaissant que la divinité entière de la Trinité est coessentielle, consubstantielle, coéternelle, coomnipotente,

coomnipotente,

formule que Gerbert reprend mot pour mot, syllabe pour syllabe, mettant seulement, je crois au lieu de croyant, je déclare au lieu de déclarant, comme il est facile de s'en assurer, en jetant les yeux sur la collation des textes qui accompagne notre travail.

Et maintenant concluons :

Deux conclusions nous semblent résulter de nos recherches :

1° On ne saurait à l'avenir se servir de la profession de foi de Gerbert pour attaquer l'orthodoxie de ce prélat.

2° Le premier canon du quatrième concile de Carthage nous ayant conservé la formule authentique de la profession de foi de Gerbert, on ne saurait à l'avenir publier le texte de cette profession de foi sans recourir au canon qui lui a servi de modèle et contrôler les manuscrits L et D et les éditions de du Chesne, d'OHeris, de Havet et de Boubnow qui en proviennent.


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SACROSANCTA CONCILIA, studio Philippi Labbe. (LUTETIAE PARISIORUM, 1671, t. II, col. 1197.)

Decreti Prima pars. Distinclio XXIII (Corpus Juris canonici : Lyon, 1661.) Cap. II. Quomodo sit examinandus qui in Episcopum eligitur. Qui episcopus ordinandus est, antea examinetur, si natura sit prudens.

1 et ante omnia si fidei documenta verbis simplicibus asserat,

2 id est Patrem et Filium et Spiritum sanctum unum Deura

3 esse confirmans

4 totamque Trinitatis deitatem coessentialem, et consubstantialem.

5 et coaeternalem, et coomnipolentem praedicans

6 si singulam quamque in Trinitate personam plenum Deum, et

7 totas tres personas unum Deum

8 Si incarnationem divinam, non in Patre neque in Spiritu

9 Sancto faclam, sed in filio tantum credat ut qui erat in

1 o divinitate Dei Patris Filius, ipse fieret in homine hominis

11 Matri filius : Deus verus ex paire, homo verus ex patre,

12 Carnem ex matris visceribus habens et animam humanam rationalem 13 Simul( 1) in eo ambae naturoe, idem Deus homo,

14 una persona, unus filius, unus Christus, unus Dominus

15 creator omnium, quae sunt, et auctor

16 cum Patre et Spiritu sancto omnium creaturarum :

17 qui passus sit vera carnis passione

18 Mortuus vera corporis sui morte

19 resurrexit vera carnis su;e resurrectione et vera animoe resumptione

20 in qua veniet judicare vivos et mortuos.

21 Quoerendum abeo si Novi et Veteris Testamenti, id est

22 Legis, Prophelarum el apostolorum unum eumdemque credat 23 Auctorem et Deum.

24 Si diabolus non per conditionem sed per arbitrium factus sit malus. 25 Quoerendum etiam ab eo si credat hujus quam gestamus

26 et non alterius carnis resurrectionem

27 Si credat Judicium futurum et recepturos singulos pro his quas

28 in carne gesserunt vel poenas vel gloriam.

29 si nuplias non improbet,

30 si secunda matrimonia non damnet 31 si carnium perceptionem non culpet

32 si poenitentibus reconciliatis communicet

33 si in baptismo omnia peccata id est tam illud originale

34 contraclum quam illa quoe voluntarie admissa sunt dimittantur

35 Si extra ecclesiam cathocicam nullus

36 Salvetur.

(1) Gratiani Decretum : in eo verilas utriusque naturoe.


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LETTRES DE GERBERT, J. Havet.

(N° 180, p. 161-162.)

1 Ante omnia fidei documenta verbis simplicibus assero.

2 Id est Patrem et Filium et Spiritum sanclum unum Deum

3 esse confirmo,

4 totamque in Trinitate deitatem coessentialem et consubstantialem

5 et coaeternalem, et coomnipotentem praedico.

6 Singulam quamque personam verum Deum, et

7 totas tres personas unum Deum profiteor

8 Inearnationem divinam, non in Patre neque in Spiritu

9 Sancto, sed in Filio tantum credo, ut qui erat in

10 divinitate Dei Patris Filius ipse fieret in homine hominis

11 matris filius, Deus verus ex Patre, homo verus ex matre

12 carnem ex matris visceribus habentem et animam humanam rationalem

13 simul in os utriusque naturoe id est hominem et Deum

14 unam personam, unum Filium, unum Christum unum Dominum

i5 creaturarum quoe sunt, et auctorem, et Dominum, et rectorem

16 cum Patre et Spiritu Sancto confiteor

17 Passum

18 mortuum

19 resurrexisse vera carnis suoe resurrectione et vera animas resurrectione

20 in qua veniet judicare vivos et mortuos assero

21 novi et veteris Testamenti

22 unum eumdemque credo

2 3 auctorem, et Dominum et Deum

24 Diabolum non per conditionem sed par arbitrium factum esse malum

25 Credo hujus quam gestamus

26 et non alterius carnis resurrectionem

27 Credo judicium futurum et recepturos singulos pro his quae 28 in carne gesserunt vel paenas vel gloriam

29 Nuptias non prohibeo

30 Secunda matrimonia non damno.

31 Carnium perceptionem non culpo,

32 Poenitentibus reconciliatis communicari debere confiteor

33 in baptismo omnia peccata id est tara illud originale

34 Contractum quam ea quoe voluntarie admissa sunt dimitti credo

35 ... extra ecclesiam catholicam nullum

36 salvari confiteor

HlST. ET PHILOL. N°s 1-2. 19


290

VIII

LES ANCIENS REGISTRES PAROISSIAUX DE PROVENCE (1503-1790). Communication de M. de Gérin-Ricard.

Origine de leur établissement. — Précurseurs de nos livres d'état civil actuels, les anciens registres des paroisses nous ont transmis la mention des trois événements les plus importants de la vie des générations qui se sont succédé sur notre sol depuis le XVIe siècle jusqu'à la Révolution.

Avant de faire ressortir l'intérêt général et aussi spécial que présentent ces recueils de baptêmes, d'épousailles et de sépultures, avant de signaler les travaux dont ils ont déjà fait l'objet et ceux qu'il serait utile d'entreprendre aussi bien pour en assurer la conservation que pour en faciliter l'exploitation, nous passerons rapidement en revue les diverses phases par lesquelles a passé l'organisation de notre état civil.

Dans l'antiquité, cette institution fonctionnait chez les Juifs, chez les Grecs, chez les Romains. Outre les registres particuliers tenus par chaque famille, ces derniers avaient des livres publics sur lesquels les censeurs notaient soigneusement les noms, l'âge, le sexe, la maladie et la mort des citoyens. Mais l'invasion des Barbares vint et l'état civil romain disparut dans la tourmente, qui emporta l'Empire lui-même.

Durant tout le moyen âge, il ne fut tenu aucun enregistrement de ce genre par les services publics. La filiation du peuple se transmettait par la tradition; seuls quelques monastères tenaient des «obituaires» intéressant uniquement leurs communautés.

Pour ce qui concerne cette époque, c'est dans les chartriers et les archives des notaires qu'il faut puiser pour reconstituer par à peu près l'état civil de la noblesse, des personnages importants et de la bourgeoisie. Contrats de mariage, donations, testaments, transactions de succession et rouleaux de mort, sorte de lettres de faire part annonçant le décès des grands; tels sont les documents qui peuvent servir à combler, les lacunes de quelques généalogies.

On attribue généralement à François Ier l'honneur d'avoir été le père de notre état civil en prescrivant, par la fameuse ordonnance


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rendue à Villers-Cotterets en août 1539 qu'à l'avenir «il sera faict registre pour preuves de baptesmes et décez», lesquels devront être tenus régulièrement par les curés ou vicaires et déposés par eux chez le greffier du bailliage. Or, dans les villes, les ecclésiastiques notaient déjà depuis quelque temps tous les baptêmes, mais il est vrai qu'ils ne gardaient pas trace des mariages et des décès de leurs ouailles.

Dès 152 4 un synode tenu à Séez avait prescrit au clergé, sous peine d'amende, de faire figurer dans les actes de baptême les noms et prénoms de l'enfant, du père et de la mère. Cette décision n'avait d'autorité que dans un seul diocèse, mais elle étendit vraisemblablement au loin une heureuse influence, dont on peut constater les effets.

En 1535, à la suite d'épidémies de peste et de typhus qui ravagèrent l'Angleterre, Henri VIII obligea les paroisses à inscrire les baptêmes et les décès. Comme on le voit, on se préoccupait en haut lieu des deux côtés de la Manche et presque en même temps de la réglementation de l'état civil.

Il est à retenir qu'en Provence, à Marseille notamment, il existait des registres de baptêmes dès 1511, peut-être même depuis 1503 Quant aux actes de sépultures, ils remontent dans ce pays à 1532, alors que les tables mortuaires de Genève, qui ont longtemps passé pour les plus anciennes d'Europe, ne commencent qu'en 1561

Précise pour ce qui concerne les baptêmes, l'ordonnance de 1539 ne parle pas des actes de mariage, et, pour les décès, elle enjoint seulement de tenir note de ceux qui se produisent parmi les possédants fiefs et les pourvus de bénéfices ecclésiastiques.

Pour ces derniers, cette mesure s'imposait, car et lorsqu'un bénéficier mourait, il y avait un intérêt majeur pour ceux qui ambitionnaient sa succession à cacher sa mort et, comme on le disait à celte époque, à prendre date à Rome, car le pape jouissait d'un droit de prévention qui lui permettait de nommer à un bénéfice vacant lorsque le Roi n'y avait pas pourvu. Il y eut des prêtres qui furent embaumés, salés, dissimulés dans des caves par la complicité de quelques inférieurs pendant que le postulant courait le bénéfice(1)». Ces supercheries font penser involontairement à un cer(l)

cer(l) Maxime du Camp. L'Etat civil à Paris.

19


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tain rajah empaillé, après sa mort, par son premier ministre et par ses veuves, qui retardèrent ainsi pour elles le supplice du bûcher.

L'édit de Blois, rendu en mai 1679, vint combler — théoriquement au moins — les lacunes laissées par l'ordonnance de 1539. Mais, soit paresse, soit insousiance de la part de ceux chargés du fonctionnement du service de l'état civil, l'autorité royale dut intervenir de nouveau pour réprimer des abus et réglementer définitivement la question.

Louis XIV (avril 1667) prescrivit les formalités les plus minutieuses pour la rédaction des actes et rendit obligatoire la tenue des registres en double : l'original qui devait rester à la paroisse et la copie qui devait être versée annuellement au greffe du juge royal.

Enfin une déclaration du 7 avril 1736, rappelant les précédentes ordonnances sur la matière, décida qu'il serait tenu à l'avenir deux registres originaux au lieu d'un original et d'une copie.

Le 20 septembre 1792, une loi chargea les municipalités de la rédaction de l'état civil et maintint la double minute. Le code Napoléon a depuis consacré cette loi, qui régit encore maintenant la question.

Bessources que présente l'ancien état civil pour l'histoire, la statistique et l'économie. —- Si imparfait que fût notre ancien état civil, avec ses renseignements incomplets, ses rédactions bizarres où l'écrivain appelait à son secours les ressources de l'idiome local( 1) lorsque le mot latin ou français lui faisait défaut, les abréviations multiples et les surcharges maladroites qu'on y rencontre, enfin ses écritures presque indéchiffrables et son orthographe barbare, ses archives renferment de précieuses indications dont l'Histoire, la Statistique et l'Economie peuvent tirer parti.

A l'historien, ces registres fournissent le moyen de rectifier des dates, de compléter et même de redresser les filiations erronées qui figurent dans les biographies d'individus célèbres ou dans les nobiliaires; ils permettent d'établir la généalogie et en partie la liste des seigneurs de certains villages qui, appartenant à la bour(l)

bour(l) Provence on employa simultanément le latin, le provençal et le français, dans les actes pendant tout le XVIe siècle et même un peu après.


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geoisie, ne se rencontrent pas dans les recueils consacrés à la noblesse.

Les registres paroissiaux aident aussi à dresser des canevas sur la nomenclature des curés ou vicaires.

En ce qui concerne le peuple, ces archives nous font connaître le nom des familles établies depuis longtemps dans un pays, quelquefois le nom de leur contrée d'origine, ainsi que les noms de baptême usités suivant les époques dans telle localité ou dans telle région.

Enfin ces registres relatent quelquefois des faits historiques intéressants et peu connus.

Au statisticien, notre ancien état civil apporte le nombre des naissances (enfants légitimes et naturels), la proportion des sexes, le chiffre des unions et des décès qui se sont produits depuis un assez long espace de temps. Les tables mortuaires de Genève dont nous avons parlé ont permis d'établir que la durée moyenne de la vie, qui en 1814 atteignait dans cette ville le chiffre de 36 ans, n'était à l'époque de la Réforme que de 18 ans et dans le XVIIe siècle de 2 3 ans(1). A Marseille on a remarqué qu'en 1667 le nombre des mariages contractés au mois de mai était supérieur à la moyenne des autres mois de l'année, d'où il résulterait que la coutume qui existe d'éviter de se marier en mai ne remonte pas très haut.

Au point de vue économique et juridique l'existence des anciens registres paroissiaux est d'un grand secours pour établir en matière de succession la filiation et par suite le rang des héritiers. Nous avons eu personnellement à nous occuper de recherches dirigées dans ce but pour la fameuse succession Brunet et pour celle du cardinal Antonelli.

Travaux accomplis en Provence sur les registres paroissiaux. — ll serait à souhaiter qu'on entreprît partout en France, comme cela se fait actuellement en Bretagne pour trois diocèses, la publication de notre vieil état civil, car sa partie la plus ancienne — par conséquent la plus intéressante — a subi bien cruellement déjà les injures du temps, augmentées par l'état d'abandon dans lequel se trouvent ces archives dans bien des communes, au point que le

(1) Bibl. Britan., mai 1814 p. 213.


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mal sera bientôt irréparable si l'on n'y apporte promptement un remède. Le plus efficace nous paraît être la transcription sous forme de tables dont nous parlerons plus loin.

En Provence, l'ancien état civil d'Aix et de Marseille a déjà fait l'objet de travaux utiles mais restreints. Au siècle dernier un gentilhomme provençal, appartenant à la même maison que Vauvenargues, le chevalier de Clapiers, releva, par ordre alphabétique de noms, les actes des paroisses aixoises et ceux se rapportant à des mariages faits dans diverses paroisses du diocèse et dont une des parties contractantes était d'Aix. Malheureusement ce recueil — qui ne comprend pas moins de dix gros in-folio connus sous le nom de et manuscrits de Clapiers» — renferme des inexactitudes et dans bien des cas il est prudent de ne pas s'y fier complètement et de recourir aux actes eux-mêmes. Toutefois, les répertoires de M. de Clapiers sont d'un grand secours pour les chercheurs, parce qu'ils servent tout au moins à fournir des indications et qu'ils suppléent soit aux lacunes de répertoire que présentent les registres paroissiaux, soit à l'absence complète de table qu'on y constate souvent.

L'oeuvre patiente de M. de Clapiers a été léguée par l'auteur des Bues d'Aix, M. Roux-Alphéran, à la bibliothèque Méjanes et notre érudit ami, feu le chanoine Albanès, a enregistré cette collection dans son catalogue des manuscrits de ladite bibliothèque sons la rubrique «Actes de catholicité»; car chacun sait que les registres des paroisses ne contenaient que les actes des catholiques; il n'y est point fait mention de l'état civil d'individus appartenant aux autres religions, sauf dans le cas de conversion au catholicisme. (Les tables de Clapiers renferment quelques actes antérieurs à 155o).

A Marseille, notre regretté maître, Félix Timon-David, qui guida nos premières recherches dans l'ancien état civil de cette ville, avait, en effectuant le classement et le dépouillement de ce fonds, relevé dans la partie antérieure à l'ordonnance de Louis XIV, c'està-dire dans celle où il n'existe qu'une minute des actes, plus de six mille baptêmes, mariages et sépultures se rapportant à la noblesse, aux célébrités locales ou à diverses familles ayant joué un rôle de quelque importance. Ce travailleur consciencieux avait ainsi formé une collection (aujourd'hui entre les mains de sa famille) comprenant quatre in-folio et plusieurs centaines de fiches qui renferment de véritables richesses.


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M. Timon-David tira de ce fonds les généalogies inédites de trois familles consulaires célèbres à des titres divers, les Casaulx, les d'Aix et les Libertat(1); il s'apprêtait à éditer des notices de ce genre sur vingt-deux familles bourgeoises appartenant à l'histoire municipale de Marseille, lorsqu'il fut enlevé à l'affection des siens et à celle des nombreux amis et obligés qu'il comptait dans le monde savant de notre ville.

Ajoutons qu'en 1875 M. Timon-David avait publié, sous le titre Les Archives paroissiales de Marseille aux XVIe et XVIIe siècles(2) une étude fort curieuse sur l'état actuel de ces documents, la répartition par paroisses et par époques des 480 registres qu'ils forment, sur les hors-d'oeuvre étranges que présentent ces recueils d'actes (dessins représentant des diables, des arlequins, etc., sentences pieuses, poésies diverses, quatrains, maximes, prescriptions, événements historiques, notes personnelles. . .), sur les diverses formules employées; le tout, accompagné de détails statistiques, de fac-similés d'actes concernant des personnages célèbres et de remarques fort judicieuses suggérées à l'auteur par l'examen attentif des actes du XVIe siècle; celles-ci entre autres qui ont trait à des faits chronologiques :

On sait que sous les rois de la troisième race, le commencement de l'année, très variable jusque là, était fixé à Pâques et que l'édit de Charles IX, en 1564, porta désormais cette ouverture au 1er janvier. Il est à supposer que cette ordonnance ne concerna point Marseille qui continua à suivre la coutume romaine, car, avant comme après 1564, le millésime change invariablement le 1er janvier dans tous les actes paroissiaux.

Mais ce qui a lieu d'étonner bien davantage, c'est l'indifférence absolue de ces vieux registres à l'endroit de la célèbre réforme grégorienne de 1582 accueillie cependant avec satisfaction par tout l'univers catholique. Cette année ayant été raccourcie de dix jours qui furent pris entre le 4 et le 15 octobre, sainte Thérèse tomba par conséquent le 5. Or, il n'existe aucune trace de cette ablation de 10 jours dans les documents de l'époque ;. nulle lacune ne s'y montre entre les deux dates, objets de la soudure, rien non plus les mois suivants, si bien que l'on se demande comment s'y prit le clergé marseillais pour célébrer, en temps opportun, les deux grandes fêtes de la Toussaint et de la Noël, l'an de grâce 1582

(1) Marseille. Camoin, 1880. M. Timon-David avait aussi relevé dans les insinuations de la sénéchaussée plus de 490 contrats de mariages, testaments, etc. (2) Marseille. Olive (56 pages).


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Le marquis de Boisgelin, d'Aix, a repris l'oeuvre de MM. de Clapiers et Timon-David en faisant opérer un nouveau dépouillement — non encore achevé — de l'ancien état civil de Marseille et d'Aix. Ces recherches ont un but tout spécial, celui de permettre la publication d'un très complet nobiliaire de Provence.

Après les importants travaux dont nous venons de parler, nous nous permettrons de signaler ceux effectués par nous sur les registres paroissiaux de dix communes, dont huit forment le canton de Roquevaire (arrondissement de Marseille) et deux appartiennent à l'arrondissement d'Aix.

Les dépôts les plus intéressants, explorés par nous, dans cette région sont ceux d'Auriol (huit registres remontant à 1550), de Roquevaire, de Fuveau (sept registres depuis 1642), Saint-Savournin (3 registres depuis 1653 et Mimet (trois registres commençant en 1643 et renfermant des actes en latin).

Ces recueils sont quelquefois munis de tables, mais la plupart sont incomplètes ou dressées par noms de baptême.

Un dépouillement minutieux nous a permis de relever plusieurs centaines d'actes se rapportant aux familles nobles ou notables du pays, et de noter pour chacun de ces villages les noms patronymiques les plus répandus dans le peuple au moment où les registres des paroisses font leur apparition.

Nous avons rencontré là les noms bien connus de d'Agonit, d'Albert, de Blacas, de Boutassy, de Castellane, de Cipriany, de Duranti, de Faucon, de Flotte, de Forbin, de Gautier-Valabre, de Gras, de Grimaldi-Régusse des princes de Monaco, d'Hermitte, de la Baume, d'Oraison, de Perrache, de Peyssonel, de Puget, de Régis, de Riquetty, etc.

Les registres de ces diverses paroisses sont, pour la plupart, de forts in-4° qui forment une seule série pour les trois sortes d'actes qu'ils contiennent.

Au point de vue des particularités qui s'y rencontrent, nous signalerons l'habitude prise de féminiser les noms : de l'épouse de Martin, on fait Martine; de Laget, Lagette, la femme de Rémuzat s'appelle Remuzade.. .

Quant aux noms propres en général, on peut suivre les transformations apportées à leur orthographe : Colomb devient Coulomb, puis Coulon; Guy se change en Guis.


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Pour ce qui concerne les baptêmes, il convient de faire remarquer l'emploi d'un prénom unique jusque vers le milieu du XVIIe siècle et les inconvénients qui en résultent pour établir des filiations. Ce nom de baptême est généralement, pour les ainés, celui de l'aïeul paternel, choisi, dans la majorité des cas, comme parrain; la marraine est souvent la femme de ce dernier; cette mode est encore tellement invétérée en Provence que le petit-fils appelle son grand'père et parrain» et son aïeule te marraine» que ceux-ci l'aient ou non tenu sur les fonds baptismaux. Cette coutume de faire passer la parenté spirituelle ayant la parenté naturelle est au moins curieuse et nous la croyons toute locale.

Quant aux formules employées, elles sont simples pour les baptêmes, plus solennelles pour les mariages et d'une sécheresse de détails remarquable pour les sépultures.

Baptêmes. — Celle généralement usitée pour les baptêmes est la suivante :

Marc-Antoine Laget de Bardelin, fils de Mre François, escuyer de la ville d'Aix et de dame Jeanne de Raymond, est né et a esté baptisé le 23 novembre 1716. Parrain: Marc-Antoine Barthelemy, avocat en la cour de Parlement ; marraine : demoyselle Jeanne Ferrari.

[Paroisse d'Anriol.]

Cette acte se rapportant à une célébrité provençale qui, par suite d'oubli, ne figure dans aucun recueil biographique, quelques notes inédites sur cette personnalité nous paraissent pouvoir prendre place ici.

Marc-Antoine Laget de Bardelin fit ses études à Aix, son droit à Paris et fut reçu avocat dans cette ville à dix-neuf ans. Il s'y fit bientôt remarquer par l'étendue de ses lumières et par son habileté dans la jurisprudence. Devenu avocat général du clergé de France au Parlement et au Conseil d'État, avocat et conseil de l'administration des Économats, bailli de la duché-pairie et de l'archevêché de Paris, puis avocat-conseil de Monsieur (plus tard Louis XVIII), il exerça toutes ces fonctions pendant de longues années avec une si grande distinction et un succès si éclatant qu'on l'appela, après sa mort« le Quintilien français». ll collabora, avec son compatriote Portalis, à la rédaction du Code Napoléon et dut à l'amitié et à l'influence de ce dernier une pension du gouverne-


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ment, devenue presque sa seule ressource depuis qu'il avait perdu la vue et avait été ruiné par les effets de la Révolution. En 1806, cet éminent jurisconsulte était le doyen du barreau de Paris et il s'éteignit dans cette capitale, 10, rue des Mathurins, le 8 mai 1810, à l'âge de quatre-vingt-treize ans. Plusieurs de ses consultations,ayant trait à des causes importantes,ont été imprimées.

Mariages. — Voici maintenant, comme particularité, une formule d'acte se rapportant à un mariage qui avait porté ses fruits avant la cérémonie nuptiale. C'est une régularisation de situation, en bonne forme.

Le marié appartient, nous en avons la preuve, à l'illustre maison, aujourd'hui éteinte en mâles, des Albizzi de Florence, qui gouverna avec éclat et vigueur cette République pendant un siècle et dont un rameau, exilé par les Médicis, vint s'implanter en Provence vers 1520

L'an 1745 et le 14 septembre, Joseph d'Albissy et Anne Rigaud de cette paroisse ont confessé en présence des témoins être procréé d'eux, sous les promesses de ce présent mariage un garçon nommé Joseph-Pierre, baptisé dans celte paroisse le 29 juin de l'an que dessus, sous leurs véritables noms, qu'ils reconnaissent par le présent acte habile à leur succéder et, munis de l'acte d'émancipation du sieur d'Albissy père fait en faveur du st Joseph d'Albissy son fils cadet, avons de même suite et les formalités d'usage ayant été accomplies, donné la bénédiction nuptiale à s Joseph d'Albissy, escuyer, fils du st Joseph et de dame Barbe Gras de ce lieu d'Auriol, d'une part, — et honneste fille demoiselle Anne Rigaud, fille de Balthazard et de demoiselle Magdeleine Ballat aussi d'Auriol.

[Paroisse d'Auriol.] Comme on le voit, l'âge des conjoints fait quelquefois défaut.

Sépultures. — Les actes des sépultures également ne font pas toujours mention de l'âge du défunt et font rarement connaître ses ascendants.

5 mars 1727. — Noble Charles-François de Cipriany, seigneur du heu, décédé le 4, a été enseveli aujourd'hui dans l'église.

[Paroisse de Saint-Savournin. ]


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Jean-Louis Cairety, procuré, a été trouvé noyé ce 25 juin 1782 dans le bassin de Madame la marquise.

[ Paroisse de Gréasque. ]

Voici le décès d'une très jeune dame arrivé après un mois de mariage :

10 septembre 1741. — Dame Marie-Françoise-Delphine d'Albert de Boquevaux, épouse de Mre Bienvenu de Peyssouel, sr du lieu (34 ans) âgée de 13 ans a été ensevelie dans l'église en présence de Mre Roussenq et Fabrony, curés.

[ Paroisse de Saint-Savournin. ]

Quelquefois le nom du père est remplacé par la profession :

16 septembre 1747. — Décès d'Alexis Girard, fils de Mr l'architecte du Roi et de demoyselle Marie Gérard, de Marseille, enseveli dans le petit cimetière.

[ Paroisse de Mimet. ]

Ce n'est qu'exceptionnellement que l'on rencontre des actes qui, comme le suivant, parlent des ancêtres du défunt et énumèrent les personnes présentes au convoi :

Le 23 septembre 1685 a été inhumé dans la chapelle de N.-D. de Piété, de Saint-Louis et de Saint-Jacques, que les prêtres descendus de Vitalis et de la lignée de Guillaume frère de Pierre, maître rationnai (vivant en 1520 ) ont fait bastir et ensemble une autre pour les laïques d'icelle lignée, Mre Jacques Vitalis, prêtre et vicaire décédé la veille. Ont assisté les confrères pénitents, Mre Etienne Vitalis, son neveu et successeur, vicaire, Henry Vitalis, notaire royal, Louis et Antoine Vitalis frères, etc.

[ Paroisse de Fuveau. ]

Sur les registres paroissiaux, les ecclésiastiques ne couchaient pas seulement, nous l'avons dit, des actes de catholicité, ils s'en servaient un peu comme livre de raison et y consignaient à côté de choses notables des faits par trop personnels, comme ce vicaire de Saint-Paul de Paris, qui, rapporte M. Beriat de Saint-Prix, après avoir raconté comment il fut régalé par son curé, ajoute le lendemain. «Je fus obligé de prendre un lavement pour apaiser une colique.»


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Mais quelquefois il s'agit de questions plus graves, de discorde entre le curé et un de ses vicaires. Un jugement rendu par l'Officialité d'Aix dans une affaire de ce genre figure tout au long dans le registre de la paroisse de Fuveau de 1710. Nous donnons ici un extrait de ce document qui nous révèle tout un drame de sacristie :

Nous Officiai, etc., de Mgr' de Vintimille du Luc des comtes de Marseille , conseiller d'Etat, archevêque d'Aix, en présence et de l'avis de Mres de Forbin, Lautier et de Fargues, tous docteurs en théologie et chanoines de la métropole de Saint-Sauveur et de Me Pierre Saurin, avocat au Parlement, après avoir vu, examiné et interrogé de nouveau les témoins... ayant égard à la plainte de Claude Bossolin, vicaire perpétuel de Fuveau et de Paul Baille, prêtre secondaire de ladite paroisse, portée par leur requête du 23 août contre Pierre Vitalis, prêtre de la même paroisse, sans nous arrêter à la plainte du dit Vitalis. Avons déclaré le dit Vitalis atteint et convaincu d'avoir fait de jour et de nuit chanter par des jeunesses, ses domestiques et moissonneurs, tant à la porte de la maison claustrale qu'autres lieux de Fuveau, une chanson diffamante et injurieuse contre M™* Rossolin et Baille, d'avoir repris ceux qui manquoient en chantant la dite chanson, d'avoir fait boire et récompenser ceux qui la chantoient, d'avoir dit que Rossolin mentait dans les prônes et que tout ce qu'il disoit n'étoit que fausseté, d'avoir répandu dans Fuveau que le dit Baille avait été surpris avec une femme mariée du lieu, prenant avec elle des libertés criminelles , d'avoir proféré des injures contre Rossolin et Baille. Pour réparation de quoy, en ce qui touche Rossolin, avons ordonné que Vitalis demandera excuse au dit Rossolin, l'audience tenant, et, lui dira en notre présence, celle du promoteur et de deux personnes de Fuveau telles que le dit Rossolin voudra les choisir, que mal à propos et malicieusement il a fait chanter la dite chanson, l'a accusé de mentir dans ses prônes, etc., toutes choses dont il se repent, lui en demandant pardon et le priant de les oublier; qu'il le reconnaît pour un bon prêtre sans reproches et non entaché des injures qu'il a semées contre lui, l'avons condamné à 3 livres d'aumosne pour les pauvres de Fuveau et aux dépens : faisons inhibition et défense au dit Vitalis de récidiver, lui enjoignons d'être plus circonspect à l'avenir et de porter honneur au dit Rossolin, l'avons condamné (aux mêmes peines envers Baille plus 7 livres d'aumosne) et pour réparer autant que faire se peut le scandale causé par Vitalis, ordonnons qu'il se retirera dans le séminaire pour y rester six mois et s'y renouveler dans l'esprit de son état, qu'il demeurera interdit de ses fonctions pendant six mois. Avons débouté le dit Vitalis de ses requêtes en subornation de témoins.

Délibéré à Aix, le 21 décembre 1710.


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Vitalis interjeta appel de ce jugement, puis grâce à la médiation de Mre d'Hermitte, seigneur de Fuveau et de Belcodène, il transigea en payant 618 livres à Mre Rossolin ; on lui fit grâce du surplus.

Nous ne dirons rien des simples te sondages» effectués par nous dans le champ vaste et fécond que présente l'ancien état civil de Marseille et nous nous contenterons de donner comme exemple des curiosités d'intérêt national qu'il renferme, la reproduction de l'acte baptistaire du célèbre auteur de l'Astrée, Honoré d'Urfé( 1) que ses biographes font naître en 1568, tandis que son baptême eut lieu vers le commencement de l'année précédente.

Nous joignons à cette pièce inédite la reproduction d'un acte de baptême, qui est, croyons-nous, un des plus anciens documents du genre (2), puisqu'il est antérieur à 1511.

Moyen de restauration pour les archives de l'ancien état civil. — Le moyen qui nous paraît le plus propre pour assurer la conservation de notre vieil état civil et notamment de la portion qui est anté(

anté( « Le XI febrier 1567 par moy soubz signé a esté

«baptizé Honoré filz de noble prince magnific «seigneur Monser Durphé et de madame trèz redou« tée madame Renée de Savoye, mariés, parrain a (resté le magnifie seigneur et prince Mgr Honoré «de Savoye, comte de Tende, Lieutenant pour le «Roy de tous ce pays de Provence tant pour mer «que par terre, chevalier de l'ordre du Roy. «Et Mgr' Antoyne Scalin (Escalin) des Aymars baron «de Lagarde et chevalier de l'ordre du Roy, « général des gallères du dit seigneur es mers «du Levant.

«R. PLAN, vicarius.» [ Les Accoules, reg. 8. ]

Comme on le voit, la marraine ne figure pas. La lin de la septième ligne est difficilement lisible par suite des dégâts faits par les vers.

( 2) «Die VI aprillis fuit baptisatus

«Cristomus (Chrysostomus) filius Ludovicus Peyronz «patrinus fuit Rernardus Vassal et cematrina fuit Johanna Balma. eeper me Johanni Jaquety.»

[ Les Accoules, reg. 1, de 1008 à 1512


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DATES PRÉNOMS NOM

du du et

NOM. PRÉNOMS. BAPTÊME PÈRE, PRENOMS PA

et domicile de la mère

de la naissance, et profession.

» 2 3 4 5

NOTA. Dans la colonne n° 6, on pourra porter à la suite du nom du parrain, sa profession ou ses ti

PROFESSION AGE PRENOMS NOM NOM

NOM DE L'ÉPOUX. PRÉNOMS. et DATE PROFESSION PRENOMS de P

DOMICILE. de , de L'EPOUSE

naissance. du père la mère.

1 2 3 4 5 6 7

NOTA. La colonne n° 16 pourra aussi servir à consigner, le cas échéant, les unions contractées par les co Les registres contenant ces relevés de mariages, établis en adoptant l'ordre alphabétique par noms

S

DATES AGE PRENOMS

TITRES du DU DEFUNT PRENOMS

NOM. PRÉNOMS. ou DECES , ou lieu PROFESSION PR

PROFESSION. ,de de ou titres

l'inhumation, sa naissance. du père la

1 2 3 . 4 5 6

NOTA. Dans la colonne n° 8, on indiquera si le défunt était célibataire, veuf (eu veuve) de , o


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PARENTS NUMÉRO NOM RENSEIGNEMENTS

DIVERS . PAGE PRETRE DIVERS,

du registre. qui a baptisé.

8 9 10 11 19

le degré de parenté qui l'unit au baptisé.

s.

PRÉNOMS NOM PAROISSE, RENSEIGNEMENTS

DATE et et DATE NUMERO NOM DIVERS

et lieu PROFESSION PRENOMS du et du (témoins, parents

US. de PR0FESSION de page PRÊTE. et personnages

naissanre. du père. la mère. MARIAGE. du registre. PRÊTRE présents).

10 11 12 13 14 15 16

s ou même en secondes noces.

être munis à la fin d'un index par noms de femmes, toujours dans.le but de faciliter les recherches.

S.

M DOMICILE ÉGLISE, INDICATIONS

PAROISSE CHAPELLE et sur RENSEIGNEMENTS

où ou couvent du tombeau

ajoint a eu lieu ou a eu lieu (numéro DIVERS.

fant le décès. l'inhumation. du registre. du caveau, etc.)

9 10 11 18 13

) de


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rieure à l'application de l'ordonnance de 1667 et qui n'existe qu'à simple exemplaire, consisterait à faire transcrire sur des registres ad hoc et par ordre alphabétique de noms tous les actes des paroisses.

Il serait bon d'affecter une série de livres à chaque genre d'actes (baptêmes, mariages, sépultures).

En adoptant des feuilles disposées en tableaux synoptiques, chaque acte ne tiendrait qu'une ligne, car, on supprimerait tontes les formules, ce qui permettrait de condenser sous un très petit volume la matière renfermée dans une masse de registres.

Ce système, s'il était appliqué, faciliterait plus tard les recherches, presque impossibles en l'état, et présenterait l'avantage de suppléer entièrement aux registres qui tombent de vétusté et dont la perte complète est imminente pour beaucoup de localités. Il va de soi que ce travail de transcription devrait être dirigé par d'habiles paléographes dont le savoir serait une garantie pour l'authenticité indispensable à des tables, destinées à remplacer les actes eux-mêmes.

Quant aux modèles de feuilles à adopter pour ce genre de relevés, nous proposons les divisions contenues dens le tableau des pages 302 et 3o3 ci-dessus qui nous paraissent remplir toutes les

exigences.

IX

BÉCEPTION SOLENNELLE D'UN ROI DE PORTUGAL À ORLEANS, EN l476, D'APRES LES COMPTES INÉDITS DE L'ANCIENNE MUNICIPALITE ORLEANAISE.

Communication de M. le comte Couret.;

Par son importance et sa proximité de Paris, la bonne ville d'Orléans a eu de tout temps le privilège d'être visitée par les étrangers et voyageurs de distinction durant leur passage en France.

C'est ainsi qu'Orléans reçoit tour à tour, du xve au XVIIIe siècle, la visite d'un prince de la maison de Savoie M, qui décède dans ses

(l) Charles, prince de Piémont, l'un des fils d'Amédée IX le Bienheureux et de Yolande de France, fille de Chartes VII et de Marie d'Anjou, né à Gaunat (Allier), le 15 septembre 1456, mort à Orléans le 36 juin 14171.


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murs; des filles du roi d'Ecosse, Jacques II; d'un parent du roi d'Angleterre Edouard IV, allant en pèlerinage à Saint-Antoine de Viennois; de capitaines byzantins échappés à la prise de Constantinople par Mahomet II; d'un patriarche d'Antioche; des ambassadeurs de Ladislas VI, roi de Hongrie, de la Sublime Porte, des rois d'Espagne et d'Angleterre, des nonces pontificaux, et surtout d'Eléonore d'Autriche, soeur aînée de Charles-Quint, veuve du roi Emmanuel le Fortuné de Portugal, et épouse, par procuration, du roi de France François Ier. Plus tard, Orléans salua le passage du roi d'Angleterre Jacques II, allant en poste à Brest pour faire voile vers l'Irlande et tenter de reconquérir son trône.

Mais, de toutes ces visites, la plus considérable (avec celle d'Eléonore d'Autriche), fut certainement celle du Boi de Portugal, en 1476.

Ce Boi de Portugal, étrange et fantasque souverain, était Alphonse V, dit l'Africain (1438-1481), roi de Portugal et des Algarves, fils du roi Edouard de Portugal et de Léonore d'Aragon. Son existence fut difficile et sa destinée orageuse.

Tout enfant, il voit sa mère et son tuteur, le duc Pierre de Coïmbre (1), se disputer la régence les armes à la main. Devenu homme, il marche contre son ancien tuteur, le duc de Coïmbre, dont il avait épousé la fille, le bat et le tue au combat de l'Alfarobeîra; passe trois fois en Afrique, enlève aux Maures les villes d'Alcacer, Azila, Tanger (probablement Kasr es-Serir); épouse en secondes noces, mais sans dispenses du Saint-Siège, sa nièce, Jeanne de Castille, dite la Beltraneja(2), et livre au célèbre Ferdinand V le Catholique, roi d'Aragon, le mari d'Isabelle de Castille, la bataille indécise de Toro (2 mars 1476), transformée ensuite en défaite par l'inexplicable immobilité de l'armée portugaise. Il passe

(1) Pierre de Portugal, duc de Coimbre, fils puîné de Jean Ier d'Avis, roi de Portugal (fils illégitime du roi Pierre Ier) et de Philippa de Lancastre, soeur du roi Henri IV d'Angleterre. Pierre de Portugal, duc de Coïmbre, était frère du roi de Portugal Edouard, père de Alphonse V l'Africain.

( 2) Fille du roi de Castille Henri IV, l'Impuissant, et de Jeanne de Portugal (fille du roi Edouard de Portugal et de Léonor d'Aragon, et soeur d'Alphonse V (dit l'Africain), mais ses ennemis la prétendaient fille de Bertrand de la Cueva, favori du roi, et lui opposaient sa tante Isabelle de Castille, soeur du roi Henri IV. A la suite de la bataille de Toro, Jeanne ou Juana de Castille (dont le mariage fut annulé) prit le voile dans l'ordre des Clarisses à Santarem, passa ensuite dans le monastère de Coïmbre, et mourut en odeur de sainteté, à Alcaçova, en 1530.

HlST. ET PHILOL. Nos 1-2 20


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en France comme affolé, va demander du secours à Louis XI et à Charles le Téméraire, n'obtient que des promesses; s'imagine tout à coup que Louis XI médite de le livrer à son rival Ferdinand d'Aragon, s'enfuit et se cache dans un village de Normandie. Op le cherche, on le retrouve; une escadre française le ramène solennellement en Portugal. Déçu par les intrigues de Ferdinand le Catholique, il signe avec lui le traité désastreux de Aloacevas (4 septembre 1479); s'en repent; perd à demi la tête de regret et de chagrin; songe à abdiquer en faveur de son fils Jean II le Sévère, et meurt subitement à Cintra, le 28 avril 1481.

Le document que nous publions à la suite de cetta brève notice, est le compte des dépenses faites par la ville d'Orléans peur la réception du Boi de Portugal, lequel, venant de Tours, où l'avait somptueusement accueilli Louis XI, se rendait, en passant par Orléans, à Paris où il fit également une entrée solennelle, le 28 novembre 1476.

Notre texte est un fragment des anciens comptes municipaux de la ville d'Orléam, lesquels, comme on sait, se divisaient en deux séries distinctes (1) :

1° Les Comptes de Commune, consacrés surtout à l'administration intérieure de la cité, aux dépenses pour fêtes, solennités, démêlés des divers pouvoirs, etc.;

2° Les Comptes de Forteresse relatifs à la garde et à la défense militaire de la ville, défense qui, par un privilège fort envié, était directement confiée à la collectivité des bourgeois d'Orléans.

Notre texte, on ne sait trop pourquoi, figure dans la série, des Comptes de Forteresse, Begistre CC. 56a, folio 63 et suivants. Il est entièrement inédit, mais a été signalé et très brièvement analysé par M. Jules Doinel, archiviste du Loiret, dans son Inventaire sommaire des archives communales antérieures à 1790. Série CC, pages 109 in fine et 110.

(1) Les Comptes de la ville d'Orléans des XIVe et. xv' siècles, etc., par Bouchgv de Molandon, correspondant du Ministère de l'Instruction publique, pages 6, 12, 13 et suiv. (Orléans, H. Herluison, 1880, broch. in-8° de 25 pages).


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Comptes de forteresse.

(Folio 63) : A Estienne Chartier

A luy la somme de XXVII s. p. (sous parisis) quil a

despensee en ung voiage par lui fait a Tours par lordonnance de messeigueurs de l'Eglise et procureurs de ladicte ville. Savoir cornant ceulx de Tours sesloient gouvernez a l'entrée du roy de Portugal. Affin de soy y gouverner pardeca en maniere que ce fust au plaisir du Roy et à lonneur de ladicte ville et a vacqué oudit voiage quatre jours et despensé ladicte somme en ce compris le louage dun cheval quil lui a convenu prandre a Blois pource que le sien estoit morfondu et aussi la despense que a faicte sondit cheval pendant quil a esté et venu. Pour tout XXVII s p.

A lui pour le sallaire de lui et de son cheval davoir vacqué lesdits quatre journées partant de ceste ville le XIIIIe jour de novembre lan IXXVI. A V s. p. jour, pour lui et son cheval XX s. p.

A Pierre Levassor, lun desdits procureurs pour sept aulnes de taphetas de florance blanc et vermeil de lui achatees pour faire ung ciel pour porter sur le Roy de Portugal a son entrée quil feist en ceste ville le xixe jour de novembre, lan IXXVJe pour ce que le Roy nostre sire avoit escript aux habitans de ceste ville que on lui feist aussi grant honneur comme a sa personne a XLIIIJ s. p. pour aulne vallant XVl. VIII s. p.

A Martin Gaucher, paintre, la somme de x 1. XII d. p. qui deue lui estoit tant pour la facon comme pour les estoffes à paindre ledict ciel, compris le fust et bastons pour porter ledict ciel. Avoir fourni de toille tant blanche que rouge a doubler par dessus ledit ciel. Pour tout x l. XII d. p.

A Estienne Ghartier quil a paie a quatre hommes qui ont porté ledit ciel de l'oslel dudit peintre jusques aux thorelles pour illec actendre ledict Roy de Portugal n sous, IIIJ d. p.

Lesquelles parties ensemble font et vallent la somme de six vingts treize livres dix sols six deniers parisis qui paiee et baillee a esté aux dessusdicts par ledict Receveur Par vertu du mandement desditz commis de leglise et clergie et procureurs de ladicte ville Dorleans. Donné ledict venredi XVIIme jour de janvier audict an mil cccc soixante seize, Et par quictances cy rendues

Pour cecy vi** 1. x s. XI d. p.

(Fol. 64) : A Estienne Ghartier pour XVIIJ I. de cire neufve a IIJ s. VIIJ d. p. la livre pour faire XXIIJ torches qui données ont este' par ladicte ville au Roy de portugal a son entree en ladicte ville. Pour ce LXVK s. p.

A lui pour la facon desd. XXIIIJ torches xvj s. p.

20.


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A Pierre Bazin poulailler la somme de Ixxv s. p qui deuz lui estaient pour deux douzenes et demie de perdriz de lui achatees, et qui données ont esté aud. Roy de Portugal, et a aucuns des gens du Roy qui le conduisoient. A n sous, vi deniers parizis. la pièce Ixxv s p.

A Pierre le Vassor lun desdiz procureurs, pour XII livres de dragees qui données ont esté de par ladicte ville audit Roy de Portugal. A XIIJ s. p. la livre. Pour ce IIIJ I.XVJ s. p.

A Marion la courtete. La somme de XX. 1. XVI s. p. qui deue lui estoit pour quatre poinsons de vin cleret delle achatez (cuidans les présentes de par ladicte ville audit Roy de portugal avecques deux autres poinsons achatés de Jehan huré ix 1. xn s. p. Mais depuis fut advisé que on ne les lui présenterait point). Mais lui en fut porté a pots et en envoierent depuis querir et en beurent jusques a deux poinsons, et les autre quatre poinsons furent amenez en la voulte de lostel de ladicte ville. Desquieulx quatre poinsons a esté envoie deux poinsons a Monseigneur le chancelier à Paris, pour ce que liberablement il a octroié mandement que jusques a neuf ans on paisse leuer pour les chaussées aux portes Renard Parisie et Bourgoigne pareil barrage que a la porte Banier, et les autres deux poinsons sont en lostel de ladicte ville. Pour ce XXX l. VIII s. p.

A Jacquet Vinot la somme de IVI s. p. Pour avoir mené a son charroy de ceste ville a Paris lesd. deux poinsons de vin donnés de par lad. ville à mondit Seigneur le chancelier le XVIJme jour de Decembre lan IXXVJ pour ce IVI s. p.

A Estienne Ghartier quil a paié pour faire relier sommaier et barrer lesd. deux poinsons de vin et pour deux pintes de vin pour emplir. Pour tout . m s. vm d. p.

A lui quil a paie pour la perte faicte sur douze muys davoine qui avoient este achatees cuidans les donner aud. Roy de Portugal avecques lesd. vins, mais fut advisé que on ne les lui donnerait point

Pour ce XII s. p.

A lui quil a payé pour une collacion fete en lostel de ladicte ville ou estoient messeigneurs de la Justice et plusieurs des bourgeois et procureurs de ladicte ville a leur retour de la venue dudict Roy de Portugal pour lui aller faire la reverance en son logeis apres ce quil fut arrivé. En pain et vin VI s. VI d. ob. p.

A lui la somme de xlv s. III d. p. qui despensee a esté en ung disner fait en lostel de lad. ville, le mercredi xxe jour de novembre lan lxxvr, ou estoient led. messire Sanxon Cormereau et les procureurs de ladicte ville, lesquieulx avoient vacqué plusieurs jours pour aduiser de ce quil estoit afaire pour la venue dud. Roy de portugal et autres affaires de ladicte ville. En pain vin char et poisson

Pour tout x 1. v s. III d. p.


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A Estienne chartier varlet de ladicte ville, pour avoir amener lesd. quatre poinsons dudit vin. Restans de six poinsons qui avoient este achatez cuidans les donner audit Roy de Portugal, estans en lostel de la courtete, et dud. Jehan huré en lostel de lad. ville II s. IIIJ d. p.

A Perrot Bernard sergent de chastellet dorleans, la somme de huit solz parisis qui deuz lui estoient pour ses peines sallaires et despense davoir conduit et guidé ledict Roy de Portugal de ceste ville dOrleans jusques hors de la forest dorleans. Pour ce VIII s. p.

A Estienne Chartier qui a paie le loage dun cheval qui fut baillé a Pierre Francois guete pour aller avec Monseigneur le gouverneur, Messeigneurs

de la justice et procureurs de ladicte ville audevant dudict seigneur

XVIII d. p. (deniers parisis).

A lui quil a paié le derrenier jour de Novembre lan lxxxvi, pour le louage de cinq journées dun cheval qui fut baillé a ung chevaucheur de lescuerie du Roy nostre sire, lequel alloit hastivement devers ledict seigneur luy porter lettres que Monseigneur de Gaucourt et Monseigneur de Jaulz (?) lui escripvaient x s. p. et xvi d. p. pour deux fers qui furent mis audict cheval quant ledict chevaulcheur le rendit defferré. Pour ce XI s. IIIJ d. p.

X

LE DRAP DU SCEAU DE LA FABRIQUE DE BOUEN. Communication de M. A. Héron.

On sait que, pendant de longs siècles, le principal facteur de la prospérité industrielle et commerciale de Rouen fut la fabrication du drap. Le tissu connu sous le nom de drap du sceau était particulièrement estimé; il s'en faisait un trafic considérable.

La différence des formes orthographiques données au nom de ce tissu par divers écrivains n'a pas été sans embarrasser les érudits ; de là de singulières méprises sur son lieu d'origine.

Dans son excellente Histoire du règne de Henri IV, M. Poirson a inséré, sous la rubrique Documents historiques, une Note relative à l'industrie du drap et à ce qui est appelé drap du sceau dans les auteurs du XVIe siècle(1). Il cite à cet égard Clément Marot et Régnier et reproduit ce passage du Bèglement général pour dresser les manufac(1)

manufac(1) Histoire du règne de Henri IV, t. II, p. 960-962.


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tures du royaume, présenté par Barthélémy Laffemas aux Notables assemblés à Rouen et imprimé au commencement de 1597 : «Ordinairement on fait vente de la plus grande partie des laines qui se lèvent en Languedoc, Provence et Dauphiné, qui se transportent en Italie, là où ils emploient lesdites laines, et les font travailler en sarge de Florence, estamets, raz de Milan et autres, qui après estant mises en manufactures, on les rapporte vendre et débiter en France; qui est donné à connaître l'ignorance des François. Car si la reigle et police de la manufacture estoit bien establie en France, on en feroit travailler des doubles sarges de Florence, témoins les draps du sceau de Bouen, sarges de Limestre, et autres draperies qui se font en France(1). »

Et M. Poirson conclut ainsi : Il Il résulte de ces diverses passages que les draps du sceau, au moins ceux fabriqués à Rouen, étaient des tissus fins et de luxe. »

Si Littré avait connu cette note de M. Poirson, il eût hésité à donner dans son dictionnaire au mot Usseau, cette explication absolument inexacte : " Drap d'Usseau, drap fabriqué à Usseau, village situé près de Carcassonne. FURBTIÈRE. On a écrit aussi drap du sceau, à tort. »

Littré doit, en effet, cette méprise à Furetière, qui a écrit ce qui suit dans son Dictionnaire universel, édition de 1727, verbo Drap : " C'est un drap manufacturé dans un village de Languedoc, près de Carcassonne, d'où le nom est venu. Le premier fabricateur s'appelait de Varennes. Ménage ( 2) croit que c'est à raison du sceau du roi qu'on y attachait autrefois; mais on l'écrit ainsi abusivement.n

11 n'y a qu'un malheur à tout cela,c'est qu'on n'a jamais connu auprès de Carcasonne, ni dans la région, de village portant le nom d'Usseau; et l'on ne saurait trop admirer l'assurance avec laquelle Furetière donne le nom de celui qui, le premier, aurait fabriqué ce drap dans une localité qui n'a jamais existé.

On ne doit pas s'arrêter davantage au dire de Brossette' 3' qui,

( 1) Barthélémy Laffemas, Règlement général, p. 11,

(2) Ménage : " Drap-Dussaau, sorte de drap. J'ai oui dire à quelques marchands que ce drap avoit esté ainsi appelle à cause qu'on y avoit mis originairement le sceau du Roi : ce que je ne crois pas. Ce mot est au reste assez ancien dans notre langue.» Dict. étymologique, édit. de 1750, t. I, p. 487.

(3) Les Satyres et autres oeuvres de Regnier avec des remarques, Amsterdam, Pierre Humbert, 1780, satire x, p. 155.


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dans son commentaire sur Régnier, prétend que le tissu dont il est question tire son nom d'une ville du Berry, appelée le Seau. M. Poirson l'a cherchée vainement dans Expilly « le plus ample et le plus ancien des géographes pour la France».

M. Alfred Franklin a de nouveau étudié cette question(1). Pas plus que M. Poirson, il n'a trouvé Usseau (2), ni le Seau, aussi déclare-t-il pencher pour cette orthographe, drap du sceau, et il termine ainsi : Savary( 3) nous apprend que l'on donnait le nom de sceau au poinçon de quelques manufactures... On peut, je crois, conclure de tout ceci que les fabriques les plus estimées marquaient leurs produits d'un poinçon ou sceau spécial et que, dès lors, les mots draps du sceau désignaient un tissu de belle qualité, quelle que fût sa provenance, »

La conclusion de M. A. Franklin est trop générale. M. Quicherat est mieux entré dans la réalité des faits en n'hésitant pas à dire : « Drap du sceau, c'est-à-dire à la marque de Rouen(4)».

Queles draps aient été, non seulement à Rouen, mais aussi dans les autres lieux de fabrication, marqués d'un sceau spécial, et peut-on dire officiel, par les gardes du métier, c'est là un fait incontestable. Cette formalité, d'ailleurs, n'était pas seulement appliquée aux tissus de laine, mais encore à beaucoup d'autres produits manufacturés.

Rouen n'est même pas la première ville où cet usage ait été établi; l'application aux draps d'un plomb poinçonné n'y fut ordonnée qu'au mois d'avril 1361. La fabrication rouennaise était déjà en haute estime, il importait de l'y maintenir, et, pour cela, il fallait qu'on eût un moyen de contrôle pour s'assurer que les draps étaient fabriqués loyalement; l'intérêt des drapiers-drapans,comme on appelait ceux qui les fabriquaient, exigeait qu'on donnât aux consommateurs la facilité de les distinguer des draps ayant une autre origine. Après une enquête faite auprès des gardes du métier, le dauphin Charles, notre futur Charles V, alors duc de Normandie, donna des lettres portant que, dans la ville de Rouen, les draps

(1) A. Franklin, La Vie privée d'autrefois.— Les Magasins de nouveautés, t. XX, p. 280-283.

( 2) M. l'Archiviste du département de l'Aude a bien voulu m'écrire tique le nom d'Usseau n'est pas connu dans le pays».

( 3) Savary, Dictionnaire du Commerce, etc., t. H, col. 1490.

(4) Quicherat, Histoire du costume, p. 410.


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pleins (on appelait ainsi les draps unis par opposition aux draps rayés) seraient marqués et scellés. Il considérait «qu'il seroit très proufitable et honnourable chose pour le bien publique et communauté du Mestier de la Drapperie de plaine de ladicte ville, et aussi seroit plaisante chose et seure pour tous marchans tant du royaume comme dehors que tous les draps pleins de la grande oeuvre, faiz bien et loyaument qui seront aus gens dudit Mestier et veues par les Jurés de la Drapperie, fussent scellées et merchiez, affin qu'il apparut clerement a tous marchans tant du royaume comme dehors que lesdiz draps eussent esté faiz en ladicte Ville, et estre bons et loyaulx, et avoir esté veuz et visitez par les Boujonneurs et Jurez dudit Mestier en la fourme et manière que sont scellés lesdiz draps en toutes les villes notables du royaume de France. » En conséquence, il donnait et accordait " congié et licence aus gens dudit mestier que dores-en-avant tous les plains draps qui seront faiz aus gens dudit mestier es mettes dudit Boujon( 1) soient scellez et merchiez de par Nous et les Maires qui pour le temps seront en ladicte ville, et es draps dessusdiz scellés et merchiés avons commis et par ces présentes Lettres commettons les Boujonneurs de ladite Drapperie qui pour le temps seront. . (2)»

Cette prescription est maintenue dans les " Articles, constitutions et ordonnances parlées et accordées (142 4) par entre les drappiers de la grant drapperie de Rouen, d'une part, et les drappiers de la grant drapperie foraine, d'autre. .. Article vu : Seront les drapiers et autres, tenus de apporter leurs draps tout escrus au seel, ainsi comme anciennement il a esté accoustumé, pour estre veuz et visitez par les maistres dudit mestier, afin qu'ils soient bons et de bonne façon(3)».

Ce texte nous apprend qu'il existait au dehors de Rouen, dans un rayon plus ou moins étendu, des fabriques dont les produits rivalisaient avec ceux de la ville; c'est ce qu'on appelait cria grant drapperie foraine»; par l'accord de 1424, ces produits furent soumis au même contrôle, et les draps des deux draperies furent les draps du sceau de Rouen.

(1) Le boujon était une règle de fer de la longueur d'une aune, servant à mesurer les draps; de là le nom de boujonneurs donné aux gardes du métier. (2) Ordonnances des rois de France, t. III, p. 494 et suiv. (3) Ibid., t. XIII, p. 69 et suiv.


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Bien que les draps fabriqués dans d'autres régions fussent poinçonnés, nous ne les trouvons nulle autre part qu'à Rouen appelés draps du sceau; il y a dans cette expression une désignation d'un caractère tout spécial, comme les faits suivants vont l'établir.

Ce qu'on avait appelé d'abord tout simplement " la grant drapperie de Rouen» devient " la grande drapperie du sceau et boujon de Rouen ». Nous lisons dans l'inventaire-sommaire des archives communales de la ville de Bouen : « 2 octobre 1626, avis des maîtres du métier de la grande draperie du sceau et boujon de cette ville; 13 mars 1628, avis donné par la Ville touchant l'établissement requis par quelques maîtres particuliers de la grande draperie du sceau et boujon serge et marchandise croisée; 6 mars 1637, pour délibérer, suivant les arrêts de la Cour des 19 et 2 2 du mois de février dernier sur les requestes respectivement présentées par les maistres et gardes de la grande drapperie du sceau et boujon . . .( 1) »

C'est de ces termes officiels que se sert également le Parlement (22 février 1642) dans un procès " entre les maistres et gardes année présente du mestier de la grande draperie du sceau et boujon de Rouen et les autres maistres particuliers tenans boutique dudit mestier...(2)» Nous les retrouvons encore, à la date du 23 mai 1724, dans 1' "Arrest du Conseil et Lettres patentes qui accordent la faculté aux Maîtres Drapiers de Rouen de faire travailler tels ouvriers que bon leur semblera, et en conséquence casse et annulle les Statuts et Règlemens de la Draperie du Sceau et du Roujon de ladite Ville, etc. ( 3) » et dans les " Lettres Patentes du 8 juillet 1725, portant nouveau Règlement pour la fabrique des Draps et autres Etofes, en la ville de Rouen, et pour la police de cette manufacture tant par rapport aux Maîtres qu'aux Ouvriers(4)».

Il ne faudrait pas croire que cette expression, drap du sceau,

(1) Inventaire-sommaire, etc., rédigé par M. Ch. de Beaurepaire, t. I, Délibérations, p. 302, 305, 314.

( 2) Bibl. municipale, ms. Y, 214 , Recueil des arrêts du Parlement,t. XVII,p. 235.

P> Recueil des Edits, Déclarations, Lettres-Patentes, Arrêts et Règlements du Roi, registres en la Cour du Parlement de Normandie, depuis l'année 1718 jusqu'en 1726, Bouen, Richard Lallement, 1774, p. 595 et suiv.

( 4) Loc. cit., p. 819 et suiv.


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s'appliquât à tous les draps fabriqués à Rouen, elle désignait un tissu de nature toute particulière ainsi que l'atteste la distinction bien marquée dans l'arrêt du Parlement déjà cité : " A esté conclud ordonné par forme de Règlement que lesdits Maistres et Gardes et Maistres particuliers de la grande drapperie du seau et boujon seront tenus de six pièces de drapperie, qu'ils feront en faire (sic) une de drap de seau laquelle sera foulée au pied conformément aux ordonnances de leur dit mestier.. . »

Deux citations feront connaître à quel point le drap du sceau était estimé et répandu. Gomboust dit, à propos des halles de Rouen : " . . . entre lesquelles sont renommées,la Halle aux Draps, tant estrangers que de ceux qui se font dans cette ville, spécialement pour le Drap du Sceau, si celèbre par tout, qu'il s'en porte grande quantité en Turquie, et par tout le Levant(1).»

Dans un arrêt du Parlement de Rouen, en date du 5 mars 1661, il est dit que l'introduction des draps étrangers que l'on importe de toutes parts en France menace de causer «la ruine entière desdits ouvrages et manufactures, si considérables autrefois par la réputation des drapperies du sceau, escarlatte et ratines, dont le débit s'en faisoit en grand nombre tous les ans jusques à Constantinople et en tout le Levant, et fournissoit d'occupation et d'employ en cette ville plus de vingt mille ouvriers...» Le même arrêt constate qu'il n'y avait plus, en cette année 1661, que quinze mille personnes employées à la fabrication du drap, et pour remédier à la crise qui pesait sur cette industrie, le Parlement ordonnait aux habitants de Rouen de ne se vêtir pendant un an que des étoffes provenant de la fabrication de cette ville, mais cette mesure ne pouvait produire que des effets momentanés et d'une efficacité douteuse. Rappelons à ce sujet que l'importation des draps d'Angleterre avait causé à Rouen, en 1630, un soulèvement populaire (2).

Rouen ne souffrait pas seulement de l'importation des tissus étrangers, il avait encore à lutter contre les produits des autres fabriques du royaume, et particulièrement de celles qui étaient établies dans sa région. Dans la première moitié du xvn 6 siècle,

( 1) Description des antiquitez et singularitez de la Ville de Rouen, i655, p. 37 de la réimpression faite par la Société rouennaise des Bibliophiles.

( 2) V. Floquet, Histoire du Parlement de Normandie, t. IV, p. 540-553.


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les manufactures de Darnétal( 1) et de Dieppe étaient florissantes et leurs tissus réputés.

On lit, en 1627, dans la Muse normande :

Enfin j'endeve et vais crevant de rage,

Vayant ichy, à Dieppe et Dernestal

Gagne 0 drappiers, 0 chavetiers déminage(2).

Plus tard, ce sont les excellents tissus d'Elbeuf, de Louviers et de Sedan qui mettent en discrédit ceux de Rouen, dont les fabricants, confiants en leur renom, ne songeaient pas à marcher avec le temps, en appliquant les perfectionnements nouveaux. Il est, en effet, constaté dans l'Arrêt du Conseil et les Lettres patentes du 23 mai 1724, dont nous avons parlé plus haut, «que la manufacture de draps établie en la ville de Rouen, quoique la plus ancienne de celles qui subsistent actuellement dans la province de Normandie, est tombée dons un grand relâchement, pendant que celles d'Elbeuf, Louviers, Orival( 3) et Darnétal se sont au contraire perfectionnées». On en attribuait la cause à ce que les maîtres drapiers ne pouvaient employer que les ouvriers faisant partie de la communauté et jurande anciennement établie dans la ville, et composée de tisserands, laneurs, tondeurs et épincheurs, ce qui les mettait à la merci de leurs exigences. On crut y remédier en annulant les anciens statuts et règlements de la draperie du sceau et boujon, mais la décadence n'en continua pas moins.

Les vicissitudes de la mode furent également funestes à la draperie rouennaise. Dès 1494, les draps fins et de luxe étaient délaissés pour les tissus de soie. On lit dans le Begistre des délibérations du Conseil de ville, à la date du 17 juin de cette année «que ceulx de la drapperie se plaignent que les bons draps qui soulloient partir à Paris, n'y sont plus receuiliiz, ni venduz, pour ce que les marchans qui les achetaient leur ont dit qui n'y en portent plus, car les seigneurs se vestent de soye, et est la drapperie abusée '4'».

W Petite ville, limitrophe de Rouen.

(2) La Muse normande de David Ferrand, publiée. . . avec introduction, notes et glossaire, par A. Héron, t. I, p. 56. Publication de la Société rouennaise des Bibliophiles. — Cf. Règlement général d'août 1669: «Les draps Dusseau (sic) de Rouen, Darnétal, Dieppe, etc.» Cité par Savary, .Dict. du Commerce, t. II, col. 1745.

M Commune voisine d'Elbeuf.

W Inventaire-sommaire, etc., t. I, Délibérations, p. 75.


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Mêmes doléances sous Henri III, à l'occasion de l'impôt de douze deniers pour livre mis sur les draps. Dans une requête présentée le 3 mai 1583 par la ville de Rouen au conseil d'État fies Conseillers, eschevins et habitans remonslrent que, à cause de l'usage commun des draps de soie et serge d'Italie et de Flandre, le trafiq des draps du sceau est grandement diminué, à raison de quoy ils supplient très humblement le Roy les descharger de l'impost de 12 d. pour livre qu'il entend lever sur lesdits draps et manufactures de layne(1)».

Puis vient au XVIIe siècle l'engouement pour l'indienne, cette teille peinturaye, comme l'appelle la Muse normande, engouement qui porte les « Dames, Demoiselles, Demoisillons, Servantes, Méquines et Chambrières» à se parer d'étoffes railées et piolées " comme la candelle des Rais». C'est en vain que l'auteur d'un chant royal de l'année 1677 cherche à rassurer les purins( 2) en leur disant:

0 cha, mes bons, yeusperais, no vo prie ; Vo z'allais vair les laines rétablies; Ghecun le prosne en des mots assais hauts. Vo gagnerais comme il fot votre vie Quand vo ferais oncor des draps du siaux(3).

Vain espoir; la draperie rouennaise tombe de plus en plus pendant le cours du XVIIIe siècle; elle disparaît entièrement dans la première partie du nôtre. Darnétal avait encore des fabriques de drap que Rouen n'en possédait plus. Et maintenant le drap du sceau est tellement oublié que les érudits ont ignoré en quel lieu on le fabriquait.

W Cahiers des États de Normandie sous le règne de Henri III.. . recueillis et annotés par M. Charles de Beaurepaire, t. II, p. 270.

( 2) C'est ainsi qu'on nommait à Rouen les ouvriers drapiers.

( 3) La Muse normande,etc., t. IV, p. 192-193. Voirencore même tome, p. 172175.


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XI

L'IMPÔT SUR LA RENTE EN 1764. Communication de M. Marion.

L'impôt sur la rente peut se défendre par de solides considérations d'équité : il a contre lui de puissantes raisons de fait et d'intérêt. Il serait légitime de demander aux créanciers de l'Etat, dans la même proportion qu'aux possesseurs de tous autres revenus, leur quote-part des frais de la protection nationale, dont ils jouissent autant que les autres citoyens; mais à une double condition toutefois : la première, c'est que l'État fût assez sage et assez maître de l'avenir pour être assuré de n'être plus obligé jamais de recourir à l'emprunt; la seconde, c'est que son crédit ne fût pas assez solide et que l'abondance de l'argent ne fût pas assez grande pour que la perspective des conversions pût être envisagée comme probable, ou même simplement comme possible. Faute de quoi, un État qui imposerait sa propre rente ferait un marché de dupe et payerait cher la ressource momentanée qu'il y trouverait : et comme ni l'une ni l'autre de ces deux conditions ne se réalise en général, malheureusement pour la première et fort heureusement pour la seconde, les conversions paraissent devoir être et rester la seule forme de contribution qu'il convienne d'imposer aux créanciers de l'État.

On n'avait pas encore, au XVIIIe siècle, une idée bien nette de ces vérités élémentaires, en France tout au moins (car la pratique des conversions était déjà usuelle en Angleterre), et, si la nécessité dans laquelle se trouvait le Trésor épuisé de faire sans cesse de nouveaux appels à l'emprunt sous toutes ses formes avait assez rapidement amené les contrôleurs généraux à exempter les rentes qu'ils émettaient du prélèvement des dixièmes, cinquantièmes, vingtièmes, qui grevaient tous les autres revenus (1), il ne manquait pas de gens que cette exemption irritait comme une injustice. On remarquait surtout cette manière de voir parmi les parlementaires

(1) La déclaration de 1710, qui établit le dixième pour la première fois, n'exempte pas les rentes sur l'Hôtel de Ville: mais dès 1725 avec le cinquantième, puis en 1733, 1741, 1749, etc., à chaque établissement ou rétablissement du dixième et du vingtième, les rentes sur l'État sont déclarées indemnes.


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et spécialement parmi les officiers des Parlements de province, corps recrutés uniquement parmi la noblesse locale la plus riche, et dont la fortune consistait principalement en propriétés territoriales considérables, et généralement les plus productives de toutes, étant les plus respectées, et les plus ménagées par l'impôt Si modiques que fussent leurs vingtièmes, il leur semblait intolérable d'être astreints à ce prélèvement, alors que les capitalistes ayant prêté à l'Etat non seulement y échappaient, mais même en bénéficiaient, puisque tous les édits de prorogalion des vingtièmes après la fin des guerres étaient uniformément motivés sur la nécessité d'acquitter les dettes de l'État. La fortune mobilière était alors peu répandue, et concentrée surtout dans Paris; les créanciers de l'Etat, notamment, n'étaient pas comme aujourd'hui une foule immense, de tous états et de toutes conditions, répandue jusque dans les plus humbles bourgades du pays; c'était un groupe relativement peu nombreux de bourgeois et de financiers, les premiers objet du mépris, les seconds objet de la haine de la robe; l'opinion distinguait assez mal entre rentiers et agioteurs, entre traitants plus ou moins véreux et créanciers légitimes de l'État, et parfois la provocation à la violation de ses engagements se rencontre là où on devrait le moins s'attendre à la trouver. Le verlueux Malesherbes, par exemple, n'était pas éloigné de conseiller la banqueroute quand il exhortait Louis XVI, dans les fameuses remontrances de la Cour des aides du 6 mai 1775, à faire cesser la rigueur des lois hursales établies dans son royaume " sans se laisser arrêter par cette nécessité de payer les dettes de l'État, qui fait sans cesse obstacle à la réfonnation des abus les plus odieux(1)".

(1) L'école physiocratique professait parfois sur ce point les mêmes idées que les parlementaires. Dans son grand traité sur la réforme de l'impôt, Letrosne, cherchant les moyens d'abolir tous les impôts indirects, met au nombre des taxes de remplacement une réduction d'au moins un huitième, et au besoin d'un cinquième, sur les arrérages, gages et pensions. Les créanciers de l'État ne pourraient se plaindre puisque d'autre part leurs dépenses, par suite de la disparition des taxes indirectes, seraient réduites dans une proportion plus forte encore, " Les rentiers de l'État qui, attirés par le malheureux appât d'un gros intérêt exempt de toute déduction, ont tant et tant contribué à multiplier les emprunts par une faussa eonfiance que la cupidité seule pouvait leur inspirer, à ruiner l'État, et à prolonger les guerres par la ressource funeste du crédit, doivent sans doute se rendre justice à eux-mêmes et ne pas réclamer une immunité qu'on n'attaque réellement pas, lorsqu'on leur en fait trouver l'indemnité dans la diminution des dépensas, 1 D'ailleurs, si leur cause était portée devant le tribunal suprême de ta nation assemblée,


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L'idée d'étendre l'impôt aux rentes sur l'État devait naturellement se présenter à ces hommes fort ignorants des véritables principes en madère de crédit et préoccupés par-dessus tout d'éviter toute nouvelle entreprise de la fiscalité royale sur leurs revenus territoriaux. Aussi, lorsqu'avec l'avènement de M. de Laverdy au contrôle général des finances la robe s'empara d'une influence pré^ pondérante dans le gouvernement, et que les cours souveraines furent officiellement invitées à faire parvenir au ministre leurs vues sur les moyens propres à améliorer l'état des finances, la répartie tion et le recouvrement des impositions, pouvait-on s'attendre à ce que la question de l'impôt sur la rente fût nettement posée.

C'est ce qui, en effet, ne tarda pas à se produire. Parmi les mémoires qui furent alors envoyés, il en est un, du Parlement de Cordeaux, qui présente, pour la taxation des rentes sur l'État, des arguments assez intéressants, Partant de ce principe que la constitution d'un fonds d'amortissement est indispensable et que toute augmentation des impôts existants est impossible, ce Parlement remarque que les renies sont un revenu plus assuré, plus facile à percevoir, moins exposé aux pertes et aux procès que tous les autres ; il ajoute qu'elles entretiennent la paresse, découragent l'industrie, avilissent les fonds de terre, engloutissent tout le numéraire dans la capitale, ruinent et dépeuplent les provinces; il conclut qu'il convient de les frapper d'uq prélèvement d'un tiers - proportion dans laquelle, selon lui, les autres biens sont atteints par l'impôt — du moins celles qui n'ont pas subi de réduction ou qui, en ayant subi, ont changé de mains depuis le temps de la réduction. On aurait ainsi un revenu libre de 36 millions qui, s'ajoutant aux ao millions du second vingtième, constituerait un fonds d'amortissement considérable qui, en peu de temps, aurait libéré l'État de ses engagements, Qu'on n'objecte pas la nécessité de respecter une immunité que l'État a promise : par ses promesses sont sans cesse violées :

" croit-on qu'elle y fût jugée bien favorablement, lorsqu'on voudrait discuter à fond si les rois, usufruitiers de la souveraineté et grevés d'une substitution perpétuelle par la nature même des choses... ont pu... hypothéquer Je territoire,,, et grever les races futures, pour subvenir à des dépenses très étrangères à la fortune publique, ou à des entreprises militaires non seulement inutiles, mais funestes à la nation?» L'Assemblée constituante, dix ans plus tard, devait répudier avec éclat cette triste doctrine.


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les privilèges les plus authentiques cèdent devant l'empire de la nécessité : on proroge à chaque instant des impositions parvenues à leur terme; ni la crainte de nuire au crédit de l'État: loin d'être atteint par là, il sera plutôt consolidé, car ses créanciers auront ainsi un gage certain, solide: leur remboursement en sera plus assuré. La prolongation du désordre actuel ne peut au contraire, en épuisant la nation, qu'anéantir leur gage et acheminer l'État vers la banqueroute; d'ailleurs tout nouvel appel au crédit cesserait d'être nécessaire, puisqu'en cas de guerre les peuples soulagés seraient en état de supporter de nouveaux impôts, et qu'on trouverait dans le fonds d'amortissement des ressources toujours prêtes.

Telle était également la manière de voir du Parlement de Rennes, qui, dans un mémoire de la même époque, s'indigne aussi de ce que les rentiers jouissent de leurs biens sans impôts, sans frais, sans procès, alors que les autres revenus supportent à ces différents titres des prélèvements considérables : revendique pour le roi le droit et le devoir de revenir sur les engagements injustes et imprudents qu'on a pu lui faire prendre, et constate d'ailleurs que tant d'autres engagements sont restés lettre morte, qu'à plus forte raison le roi peut-il faire subir aux créanciers de l'État l'inexorable loi de la nécessité.

Obligé de ménager à la fois les financiers, dont il avait besoin, et les parlementaires, dont il avait peur, mais obligé surtout d'avoir recours à tous les moyens pour subvenir à la pénurie du Trésor, extrême à cette date de 1764, M. de Laverdy écarta des conseils qui lui étaient ainsi adressés tout ce qui était système, pour en retenir seulement ce qui n'était qu'expédient. Il avait d'ailleurs aussi à compter avec le Parlement de Paris, dont la composition sociale était quelque peu différente de celle des parlements de province, et où bon nombre de magistrats, détenteurs de rentes sur l'Hôtel de ville ou autres effets publics, auraient été beaucoup moins ardents à crier sus aux créanciers de l'État. Il ne se hasarda donc point à tenter la banqueroute du tiers que réclamaient les magistral s bordelais, mais il jugea l'occasion excellente pour se procurer un léger supplément de ressources, extrêmement précieux dans la situation presque désespérée où l'on se débattait, non seulement sans méconlenler les cours souveraines, mais même en donnant une certaine satisfaction à leurs desiderata. De là ce curieux édit de


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décembre 1764 où, sous le couvert des promesses les plus séduisantes, sous prétexte de la constitution d'un fonds d'amortissement destiné à assurer le soulagement des peuples et la libération des revenus du roi, à procurer en particulier aux créanciers de l'État un surcroît de sécurité, sont introduites, comme à la dérobée, deux nouvelles impositions assez lourdes; réalités tangibles et immédiates, celles-là, et partant beaucoup plus propres à faire impression que les perspectives douteuses et éloignées d'un remboursement des dettes de l'État et d'une régénération des finances, si souvent et si vainement annoncés dans un grand nombre d'édits précédents. L'une de ces deux impositions était un droit de mutation, égal à une année de revenu, sur tous changements de propriétés , autres que par transmission en ligne directe, des contrats de rentes établies jusqu'au 31 décembre 1767, droit remplacé, pour les gens de mainmorte, par une réduction du quinzième des arrérages de leurs contrats de rente; l'autre était une retenue du dixième sur les arrérages de toutes les autres rentes perpétuelles dues par l'État, de tous les effets au porteur, de toutes les rentes viagères à accroissement dites tontines, et en général de tous gages, augmentation de gages, rentes et intérêts, sauf les gages des officiers de justice et de police, qu'une raison facile à comprendre fit exempter de la loi universelle (1). Les fonds en provenant étaient destinés, avec une somme déterminée à fournir par la caisse dite des arrérages, à alimenter une caisse d'amortissement. C'était donc une réduction des rentes, particulièrement des rentes viagères, les plus répandues et les plus appréciées, la première depuis 1726, et cette réduction devait être d'autant plus sensible que l'opinion s'était plus habituée à voir le Trésor respecter ses engagements dans l'intérêt des innombrables emprunts qu'il avait sans cesse à émettre. On entrait donc par là dans une voie pleine de dangers et c'était le cas, semble-t-il, pour les cours souveraines d'user de leur droit de remontrances et de rappeler le gouvernement aux règles de la justice et de la prudence. Mais il n'en fut rien : le terrain avait été savamment préparé au Parlement de Paris; on avait intercalé dans l'édit des dispositions de nature à lui plaire : c'était à une commis(1)

commis(1) prenait en définitive une mesure analogue à ce que serait un impôt sur les coupons de rente au porteur, comme compensation du droit de mutation auquel ces valeurs peuvent facilement échapper: en outre, et ceci était beaucoup plus grave, les rentes viagères étaient atteintes. ,

HIST. ET PHILOL. — N°s 1-2. 21


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sion formée de ses membres qu'était attribuée la connaissance, en dernier ressort, de toutes contestations relatives à l'exécution des mesures, parfois assez compliquées, qu'il prescrivait; on avait traite très favorablement certaines rentes réduites à s ou à 3 %, fort répandues parmi les gens de robe ; et si l'on doit ajouter foi à certaines insinuations, des mesures auraient été prises pour que les tirages au sort qui devaient décider de l'ordre du remboursement des effets publics fussent, dès les premières années, très favorables aux intérêts du grand banc. Aussi l'édit fut-il enregistré sans difficulté par le Parlement de Paris, le 17 décembre 1764.

Il y aurait un grand intérêt à pouvoir calculer exactement le coup porté au crédit de l'État par cette mesure qui, en dépit des phrases pompeuses du préambule de l'édit, dut paraître aux porteurs d'effets publics extrêmement peu rassurante. Malheureusement il est presque impossible, au milieu des ténèbres de la comptabilité de l'ancien régime et dans l'ignorance où nous sommes des conditions exactes d'émission de ses emprunts, de parvenir à cette détermination. Le pourrions-nous, d'ailleurs, que toute comparaison entre le taux d'émission des emprunts antérieurs à décembre 1764 et des emprunts postérieurs serait faussée par cette seule circonstance que les premiers étaient contractés pendant la guerre et les autres après la paix. En outre il est arrivé — et peut-être faut-il précisément y voir une des conséquences de l'édit de 1764 — que les appels au crédit furent relativement rares pendant les années suivantes: on n'en relève que deux, en 1766 et 1767, sous forme de rentes viagères (à 10 %en moyenne) ou de rentes perpétuelles, pendant la fin du ministère de Laverdy; un en décembre 1768 sous Maynon d'Invault; et quant à l'abbé Terray, il emprunta peu : à l'emprunt il préféra hardiment la banqueroute, et ses réductions de rente, ses suppressions de remboursement furent assez nombreuses et assez graves pour faire perdre le souvenir de l'imposition sur la rente que M. de Laverdy avait plus timidement ébauchée.

Mais, à défaut de ces éléments de comparaison qui nous manquent, il est un ordre de documents où se reflète très exactement l'impivssion produite sur quelques-uns des intéressés par l'édit de 1764, et il est fort curieux d'y constater comment, dès le premier moment, cette atteinte portée par l'État à ses engagements, si modique et si habilement motivée qu'elle fût, fut le signal d'une


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émotion générale, difficilement calmée par la suite. Ce sont les rapports très circonstanciés transmis au gouvernement français par ses agents dans les pays étrangers où les placements en rentes françaises étaient couramment pratiqués, comme l'Angleterre et la Hollande. Inutile, comme on sait, au rétablissement de l'équilibre budgétaire, impuissant à procurer la diminution de notre dette publique, même à en empêcher l'accroissement, l'édit de 1764 n'eut guère qu'un résultat bien net : affaiblir le crédit de la France et fortifier celui de ses rivaux.

De tous les pays de l'Europe, il n'en était aucun où les capitaux fussent aussi nombreux que dans les Provinces-Unies : la Hollande était créancière, pour des sommes considérables, de tous les États de l'Europe, et les fonds français, en particulier, y avaient une clientèle nombreuse que séduisait leur solidité (bien relative d'ailleurs) et leur rapport, sensiblement supérieur à celui des emprunts anglais. Aussi les clameurs y furent-elles formidables, à la nouvelle de l'édit de décembre. On se plaignait violemment de cette nécessité d'expédier en France une masse aussi énorme de papiers, du droit de mutation, mais surtout de la retenue du dixième, " Je ne puis vous exprimer, écrit notre ministre à la Haye, d'Havrincour, au duc de Praslin, le 28 décembre 1764 (l), combien on se récrie hautement contre cette imposition, principalement sur les rentes viagères ayant accroissement. On entend dire publiquement qu'après les promesses et les déclarations faites par le Roi qu'en aucun temps, ni sous aucun prétexte, lesdites rentes ne seraient jamais assujetties à aucuns droits, ça été dans la confiance à cette propromesse qu'ils ont placé leur argent sur ces fonds; qu'en dérogeant aujourd'hui à ces déclarations on donne lieu de prévoir qu'après avoir réduit, comme on le fait actuellement, les intérêts à 4,5 p. %, on pourra dans six mois les réduire à 3 et successivement à 2,5 p. 0/0, le tout par une suite de la nécessité alléguée de réparer le dérangement survenu dans les finances de la France; qu'on convient que tout bon Français doit concourir de bon coeur et de bonne grâce aux moyens qu'on prend pour les réparer, mais qu'on ne peut guère exiger les mêmes dispositions dans des étrangers qui ont fourni leur argent dans l'espérance de certitude dans l'accomplissement des engagements pris avec eux.... On ne peut

(1) Aff. étrang., Hollande, t. DXIV.


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donc se dissimuler que cet édit donnera une violente secousse au crédit de la France en ce pays-ci et dont l'effet tournera à l'avantage de celui de l'Angleterre et fera hausser ses fonds... . Il faut s'attendre que la plupart des propriétaires des effets sur les fonds de France vont s'empresser de s'en défaire pour transporter leur argent en Angleterre sur les annuités à 4 p. o/o qui sont actuellement au prix de a5 à 96 francs, ou sur l'emprunt qui va s'ouvrir pour le Danemark de 12 millions de florins à 5 p. 0/0.» L'effet moral, remarque M. d'Havrincour, aurait été très différent si le roi avait offert aux rentiers l'alternative entre la réduction de leurs intérêts à 4,5 p. 0/0 et leur remboursement; au lieu d'éloigner les Hollandais des fonds de France, une telle combinaison les y aurait au contraire attirés. Les deux banquiers de la Haye qui étaient dépositaires de la plupart des effets français possédés en Hollande, les sieurs Boas et du Sauzet, reçurent un grand nombre d'ordres de vente; sur les instances de notre ambassadeur, ils prirent sur eux d'en suspendre l'effet; en même temps ils adressaient de vives représentations à notre gouvernement pour obtenir des adoucissements aux dispositions de l'édit. Le ministre dissipa quelques erreurs, expliqua bien clairement que les titres sujets au droit de mutation ne l'étaient pas à la retenue du dixième, et réciproquement, et il accorda quelques concessions relativement à l'envoi des titres à Paris; mais il n'avait évidemment ni la volonté ni le moyen d'exempter les Hollandais de la retenue du dixième, et si ses protestations réitérées calmèrent un peu, avec le temps, la panique, il était hors de son pouvoir de rétablir la confiance et de réparer le coup porté à notre crédit. Les ventes s'arrêtèrent peu à peu et même quelques achats se produisirent; mais un courant défavorable ne s'en était pas moins établi, dont les fonds anglais profitèrent dans une large mesure. Le 18 janvier 1765, d'Havrincour noie sur ces fonds une hausse considérable et croissant tous les jours, et neuf mois après son remplaçant, Desrivaux, constate au contraire une baisse alarmante sur les fonds publics de France et la persistance des bruits les plus fâcheux sur l'état de nos finances.

L'effet produit fut encore plus fâcheux en Angleterre, car il fallait compter sur ce terrain avec les sentiments d'hostilité développés par la guerre récente et avec l'intérêt évident du gouvernement anglais à nous nuire. Dès le 20 décembre 1764, une note écrite de Londres avertit le ministère français de la gravité de la faute commise, " Les


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intéressés dans vos fonds, écrit-on(1), ne voient dans cet arrêt qu'une imposition injuste et de nouvelles entraves dans les cessions ou transports de ces contrats et effets. Ils se fondent sur l'assurance que le Roi leur donna lors de la création de ces contrats et de ces rentes, qu'il n'y serait jamais fait aucune réduction ni retenue sous quelque prétexte que ce fût, et que cependant aujourd'hui, dans un temps de paix où les dépenses de la guerre ont cessé, le Roi, sans égard à sa parole royale, impose un dixième sur des fonds qu'il avait déclaré devoir être sacrés.. .. L'étranger, qui ne fait aucune distinction des contrats de l'Hôtel de ville et qui les confond avec les autres fonds de l'État, regarde le droit de mutation imposé sur ces contrats comme une injustice et un obstacle aux cessions ou transports de ces contrats. Enfin cet arrêt semble avoir répandu une alarme générale et donné le dernier coup à notre crédit. Il n'y a pas un seul intéressé qui ne se prépare à vendre, n'importe à quel prix, bien résolu, dès qu'il sera dehors de nos fonds, de n'y rentrer jamais(2).» Une forte baisse se produisait en même temps sur les valeurs françaises, tandis qu'un mouvement parallèle de hausse portait le 4 p. o/o anglais de 94 à 99.25. Le 28 décembre, notre ambassadeur, M. de Guerchy, mande qu'il est au pair et que le cours de 110 et même de 112 est généralement prévu.

Il y eut quelque chose de plus mortifiant peut-être encore que ce

( 1) Aff. étrang., Angleterre, t. CCCCLIX.

( 2) La même lettre fait très bien ressortir une autre cause du peu de disposition des capitalistes anglais à entrer ou à rester dans nos fonds d'État : à savoir le droit de mutation, et les entraves de toute sorte mises par le Trésor français à la translation de ses titres. «Quelque avantage que la France donne, toutes choses égales d'ailleurs, pour la sûreté du payement, tant qu'on n'y rendra pas les cessions ou transports des capitaux et intérêts des fonds publics aussi faciles et aussi peu coûteux que chez les Anglais, on ne doit pas s'attendre à voir les étrangers s'intéresser dans les fonds publics de cet Etat que lorsqu'ils ne trouveront pas à placer ailleurs leur argent. En Angleterre, tout propriétaire de fonds publics les convertit, quand il lui plaît, en argent comptant. Il va trouver un courtier et lui donne ses ordres pour la quantité qu'il en veut vendre. L'acheteur trouvé, le propriétaire lui fait une cession en deux lignes sur un morceau de papier; ils vont ensemble au bureau où se tiennent les livres ou registres desdits capitaux : là, sans frais, on transporte du crédit du propriétaire à celui de l'acheteur la somme de capital et d'intérêt vendu... Tous les frais de cette transaction se réduisent à un huitième p. 100, que chaque partie donne au courtier, et une heure est tout le temps qu'on y emploie. Cette facilité de vendre et d'acheter peu dispendieuse fait qu'il se présente continuellement vendeurs et acheteurs. Rien ne serait plus aisé que d'introduire en France cette méthode de transaction.»


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service involontaire, mais considérable, rendu à nos pires ennemis: ce furent les réflexions que M. de Guerchy entendait faire et qu'il transmettait, sans soupçonner d'ailleurs tout ce qu'elles avaient de mordant et d'ironique, à notre gouvernement, qui, lui aussi, ne semble pas en avoir compris la portée, " Beaucoup de gens sensés de ce pays-ci, écrit M. de Guerchy le 4 janvier 1765, m'ont fait l'éloge de notre opération de finances et conviennent de son avantage pour l'État. M. Grenville lui-même m'en a parlé dans ces termes-là, en m'ajoutant seulement qu'elle ne serait pas praticable en Angleterre, dont le seul crédit faisait la plus grande force. Je l'ai assuré que nous ne comptions pas avoir donné atteinte au nôtre et que l'avenir prouverait même le contraire ; mais il est très vrai que la constitution de ce pays-ci met des entraves au bien que pourrait faire un ministre des finances." Et le 14 janvier : "On m'a dit que rien ne prouvait plus l'intention de la France de continuer la paix qu'une opération de cette espèce qui lui ôtait tout moyen de tirer de l'argent de l'étranger pour faire la guerre». Et cette impuissance, conséquence de nos fautes, était regardée comme un avantage. M. de Praslin s'en réjouissait (lettre du 4 janvier) par la raison naïve' que ce serait autant de numéraire conservé dans le royaume. Nos hommes d'Etat étaient par malheur singulièrement en arrière de ceux de l'Angleterre pour tout ce qui était relatif à la science du crédit, et c'était de l'étranger que leur venait — bien inutilement d'ailleurs — la véritable doctrine, celle que d'Havrincour exposait en faisant entendre qu'autant une taxation de la rente était néfaste, autant une conversion, quoique aboutissant dans la pratique au même résultat, aurait été salutaire.

La faute commise en décembre 1764 fut donc immédiatement expiée, mais la leçon resta inutile. L'abbé Terray n'allait pas tarder à prendre, avec les engagements de l'État, de bien autres libertés ; et pendant toute la durée de l'ancien régime, nombreux furent les écrits où la réduction des rentes, et parfois même la banqueroute, furent ouvertement conseillées.


— 327 — BAPPORT DE M. GASTON PARIS

SUR LA COMMUNICATION DE M. VACHER DE LAPOUGE.

M. Vacher de Lapouge, bibliothécaire de l'université de Rennes demande à faire au Congrès une communication sur La langue de la Gaule avant les Gaulois. Le titre de cette communication éveille quelque inquiétude, mais en la lisant on s'aperçoit qu'elle est très sérieuse et que, si les conclusions de l'auteur peuvent sembler contestables, elles s'appuient sur des faits précis, étudiés avec soin et méthode et avec la connaissance de l'état actuel de la linguisique en ce qui concerne la branche celto-latine des langues indo-européennes. Il s'agit d'un petit groupe d'inscriptions, toutes trouvées entre Nîmes et Cavaillon, et dont plusieurs savants se sont récemment occupés. Elles présentent, à côté de noms propres évidemment gaulois, d'autres noms qui ont une physionomie différente, et des formes flexionnelles qui, se rapprochant du gaulois, de l'ombrien et de l'ancien latin, ne se rattachent nettement à aucune de ces langues. M. de Lapouge y voit les vestiges de l'idiome d'une population qui, dans cette région, aurait préexisté aux Gaulois et aurait été subjuguée par eux, tout en gardant pendant longtemps sa langue propre. Cet idiome ressemblerait plus au latin qu'au gaulois, et le fait expliquerait comment les Romains purent, dans certaines parties au moins de la Gaule, être accueillis comme des libérateurs et comment le latin fut si facilement accepté; le roman même de ces régions reposerait sur la langue originaire au moins autant que sur le latin. Ces conclusions, surtout les deux dernières, sont fort aventurées et dépassent singulièrement les faits, lesquels se bornent en somme à deux ou trois particularités d'inscriptions très courtes; il est probable qu'elles nous indiquent simplement une variation locale du gaulois. Mais ces particularités sont, dans le mémoire de M. de Lapouge, rassemblées pour la première fois et rapprochées de celles qui leur correspondent dans les langues apparentées. Le mémoire appelle l'attention sur une question intéressante; il atteste chez l'auteur une instruction réelle, et il me paraît pouvoir intéresser le Congrès. Je propose d'accepter la communication de M. Vacher de Lapouge.

G. PARIS, Membre du Comité.


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XII

LA LANGUE DE LA GAULE AVANT LES GAULOIS. Communication de M. Vacher de Lapouge.

Plusieurs notes de MM. Michel Bréal et d'Arbois de Jubainville viennent d'attirer l'attention sur une catégorie d'inscriptions de la Gaule méridionale, regardées jusqu'ici comme gauloises, mais que ces deux, philologues considèrent comme des monuments d'une langue particulière appartenant au rameau italique.

La question soulevée par ces inscriptions n'est rien moins que celle de la langue des indigènes de la Gaule avant la conquête gauloise. Si ces inscriptions ne sont pas gauloises, elles sont nécessairement rédigées dans la langue des anciens habitants du pays et si la langue usuelle, dans tout ou partie de la Gaule, était aussi voisine du latin que l'osque ou l'ombrien, ce qui paraît être le cas, bien des faits embarrassants pour les historiens se trouvent expliqués. Loin d'avoir été des conquérants aux yeux des anciens habitants, les Romains auraient été plutôt des libérateurs, venus pour délivrer le pays d'une conquête récente. De là une prompte soumission, une fois la résistance de l'aristocratie guerrière des conquérants brisée par les armées romaines, de là aussi la rapide latinisation du pays.

Ces inscriptions sont au nombre d'une dizaine, la plupart mutilées et d'une lecture incertaine dans quelques-unes de leurs parties, toutes fort courtes et n'offrant guère que la même formule de consécration, à peu près conçue dans les mêmes termes. Toutes présentent ces caractères communs :

1° Elles ne renferment, à part des noms propres, aucun mot appartenant au fonds gaulois;

2° Tous les mots, sauf les noms propres, et toutes les formes, ont des homologues dans les langues du rameau italique;

3° Elles sont toutes d'une même région, d'ailleurs très restreinte jusqu'ici, comprenant le Gard et les parties voisines du Vaucluse et des Bouches-du-Rhône;

4° Elles sont toutes gravées en caractères grecs.


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Je vais prendre ces diverses inscriptions tour à tour et essayer de les expliquer. Je réunirai ensuite les diverses indications qu'elles auront fournies.

1. — NÎMES.

Inscription gravée sur un chapiteau de marbre trouvé à la Fontaine (C. I. L., XII, p. 383, cf. p. 833) :

IAPTA BIAILLANOYIAKOC AEAE MATPEBO NAMAYCIKABO BPATOYAE

IARTA. — Sujet de la phrase, par suite au nominatif, et au singulier, comme il résulte de la terminaison de son adjectif. Ce mot est donc nécessairement un nom d'homme et celui du dédicant. Il est superflu de démontrer qu'il n'a rien de gaulois.

BIDILLANOVIACOS. — Adjectif déterminant larta, au nominatif singulier masculin. 11 est dérivé d'un nom de lieu Bidillanom, soit par la transformation de ce nom à l'aide du suffixe gaulois —novi et l'addition du suffixe — aco, et dans ce cas signifie : de Bidillanoviom, soit directement par la superposition des suffixes -ovi et -aco et signifie simplement de Bidillanom. De toutes façons il paraît y avoir là une construction gauloise, adoptée par le namausique, sur une forme italique préexistante, qui nous montre un nom en —anom antérieur peut-être à la conquête romaine et construit comme les noms de lieu gallo-romains en -anom^\ Bidillanom est évidemment formé

( 1) Je pense depuis longtemps qu'il existe dans la région de laquelle proviennent les inscriptions des noms de lieu italiques antérieurs à l'arrivée des Romains. Les circonstances actuelles confirment, avec beaucoup plus d'ampleur qu'on ne pouvait l'attendre, les hypothèses de mon mémoire sur le Berceau des Ombro-latins ( Félibrigelalin, t. VI, 1895, p. 85-in), dont voici la conclusion : "Nous arrivons ainsi à reconstituer, pièces osseuses en mains, l'évolution d'un peuple qui présente les plus grandes chances d'avoir été l'ancêtre des Latins classiques. La philologie pourrait utilement intervenir pour vérifier jusqu'à quel point sont valables les hypothèses déduites à la fois des textes anciens et des données anthropologiques. Les noms de lieu, sous la forme la plus ancienne que donnent les chartes, les inscriptions ou les classiques, peuvent fournir un argument décisif en faveur de l'ancienne latinité de la France méridionale. Il faudrait écarter avec soin les noms d'origine gauloise, ceux qui s'expliquent par le latin sous sa forme classique, et soumettre le résidu à l'analyse philologique la plus rigoureuse. Eu s'aidant de la grammaire de Planta, du recueil et des glossaires de Zvetaicff, des plus récents travaux sur la phonétique et la morphologie du latin, on arriverait probablement à re-


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d'un nom d'homme Bidill -os à l'aide du suffixe -an. Bidillanom a été identifié avec le lieu dit Bédilhan, commune de Calvisson, canton de Sommières (Gard)(1).

DEDE. — Verbe à la troisième personne du parfait de l'indicatif. Cette forme est purement italique : latin ancien dede, dedet, ombrien dede, osque deded, falisque dedet, latin classique dédit. Il n'y a rien d'équivalent dans les langues du groupe celtique. Dede doit se traduire para consacré. Ce sens est fréquent dans les inscriptions italiques malgré l'existence des termes dicavit en latin, dedicalteden osque. L'inscription ne nous dit pas ce que Iarta de Bédilhan consacrait, la phrase manque de régime direct. Le chapiteau faisait nécessairement partie du monument, mais nous ignorons l'importance de celui-ci. Cette observation n'est pas oiseuse : l'absence du mot cantena dans l'inscription est à retenir. Nous ne le trouvons pas ici, où il a pu s'agir d'un monument assez important, et nous le retrouvons au contraire chaque fois qu'il s'agit d'une simple pierre. Je dois remarquer toutefois que sur un autre chapiteau de colonne, de même provenance, on lit avec les restes d'une inscription latine

des caractères grecs où l'on peut voir le mot cantena : . . . E

ANTEN (C.I.L., XII, 3044, p. 390).

La forme dede prouve que l'inscription n'est pas conçue dans un latin corrompu, comme on l'a cru à l'origine. Elle représente, au contraire, un état très antérieur au dédit du latin classique'2'. L'ancienne forme latine était dedet, on trouve même dede dans des

trouver dans quelques noms de hauteurs, de cours d'eau ou de lieux habités des traces certaines d'ombrien ou de latin sous leurs formes primitives, ou plus exactement de vieil italique. L'entreprise est délicate, elle ne peut être tentée par un amateur ou par un latiniste ordinaire, mais le philologue italisant qui consacrerait une étude sérieuse au vocabulaire topographique du Midi serait probablement récompensé par la découverte d'une Ausonia tellus, antérieure à celle de Virgile».

M Les chartres donnent les formes suivantes, rangées par ordre chronologique: Villa Bitiliano, in valle Anagia (921); in terminios de villa Bidiliane (1011); il. de Bedillano (1168). Ces deux dernières formes sont plus voisines de Bidillanom. La première évoque des souvenirs directement italiques. Dans de très anciennes inscriptions de Rome on trouve les formes Betilienus (C. I. L., 1, n° 1166); Betiliena (t. Ier, n° 1205) qui présupposent la forme Belilius.

( 2) Le t de la troisième personne n'est pas indo-européen, il n'existait même pas en italique primitif. Son apparition en latin et dans quelques autres dialectes italiques est un phénomène récent. Pour le latin, la succession des formes dans notre cas particulier a été : dede, dedet, dédit. Le namausique correspond donc au latin le plus ancien.


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inscriptions latines archaïques. L'inscription suivante (C. 1. L., I, n° 62), provient de Tibur; elle est au Louvre :

C. PLACENTIVS. HER. F MARTE. DONV. DEDE.

De même les nos 169, 180, trouvés en territoire picentin.

MATREBO. — Régime indirect, par suite au datif. La forme indique un pluriel et nous savons que l'inscription provient du Nymphée de Nîmes. Le datif pluriel en -ebo est très voisin du dalif pluriel latin —ibus des thèmes en -i. La langue latine et celle de nos inscriptions sont sur ce point plus près des formes primitives que les autres dialectes italiques : terminaison indo-germanique en -bh, iranien -i-bhyas, italique primitif -i-bhos, osque -is ou iss, ombrien -is, puis -eis. La terminaison —ebos n'était pas inconnue du latin; la colonne rostrale à Rome fournit la forme navebos pour navibus qui correspond exactement à matrebos pour matribus. Le datif pluriel des thèmes en -i en gaulois est incertain.

M. d'Arbois de Jubainville explique la perte de l's final par la présence d'une consonne au commencement du mot suivant (Sur quelques inscriptions de la Gaule narbonnaise; Révue celtique, 1897, p. 3 a 1). La chute de l'-s final dans cette position était de règle dans le latin vulgaire. Cicéron (Orator, XLVIII, 161) en donne des exemples. M. d'Arbois de Jubainville (l. c.) en a publié une série, empruntée à Lucrèce et à Ennius.

NAMAIUSICABO. — Adjectif qualifiant matrebo, donc au datif pluriel féminin. Nominatif probable namausic-os,—a,-om, formé de Namaus —os à l'aide du suffixe de lieu —iko. Namausicos est spécial à la langue de nos inscriptions. Le gaulois formait autrement l'adjectif. L'inscription de Vaison nous donne la formule masculine namausatis : CErOMAPOC OYILLONEOS TOYTIOYC NAMAYCATIC EICOPOY BEAHCAMI COCIN NEMETON, Segomaros de Ovilh ou Villo, magistrat de Nîmes, a consacré ce temple à Belisama (C. 1. L., XII, p. 62). Indigènes et Gaulois s'accordaient donc à donner à la ville le nom de Namausos. Les monnaies gauloises portent cependant par abréviation NAMACAT. La forme latine nemausensis est très distincte de namausicos et de namausatis.

1

La forme Néfiotva-os, qui paraît de fabrication grecque, lui a donné


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naissance par l'intermédiaire de Nemausus. La forme namausicabo est remarquable. La terminaison en -a du nominatif singulier des thèmes en -a est presque propre au latin parmi les langues italiques : osque -u et -o; ombrien -a, -o, -u; pélignien -a. Il n'ya guère non plus que le latin et la langue de nos inscriptions à conserver un datif pluriel en -abus conforme à l'indo-germanique —bhyas. Les autres langues italiques usent d'un datif en —aie de formation récente, imité du datif en -ois des thèmes en -o. Le latin lui-même n'a gardé qu'à titre d'exception le datif en -abus : deabus, filiabus, gnatabus, dextrabus, duabus, nymphabus. Le datif namausicabo nous reporte à l'italique primitif par sa forme en —abo.

BRATOVDE. — Ce mot ou complexe de mots a été longtemps une énigme. Il est de la même famille qu'une série de formes osques dont le nominatif est bratom avec la signification du latin meritum, proemium.

Inscription votive de Navelli, dialecte vestin (Zvetaieff, Inscriptiones Italiae mediae, Vest., n° 9) :

T. VETI[OS] DVNO DIDET HERCLO IOVIO BRAT[VD] DATA. T. Vetius dono dédit Herculi Jovis filio. Metito data.

Inscription votive mutilée de Sulmone, dialecte pélignien (Zvetaieff, 1. 1. M., Pél., n° 33), dont le sens général peut seul être saisi :

.... CIA. PACIA. MINER VA

.... BRA[T]IS. DATAS. P1D. SEI. DD. I.

BRATOM. PAM. PPERCI

.... SEFFI. I. NOM. SVOIS GNATOIS

Inscription votive d'Anxia en vers saturniens (Zvetaieff, SyUoge inscr. ose, n° 143 et p. 154) :

tsair FoAXohojfi cropoF&Jfx eu>Ka7rf§iT&jfi «ahacr "kstxen xaa^epni A/oxaxsir cFa saot jSpar&jfx fieiai ai>a[i].

Loi de Bantia (Zvetaieff, S. L X., n° 142) :

brateis auti cadeis amnud. . . meriti aut damni causa. . .

Von Planta (Grammatik der Oskisch-Umbrischen Diahkte, I, 303


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et suiv.) a proposé de considérer l'osque bratom comme une forme dialectale équivalente à meritum, par transformation du thème mrâto— en brâto-. M. Michel Bréal a confirmé celte interprétation en ces termes : "Mereri signifie en latin gagner : mereri stipendia c'est gagner sa solde; meretrix, c'est la femme qui gagne sa vie corpore suo. Le participe est méritas. Mais à côté de cette forme, la seule qui soit restée en latin, on est autorisé à en supposer une autre produite par métathèse : mràtus. C'est ainsi qu'à côté de genitus on a gnâtus. C'est ainsi que sternere fait stratus. Mais le latin, ni aucun des dialectes congénères, ne souffre au commencement des mots le groupe MR. Par un très léger changement, sur lequel les phonéticiens vous donneront tous les renseignements désirables, mr devient br. En grec nous avons fipor6s pour npàros, mortel, de la racine qui veut dire mourir, n (Sur le mot gaulois bratoude, Bev. Archéol., 1897, XXXI, p. 105). Cette opinion est partagée par M. d'Arbois de Jublainville dans son mémoire précité, p. 322. Ce point peut donc être désormais considéré comme établi. Le phénomène n'est d'ailleurs pas unique et se produit aussi parfois en sens inverse dans d'autres groupes linguistiques. La permutation en sens inverse, zend mrauati, mruite, loquitur, v. pers. braviti, est à relever (Holder, Altceltischer Sprachschatz, v° bratoude).

La syllabe -de peut être considérée soit comme faisant partie de la désinence de l'ablatif, soit comme une préposition demeurée postposition.

Les thèmes en -0 de l'osque faisaient leur ablatif en —ud : amnud, palanud, etc. L'osque bratom faisait certainement à l'ablatif bratud, et il est très rationnel que l'—M avec la prononciation du français ou se trouve transcrit en caractères grecs par OY. La latin faisait aussi à l'origine son ablatif en -ôd, conformément à l'ablatif indo-germanique. L'ombrien, le pélignien, le volsque formaienl au contraire leur ablatif en -u.L'-e final, que nulle raison philologique ne vient expliquer, est une objection sérieuse à cette hypothèse, et il est. préférable de considérer bratoude comme un équivalent de de bratu, avec un ablatif en -u semblable à celui de l'ombrien.

La postposition est fréquente en osque et en ombrien. Planta (Grammatik, II, 441) en cite une vingtaine d'exemples de suite: ombrien angiome somo, asame deveia, verufe Treplanu, etc; osque exaiscen ligis, eizucen ziculud, etc. De même en latin on dit : quibus


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de scriplum est (Cicéron, Invent., 2, 48, 141), tempore de mortis (Lucrèce, 3, 1086), etc.

Merito fait partie d'une des formules les plus habituelles de consécration. Les inscriptions de la Fontaine nous en donnent, sans chercher plus loin, divers exemples :

NYMPHIS T. CLAVDIVS RVFVS VOTVM SOLVIT LIBENS MERITO

(C. I. L., XII, »°3106).

NIMPIS LVCANVS ET PROTIS VOTVM SOLVIT LIBENS MERITO

(C. /. L., XII, n° 3107).

On trouve dans une inscription d'Apt (C. 1. L., XII, p. 140, n° 1078) une variante qui marque d'une manière plus brutale l'intention des dédicants :

MATIVS KARVS MATRIB. PRO PRA. Matins V.arus Malribus pro proemio.

Ces inscriptions, de nature tout à fait semblable à la nôtre par l'époque, la provenance, et s'adressant aux mêmes divinités ou à des divinités de même ordre, ne laissent aucun doute sur le sens de celle de Nîmes : Iarta Bitilianus dédit Matribus nemausensibus merito.

2. — ORGON.

Inscription gravée sur un petit cippe de o m. 34 de hauteur sur 0 m. 17 de largeur, trouvée à Orgon, près d'Arles et transportée au musée d'Avignon (C. I. L., XII, p. 820).

OYHBPOYMAPOC AEAE TAPANOOY BPATOYAE KANTENA

OVEBROVMAROS. — Nom du dédicant et sujet de la phrase. La désinence-maros permet de penser que le personnage est gaulois, mais l'ensemble du nom s'accorde moins avec cette hypothèse. Ce mot nous fournit la terminaison du nominatif singulier des thèmes en-o. Cette forme nous est d'ailleurs déjà connue par l'adjectif bidillanoviac-os.

DEDE.

TARANOOV. — Régime indirecl qui nous donne la forme du


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datif singulier des thèmes en -o. Le datif indo-germanique -oi devient-ui en osque,— e, — ei,— i en ombrien, —o en vestin et en latin, reste — oi en latin ancien. Le datif en-u de l'inscription ne répond à aucune de ces formes mais se rapproche davantage de celles du groupe osque et latin. Il est identique à la forme gauloise : Alisanu, avallonacu.

Taranoos, à qui est dédié le cippe, est évidemment le dieu gaulois Taranus.

BBATOVDE.

KANTKNA. — Ce mot n'est guère moins énigmatique que bratoude. Bratoude répondant à merito, on a voulu voir dans kantena l'équivalent de libens. Rien dans la forme ni dans la racine du mot ne permet d'admettre cette hypothèse.

Avant de procéder à l'étude grammaticale du mot, je pense qu'il est indispensable d'essayer d'en trouver la signification. Je crois qu'il signifie une pierre taillée, stèle, cippe.

Le thème — canto- a une série de valeurs différentes qui vont de pierre à cercle de roue. Dans cette dernière acception nous trouvons le grec xotvôbs, le latin canthus, le cymrique cant (dérivé de canthus). Je ne m'occuperai que de la première.

Le point de départ parait être l'idée de coin, d?angle, de ce qui est à l'extrémité, gr. xatvObs, coin de l'oeil, de l'oreille, roman canto, v. fr. cant, nordique kantr, allem, kante.

De là la signification de ce qui est au coin : canton d'armoiries; canton, partie de territoire reculée ou limitée par un bornage, par exemple dans une forêt, une plaine; cantonnements où sont établis des soldats à demeure. Dans une série de sens de plus en plus spécialisés, nous trouvons les significations de pierre équarrie, faisant l'angle d'une maison, ou remplissant le rôle de borne, et celle de pierre de taille en général.

De cette dernière série de sens on ne trouve point, que je sache, d'exemple en latin littéraire, mais ils sont nombreux dans la basse latinité, et l'ancienneté du sens se trouve établie par ce fait qu'il existe à la fois en italien, en provençal, en espagnol, en portugais.

Cantonus. — Chron. parmense, 1297 : "Facti sunt ibi archi peyti de lapidibus et quatuor canloni et super quolibet unum capitellum, cum pomis deauratisn. Du Cange, v° Canto.


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Canto, cantonis. —Vita B. Francisci de Paula, in Actis SS., aprilis, t. I, p. 187 :crVidit eumdem B. Franciscum portare super collum quemdam magnum cantonem, longitudinis palmorum quatuor et latitudinis palmi unius". Du Cange, v° Canto.

Canton. —Litt. remiss., anno 1379 : «L'exposant bouta celui Regnart contre le cornet ou canton de la porte dudit fort, auquel cornet ou canton pour cas de meschief ledit Regnart hurta sa teste ". Du Cange, v° Canto. Arch. nat. JJ. n5, pièce 179. "Aux quatre cantons du colombier". A. Pierre, Const., Ces., XIII, 8.

Canto, italien. — Se dit proprement de la grande pierre équarrie qui forme l'angle d'une muraille. On dit aussi cantone et cantonata dans ce sens.

Canto, espagnol. — Signifie pierre,sans distinction de catégorie. Cantillo, petite pierre; cantorral, endroit pierreux; canlizal, même signification; contera, carrière; canteria, art du tailleur de pierre; canto, tailleur de pierres.

Canto, portugais. — Pierre, surtout bloc de pierre. Canteira, carrière; canleiro, carrier, tailleur de pierres, marbrier; cantaria, art de tailler la pierre, ouvrage en pierre de taille; piedra de cantaria, pierre de taille.

De ces mots on peut rapprocher l'ancien français cantier, le français chantier : chantier de construction d'une maison, puis de construction en général, dépôt de pierres, puis de matériaux en général, pierres qui supportent les tonneaux dans les caves, etc.

Soit de l'idée de carrière, soit de celle d'ouvrage en pierre taillée sont dérivés d'autres mots qui signifient caverne, crypte, sépulcre. Chanteloup, Chantepie, Chantecoq, noms fréquemment donnés à des grottes, viennent d'une ancienne forme canta-, caverne, cave. L'étymologie proposée parGodefroy(Dict. del'Acad.fr., v. Chantecoq) me paraît fausse.

L'italien canlina signifie lieu souterrain, grotte, crypte, par extension cave. C'est de cantina que sont venus le français cantine, l'anglais canteen, l'allemand cantine, l'espagnol cantina. L'évolution des sens s'est continuée. On est passé de cave à débit, de cantine à malle d'officier, en partant probablement de caveau funéraire.


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Je n'insiste pas sur ce dernier sens. De toutes les pierres qui portent le mot cantena, il n'y en a pas jusqu'ici une seule de caractère tumulaire, elles paraissent toutes consacrées à des divinités.

Je crois donc qu'il faut traduire cantena par stèle, cippe. Il est à remarquer que dans l'inscription des Mères nous ne trouvons pas ce mot, et justement il ne s'agit point dans ce cas d'une pierre, mais d'un monument plus important, dont nous ignorons d'ailleurs l'exacte nature.

Parallèlement à notre forme cantena, nous trouvons le gaulois kantalon. Il est probable que ce mot signifie aussi stèle, cippe. L'inscription suivante de Volnay est à comparer à la nôtre (Dict. arch., inscr. gaul., n° 4 ) :

ICCAVOS.OP PIANICNOS.IEV RV.BRIGINDONI CANTALON

Au groupe kantalon se rattachent les mots français chantel, chanteau, cantel, et peut-être le nom du Cantal.

Dans notre inscription, cantena fait fonction de régime indirect et se trouve à l'accusatif. Je crois qu'il faut y voir l'accusatif singulier des thèmes en-a. La terminaison -am de l'accusatif singulier des thèmes en -a est passée sans altération de l'indo-germanique à l'italique, et se retrouve dans tous les dérivés de celui-ci, mais parfois I'm tombe, et à côté d'accusatif en-am chaque dialecte nous en fournit en a : osque via, Juviia, kaila, Pumpaiiana, passiata, sakra; pélignien firala; ombrien arsmatia, dersua, deveia, fikla, Jiovina, sesna, mefa, mersta, muta, panta, parfa, peica, perca, petenata, luta, etc. (V. Planta, I, 85-86, 570 et suiv.). Cette chute de I'm est encore plus naturelle dans une langue où nous avons vu la crainte des consonnes finales supprimer le — t de dedet, les-s de malrebos et namausicabos et probablement un - s au nom Iarta. Si cette hypothèse est exacte, la langue des inscriptions nîmoises s'éloigne nettement du latin par la forme de l'accusatif en-a, et se rapproche surtout de l'ombrien.

HlST. ET PHILOL. N°s 1-2. 2:2


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3. — SAINT-RÉMY.

Inscription aujourd'hui perdue (CI. L., XII, p. 127). 0N90Y0II0 AIOYI BPATOY

ONTHOVOIIO. — D'après la construction habituelle de la phrase, ce mot doit être le nom du dédicant. Je le regarde comme un nom propre au nominatif singulier plutôt que comme un adjectif au datif qualifiant le mot suivant. Nous savons, en effet, que la terminaison du datif des thèmes en-o est -ou, et par suite la terminaison - 0 ne peut convenir à un datif(1). Il faut toutefois foire une réserve pour le cas d'une différence de dialecte ou d'époques. La suppression de I's final du nominatif ne doit pas étonner après les exemples d'élimination des consonnes fournies par les inscriptions précédentes. Le nom du dédicant n'offre aucune apparence gauloise ; peut-être a-t-il été mal transcrit.

Diovi. — Régime indirect, nom de la divinité à laquelle est faite l'offrande. Le datif en-i du thème -ieu est tout à fait latin, mais si la terminaison nous rapproche du latin, le thème est plus archaïque que celui de Jov-i. Nous sommes en présence de l'italique Diov -, sans altération. L'osque a conservé aussi le d de l'indogermanique dieu, dieu. Nous trouvons dans l'inscription d'Agnone: diuvei verehasiui statif, diuvei regaturei statif, Jovi virgario statio, Jovi rectori statio ; et dans celle de Monteleone, tout au sud de l'Italie : AtovFsi Fspa-opst Tavpofx, Jovi versorio taurum. L'ombrien nous donne à la fois dans la même inscription d'Ameria Duvi dun. dr, Jovi dono dedere, et Duvie dono d, Jovi dono dedere, mais la forme la plus ordinaire, probablement parce que les monuments les plus récents sont les plus abondants, est lovis, Ju-pater.

Il est probable que la divinité désignée sous le nom de Diovis est

( 1) On pourrait objecter que le thème est en-tu et non en-o. Il s'agirait d'une gentilice en i-io. On ne connaît pas le génitif et le datif singuliers du thème italique -io, mais ils étaient probablement - ii,- ioi. Beaucoup de mots osques et ombriens de ce groupe ont subi des vicissitudes de déclinaison, mais corrélatives à la perte de l'o. Dans Onthovoiio, l'o est conservé; ce mot ne peut donc être qu'on nominatif privé de l's final, ou un datif dont l'-i final est tombé, comme en latin.


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le Jupiter italique. Si Onthovoiio était un datif, il faudrait y voir soit une épithète locale de Jupiter, soit le nom propre de la divinité, et Diovi n'aurait que la signification générale de dieu.

On a trouvé près d'Apt, à Saignon, un cippe dont l'inscription a des analogies avec la nôtre, mais dans une langue différente (C. I. L., XII, p. 822) :

BO 00...

OYEIMATIKAI AIOYEI KAPNITOY

La leçon du C. I. L. est Atovet, mais je crois qu'il faut lire Atovst. Ce datif est bien près du nôtre, plus près encore que lui de la forme fondamentale du datif singulier des thèmes en-teu. Oveipjttixai est certainement le nom propre du dieu ou son épithète et la signification de Atovet, dieu ou Jupiter, la même que de Atovt. L'inscription est réputée gauloise, à cause du mot karnitu, mais il est peut-être téméraire d'attribuer à la langue des Gaulois ce mot qui jusqu'ici n'a été retrouvé, je crois, que dans les inscriptions en caractères étrusques de Briona et de Todi (cf. Pauli, Altitalische Forschungen, 1.1, p. 12). Toutes ces inscriptions me paraissent des monuments d'une langue particulière.

BRATOV. — L'éditeur du C. I. L. suppose qu'il devait y avoir bratoude. Je n'en vois pas la nécessité. Si bratou signifiait à lui seul merito, la phrase était très suffisante en style épigraphique : Onthovoeius Jovi merito.

4. — SAINT-CÔME.

Abaque trouvé en 1886 à Saint-Côme, près Nîmes. Musée de Nîmes (C. /. L., XII, 833):

AAPECCIKNOC

Yl BPATOYAE KA

ADUESSICNOS. — Le nom propre du dédicant manque; nous n'avons que celui qui exprime sa filiation. La terminaison caractéristique-icnos nous indique que nous avons affaire à un Gaulois: N., fils d'Adressos.

Le verbe a disparu, ainsi que la première partie du nom de la divinité.

22.


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.... VI. — Il est probable qu'il faut lire Diovi. L'inscription

serait ainsi lo pendant de la précédente.

BRATOVDE.

KA. — Abréviation pour kantena.

5. — NÎMES.

Stèle trouvée à Nîmes. Musée de Nîmes (C. 1. L., XII, 383, 833).

KACCITALOC OYEPCIKNOCA EAE BPATOYA E KANTENA AA MIEI AIOYI

KASSITALOS. — Nom du dédicant, bien gaulois.

OVERSIKNOS. — Fils d'Ouersos.

DEDE.

BRATOVDE.

KANTENA.

LAMIEI. — Le caractère placé entre El et OYI est mal conservé. On a cru y voir un N. Je crois devoir rejeter cette lecture Lamiei novi et lire Lamiei Diovi. Les textes précédents rendent cette leçon plus vraisemblable. Lami-ei est le datif très régulier d'un thème en -ieu, Lamieus.

DIOVI. — Vocable déjà connu. Il est possible toutefois qu'au lieu de Lamiei Diovi l'inscription ail porté Lamiei Dioviei ou Damiei Dioviei. Le bas de l'inscription est un peu fruste, et il est possible que le trait horizontal du A ait disparu à la première lettre du premier mot comme au commencement du second. D'autre part, on avait lu d'abord la finale -IOYII, ce qui supposait un caractère en plus, le premier commençant par un trait vertical. Dans ce cas, -ei serait dans l'un et l'autre mot un datif singulier du thème en -a, et le nom de la divinité serait Lamia ou Damia Jovia.


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Ce datif en -ei serait sans exemple dans le groupe italique, mais non improbable en soi. De l'indo-germanique -ai et de l'italique primitif -àai, -âei, l'osque a fait -ai, le latin -ai puis ae, le pélignien -â, le marrucin -ai, le marse -a, le volsque -e, l'ombrien -e. Le nouveau dialecte aurait conservé une forme voisine du volsque et de l'ombrien, mais plus archaïque.

La lecture Diovia répondrait à l'osque Diuvia, datif Diuviai, Jovia, Joviae. Jovia est tantôt Junon, tantôt une divinité locale analogue, tantôt l'équivalent de déesse dans le sens absolu, comme Jovios celui de Dieu. Une inscription osque de Capoue nous donne quelque chose d'analogue à notre texte (Zvetaieff,Sylloge inscr.osc.

n°36):

Face A. Face B.

Kluva. . . Kluv. . .

diuvi. . . damuse. . .

damu. . . diuvia. . . Clovaliorum Joviae Damiae.

Corssen, suivi par Planta, voyait dans Damuse(i) le nom au datif d'une déesse Damusa, identique à la divinité chthonique Damia. Planta (II, p. 635) dit : "Si les Joviae sont en rapport avec le culte des morts et des ancêtres, peut-être y aurait-il bien là aussi une Junon chthonienne, comparable à la déesse chthonique Damia. v Damia s'identifie, en effet, avec Demeter, la Junon infernale (Voir Roscher, Lexicon der Mythologie, v° Damia, Y). Damia était aussi la Bonne Déesse, et la Laverna des Péligniens (Voir Roscher, V° Damia II).

11 faut peut-être lire également le nom de Jovia, Diouiai, sur une inscription d'Apt, en langue inconnue (C.I.L., XII, 137). Cette inscription, actuellement au musée d'Avignon, porterait:

OYAAIKIO

ONEPECT

AIOYNIAI...

D'autres inscriptions de la région nous fournissent des traces du culte de la Bonne Déesse :

Bonae Deae Caiena Priscaelib. attice ministra (Arles, C. I. L., XII, p. 87, n° 654).


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Bonae Deae Cornelia L.f. Gratilla v. s. I. m. (Vaugines près d'Apt, C. I. L, XII, p. 822, n° 5830).

La lecture Lamia nous laisse aussi en présence d'une divinité funéraire. Lamia est un équivalent de Venus libitina (Voir Roscher, v° Lamia, III).

S'il faut lire Lamiei ou Damiei Diovi, au dieu Lamieus ou Damieus, à Jupiter Lamieus ou Damieus, nous sommes en présence d'une divinité masculine nouvelle, ou d'une incarnation nouvelle de Jupiter. Dans ces divers cas la correspondance avec Lamia ou Damia est probable, il s'agit sans doute d'un dieu chthonique, d'un Pluton, ou d'une divinité présidant aux funérailles.

6. — LE GROSEAU.

Cippe haut de 1 m. 03. Chapelle de Notre-Dame du Grosel, au Groseau, près Malaucène.(VaucIuse), (C. I. L., XII, p. 824).

AOYC

....IAAIAKOC ...PACEAOY . ..PATOYAE KANTENA

.... Lovs. — Nom du dédicant.

.... ILLIAKOS. —- Indication de son origine.

.... RASELOV. — Nom au datif, thème en -0, de la divinité à laquelle est faite la dédicace. Rochetin lit avec raison GRASELOV, à Graselos, dieu de la fontaine de Grosel, qui a donné son nom à la localité. Le Groseau s'appelait au moyen âge Grasello, GrauseUo.

.... RATOVDE.

KANTENA.

7. COLLIAS.

Scellée dans le mur de la chapelle de Notre-Dame de Laval, près Collias, Gard.


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Toute la partie moyenne de l'inscription est fruste ( C. I. L., XII, p. 832, n° 5887):

aKono

CPIOY MAN ...AN ...O.... NA ..OA EAE BPATO YAE KAN TEN ..

Nous avons le verbe, le régime direct et le mot bratoude. La partie supérieure ne doit donc nous offrir que le nom du dédicant et celui du personnage auquel est faite l'offrande. Cette question de noms propres ne paraît pas avoir une grande importance et la difficulté du déchiffrement est supérieure sans doute à l'intérêt qu'il pourrait offrir.

L's qui commence l'inscription n'est probablement qu'un ornement dont il existe dans la région d'autres exemples ( C. I. L., XII, p. 107, n° 802). On peut donc lire KOLIOS RIOVMAN..., Colios fils de, ou originaire de Biouman..., en considérant le reste jusqu'à dede comme le nom du dieu. On peut lire au contraire KOLIOSHIOV MAN..., à Coliosrios, Man... La première interprétation a pour elle ce fait que nos inscriptions commencent toujours par le nom du dédicant. La seconde tire vraisemblance du nom de la localité, Collias et de la fontaine de Collias. Colios-ri-os serait le dieu du ruisseau Colios.

La leçon que nous avons transcrite est celle de Rochetin. Germer avait cru lire les troisième à sixième lignes ainsi : MANEVANAO. .. 0ANA... OAE. En ce cas, si le nom du dédicant est Colios, il serait possible que son père se fut appelé Bioumanos. En effet, les lettres EY ou peut être I, car il ne paraît pas y avoir de place pour un Y, peuvent être la terminaison -ei d'un génitif de thème en —0. La forme serait plus voisine du latin —t que des autres dialectes italiques, qui font —e, -eis, mais elle serait cependant tout à fait isolée dans son groupe linguistique. En fait, le texte aurait besoin d'être étudié sur place par un italisant.


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8. — NÎMES.

Inscription trouvée à la Fontaine, à peu près aussi illisible que la précédente (C. I.L., XII, p. 383).

YVYBEOYAO

.. OYAB AEAE BP

..OYAE KANTEN

VPSVBEOVLO, YPSYBEOVLO. — Nom du dédicant. L's a été supprimé parce que le mot suivant commençait par une consonne, ou pour toute autre raison; peut-être a-t-il simplement disparu. Le nom est une adaptation locale du vocable grec Hypsiboulos. La diphtonique —eou pour transcrire — ou est à remarquer. De même dans l'inscription précédente, s'il faut y lire Bioumanei, la diphtongue — iou paraît correspondre à 1'—o de Bomanus.

.... OVAB. — Peut-être Diovabo, aux déesses. Nous aurions encore une dédicace aux nymphes de la Fontaine.

DEDE.

BRATOVDE.

KANTEN. — Pour Kantena; peut-être aussi l'a a disparu.

Ces inscriptions sont jusqu'ici les seules publiées. J'ai lieu de croire qu'il ne tardera pas à en être publié de nouvelles.

En somme, toutes nos inscriptions sont conçues dans un dialecte appartenant au rameau italique du groupe celto-italique. Ce dialecte s'éloigne davantage de l'ombrien, se rapproche davantage de l'osque et du latin, mais présente des caractères particuliers. Je ne relèverai pas quant à présent ceux de sa phonétique, malgré leur intérêt visible, parce que le nombre des exemples est encore trop faible, mais il est impossible de passer sous silence la tendance de ce nouveau dialecte vers la construction logique (1) et vers l'élimi(

l'élimi( Le namausique construit toujours la phrase dans cet ordre: sujet, verbe, régime direct. Quant au régime indirect il se place tantôt après le verbe: Iarta Bidillanoviacos dede Matrebo Namausicabo bratoude, entre le verbe et le régime direct : Ouebroumaros dede Taranoou bratoude Kantena, tantôt après ce dernier : Kassitalos Ouersiknos dede bratoudi Kantena Damiei Diovi. Cette dernière construction est absolument française. L'inscription d'Hypsibeoulos nous donne peut-être un cas de datif avant le verbe.

La langue regardée comme celle des Gaulois construit comme le namausique : le-


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nation des finales. A côté de caractères marqués d'archaïsme, il en présente donc qui le rapprochent des dialectes romans modernes, et spécialement du provençal et du français. Le tableau suivant résume tout ce que nous savons de la déclinaison du nouveau dialecte, mis en parallèle avec les principaux dialectes italiques et avec le gaulois.

TABLEAU SYNOPTIQUE DE LA DÉCLINAISON.

CAS. EXEMPLES.

Thèmes-a. .

S. Nom... ?à â a u, o a a,o,u u

? Lamiei DioDat.

DioDat. Vei ae ai ai a a e e 1

viei.

Ace... a am am am, a am, a am, a an cantena.

n . namausicabo,

pl. Dat... abo is, abus aïs aïs aïs

?diovabo.

Thèmes-o.. , bidillanovia -

S. Nom... os, ?o us os os os os j cos, Ontho(

Ontho(

Gén... ? ei i eis i

Taranoou,

Dat... u o oi m ° e,ei,i u

Graselou.

Abl.. . . u o od ud u u u u bratu.

Thèmes-i. .

S. Dat i i ei ei e Diovi.

PL Dat. . . ebo ibus ibos iss, is is, eis e malrebo.

Thèmes — ieu.

S. Dat... ? ei i ei ? Lamiei.

cavos Oppianicnos ieuru Brigindoni cantalon. Par la syntaxe elle s'écarte donc absolument des langues dites celtiques, dont la construction est : verbe, sujet, complément. Elle ne s'en écarte d'ailleurs pas moins par le vocabulaire, sauf pour les noms propres qui sont franchement celtiques. Les inscriptions dites gauloises paraissent le résultat d'un phénomène linguistique analogue à celui qui a suivi l'invasion germanique. Nous avons du haut moyen âge de nombreuses inscriptions latines avec noms germaniques plus ou moins latinisés, mais peu d'inscriptions germaniques. Il devient chaque jour plus probable que les inscriptions dites gauloises nous renseignent seulement sur les dialectes divers de la Gaule d'avant les Gaulois.


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A quel peuple faut-il attribuer nos inscriptions? Je ne crois pas qu'il soit possible de les attribuer aux Volces. On n'a trouvé jusqu'ici aucune inscription de ce genre dans le pays des Tectosages, et dans celui des Arécomiques elles ne se rencontrent pas en dehors du bassin du Rhône. On n'en a point encore publié de celui du Lez. D'autre part elles s'étendent assez loin sur la rive gauche du Rhône. Le Groseau est sur un contrefort du mont Ventoux, sur l'ancien territoire des Voconces. Orgon est sur la Durance, tout près de Cavaillon. Les localités sont toutes comprises dans un triangle équilatéral dont Nîmes, Vaison et Cavaillon occuperaient les angles, et dont chaque côté aurait environ cent kilomètres. Excepté Collias et le Groseau, elles sont toutes situées sur la voie romaine d'Espagne en Italie, par Substantion, Nîmes, Cavaillon, Briançon et Suse. Tout cela ne concorde en aucune façon avec le territoire volce, qui s'arrêtait au Rhône. Rien ne permet, d'autre part, de supposer aux Volces une langue autre qu'un dialecte gaulois, et leur territoire a fourni plusieurs inscriptions paraissant gauloises.

Je ne crois pas qu'il y ait argumenta tirer d'inscriptions trouvées dans la vallée du Rhin, près de Worms et de Cologne, pays d'où venaient peut être les Volces. Ces inscriptions assez singulières contiennent un mot très voisin de cantena, et Holder a eu raison de les rapprocher des nôtres.

VINDEX h. C. C. A. A. AD CANTVNAS NOVAS (Bonner Jahrbùcher des Vereins von Alterthumsfreunde, 79, 187). VINDEX FE A CANTVNAS NOVAS. VINDEX FE AD CANT. (eod. l., 188). LVCIVS FECIT AD CANTVNAS NOVAS (Korrespondanzblatt der WestdeutschenZeitschrift fur Geschickte, 1885, IV, C. 81). L'abréviation C. C. A. A. signifie Coloniae Claudiae Augustae Agrippinensium. C'est ce qu'il y a de plus clair comme sens dans les quatre inscriptions. Il est difficile, en effet, de deviner ce que veut dire cantuna, et le sens de cantine qui a été proposé vaut tout au plus comme un mauvais calembour. Je comprendrais plutôt, en interprétant cantuna par cantena : nouvelles limites de la colonie Claudia Augusla Aripgpinensium, bornes nouvelles du territoire de Cologne. Les autres inscriptions se rapporteraient aussi à des bornes limites.

Il y a d'autres traces dans celte région rhénane d'affinités avec. les populations bas-rhodaniennes qui ont gravé nos inscriptions : ainsi le culte des Matres paraît y avoir été fort développé, et les


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inscriptions fournissent des formes peu latines qui rappellent celles de Nîmes. On y trouve par exemple Matrabus, Nymphabus dans des inscriptions latines pour le reste. La Korrespondanzblatt de 1896 renferme cette inscription, malheureusement incomplète, qui n'est assurément ni latine, ni gauloise :

OLLOGA BIABVS ANVVA MESSO

Les Ollogabiae sont probablement encore des Maires, et Anuva n'est pas plus un gaulois que notre Iarta. L'inscription est de Mayence. Messo existe avec la même fonction en vénète.

Toutes ces traces linguistiques me paraissent se rapporter à une couche ethnographique antérieure à la conquête gauloise, et le dialecte bas-rhodanien n'est probablement pas le seul, ni le seul italique, dont on puisse espérer reconstituer, avec le temps, les données principales.

L'hypothèse volce écartée, nous devons nous demander si le dialecte bas-rhodanien était ligure. Avant l'invasion volce, vers 300 avant J.-C., tout le terrritoire délimité plus haut se trouvait au pouvoir des Ligures. Il est d'ailleurs certain que les Ligures représentaient dans la plus grande partie de la Gaule la couche ethnique antérieure à l'invasion gauloise, et le périple d'Avien nous les montre installés jusque sur la Manche. D'autre part, l'occupation d'une partie du littoral méditerranéen par les Ligures remonte au moins aussi haut que le XVe siècle, car nous les voyons vers cette époque figurer dans les inscriptions 3égyptiennes au nombre des peuples de la mer. Enfin la toponymie locale nous fournit plusieurs exemples de localités en —asco, et ce suffixe est plus particulièrement ligure. Je ne crois cependant pas qu'il faille attribuer nos inscriptions à la langue des Ligures. De celle-ci nous ne savons à peu près rien, et les indications sont contradictoires : d'une part, on nous représente les Ligures comme une fraction des Ibères, et la langue ibérique paraît assez éloignée du groupe italique, de l'autre on nous montre les Ligures conversant avec les Ambrons la veille de la bataille d'Aix, ce qui suppose de grandes affinités


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entre le ligure et l'ambron, langue probablement voisine de l'ombrien, si l'on admet la proche parenté des Ombriens, des Umbrani et des Ambrons, ou du gaulois, si l'on regarde les Ambrons comme appartenant à la famille gauloise. Il serait plus vraisemblable, je crois, de chercher des traces du ligure dans les inscriptions de la région alpine et de la Ligurie, derniers asiles de leur nation. Il est possible qu'il faille attribuer aux Ligures, ou plus exactement à la langue ligure, les inscriptions où figure le mot karnitu.

L'hypothèse la plus vraisemblable me paraît d'attribuer aux Umbrani la langue des inscriptions bas-rhodaniennes. De même que la populalion a persisté, morphologiquement identique, depuis l'époque du cuivre, 2000 environ avant J.-C. jusqu'à l'époque gallo-romaine, de même la langue aurait subsisté, suivant son évolution propre, malgré la domination politique des Ibères, des Ligures et des Volces. Après l'émigration en Italie et dans le bassin oriental de la Méditerranée de toutes les populations ombro-latines dont nous savons l'histoire, il serait ainsi resté en Gaule un certain nombre de tribus dont l'histoire nous est inconnue, mais qui auraient conservé, dans le berceau même des Ombro-Latins, la langue, les moeurs et le culte de la nation.

Pour le développement de cette idée, je n'ai qu'à renvoyer à mon mémoire sur Le Berceau des Ombro-Latins (Félibrige latin, 1895, t.VI, p. 85-111). La question est désormais nettement posée, à la fois sur le terrain anthropologique et sur celui de la philologie, et s'il n'est pas facile d'arriver à une solution certaine, l'intérêt ne le cède en rien à la difficulté. En attendant, et pour ne rien préjuger, je crois qu'il convient d'écarter le nom d'Ombranique pour désigner le dialecte nouveau, et de se tenir sur le terrain de la certitude absolue en le nommant plutôt soit némausien, soit namausique, de namausicos.

Il importe enfin de remarquer que dans la région tout au moins où se parlait le namausique les Gaulois étaient au commencement de notre ère déjà presque assimilés par les indigènes. Il est significatif de voir des Gaulois au nom bien caractéristique se servir de la langue indigène pour s'adresser aux divinités et s'associer au culte des anciens habitants du pays. Ce n'est donc pas surtout entre le gaulois et le latin vulgaire que s'est engagée la lutte pour la vie, mais entre le latin et le namausique, et si nous connaissions davantage celui-ci, nous pourrions peut-être trouver qu'il a


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eu sa part dans la formation du langage actuel. Le namausique avait montré trop de vitalité dans la concurrence avec l'ibère, le ligure et le gaulois pour avoir tout entier disparu devant le latin. Qu'en reste-t-il? Nous devons nous résigner sans doute à l'ignorer toujours, mais tenons pour certain qu'il en reste.

XIII

LE CUEVAU-FUG A MONTLUÇON (ALLIER). Communication de M. Pérot. ■

Nous n'avons pu répondre l'an dernier à la cinquième question du programme du Congrès, section d'histoire et de philologie : Faire connaître les divertissements publics ayant un caractère de périodicité se rattachant à des coutumes anciennes, religieuses ou profanes. Bechercher de préférence ceux qui sont particuliers à une région, et quelles différences ou quelles analogies ils présentent avec les jeux ayant existé, ou subsistant encore dans d'autres parties de la France.

Montluçon, aujourd'hui chef-lieu d'arrondissement de l'Allier, est une vieille ville close du moyen âge, l'une des dix-sept anciennes chàtellenies du Bourbonnais, laquelle avait succédé à une cité antique dont on a retrouvé les traces. Elle est située aux confins du Bourbonnais, sur les limites de la Creuse; le sol granitique lui sert de base; son vieux château est à peu près conservé; les ducs, les duchesses de Bourbon et leur cour y séjournèrent longtemps; ils se plurent à l'embellir et surtout à fortifier la ville qui s'étendait au pied du château.

Grâce à sa situation dans un centre montagneux et boisé, coupé par la rivière du Cher, le vieux Montluçon a conservé beaucoup de sa physionomie du moyen âge, ses rues étroites et tortueuses, sa ceinture de fossés se bifurquant sur les côtés de tours massives; des pignons aigus élèvent leur silhouette au-dessus de quelques toitures récentes; enfin le vieux château, avec son beffroi, plane audessus de la vieille cité bourgeoise.

Parmi les anciennes coutumes qui s'étaient conservées dans cette ville jusqu'en 1819, était le chevau-fug, qui consistait en une sorte de cavalcade organisée par les confrères du Saint-Esprit, qui avait


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lieu chaque année, le lundi de la Pentecôte. Les confrères, vêtus comme les soldats du temps de Louis XII, avaient adopté une marche ou plutôt une danse particulière, dans laquelle ils entrechoquaient leurs bras en cadence; les uns tombaient subitement à la renverse en criant, et simulaient des blessés mortellement, ce qui s'appelait faire le gouneau(1), d'autres simulaient une retraite, tandis que les plus hauts de taille portaient des chevaux en bois au travers desquels ils passaient leur corps, et qui étaient caparaçonnés d'étoffes très diversement colorées; parfois ces chevaux étaient doublés extérieurement de carton peint, et enfin, précédé d'une musique bruyante, le chevau-fug traversait la ville en chantant un refrain en patois du pays :

Qui la Raÿ Lanchio, Ambais sou tré tounniaux!

La première halte se faisait chez les premiers magistrats du pays, de là chez les RR. P. Cordeliers, puis on venait gambader sur l'esplanade du château, et dans le faubourg de Presle (2).

11 y a moins de deux siècles, la troupe se rendait encore à Argenty; là, le seigneur du lieu offrait plusieurs minois d'avoine, les Pères Cordeliers s'étant chargés de régaler les hommes.

Au retour d'Argenty, les gambades, les simulacres de mort, étaient renouvelés devant la demeure des personnes de qualité, et enfin l'on ne se séparait que très tardivement devant la porte du vieux château.

En 1775, les chevau-fug, avaient obtenu du chapitre de NotreDame de Montluçon la permission de pénétrer dans l'intérieur de l'église avec leurs montures de bois, et là, les confrères faisaient le simulacre de leur faire manger l'avoine sur le maître-autel luimême, puis en sortant, ils feignaient de les faire boire dans les bénitiers.

L'institution de cette fête avait tout d'abord un caractère religieux, mais qu'elle perdit bientôt. Cependant, avant la Révolution, elle avait conservé un caractère patriotique qui s'affaiblit au point d'être traduit par de mesquines parodies. Au cours des divertis(1)

divertis(1) Lutri, Craillard, comte Jaubert (Glossaire du centre), criard, tapageur, braillard. ( 2) Praelium.


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sements, les Montluçonnais, acteurs et spectateurs, y mêlaient tout à la fois le souvenir des Anglais battus sous les murs du château et chassés de la province bourbonnaise au XIVe siècle, avec celui de Napoléon menaçant ces mêmes Anglais au camp de Boulogne!

En 1171, Montluçon soutint un siège des plus terribles, que lui fit subir l'armée anglaise, et ce ne fut qu'en 1188, que Philippe Auguste reprit cette ville tombée en leur pouvoir.

A quelle cause pourraient bien se rapporter ces réjouissances bruyantes, rappelant certainement un combat, une bataille, sinon à la dispersion des Anglais? La défaite du duc de Buckingham sous les murs de Montluçon est un fait historique incontesté et qui arriva le lendemain de la fête de la Pentecôte, à moins qu'elle ne rappelle la déroute de l'armée anglaise à Belleperche, appartenant au duc de Bourbon, son retour fortuit, puis sa retraite précipitée et faite dans le plus grand désordre.

Une tradition rappelle que le chevau-fug avait été institué pour perpétuer le souvenir d'un cheval qui aurait rendu de grands services dans un combat que l'un des sires de Montluçon eut à soutenir contre le seigneur de Villebret-d'Argenty et celui deMontaigut.

Il est à remarquer que dans l'ordre de cette fête, les cavaliers figuraient les Anglais, tandis que les gens à pied étaient reconnus pour des Français.

Ce qui est certain, c'est que, dès 1400, cette fête était instituée et qu'une nouvelle réglementation fut établie en 1430.

L'on trouve dans cette institution de certains rapprochements avec la fête des Anes d'abord, et celle des Fous ensuite, laquelle fut interdite au XVe siècle par plusieurs conciles tenus à Reims et ailleurs; mais ce qui frappe le plus, c'est sa grande ressemblance avec la fête des chevaux-frux, qui se célébrait à Aix, avec la plus grande solennité(1).

Cette fête avait lieu dans cette ville le dimanche qui suivait la Trinité; son institution remonte au bon roi René comte de Provence, grand amateur de jeux, tournois et réjouissances; ce prince était tout occupé à procurer des plaisirs à son peuple et employait, nous dit son historien(2), tout son temps à la peinture, à instituer des

(1) Explication de la fête Dieu à Aix-en-Provence, 1777, p. 101-198. (2) De Quatrebarbes, Hist. du Roi René, t. Ier, p. LXXIV.


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fêtes, des jeux, ou bien à faire représenter des mystères et des allégories(1).

La fête des chevaux-frux était des plus agréables à voir, dit l'auteur de l'Explication de la fête Dieu à Aix ; elle se composait d'environ dix jeunes gens portant de hauts plumets, et chacun une cocarde à leur chapeau de feutre gris; ils sont habillés de bleu, avec rubans de couleurs variées; ils portent sur leur poitrine le scapulaire de N.-D. du Mont-Carmel; ils semblent monter un cheval de bois et de carton peint, mais seulement la tête et le poitrail, et laissant un vide sur le dos qui permet au cavalier de s'y introduire et de pouvoir marcher; ils vont courant et dansant sur un air consacré des Chevaux-frux, et attribué au roi René(2).

On rencontre encore la mention de cette fête dans l'histoire de l'ancienne chevalerie : "Plusieurs chevaliers, ayant été créés dans une même promotion, se sont réunis pour caracoller en cadence en mêlant leurs gambades à celles du peuple qui les suivoient, c'est l'origine des fêtes ou ballets à cheval qui se dansoient encore à la cour, au temps de Brantôme."

Dans le Courrier de Monaco nous retrouvons le passage suivant' 3' : ce On exécuta en présence du roy d'Espagne et autres princes un tournoi : Las Perojas, divertissement donné par douze cavaliers portant diverses couleurs, et faisoient des évolutions cadencées au son d'une musique particulière.

" On chantoit :

Les chevaliers estoient vertueux, Et pour amour pleins de chevalerie, Loyaulx, secretz, Frisques et gracieux.»

Froissart dans ses chroniques donne ainsi l'étymologie defrisques, d'où l'on a fait frux : "En celuy temps 1332, trespassa le gentil et joly duc de Winceslas, en son temps noble, frisque et saige.»

De la Combe dans son dictionnaire du vieux langage, 1766, donne Frisque pour fringant, en provençal : Leïs chiavaux-frisques appelés autrefois leïs chiavaux-frux.

(l) De Quatrebarbes, Hist., du Roi René, t. Ier, p. 76.

(2) Ibid., t. Ier.

( 3) Vol. LX.p. 242, année 1770.


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Dans un vieux Noël qui se chantait à Montluçon au XVIIIe siècle nous retrouvons le chevau-frux :

Si coué co ré y faut bé que li meune, Incare un ré qui bé tant de son jus, Coué lé brave ré qui promeune, Le camp volant do chevau-fug.

Si c'est le roi, il faut bien que je lui mène, Un autre roi qui boit tant de son jus, C'était le brave roi qui promène, Le camp volant des chevau-fug(1).

Dans le glossaire de Rabelais : Frisque pour gaillard, leste, alerte, . éveillé, mignon.

Au lendemain de la fête du chevau-fug à Montluçon, les con frères allaient festoyer dans le même appareil que la veille, à Argenty, Lavaux, Saint-Victor et Blanzat.

Nous avons établi la comparaison de cette fêle avec celle d'Aix en Provence. A Montpellier, il existait au moyen âge la fête du Chivalet; c'était un cavalier vêtu de couleurs bariolées portant sa monture comme ceux de Montluçon et d'Aix; il était précédé et suivi par deux personnages déguisés qui présentaient à tour de rôle l'avoine au cheval. La fondation du Chivalet remontait à 1297 et se rapportait à Pierre II, roi d'Aragon, seigneur de Montpellier.

Le roi Louis XV, convalescent d'une longue maladie, se fit représenter, pour s'égayer un peu, la parodie du Chivalet de Montpellier.

Suivant Edélestan du Méril (2), la tradition du Chivalet et des Chevaux-frux se retrouve encore dans plusieurs villes du Midi de la France, en Angleterre, en Allemagne, au Mexique, et même dans le Célesle-Empire.

Le musée de Béziers possède un vase piriforme gréco-romain à

(1) Ces vieux Noëls se chantaient chaque jour de porto en porte par toute la ville, depuis le 25 novembre jusqu'au 23 décembre suivant, à l'exception du vendredi. L'avant-veille de Noël, les chanteurs après avoir recueilli quelques offraudes destinées au réveillon, chantaient d'une voix plaintive le chant de la Passion en français, en faisant une halle devant chaque croix qu'ils rencontraient.

Les mêmes usages existaient à Moulins; ils ont été supprimés en 1 856, seulement. Nous avons recueilli chaque Noël avec sa singulière musique.

(2) Revue illustrée des Deux-Mondes, 1875, p. 551.

HlST. ET PHIL0L. N°s 1-2. 2-3


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panse ronde avec goulot plat rabattu; il est orné de peintures et d'un guerrier enfourchant un cheval postiche, et l'on voit au-dessous les jambes du cavalier dans l'attitude du galop.

Ce serait donc une fête, un jeu renouvelés des Grecs puis des Gallo-Romains, et dont nous retrouvons encore la tradition.

Les chevaux de bois et de carton existaient encore dans les combles de l'hôtel de ville de Montluçon en 1869, époque où ils ont été descendus pour être détruits, à la grande stupéfaction des habitants, chez lesquels le souvenir des fêtes des chevau-fug était encore vivace.

Air des chevaux-frux :

Que la ray Lauchio, Ambuis sau trois touniaux.

Que le roi Lauchio, Avec ses trois tonneaux.

XV

UNE RÉUNION ÉLECTORALE EN 1789. Communication de M. Bloch.

Les élections préparatoires de la réunion des États généraux provoquèrent, est-il besoin de le rappeler, une très grande agitalion dans tout le pays. Il y eut une véritable campagne, analogue à celle qui précède aujourd'hui toute consultation du suffrage universel. Ce que lut cette campagne, comment se fit la propagande, on le sait en gros. Mais, pour se fixer avec précision sur ce sujet, il faudrait lire ou du moins parcourir la foule de brochures, petits traités, catéchismes civiques, mémoires, etc., qui inondèrent alors


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la France. Cette histoire reconstituée nous ferait connaître l'état des esprits et de l'opinion, sous l'empire de quelles préoccupations eut lieu réellement une aussi grave consultation, origine de tant de changements sociaux et politiques. On doit donc s'intéresser aux moindres documents propres à l'éclairer. Nous rangerons parmi eux le texte que nous voulons analyser.

C'est une lettre écrite par M. de Lavau, subdélégué de Clamecy, le 13 mars 1789. Le nom du destinataire, qualifié de Monseigneur, manque. Mais on devine que c'est M. de Cypiène, baron de Chevilly, intendant de la généralité d'Orléans. Cela même explique la présence de la pièce aux archives départementales du Loiret (série C en cours de classement.)

M. de Lavau raconte les faits les plus saillants des opérations préliminaires de la convocation des États, en conformité du règlement du 24 janvier, soit dans la circonscription électorale, soit dans la ville même de Clamecy. Son rapport, demandé par l'intendant, porte sur trois sortes de faits : 1° les formes de la convocation des assemblées; 2° leur régularité et leur liberté; 3° les opérations électorales à Clamecy.

En ce qui touche les formes de la convocation, il se produisit des faits analogues à ceux que M. Brette a rencontrés à peu près sur tous les points du territoire. D'abord, un démêlé entre le bailliage de Saint-Pierre-le-Moûtier et celui de Nevers. Le lieutenant général de Saint-Pierre prétendait présider l'assemblée et revendiquait, contre le grand bailli de Nevers, ce droit comme issu du caractère de cas royal assigné à la convocation. Sur les instances du duc de Nivernais lui-même, le Conseil donna gain de cause au grand bailli de Nevers. Mais on peut voir, par la lettre de M. de Lavau, que l'assemblée de Clamecy (9 mars) protesta vivement contre cette décision.

Le second fait est relatif à l'assignation des paroisses du Donziois : elles étaient convoquées à la fois à Auxerre et à Nevers. Il faut voir là le résultat d'un procès séculaire dans lequel la baronnie de Donzy était disputée entre le bailliage d'Auxerre et le duc de Nivernais. En 1789, la question n'étant pas encore réglée, le garde des sceaux décida que la députation des paroisses du Donziois et du Nivernais serait commune, ainsi que cela eut lieu en 1614(1).

O Voir Brelle, t. I, p. XLVIII.

23.


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Les détails rapportés ensuite par le subdélégué de Lavau éclairent pour nous les moeurs électorales du temps. Nous constatons d'abord les procédés déjà en usage de pression officielle. En voici deux exemples. Premièrement, celui de l'évêque de Nevers, candidat virtuel pour la députation aux États. En vertu de l'article 14 du règlement du 24 janvier, les curés des paroisses, bourgs et communautés éloignés de plus de deux lieues de la ville où devait siéger l'assemblée étaient tenus de se faire représenter par des procureurs ecclésiastiques. L'évêque sollicita pour lui-même la procuration des curés de son diocèse qui se trouvaient, dans le cas prévu par le règlement. Mais ils la lui refusèrent; même ils s'entendirent entre eux pour évincer sa candidature.

Une tentative du même genre eut lieu dans l'ordre de la noblesse. Un gentilhomme qui pratiquait l'absentéisme, si fort à la mode chez les nobles de l'ancien régime expirant, le marquis de Sérent, apparenté aux Choiseul, grand propriétaire foncier dans le Nivernais, forma lui aussi le projet de représenter son ordre aux États. Il vint donc s'installer pour quelque temps dans ses terres, se mit à donner fêtes et festins aux nobles du voisinage. Mais ces relations subitement entamées, ces marques d'une soudaine sympathie ne lui servirent de rien. On déclina ses invitations, on clabauda contre lui dans toute la région.

Ainsi s'affirmait l'indépendance civique du corps électoral.

Où la lutte des influences fut particulièrement marquée, c'est dans les élections de la ville de Clamecy. Deux partis y étaient en présence : celui du subdélégué lui-même et de Dupin, officier de la châtellenie et procureur syndic du département(1), d'une part, et celui des sieurs Faulquier, substitut du procureur du roi en l'élection de Simonot de Grand pré, entreposeur des tabacs. Do Lavau, le subdélégué, se défend d'avoir été candidat; mais il veut dissimuler une ambition infructueuse. Il voit en Faulquier la cause de son échec et lui reproche d'avoir cabale contre lui et contre Dupin,

La réunion électorale du tiers de la ville de Clamecy devait avoir lieu le 9 mars. Dès le 3, une campagne active fut entreprise par le parti Faulquier. On répandit des écrits dans les cafés de la ville pour recommander de n'élire "ni juges, ni procureurs fiscaux, ni

( 1) Le département de Clamecy et Gien (créé lors de l'établissement de rassemblée provinciale de l'Orléanais (1787).


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gens attachés aux seigneurs ou à l'administration.» C'était une aitaque directe contre le subdélégué qui était en même temps juge do la châtellenie et contre Dupin qui, on l'a vu, remplissait à la fois une fonction judiciaire et une fonction administrative. De Lavau explique cetie atlaque par deux raisons. D'abord la rancune personnelle de l'auteur de l'écrit, le sieur Simonot de Grandpré, qui voulait se venger qu'on eut enlevé à son frère, Simonot du Vertenet, les fondions de sous-ingénieur du département. Ensuite les visées personnelles de Faulquier, candidat probable qui cherche à écarter tout concurrent dangereux. A cette explication plausible, il convient peut-être d'en ajouter une seconde : l'animadversion que provoquaient partout, à la fin de l'ancien régime, les agents de l'administration, notamment les intendants et leurs subordonnés(1).

L'assemblée s'ouvrit par un discours du subdélégué, auquel les règlements donnaient la présidence. Si l'on s'en rapporte à l'intéressé, ce discours, dont il ne nous fait connaître ni les termes ni même le sens, reçut le meilleur accueil; mais il servit de prétexte aux premières querelles. Comme certains assistants en demandaient, paraît-il, l'impression aux frais de la ville, Faulquier riposta: "Aux frais de l'auteur ". Lavau affirme que ce propos méchant fut désapprouvé par l'assistance.

On délibéra ensuite sur le cahier des doléances, sur une protestation contre la convocation à Nevers de l'assemblée générale, sur une deuxième protestation contre la réunion aux États provinciaux, dont la création était projetée, de Clamecy, qui faisait alors partie de la généralité d'Orléans. Puis on arriva à des points concernant plus particulièrement la ville. Ce fut l'occasion pour les adversaires de Lavau de se manifester. Les officiers municipaux protestèrent contre la présidence par lui de l'assemblée, et ils firent émettre le voeu que la police de la ville fût à l'avenir partagée entre eux et les officiers de la châtellenie.

Les sympathies pour le subdélégué n'étaient pas, à ce qu'il semble, bien grandes. La partie était donc belle pour Faulquier : on va voir comment il la gagna. Dès que le scrutin fut ouvert pour la nomination des députés, il se mit, en compagnie de Simonot et de son cousin de Ferrière, à parcourir les rangs des électeurs, les invitant à ne donner leurs voix ni à des juges ni à des officiers en place.

( 1) Voir Brette, t. I, p. XLV.


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Il était alors dix heures du soir : on était réuni dans une église obscure, où il était difficile d'exercer une surveillance stricte. Voici quel fut le résultat de ce premier scrutin :

Nombre des volants : 150 environ.

Tenaille, avocat. 46 voix, élu.

De Châtillon 24 —

De Lavau 28 —

Divers 53 — environ.

Gomme la nomination avait lieu à la pluralité des suffrages, Tenaille se trouvait élu. 11 commença par refuser;s'il avait persisté dans son premier refus, Lavau aurait pris sa place. Mais il ue résista pas aux instances de l'assemblée, à laquelle se joignit le subdélégué, à ce qu'il affirme lui-même. D'ailleurs, arguant que ses « différentes occupations v lui interdisaient d'assumer une charge nouvelle, Lavau se désistapurement et simplement avant qu'on passât au scrutin pour le second député. Ce désistement était-il dicté par la raison qu'il en donne? Le subdélégué ne craignait-il pas d'échouer, en fin de compte, par l'effet des menées de ses adversaires? On ne le saurait dire.

Quoi qu'il en soit, ces menées furent actives au second scrutin, et Faulquier arriva en tête avec 46 suffrages. Le subdélégué fait sur cette élection des remarques qui donnent à penser que les fraudes et manoeuvres électorales, si communes de nos jours, ont de lointaines origines. Des électeurs votèrent deux fois dans le même scrutin: voici par quel moyen. Il suffit d'un peu d'habileté et de prestesse : après avoir donné sa voix dans un rang, on se glisse subrepticement dans un autre et on y vote une seconde fois : le tour est joué. Les candidats de l'époque connaissaient comme les nôtres le poids des promesses électorales. En ce temps-là, comme on sait, la perception des aides, les exactions des commis y préposés avaient provoqué un dégoût universel de ce genre d'impositions. Faulquier ne manqua pas de flatter les passions de l'électeur. «Ah! vos b. . . . de commis des aides, s'écriait-il, si j'étais nommé, je les ferais bien danser.» On le soupçonna même d'avoir corrompu les électeurs en leur distribuant du vin et de l'argent. Nous n'avons donc rien inventé. Il est vrai, Lavau prétend que ces procédés ne réussirent qu'auprès des gens du commun, des artisans et des paysans, non auprès des bourgeois et, comme il dit, des citoyens


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honnêtes, dont aucun ne vota, affirme-t-il, pour Faulquier. 11 paraît donc, d'après cela, que ceux qu'il appelle les citoyens honnêtes n'étaient pas la majorité.

Pour compléter la physionomie du curieux personnage qu'était ce Faulquier, du moins tel qu'il apparaît à travers le portrait hostile que trace de lui M. de Lavau, il faut faire connaître ses propres votes, qui excitent l'indignation du narrateur. Il donna successivement sa voix à un bâtard, simple commis de marchand de bois à 800 1. d'appointements, à un maître perruquier, âgé de plus de 60 ans et presque aveugle, à un autre individu, également aveugle et, par surcroît, invalide et illettré. M. de Lavau blâme ce mauvais usage rede la liberté de suffrage," " ce cynisme indécent et injurieux envers tous les gens qui devaient être naturellement nommés. » Nous ne serions pas éloignés de croire qu'il pense surtout à lui-même quand il parle «des gens qui devaient être naturellement nommés.» En tout cas, en fait d'abus de la liberté de suffrage, nous en avons vu bien d'autres depuis ce temps-là.

Le troisième élu fut un oncle de Faulquier, le sieur Grasset, avocat, ancien juge; il n'accepta pas. On le remplaça par Tenaille de Châtillon, subdélégué du prévôt des marchands. Enfin on choisit pour quatrième député Tenaille-Dulac, lieutenant de louveterie.

Le parti Faulquier triomphait sur toute la ligne. Et Lavau ne peut s'empêcher d'exprimer la crainte que, grâce à son habileté, Faulquier lui-même ne se fasse élire par l'assemblée générale du bailliage comme député aux Etats généraux.

Telle fut cette journée électorale, commencée à neuf heures du matin et close à minuit.

Clamecy, ce 13 mars 1789.

Monseigneur,

En conséquence de la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire le 13 février dernier et de la mission que vous m'y avez donnée relativement à l'exécution du règlement du 24 janvier concernant la tenue des États généraux, je vais vous rendre compte de tous les faits, soit principaux soit incidents, dont j'ai eu connaissance ou pour les avoir appris par la voix publique ou pour en avoir été témoin.

J'aurai l'honneur de vous observer d'abord que l'assemblée de notre pays se tiendra devant le grand bailli de Nivernais, au siège de Nevers. Le lieutenant général de Saint-Pierre-le-Moûtier avait cru devoir et pouvoir en


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réclamer le droit sur le fondement que la convocation dont il s'agit est un cas royal. Mais un arrêt du Conseil obtenu par M. le duc de Nivernais le a mars a cassé l'ordonnance du lieutenant général et a fait cesser l'incertitude de savoir si l'on se rendrait à Nevers ou à Saint-Pierre-le-Moûtïer, accordant en ce point la provision à M. le Duc.

Il y aura lieu probablement encore à pareille difficulté relativement aux paroisses du Donziois, qui se trouvent avoir été assignées et àAuxerre et à Nevers. Peut-être aussi y aura-t-il même décision provisoire que par rapport à Saint-Pierre-Ie-Moûtier, encore qu'il y ait de grandes raisons de différence. Au surplus, le fond de toutes les questions qui se présentent ne peut être jugé en ce moment.

Voilà tout ce qui a rapport aux formes de la convocation des assemblées.

Quant à la régularité et à la liberté qui devaient y régner, voici, Monseigneur, ce que j'ai appris.

1° Il paraît que M. l'évêque de Nevers a fait solliciter presque tous les curés de son diocèse qui ne se rendraient point à Nevers de lui envoyer leurs procurations. J'ai vu une lettre qui en contenait la demande et qui était écrite par un ancien curé du diocèse d'Auxerre, retiré à Nevers, au curé du Ouagne(1), autre curé du même diocèse d'Auxerre. Ces différentes lettres et sollicitations ont eu un effet tout contraire à celui qu'on en attendait. Tous les curés de nos environs, qui d'ailleurs ne paraissent pas autrement contents de M. l'évêque, non-seulement ont refusé de se prêter à ses désirs, mais encore se sont donné le mot de ne point lui donner leurs suffrages pour la députation aux États généraux. Tout le pays a retenti de ces faits.

a° L'on a également assuré que M. le Marquis de Sérent, gendre de M. le baron de Choiseul, ambassadeur à Turin, et qui a des terres en Nivernais, s'étant rendu à Nevers il y a plus d'un mois, n'avait cessé de briguer des suffrages en donnant des repas, en y invitant avec empressement des nobles qu'il ne connaissait même pas et qui ne le connaissaient pas davantage. Plusieurs d'entre eux ont refusé et se sont encore expliqués tout haut contre lui.

En me repliant sur notre ville, elle n'a pas été plus exempte d'intrigaes que les autres.

Le 3 de ce mois, il fut porté à l'un des cafés par un jeune garçon inconnu un écrit anonyme en forme d'avis aux citoyens et par lequel on leur recommandait, entre autres choses, de ne nommer pour députés ni juges, ni procureurs fiscaux, ni gens attachés aux seigneurs ou à l'administration.

Le 4, je mandai le cafetier qui me confirma le fait, en ajoutant que

(1) Aujourd'hui Cuane, arr. Auxerre, c°" Conrson.


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l'écrit avait été remis à lui-même, qu'il avait été lu pendant le jour par toutes les personnes qui étaient venues au café, que le soir il avait disparu, qu'il ne pouvait me le procurer et qu'il contenait effectivement ce que je viens de dire.

On attribuait cet écrit au sieur Simonot de Grandpré, entreposeur du tabac, et il y avait d'autant plus lieu de l'en croire l'auteur que le dimanche précédent, 7 mars, étant au cabinet de lecture, où je me trouvai avec quelques personnes, le sieur Simonot s'exprima de la même manière qu'il l'a fait depuis dans l'écrit. Je me permis de le contredire d'une manière générale et par les dispositions mêmes du règlement du 24 janvier, qui ne donne l'exclusion à personne. Malgré cela, il persista dans ses idées, ajoutant que dans l'assemblée qui devait se tenir, l'on ne craindrait pas d'en dire autant. Effectivement il avait préparé à ce sujet un discours qu'il devait lire dans l'assemblée du 9 : ce que cependant il n'a pas exécuté. Mais, dans l'intervalle qu'il y a eu entre les deux séances du matin et du soir, étant à dîner avec cinq à six personnes, sur ce qu'on lui dit que l'écrit envoyé au café et son discours se ressemblaient parfaitement, il convint qu'il était l'auteur du premier.

Le but du sieur Simonot était évidemment de me donner l'exclusion soit comme juge de la châtellenie, soit comme subdélégué, puisqu'il en voulait aux officiers des seigneurs et à ceux qui ont part à l'administration. Suivant les apparences, il avait encore plus particulièrement en vue M. Dupin, aussi officier de la châtellenie et procureur-syndic du département. Vous le croirez sans peine, Mgr., lorsque vous saurez que le sieur Simonot de Grandpré est frère du sieur Simonot de Vertenet, ci-devant sous-ingénieur du département, et qu'à raison du changement de son frère et de tout ce qui a précédé et accompagné cette affaire, toute la famille de MM. Simonot paraît avoir juré une haine implacable à M. Dupin.

Le sieur Simonot de Grandpré n'a pas été le seul qui ait cherché à donner l'exclusion aux personnes qu'il avait en vue. Quelques autres, notamment le sieur Faulquier, substitut du procureur du Roi en l'élection, en ont fait autant. Celui-ci a même été plus loin, parce qu'en écartant la nomination de certaines personnes pour députés, il avait en vue de l'obtenir pour lui-même, et il y a réussi, comme je vais la dire dans un moment.

Notre assemblée de ville a été tenue lundi dernier 9, et elle a duré depuis neuf heures du matin jusqu'à minuit. Je l'ai présidée, aux termes du règlement, et ouverte par un discours. Le discours fini, la plupart des assistants m'ont dit des choses obligeantes, auxquelles ils ont ajouté le voeu que mon discours fût imprimé aux frais de la ville. Le sieur Faulquier, qui ne peut laisser échapper aucune occasion de me faire injure, a pris la parole en ces termes : imprimé, aux frais de l'auteur. Occupé en ce même instant à remercier tous ceux qui m'adressaient honnêtement la parole, j'ai répondu au


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propos du sieur Faulquier qui était derrière moi, et sans savoir même que le propos fût de lui : l'auteur n'en fera sûrement pas les frais. Et, en général, l'assemblée a témoigné son improbation d'une manière telle que j'ai été bien vengé !

Le cahier des doléances arrêté, l'on a fait lecture d'une protestation à faire et qui contenait deux chefs. Le premier, contre la convocation à Nevers au lieu de Saint-Pierre-le-Moùtier, sur le fondement qu'il s'agissait d'un cas royal et même régalien, d'un droit incommunicable, incessible, etc. Ceci était la suite de la délibération prise par la ville le 5 et par laquelle elle avait arrêté qu'elle se rendrait à l'assemblée de Saint-Pierre-lcMoûtier au lieu de celle de Nevers. Le second, contre la réunion de Clamecy aux États provinciaux qui pouvaient être formés à Nevers. Lecture faite de la protestation, j'allai aux voix et, après en avoir pris 27, dont 23 pour admettre la protestation et 4 pour la rejeter(1), le reste de l'assemblée fut pour l'admission, par acclamation. Elle a été transcrite dans le procès-verbal et va être rendue publique par la voie de l'impression. Voilà donc, Mgr., un voeu bien solennellement émis contre le projet de nous distraire de l'Orléanais. L'assemblée était composée de 150 à 200 personnes. Les députés sont chargés de notifier la protestation aux assemblées de Nevers et de Saint-Pierre-de-Moûtier.

Il y a eu encore une protestation de la part des officiers municipaux sur ce que je présidais l'assemblée. L'on a voté également pour que la ville soit admise à exercer la police concurremment avec les officiers de la châtellenie. J'ai reçu très tranquillement tout ce qu'on a voulu dire et me sois renfermé dans le ministère passif que j'avais à remplir.

Ce fait, l'on a passé à la nomination des quatre députés. Il se trouvait environ 150 votants. Ce fut alors que les sieurs Simonot et Faulquier recommencèrent leurs cabales, le dernier surtout, en se mêlant dans les rangs et disant à tous ceux qui voulaient l'entendre qu'il ne fallait nommer ni juges ni aucuns officiers en place. Le sieur Sanglé de Ferrière, cousin germain du sieur Faulquier, en fit autant.

L'un et l'autre, pendant les deux à trois heures de temps que dura la nomination, quittèrent leurs places, furent toujours en mouvement et debout , malgré l'invitation que j'avais faite à l'assemblée que personne ne se déplaçât, malgré les ordres mêmes que j'avais donnés aux huissiers de police et à la maréchaussée d'y veiller. Remarquez, je vous supplie, & ce sujet, Mgr, qu'il était déjà 9 à 10 heures du soir quand la nomination fat

(l) Ces quatre personnes sont : 1° M. de Brugière, qui est convenu depuis de l'avoir fait par distraction et être disposé à se rétracter; 2° M. de Châtillon; 3° M. Née de Vaux, président en l'élection et fils du procureur fiscal de M. le Duc; 4° le sieur Auginiot, étranger au pays et commissaire à terrier de M. le Duc.


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commencée : de sorte que l'église où nous étions n'étant point assez éclairée, occupé d'ailleurs à prendre les voix, je ne pouvais voir tout ce qui FO passait.

M. Dupin, ayant reçu avis au milieu de l'assemblée de la cabale faile contre lui, sortit et se retira par honnêteté, par prudence, longtemps même avant qu'on fut occupé des nominations.

Je vais aux voix, et, au premier tour, pour la nomination d'un premier député, M. Tenaille, avocat, en a 46, M. de Châtillon, 24 et moi, 28. Le surplus des voix se trouva divisé entre plusieurs autres personnes. J'ose vous assurer, Mgr., que les 28 voix qui m'avaient été données étaient piur la très majeure partie celles des plus honnêtes citoyens. Quoique j'eusse pris à l'avance la ferme résolution de ne point accepter dans le cas où il se trouverait une pluralité de suffi-âges en ma faveur, je crus devoir néanmoins recueillir les voix qui me furent données pour voir l'effet qu'auraient pu produire l'avis anonyme et les intrigues. Plusieurs citoyens de marque m'ont même dit depuis que, si on ne leur eut point suggéré qu'on ne pouvait pas me nommer, ils m'auraient donné leurs voix, que je n'aurais cependant pas acceptées davantage.

M. Tenaille ayant fait quelques difficultés d'accepter, je me trouvais après lui le plus fort en voix, et l'on m'observa que la nomination tombait sur moi. Mais M. Tenaille, sur mes propres sollicitations comme sur celles de l'assemblée, accepta ensuite. Alors, me trouvant assez vengé de l'injure qu'on avait voulu me faire, je pris la parole, et en remerciant ceux des citoyens qui m'avaient fait l'honneur de me donner leurs voix, je les priai de de ne plus penser à moi dans les tours suivants, mes différentes occupations ne me permettant pas d'accepter.

Au second tour, les sieurs Faulquier et Sanglé de Perrière se tenant hors du cercle, debout et au centre des gens du peuple, manoeuvrèrenl tant et si bien, selon les rapports qui m'ont été faits de toutes parts, que je reçus 46 voix pour le sieur Faulquier, toutes de paysans et tout au plus de quelques artisans, sans qu'il y en eût une seule de la part d'un citoyen honnête. Quoi qu'il en soit, c'était la pluralité, et l'une des manoeuvres dont le sieur Faulquier s'était servi pour se la procurer avait été probablement de conseiller à quelques-uns de ses partisans de donner deux voix au lieu d'une, de changer de place à cet effet et, après avoir donné sa voix dans un rang, de passer rapidement dans un autre. J'en fus convaincu dans la personne d'un nommé Hainaut, son client, qui très certainement lui donna deux voix pour une par changement de place. Ne pouvant pas douter du fait, j'en fis l'observation à ce particulier que je connais; mais il eut du front, et, par délicatesse, je passai outre. L'on assure aussi qu'il a fait donner du vin et de l'argent au peuple ; mais je n'ai rien de certain à cet égard. Voici encore le propos que le sieur Faulquier tenait à la populace pour avoir son suffrage: Ah! vosb. . . de commis des aides, si j'étais nommé,


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je les ferais bien danser. Enfin on lui a entendu dire à haute'voix : "Je ne connais ici que quatre personnes qui doivent être nommées députés : M. Moreau, Barraut mon perruquier, vous, Monsieur, en adressant la parole à M. Tenaille, avocat, et moi." L'on avait applaudi à la nomination de M. Tenaille, mais sur l'annonce que je fis de celle du sieur Faulquier, l'assemblée garda un profond silence, qui fut bientôt suivi d'un murmure sourd et général; toute la bourgeoisie s'entre-regardant, se témoignant sa juste surprise de voir nommé pour député un jeune homme sans science, sans talents, connu uniquement par les différents écarts qu'il s'est permis jusqu'ici. Le cri a été et est encore universel. Une chose fort extraordinaire de sa part et qui indisposa encore d'autant plus tous les honnêtes gens, "c'est qu'au premier tour il donna sa voix très hautement à un bâtard, simple commis de marchand de bois à 800 livres d'appointements; au second, il la donna à un maître perruquier, invalide pensionné, brave homme, mais âgé de soixante et quelques années et presque aveugle; aux tours suivants, sa voix fut encore pour le même commis et pour un autre citoyen, né d'une famille honnête, il est vrai, mais aveugle aussi pour ainsi dire. d'ailleurs dépourvu de tout savoir. Ce n'est pas là sans doute faire un bon usage de la liberté de suffrage; vous y verrez plutôt, Mgr., un cynisme indécent et injurieux envers tous les gens qui devaient être naturellement nommés.

Au troisième tour, la pluralité se réunit en faveur de M. Grasset, avocat, ancien juge de Clamecy, oncle de l'épouse du sieur Faulquier. Il y a apparence que cette nomination fut aussi l'effet des manoeuvres de ce dernier. M. Grasset se trouvant absent et ayant fait remercier, on passa à la nomination des troisième et quatrième députés, qui furent M. Tenaille, de Châtillon, subdélégué de M. le prévôt des marchands et Tenaille-Dulac, lieutenant de louveterie.

A chaque tour, M. Dupin, procureur-syndic, avait eu un grand nombre de voix, et au dernier entre autres il en eut 63. Il ne s'est trouvé en concurrence sur ce dernier tour qu'avec un seul citoyen, qui l'a primé de 11 voix. Mais il peut se flatter d'avoir eu l'élite, et que tous les citoyens honnêtes et sensés ont témoigné leur regret de ne le pas voir du nombre des députés. L'on ne peut pas douter un instant que ce n'ait été l'effet de la cabale du sieur Faulquier et du sieur Simonot de Grandpré. Ce dernier ne se cachait pas même là-dessus.

Nos députés sont partis avant-hier, à l'exception de M. de Châtillon qui a fait signifier à la ville son départ. Le sieur de Ferrière lui proposait hier d'aller à Nevers pour y cabaler. M. de Châtillon lui répondit : S'il s'agit d'y cabaler, eu ce cas, c'est vous qu'il faut y envoyer. S'il ne va point y. aider le sieur Faulquier, son cousin, au moins y a-t-il toujours lien de croire que celui-ci ne manquera pas de faire à Nevers comme il a fait ici. Avec l'esprit d'intrigue qu'on lui connaît et dont il a fait ses preuves, l'on


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ne serait pas surpris de le voir nommé député aux États généraux, ce qui serait assurément le comble de la dérision.

A mon égard, Mgr., soyez, je vous supplie, très persuadé que je me suis conformé à vos vues en m'abstenant relativement aux élections de tout ce qui aurait pu avoir l'apparence de la gêne, de l'influence ou de la contrainte. Aussi le public m'a-t-il rendu justice sur l'exactitude avec laquelle j'ai fait l'opération pour Clamecy; et je me suis conduit de même sur tout le reste dans les différentes occasions qui se sont présentées à ce sujet.

Vous pouvez, Monseigneur, compter sur les faits que j'ai l'honneur de vous mettre sous les yeux et faire en conséquence tout ce que vous jugerez convenable.

Je suis avec respect, Monseigneur, votre très humble et très obéissant serviteur.

DE LAVAU.

XIV

UnE COMMUNE RURALE : SAINT-YRIEIX-SOUS-AIXE PERDANT LA REVOLUTlON.

Communication de M. d'Abzac.

Saint-Yrieix-sous-Aixe est une petite commune du canton d'Aixesur-Vienne, à 16 kilomètres de Limoges.

En 1791, sa population était de 5oo habitants, s'adonnant presque tous à la culture des céréales et des légumes et à l'élevage des bestiaux. Aucune industrie n'existait sur son territoire, qui est cependant baigné par la Vienne dans sa partie Nord-Est.

Les registres de la municipalité, pendant la Révolution, font ressortir la grande part que le curé prenait à toutes les décisions. Ce prêtre, l'abbé Cantillon, desservait Saint-Yrieix depuis 1776.

Pressé par ses paroissiens, qui avaient pour lui une grande affection, et afin de pouvoir rester au milieu de ses fidèles, le curé de Saint-Yrieix-sous-Aixe prêta, le 20 janvier 1791, le serment prescrit par le décret du 27 novembre 1790.

Le serinent ordonné par l'Assemblée nationale, le 15 août 1792, fut d'abord prêté, le 24 septembre 1792, par les officiers et notables composant le corps municipal, et, le dimanche suivant, tous les citoyens actifs se réunirent à l'église. Le curé prêta, le premier,


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le serment dans les conditions rapportées par la délibération de la municipalité : «Après avoir fait l'aspersion de l'eau bénite et la procession à son ordinaire, avant de célébrer la messe, le curé*Léonard Cantillon s'est tourné vers le peuple, a levé la main en disant : « Je jure d'être fidèle à la Nation et de maintenir la Liberté et " l'Egalité ou de mourir en les défendant. » Puis le maire adressa un discours aux citoyens présents et les invita à prêter aussi le serment qu'ils venaient d'entendre. "Au même instant, ajoute le procès-verbal, un cri général partit des citoyens, tant de la garde nationale que des autres et, tous, la main levée, ont crié : "je le jure".

Dans l'intervalle, la municipalité avait fait exécuter à l'église d'importantes réparations, s'élevant à 150 livres, notamment à la toiture, à l'intérieur et à l'extérieur de l'édifice.

Le " ferrement» d'une cloche échangée à la Monnaie de Limoges avait coûté, en outre, 21 livres 62 sols. Ces deux sommes furent réparties entre les habitants et "chacun acquitta sa part et portions.

Les convocations des citoyens pour les réunions avaient généralement lieu le dimanche, au prône de la messe. Le renouvellement du conseil général de la commune s'effectua le 2 décembre 1792. L'assemblée se réunit dans l'église et le curé Cantillon fut élu président du bureau de vote.

Le 16 du même mois, nouvelle assemblée primaire pour l'élection d'un notable. C'est encore le curé qui est élu à cette fonction.

Lors d'une réunion des officiers municipaux, le 26 décembre 1792, un membre, qui n'est pas nommé au procès-verbal, mais qui doit être le curé, prit la parole : "Vous savez, citoyens, dit-il, qu'il n'est point d'église aussi dépourvue en ornements que la nôtre. . . La loi du 4 septembre dernier vient heureusement à notre secours. Saint-Yrieix n'a reçu aucun ornement des églises supprimées; son mobilier ne vaut pas la peine d'une description».

Le conseil général 1 après avoir mûrement réfléchi, trouve que le mobilier de l'église est tout à fait digne de compassion, et supplie le ministre de l'intérieur d'accorder à l'église de Saint-Yrieix les ornements et autres objets du culte provenant des abbayes et communautés supprimées».

Suit la liste des objets que la municipalité désirait obtenir. Cette nomenclature se termine par la demande «d'un chef du patron de


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Saint-Yrieix, ou bien quelques autres reliques qu'on jugera à propos».

Cette réclamation reçut satisfaction, au moins en partie, si l'on en juge par l'inventaire qui fut dressé plus tard.

Le corps municipal accueillait toutes les demandes formées "par le curé. C'est ainsi qu'à la réunion du 16 janvier 1793 " le citoyen Léonard Cantillon, curé et membre de la municipalité, dit : "Citoyens, voilà deux années qui se sont écoulées et que le pain, le vin, le luminaire, etc., nécessaires à la célébration du culte divin, ont été fournis par moi; je vous prie de m'en faire rembourser le montant».

Tous les membres émirent un avis favorable et décidèrent que " les frais de culte seraient mis au rang des charges locales».

Le 8 ventôse an 2, l'agent national près le district de Limoges se rendit à Saint-Yrieix-sous-Aixe et vérifia les divers registres de la municipalité. II fit de nombreuses observations sur différents points d'administration. La maire prétexta son état maladif «qui l'avait empêché de mettre tous les services à jour».

Le rapport de l'agent national, écrit en minute au registre de la municipalité, se termine par les indications ci-après qui donnent des renseignements sur la situation de la commune de SaintYrieix :

Il n'y a, dit ce document, aucun château fort, ni émigrés, ni prêtres déportés, qui aient leurs biens ou leur domiede dans la commune.

La culture des pommes de terre est en très grande vigueur.

Il n'y a pas de terres incultes; les terres laissées par les défenseurs de la Patrie sont régies par leurs parents; tous les citoyens s'empressent de les aider et de leur fournir les semences nécessaires; leurs terres sont même les premières cultivées.

J'ai recommandé aux citoyens officiers, ajoute l'agent national, d'avoir, sans délai, à faire la remise à l'administration du district, des cloches, effets en cuivre ou autre métal, vases, argenterie provenant de la ci-devant paroisse, leur déclarant qu'il en serait donné une décharge et l'envoi fait à la Convention nationale au nom de la commune d'Yrieix-sous-Aixe.

C'est la première fois qu'apparaît le nom de la commune modifié par la suppression du mot saint. Cette nouvelle appellation n'est guère employée que dans les rapports des agents nationaux en mission. Par contre, la municipalité, afin de n'avoir pas à se confor-


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mer à cette modification, se dispensait d'écrire le nom de la commune dans les délibérations. Les injonctions de l'agent national relatives à la livraison au district de Limoges des cloches et autres objets du culte ne reçurent par non plus de suite : rien ne fut distrait de l'église; un profond sentiment religieux dominait toujours les actes de la municipalité.

Cependant, après avoir été probablement inquiété par le district, le curé Cantillon se présenta à la séance du conseil général de la commune et déclara «au nom de la loi, abdiquer tous ses voeux de prêtrise et remettre les vases d'argent de la ci-devant église...» Malgré cette détermination, prise sans doute pour la forme, le culte continua à être célébré avec l'assentiment de la municipalité. Cette situation parvint à la connaissance du district, qui envoya deux commissaires à Saint-Yrieix. Ceux-ci réunirent le conseil général, le 26 ventôse an 2, en séance publique.

Ils invitèrent d'abord le peuple présent à la séance à se former, au plus tôt. en société populaire; puis les commissaires adressèrent aux corps élus de véhémentes observations au « sujet de ce que les citoyens paraissaient encore célébrer les dimanches (vieux style) et de ce que les cloches étaient encore employées à rappeler des objets d'un culte différent de celui de la Raison».

Parmi les signataires du procès-verbal de la séance figure le curé Cantillon, avec la qualité de " notable». Une résistance d'inertie continua à être opposée : la célébration des dimanches et la sonnerie des cloches se poursuivirent.

Néanmoins, quelque temps après le séjour des commissaires du district à Saint-Yrieix-sous-Aixe, le curé prit la résolution de quitter la commune et de se retirer dans sa famille, qui comptait parmi la meilleure bourgeoisie du pays.

Il fit part de son intention au conseil général et lui présenta, à la séance du 3 floréal an 2, l'inventaire «des ornements, linges et autres effets dépendant de la ci-devant église, pour en faire la remise et en retirer bonne et valable quittance» qui lui fut délivrée. Puis la municipalité lui accorda un certificat de civisme et de non suspicion «reconnaissant que ledit Cantillon s'est comporté, depuis le moment de la Révolution, en véritable républicain, et qu'il a donné les preuves du civisme le plus pur par sa soumission aux lois et son attachement à la République».

L'absence du curé Cantillon fut de très courte durée, si l'on s'en


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rapporte au registre des délibérations. En effet, le 9 messidor an m, il se rendait à la séance de la municipalité et obtenait «l'autorisation de célébrer le culte catholique dans l'église de SaintYrieix». On peut donc dire que, pendant la Révolution, le culte n'a presque jamais cessé d'être célébré dans cette commune rurale, alors qu'au chef-lieu du canton il était supprimé.

Le curé Cantillon continua à garder l'affection de ses paroissiens. Une dernière preuve de la constante popularité dont il jouissait est insérée au registre que nous éludions : le 10 germinal an VI, les citoyens de Saint-Yrieix-sous-Aixe, réunis pour le choix d'un adjoint, élurent encore le curé président du bureau de vote.

HlST. ET PHILLOL. — N° 1-2 24