ANNUAIRE DE L'AUBE
DEUXIEME PARTIE
RENSEIGNEMENTS STATISTIQUES
HISTORIQUES & ADMINISTRATIFS
LA
RÉVOLUTION DE 1789 A TROYES
NOTICE ANECDOTIQUE
D'après des autographes inédits
PAR
L'ABBÉ ETIENNE GEORGES, DE TROYES
MEMBRE DE PLUSIEURS SOCIÉTÉS SAVANTES
FONDATEUR D'UN PRIX TRISANNUEL DE CINQ CENTS FRANCS
A DÉCERNER AU MEILLEUR TRAVAIL INTELLECTUEL CONCERNANT LA CHAMPAGNE
I
Les textes originaux, que de laborieuses recherches m'ont aidé à mettre en lumière dans mes notices précédentes, ont révélé, à de nobles familles encore vivantes, les liens de parenté ou d'affinité qui les rattachaient aux Berbier du Metz, derniers comtes de Rosnay, dont ma maison occupe aujourd'hui l'emplacement de l'ancienne butte féodale.
On a vu que ces hommes illustres remplirent, spécialement au XVIIe siècle, des rôles considérables, soit comme présidents de la Chambre des Comptes et contrôleurs des meubles de la Couronne, soit comme conseillers et aumôniers de Louis XIV, soit comme trésoriers généraux du roi, payeurs de la Compagnie des gardes du corps de la reine Anne d'Autriche, soit comme lieutenants d'artillerie et des armées royales.
A de moindres hauteurs, mais dans un rang distingué encore, les familles Comparot de Longsols, Menjot d'EIbenne, Terrier du Metz, Louis de Beaufort et autres, qui s'honorent
d'appartenir à cette glorieuse lignée, se sont signalées, chacune dans sa sphère d'action, par le plus généreux patriotisme, aux débuts de la période révolutionnaire.
Plusieurs autographes, contemporains de ces débuts qui furent plus ou moins orageux en Champagne, confirment, en les complétant, les émouvants récits dus à la plume aussi élégante qu'érudite de M. Albert Babeau, mon très honoré collègue à la Société Académique de l'Aube.
II
Dès le commencement de 1789, l'agitation produite par l'exil du Parlement à Troyes s'était accrue d'une crise commerciale et d'une affreuse disette.
Noché de Rhèges, procureur-syndic, correspondait avec Claude Huez, maire de la ville, qui se trouvait à Paris au moment où les plus influents de ses administrés cherchaient à conjurer un chômage menaçant et une famine imminente. « Hier, lui écrit-il le 10 février, il y a eu assemblée de Messieurs les notables; nous avons pensé que, pour réclamer avec fondement, il fallait avoir une comparaison entre Reims; or, la connaissance de la population de Reims, même le simple état de ce bailliage, nous manquant, nous avons pris le parti d'envoyer un exprès à M. Héroult de la Clôture, qui se trouve actuellement à Reims pour quelque temps.
« Nous croyons que l'on est parti d'un point fixe qui est une députation pour cent mille âmes. Entre cent et deux cent mille âmes, on a pris cent cinquante mille pour point de partage. Au-dessous, on reste à un seul, et au-dessus on est à deux députés. D'après cela, il est possible que, partant de la lettre écrite par le bailliage, dans laquelle nous portions notre population à cent soixante mille âmes, on en ait défalqué, à tort ou avec raison, Joigny, que nous évaluions à quatorze mille âmes, au moyen de quoi nous nous sommes
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trouvés à cent quarante-six mille âmes, et par conséquent au-dessous de la ligne de démarcation. Nous avons l'état de notre bailliage au greffe : Troyes, 120.000; Méry, 6.000 ; Pont, 6.000; Nogent, 9.000; Romilly, 3.000; Virey-sous-Bar, 2.000; Joigny, 14.000. Je n'ai assurément évalué trop bas.
« A l'égard de Reims, on prétend que, dans le démembrement du Vermandois, il lui reste encore près de quatre cent mille âmes. Nous avons peine à le croire. En attendant que notre Mémoire parte, ce qui ne peut avoir lieu qu'au retour de l'exprès, nous vous prions de faire les démarches convenables pour savoir si l'on a égard à la proportion, et quelle proportion respective on a établi entre notre population et celle de Reims. Marquez-nous si vous jugez qu'il soit à propos que le Mémoire soit signé des trois Ordres par député, ou seulement du bailliage et de la ville, ou de la ville seule, le bailliage ayant écrit au Ministère il y a trois semaines. »
Claude Huez avait été appelé à faire partie de la seconde Assemblée des notables convoquée par le roi pour connaître leur opinion sur le nombre proportionnel des trois Ordres ; conformément aux voeux de ses concitoyens, il soutint les formes d'élections suivies en 1614 et adoptées par les Comices de Troyes; mais il désapprouva formellement la demande d'États provinciaux ; la perspective des États généraux devait suspendre la vie des assemblées provinciales. Celles-ci, en attendant l'ouverture des grandes assises nationales, étaient représentées par leurs commissions intermédiaires, dont celles de Champagne n'étaient pas les moins actives.
Toutes ces commissions, en rapport les unes avec les autres, se consultaient volontiers pour résoudre les difficultés qu'elles rencontraient dans l'accomplissement de leur mandat; elles se montraient désireuses d'entreprendre sur les attributions des intendants de la province. Rouillé d'Orfeuil, ce magistrat d'une si habile courtoisie, finit par se plaindre au Directeur général des finances de ce que les bureaux intermédiaires voulaient le priver de connaître de toutes affaires
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relatives à la comptabilité des syndics et à l'administration des revenus communaux.
Aussi bien, les élections des députés aux États généraux disposaient-elles les municipalités à une certaine émancipation de l'autorité centrale. Les brochures, les feuilles volantes, échangées de ville en ville ou répandues à profusion jusque dans les campagnes, y propageaient l'expression d'un sentiment tantôt pacifique et conciliant, tantôt âpre et agressif. Les conseillers municipaux de Bar-sur-Aube, dans une lettre du 31 décembre 1788 à leurs collègues de Vitryle-François, parlaient résolument des droits imprescriptibles que le peuple tient de la nature. Un conseiller au Parlement, Brochant d'Antilly, à qui Comparot de Longsols avait envoyé en cadeau un échantillon de la charcuterie troyenne, lui en accuse réception, le 15 février 1789, en ces termes :
« Je viens de recevoir à l'instant une hure que je crois de Troyes par sa bonne mine; je vous avoue franchement que je vous sais très-mauvais gré de ce joli présent ; je n'aurais pu vous le pardonner qu'autant que vous l'auriez accompagné pour en manger votre part avec Mademoiselle votre fille ; car Madame Brochant, ainsi que moi, se souvient de la parole que vous nous avez donnée de nous l'amener ; il ne faut pas tarder. Nous sommes toujours inondés d'écrits séditieux ; il y a une fermentation générale dans les provinces; on craint que la capitale ne s'échauffe aussi ; la misère est extrême ; le pain hors de prix ; tout va au plus mal ; les rentes sont arriérées de huit mois; tout le monde est mécontent. Je souhaite que, cette année, on soit plus heureux que les précédentes. »
III
Cependant avait paru le règlement de la procédure à suivre pour la réunion des assemblées électorales.
Dès la première séance, les dissensions éclatèrent sur la
question du vote par ordre ou par tête. Le Gouvernement n'avait pas apporté un, programme arrêté de réformes; il manqua ainsi une dernière occasion de saisir la direction du mouvement national ; il n'avait pas même tranché cette question capitale qui, depuis un an, passionnait la France entière. Les graves péripéties de cette tourmente révolutionnaire ne firent que rendre plus pénible la position des classes laborieuses. Les villes, pour calmer les esprits en apaisant la faim, furent obligées de s'imposer de nouveaux sacrifices. La Commission intermédiaire de Champagne avait réparti, entre les villes les plus nécessiteuses, des secours applicables aux travaux de charité.
Le Conseil de Châlons-sur-Marne arrêta qu'on achèterait des grains pour les distribuer aux pauvres à un prix inférieur à celui d'achat; puis, revenant sur sa première décision du 13 juin, il statue qu'on fera la distribution en pain et non en grains, et en pain de froment, vu la rareté du seigle.
Comparot de Longsols, considéré à Troyes comme un négociateur habile, avait été envoyé d'abord en cette ville pour réclamer des secours à l'intendant, ensuite à Versailles pour solliciter du gouvernement un envoi des grains qu'on avait amenés de l'étranger.
Les approvisionnements ne s'effectuaient pas assez vite au gré des pauvres gens de Troyes. « J'ai vu hier, écrit le fils Comparot à son père, arriver le convoi de grains qui a paru faire grand plaisir au peuple. Ce sont les dragons du régiment d'Artois venus de Vitry, ai-je entendu dire, qui nous procurent du pain ; sans eux et ces Messieurs de ville, nous serions déjà morts de faim. »
Dans une autre lettre en date du 4 juillet, Marie Comparot de Longsols exprime à son père l'espoir qu'il ne restera plus guère à Paris : t On parle de faire du pain de riz la semaine prochaine, ajoute-t-elle; tout le monde sera obligé d'en manger. Comme nous avons de la farine, vous voudrez bien me dire si vous voulez que nous cuisions à la maison. Mainfroy nous a envoyé cinq boisseaux de blé; M. Deschenetz,
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quatorze boisseaux de farine ; et M. Desguerrois, douze boisseaux de blé; ainsi, vous voyez que nous pouvons cuire, si vous le jugez à propos. »
Jean-Baptiste Comparot de Longsols, de concert avec Camusat de Belombre, ancien juge consul, n'épargnait aucune démarche auprès de Necker, directeur général des finances, pour obtenir des denrées alimentaires, tandis que le chevalier Fadate de Saint-Georges répondait du maintien de l'ordre à Troyes et que Sourdat, lieutenant général de police, se plaignait de l'inertie de l'intendant Rouillé d'Orfeuil.
IV
L'explosion des passions populaires n'en était pas moins à craindre : « Aujourd'hui, écrit le 4 juillet le fils Comparot à son père, on a planté une potence au Marché-au-Blé avec un écriteau imprimé conçu en ces termes : Si dans trois jours le blé n'est pas diminué, Sourdat sera pendu et traîné par la ville par tous ceux qui meurent de faim. Celui qui me l'a annoncé allait lire le reste de l'affiche, lorsque Guillaume est venu l'arracher. »
Tandis que les villes de la Champagne s'épuisaient à calmer leurs habitants exaspérés par la disette et le chômage, les événements politiques se succédaient avec rapidité. La victoire du Tiers sur le Clergé et la Noblesse dans la question du vote, la transformation des Etats généraux en Assemblée nationale, le serment du jeu de Paume, la prise de la Bastille, forcèrent le roi à reconnaître la souveraineté de la nation.
Le courageux négociateur troyen, Comparot de Longsols, dans la sanglante journée du 14 juillet, ne se coucha qu'entre dix et onze heures, au son du tocsin, au bruit continuel des patrouilles :
« Tout ce que je vous mande, ajoute-t-il, est fort effrayant;
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je vous l'avais annoncé; je voyais l'orage se préparer. Votre Mémoire que j'ai attendu très longtemps est la seule chose qui m'ait retenu à Paris. Vous jugez bien que, dans cette frénésie générale, le Ministère ne s'occupera pas de vos besoins ; le Parlement ne s'occupera pas davantage de vos voituriers de Sézanne. J'ai prévenu M. Laurence ; s'il est resté à Paris, M. Heuvrard lui demandera un rendez-vous ; il m'en fera part et je me joindrai à lui, si je le peux. Dès que je parviendrai à m'échapper, je reviendrai partager avec vous vos soins et vos prévoyances pour votre ville. Nous n'avons d'espérance que dans les États généraux. On crie l'Assemblée d'hier, je la fais acheter pour vous l'envoyer. J'entends, en ce moment, plusieurs coups de fusil. Je ne sais pas ce que l'on tire. Les boutiques sont à moitié ouvertes dans mon quartier, qui est le plus bruyant ; si, d'ici à deux jours, le calme ne se rétablit pas, tout sera perdu..,
« J'ai vu de Montabert, la Hurproie, de la Noue; ils sont en bonne santé et sous les armes comme tout le monde. Le bruit court que la reine et Monsieur le comte d'Artois ont quitté Versailles, hier au soir, incognito. Les Suisses se sont réunis, ce matin, aux bourgeois. Hier au soir, deux inspecteurs de police sont venus à l'hôtel de Bourbon ; ils ont donné ordre de ne laisser partir personne. Ainsi, me voilà en prison au milieu de Paris. »
« Malgré mes nombreuses démarches près du Comité permanent, près des districts de Saint-Honoré et de SaintGermain, sans ma qualité de député, on m'aurait fait encore désirer plus longtemps les chevaux de poste que j'avais demandés pendant cinq jours, quoique muni d'un passe-port. Vous dire la satisfaction que. j'ai éprouvée, lorsque j'ai eu franchi la barrière de Charenton , ne pourrait s'exprimer. Un violent orage m'a pris en chemin; par pitié pour les postillons, je me suis arrêté une heure à Brie-Comte-Robert, où la maîtresse de la poste m'a annoncé qu'on n'était point tranquille à Troyes.
« En arrivant à Nangis, j'ai vu la milice bourgeoise sous
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les armes; j'ai entendu plusieurs coups de fusil qui m'ont étonné. J'ai été bientôt rassuré en apprenant que la naissance du second fils de Mme la marquise de Guerchy occasionnait un Te Deum chanté à l'église paroissiale, et que le bailli partait avec la municipalité pour aller lui faire compliment. Je n'ai pas cru devoir, en cette circonstance, passer non plus sans faire le mien. J'ai assisté au chant d'actions de grâces. Je partis ensuite, malgré les instances de M. de Guerchy, qui voulait absolument me garder. J'appris de lui que tous les Polignac étaient passés, le vendredi précédent, à Provins. Le lieutenant de la maréchaussée, dont la femme a été la meilleure amie de la mienne, m'a raconté qu'il y avait eu du mouvement, la veille, au marché, et m'a confirmé qu'il y avait du bruit à Troyes.
« Au milieu de la forêt de Sourdun, on m'a fait changer de chevaux, avec deux voitures; dans la première étaient un homme et trois femmes dont l'extérieur, quoique simplement vêtu, n'annonçait point quelqu'un d'ordinaire. L'homme est descendu pour me demander si j'arrivais de Paris. Le compte que je lui ai rendu de ce qui s'était passé dans la capitale a paru lui faire impression. « — Comment avez-vous pu sortir? Avez-vous des passeports? Faute d'en avoir, ajouta-t-il, je n'ai pu aller plus loin que Châtillon-sur-Seine; j'ai été obligé de retourner sur mes pas. » Cette compagnie avait l'air d'une bande de pigeons battus par l'oiseau de proie et qui ne peuvent rejoindre le colombier. Ce questionneur, très honnête et très inquiet, m'a confirmé que Troyes était très agité et que la populace y était entièrement révoltée.
« J'arrivai à Nogent-sur-Seine vers dix heures du soir. J'entends du tumulte; j'en demande au postillon la cause. « La milice bourgeoise en armes va vous crier : Qui vive ? Si vous ne répondez pas : Tiers-Etat, on vous f... à la rivière. » C'est précisément ce qui arriva ; comme je n'avais nulle envie de me baigner, j'ai répondu ad rem. Je m'arrêtai à l'auberge, moins pour me réconforter que pour m'informer de ce qu'on faisait à Troyes. La maîtresse du logis m'assura que le feu
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était aux quatre coins de la ville. Jugez, Monsieur, comme j'étais tranquille, d'après un rapport comme celui-là.
« J'arrivai le lundi à Troyes, vers sept heures du matin ; je ne remarquai rien d'extraordinaire; avant d'entrer chez moi, j'allai sonner chez M. de Saint-Georges, commandant militaire, et chez M. Huez, maire ; on me répondit qu'ils étaient à l'Hôtel de Ville, et que M. de Saint-Georges y couchait depuis trois jours. Je vole à l'Hôtel de Ville, que je trouve assiégé par le peuple, qui voulait s'emparer des armes et demandait la tête du commandant et du maire, ainsi que celle des échevins.
« Nous avons été, pendant dix jours encore, dans les plus vives alarmes. Un grand nombre de ces mutins ont été arrêtés et jugés par le tribunal prévôtal. Un seul a été pendu; un autre a été fouetté, marqué, banni; deux autres ont été condamnés aux galères perpétuelles. Tous méritaient la corde : Salus populi suprema lex; mon avis n'a pas été suivi; on s'en est repenti, puisque la populace, ameutée de nouveau, a entouré, sur le mail, le lieutenant de la maréchaussée Cadot, qu'elle a menacé d'écharper s'il n'ordonnait sur le champ de relâcher les prisonniers. »
V
Au milieu de ces alarmes, les Bernardines de Notre-Damedes-Prés s'étaient réfugiées, avec leur abbesse, à Troyes. Mlle Comparot de Longsols avait offert un asile à sa cousine Lasneret, l'une des notables religieuses de cette communauté.
« Recevez mes très humbles remerciements des offres gracieuses que vous avez la bonté de me faire, répondit la courageuse Bernardine ; l'amitié, dont vous m'honorez dans toutes les circonstances, me persuade du vif intérêt que vous voulez bien prendre à tout ce qui me concerne. J'étais effectivement chancelante dans toute cette bagarre. Nous avons préféré rester deux avec nos domestiques, au nombre de
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huit, en tout dix personnes. Je suis fort aise d'avoir pris ce parti; j'ai passé la nuit fort tranquille; j'ai fait coucher tous les domestiques; nous ne sommes restées que nous deux debout ; s'il fût arrivé quelque chose, je les aurais fait relever grand train...»
On rassura les habitants des faubourgs, à propos des paniques que des courriers allaient semant de tous côtés; la plupart rentrèrent dans leur domicile, ainsi que les religieuses de Notre-Dame-des-Prés.
Les mesures de rigueur prises contre les émeutiers de Troyes étouffèrent momentanément les ferments de discorde. Comparot de Longsols avait profité de ce calme, plus apparent que réel, pour se rendre auprès de son gendre, maître des forges d'Estravaux, près de Fresnes-Saint-Mammès, en Franche-Comté; de là, le 11 août, il raconta à Marie-Claude Comparot, sa fille, les péripéties de son voyage ; il commence par lui recommander de renfermer précieusement dans une boîte le bouquet envoyé par Mme Lecoq, l'éventail et les gants enfermés dans l'armoire de son cabinet de toilette, dont M. de Saint-Georges a la clef, et de prier M. Jacquinot d'expédier le plus diligemment possible la boîte par le courrier de Bedfort, à l'adresse de M. le chevalier de Corre, ancien officier des gardes du corps, à Vesoul.
La diligence se trouvait au complet, six hommes et deux femmes; parmi les hommes se trouvait le mari de la nièce d'une dame Garnier, belle-soeur de M. Garnier-Gillain, qui demeure près la porte Saint-Jacques, à Troyes; c'est un Languedocien fort aimable.
« Jusqu'à Chaumont-en-Bassigny, ajoute le magistrat en voyage, rien d'extraordinaire; mais à Chaumont, les portes étaient gardées par des compagnies bourgeoises ; on nous a demandé des passeports. La ville avait été jusqu'alors tranquille; mais, au dernier marché, il s'était trouvé beaucoup de seigle et peu de froment ; le peuple s'est mutiné; il n'a point voulu acheter de seigle ; il a crié que les gens riches n'avaient
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qu'à le prendre et leur donner le froment ; que, s'ils ne le faisaient pas de bonne grâce, il saurait bien le prendre de forcé. »
« Des paysans, à Chaumont, au nombre de deux cents, armés de bâtons, menaçaient tout haut de brûler les titres de terre chez tous les seigneurs du canton. Vingt des plus mutins ont été arrêtés ; mais les autres, revenus en force le lendemain, voulaient briser les portes de la prison ; il a fallu leur rendre leurs camarades. Dès lors, on a établi un Comité permanent, formé des compagnies citoyennes, dont M. Cottenet était l'un des capitaines; mais le peuple se prononça pour les paysans, destitua M. Cottenet et le força de monter la garde comme simple fantassin. On a écrit à Langres. Le prévôt, les brigades de maréchaussée, les dragons, ont été appelés à Chaumont. Les dragons se sont déclarés pour le peuple; ils ont menacé de piller le bureau des Aides, de brûler la cervelle du directeur, ainsi que du receveur et des deux contrôleurs. J'ai passé une partie de la matinée chez M. Gentil, où l'on m'a fait beaucoup d'honnêtetés. »
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Troyes n'était guère plus rassuré que Chaumont, et l'agitation que les meneurs y entretenaient s'accrut encore sous l'influence des décrets de l'Assemblée nationale et des coups qu'elle porta, dans la nuit du 4 août, à l'ancienne organisation sociale qui s'écroula au cri de liberté, avec les droits féodaux, les justices seigneuriales, la vénalité des offices et l'inégalité des i.npôts ; mais la liberté ne remplissait pas les coffres de l'Etat, ni ne sauvait les populations de la misère. « Si j'osais, écrit le 31 août Mme Jacquinot à M. Comparot de Longsols, j'envierais la vie agréable et tranquille dont vous jouissez en Franche-Comté ; je vous engage à la continuer pendant quelque temps, surtout jusqu'à ce que l'orage soit passé dans notre ville; car, depuis votre
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absence, il s'est passé des choses affreuses dont je ne vous fais pas le détail ; monsieur votre fils s'en est chargé. »
Ce dernier, en effet, avait écrit : « Il y a eu un tableau attaché à la Porte de Comporté, qui représentait à peu près M. de Saint-Georges enluminé, la tête tranchée, la croix à ses pieds, un fusil avec sa baïonnette; au bout de cette baïonnette était empalée la tête du commandant militaire. On a procédé, le 28 juillet, à la nomination de soixantequatre députés pour former un Comité et travailler conjointement avec Messieurs les officiers municipaux, lesquels ont été nommés quatre de chaque compagnie; ils ont pris séance d'accord et à l'amiable, dimanche au soir, par un procèsverbal affiché hier. Ce même jour, 28, il a été aussi nommé soixante-quatre officiers. On doit prendre jour pour faire dire une messe du Saint-Esprit, à laquelle assistera toute la ville.
« Messieurs de Chaource ont amené, hier, le respectable M. de Maison-Rouge sur une charrette, avec une botte de paille; il y était attaché avec des cordes. M. Regnault de Beaucaron l'accompagnait, avec un sergent de la milice bourgeoise, quatre fusiliers et deux cavaliers de la maréchaussée. On dit qu'il est dans nos prisons pour avoir maltraité M. le bailli de Chaource et avoir voulu battre la bourgeoisie sous les armes. La patrouille qui l'a amené à Troyes voulait savoir s'il fallait le conduire à Paris ; elle se chargerait de le transporter jusque-là. »
On ne jugea pas opportun d'obtempérer à ce désir, car Barbuat de Maison-Rouge figure sur la liste des suspects détenus au Grand Séminaire jusqu'au 21 fructidor an II de la République.
La question de l'alimentation continuait d'être à Troyes l'objet d'une vive sollicitude. Les mesures du Comité général et provisoire, insuffisantes ou mal combinées, ne remédièrent point à une disette qu'on exploitait contre les officiers municipaux ; on s'acharna principalement contre le lieutenant Saint-Georges et le maire Claude Huez, que leurs ennemis
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accusaient d'être des accapareurs. Ces bruits calomnieux, mis en circulation au milieu de l'effervescence populaire, eurent des résultats lamentables. On ne saurait rappeler, sans un sentiment d'indignation, l'horrible drame où le maire Claude Huez, malgré son dévouement au bien public, tomba le 9 septembre victime des fureurs du peuple.
VII
Les magistrats, les fonctionnaires, les négociants, tous les hommes intéressés au rétablissement de l'ordre se groupèrent en compagnie de grenadiers et de chasseurs, sous le commandement d'anciens officiers de l'armée. Leur énergique attitude, jointe au zèle éclairé de l'avocat Nicolas Parent, rendit aux bons citoyens le courage et l'influence. C'est à ce revirement que fait allusion M. Jacquinot dans sa lettre du 14 septembre :
« Il paraît, écrit-il à son ami Comparot de Longsols, que le parti des honnêtes gens est supérieur. Truelle de Chambouzon ne jouit plus de la même confiance. Le Comité a reçu du Ministère une lettre que M. Parent a rapportée hier ; le Ministère se plaint amèrement de la conduite que l'on a tenue envers M. Huez ; on assure que le roi lui-même en a témoigné, par écrit, son indignation. M. Le Grand, prévôt de Châlons-sur-Marne, est attendu, dit-on, avec une soixantaine de cavaliers de maréchaussée pour faire le procès aux coupables; on en a arrêté dix ce matin, et l'on continue d'en arrêter...
« La porte de la Tannerie, la porte de Comporté et la porte de la Madeleine restent fermées ; on ne laisse plus sortir personne par les autres portes sans un passe-port. Mademoiselle votre fille et Monsieur votre fils en prendront chacun un. Vous ferez rafraîchir le vôtre au premier endroit où vous serez connu. En allant prendre un laisser-passer pour Mouillefarine, j'ai vu sortir du corps de garde de l'Hôtel de
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Ville vingt-cinq prisonniers qu'on conduisait à la prison; ils étaient arrêtés depuis hier soir, non compris ceux arrêtés auparavant, qui sont en nombre. Je crois que l'on fera un exemple frappant. »
Comparot de Longsols, profondément découragé par ces violences et par les dégâts sans cesse renouvelés dans son domaine seigneurial, écrivit, le 17 septembre, à l'intendant de Champagne cette touchante supplique :
« J'ose me flatter, après avoir eu l'honneur de me présenter plusieurs fois à votre audience, d'être connu de votre Grandeur comme un bon citoyen. Je crois avoir rempli en honnête homme, depuis vingt-et-un ans, les fonctions de ma charge de conseiller au bailliage de Troyes. J'ai pu me tromper; mais, au moins, ai-je eu les intentions les plus droites. Mes concitoyens m'avaient honoré de leur confiance en me nommant, il y a deux ans, échevin de la ville. J'ai apporté tout le zèle dont j'étais capable pour leur être utile. Je ne m'attendais pas à leur devenir suspect, ainsi que tout le corps municipal et un grand nombre d'honnêtes gens. Je ne m'attendais pas aux horreurs qui viennent de se passer et qui flétrissent à jamais ma malheureuse patrie. J'étais en Franche-Comté, chez ma fille, pendant qu'on massacrait et pillait mes voisins, mes parents, mes amis, M. le chevalier de Saint-Georges et M. le maire Claude Huez.
« Conseiller au bailliage comme ce dernier et échevin, j'aurais fait mon devoir jusqu'au dernier soupir, et j'aurais infailliblement subi le même sort ; actuellement, mon coeur est flétri par la douleur la plus profonde. J'ai toujours été d'une complexion délicate; ma santé est, depuis six mois, altérée considérablement par les sollicitudes continuelles et par les affreuses catastrophes dont j'ai été témoin à Paris, en Franche-Comté et à Troyes. Voisin de M. de Saint-Georges et de M. Claude Huez, je ne puis exprimer combien mon coeur a été déchiré en rentrant chez moi. Proscrit comme tous les officiers municipaux, je n'ai osé d'abord rentrer à
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Troyes ; je n'ai osé me retirer dans ma terre, dont les habitants ont tué mes pigeons, ravagé mes garennes, arraché les plants, chassé les lapins, pris les armes pour détruire tout le gibier, pêché dans les fossés de l'enceinte de ma cour, menacé de se porter aux dernières extrémités contre mon concierge; je n'ai donc d'autre parti à prendre que de me réfugier chez ma fille, miraculeusement échappée au pillage de son canton.
« Ma fortune est très médiocre ; elle ne peut que souffrir beaucoup de tout ce désordre et de mon déplacement; il me restera l'honneur et l'espérance que mes enfants n'oublieront pas que leurs ancêtres ont, depuis plusieurs siècles, défendu leur patrie au péril de leurs biens et de leur vie. Je vous supplie, Monseigneur, de m'accorder votre protection pour arrêter la fureur des habitants de Longsols. Comme je ne puis plus être utile à ma malheureuse patrie, j'espère que Sa Majesté voudra bien accepter la démission que j'offre volontairement de ma charge de conseiller. En mon absence, j'ai été nommé chef du Comité des subsistances. Mes chagrins, mon peu de fortune, ma mauvaise santé, ne me permettent pas d'accepter cette place. La vie la plus obscure est celle à laquelle j'aspire depuis longtemps. »
Le bailliage de Troyes, sur le réquisitoire de l'avocat Nicolas Parent, déclara illégal l'exercice du Comité soi-disant général et provisoire. Dès le 23 septembre, M. de Corre avait écrit de Vesoul à son ami Comparot :
« Le tableau des scènes brutales qui vient de paraître sous mes yeux m'a autant surpris qu'indigné ; il sera à jamais inconcevable qu'une ville aussi considérable ait laissé froidement commettre dans son sein de pareilles abominations. Comment, quarante malheureux ont impunément, et sans obstacle, exercé leur fureur sur un citoyen en place, sur un homme vertueux ! Quelle tache pour la capitale de la Champagne ! Croyez-moi, Monsieur et cher ami, quittez ce lieu et vendez vos propriétés, et venez avec votre intéressante 1895 2
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famille habiter parmi nous. Occupez-vous en même temps, avec M. Hervé, de la vente de ce qui encore m'appartient dans votre province, afin de ne pas être dans le cas d'y retourner. Si vous n'acceptez pas, ainsi que je le pense, la place qui vous est offerte de président du Bureau des subsistances, vous ne resterez pas à Troyes; et puisque, selon toute probabilité, vous vous retirerez à la campagne, je crois que vous n'hésiterez pas à préférer celle de Fresnes-SaintMammès; j'en serais d'autant plus flatté que nous poumons voisiner et entretenir les sentiments d'amitié qui m'ont toujours fait le plus vif plaisir. »
L'indignation publique réclamait des mesures de justice contre les auteurs et les complices de la sanglante journée du 9 septembre ; mais, pour garantir l'indépendance de la procédure, il convenait d'avoir recours à des juges étrangers. Le procureur Noché se fit l'interprète de cette opinion :
« Je t'envoie ma lettre à la Compagnie, écrit-il de Sézanne en Brie, le 24 septembre, à son ami Comparot de Longsols; tu y verras ma profession de foi sur ce que nous avons à faire dans la circonstance. Lorsque les placards ont été affichés, tu étais absent, et cela peut ne pas être aussi présent à ton esprit qu'au mien, parce que j'y étais. Dès l'instant que j'ai appris ces malheurs, j'ai pensé qu'il fallait des juges étrangers. Le nombre immense des accusés et des personnes qui peuvent se trouver compromises, tout me confirme dans cette idée, et j'espère que la Compagnie pensera de même.
« Quant à moi, mon parti de n'en pas connaître est pris ; il n'est pas un seul des honnêtes gens de ce pays-ci qui ne pense de même. Je crois que c'est la façon de penser du public de Troyes; c'est la plus noble ; c'est la plus sûre ; si, par l'événement du procès, une moitié des accusés se trouvait coupable, serait-il en place qu'une punition aussi terrible que celle qui s'en suivrait fût l'ouvrage de quelques citoyens? Quelle suite de haines, de vengeances! Et qui pourrait se flatter d'en voir la fin? Si la justice ne pouvait se
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faire autrement, je sais que notre malheureux pays nous y astreindrait ; mais une Commission demandée par nous ferait le même effet, et cette demande nous ferait honneur ; quant à M. Sourdat, toi et moi, proscrits par ces infâmes, comment éviterions-nous, aux yeux du public, le soupçon tout naturel d'un ressentiment inévitable ? La punition paraîtra vengeance ; le procès, esprit de parti ; et guerre, dont nos descendants recueilleront des fruits amers. J'ai souvent vu en noir; on ne m'a pas cru, et le comble des malheurs a justifié mes prophéties.
« Le peuple est à présent tout autre chose que ce qu'il était il y a un an; ses moeurs ont changé par les exemples; il sent son influence ; quelques-uns en abusent étrangement. A mon avis, vouloir juger cette affaire est la même chose que de prendre le parti de s'expatrier; et, avant notre mort, nous aurions le temps de nous en repentir. Voilà comme je vois ; voilà comme je sens ; je concourrai avec la Compagnie à demander une commission étrangère, si elle pense de même. Pour juger, rien au monde ne pourra m'y contraindre, ni m'obliger à me rendre condamnable en le faisant, quoique ma conscience m'en détourne. Tu es sage et prudent; brûle ma lettre, après y avoir réfléchi pour ton compte; tu voudras bien cacheter ma lettre à la Compagnie. Je compte être à Rhèges après-demain, faute de chevaux. »
VIII
Le 30 septembre, les échevins et les notables rentrèrent en fonctions.
Au commencement de la séance, Comparot de Longsols, nommé maire, prononça l'oraison funèbre de l'infortuné Claude Huez.
« Messieurs, dit-il, en reprenant leurs pénibles fonctions, il est bien douloureux pour les officiers municipaux, qui se
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trouvent aujourd'hui réunis, de ne plus voir à leur tête le magistrat respectable dont la fin tragique déshonore à jamais notre malheureuse ville. Les vertus, les lumières de M. Huez, après lui avoir mérité les éloges du roi, des ministres et de la nation entière, devaient lui, assurer la reconnaissance de tous ses concitoyens. Ce magistrat si digne, à tant de titres, de nos regrets, est péri au milieu de nous, sous nos yeux, victime et martyr de son patriotisme, de son héroïque fermeté, de son amour pour la justice.
« Averti de la fin funeste dont il était menacé, sollicité, prié par ses amis et ses parents de se soustraire par la fuite à la fureur et à la haine de ses ennemis, il a fermé l'oreille à leurs avis, parce que son devoir lui dictait impérativement de ne pas quitter le poste honorable et périlleux auquel la Providence l'avait placé ; fort de sa bonne conscience, il n'a pu se persuader qu'aucuns de ses concitoyens osassent porter la méchanceté jusqu'à attenter aux jours du chef qu'ils s'étaient eux-mêmes choisi, qui n'avait jamais eu d'autre ambition que de leur être utile, qui avait consacré cinquante ans de veilles pour les faire jouir du bonheur et de la tranquillité qu'il leur désirait avec ardeur.
« Et c'est au milieu de nous, Messieurs, que ce sénateur vénérable a été arraché du sanctuaire de la justice, qu'il a été massacré de sangfroid ! Mais tirons le rideau le plus épais sur cette scène horrible que la postérité ne pourra croire ! Pleurons le juste dont nous sommes si malheureusement privés ! Faisons retentir les temples de nos prières et des éloges que nous devons à sa mémoire ! Soyons dans le deuil ! Enfin, érigeons un monument qui, en rappelant à nos descendants ses vertus, ses lumières, leur apprenne à être comme lui les protecteurs de la veuve et de l'orphelin, les pères des pauvres, et des juges incorruptibles.
« Surtout, Messieurs, souvenons-nous sans cesse que plusieurs siècles ne suffiront pas pour effacer la tache honteuse dont nous nous sommes flétris; qu'il n'y a dorénavant que le plus entier dévouement au bien public, au salut de la patrie,
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au soutien du trône, qui puisse à la longue faire revenir l'univers étonné de l'horrible prévention que nous a méritée cet incroyable parricide. Quant à nous, Messieurs, nos regrets, l'affliction profonde dont tant de malheurs nous pénètrent, ne nous permettraient pas de reprendre l'administration de la commune. C'est un poids d'autant plus au-dessus de nos forces, qu'il augmente progressivement à chaque instant; mais nous comptons sur les conseils des notables que nous prions avec les plus grandes instances de nous secourir constamment de leurs lumières.
« J'ai l'honneur de vous proposer de commencer par employer tous les moyens qui peuvent dépendre de nous pour que les impôts soient perçus comme ils l'étaient avant ces affreux instants de désordre et de calamité publique. »
En conséquence, l'échevinage offrit une prime de trois cents livres aux cultivateurs qui apporteraient le plus de grains au marché, et chargea la garde citoyenne et les troupes de prêter main-forte aux percepteurs pour le paiement des impôts.
IX
Mais les journées des 5 et 6 octobre, triomphe de la force populaire sur la puissance royale, fournirent bientôt aux passions politiques un nouvel aliment. On soupçonnait des projets de vengeance de la part des classes aristocratiques ; on s'inquiétait des intentions secrètes du roi, qui n'avait accepté que certains articles de la Déclaration des droits de l'homme. Les hussards et les Suisses en garnison à Troyes campèrent, avec armes et bagages, toute la matinée du 7 octobre, sur la place Saint-Rémi; dans la relevée, ils rentrèrent dans leurs quartiers, tandis que les gardes du corps, menacés de suppression, quittaient la ville pour revenir quelques jours plus tard en plus grand nombre. Ces manifestations confirmèrent les bruits qui circulaient
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dans une partie de la population troyenne. On racontait que Louis XVI allait arriver et que les gardes du corps avaient préparé, pour le recevoir, un banquet où ils se joindraient aux officiers des hussards et des Suisses.
L'avenir paraissait sombre. Aussi, les fonctions de maire étaient-elles extrêmement périlleuses ; il fallait consolider le rétablissement de l'autorité légale et prévenir l'explosion des passions populaires.
« Je vous plains bien sincèrement, écrit le 10 octobre un anonyme, désigné sous les initiales H. D. C, à Comparot de Longsols, de vous voir dans des places qui, dans un temps aussi critique, ne sont pas sans beaucoup de dangers et demandent beaucoup de modération. Je ne doute point qu'à tout événement vous ne pensiez à vous ménager des ressources contre tout danger. Nous étions déjà bien inquiets au sujet de ce pauvre M. de Saint-Georges. Le voilà de nouveau exposé, mais avec beaucoup plus de danger. Il ne paraît pas que le chevalier Angenoust soit du nombre des prisonniers. «
De Saint-Georges, dont parle cette lettre, se trouvait à Mantes, quand il répondit aux officiers municipaux ; ceux-ci, dans leur délibération du 5 octobre, l'avaient désigné pour aider à l'organisation d'une garde nationale volontaire. La situation réclamait la vigilance la plus ferme.
« Recevez, mon cher voisin, écrit le 16 octobre de SaintGeorges à Comparot de Longsols, mes tendres et sincères remerciements pour l'offre généreuse que vous avez la bonté de me faire et que je trouve consignée dans la délibération de Messieurs les officiers municipaux. J'accepterais avec grand plaisir, non votre maison, mais un appartement chez vous, dans le cas où ils croiraient convenable que j'arrive à Troyes le plus tôt possible. J'accepterais à condition que cela ne vous nuira, ni gênera en aucune manière, et seulement pour le temps nécessaire aux réparations d'un appartement chez moi.
« Ma femme n'arrivera pas en même temps que moi ; je
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pourrai, je l'espère, faire préparer quelque coin pour la recevoir, avec nos enfants. J'écris aujourd'hui à Messieurs les officiers municipaux pour les remercier de l'envoi qu'ils m'ont fait de votre délibération ; je leur dis les raisons qui m'ont retenu jusqu'à présent et m'ont privé du plaisir de vous embrasser. Examinez ces raisons, mon cher voisin; je n'y tiens aucunement; si vous les jugez mauvaises, marquezle moi, et je vous assure que je serai bientôt avec vous ; je ne désire et ne veux que le bien ; dès que ma présence à Troyes pourra l'opérer, qu'on me le dise, et je suis prêt à m'y rendre; mais faisons en sorte de ne nous pas tromper sur les moyens. »
Ensuite, le voisin de Comparot de Longsols, témoin des événements de Versailles, les raconte avec une émotion sincère :
« Vous savez la scène affreuse que nous avons eue à Versailles, la nuit du 5 au 6 octobre ; cette nuit malheureuse sera une grande époque dans l'histoire de la monarchie française, mais nos neveux ne la croiront pas ; ils la traiteront de fable. Comment pourraient-ils jamais s'imaginer que le premier, le plus grand, le plus puissant roi de l'Europe, ait été forcé de quitter sa demeure ordinaire pour aller où l'a voulu conduire une populace effrénée, mal armée, demivêtue, des malheureux enfin auxquels, dans la rue, chaque passant donnerait l'aumône. Ce n'est pas la garde nationale de Paris qui a demandé que le roi allât dans cette ville; cette garde n'était venue que pour empêcher le désordre, et fort heureusement qu'on y est venu; car, sans elle, de tous les gardes qui étaient à Versailles, peut-être n'en existerait-il pas un seul.
« Il y en a environ cinq cents qui ont passé la nuit à notre hôtel; j'y étais; je dois leur rendre la justice de dire qu'il est impossible de se comporter avec plus de décence et d'honnêteté; je dis plus : c'est à eux et aux grenadiers, c'est à M. de la Fayette, à qui huit brigadiers ou gardes, qui étaient
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avec moi, doivent la vie ; sans eux, c'en était fait à la suite de cette cruelle séance, qui dura trois quarts d'heure; toujours entre la vie et la mort, j'ai passé quatre heures dans le cabinet du roi, avec toute la famille royale. Ah ! mon cher voisin, dans quel état était cette auguste famille! Que de choses touchantes ils disaient à tout ce qui les environnait! Ils partirent vers midi et demi. Je me retirai alors pour aller chercher mes camarades qui avaient été forcés de reculer vers Rambouillet. J'ai été un jour et demi sans apprendre de leurs nouvelles. Ce n'est qu'à Paris que j'ai appris où ils étaient; je suis allé les rejoindre et je ne les ai quittés qu'après avoir reçu les ordres du roi pour notre réparation. Je suis revenu ici où j'ai reçu, hier soir seulement, la lettre de ces Messieurs de la ville à laquelle je réponds aujourd'hui. »
Mme la chevalière de Saint-Georges n'était pas éloignée d'accepter l'offre ; s'expatrier lui aurait infiniment moins coûté qu'à son mari ; elle avait été si horriblement maltraitée à Troyes qu'il n'est point étonnant qu'elle éprouvait de la répugnance à y revenir.
« Je n'ai encore pris aucun parti à cet égard, ajoute le voisin de Comparot de Longsols ; mais, très certainement, tant que les gardes du corps existeront et qu'ils seront à Troyes, j'y serai; après cela, Dieu en ordonnera. Mille compliments à Messieurs et Dames de notre société. Mesdames et Monsieur Noché sont sans doute à la campagne; qu'ils y soient tranquilles; c'est le plus grand bonheur que je puisse leur souhaiter. »
Les dissensions intestines continuaient à rendre excessivement délicates les fonctions de maire, que remplissait d'ailleurs avec sagesse Comparot de Longsols.
« Il est difficile, lui écrivait le 26 octobre son gendre, de n'être pas effrayé de vous voir remplir des fonctions périlleuses, malgré que nous sentions que c'est un devoir pour chacun de remplir à tous risques les places où nous sommes élevés, surtout lorsqu'elles tendent au bien de nos concitoyens. Si
tous les honnêtes gens refusaient de se dévouer aux emplois pénibles, il faudrait, en même temps, chercher la retraite la plus profonde pour se soustraire aux excès auxquels se porterait le reste de ces êtres qui se disent des hommes.
« J'ai fait passer à M. de Corre votre imprimé, après l'avoir lu moi-même, lecture qui nous a renouvelé des sentiments d'horreur que nous avions précédemment éprouvés. Ce qui me scandalise, c'est l'indolence, l'inactivité des bons citoyens contre une petite troupe de malheureux. Je ne puis amener mes réflexions à les excuser. Heureusement, aujourd'hui, les voilà avec plus d'activité; mais c'est trois mois après les autres villes, et même les campagnes de ce pays. »
Le même écrit à son beau-frère, qui faisait partie de la compagnie de chasseurs récemment formée à Troyes :
« Je me reproche souvent ma négligence ; mais, quoique guerrier aujourd'hui, vous êtes pacifique et vous me pardonnerez, je l'espère. Votre soeur désire que vous lui donniez quelques détails sur la formation de votre compagnie; si vous vous exercez aux manoeuvres; si vous avez pris un uniforme ; elle désirerait aussi savoir s'il y a, dans les gardes du corps tués à Versailles, quelqu'un de sa connaissance. Vous en avez sans doute les noms chez vous. Je n'ai point de nouvelles à vous apprendre, si ce n'est la mort de ce charmant personnage dont, cependant, l'on n'osait pas approcher, crainte d'épidémie, enfin de M. de Fedry. Si son âme est allée faire en paradis des grimaces pareilles à celles qu'il faisait sur terre, il pourrait bien le faire déserter; si, au contraire, c'est dans son antipode, il ne trouvera guère de gens en faisant de plus affreuses; priez Dieu pour lui, à tout hasard. »
Le martyre de Claude Huez et le dévouement de Comparot de Longsols, son successeur, avaient du retentissement jusque dans les provinces voisines.
« J'ai lu avec une extrême sensibilité l'historique de l'assassinat affreux commis sur la personne de M. Huez, écrit
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M. de Corre, le 3 novembre, à M. Comparot de Longsols; quand on lira, dans les siècles à venir, pareille horreur, on aura peine à croire que des hommes en aient été susceptibles. J'ai appris, dernièrement, que vous aviez eu le courage de remplacer, dans ces temps fâcheux, votre malheureux et respectable confrère; je loue votre patriotisme; si la considération que vous méritez, l'estime générale, vos qualités personnelles, vous ont élevé à cette place dangereuse, je me persuade que vos concitoyens, ayant su rendre justice à votre mérite, sauront veiller sur votre personne. »
X
La lutte entre le Comité provisoire, le bailliage et la municipalité se poursuivait ardente et opiniâtre, non seulement par la publication de brochures et d'articles de polémique, mais encore par des protestations et des démarches auprès de l'Assemblée nationale. Les officiers municipaux et les membres du bailliage se défendirent énergiquement contre les attaques de leurs adversaires. L'avocat Parent et le docteur Gillet furent envoyés par eux à Paris, pour solliciter le droit de poursuivre les auteurs des écrits mensongers répandus dans le public et pour demander le maintien de l'administration locale actuellement subsistante. Une délibération municipale du 22 octobre leur confiait cette mission.
« Nous sommes arrivés, hier, entre neuf et dix heures du matin, écrivent-ils en date du 24 octobre; nous nous sommes rendus sur le champ au parquet; là, nous avons appris que le nouveau Code criminel était en pleine exécution au Parlement, au Châtelet et à la Prévôté; qu'il serait même dangereux de ne pas s'y conformer, parce que les ministres même sont mandés et se trouvent inculpés, lorsqu'on les soupçonne de lenteur dans l'envoi des décrets de l'Assemblée nationale. M. Laurencel nous a fait, à cet égard, une obser-
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vation qui nous a paru décisive, c'est que, quant même nous obtiendrions que la loi ne fût pas envoyée à M. le Prévôt général, il serait toujours impossible qu'il jugeât suivant les anciens errements, parce que le bailliage de Chaumont, commis pour juger avec lui, ayant reçu et enregistré la loi, ne pouvait, sans se compromettre, juger d'après l'ancienne.
« Du reste, nous lui avons demandé des conseils sur le mode de jugement; il s'est borné à nous dire que c'était à M. le Grand-Prévôt à donner à cette affaire la plus grande célérité, et qu'il était sûr que Messieurs les officiers du bailliage de Chaumont le seconderaient de tout leur zèle. Nous lui avons parlé ensuite du Comité; il nous a rassurés, et nous a dit que nous pouvions être tranquilles; que, s'il se présentait au Parlement à l'effet d'y introduire un provisoire, il y serait bien reçu, et que le provisoire serait joint au fond, ce qui donnerait le temps à l'établissement des nouvelles municipalités; qu'alors ces Messieurs n'auraient sûrement nul intérêt de suivre, puisque, plaidant contre M. le Procureur général, il n'aurait ni dépens, ni dommages-intérêts.
« Delà, nous nous sommes rendus chez M. le Garde des sceaux, qui nous a reçus avec beaucoup d'honnêteté ; il nous a témoigné la meilleure volonté de favoriser la ville de Troyes; mais il nous a assurés en même temps qu'il ne pouvait rien pour nous dans la circonstance présente; que l'envoi même à M. le Prévôt général était fait; qu'en conséquence, il était impossible de se soustraire à la loi nouvelle; que, cependant, pour débarrasser la procédure de tout ce qui était inutile, il pouvait, en donnant des conseils aux accusés, faire demander, par ceux qui ne seraient pas coupables, un élargissement provisoire qu'il leur accorderait à la charge de se représenter à la première réquisition ; qu'à ce moyen, les prisons se trouveraient suffisantes pour que la santé des criminels ne fût point en danger. Il nous a dit qu'à Paris, au moins pour les cas prévôtaux, on se bornait à donner communication, sans déplacer, de toute la procédure, aux conseils des accusés ; et que, dès le lendemain, M. le Prévôt jugeait. Nous nous
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sommes, de là, rendus au Châtelet; les agents de M. le Grand-Prévôt nous ont assurés que cette forme avait été suivie dans l'affaire des assassins d'un boulanger et qu'elle serait adopté dans tous les cas prévôtaux. »
Dans la matinée du 30 octobre, l'avocat Parent et le médecin Gillet se présentèrent au Comité des rapports de l'Assemblée nationale; mais le député Alexandre Bouchotte ne s'y trouvait pas; ils ne purent y être admis. Vers dix heures du soir, Bouchotte alla les voir ; il leur dit qu'il avait reçu la lettre de ces Messieurs de la ville et qu'il y était très sensible. En même temps, il leur apprit qu'un rapporteur avait été nommé pour une affaire de Comité, mais que le rapport ne pourrait en être effectué avant le lundi.
« Nous verrons dans la journée, s'il est possible, écrivent, le 31 octobre, les deux délégués, si l'affaire en question est celle de nos adversaires; en cas d'affirmative, nous demanderons à l'Assemblée, qui juge habituellement sur le rapport d'une seule partie, d'être entendus contradictoirement ; notre Mémoire alors sera d'une nécessité indispensable; j'aurai l'honneur de vous écrire demain ce que nous aurons découvert. »
XI
Le calme était plus apparent que réel à Troyes, oh il y avait deux causes permanentes de désordre : la disette, toujours croissante, et l'absence de toute autorité respectée. Le bailliage et la municipalité envoyaient, en différentes localités de la Champagne et de la Brie, opérer des chargements de blé; comme les campagnes étaient affamées non moins que les villes, on faisait escorter les convois par des soldats de la Garde nationale ; on vivait au jour le jour, dans de mortelles inquiétudes pour le lendemain; les officiers du bailliage, dévorés de soucis, travaillaient à maintenir l'ordre, pendant que ceux de la municipalité attendaient à chaque instant une émeute.
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« Nous sommes convenus d'écrire à Messieurs de la municipalité de Paris, disent-ils à leurs délégués Parent et Gillet; nous vous envoyons copie de notre correspondance. La demande que M. Truelle-Lemaire a faite est conforme à sa conduite de zélateur. On a voulu nous exclure du marché de Provins. On parcourt les petites villes : Nogent-sur-Seine, Sézanne, Villenauxe et autres. Nous vous prions de remettre notre réclamation, si vous ne craignez pas qu'elle donne de l'humeur à ces Messieurs de Paris; enfin, adressez-nous vos réflexions et agissez de votre mieux pour nos subsistances. Le marché en froment est beau aujourd'hui, 1er novembre; notre sentence de liberté a produit le meilleur effet. Si tous nos voisins faisaient de même, nous ne doutons pas que l'abondance ne renaisse, même à Paris. Nous sommes persuadés que le calcul de consommation journalière de la Capitale est faux. »
« Nous avons reçu vos lettres et mémoires, répondirent, le 2 novembre, Parent et Gillet; nous nous sommes, en conséquence, rendus au Comité de rapport; nous y avons parlé de la suppression du Comité et du Mémoire que nous nous proposions de fournir. Nous avons lieu d'être satisfait des dispositions du bureau ; mais il y a lieu de penser que l'affaire du procès-verbal de Messieurs de Chaumont et de M. Lucot d'Hauterive ne leur a pas encore été renvoyée, car ils n'en étaient pas instruits. Dès qu'ils en auront connaissance, nous plaiderons cette cause, mais nous nous attendons à la perdre; nous savons que l'Assemblée n'entend point déroger, ni apporter de retard à l'exécution de ses décrets sanctionnés.
« Quant au Comité, on nous a dit qu'il y avait un député du bailliage de Troyes qui, dans cette affaire, demande à être entendu; il a été convenu qu'on nous mettrait en présence. Nous nous sommes rendus, ce soir, à l'Hôtel de Ville de Paris, comme nous l'avions annoncé, et nous avons été admis au bureau des subsistances ; nous avons trouvé ces Messieurs très honnêtes, persuadés que nous manquions de
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grains ; mais ils ont prétendu que nous pouvions en trouver dans le reste de la province. Nous leur ayons démontré que leur assertion était fausse; et que, fût-elle vraie, il ne nous serait pas encore possible de tirer nos subsistances de cette province, parce que le Perthois était le seul canton dont nous pourrions espérer quelques secours, et que Messieurs de Vitry-le-François s'opposaient absolument à aucune exportation ; cette réponse, prononcée avec vigueur, les a adoucis. « Ces Messieurs nous ont avoué qu'ils avaient vu des députés de la ville de Provins ; que ces députés leur avaient exprimé de la façon la plus décidée leur désir de venir à notre secours et qu'ils étaient convenus avec eux, comme ils convenaient avec nous; qu'il était juste que nous achetions concurremment avec eux; qu'ils avaient donné l'ordre aux électeurs qui étaient à Provins de ne point s'opposer à cet approvisionnement, et spécialement de laisser porter à Troyes tout le pain que les boulangers ou les particuliers voudraient y faire passer; ils ont même ajouté qu'ils donneraient des ordres pour qu'en cas de besoin il nous fût cédé sur leurs propres approvisionnements, ne désirant rien autre chose que de vivre fraternellement avec nous et de se prêter à nos besoins, ainsi qu'ils espèrent que nous nous prêterons aux leurs. »
XII
D'après les conseils du président Fréteau et les avis du procureur-général, l'avocat Parent et le docteur Gillet travaillaient sans relâche à leur long Mémoire, parce que le Comité, soutenu par Etienne Baillot, natif d'Ervy-le-Châtel, député du bailliage de Troyes, sollicitait au Comité des rapports une prompte décision : « Ce Mémoire, disent les délégués dans leur correspondance du 5 novembre, est plus nécessaire que jamais dans la circonstance, parce que l'Assemblée, qui ne voit que peuple, qui ne veut de magis-
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tratures que celles élues par le peuple, pourrait bien rétablir le Comité, si nous ne parvenons à lui persuader que la partie du peuple qui l'a choisi a été trompée, qu'il n'a pas été le résultat de la volonté générale, et que sa suppression est bien plus, évidemment, le résultat de cette volonté, parce qu'elle a été effectuée par les citoyens eux-mêmes sous les armes, d'après la conduite et les gaucheries du Comité. Si l'organisation des nouvelles municipalités n'était pas prête à s'effectuer, nous craindrions que l'Assemblée, sourde à nos raisons, ne rétablisse le Comité; mais nous nous flattons qu'elle décidera qu'il n'y a pas lieu à délibérer et que toutes choses demeureront en l'état.
« Je vous ai fait passer le Mémoire des frères Chaperon et la réclamation de leur famille. M. Parent a instruit Messieurs les officiers du bailliage que le Comité des rapports avait statué sur cette affaire et avait chargé son président de se retirer par devers M. le Garde des sceaux pour lui donner des ordres d'adresser sans délai la nouvelle loi aux maréchaussées. Les soeurs des Chaperon étaient à la décision de cette affaire ; et, en faisant diligence, elles ont pu écrire de façon que la nouvelle en soit arrivée aujourd'hui à Troyes.
« Le grain et le pain sont toujours très rares ici. Nous pensons cependant qu'il faut se tranquilliser, relativement à Provins. D'abord, l'Assemblée nationale paraît occupée de cet objet pour lequel elle reçoit des réclamations de toutes parts. En outre, il est très sûr que le Comité des subsistances de Paris est, à notre égard, dans les meilleures dispositions. Non seulement M. de Vauvilliers nous en a assurés à la tête de son bureau ; mais il a répété les mêmes assurances à M. de Saint-Georges chez Madame Necker. M. de Saint-Georges paraît décidé à ne point se rendre à Troyes avant le jugement des criminels ; et, si le Comité était rétabli, il y a toute apparence qu'il n'y viendrait pas. En effet, ce Comité ferait retirer les troupes, nous en sommes presque assurés, et même nous avons fait, auprès du Ministre, des démarches pour qu'il n'en fît rien. M. de Saint-Priest nous a promis de s'y opposer.
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Dans ce cas, la présence de M. de Saint-Georges serait inutile; il n'y aurait peut-être pas sûreté, pour certaines gens, d'y rester.
« Avez-vous promulgué la loi martiale ? C'est une cérémonie à laquelle il ne faut pas manquer ; il faut même y mettre beaucoup d'appareil. Voici comme elle s'est faite à Paris et dans les villes voisines : Les officiers municipaux, costumés et escortés des gardes citoyennes et militaires, se sont rendus dans les différentes places; ils étaient précédés des tambours et trompettes et des deux drapeaux rouge et blanc ; ils ont fait lecture de la loi. Je vous conseille d'en faire autant pour qu'on ne puisse vous inculper à cet égard auprès de l'Assemblée nationale. »
Dès le lendemain, 6 novembre au soir, Parent et Gillet, qui rendaient compte de leur mission presque jour par jour, écrivirent à Messieurs de la ville : « Vous avez appris, par nos lettres d'hier, que nous n'étions ni décrétés ni pendus ; nous espérons même sortir d'ici sans qu'il nous arrive d'accident. C'est, comme nous vous l'avons marqué, M. Baillot qui sollicite pour M. Truelle ; il paraît même que ce dernier n'ose pas se montrer; car, c'est son solliciteur qui présente ses Mémoires et fait toutes les démarches nécessaires. Nous avons remis aujourd'hui à M. Le Camus, président de l'Assemblée nationale, le Mémoire relatif aux municipalités que vous nous avez adressé ; il nous a promis de le renvoyer sur le champ au Comité de constitution pour y avoir tel égard que de raison. Nous avons appuyé ce Mémoire de nôtre mieux.
« Nous avons aussi parlé à M. Le Camus de l'affaire du Comité ; nous l'avons prié de ne pas permettre qu'elle fût présentée par le Comité à l'Assemblée nationale avant que nous fussions entendus ; il nous l'a promis ; mais nous craignons toujours quelque surprise, parce que le député, M. Baillot, est sans cesse à harceler le Comité ; il est bien singulier que ce jeune homme, qui ne connaît Truelle que par l'intérêt qu'il prend à son cousin Barbuat de MaisonRouge, le serve si chaudement et mette autant d'acharnement
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contre une ville à laquelle il doit s'intéresser et que nous lui avons dit être dans le plus grand danger si le Comité était rétabli. N'y aurait-il pas quelque ressort caché? C'est ce que nous n'osons nous permettre de soupçonner.
« Nous craignons aussi que Mirabeau et Dubois de Crancé ne soient prévenus dans cette affaire. Le premier a proposé à l'Assemblée de dénoncer les Parlements et quelques municipalités. Le second a fait une motion furieuse contre M. Lucot d'Hauterive, relativement à l'affaire des Chaperon.
« Au surplus, il est inutile que vous vous flattiez de voir finir l'affaire d'après la loi ancienne ; il a été donné les ordres les plus positifs d'envoyer la loi nouvelle, et, sûrement, elle sera parvenue à M. Lucot avant que vous receviez cette lettre. Truelle a répandu à profusion ses Mémoires dans les différents districts de Paris. Nous ignorons quel effet il a pu faire sur ces demi-législateurs ; au reste, nous ne pensons pas que nous devions faire aucune démarche à cet égard.
« Dès que vous aurez promulgué la loi martiale, vous nous ferez passer le procès-verbal de son enregistrement et de sa promulgation ; vous y joindrez aussi le certificat d'enregistrement du décret sanctionné sur la circulation des grains, afin que nous le remettions à l'Assemblée, à l'effet de faire preuve de diligence et pour ne pas encourir la forfaiture prononcée par le décret d'hier contre les municipalités et autres tribunaux qui n'enregistreraient pas sur le champ. Voyez entre vous s'il ne serait pas expédient, pour tranquilliser le peuple, de lui annoncer par une affiche qu'il est trompé; qu'on cherche à le prévenir contre des citoyens honnêtes prêts à tout sacrifier pour sa subsistance ; que, si l'esprit de révolte auquel on le porte subsiste, ces citoyens, pour se mettre à l'abri de toute insulte, seront forcés d'abandonner la ville ; qu'alors les charités cesseront et que, livré à lui-même et sans ouvrage, il sera exposé à mourir de faim ; qu'en vain espérerait-il trouver des secours dans les personnes qui le guident en ce moment ; que la plupart sont dans l'impuissance de le secourir, etc..
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« Ceci n'est qu'un conseil; communiquez-le aux personnes capables de vous conseiller, à MM. l'Évêque et son coadjuteur, par exemple. En un mot, faites tout ce qu'il dépendra de vous pour adoucir le peuple et le garantir de la prévention. Sauriez-vous ce que penseraient et feraient les chasseurs, les grenadiers, arquebusiers et volontaires sur lesquels on peut compter dans le cas où le Comité serait rétabli? Faites-nous le plaisir de nous en instruire. Nous avons vu M. de SaintGeorges. Si le Comité n'est pas rétabli, il partira avec nous ; s'il a le dessus, vous ne le verrez pas, et nous pensons qu'il fera bien ; il a dîné avec nous aujourd'hui. »
Tandis que les deux délégués s'acquittaient de leur mission patriotique avec zèle et fermeté, les partisans de l'ambitieux Truelle de Chambouzon redoublaient d'efforts et d'intrigues pour obtenir le maintien ou le rétablissement du prétendu Comité général et provisoire. Un document troyen, daté du 12 novembre, en fait foi :
« Il nous semble, y est-il dit, que Messieurs les représentants de la commune de Paris sont bien faciles à se laisser prévenir ; que leur dénonciation ne peut et ne doit pas être écoutée dans un moment où la procédure, prête à se terminer, pouvant être incessamment mise sous les yeux du public, les preuves qui en résulteront démontreront si le bailliage a commis une injustice en cassant le Comité, ou s'il a eu raison de le faire pour l'intérêt public et le salut des honnêtes gens; il nous semble aussi que votre qualité de députés d'une grande ville devait vous faire espérer d'être entendus. Nous imaginons que le Mémoire que vous avez pris la peine de rédiger, et qui sera distribué demain, dissipera les nuages que les calomnies et les impostures grossières de M. le Président du Comité ont pu élever contre nous.
« De quel droit Messieurs les représentants de la commune de Paris vont-ils nous noircir aux yeux de l'Assemblée nationale sur des faits dont ils n'ont pas connaissance qu'avec les yeux de la prévention ? Qu'ont donc de commun avec eux les événements qui se sont passés à Troyes et que diraient-ils si
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nous nous mêlions de ce qui se passe chez eux ? De quel droit osent-ils blâmer la conduite d'une Compagnie de magistrats qu'ils devraient respecter et d'un corps municipal qui est leur égal? Les députés de la ville et ceux du prétendu Comité sont en présence. On dispute sur des faits dont la preuve sera bientôt entre les mains de toute la France ou dont la fausseté sera démontrée, si Messieurs du Comité sont bien fondés à crier au despotisme contre nous? Nous vous prions donc, Messieurs, de faire tous vos efforts pour obtenir que l'Assemblée nationale ne prononce rien en faveur ou contre le Comité que le jugement des coupables, s'il s'en trouve, ne soit prononcé et exécuté, et l'expédition de la procédure envoyée.
« La cocarde noire qui devait, dit-on, être distribuée à un repas par Messieurs les gardes du corps, est une atrocité hazardée qui, devant un tribunal juste, ne peut faire aucune impression. On disait hier, dans le peuple, que M. Parent était en prison. Aujourd'hui, ce même peuple dit tout haut que M. Truelle sera incessamment maire. Le Comité se rassemble, tantôt dans un endroit, tantôt dans un autre, particulièrement dans la rue du Temple, chez un particulier qui, par sa famille et ses alliances, devrait tenir une conduite un peu plus citoyenne. »
XIII
Ces réflexions, inspirées sans doute par le bailliage et la municipalité de Troyes, se trouvent complétées par la lettre suivante, de l'avocat Parent :
« Hier, l'on a dénoncé la sentence de Troyes, qui casse le Comité, écrit-il le jeudi 12 novembre. Messieurs les représentants de la commune de Paris, sous prétexte de fraternité, ont fait un tableau touchant de la dispersion des membres et du despotisme que l'on exerce contre eux. Dans la crainte que leur dénonciation ne laissât des impressions défavorables,
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leur discours fini, j'ai demandé à être entendu ; j'étais à ma place de suppléant ; les uns voulaient que je descende, les autres que je parle d'où j'étais, je suis resté ; j'ai pressé pour que l'on m'écoute. Le Président m'a dit fort poliment : on ne parle pas où vous êtes, sortez. J'ai persisté à demander. Sortez, m'a-t-il dit. J'ai quitté ma place pour aller à la tribune et me mettre à côté de Messieurs les représentants de la commune; je suis arrivé que la réponse était faite : l'on prendra, Messieurs, votre demande en considération. Tel est l'oracle qui a été prononcé.
« Aujourd'hui, l'on a changé les membres du Bureau des rapports ; demain, l'on nous donnera un rapporteur. Nous ferons nos efforts pour qu'il nous entende ; il faut espérer que nous serons plus heureux qu'à l'Assemblée nationale. Les Mémoires seront imprimés vendredi ; quelque diligence que fasse le rapporteur, il ne pourra pas s'occuper de nous avant samedi. Malgré la protection des districts, j'ai bien de la peine à croire que l'Assemblée se décide à rétablir le Comité. Ce ne sera pas notre défaut de zèle et de bonne volonté qui le fera rétablir, mais l'intrigue et la cabale.
« Nous recevons à l'instant un Mémoire de M. Truelle. Cette nouvelle brochure vient de nous être communiquée ; elle a été envoyée à tous les districts avec une lettre du Président ; elle annonce que Messieurs les gardes du corps à Troyes voulaient y donner un repas et que l'on devait distribuer des cocardes noires et en décorer chaque convive. Voyez la liaison de ces idées avec celles de Paris et Versailles. Tout le Mémoire est dans ce genre. Vous pensez que ces Messieurs ne négligent rien de tout ce qui peut rendre leur cause commune avec celle de Paris. »
Le docteur Gillet, co-signataire de ces divers renseignements, en fournit d'autres non moins précieux qui jettent du jour sur les manoeuvres ténébreuses du prétendu Comité provisoire. « Truelle, écrit-il en date du 7 novembre, que nous avons enfin trouvé aujourd'hui dans l'antichambre de l'Assemblée nationale, a fait un nouveau mémoire signé de lui et des
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sieurs Noël, Perrin et Dorgemont. Ce Mémoire est dénué de moyens ; il glisse sur les choses les plus essentielles ; il est aussi véridique que ceux que vous avez déjà vus; cependant, il est un peu moins impertinent et séditieux ; son plus grand moyen est l'aristocratie. Nous avons eu ce Mémoire par le plus grand des hasards.
« J'étais à la tribune à côté de M. Camusat de Belombre ; nous avions causé des municipalités ; je lui avais fait part des réflexions que vous nous aviez adressées relativement aux municipalités ; il me disait qu'il devait s'y rendre dans l'aprèsmidi et qu'il en parlerait; arrive M. Baillot qui, sans me voir, lui annonce qu'il le cherche depuis deux jours pour lui remettre un Mémoire. M. Camusat demande ce que c'est. — M. Baillot lui répond : c'est un Mémoire pour le sieur Truelle de Chambouzon ; il vous prie de le lire. — Je ne me mêle pas de cette affaire. — Qu'importe, prenez toujours. — Alors, M. Baillot m'aperçoit, me souhaite le bonjour et me dit que la cause de M. Truelle lui paraît juste et qu'il n'a pu, par des considérations particulières, lui refuser sa protection. Je lui ai répondu froidement et il nous a quittés. J'ai prié M. Camusat de me prêter ce Mémoire; il me l'a donné ; mais j'ai promis de le lui renvoyer demain ; en conséquence, je ne puis vous le faire passer.
« D'après cet entretien, je suis persuadé que M. Camusat de Belombre n'est pour rien dans cette affaire ; et, en vérité, cette découverte m'a causé un sensible plaisir. Il a été proposé, ce matin, à l'Assemblée, par l'évêque d'Autun, de faire faire un inventaire exact de tout le mobilier des maisons religieuses et des fabriques paroissiales, de mettre tous les titres de propriétés sous les scellés, afin que rien ne s'égare. Je pense que cette motion vous aura été adressée ; car il m'a paru qu'on l'avait accueillie avec transport. Dans ce cas, la ville ne ferait-elle pas bien de prendre des précautions relativement à la bibliothèque des Cordeliers; et, pour que la nation ne s'en empare pas, et que nous n'en soyons pas privés, ne trouveriez-vous pas expédient d'en faire la réclamation sur le
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champ? Voyez entre vous; consultez; je n'ose rien décider par moi-même. J'oubliais de vous dire que Truelle, Noël, Perrin et Dorgemont se constituent, dans leur Mémoire, prisonniers de la nation. »
L'avocat Parent et le docteur Gillet travaillaient lentement, mais sûrement, à défendre le bailliage et la municipalité contre les libelles calomnieux du président Truelle et de ses adhérents. Cette lenteur préoccupait beaucoup la population troyenne. Un grand nombre de citoyens paisibles, pour la plupart pères de famille, protestaient avec énergie contre les tendances révolutionnaires du Comité, tandis que les partisans de celui-ci, se croyant assurés du succès, poursuivaient avec ardeur leurs démarches.
« Vous étiez inquiets, écrit le 10 novembre le docteur Gillet, de n'avoir point reçu de nos nouvelles pendant les deux jours que nous avons été à Mantes. Nous devrions être aujourd'hui, à notre tour, dans une grande inquiétude de n'avoir pas reçu de vous une seule lettre depuis samedi.
« Notre Mémoire est enfin terminé. Nous avons été beaucoup plus de temps à le rédiger que nous ne pensions. On travaille à bâton rompu : c'est une course à faire d'un côté, une visite d'un autre ; et, dans ce pays même, on ne peut pas sortir sans perdre un temps énorme. Je l'ai lu aujourd'hui, avant de le porter à l'impression, à un avocat de ma connaissance et de celle de M. Perrin ; il en a été content. Mais ce Mémoire nous coûtera beaucoup à imprimer. Le prote m'a dit qu'il pensait qu'il aurait quatre feuilles ; comme il nous en faudra dix-huit cents exemplaires, chaque feuille coûtera 142 livres 10 sols. Cette dépense, jointe à celle que nous faisons, grèvera un peu la ville, qui n'est pas riche. En vérité, cela me peine autant que l'absence. Mais enfin le vin est tiré, il faut le boire ; j'espère que nous en viendrons à bout et que le Comité ne reprendra pas le dessus.
« Nous avons fait demander dix-huit cents exemplaires du Mémoire, parce qu'il en faut douze cents au moins pour
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Paris et que nous pensons qu'il faut en distribuer avec profusion à Troyes, surtout dans le peuple, qu'il est bien essentiel de tâcher de ramener. Nous avons fait une assez bonne découverte : Truelle s'est adressé aux différents districts. Quelques-uns n'ont pas voulu l'entendre ; mais il en est un qui, ayant nommé un rapporteur dans cette affaire, a décidé qu'il y avait lieu à délibérer, parce que, d'après les pièces de Truelle seul, il a dit qu'il paraissait qu'on avait eu des raisons légitimes de supprimer le Comité pour ne s'être pas opposé à l'assassinat de M. Claude Huez et à d'autres désordres. Nous ferons imprimer ce rapport sur une feuille volante pour l'édification des autres Comités. »
Après avoir recommandé à ces Messieurs de la ville de dire au courrier du samedi et à celui du dimanche de passer dans la matinée à son hôtel pour prendre des arrangements relatifs à l'envoi d'un paquet de Mémoires : « Je suis fâché, ajoutet-il, que vous n'ayez pas mis plus d'appareil à la publication de la-loi martiale. Messieurs les échevins devaient le faire euxmêmes en robe violette; cela se pratique ainsi partout ; notre ville, moins dans ces circonstances-ci que dans d'autres, ne doit point se distinguer. »
Un député du Tiers-État du bailliage de Chaumont-enBassigny, l'avocat Noël Claude-Janny, natif et bailli de Brienne-le-Château, logé rue Verdelet, n° 22, à Paris, s'intéressait à ces déplorables événements accomplis à Troyes. Son parent et ami, Comparot de Longsols, entretenait avec lui une correspondance suivie :
« J'avais appris avec beaucoup de satisfaction, lui écrit-il en date du 16 novembre, que vous ne vous étiez pas trouvé à l'Hôtel de Ville, lors du massacre qui s'y est commis ; mais je me suis procuré les Mémoires qu'a fait distribuer ici M. Truelle de Chambouzon ; et, sans entrer dans l'examen du bien ou mal jugé de la sentence qui annule le Comité de votre ville, je vous dirai franchement que j'ai été surpris que vous ayez coopéré à cette sentence. Mais ce qui m'a frappé le plus, ce
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sont les reproches particuliers qu'on vous fait et à votre bailliage en général, sur lesquels je ne vois pas que vous ayez donné aucunes instructions qu'il serait cependant nécessaire, je crois, de remettre au Comité chargé de l'affaire, que je ne connaissais pas lorsque M. le maire de Paris est venu à notre Assemblée déclarer qu'il prenait sous sa protection le Comité de votre ville. » Ce fut effectivement Bailly qui présenta la réclamation de Truelle et de ses partisans à l'examen de l'Assemblée nationale.
Dans une autre lettre, le même écrit au même : « Il faut espérer que le peuple, mieux éclairé, reconnaîtra ses égarements ; mais il ne pourra jamais réparer les torts qu'il a faits et qu'il s'est faits à lui-même. Je crois qu'aucune prévoyance humaine ne pouvait s'en douter ; je crains fort qu'on ne se ressente encore longtemps d'une secousse aussi violente. Au reste, il faut se reposer sur la Providence qui, seule, peut mettre fin à tous nos maux. M. Gillet a eu la bonté de m'apporter le Mémoire de votre ville; je l'ai lu avec attention ainsi que celui de M. le lieutenant-criminel. Je devais le revoir. Apparemment qu'il a été trop occupé.
« Je vous avouerai que je n'ai point trouvé, dans ces Mémoires, l'impartialité qui doit caractériser des magistrats ; il y a un peu trop de personnalités ; on n'a point répondu aux principaux moyens ni même à des faits essentiels.
XIV
Voici la teneur de la sentence :
« L'an 1789, la Compagnie, assemblée le 5 septembre, après-midi, considérant les troubles qui agitent la ville depuis l'époque des 8 et 27 août dernier et qui ont accompagné la formation et l'exercice d'un prétendu Comité général et provisoire que nulles circonstances n'avaient nécessité ; que cette formation n'a pu être l'effet que d'une cabale mal intentionnée, ennemie du repos public, puisqu'à cette époque la
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ville et toute espèce d'administration jouissaient d'une activité paisible ; que cette cabale, pour mieux abuser les citoyens, avait pris le prétexte des circonstances et le besoin de venir au secours de la municipalité ; que ce besoin prétendu a, seul, déterminé les citoyens bien intentionnés à concourir à la nomination des commissaires ; que ceux des citoyens tranquilles et amis de la patrie, qui en ont accepté la mission, gémissent des abus qui l'ont suivie ; qu'au lieu de se borner aux fonctions de corporation qui lui avaient été confiées, le Comité s'est érigé en juridiction et a, de son autorité, exercé des actes illimités sur des citoyens ; que ce Comité, absorbant jusqu'à la juridiction et l'exercice des officiers municipaux, dont il s'était annoncé l'adjoint, a favorisé la persécution notoirement ouverte contre M. Claude Huez, lors maire, et n'a opposé aucune résistance aux violences méditées et consommées sur la personne dudit sieur Huez ; la Compagnie déclare nulles toutes les ordonnances et affiches faites par ledit Comité, comme incompétentes, fait défense de les exécuter, enjoint à tous les bourgeois habitants de cette ville et à tous les justiciables de son ressort, de ne reconnaître que les juridictions légitimes et de n'obéir qu'aux juges fondés en pouvoir et en autorité par le roi, confirmés par l'article 7 du décret national, invite tous les citoyens de ne référer à aucun ordre ni charge de ville qui ne soient émanés des officiers municipaux légitimes, jusqu'à ce qu'il y ait été pourvu par l'Assemblée nationale, invite, en conséquence, les citoyens bien intentionnés à s'abstenir dudit Comité. »
Cette délibération, signée par : Comparot de Longsols, Hérould de la Clôture, Corrard de Breban, Camusat des Carets, Babeau, Sourdat, Coquard, Gauthier, n'était que trop justifiée par la gravité des circonstances. L'action du Comité était devenue même si menaçante que le bailliage avait jugé prudent de se réunir le 22 septembre, après-midi, pour frapper d'une sorte d'excommunication le sieur Truelle de Chambouzon, perfide collègue qui flattait les passions populaires; il rappela que ce dernier, en se présentant le 5 sep-
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tembre au grenier à sel, avait harangué les officiers de cette juridiction pour les engager à donner le sel à 6 sols la livre ; il s'était également montré au marché à blé, avait parcouru le champ de foire en disant hautement : si vous ne me suivez pas, je ne pourrai vous faire avoir le sel à 6 sols la livre.
« Attendu que, par le procès-verbal dressé par la juridiction du grenier à sel, ajoute la teneur de la décision bailliagère, mon dit sieur Truelle de Chambouzon est représenté comme un chef de parti ; attendu que mon dit sieur Truelle a eu la lâcheté d'accepter la place de Président du Comité dix heures après l'assassinat de M. Claude Huez; attendu que mon dit sieur Truelle s'est permis des propos infamants sur le compte dudit sieur Huez dont le nom seul fait l'éloge, et qu'il doit maintenant s'occuper du soin de détruire le bruit public qui l'accuse d'être l'auteur de la mort dudit sieur Huez. Sur quoi la Compagnie a unanimement arrêté de ne plus communiquer avec le dit sieur Truelle de Chambouzon. »
L'excommunié, furieux de l'anéantissement de son influence, ne savait comment se venger; il déchargea sa colère sur Jean-Baptiste Comparot de Longsols, ainsi que le constate la plainte.
« L'an 1789; le 25 septembre, heure de onze du matin, nous Jean-Baptiste Comparot, écuyer, seigneur de Longsols, conseiller du roi au bailliage et siège présidial de Troyes, sortant de l'hôtel de M. Camusat des Carets, conseiller, chez lequel la Compagnie était assemblée, étant lors en habit de couleur, avons rencontré, au milieu de la rue de la Monnaie, M. Truelle de Chambouzon, président du Comité, lequel, du plus loin qu'il nous a aperçu, nous a regardé d'un air de fureur, en se redressant. Le dit sieur Truelle étant entré sous l'allée de la maison du greffe, nous aurait encore regardé avec le même air de fureur, et nous aurait traité d'insolent. Nous étant alors arrêté vis-à-vis dudit sieur Truelle auquel nous avons demandé tranquillement ce qu'il nous disait. En cet instant, M. Couturier, greffier commis, venant
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derrière nous, a dû entendre mon dit sieur Truelle qui nous a répondu qu'il ne ne nous faisait pas l'honneur de nous parler; nous lui avons entendu répéter le mot d'insolent. De tout ce que dessus nous avons dressé procès-verbal. »
Truelle de Chambouzon, loin de se disculper de cette injure faite au conseiller Comparot de Longsols, rédigea un billet conçu en ces termes :
« Je reconnais qu'étant au greffe pour prendre le greffier à l'effet d'exécuter mon ordonnance du 22 septembre, présent mois, portant reconnaissance des scellés de Marie-Barbe Berthé, femme de chambre de Madame de Paney, j'ai trouvé le dit greffier porteur d'une autre ordonnance du même jour, rendue par le sieur de Longsols, laquelle ordonnance j'ai déchirée sur le champ, et en ai pris les morceaux que j'entends joindre à mon procès-verbal pour constater l'insulte des officiers du bailliage qui, non contents de s'être cachés dans les moments où ils étaient nécessaires, ne reparaissent que pour faire des injures gratuites à un galant homme dont la conduite les fera ressouvenir un jour de celle qu'ils auraient dû tenir dans ce moment de calamités à Troyes. »
En marge de ce billet, signé Truelle de Chambouzon, une annotation déclare que ce billet du protestataire « a été rédigé pour être remis à l'Assemblée tumultueuse, illégale et irrégulièrement tenue en l'hôtel du sieur Camusat des Carets, présidentifiée par l'égarement du moment. »
D'autre part, M. Terrillon, membre du Comité, s'était présenté sur les dix heures du matin à la porte du grenier à sel ; l'entrée lui a été refusée par la sentinelle ; il répondit avec humeur : « Cela est abominable. » Ces quelques faits, aggravés par une telle violence de langage, suffisent à caractériser l'état d'exaspération où se débattaient les partisans du Comité ; ils expliquent également le refus d'un témoignage de confiance que sollicitait de ses collègues Truelle de Chambouzon, toujours avide de ressaisir son pouvoir perdu.
En dépit des protestations et des sourdes menées du Comité,
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les autorités régulières finirent par triompher, ainsi que le démontrent les lettres suivantes des délégués Parent et Gillet, qui défendaient chaleureusement à Paris la cause du bailliage et de la municipalité :
« Je ferai remettre, aujourd'hui 15 novembre, au courrier, quelques Mémoires, environ soixante, écrit l'un d'eux à ces Messieurs de la ville; il s'y trouve beaucoup de fautes d'impression, parce qu'ayant eu beaucoup de courses à faire, nous n'avons pu la suivre de près ; mais nous nous en sommes aperçu à temps ; et nous en aurons pour Paris, qui seront corrigés. Je joindrai à la présente les errata et vous ferez corriger les fautes à la main, avant de livrer le Mémoire au public. Je vous enverrai, mardi, cinq à six cents exemplaires; vous les ferez distribuer ; il faut tâcher que le peuple sache qu'on le trompe et que ceux qu'il a choisis sont ses ennemis. »
Le docteur Gillet raconte leur audience chez Bailly, l'héroïque maire de Paris, qui parut très fâché de la démarche qu'on lui avait fait faire ; ce ne fut qu'au mécontentement de l'Assemblée qu'il reconnut qu'on l'avait induit en erreur.
« Nous verrons demain matin, ajoute-t-il, M. le marquis de Condorcet, président de la commune en l'absence de M. Bailly, et il y a toute apparence que, lundi soir, nous haranguerons la commune. Nous dînerons mardi chez M. Bailly. Peut-être les exécutions seront-elles retardées, et ce ne sera pas le fait de Truelle ; car l'Assemblée, qui incline fort pour la miséricorde, se fût déjà occupée de cet objet, si les affaires inattendues qu'elle a eues ne l'en eussent empêchée. Peut-être même l'a-t-elle ordonné aujourd'hui. Je n'ai vu que des députés qui n'avaient pas assisté à toute la séance; ainsi, je ne suis pas bien instruit de ce qui s'y est passé ; prévenez sur cet article afin que, si cela arrive, d'autres n'en aient pas le mérite.
« Nous verrons sûrement M. Duport. Je pense que M. Verrier lui aura écrit comme il convient ; la garde citoyenne ne sera pas contente de Truelle. Vous verrez, par nos Réflexions ultérieures, qu'il les appelle aristocrates ; c'est
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un vilain homme ; et Messieurs du bailliage eussent bien dû user de plus de rigueur, ou M. Ludot d'Hauterive aurait dû informer de tout ce qui s'est passé depuis le 18 juillet, où Jacques Truelle commença son rôle funeste. Nous ne manquerons pas de voir à Provins Messieurs du Comité ; mais si celui de Troyes succombe, comme nous l'espérons, nous aurons peut-être quelque chose d'avantageux à vous proposer sur les subsistances. M. Parent a fait la commission de M. de Corlieu ; ce noble logeait, rue du Beffroy, chez M. Cadot, lieutenant de la maréchaussée troyenne. M. le prince de Prix a dû l'appuyer ; mais nous n'avons pas eu le temps de le voir pour savoir s'il a obtenu quelque chose. Veuillez envoyer des Mémoires à Messieurs nos évoques, ainsi que des Réflexions ultérieures. »
Parent et Gillet avaient adressé, par le courrier, à Messieurs de la ville, cent exemplaires de leur Mémoire et cent de leurs Réflexions ultérieures, avec deux volumes sur l'éducation, qu'on avait donnés à M. le curé pour la ville.
« Je vous ferai passer incessamment deux nouveaux paquets de Mémoires; il faut en répandre avec profusion, écrit le docteur, et tâcher de détruire les impressions fâcheuses que le Mémoire de Truelle pourrait produire dans le peuple. Vous verrez que, dans les Réflexions ultérieures, pour anéantir l'assertion de Truelle relativement aux grains, j'offre à l'Assemblée nationale de rendre compte de cette partie d'administration devant elle ou devant des commissaires qu'elle-même indiquera ; c'était, à mon avis, le plus sûr moyen de détruire son objection.
« Nous avons vu, ce matin, M. le marquis de Condorcet, président de la commune ; nous aurons audience à ce tripot, demain à sept heures du soir. M. le marquis de Condorcet pense, ainsi que M. Sylvain Bailly, que la démarche de la ville est inconséquente, mais il nous a assurés qu'il ne lui avait pas été possible de l'arrêter, ni même de faire nommer des commissaires pour examiner les Mémoires de Truelle et voir s'il y avait lieu de le faire. Nous avons eu, ce matin, une
conférence avec le rapporteur de notre affaire ; il ne nous a fait qu'une seule objection, savoir : pourquoi, au lieu de faire rendre justice par le bailliage, la commune ne s'était pas assemblée pour faire révoquer les commissaires. Nous lui avons donné deux raisons : la première, que le Comité n'eût pas donné l'ordonnance pour assembler les districts ou compagnies et que des citoyens honnêtes ne sont pas faits pour des assemblées qui ont l'air séditieux ; la seconde, que, dans ce cas, le nombre des gens qui n'ont point de propriétés à conserver étant beaucoup plus grand que celui de ceux qui en possèdent, et le Comité accordant aux premiers tout ce qu'ils demandaient, même contre les droits des autres, les laissant tuer et piller, nous avions la certitude qu'ils auraient le dessus ; il ne nous a rien répondu, a dit qu'il lirait notre Mémoire avec attention et que, mardi, nous aurions un autre entretien, parce que, nous ayant communiqué toutes les pièces de Truelle, il était juste qu'il lui communiquât les nôtres.
« Nous avons engagé aujourd'hui le curé (Dubois, curé de Saint-Remi et de Sainte-Madeleine) à parler de notre affaire ; il paraîtrait ridicule qu'ayant des députés de notre ville, aucun ne prit notre défense, et qu'un député du bailliage sollicitât pour nos adversaires.
« Mon voyage étant beaucoup plus long que je ne le pensais, j'ai pris chez le banquier de M. Fromageot 600 livres et 403 livres 10 sols que j'ai touchés pour lui, ce qui fait 1.003 livres 10 sols; je vous prie de les lui remettre ; je vous en ferai état sur notre dépense. Cela serait presque tout employé pour les Mémoires, parce qu'il a fallu en tirer 2.000, savoir: pour l'Assemblée 1.200 ; pour les districts 120, pour la commune 30 ; pour les ministres et autres auxquels nous en portons spécialement 100; total 1.450. Ainsi, vous voyez qu'il ne nous reste que 550, dont nous vous enverrons 500, parce que nous en donnerons ici le plus qu'il nous sera possible pour que l'opinion publique force, jusqu'à un certain point, l'Assemblée nationale, si elle était disposée contre nous.
« La visite que nous avons faite à M. Bailly est cause
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qu'il y a bien des fautes d'impression ; mais enfin cela passera pour Troyes et je ne distribuerai à l'Assemblée que les exemplaires corrigés. Vous me parlez d'un particulier chez lequel se tiennent les assemblées dans la rue du Temple ; vous me donnez de l'inquiétude ; il n'en est que deux, dans cette rue, que je puisse soupçonner et que je serais fâché d'être dans le cas de mésestimer : celui de l'extrémité inférieure est un voisin de Madame Champi; tirez-moi d'inquiétude. Je suis avec respect, Messieurs, votre très humble et très obéissant serviteur. »
XV
Truelle de Chambouzon et ses adhérents mettaient de l'acharnement à discréditer leurs adversaires; ils espéraient y parvenir à force d'allégations mensongères ; la municipalité, vivement émue des inculpations dirigées contre elle, s'appliquait avec non moins d'énergie à les réfuter. « Le dernier Mémoire que vous venez de nous envoyer, écrivent-ils le 23 novembre à leurs délégués Parent et Gillet, ne peut être que l'ouvrage d'un forcené ; nous voyons qu'il ne réplique en aucune manière aux inculpations qu'il se contente de rapporter, sans même essayer de les détruire. La plupart de ses observations sont d'une fausseté reconnue ; vous le connaissez aussi bien que nous ; c'est pourquoi nous croyons inutile de vous envoyer aucune note à cet égard, parce que nous ne ferions que répéter ce que vous savez.
« Il y a cependant deux objets sur lesquels il est à propos de vous donner quelques détails.
« Le premier relatif à la capitation :
« Le sieur Truelle prétend que les officiers municipaux sont répréhensibles pour avoir augmenté la capitation sur une simple ordonnance de M. le Commissaire départi. Est-ce qu'il ignorait que la capitation des villes franches, depuis l'établissement de cette imposition jusques et compris l'année 1788, n'a été imposée que sur l'ordonnance des
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intendants, d'après l'état arrêté au Conseil qui réglait le plus ou le moins de cette imposition ; mais qu'à compter de 1789, M. l'Intendant de Champagne ne s'est plus mêlé de la capitation ; elle a été imposée en vertu de l'ordonnance de la Commission intermédiaire provinciale, qui y était autorisée par l'édit du mois de juin 1787, enregistré au Parlement; il est bien vrai qu'elle a été, en 1789, augmentée de 625 livres; mais c'est en vertu de la répartition faite au Conseil que la Commission intermédiaire a suivie, comme les intendants la suivaient précédemment.
« Un autre fait, tout aussi aisé à détruire, c'est la prétendue perception arbitraire des droits d'octroi. Ce n'est pas la première fois que M. Truelle cherche à noircir les officiers municipaux sur cette perception ; c'est une tentative qu'il a faite dès 1763, et à laquelle on a répondu de manière à le réduire au silence; sans doute, il regarde cette époque comme trop éloignée ; il s'imagine qu'on a perdu de vue, et ses calomnies, et les moyens qu'on a employés pour les détruire; il se trompe. On se rappelle qu'en la dite année 1763, M. Truelle, furieux contre la ville et chef d'un parti qu'il avait alors élevé, répandit différents Mémoires ; et, dans l'un de ces Mémoires, il attaquait la perception des octrois de la ville, comme s'exerçant avec concussion.
« Voici les raisons qu'il en donne :
« Les droits d'octroi sur les vins, disait-il, doivent se percevoir avec ceux des aides, parce que la consommation est la même ; cependant, le produit de l'octroi est inférieur à celui des aides ; par conséquent, la perception de la ville est infidèle. D'ailleurs, il n'y a que 4 sols pour livre sur l'octroi et l'on représente des quittances où il est taxé jusqu'à 9 sols ; nouvelle preuve de concussion.
« On a répondu, sur le premier objet, que la perception des droits sur les vins et ceux des aides ne pouvaient avoir aucun rapport', attendu que la ville ne percevait que dans l'étendue de son enceinte et des faubourgs sur les vins seulement, au lieu que les aides exerçaient, en outre, au PontHubert et, de plus, dans la ville et les faubourgs sur les vins
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et les aides, de manière qu'il était impossible d'assimiler la perception des aides à celle de la ville.
« Sur le second objet, on a répondu, qu'outre les anciens 4 sols pour livre, la ville était autorisée à percevoir 1 sol pour les droits des offices de receveur et contrôleur des octrois qu'elle avait rachetés et qu'en vertu d'un édit de 1759 donné sous le ministère de Sihoüette, il y avait eu 4 nouveaux sols pour livre établis dont la perception avait été abolie au bout de trois mois ; c'était précisément dans cet intervalle que les quittances représentées avaient été délivrées. M. Truelle de Chambouzon, réduit au silence, s'est bien gardé de rien répliquer, et l'on ne devait pas s'attendre qu'au bout de vingtsix ans il fut tenté de renouveler une imputation aussi absurde que calomnieuse.
« Le dit sieur Truelle n'articule rien sur le fait des grains et les malversations dont il veut faire soupçonner les officiers municipaux relativement aux approvisionnements. La différence qu'il y a entre les officiers municipaux et le sieur Truelle, c'est que les premiers sont assurément irréprochables et que le sieur Truelle, au contraire, s'est conduit, en 1768, d'une manière, sinon repréhensible, au moins très condamnable, par l'indiscrétion qu'il a commise en achetant en bloc, moyennant 9.000 livres, la grange du nommé Marguin, fermier de Saint-Blin, près de Chaumont en Bassigny ; d'après cet achat, la ville a perdu plus de 4.000 livres, quoique M. Truelle eût assuré qu'il y avait environ 12.000 livres de bénéfices, ainsi qu'il l'a marqué dans sa lettre que nous vous envoyons; nous vous adressons aussi celle que M. l'intendant nous a écrite à ce sujet ; vous serez à même par là de juger, et de faire connaître à qui il appartiendra qui de nous ou de M. Truelleont mieux opéré pour l'approvisionnement de la ville.
« Nous pourrions ajouter que M. Truelle doit son existence et son état à la ville et que, sans un certificat que les officiers municipaux ont bien voulu lui donner en 1766, il n'aurait jamais été reçu dans sa charge de conseiller. Tout le monde sait toutes les peines qu'il a eues à se faire recevoir ; que, sans 1895 4
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le certificat dont il s'agit, la protection de Monsieur l'Évêque, et sans les vives sollitations de sa femme, il n'aurait jamais été admis dans cette Compagnie. »
Le Comité général et provisoire, en hostilité perpétuelle avec le corps municipal, resta supprimé, malgré les réclamations de Truelle de Chambouzon et de ses affidés ; le marquis de Foucault Lardimalie, qui s'intéressait personnellement à la ville de Troyes, parce qu'il y avait des propriétés, le procureur Alexandre Bouchotte, député de Bar-sur-Seine, le marquis de Mesgrigny, député de la noblesse, de la sénéchaussée de Troyes, le marquis de Crillon, qui était attaché au bailliage de Troyes par la possession de certains fiefs, appuyaient les démarches courageuses de Parent et de Gillet ; c'est à leur intervention, jointe au zèle ds deux intrépides délégués, qu'il faut attribuer la victoire des officiers municipaux.
« Je pense que notre affaire est décidée, écrit le 25 novembre l'un des délégués, et que ma présence n'est plus guère nécessaire ici. L'Assemblée nationale a décrété, ce matin, dix articles sur les municipalités ; et, par l'un de ces articles, il est dit que les officiers municipaux seront maintenus dans leurs fonctions jusqu'à l'établissement des nouvelles municipalités. Ainsi, tout est dit à cet égard ; d'ailleurs, il paraît que le travail des municipalités ne sera pas long et que bientôt vous serez dans le cas de procéder à leur établissement. J'ai assisté et assisterai jusqu'à-mon départ à la discussion des articles relatifs à cette partie, afin de me bien pénétrer de l'esprit de l'Assemblée et de pouvoir vous le communiquer. Cependant, il serait peut-être nécessaire que vous engagiez M. Parent à prolonger son séjour, crainte de quelque surprise de la part de nos adversaires qui ne sont point délicats. »
La suppression du soi-disant Comité général et provisoire ne ramena pas le calme au sein de la ville. La fermentation produite par les débats du procès des auteurs du crime du 9 septembre et l'émotion causée par les élections municipales entretinrent le feu de la discorde.
ANNUAIRE DE L'AUBE 1895
PHOTOTYPIE LOUVRIER
IMP. P. NOUEL
ARRESTATION DE SAINT CREPIN ET SAINT CREPINIEN
LES COMMUNAUTÉS
DES
CORDONNIERS, BASANIERS & SAVETIERS
DE TROYES
PAR
LOUIS MORIN
TYPOGRAPHE
Les Statuts des Métiers de Paris, réunis au XIIIe siècle, par le prévôt Etienne Boileau, dans le précieux recueil connu sous le nom de Livre des Métiers, distinguent trois catégories de fabricants de chaussures : les Cordouaniers, employant de préférence le cuir préparé à la façon de Cordoue; puis, les Savetonniers et les Savetiers, qui n'employaient que la basane ou peau de mouton.
La corporation troyenne formait également, au début, trois classes séparées par des barrières exactement définies : les Cordonniers, les Basaniers et les Savetiers.
Les deux premières furent réunies vers 1582. A partir de cette date, la communauté des Cordonniers-Basaniers et celle des Savetiers restèrent seules en présence. Elles vécurent ainsi côte à côte pendant deux siècles, sans se confondre ni s'allier, jalouses l'une et l'autre de leurs droits et prérogatives ; les uns fiers de leur supériorité professionnelle, les autres se consolant du rang secondaire qu'ils occupaient dans la corporation par une bonne humeur, un esprit de plaisanterie dont quelques échantillons sont parvenues jusqu'à nous, grâce à l'hospitalité que leur a donnée la Bibliothèque Bleue de Troyes.
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Nous allons étudier séparément l'existence de chacune de ces communautés jusqu'à l'époque de la dernière réunion (1768) ; nous pourrons ensuite unifier le récit et le conduire à la suppression des maîtrises et des jurandes, qui mit un terme aux privilèges et, du même coup, aux querelles dont ils étaient la source.
La rareté des documents ne nous a permis de tracer qu'une esquisse, au lieu de l'étude complète que nous aurions désiré faire; puisse la belle planche qui sert de prétexte à cette notice intéresser le lecteur et lui faire pardonner l'insuffisance des pages qui l'accompagnent!
Avant d'entrer en matière, il pourra être intéressant de dire un mot des droits payés par les marchandises mises en oeuvre par les ouvriers en cuirs.
M. l'abbé Charles Lalore a publié le tarif des droits levés sur les cuirs amenés aux foires de Champagne au XIIIe siècle 1. Plus tard, dès le règne de Henri III, paraît-il, une « marque des cuirs » fut établie et affermée ; elle était levée sur les industriels qui préparaient les peaux pour les transformer 2. Dans leur cahier de plaintes et doléances de 1789, les Cor1
Cor1 sont les Coutumes des Foires de Champagne (Annuaire de l'Aube pour 1888).
Issues ou droit de sortie des marchandises achetées : Li lés de cuir de buef, IV d.
Tontieu ou droit sur les ventes effectuées : La douzaine dou Cordouan doit VIII d. — IV d. qui vent et IV d. qui achate.
— de bazenne — IV d. — II d. — II d. —
Li cuirs I d. tant qu'a XX et quand il en i ha XX si doivent VIII d. pour le lot. — IV d. qui vent et IV d. qui achate.
Aux foires de Bar-sur-Aube et de Provins, la douzaine de Cordouan payait IV d.; la douzaine de bazenne, II d.; — à Bar-sur-Aube, les cuirs payaient autant qu'à Troyes.
2 Théophile Boutiot, Histoire de Troyes, IV, p. 546.
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donniers en demandent la suppression comme préjudiciable à leur état par la cherté qui en résulte et les procès qu'elle occasionne.
Voici comment un Factum publié en 1719 1 explique le fonctionnement de la marque des cuirs : « ... Le Roy a établi la Marque des Cuirs, afin qu'ils ne pussent être vendus, qu'ils ne fussent marquez et visitez, et que le Public n'eût que de bons Cuirs ; Il en commit la Visite et la Marque aux Tanneurs, aux Corroyeurs et aux Cordonniers. Il y a donc la Marque, le Faux-Fer qui est pour marquer les Cuirs vicieux et le Marteau. Les Cordonniers sont ceux qui ont le Marteau, la Marque et le Faux-Fer, qui sont dans un Coffre fermé à trois Serrures, trois Clefs, et la Communauté des Cordonniers nomme deux Maîtres, qui sont appelés les Maîtres de la Marque. Quand il y a donc des Cuirs à visiter et à marquer, les Jurez-Gardes Tanneurs, ceux des Corroyeurs, et les Maîtres de Marque des Cordonniers font ouverture du Coffre, d'où les Maîtres de Marque en tirent le Marteau, la Marque et le Faux-Fer. Tous conjointement font la visite des Cuirs; et s'ils se trouvent de bonne qualité, ils sont marquez par les Corroyeurs; et s'ils sont de mauvais Cuir et prohibé, ils sont marquez du Faux-Fer. »
Des difficultés survinrent à ce sujet ; les Corroyeurs, qui autrefois avaient eu le droit de visite des cuirs chez les Cordonniers, en compagnie d'un Savetier (arrêts de 1605 et de 1611), prétendirent continuer à le pratiquer. Les disciples de saint Crépin protestèrent, se basant sur ce que la visite faite lors de l'apposition de la marque devait suffire. Une sentence du bailliage du 8 juin 1668, confirmée par arrêt du 2 décembre 1669, leur donna gain de cause et les déchargea de cette visite.
1 Factum... pour les Cordonniers... contre les Savetiers, p. 6. In-4° de 16 p. (Arch. mun., carton Arts et Métiers).
LES CORDONNIERS (1317-1791)
La communauté troyenne des Cordonniers est une des plus anciennes. Une Ordonnance de Philippe V, rendue en 1317, nous apprend que « li cordouannier de la ville de Troyes, c'est asçavoir ainsi bien li hommes des églises, li hommes des chevaliers, li hommes des escuyers comme li hommes de notre seigneur le Roy », ont élu quatre prudhommes de leur métier pour être leurs maîtres, lesquels ont prêté serinent devant le prévôt de Troyes. Un règlement a été dressé, qui fixe le prix des souliers de diverses natures, règle l'emploi des cuirs, défend d'ouvrer de nuit, en quelque saison que ce soit, si ce n'est pour le roi, son lieutenant ou quelqu'un de son conseil. Des amendes sont infligées aux contrevenants par les quatre maîtres jurés, qui seuls ont le droit de connaître des contraventions au règlement 1.
Un arrêt des Grands-Jours tenus à Troyes en 1409 « règle l'industrie et le commerce des cuirs dans la ville de Troyes. Ce document édicte la loi à laquelle seront soumis les bouchers , les écorcheurs, les tanneurs, les chippiers, les corroyeurs, les seurres , autrement dit tous les artisans cousant et travaillant le cuir, comme cordonniers, selliers, gaîniers, tassetiers ou fabricants de bourses, fourbisseurs, faiseurs de boucailles. C'est un code complet, pour l'époque, de cette industrie, fort importante à Troyes 2 ».
1 Arch. mun. de Troyes, Cartulaire des Arts et Métiers, Q 2; reproduit dans les Ordonnances des Rois de France, XII, p. 434.
2 Boutiot, Hist. de Troyes, II, p. 321. — Cette industrie avait été déjà réglementée en 1339 (Bibl. Nat., man. fonds français n° 2625).
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De nouveaux statuts furent octroyés aux Cordonniers par Charles VI, lors de son séjour à Troyes, en 1419. Le préambule, reproduisant la requête des suppliants, trace un tableau saisissant de la misère de la France à cette époque. Il y est dit que, lors de la rédaction des statuts de 1317, il y avait à Troyes « cinq cenz ouvriers, varies, apprentiz dud. mestier », mais que par suite « de graves mortalités, guerres, debaz et advisions », qui ont dépeuplé le pays, « il n'y en a mie les dix » ; que personne n'apprend plus la profession et que les ouvriers étrangers ne viennent pas se fixer dans la ville, à. cause de l'interdiction de travailler de nuit, qui ramène la journée d'hiver, saison oh l'on devrait travailler le plus, à un prix trop minime, alors que la vie est si chère.
Faisant droit aux justes représentations qui lui sont faites, le Roi : 1° autorise le travail de nuit, à charge de visite de l'ouvrage par les jurés; 2° ordonne que chaque valet paiera, pour une fois, 10 sols tournois à la confrérie de Saint-Crépin, dès sa réception en icelle; 3° que les apprentis paieront 5 sols; 4° que chaque maître paiera 2 deniers tournois par semaine, et chaque valet un denier tournois 1.
C'était le temps où la confrérie réunissait le maître et l'ouvrier sous la même bannière.
Profitant du passage à Troyes de Charles VIII, les Cordonniers obtinrent de ce prince (juin 1486) un nouveau règlement dont les douze articles donnent une idée assez complète de l'organisation corporative de l'époque :
I. Les cordonniers s'assembleront chaque année, le dimanche après la Nativité de saint Jean Baptiste ou le dimanche après la fête de saint Crépin, et, comme ils ont accoutumé de faire de toute ancienneté, éliront quatre maîtres qui prêteront serment et auront le droit de visite chez les cordonniers en compagnie du sergent dudit métier, ainsi que celui de verbaliser contre les défaillants.
1 Arch. mun., Q 2, et Ordonnances des Rois de France, XI, p.,60.
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II. Pour éviter la confusion entre les trois métiers de cordonnerie, basanerie et saveterie, « nulz ne feront ne faire pourront soulliers ne autre ouvraige de cordouan de vache ne de veau... », s'ils n'ont été reçus maîtres par les jurés des cordonniers, à peine de 20 sous tournois d'amende, à partager entre le Roi et la confrérie.
III. Pour éviter les abus relativement au commerce de la basanerie, les cordonniers a ne feront ne pourront faire soulliers ni escassins à rivets de basane grasse ne courroyée si ce n'est pour petits enfans ou pour gens qui auront mal aux piedz ou qui les requerreront à avoir pour leur plaisance et voulenté », à peine de 5 s. t.
IV. « Nul... ne fera soulliers ne autre ouvraige de cordouannerie en chambre ne autrement, hors ouvroir public », s'il n'est reçu maître, à peine de 20 s. t.
V. Pour être reçu maître il faut être « souffisant et ydoine ouvrier expérimenté », avoir fait chef-d'oeuvre et payer 60 s. t.; les fils de maîtres sont dispensés du paiement, mais pas du chef-d'oeuvre; ils paieront seulement « le disner honorable » aux quatre maîtres examinateurs.
VI. Les marchands étrangers devront faire visiter l'ouvrage qu'ils mettront en vente, « pour sçavoir s'il seroit bon, bien cousu, de bon cuir loyal, proffitable et marchant ».
VII. « Nul cordouanier ne chauffera ne fera chauffer soulliers pour iceulx enforcir ne autrement palier ou farder par feu, à peine de 10 s...» Il paraît que les basaniers et les savetiers étaient coutumiers de ce genre de tromperie.
VIII. Le travail de nuit continuera d'être autorisé.
IX. Les apprentis paieront 10 s. t. à la confrérie lors de leur entrée en apprentissage, et 10 s. à leur sortie.
X. Les maîtres ouvriers donneront 2 deniers par semaine; les valets, 1 denier ; « et chacun qui de ce sera refusant sera exécuté et chacun en droit soy et sans différer par le sergent dudit mestier ».
XI. Les nouveaux maîtres paieront 5 s. pour le droit de la première visite que les quatre maîtres feront en leur ouvroir.
XII. En même temps que les quatre maîtres, il sera élu
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« un homme dudit mestier souffisant pour estre sergent en icelluy et accompagner lesdicts quatre maîtres à faire lesdictes visitacions et autres exploits concernant ledict mestier... » Il aura 12 deniers tournois par chaque gaigière (saisie) 1.
Les comptes de 1690-1691 mentionnent 36 sous payés à l'huissier de la communauté pour les procès-verbaux d'une assemblée convoquée à l'effet d'obtenir le renouvellement des ordonnances de la corporation. Aucun document ne témoigne que ce désir ait été exaucé. — Un arrêt du Parlement, du 7 septembre 1611, les avait déjà confirmées.
Les délégués de la communauté des Cordonniers à l'assemblée pour la nomination de députés aux Etats généraux de 1560 étaient Jehan Bonnet et Jehan Juvenel 2. À ceux de 1576, Loys Bourbon et Nicolas Pinsot présentèrent un cahier comprenant neuf articles, intitulé : « C'est l'avys du coleige des mestre cordonniers... sur la plainte et doléance du pauvre peuple... »
L'espoir du chercheur est bien déçu quand il croit rencontrer dans ces élucubrations quelques détails sur les soucis corporatifs de leurs rédacteurs. Les réclamations des artisans portent à peu près exclusivement sur des questions générales, souvent fort au-dessus de leur appréciation ; rien qui concerne le métier, et presque rien pour la vie commune. On en jugera par le résumé du cahier des Cordonniers, qui demandent : La promotion du clergé aux dignités par l'élection ; la promulgation de défenses de blasphémer ; le rétablis1
rétablis1 statuts de 1486 ont été édités au moins trois fois, en même temps que d'autres documents concernant la communauté : 1° en 1741 (veuve P. Garnier, in-12 de 29 p.) ; 2° en 1759 (Jean Garnier, in-12 de 46 p.) ; 3° en 1774 (veuve Gobelet, in-12 de 32 p.) Ces trois éditions existent aux Archives municipales de Troyes. carton Arts et Métiers ; les deux dernières portent la date de 1386.
2 Boutiot, Documents relatifs aux États généraux, p. 38.
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sèment de la justice ecclésiastique dans ses anciens privilèges; des défenses d'amodier les biens du clergé ; la suppression de la rémunération pour l'administration des sacrements ; la réduction à un seul bénéfice; un règlement sur les monnaies; la suppression du regrat sur les denrées ; l'exemption d'impôts en faveur de la Champagne, à cause des ruines occasionnées par les reîtres ; enfin, des réformes pour revenir au temps de Louis XII 1.
Il y avait à Troyes, au temps des célèbres foires, une halle spéciale au commerce des cuirs, désignée sous les noms de Halle aux cordonniers, à la cordonnerie, aux cuirs, aux vacheries. Elle dépendait de la grande boucherie, à proximité de laquelle elle était située. La comtesse de Champagne, Jeanne de Navarre, en était propriétaire en 1287. Elle fut, paraît-il, abandonnée en 1479; puis, en 1487, après la création de nouvelles foires, l'échevinage racheta du fermier du domaine les droits dus au roi sur cette halle et les supprima. Elle fut enfin rendue au roi en 1538. « Depuis lors, ils (les Cordonniers et les Basaniers) sont autorisés à exposer leur marchandise sur leurs étaux, sur le pavé royal, devant et hors de leurs maisons, à la charge, par chaque cordonnier ou basanier, de payer au roi 13 sous tournois par an, en deux termes, à la Chandeleur et à la Saint-Remy. » Cette redevance était affermée, en 1595, à raison de 24 1. 10 s. par an 2.
Dès 1442, d'ailleurs, le roi exigeait une redevance des Cordonniers de Troyes, « à l'occasion de ce que ilz ont et tiennent à lentrée de leurs maisons leurs estaulx sur lesquelz
1 Arch. mun., BB, 15 carton, 3me liasse.
2 Boutiot, Hist. de Troyes, I, 423; III, 187, 230, 371, 388; IV, 245, et État du domaine du roi dans le bailliage de Troyes en 1595 (Annuaire de l'Aube pour 1852). — D'après M. Corrard de Breban (Les Rues de Troyes, p. 19), les halles des bouchers « formaient quatre halles à pignons... Trois de ces halles servaient, dans l'origine, aux cordonniers, vachiers et basaniers».
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ils laissent et mectent avant leurs ouvraiges... » Au dire des Savetiers 1, les Cordonniers avaient sollicité le paiement de cette redevance pour éviter de porter leur marchandise à la Halle, où elle était plus facilement visitée et où les clients pouvaient utilement comparer les prix et la qualité.
Un « Marché aux souliers » existait encore au XVIIIe siècle; la ville en louait les places aux Cordonniers. Il était situé aux environs du Marché aux oignons, à la jonction de la rue Notre-Dame et de celle de la Trinité. La partie réservée aux Cordonniers était supprimée au mois d'août 1782, date à laquelle une demande adressée par un cordonnier-savetier nous apprend qu'on l'avait remplacée par le Marché aux oignons, « comme anciennement », et qu'en revanche on avait augmenté celui de la savaterie 2.
En 1776, la communauté devait 36 1. « pour dix-huit mois de loyer d'une place d'étalage3». Peut-être y faisait-elle débiter pour son compte les marchandises saisies sur les contrevenants aux statuts, comme le sieur Nicolas Dumesgnil, maître cordonnier, à qui une sentence du bailliage, du 7 octobre 1741, confisqua soixante-et-une paires de souliers. Le jugement, portant en outre condamnation à 20 sous d'amende et aux dépens, fait « défenses au défaillant et à tous autres maîtres cordonniers d'exposer en vente, au Marché de cette ville et fauxbourgs, aucuns souliers de foire qu'ils n'ayent préalablement été vus et visitez par les maîtres gardes en charge... 4 »
À côté de son rôle officiel, déterminé par le règlement de 1317, la communauté conservait le caractère d'une confrérie
1 Préambule de leur règlement de 1442. 2 Arch. mun., AA, 40me carton, 1re liasse.
3 Arch. de l'Aube, E 1151, liasse. Questionnaire de 1776.
4 Édition de 1741 des statuts, p. 23.
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non moins régulièrement organisée, et dont on a vu plus haut que Charles VI avait ordonné la création dès 1419. Il est même probable que ce n'était là qu'une consécration et qu'elle existait longtemps auparavant. — Ajoutons qu'on ne rencontre rien, dans sa réglementation, qui rappelle le caractère fraternel et charitable des confréries du Moyen-Age. Ici, les pratiques religieuses sont alliées aux mesures d'ordre et d'intérêt corporatif, rien de plus.
Elle était liée, quoique « sans chapelle fondée 1 », à l'église des RR. PP. Cordeliers, chez lesquels elle possédait deux chasubles, dont une « simple rouge », en l'an 16002, et qui renfermait, « dans la première chappelle en entrant à main droitte, les saint Crépin et saint Crespinien, avec les tirans, de la main de M. François Gentil 3 ». Ce groupe, transporté depuis à Saint-Pantaléon, où il est admiré par tous les visiteurs, a été reproduit dans plusieurs ouvrages artistiques.
La fête corporative était célébrée le jour de Saint-Crépin, 25 octobre ; il y avait aussi une « petite fête » le dimanche précédant la Pentecôte. Un compte syndical pour 1690-16914 contient diverses indications relatives à ces cérémonies :
« Pour la tapisserie pour lornement de la chappelle de la petite et grande feste Saint-Crespin », 4 1. ; pour les bouquets, 45 s. ; « pour la patisserie donnée aux officiers de ladite communaulté le jour de la grande feste », 4 1. 5 s. ; pour le pain bénit que se partagent les suppôts, 3 1. ; pour l'organiste, le souffleur et le carillonneur, 3 1.
1 Questionnaire de 1776, art. 9.
2 Ch. Lalore, Inventaires des églises de Troyes, nos 2750 et 2759.
3 Albert Babeau, Notes sur Dominique et Gentil (Annuaire de l'Aube ponr 1876, p. 147).
4 Bibl. de Reims, Don Deullin, cahier manuscrit in-4° de 14 pages. — Compte que rendent François Carmelet, François Monnot, François Costy et Nicolas Hacquinot, maistres gardes de la communaulté des maistres cordonniers de la ville de Troyes, à tous les suppots dycelle, de ce quils ont géré et manié pendant leur année d'exercice, commençant à la Saint-Crespin 1690 jusque à la SaintCrespin 1691.
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D'autres articles de dépense témoignent de la dévotion des confrères : pour la blanchiture des nappes d'autel pendant l'année, 20. s. ; pour le port des gros cierges aux processions générales, 30 s. ; pour le présent du père sacristain des Cordeliers, 3 1.; pour avoir fait orner la chapelle, les indulgences, et fait garder ladite chapelle, 20 s. ; aux RR. PP. Cordeliers, 43 1. 10 s. ; au sieur Michelin, cirier, 101.
Un état des meubles appartenant à la communauté, dans le Questionnaire de 1776, dit « qu'il y a dans l'église des Cordeliers une chapelle décorée de plusieurs tableaux, statues de saints et autres ornements faits et mis aux frais de la communauté, mais qui y sont attachés et scellés dans le mur ». On verra, au chapitre de la Réunion, de quoi se composait, en 1773, le mobilier religieux de la confrérie.
Il reste peu de renseignements sur la situation financière de la corporation ; les seules pièces qui nous soient parvenues datent de 1682. Elles sont résumées ci-après :
Le 17 août, une assemblée, dont le procès-verbal est rédigé par un huissier, réunit environ trente-cinq suppôts au couvent des Cordeliers. Il s'agit d'examiner la proposition faite par un confrère, Jacques Savine, de prêter 2.300 livres pour rembourser les sommes dues aux dames Planterose et Claude Mareschal.
Par contrat notarié du lendemain, Jean Cuny et Jacques Chantereau, maîtres gardes, reconnaissent devoir une somme de 1.000 livres à Savine, qui s'engage à en prêter 900 autres quand on les lui demandera, ce qui eut lieu au mois de novembre. Le remboursement est fixé à 300 livres par an ; le receveur du droit de celles 1 fait un premier versement en
1 Le droit de celles était la taxe levée sur les confrères pour l'acquit des charges communes; il était affermé, dans une adjudication faite par-devant huissier, à un adjudicataire qui en effectuait le recouvrement à ses risques et périls. Sa base était le nombre d'ouvriers employés, de sièges ou selles occupés par eux dans la boutique.
1683, et, le 19 avril 1690, Savine reconnaît avoir reçu le montant de la dernière échéance. Il est indiqué que, sur la somme ainsi rendue, 39 livres proviennent d'argent versé par la communauté des Savetiers, pour une cause que nous ignorons, et le reste du droit de celles, dont Savine s'était fait exonérer pour tout le temps qu'il serait créancier, ainsi que de toutes autres charges, comme maître ou compagnon.
La même année 1682, le 16 novembre, une assemblée convoquée par Etienne de Brienne, clerc, décide qu'il y a lieu d'examiner le compte de Nicolas Mongenet et d'employer le reliquat à payer les dettes de la communauté ; quatre suppôts sont élus pour assister les maîtres gardes dans cette opération.
Le surlendemain, les examinateurs s'assemblent par-devant notaires ; ils déclarent avoir compté le droit de celles levé sur les suppôts pendant deux ans et fournissent le compte suivant: Recette, 7121. 13s. ; dépense (acquit de dettes, etc.), 579 1. 4 s. Il reste donc un reliquat de 133 I. 9 s., qui sera employé au désir du procès-verbal précédent.
Les choses ne se passaient pas toujours aussi régulièrement; on va le voir par le résumé suivant de procès-verbaux transcrits sur le Compte conservé à la Bibliothèque de Reims.
En 1690, un procès était engagé entre un confrère du nom de Jean Savine et la communauté. Les maîtres gardes se firent donner pouvoir par cinq suppôts de « se retirer pardevant mon seigneur l'intendant pour avoir de luy une somme de deniers pour poursuivre ladite instance». L'intendant les autorisa à lever une somme répartie sur tous les suppôts suivant un rôle approuvé par le substitut. Sur ce, Jacques Savine — le prêteur de 1682 et sans doute parent du plaideur, — à la sollicitation d'un grand nombre de ses confrères, proposa d'avancer la somme nécessaire, à condition qu'il la retirerait sur les droits d'apprentis.
Lors de la reddition des comptes, le 7 novembre 1691, Jean Savine et quelques autres refusèrent d'allouer 11 livres d'intérêts pour l'année échue et contestèrent également les frais faits pour cet objet.
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Devant cette attitude, les maîtres gardes, ne pouvant clore les comptes, requirent acte de la protestation et déclarèrent se pourvoir devant le prévôt. Ils en obtinrent peu de choses sans doute, car, le 11 novembre, une nouvelle assemblée décida que, pour éviter un procès, les maîtres opposants ne seraient pas compris dans la répartition des sommes contestées. Les recettes montaient à 15 1. ; les dépenses à 1801. environ ; la part contributive de chacun était de 31. 50 ; pour les opposants elle fut de 3 1. seulement.
Puis, Jacques Savine ayant obtenu un jugement de remboursement contre la communauté, les gardes déclarèrent que, vu l'opposition faite à ce remboursement sur les droits d'apprentis, les suppôts seraient contraints de verser incessamment leur part, selon le rôle approuvé par le subdélégué, et que, s'il y avait des insolvables, rejet serait fait sur la communauté.
Les frais occasionnés par ces poursuites grevaient fortement le budget corporatif. Les comptes de 1690-1691, bien que ne comportant aucune affaire sérieuse, comme il en fallait parfois soutenir devant les juridictions parisiennes, comptent encore plus de 20 1. pour des copies d'arrêts ou dégagements, des avis d'avocats, des frais de procédure ou d'assemblées pour ce sujet, etc. On y trouve de brèves mentions de quelques affaires sur lesquelles les détails manquent :
Pour une copie de l'arrêt sur les communautés, 3 1. 6 s.
Pour deux jugements contre Edme Colleron, 3 1. 10 s.
A Claude Rousselot, huissier de la communauté, pour le procès-verbal de rébellion fait par Edme Colleron, 25 s. (en marge: alloué 20 s.) ; au même, pour l'assignation donnée audit Colleron, copie dudit procès-verbal, 25 s. (alloué 20 s.)
Pour une saisie faite sur Chantereau (11 juillet), 20 s.
Pour une signification de déport de l'appel aux sept particuliers qui avaient obtenu sentence contre la communauté, 26 s. (alloué 20 s.) ; pour une opposition faite à la requête des maîtres gardes aux sept particuliers sur le commandement de payer l'exécutoire, 26 s. (alloué 20 s.)
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Le Questionnaire de 1776 contient aussi, au chapitre des dettes exigibles, une longue et édifiante liste de frais judiciaires :
Au greffier de police, 895 I. ; au sieur Jannon, procureur, 83 1. ; au sieur Bouillerot, huissier de police, au moins 6001.; à deux huissiers de Paris, 1.920 1. ; à deux procureurs, environ, 400 1. ; à Chaperon, huissier de police, 800 1.
Un Mémoire non daté, conservé aux Archives municipales, expose la situation de la corporation des Cordonniers, auxquels il est demandé 783 1., plus les 2 s. pour livre, « somme exorbitante dont ladite communauté est hors d'état de pouvoir payer le quart, d'autant qu'elle est déjà engagée de plus de quatre mil livres. N'estant ladite communauté composée que d'environ trente-huit maistres, dont un tiers a quitté boutique et est obligé de travailler à tout ce qu'ils peuvent pour pouvoir subsister ; un autre tiers qui ne peut trouver d'ouvrage est réduit à l'hôpital et au pain des pauvres; enfin, l'autre tiers est accablé tant de charges de ville que de debtes de communauté et particulières dont ils ne peuvent pas seulement payer les rentes, à cause de la chereté des marchandises, que d'ailleurs la plupart de ce tiers ne roulent que sur la bource des marchands... »
Après les plaintes, les prières :
« Messieurs, il vous plaira d'avoir esgard a la pauvreté de laditte communauté, quoy faisant luy donner diminution des trois quarts de lad. somme de 783 1. et les 2 s. pour livre, sy mieux n'aimez, Messieurs, joindre à lad. communauté les hostelliers, ou cabaretiers, blanchisseurs ou vignerons, ce que lad. communauté espère de vous qui sera obligé de prier Dieu pour vos prospéritez et santés. Jean Ganguery, Jean Delaune 1. »
1 Arch. mun., A A, 40e carton, 1re liasse. Manuscrit du commencement du XVIIIe siècle, intitulé : Mémoire pour la Communauté des maistres Cordonniers de la ville de Troyes.
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En 1767, la communauté devait 2.200 1. à M. .Angenoust, de Villechétif (contrats des 12 mai 1692 et 30 octobre 1694), 300 1. à la veuve Cognier (30 octobre 1694), 1.000 1. à Mme Hugot (30 octobre 1687)1 Elle déclare ignorer les motifs qui lui ont fait contracter ces dettes, mais les dates des contrats indiquent que les sommes stipulées servirent à acquitter le prix des offices de jurés gardes, etc., créés à cette époque par le pouvoir royal, puis réunis aux communautés moyennant finances, ce qui les obligea toutes à contracter des emprunts considérables.
Un édit de 1745 créa, pour les Cordonniers, dix offices d'inspecteurs contrôleurs. « La Communauté en a réuni trois, dont la finance est de 405 1. en principal et les 2 s. p. livre; les sept autres sont exercés par autant de maîtres particuliers qui les ont acquis au même prix. » Le principal d'achat de ces offices rapportait intérêts au denier 20 à titre de gages 2. La communauté les touchait encore en 1776.
Vers 1730, lés Cordonniers nommaient tous les deux ans, le 26 octobre, en présence d'un huissier, quatre maîtres gardes (deux anciens et deux nouveaux) et un clerc 3.
Occupons-nous, à présent, des membres de la corporation.
LES APPRENTIS. — Divers contrats d'apprentissage recueillis çà et là nous fournissent des renseignements sur les conditions des engagements de cette nature chez les Cordonniers, qui étaient généralement liés pour deux ans 4.
En 1645, un apprenti de vingt-quatre ans est entretenu
1 Arch. de l'Aube, E 1151, et édition de 1774 des statuts, 2 Arch. de l'Aube, E 1151.
3 Bibl. Nat., Coll. de Champagne, t. 100, fol. 108 r°.
4 Pour plus de détails, voir notre Étude sur les Contrats d'apprentissage à Troyes, au XVIIe siècle (Annuaire de l'Aube pour 1894), ou mieux encore l'édition augmentée qu'en a publié le Bulletin de la Société de Protection des Apprentis et des Enfants employés dans les manufactures, 1894, p. 438 (Bibl. de Troyes).
1895 5
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« d'hostel, lict, feu, vivre de bouche », par son maître, qui reçoit en retour 40 1. — Un enfant de dix-sept ans donne 66 1., plus les droits dus à la communauté 1. Un autre, placé en 1666, paie 120 1., mais son maître s'engage à lui fournir les outils et à l'envoyer à l'école. On trouve, enfin, 60 1. pour quatre ans en 1689, et 130 I. en 1752.
Le 1er mai 1702, Jacques Tassin, avocat au Parlement à Troyes, directeur des hopitaux, « pour l'évident proffit faire à Pierre Tetel, fils de Jacques Tetel, maître d'école à Rouilly-Saint-Loup, luy donner moyen de gangner sa vie à l'avenir, et pour satisfaire à l'intention de feu Monsieur Modenne, vivant abbé de l'abbaye Saint-Loup dud. Troyes, portée en son testament », le met en apprentissage pour deux ans chez Edme Besanger, maître cordonnier, qui devra le loger, nourrir, etc., moyennant 75 1. L'enfant sera entretenu par son père. Les 25 1. restant pour parfaire la somme de 1001. que les hopitaux sont tenus de payer seront données à l'apprenti, à la fin de son engageaient, « pour luy acheter des outils et employer à ses nécessitez ».
LES COMPAGNONS. — Les statuts de 1419 indiquent qu'autrefois les compagnons faisaient partie de la confrérie, aux dépenses de laquelle ils participaient par une cotisation modérée. La jurande dédaigna ces auxiliaires inférieurs 2.
Les compagnons s'engageaient quelquefois par contrats de un an ou deux au plus. L'un d'eux, un débutant sans doute, car il est dit qu'il sera « montré et enseigné », est engagé pour deux ans ; il sera logé, entretenu de souliers et fourni d'outils, sans avoir à payer quoi que ce soit, pas même le droit de compagnon. Un autre touche 30 1. par an, par portions, au fur et à mesure de ses besoins.
1 Ces droits montaient à 6 I., dont 5 1. pour la chapelle et 20 sous pour les maîtres-gardes. Le Compte de 1690-1691 mentionne une assignation donnée à Arnould de Salle, pour un apprenti dont il avait sans doute négligé de faire enregistrer le brevet.
2 A Paris, une confrérie de compagnons cordonniers, fondée en 1379, fut réunie à celle des maîtres en 1551 et séparée à nouveau en 1758 (Paul Lacroix, Hist. des Cordonniers, p. 120 à 123).
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Le 18 mars 1611, deux compagnons étrangers à la ville s'engagent à travailler pendant un an chez François Vivien. Ils devront fournir, chaque jour, deux paires de souliers « lyegez 1 » ou trois.de souliers bas; dans les souliers « lyegez » sont compris les souliers « à pouleinz et pantouffles ». Ils seront entretenus d' « hostel, feu, lict et vivres de bouche »; de plus, ils auront droit à une paire de souliers de maroquin et à 51 1. chacun, à la fin de leur engagement. Sur cette somme, il est avancé 5 1. à l'un d'eux, et on lui donnera de quoi s'acheter un habit pour la Saint-Crespin ; l'autre reçoit 331. d'acompte. En cas de défaut de leur part, ils rembourseront ce qu'ils auront touché ; si le maître n'a pas de travail à leur donner, ils seront payés tout de même. S'ils sont malades, ils récupéreront le temps perdu à la fin de leur année. Ils ont droit à a huit jours ouvriers de libres de ne pas travailler pendant ledit an, et non davantage ».
En 1671, un compagnon est payé 8 sous par paire de souliers d'homme, femme ou autres. La paie a lieu le dimanche. Il reçoit, de plus, une paire de souliers pour lui et une pour sa femme. En 1689, un maître cordonnier, manquant sans doute de fonds pour s'établir, s'embauche chez un de ses confrères, pour 10 s. par jour et le logement.
La bonne harmonie ne régnait pas toujours entre compagnons et maîtres; ceux-ci se plaignaient souvent de ceux-là, qui bien sûr leur rendaient la pareille.
Sur requête présentée au nom de la communauté parut, le 26 avril 1741, un « Nouveau Règlement de Messieurs de Police, pour la communauté des Maîtres Cordonniers de cette ville, qui fixe la manière d'embaucher les compagnons cordonniers et règle leur entrée et sortie de chez lesdits maîtres 2 ». Ces derniers s'étaient plaints que « les compagnons dudit métier se rendent les Maîtres à l'arrivée des compagnons en
1 « On se sert de liége pour mettre sous des pantoufles et des patins, parce qu'il est fort léger. » (Dictionnaire de Trévoux.) 2 Inséré à la suite de l'édition de 1741 des statuts.
cette ville, en les plaçant dans telles boutiques que bon leur semble, et de là les font même sortir des boutiques des uns pour les faire entrer dans les autres ». On reconnaît là les pratiques du compagnonnage, dont il sera dit quelques mots tout à l'heure. Le règlement de 1741 défend aux compagnons de se mêler de l'embauchage, il leur enjoint de prévenir leurs maîtres de leur départ trois jours à l'avance, et quinze avant les grandes fêtes; les maîtres sont invités à désigner deux anciens pour faire les fonctions d'embaucheurs et à ne pas avancer plus de 3 1. aux ouvriers et 30 s. aux arrivants.
Le 30 juin 1778. les confrères se réunissent à nouveau en la maison de leur syndic, qui leur expose que, depuis que le règlement d'août 1773, concernant l'enregistrement des compagnons, ne s'exécute plus, il ne cesse de se commettre des contraventions par des compagnons qui, n'étant pas connus, travaillent pour leur compte et sortent de chez leurs maîtres sans billets de congé. Le syndic requiert l'autorisation de présenter une requête à M. le lieutenant de police, pour demander, non seulement l'exécution de ce règlement, mais encore que les compagnons ne puissent quitter leur place qu'en avertissant trois jours à l'avance, et quinze jours avant les principales fêtes, et après avoir obtenu d'eux un billet de congé ; s'engageant, de leur côté, à les prévenir dans les mêmes délais quand ils seraient dans la nécessité de les remercier de leurs services. De plus, les maîtres seraient tenus de ne pas donner d'ouvrage aux compagnons dans leur chambre, sauf dans le cas de maladie d'eux ou de leur femme, constatée par un médecin, un chirurgien ou le curé de leur paroisse, avec permission des syndic et adjoint et pour une durée de huit jours au plus 1. Il fut fait droit à cette requête par une « Sentence portant règlement pour les compagnons cordonniers, du 6 août 1778 2 », aux termes de laquelle ceux-ci
1 Arch. de l'Aube, E 1221, reg., f° 2.
2 A Troyes, chez la veuve Gobelet, imp. du Roi, 3 p. in-i° (Bibl. de Troyes, Catalogue local, n° 2260, 53°).
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doivent prévenir leurs maîtres dix jours avant les fêtes solennelles et quatre jours en temps ordinaire ; il n'est plus ici question de réciprocité. La sentence déclare, en outre, que les ouvriers pris à travailler chez eux (hormis les cas et dans les délais exposés dans la requête) seront poursuivis comme chambrelands, leur ouvrage et leurs outils confisqués.
Le compte de 1690-1691 fait déjà mention d'une somme de 5 1. pour la saisie de cinq compagnons travaillant en chambre (y compris les records) et 30 s. « pour l'enqueste des saisies faictes sur les compagnons travaillans en chambre saisis 1 ».
Les Cordonniers furent convoqués par la municipalité, le 24 décembre 1789, avec quelques autres communautés, pour donner leur avis et s'assurer du prix des journées de leurs ouvriers 2, dont les noms furent relevés cette année-là, sur l'ordre de M. de Saint-Georges, lieutenant au bailliage 3.
Voici, d'autre part les prix fixés par les Tableaux du maximum arrêtés par le Conseil général de la commune de Troyes le 14 octobre 1793 : Souliers d'homme et de femme en uni, 1 1. 10 s. ; double couture simple, 1 1. 16 s. ; double couture semelle et talon, 2 1. 5 s. ; — bottes ordinaires, 6 I. 15 s.; double couture, 7 1. 10 s. ; — brodequins, 3 1.; — rempiétages de bottes, 3 1. 7 s. 6 d.
Ces Tableaux fixent également le prix des cuirs.
1 Les maîtres n'étaient pas toujours exempts de reproches envers leurs employés; un règlement des Cordonniers-Savetiers de Reims (2 décembre 1774) prévoit le cas où des compagnons ne seraient pas payés de leurs salaires, où ils subiraient de mauvais traitements ou bien encore manqueraient d'ouvrage, et les autorisée se pourvoir devant le juge de police. (P. Varin, Archives législatives de la ville de Reims, Statuts, II, 248.)
2 Reg. des délibérations municipales. — Cette mesure avait été prise « à l'effet de fixer le prix des journées pour établir combien il faut payer de journées d'impositions directes pour être électeur éligible lors de la prochaine organisation des officiers municipaux », selon les décisions de l'Assemblée nationale. La journée moyenne des ouvriers troyens fut évaluée à 30 s. et le chiffre minimum d'imposition à 4 1. 10 s.
3 Arch. de l'Aube, E 1221.
4 Bibl. de, Troyes, Catal. toc, 2815.
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Ecartés de la confrérie mixte, les compagnons sentirent le besoin d'avoir un lien qui les unît contre les vicissitudes de leur condition inférieure; ils eu fondèrent une spéciale, dont l'existence est révélée par une requête des maîtres cordonniers, du 5 août 17201.
Ceux-ci, s'appuyant sur la loi qui défendait l'établissement de confréries sans l'obtention préalable de lettres-patentes, dénoncent leurs compagnons comme ayant fondé une confrérie en l'église Saint-Frobert. Quatre maîtres, disent-ils, ont été élus pour la diriger ; elle possède des registres où sont inscrits les noms des compagnons, et une levée de deniers a lieu pour subvenir aux dépenses ; les compagnons s'attroupent pour demander des augmentations de salaires et, le jour même de la requête, ils avaient réclamé 30 sols par jour, au lieu de 14 qu'on leur donnait et de 9 qu'ils avaient autrefois. Il paraît qu'avec ce salaire ils ne travaillaient que trois jours par semaine et passaient le reste en débauches. « Ils ont plus fait, dit le document, car ils ont été attrouppez dans les Boutiques de tous les Maîtres pour faire perquisition chez eux, et voir s'il n'y avoit point de Compagnons qui n'étant point de leur caballe, travaillassent, pour les faire quitter l'ouvrage et maltraiter, voulant les mettre de leur Party. Ils ont plus fait, car ils ont menacé les Maîtres de les faire tous périr, s'ils ne leur donnent pas le prix qu'ils leur demandaient. »
Il est probable que l'autorité réprima des menées aussi contraires aux idées de l'époque et dont on trouve la source dans l'organisation puissante du compagnonnage, lequel groupait ensemble les ouvriers d'une même corporation, sur tout le royaume, comme le font nos modernes fédérations.
Le fonctionnement de ces associations d'aide mutuelle se compliqua bien vite d'une foule de pratiques occultes, dont il ne nous appartient pas d'étudier ici la cause et la portée.
1 Bibl. Nat., Coll. de Champ., t. 101, f° 51, petit in-plano imprimé.
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Les compagnons cordonniers se faisaient remarquer entre tous par l'excentricité de leurs cérémonies. Dès le 21 septembre 1645, une consultation des docteurs en la Faculté de Paris réprouvait les pratiques de leur réception; elles furent condamnées par l'Official de Paris, le 30 mai 1648, et par le bailli du Temple, le 11 septembre 1651. La même année, l'archevêque de « Tholoze » en excommuniait les auteurs. Nous empruntons à nos voisins les Rémois le tableau bizarre qui suit, daté de 1655, certain qu'à Troyes les choses devaient se passer de même, car l'institution en cause rayonnait sur toute la France, et au-delà.
Après avoir énuméré les pratiques générales du compagnonnage, les rédacteurs du document indiquent spécialement les suivantes :
« Les compagnons cordonniers prennent du pain, du vin, du sel et de l'eau, qu'ils appellent les quatre alimens, les mettent sur une table, et ayans mis devant icelle celuy qu'ils veulent recevoir compagnon, le font jurer sur ces quatre choses, par sa foy, sa part de paradis, son Dieu, son chresme et son baptesme : ensuite, lui disent qu'il faut qu'il prenne un nouveau nom et qu'il soit baptisé; et luy ayant fait déclarer quel nom il veut prendre, un des compagnons, qui se tient derrière, luy verse sur la teste une verrée d'eau en luy disant : Je te baptise au nom du Père, et du Fils et du S. -Esprit. Le parrain et soub-parrain s'obligent aussi-tost à luy enseigner les choses appartenantes audit devoir. 1 »
LES MAÎTRES. — La corporation des Cordonniers a presque toujours été fort nombreuse à Troyes, et cela s'explique pour une industrie aussi indispensable. Cependant, sa prospérité a été soumise à bien des fluctuations. On a vu, dans le chapitre consacré à leur réglementation, qu'au commencement du
1 Sommaire des pratiques impies, sacriléges et superstitieuses, qui se font par les compagnons selliers, cordonniers, tailleurs, couteliers et chapelliers, lorsqu'ils reçoivent quelqu'un, compagnon qu'ils appellent du devoir (Arch. lég. de Reims, Statuts, II, 249-250).
Il est difficile de se faire une opinion exacte du degré de considération dont jouissait la corporation des Cordonniers. Les documents sont tout à fait contradictoires, et le seul fait à retirer de leur confrontation est que, là comme ailleurs, il y
1 Hist. de Troyes, IV, 555.
2 Bibl. de Troyes, man. parchemin n° 2516.
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avait de bons et de mauvais citoyens, qui étaient pris tour à tour comme types pour juger de l'ensemble.
Ainsi, le 1er mars 1430 (v. st.), une réunion d'habitants notables de Troyes défendit « que nulz marchans, hostelliers, « coustumiers, pelletiers, gipponiers, cordonniers, forbisseurs « ne autres gens, ne praignent en paiement aucunes debtes « deues à cause de rançons, butins, ne apatissements, à peine « du double d'amende 1 ».
D'autre part, en 1431, la ville étant menacée par lès AngloBourguignons, qui terrorisaient la contrée, « plusieurs estaz sont requis à garde, comme bourgois, bouchiers, tanneurs et cordouenniers 2 ».
En 1511, ils participent pour 25 1. dans le paiement d'une taxe levée sur certains métiers 3.
Cependant, un arrêt des Grauds-Jours tenus à Troyes en 1535 ayant, sur la proposition de Noël Coiffart, maire de Troyes, décidé, le 31 octobre, que trois délégués de chaque métier prendraient part aux assemblées générales de la SaintBarnabé, le Conseil de ville rejeta cette décision, sous prétexte qu'alors on pouvait « faire des maires, échevins, et conseillers de toutes sortes de gens, tels que cordonniers, savetiers, maçons, etc. ; qu'ils auraient le gouvernement de la ville, des deniers communs et des fortifications, iraient tout boire et dépenser et n'auraient pas de quoi le rendre 4 ».
En 1728, trois des maîtres gardes Cordonniers figurent comme témoins, avec les gardes Savetiers et ceux de plusieurs autres communautés, dans une enquête sur une affaire de pression électorale au sujet de la nomination du maire et des échevins 5.
1 A. Roserot, Le plus ancien registre des délibérations du Conseil de ville de Troyes, p. 80.
2 Ibid., p. 115.
3 Boutiot, Hist. de Troyes, III, 265.
4 Ibid., III, 355.
5 Voir notre étude spéciale sur cet incident : Un cas de pression électorale à Troyes en 1728,
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M. Albert Babeau a tracé, dans son ouvrage intitulé : Les artisans et les domestiques d'autrefois, une instructive monographie d'un maître cordonnier, Arnoul Desalle, demeurant place du Marché à blé (1685-1717). A l'aide de documents savamment analysés, le lecteur pénètre dans la maison de l'artisan et peut juger de la situation du ménage et de l'aspect de la boutique, dont les vignettes primitives dispersées dans notre étude peuvent aussi donner une idée.
Le mobilier professionnel est peu important et n'a guère varié depuis. En 1662, Jean Lescorché a « dans une balle d'osier les outils servant au mestier de cordonnier », estimés 40 sous ; en 1723, un autre en a pour 10 1.
Parmi les actes concernant la profession, il convient de citer celui par lequel, en 1664, Jacques Gras, maître cordonnier, prend à forfait la fourniture des souliers neufs, tant de vache que de veau, qui seront nécessaires pendant un an à un bourgeois de Troyes. Le prix fixé est de 18 1., et le domestique du client, qui stipule pour son maître, s'engage à revendre à Jacques Gras les souliers hors d'usage 1.
Un cordonnier du nom de Nicole Lescuier prête serment comme mesureur de « seigle, sons, avoyne, escourjon, sarrazin » à Troyes en 1637 2.
Les Cordonniers se sont fait autrefois une réputation d'originalité à peu près perdue de nos jours ; on les traitait de porte-aumusse, à cause de la forme de leur tablier de cuir, ou encore de pontifes, qualification dont on trouve un écho, presque une explication, dans les deux vers suivants, empruntés à la littérature populaire bretonne; nous en devons communication au distingué secrétaire général de la Société des Traditions populaires, M. Paul Sébillot, qui réserve à la
1 Minutes Sémillard.
2 Arch. de l'Aube, reg. VI des Mandements du Roi, fol. 7 r°.
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profession une place importante dans son intéressante galerie des Légendes et curiosités des métiers 1 :
Les cordonniers sont pir's que des évoques, Car du lundi ils en font une fête
Enfin, si l'on reprochait à notre ville d'avoir donné le jour au geôlier du Dauphin fils de Louis XVI, le fameux cordonnier Simon, dont un portrait peint par le baron Gros existe au Musée municipal, la bibliographie locale pourrait citer le Recueil de chansons nationales et de société, dédié à MM. de Mesgrigny père et fils, par J.-B. Gomand, cordonnier à Landre ville 2.
Fragment d'un bois du Musée de Quimper communique par M. Sébillot.
1 Paris, Ernest Flammarion, éditeur. — Chaque profession formera une monographie séparée d'au moins 32 pages grand in-8°.
2 Châtillon-sur-Seine, C. Cornillac, imprimeur-libraire, 1831, 26 p. (Bibl. de Troyes, Catal. local, n° 3878.)
LES BASANIERS (1375-1582)
La communauté des Basaniers a vécu à une époque trop éloignée pour avoir laissé beaucoup de traces de son existence. Elle avait été formée en 1375, sur la requête de cinquante-deux maîtres basaniers, par le bailli Nicolas de Fontenay, qui, après s'être éclairé auprès des Tanneurs, des Cordonniers, des Vachiers, et avoir pris l'avis du procureur du roi, leur donna des statuts contenus dans le Cartulaire des Arts et Métiers, aux Archives municipales de Troyes (Q 2), et dont M. Théophile Boutiot a publié l'analyse suivante :
« Il est d'abord défendu aux basaniers de la ville et des faubourgs de travailler pendant la nuit, sous peine de dix sous d'amende au profit du roi, et de six deniers au profit du sergent. Les basaniers peuvent faire des souliers de tout cuir, excepté de cuir de cordouan, et se servir de vieux cuirs pour garniture. La corporation a quatre maîtres-gardes chargés de veiller aux intérêts de la communauté, de visiter les ouvroirs et les marchandises, de s'assurer des malfaçons et de faire connaître celles-ci au prévôt royal, chargé de prononcer la peine encourue. Le lendemain de la saint Jean-Baptiste, les basaniers se réunissent au couvent des Cordeliers, en présence du procureur du roi ou de son substitut, pour procéder au renouvellement des gardes de cette corporation, qui paraît tenir, dans l'art de la chaussure, le milieu entre la corporation des cordonniers et celle des savetiers. 1 »
Une modification à cette réglementation eut lieu en 1464 (Arch. mun., Q 1); M. Boutiot la résume ainsi :
1 Hist. de Troyes, II, 237.
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« On a vu plus haut que les cordonniers et les savetiers avaient été relevés de l'interdiction qui leur était faite de travailler pendant la nuit. En 1464, les ouvriers en bazane se pourvoient devant la justice et obtiennent l'abrogation de cette interdiction. Leur requête est motivée : 1° sur la permission déjà accordée aux cordonniers de travailler pendant la nuit; 2° sur la difficulté de fournir à la consommation; 3° et sur la difficulté d'attirer à Troyes les ouvriers étrangers, en raison de la défense faite de travailler la nuit. Il est accordé aux bazaniers de modifier leurs statuts de la manière suivante : Les cotisations sont élevées; le droit d'entrée en maîtrise est fixé à deux livres de cire, celui des apprentis à une livre; la cotisation hebdomadaire à un denier parisis pour les maîtres et à un denier tournois pour les valets gagnant argent. La compagnie est déchargée, pour ses assemblées, de la présence du procureur du roi qui, dans ces occasions, est remplacé par un sergent1. »
Les Basaniers possédaient, avec les Cordonniers, « une salle dépendant de la grande boucherie, où ils vendaient le produit de leur industrie » 2. Ils furent représentés à l'assemblée d'élection des États généraux de 1760 par Claude de la Fosse et Supplix Villemeau, mais ils ne figurent pas à ceux de 1576 3.
Cependant, ils paraissent isolément, jusqu'en 1581, dans les assemblées municipales d'élection et de la saint Barnabé. C'est seulement l'année suivante qu'on les trouve réunis en un seul et même corps avec les Cordonniers. En effet, le mardi des féeries de Pâques (17 avril) 1582, dans une assemblée des métiers pour l'élection de quatre échevins, les quatre maîtres gardes des Cordonniers-Basaniers, « naguières unis », escortés d'un procureur et d'un avocat, se plaignirent
1 Hist. de Troyes, III, 85.
2 Ibid., III, 371.
3 Boutiot, Documents inédits relatifs aux États généraux, p. 38 et 93.
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que le greffier ne les avait point appelés à leur tour, attendu qu'ils devaient l'être après les Tanneurs et Corroyeurs, dont leur état dépendait; ils demandèrent aussi le droit d'avoir quatre voix comme anciennement : deux pour les Cordonniers, deux pour les Basaniers, ce qui fut accordé par le lieutenant général 1.
Le 16 octobre 1432, un certain « Jehan le Norment, basenier », fait partie d'une assemblée d'habitants de Troyes consultés sur certaines questions d'approvisionnement par le Conseil de Ville 2.
Saint Crépin et saint Crépinien
d'après une pierre gravée provenant de la chapelle des Maîtres Cordonniers
en l'église des RR. PP. Augustins de Châlons (XV° s.)
(L. Grignon, L'Ancienne Corporation des Maîtres Cordonniers de Châlons, 1883.)
1 Arch. mun., A 20, f° 207.
2 A. Roserot, Le plus ancien registre..., p. 220.
LES SAVETIERS (1363-1768)
L'origine de la corporation des Savetiers de Troyes se perd dans les ténèbres du moyen-âge..., s'il faut en croire la tradition soigneusement transmise par les intéressés et enregistrée avec plus ou moins de scepticisme par les historiens. Elle aurait fonctionné dès le IXe siècle, et M. Boutiot raconte ainsi l'origine de son attachement à l'abbaye de Saint-Loup, où était instituée la confrérie à une époque moins éloignée :
« On cite encore un autre épisode dont le haut-de-chausse du roi fait le sujet... La garde-robe de Charles-le-Chauve était, selon la tradition et selon l'historien Nithard, réduite aux objets de la plus stricte nécessité. Son unique haut-de-chausse réclamait une prompte réparation. Des savetiers (ce haut-dechausse était sans doute de cuir) furent appelés pour réparer cet indispensable vêtement. En reconnaissance de ce service, le roi aurait accordé à la corporation troyenne... la faveur de célébrer la fête de son patron dans l'église de l'abbaye royale de Saint-Loup 1. »
Courtalon dit quelque part, sans garantir le fait, que les Savetiers « ont le titre de cette permission dans le coffre de leur communauté et le conservent comme un de leurs plus beaux titres 2 ». — Ajoutons que le Questionnaire de 1776, énumérant les titres possédés par la communauté des Cordonniers-Savetiers, alors réunis, ne parle pas de celui-là.
Les Savetiers de Troyes furent l'objet, le 3 mars 1363, d'une réglementation donnée par Jehan Largentier, lieutenant
1 Hist. de Troyes, I, 129.
2 Top. hist., II, 286.
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de noble homme et saige monseigneur Jehan de Maison conte, chevalier, seigneur de Torigny, conseiller du roy notre sire et son bailli de Troyes et de Meaux », « à la requête de Jehan Climant (ou Climart ?) , procureur du roy nostre sire au bailliage de Troyes 1 >.
Il y est déclaré que les Savetiers s'assemblaient sans en avertir la justice et sans appeler à leurs « parlemens » aucun des officiers du siège présidial ; et décidé qu'ils ne pourront faire oeuvre de leur métier le samedi au soir à la lumière, le dimanche ni aux fêtes de Notre-Dame et des Apôtres ; qu'ils n'allumeront pas de chandelle pour faire oeuvre de marché de la Saint-Remy jusqu'à Carême prenant ; qu'ils ne mettront point dehors leurs étaux le dimanche ni aux fêtes ; qu'ils ne hucheront point, etc.
Un deuxième règlement fut promulgué par le bailli de Troyes, en 1412. Il reproduit plusieurs des dispositions ci-dessus :
I. Les « savetiers et remaudeurs de la ville de Troyes... feront une confrairie chacun an en l'église de Saint-Anthoine 2 es forbourgs de Troyes et y feront dire et célébrer chacun lundy 3 une messe pour le roy notre sire, sa noble lignée, ses oufficiers audit bailliaige, les confrères de ladite confrairye et le salut et remède des âmes trespassées ». Pour couvrir les frais, chaque maître, ouvrier ou apprenti sera contraint de payé un denier parisis par semaine.
II. Il est enjoint aux maîtres et ouvriers 4 d'élire chaque année quatre gardes et un sergent qui seront jurés par le
1 Bibl. Nat., man. fonds français n° 2625, fol. 175 v°.
2 L'église et le couvent des Antonins étaient alors situés à l'entrée de la rue de Paris.
3 Nous ne devrons plus nous étonner si l'habitude de « faire le lundi » s'est perpétuée dans la corporation : l'ordre venait de haut et de loin... A leur réception au compagnonnage, les savetiers juraient d'ailleurs de « ne jamais travailler le lundi ».
4 Il est à remarquer que les ouvriers font ici encore partie de la confrérie, au même litre que les maîtres.
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prévôt de Troyes. L'élection se fera le lendemain de Noël, « derrier l'église de sainct Estienne de Troyes, au derrenier cop de vespres... »; une amende de deux sols tournois au profit du prévôt et de six deniers « au sergent dudit mestier » sera infligée à ceux qui feront défaut sans excuse valable.
III. Il est interdit de travailler à « ouvraige de marchié » le samedi soir à la lumière ni le dimanche matin, aux quatre fêtes Notre-Dame et aux fêtes des Apôtres « qui ayent jeune commandé », à peine d'amende et de confiscation. Les autres jours, le travail à toutes heures est autorisé.
IV. Le dimanche, aux quatre fêtes Notre-Dame et à celle des Apôtres, les savetiers « ne pourront mestre avant leurs denrées hors de leur seul (seuil) sans le congié des quatre maîtres..., si ce n'est devant l'église sainct Père de Troyes, devant laquelle ilz pourront exposer en vente... »
V. Il leur est défendu de « hucher ne appeller personne qui marchande l'un devant l'autre ».
VI. Ils sont tenus de suspendre le travail qu'ils font pour eux-mêmes, pour faire celui qu'on leur apporte.
VII. Tous les maîtres et valets « qui auront leur serement audit mestier » paieront chaque année, le lendemain de Noël, un denier au sergent.
VIII. Les contrevenants aux articles ci-dessus paieront amende.
IX. « ... Tous ceulx dudit mestier feront leur serement es mains des quatre maistres, se fait ne l'ont, qu'ilz garderont les choses dessusdites... » Ils sont tenus de dénoncer les contraventions qui viendraient à leur connaissance.
X. Les gardes qui failliront à leur mission ou recèleront des amendes seront punis.
XI. « Aucun dudit mestier ne pourra aller quérir ne cryer par la ville et forbourgs de Troyes soulliez vielz à jour de dimanche ne à autres journées » s'il n'a fait son serment entre les mains des jurés.
XII. Les ouvriers seront tenus de se rendre aux mandements des quatre maîtres chaque fois qu'ils seront mandés pour « sçavoir se aucun auroit mesprins audit mestier... »
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XIII. Le sergent aura le droit d'aller chez les ouvriers constater les contraventions aux articles ci-dessus.
XIV. Les quatre maîtres pourront convoquer devant eux les ouvriers pour en obtenir des renseignements relativement à « ceux qui mespranront es choses dessusdites ».
XV. Tous ceux qui seront reçus dorénavant audit métier « payeront à faire leur serement vingt deniers ».
Ce règlement, assez compliqué et fort curieux, ne suffit pas aux confrères Savetiers; par lettres du 27 janvier 1440, ils obtinrent du roi l'addition de plusieurs articles définitivement arrêtés en septembre 1442 par le bailli de Troyes, qui avait fait assembler, à cet effet, les élus des deux communautés des Cordonniers et des Savetiers, alors en procès, assistés de leurs procureurs et de quelques maîtres.
Un long préambule, dont font partie le règlement de 1412 et les lettres de 1440, contient les plaintes des Savetiers contre leurs adversaires, qui, paraît-il, « s'entremectent de oeuvrer et mectre en euvre viez ouvraiges de cuir et de carreler et remauder soulliers... », ce qui nuit grandement à l'industrie des Savetiers, lesquels, à l'appui de leurs dires, avaient déposé au bailliage des ouvrages de savaterie saisis par eux chez des cordonniers. Ceux-ci, de leur côté, reprochent aux Savetiers de travailler des cuirs de cheval et de porc, ce qui leur est défendu, comme aussi les cuirs préparés en tannerie, n'étant autorisés qu'à se servir de ceux corroyés par eux.
Voici le résumé des articles promulgués dans le but de mettre un terme à ces querelles :
I. Ne pourront ouvrir étal de savetiers que ceux qui y auront été reçus; ils paieront 10 s. t. « aux compaignons dudit mestier ».
II. Ils ne paieront à la confrérie, lors de leur réception, que 10 s. t., au lieu de 20 s. exigés par l'ordonnance de 1412.
III. Ils pourront employer dans leurs ouvrages deux tiers de cuir neuf, sauf de cordouan et de porc.
IV. Les contraventions aux articles ci-dessus seront
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punies. Un délai est accordé pour écouler les marchandises non conformes à la nouvelle réglementation.
V. «... pour aparance que telz soulliers soient ouvraiges vielz, lesdits maistres et ouvriers jurés seront tenuz de atacher leurs ouvraiges et soulliers à ung chief gros par les becs l'un à l'autre, en la manière accoustumée d'ancienneté... »
VI. Quatre gardes et un sergent seront élus chaque année.
VII. Un sergent royal assistera aux assemblées annuelles, pour veiller qu'il n'y soit fait aucune chose illicite ni préjudiciable au roi et à la chose publique.
VIII. Les savetiers seront tenus de dénoncer les contraventions commises par les cordonniers et les basaniers.
IX. Les maîtres ne débaucheront pas les ouvriers ni les valets de leurs confrères.
X. Les valets ne pourront quitter leurs maîtres avant que le temps de leur engagement soit achevé.
XI. Afin de pouvoir être distingués d'avec les cordonniers, les savetiers ne pourront tenir leurs étaux apparents hors de leurs maisons.
XII. Les savetiers seuls « auront le mestier de la remaudeure et carreleure»; les cordonniers pourront cependant faire les « rempiéteures de chausseaulx », parce qu'ils ont les outils nécessaires.
A propos de ce dernier article, les Cordonniers réclamèrent la faculté de remauder et carreler pour eux et leur famille; le procureur du Roi s'opposa à cette prétention, objectant les fraudes qui pourraient se commettre, sur quoi le bailli retint sa décision sur ce sujet et ajourna les parties au lundi suivant. Nous ne savons ce qui fut décidé ce jour-là, mais on verra au chapitre de la Réunion que les disputes continuèrent.
La facétie suivante, écrite par un inconnu au dos du cahier contenant le texte manuscrit du règlement de 1442, aux Archives municipales, montre combien les artisans d'alors étaient jaloux de leurs privilèges.
On a oublié dans les statuts des Savetiers cet article intéressant :
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« Et si notre bon Roy que Dieu gard vouloit faire recevoir « monsieur son fils maître dudit métier, point ne pourroit, « à moins qu'il ne luy fit faire trois ans d'apprentissage ou « épouser une fille de maître. »
L'Etat des communautés des marchands, arts et métiers établis dans la ville de Troyes, dressé en juillet 1767, indique encore des « Statuts et lettres patentes du mois d'août 1669, homologués par le Parlement le 15 mai 1691 » 1.
Il résulte d'une enquête sur la situation des communautés d'arts et métiers de la ville de Troyes, faite en 1730, que les Savetiers nommaient tous les ans quatre gardes et un clerc 2.
On a vu d'autre part qu'un « cul-de-sac de la Savaterie » existait à Troyes dès le XIIIe siècle, sans doute pour l'exposition des marchandises pendant les foires. En 1380, il y a la « rue de la Savaterie » (place du Marché-aux-Oignons, ou rue Notre-Dame) 3. Lors de la promulgation du règlement de 1442, les Savetiers exposaient aussi sur des étaux au dehors de leurs maisons, et ce, sans payer de droit, ce dont se plaignaient les Cordonniers. Au XVIIIe siècle, le « Marché de la savaterie » existait encore sur le même emplacement ; les places en étaient octroyées par la ville à des titulaires qui en jouissaient durant toute leur vie, et leurs veuves après eux.
Le 10 mars 1749, une permission est accordée à J.-B. Languetin, marchand savetier, d'occuper une place vacante par décès audit Marché, « avec faculté d'y étaller, vendre et débitter les marchandises de son métier, les jours de marché » sans pouvoir la vendre ni rétrocéder. A un autre est accordée
1 Arch. de l'Aube, E 1151.
2 Bibl. Nat., Coll. de Champ., vol. 100, fol. 127 v°.
3 Boutiot, Hist. de Troyes, II, 164-165. — D'après M. Corrard de Breban (Les rues de Troyes), la rue du Marché-aux-Oigrions s'appelait rue de la Savaterie dès 1188, et la rue Molé (ancienne rue d'Orléans) porta le même nom.
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la place n° 53 ; le titulaire devra partir avant le son de la cloche du balayage et enlèvement des boues, à peine de nettoyer lui-même sa place au lieu de laisser cette besogne aux habitants des maisons. Il lui est accordé trois pieds et demi d'étendue ; sa table et les autres objets lui appartenant devront être marqués du n° 53. Le 22 avril 1782, un cordonnier-savetier nous apprend, dans sa demande, que le Marché des cordonniers a été supprimé pour mettre celui des oignons « comme anciennement », et qu'en revanche on a augmenté le Marché de la savaterie 1.
Les Savetiers participèrent aux diverses sessions des États généraux, comme c'était leur droit. Le 30 juin 1506, Jehan Cheret, savetier, figure parmi les assistants d'une assemblée convoquée à l'occasion des Etats généraux 2. En 1560, Jehan Nyot et Jehan Aubry sont présents à la nomination de députés pour les États d'Orléans 3. En 1576, enfin, Odart Prieur et Michel Nyot l'aîné sont pareillement délégués au sujet des États réunis à Blois. Le cahier qu'ils présentent, commençant par ces mots : « Les quatre maistres et suppostz du mestier de savetier sont d'avis... », comprend onze articles, dans lesquels les suppliants émettent des plaintes contre la noblesse et demandent : l'adoption de la religion catholique à l'exclusion de tout autre culte ; une réforme générale du clergé; le paiement des dettes de l'État avec les biens du clergé; l'élection des officiers de justice; un règlement sur les monnaies ; la suppression du regrat sur les denrées, et enfin des réformes pour revenir au temps de Louis XII 4.
1 Arch. mun., AA, 40e carton, 1re liasse. Extraits du Registre d'audiences de l'Hôtel de Ville.
2 Boutiot, Documents inédits sur les États généraux, p. 16,
3 Ibid., p. 38-30.
4 Arch. mun., BB, 15e carton, 3e liasse.
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Au XVIIIe siècle, la confrérie des Savetiers tenait encore ses assemblées à l'abbaye de Saint-Loup ; les messes corporatives y étaient célébrées moyennant 40 1. par an. En 1735, les chanoines déclarèrent ne plus vouloir se contenter de cette somme; on se bouda un peu, et les Savetiers, portèrent pendant quelque temps leurs dévotions chez les RR. PP. Jacobins. Puis, le 4 mai 1736, un accord intervint, dont le texte nous fournit le détail des cérémonies spéciales à la confrérie.
Moyennant une redevance de 60 1. par an, les chanoines s'engagent à dire, le dimanche avant la Pentecôte, fête de saint Crespinien, à l'autel de saint Crespin, situé en leur église, une grand'messe avec diacre et sous-diacre; et, le 25 octobre, qui était la grande fête corporative, pareille messe, à dix heures du matin, avec diacre, sous-diacre, deux chapelains et enfants de choeur; le soir, à trois heures, vêpres avec chantre en chape ; après quoi, l'autel de saint Crespin devait être encensé aux accents joyeux du Magnificat. Après cette cérémonie, le trésorier délivrait le bâton de la confrérie, « au plus grand avantage et proffit de ladite communauté », c'est-à-dire qu'il était mis à l'enchère, comme cela se pratique encore aujourd'hui. Le 26 octobre, un service solennel de requiem, à diacre, sous-diacre et chantre, réunissait de nouveau les confrères et leurs familles, qui venaient prier à l'intention des décédés, au milieu de l'église garnie de tentures de drap noir et d'une « contenance », dont quatre cierges étaient à la charge de la communauté.
Dans le traité était aussi comprise la célébration éventuelle d'une grand'messe à l'autel du choeur, à huit heures du matin, sans diacre, sous-diacre, ni chantre, pour les maîtres ou maîtresses qui viendraient à décéder ; les confrères qui manquaient d'y assister étaient passibles d'une amende de 5 sous.
Enfin, tous les dimanches, une messe avait lieu, où l'eau bénite était faite et un pain bénit distribué.
Le luminaire, les honoraires de l'organiste, du sonneur et des enfants de choeur étaient payés par la communauté; les
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cierges des messes de requiem restant à la charge de l'abbaye 1.
Au commencement de l'année 1613, les Savetiers étaient redevables, « suyvant l'arrest en finito de compte rendu pardevant les depputez et nommez par ladicte communaulté », d'une somme de 1406 1. 4 s. 6 d. Des maîtres s'acquittent, par-devant notaires, de leur part de cette dette.
L'édit de 1745 créa quinze offices de contrôleurs inspecteurs pour les Savetiers; la communauté en réunit neuf, à raison de 110 1. chacun en principal; les autres furent acquis par des maîtres. Ces titres produisaient gages au denier 202.
Les Savetiers portaient deux voix aux élections municipales.
Le droit de visite, arbitraire et inquisitorial, conféré aux maîtres gardes par les règlements, n'était pas toujours exercé avec justice et sagesse; il arriva que des visiteurs furent contraints de revenir sur des saisies faites sans motif ou de réparer les abus de pouvoir dont ils s'étaient rendus coupables, en s'introduisant, par exemple, dans les appartements privés, où ils mettaient tout en désordre.
Il existe à la Bibliothèque Nationale 3 un petit Mémoire adressé au Procureur du Roi, le 16 février 1737, par Toussaint
1 Les clauses de ce traité ont été conservées aux Archives de l'Aube (1 Hbis 17) grâce aux prétentions d'un fermier des impôts qui, par contrainte du 26 juillet 1737, avait taxé l'abbaye de Saint-Loup à 241 1. (200 I. de principal 20 I. de décimes et 24 I. d'insinuation de quittance), sous prétexte que la rente de 60 1. souscrite par les Savetiers était une rente perpétuelle imposable au même titre qu'une rente régulièrement constituée. Il fut facile aux religieux de démontrer que cette somme n'était que les honoraires de la célébration des messes corporatives, qu'elle n'élait l'intérêt d'aucun fonds ni principal et pouvait prendre fin à la volonté d'une des deux parties. Malgré l'avis opposé du chargé d'affaires du fermier en Champagne, l'intendant Pelletier de Beaupré déchargea l'abbaye de Saint-Loup, par décision du 5 octobre 1737, de l'imposition à laquelle on l'avait injustement soumise.
Ces pièces nous ont été signalées par M. Francisque André, archiviste.
2 Questionnaire de 1776, Arch. de l'Aube, E 1150.
3 Coll. de Champagne, t. 104, f° 178.
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Payen, maître savetier. Celui-ci se plaint de ce que les chefs de la communauté, assistés d'un sergent, sont venus faire visite chez lui, où ils ont brisé différents objets dans sa vinée et saisi sans motif plusieurs paires de souliers en criant : « De l'argent! de l'argent! ». Effrayé par leurs menaces, il leur remit de l'argent pour acheter leur silence. Ce n'est qu'après leur départ qu'il réfléchit à l'injustice de leurs prétentions et se décida à solliciter l'intervention de la police. Les accusés préférèrent sans doute s'amender plutôt que d'affronter les hasards d'un procès ; une transaction notariée intervint, aux termes de laquelle, le 8 mars 1737, « Toussaint Payen, me savetier, demt à Troyes, d'une part ; Jean Hugot, Louis Bourbon, Edme Marelle et Edme Benoist, aussi mes savetiers, maistres gardes en charge de la communauté des maistres savetiers de la ville de Troyes, pour terminer le procès pendant et indécis entre eux au siège de la police de Troyes, pour raison d'une visite faite chez led. Payen par lesd. mes gardes en leurs dites qualités, pour les causes mentionnées aux pièces dudit procès, sont ensemble, pour éviter aux frais et suitte d'iceluy, » convenus que moyennant 6 1. que Payen confesse avoir reçues des quatre maîtres gardes, comme dommages intérêts, frais, etc., il renonce à toutes poursuites pour raisons de ladite instance.
On sait que les gardes des Cordonniers jouissaient aussi du droit de visite chez les Savetiers, et on connaît les querelles suscitées par ce privilège. Le chapitre de la Réunion, obtenue sur les instances des Savetiers, achèvera d'instruire le lecteur sur ce remarquable exemple de rivalité corporative.
APPRENTIS. — D'après les contrats relevés, les apprentis savetiers étaient engagés — entre dix et quinze ans d'âge — pour une période variant de deux à huit ans. La plus forte somme payée pour leur entretien est 40 1. pour deux ans, en 1685, Un maître ne veut rien recevoir, à cause de « la bonne
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amitié qu'il a toujours eue » pour son apprenti, à qui il s'engage d'enseigner ou faire enseigner à lire et à écrire. — Un autre, qui doit payer 30 1. pour trois ans, est autorisé à partir au bout de six mois, s'il le veut, en payant seulement 5 1. « pour toutes choses ».
En 1695, un apprenti est loué à Barnabe Roy, pour trois ans, moyennant 54 I., plus 5 I. pour la communauté.
La durée de l'apprentissage pouvait être réduite du consentement des parties. L'engagement qui précède avait été contracté le 25 mai 1693; or, le 1er février 1695, Roy reconnaît que Martin l'a servi jusqu'à ce jour, déclare s'en contenter « et consent qu'il travaille chez tel maître que bon luy semblera ».
En 1745, Nicolas Marot, à qui les directeurs des Hôpitaux confiaient pour huit ans un orphelin de dix ans, s'engage à l'envoyer au service divin et aux catéchismes et l'élever dans la religion catholique, apostolique et romaine... Il le logera, le nourrira et l'entretiendra complètement, lui laissera toutes ses hardes à la fin de l'engagement et lui donnera de plus un habit neuf et six chemises neuves, le tout de la valeur de 20 1.
Il était dû 6 I. à la communauté, au XVIIIe siècle, pour l'enregistrement du brevet d'apprentissage. Cette somme, la même que celle demandée par les Cordonniers, était sans doute partagée comme chez ces derniers, à savoir : 5 1, pour la communauté et 1 1. pour les maîtres gardes.
COMPAGNONS. — Les engagements de compagnons sont contractés pour un an au plus ; ils renferment diverses conditions qui valent la peine d'être notées.
Le 11 février 1631, deux maîtres savetiers s'engagent à fournir chaque semaine, jusqu'à Pâques suivant, à François Cloquemin, également maître savetier, douze paires de souliers (six chacun), « bien et deuement faictes, selon les ordonnances dudict mestier de savetier ». Cloquemin fournira les matériaux et les reconnaissants travailleront « à leurs
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fassons seulement comme compagnons travaillans à la boutique ». Ils auront 3 s. par paire de souliers bas et 4 s. par paire de souliers à liége.
En 1664, un maître savetier, nommé Bardin, promet à un de ses confrères de le servir pendant un an, de cinq heures du matin à huit heures du soir, moyennant 13 s. 4 d. par jour de travail, durant neuf mois de l'année, et 10 s. seulement en décembre, janvier et février. L'acte n'indique pas le motif de cette distinction, qu'il eût été intéressant de connaître. Il est convenu que l'engagement deviendra nul si le père ou la mère de Bardin vient à décéder.
En 1066, un compagnon se loue moyennant le logement, la nourriture et 12 1., plus une paire de souliers et une paire d'escarpins. — La même année, un maître savetier se place pour un an; il apportera ses outils, ne pourra travailler dans sa chambre et ne sera pas nourri. Il aura 6 s. 6 d. par paire de souliers de savetier qu'il fera; trois petites compteront pour deux grandes, depuis la petite pointure jusqu'à quatre ou cinq points de la grande, à condition qu'il n'en aura pas plus de six petites par semaine.
L'année suivante, un compagnon a 10 s. par jour ouvrable; un dédit de 10 1. est stipulé pour le cas où il quitterait son travail, comme pour celui où le maître n'en aurait pas à lui donner. — En 1068, un autre obtient le même salaire, plus une paire de souliers de savetiers pour lui et pour sa femme.
En 1677, un compagnon, qui est logé, nourri, etc., a droit, en outre, à une somme de 30 s. par mois. Son maître lui donnera aussi une paire de souliers de la valeur de 20 sous et lui fournira des outils."
La paie a lieu tous les samedis.
En 1767, il était dû 220 I. à la communauté et 12 1. aux officiers de police par celui qui était reçu au nombre des maîtres, montant alors à quatre-vingt-huit 1.
1 État des communautés..., juillet 1767. Arch. de l'Aube, E 1151.
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Quelques notes sur divers Savetiers troyens serviront à masquer la pénurie de documents sur la corporation. Le souvenir de deux d'entre eux a été conservé par une délibération municipale du 6 septembre 1431 : « Item a esté délibéré de bouter hors, de la ville ung savetier à ung chapperon blanc, ung autre savetier nommé Jehan de Reims. pour leur faulx et mauvaiz gouvernement. 4 » — A mentionner aussi le maître savetier Jérémie Nicqueuse (1629), dont M. Albert Babeau a si bien décrit le modeste intérieur 2.
Le 3 juin 1689, Nicolas Troublier, maître savetier, prend à loyer de Claude Febvre, marchand imprimeur et libraire, une boutique attenant au devant de l'auditoire royal de Troyes. Le bail est passé pour quatre ans, à raison de 4 1. par an, et renouvelé le 11 juillet 1694 par Jean Troublier.
Le 2 juin 1692, par acte notarié, un autre savetier troyen, Eustache Chevallot, reconnaît avoir reçu des maîtres gardes de la communauté « la somme de cent livres à luy deuë et adjugée par sentence du cinqe may dernier, suivant larresté fait le vingte dud. mois par Nicolas Bonhomme, Edme Pasquet, Louis Marinot, Nicolas Troublier, Estienne Sassey, Nicolas Balduc et Claude Ravinet, prudhommes et mes de ladite communauté, nommez par icelle communauté pour faire ledit arresté aussy à ce présents, excepté led. Ravinel absent, qui ont consenty led. payement qui a esté fait des deniers empruntés par lesd. mes gardes, suivt le pouvoir à eux donné par la communauté et advis desd. prudhommes par proces verbal fait pardevant Monsieur le prevost de Troyes, du treize may dernier. ». En conséquence de ce paiement, Chevallot délivre aux maîtres gardes « les pièces qui étoient par devers luy au nombre de vingt cinq, et dont la dernière est larresté fait par lesd. prudhommes. . . » Les maîtres gardes sont déchargés envers led. Chevallot, « sans que cela puisse préjudiciel' aux debtes auxquelles il pouroit
1 A. Roserot, Le plus ancien registre..., p. 131.
2 Les artisans et les domestiques d'autrefois, 2e éd., p. 326.
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estre engagé pour lad. communauté... ». Les termes de cette pièce donnent à penser que Chevallot avait été syndic, qu'il lui était dû une somme contestée par ses confrères et qu'il avait conservé en nantissement les papiers corporatifs.
N'oublions pas enfin que Jacques Pantaléon, dont chacun connaît la glorieuse et trop courte histoire sous le nom du pape Urbain IV, était né, en 1185, d'un savetier troyen.
Les Savetiers, « dont les dos sont en dôme 1 », jouissaient, grâce à certaines pratiques bizarres du genre de celles reprochées aux Cordonniers, d'une renommée fantaisiste qui pèse encore sur leurs successeurs et faisait d'eux des types sur lesquels s'exerça maintes fois la malice populaire. Un Catalogue raisonné de la Bibliothèque Bleue de Troyes, auquel nous travaillons, accuse cinq ou six plaquettes qui montrent ces artisans unis par un compagnonnage quelque peu crapuleux et rompant la monotonie du travail quotidien par des cérémonies grotesques aujourd'hui disparues.
Le bois ci-dessous (un Arrivant se présentant chez un Maître) figure au frontispice de plusieurs de ces productions.
1 La misère des apprentifs relieurs, Paris, imp. Joseph Bullot, 1747.
LA RÉUNION (1768-1773)
Si les réglementations étroites imposées à nos ancêtres, au point de vue industriel et commercial, les préservaient de la déplorable concurrence dont nous nous plaignons aujourd'hui, elles étaient la source de nombreuses querelles dont le plus clair résultat était de faire vivre une nuée de parasites alentour des tribunaux, sans aucun profit pour les plaideurs. Peu de corporations échappèrent à ce fléau, qui en ruina un bon nombre et les appauvrit toutes. Les Cordonniers et les Savetiers furent de ceux qui sacrifièrent le plus sur l'autel de la chicane, et longue est la série des arrêts rendus à leur sujet par les diverses juridictions compétentes.
On a vu, par les statuts analysés dans cette étude, que l'origine de leur dispute remonte à leur formation en corporation. Une requête des Savetiers, contenue dans le préambule de l'arrêt de réunion de 1768, dit que « les entreprises des Maîtres Cordonniers... sur ledit état de savetiers obligèrent ces derniers à présenter au roi quelques nouveaux articles de règlemens et statuts (1442) ; que sur un procès intenté presque aussitôt et porté au Parlement par appel des Cordonniers, les deux communautés, duement autorisées par de nouvelles lettres du dix-neuf mai mil quatre cent quarante-six, passèrent entre elles une transaction au mois d'août suivant, sur plusieurs articles litigieux de leurs Statuts respectifs; que cette transaction fut homologuée par arrêt du Parlement... » Le préambule du règlement des Savetiers, en 1442, n'était pas moins explicite à ce sujet.
Un commencement de sagesse fit unir, vers 1582, les Basaniers aux Cordonniers ; la réunion des Savetiers ne devait venir que près de deux cents ans plus tard !
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Une inégalité choquante existait dans les pouvoirs conférés aux gardes des deux communautés, en ce qui concernait leur droit de visite réciproque. Un Factum 1 rédigé à l'occasion d'une saisie faite par les Savetiers sur des cordonniers renferme l'analyse de nombreux arrêts et sentences intervenus sur cette question. Les Cordonniers prétendaient avoir le droit d'aller en visite chez les Savetiers, non seulement pour constater les contraventions aux statuts, mais encore pour examiner les cuirs et les malfaçons; ils déniaient à leurs adversaires la connaissance du cuir neuf et soutenaient qu'ils ne pouvaient visiter les Cordonniers qu'accompagnés de deux gardes des Corroyeurs ou, sur leur refus, par le bras de la justice. Il en était de même, d'ailleurs, dans les autres villes.
Visites, saisies, significations, assignations, arrêts, appels, requêtes, etc., on voit d'ici la longue kyrielle d'actes de procédure qui venaient prendre, dans le coffre commun, la place des écus soutirés par les suppôts de la basoche. « Pendant moins d'un siècle, dit M. Boutiot, ils n'eurent par moins de vingt-deux procès pour soutenir leurs droits respectifs 2. »
L'étude de ces pièces n'ajouterait rien à notre travail. Criblées de dettes, en proie à des rivalités extérieures et à des discordes intestines d'où naissaient des procès aussi longs que coûteux, les communautés d'arts et métiers végétaient péniblement, accumulant les emprunts à terme et les constitutions de rentes, dont le remboursement ne s'effectuait qu'en en créant de nouveaux. Les maîtres qui les composaient, écrasés déjà par leurs impositions personnelles, payaient à
1 Arch. mun., in-4° de 16 pages, s. 1. n. d. (1719), carton Arts et Métiers.
2 Hist. de Troyes, IV, p. 555. — Outre les procès des communautés entre elles, il y en avait encore entre les confrères de l'une et de l'autre. En 1625, Claude Chesne, maître cordonnier, était en procès à la cour des Aides avec sept maîtres savetiers, « pour raison de quelques deniers que ledit Chesne levoyl sur la communaulté des savetiers dudict Troyes, en vertu de quelque jugement ou commission de l'élection de Troyes, dont Iesdicts Balduc et consors sont appellans... » Un acte amiable d'accommodement intervint le 22 juillet entre les parties, qui, se départirent réciproquement de leurs prétentions, sans versement aucun de part ni d'autre. (Minutes Tripault.)
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contre-coeur leur part des taxes levées pour acquitter les dettes communes, en gémissant de la stagnation des affaires. Personnellement, les membres de l'une et de l'autre corporation devaient être mutuellement excités et nous verrions volontiers un effet de cet esprit d'hostilité dans la sentence rendue en 1569 par la Cour de l'échevinage, portant amende de 50 sous tournois pour des injures proférées par François Chesne, savetier, contre Jacques Lorey, cordonnier 1.
Lassés de cette situation dans laquelle ils avaient presque toujours le dessous, les Savetiers s'assemblèrent le 17 août 1767 et autorisèrent leurs gardes à demander la réunion.
Dans une requête présentée au Conseil du roi, ils exposent que les Cordonniers ne cessent d'empiéter sur leurs droits et de les troubler par des saisies ; qu'il en est résulté une infinité de procès se succédant sans interruption, ce qui amènerait à bref délai la ruine de leur communauté.
Les Cordonniers répondirent par un refus, contestant la prétention de leurs rivaux à bénéficier de l'exemple donné par les confrères de Reims ; ils disent que depuis 1386 il n'y a eu qu'un seul procès sur les privilèges respectifs des deux corps, et que les Savetiers y ont succombé par arrêt du Parlement du 13 avril 1758. Ils se targuent d'être plus instruits que ces derniers dans leur métier et aussi de n'avoir que 3.000 livres de dettes, contractées pour acquitter les taxes royales, tandis que les autres en ont pour 12.000 livres, « empruntées sans nécessité ».
Les Savetiers eurent néanmoins gain de cause ; le 5 juillet 1768, un arrêt du Conseil prononça la réunion des deux communautés et ordonna qu'elles seraient tenues de représenter dans le mois, à M. l'Intendant de Champagne, un état de leurs dettes actives et passives et un projet de statuts à observer 1.
1 Arch. mun., AA, 40e carton, 1re liasse.
2 A Troyes, chez la veuve Le Febvre, imprimeur-libraire... In-4° de 8 p.— Il en existe aussi une édition en placard in-folio.
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La réunion des deux communautés, accomplie par l'arrêt qui précède, ne l'était pas en fait.
« Il n'y a pas de moyens ny mauvaises ressources que la communauté des Cordonniers n'ait employés pour en éluder l'exécution... », et quoi qu'ils aient depuis travaillé concurremment et publiquement en vieux et en neuf, « il existoit toujours de la part des Cordonniers une jalousie qui les a empêchés de fournir l'état de leurs dettes et le projet de leurs nouveaux Statuts ». Ainsi s'exprime un arrêt du 17 avril 1770, que nous rapporterons plus loin. Et de fait, les Cordonniers avaient obtenu, le 27 janvier 1770, un arrêt leur permettant de faire assigner les Savetiers pour s'entendre dire que défense leur était faite de se dire cordonniers et d'employer plus d'un tiers de cuir neuf dans les chaussures qu'ils feront.
Ce dernier arrêt, signifié le 1er février, provoqua le surlendemain une réunion de Savetiers au Palais royal ; se basant sur les termes de l'arrêt de 1768, contre lequel celui du 27 janvier était dirigé, ils chargèrent leur procureur et leur avocat au Parlement de poursuivre le renvoi à la communauté des Cordonniers de la demande qu'elle avait formée. Une imposition de 2 sols par semaine, à lever pendant six mois sur chaque maître ou maîtresse et sur chaque compagnon, apprenti et ouvrier, fut décidée, et Etienne Collin, adjudicataire des anciens droits de celles, fut chargé de la perception de la nouvelle cotisation. Puis, le 2 mars, afin de se mettre en règle avec l'arrêt de 1768, ils élaborèrent un projet de statuts en douze articles, déclarant qu'ayant été réunis « il était nécessaire de n'avoir qu'une seulle loy et les mêmes Statuts pour régir les intérests et remédier aux abus qui pourraient naître... » et en réclamant l'homologation 1.
Sur ces entrefaites, la protestation contre l'arrêt du 27 janvier se poursuivait. Un arrêt du 17 avril 1770 blâme fort la conduite des Cordonniers et décide qu'ils seront appelés à répondre « dans les délais du règlement ».
1 Arch. de l'Aube, E 1155.
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Un arrêt du Conseil supérieur de Châlons, suivi de lettres patentes portant à nouveau réunion, fut rendu le 8 août 17701. Cette nouvelle défaite ne put calmer l'obstination des Cordonniers, à qui les Savetiers firent signifier, le 27 octobre 1772, « une opposition à la réception d'aucun aspirant qui pouroit être présenté par les Cordonniers que les gardes Savetiers ne soient appelles ». Le 3 août 1773, le lieutenant de police faisait droit à cette requête en ordonnant que les 250 1. versées « par forme de present », par le sieur Agram, pour son droit de maîtrise, seraient déposées entre les mains du greffier, « à la présentation des droits de l'une et l'autre communauté 2 ».
La question fut définitivement tranchée en 1773. Un acte de consentement passé devant Me Bourgoin, notaire, fut signé le 31 août par les délégués des deux collèges, après une courte discussion sur quelques points litigieux. Un projet de statuts, en dix-huit articles, fut arrêté séance tenante et homologué par sentence de police du 9 octobre, suivie d'arrêt, et lettres patentes du 15 décembre.
Voici, résumés, les articles du nouveau règlement, qui furent portés à vingt :
I. Les dettes des cordonniers et celles des savetiers seront communes jusqu'à concurrence du montant des premières 3.
II. La communauté des savetiers remboursera l'excédant en dix ans ; il sera levé pour cela sur les savetiers un droit de selle suffisant, dont il sera fait adjudication qui ne sera pas moindre de 1.000 1. par an.
III. Les cordonniers ne seront pas assujettis au paiement de ce droit.
IV. Il sera établi un autre droit sur tous les membres de la
1 Arch. de l'Aube, E 1151. Enregistré le 7 septembre 1772.
2 Bibl. de Troyes, man. 2516. Brevet sur parchemin.
3 Ce fonds commun de dettes fut fixé à 8.000 I. environ. Il en restait encore à peu près autant aux Savetiers pour leur part personnelle.
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communauté réunie, pour l'acquit des charges et dettes communes.
V. Il sera nommé, par moitié dans chaque communauté, quatre maîtres gardes, quatre prudhommes et deux clercs; cette nomination sera faite par cinquante suppôts également élus par moitié dans une assemblée générale faite le lendemain de la saint Crépin 4.
VI. Quand il n'y aura plus qu'une seule confrérie, les pains-bénits et bouquets seront remplacés par une somme de 3 1. que celui qui sera tenu de les donner paiera aux maîtres gardes, qui en rendront compte.
VII. La fête et les assemblées se feront chez les RR. PP. Cordeliers.
VIII. Les aspirants à la maîtrise et entrée dans la communauté feront un chef-d'oeuvre et paieront 400 1. de droit de chapelle et 6 1. pour leur premier ouvroir.
IX. Chaque apprenti paiera 6 1. pour droit de chapelle.
X. Les deux communautés seront régies par les statuts et règlements des cordonniers.
XI. Les suppôts ne feront travailler leurs compagnons qu'en boutique, sauf le cas de maladie grave, dûment constatée, de la femme desdits compagnons.
XII. Les maîtres « ne pourront mêler dans leurs ouvrages le vieux avec le neuf, sinon les remontures et les bouts ».
XIII. Ils ne pourront crier « vieux souliers à vendre » dans les rues.
XIV. Ils ne seront pas obligés d'assister au service funèbre de leurs confrères ; seuls, les gardes y seront tenus, s'ils y sont mandés.
XV. Les effets appartenant à la communauté des savetiers seront vendus au profit de la caisse commune 2.
1 Cette clause avait pour but d'empêcher que les Savetiers, plus nombreux, ne fissent les élections à leur profit; elle devait être observée pendant dix ans, c'est-à-dire jusqu'à l'extinction de la dette des Savetiers.
2 Les deniers à provenir de cette vente furent affectés à l'acquisition de six chandeliers, croix et anseaux de mete « le plus à la mode ».
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XVI. Les maîtres gardes en charge rendront leurs comptes en présence de trente-deux députés.
XVII. L'argent et les billets des réceptions faites depuis le 28 novembre 1772 appartiendront au fonds commun.
XVIII. Les fils de maîtres travaillant ne paieront de droit de selle qu'à l'âge de seize ans et sont exempts de la réception.
XIX. Le sieur Bouillerot, huissier de la communauté, ne pourra être destitué qu'en cas de malversation.
XX. Les revenderesses ne pourront vendre de souliers par la ville que munies d'un billet de celui qui les leur aura confiés, constatant leur quantité et leur nature.
Une commission de trente-quatre délégués des deux communautés (maîtres gardes et prudhommes) siégea pendant trois jours 1, en octobre 1773, pour organiser la gestion de la nouvelle association. Aux termes de ses décisions, les papiers communs seront renfermés dans deux coffres déposés chez le premier maître garde et les clefs remises aux trois autres ; les deux clercs seront conservés pour faire les semonces en se partageant la ville; le prix des quatre visites est fixé à trois sols chacune; un seul procureur, M. Chaperon, est conservé ; les Savetiers conserveront les places dont ils sont propriétaires et les Cordonniers continueront de payer la redevance au Domaine pour celles qu'ils occupent.
Ce procès-verbal est terminé par l'inventaire des objets mobiliers conservés et de ceux aliénés :
Objets mobiliers conservés. — 4 nappes à mettre sur l'autel; 7 devants d'autel, avec le cadre; 1 petite cloche de fonte; 1 poêle garni de franges et cordons ; tous les cierges, flambeaux, lumignons, et généralement tout le luminaire des deux communautés ; les 8 serpillières en toile ; le tableau représentant S. Crépin ; les armes du roi ; 4 rideaux de toile rouge, avec 2 tringles de fer ; S. Crépin sculpté en bois, avec son
1 Il leur fut alloué 40 I. pour ce dérangement. — Ce procès-verbal est publié à la suite de l'édition de 1774 des statuts.
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coffrin ; une armoire à deux serrures ; un petit coffre de cuivre; un autre coffre servant de banc, fermant à clef; un vieux poêle; 4 torches de bois; 3 nappes; 2 lavabos; 1 vieille tapisserie ; 1 reliquaire de S. Crépin ; les canons de la messe ; une copie d'Indulgences encadrée ; une boëte à mettre: cierges.
Objets à vendre dans la quinzaine. — 4 torches de cuivre; goupillons garnis en argent; 1 croix de cuivre, avec crucifix; 1 bassin de cuivre ; 1 tapis de vieille tapisserie à mettre sur les fonts ; 1 chasuble ; étole ; manipule ; voile de calice ; 1 vieux missel ; 1 corporal ; 1 bâton de S. Crépin, garni d'un chandelier à deux branches de cuivre ; 2 chandeliers de bois noir; 1 crucifix de cuivre ; 3 mantelets ; 1 tapis ; 2 porte-flambeaux de bois.
Arrestation de saint Crépin et saint Crépinien
Groupe en pierre de l'église Saint-Pantaléon de Troyes
Sculpté par François Gentil vers 1550..
APRÈS LA RÉUNION (1773-1791)
Les réponses au Questionnaire de 1776 montrent la communauté des Cordonniers fonctionnant sous sa nouvelle organisation, avec un total de 130 à 150 membres ; il n'y en avait plus que 100 en 17891. La confrérie coûte 80 1. ; l'établissement des comptes annuels, 22 1. Au nombre des charges figurent les vingtièmes d'industrie, montant à 1701. 10 s.
Pour acquitter lesdites charges, « il se lève chez les Cordonniers 2 sols par ouvrier chaque semaine, adjugés à François Gautheron, par sentence de police, le 1er juillet 1776, moyennant 1.200 1. par an ; et chez les Savetiers, 6 sols par ouvrier chaque semaine, adjugés à Onézime Brunot moyennant 1.200 1., du 1er janvier 1776. »
Le 17 octobre 1776, la communauté possédait, parmi ses papiers, « quatre contrats ou titres nouvels, passés au profit de la communauté en exécution de l'édit de décembre 1764, portant rente sur le Roy pour réunion de différents offices » ; « un livre relié en parchemin servant à enregistrer les comptes et autre affaires courantes de ladite communauté » et un sac d'autres papiers.
Le compte de Jacques Cuny, rendu en mai 1785, mentionne 2 1. 20 s. pour l'enterrement du premier syndic, par l'ordre
1 Arch. de l'Aube, E 1151 et E 1221. Cette dernière cote désigne un intéressant registre contenant les délibérations de la communauté de 1778 à 1789 et les comptes de 1784 à 1791 ; nous y avons puisé tout ce qui va suivre, sauf indication contraire.
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des députés. Une somme de 30 1. figure en même temps comme payée aux Cordeliers, sans doute pour le même objet, car il ne paraît pas que la confrérie ait survécu à la réorganisation générale des communautés d'arts et métiers opérée en 1776-1777.
Les frais judiciaires sont assez élevés : Guillaume, huissier, touche jusqu'à 83 1. 10 s. dans une année; Potié, greffier, 113 1. 5 s. ; Ilonnet, procureur, 126 1. 6 s. 9 d. Malgré cela, grâce au droit de celles, les comptes se soldent chaque année par un excédent de recettes que la communauté demande l'autorisation d'employer au paiement de ses vingtièmes 1. Ces frais sont parfois nécessités par des poursuites intentées à des concurrents. En 1784, les syndics sont chargés de poursuivre le nommé Joseph Le Roux, soi-disant membre de la communauté, suivant la sentence d'appel par lui interjetée et jusqu'à parfait jugement devant le Parlement. Le Roux s'étant « évadé », l'instance fut suspendue, quitte à la reprendre au cas où l'on apprendrait le retour du fugitif. En 1787, on poursuit un sieur Alexandre Voisin, qui exerce l'état de cordonnier sans brevet de maîtrise. — Les poursuites s'arrangent parfois à l'amiable : une veuve Gauterot verse 24 1. pour arrêter la saisie dont elle est menacée (compte de 1786).
L'étude des comptes annuels et des délibérations indique une modification dans l'organisation de la communauté pendant la dernière période de son existence. A partir de 1776, elle n'est plus dirigée que par un syndic et un adjoint, secondés par un Conseil de dix députés nommés par tous les membres. Le syndic est en place pour un an, après quoi il rend ses comptes en présence des syndic, adjoint et députés en charge et du procureur du roi, dont les honoraires sont fixés à 10 1. Il rapporte à la Chambre l'unique coffre corporatif; celui-ci était lourd sans doute, car il fallait payer pour son transport. Les comptes sont faits par une personne étrangère à la corporation, qui touche de 12 à 36 I. par an. On
1 1787-1788. Arch. de l'Aube, E 1153.
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trouve, en 1789, 6 1. 10 s. pour encre, plumes et papier. André, imprimeur, fait un « tableau de quittances » et des billets d'invitation (peut-être pour les obsèques du syndic) ; Sainton imprime le tableau de la communauté.
Les assemblées sont assez nombreuses ; en 1788, il y en a deux générales et cinq de députés. Ces dernières se tiennent dans le local spécial de la Chambre syndicale, situé, en 1784, chez un des syndics, Choppé, qui le louait à raison de 40 1. Une réunion des députés, du 14 décembre suivant, décida, avec l'assentiment de Choppé, de « louer une chambre syndicale près et acotté du Greffé, rue des Bûchettes ». Un bail fut contracté pour neuf ans, à raison de 60 1., avec Cuny le jeune, autre syndic, qui touche en plus 15 1. pour l'entretien de la Chambre, bois, chandelle, etc.
On profite de ce changement de local pour renouveler le mobilier. La communauté vend pour 50 1. d'«effets « et achète : une table à quatre pieds et un tapis vert, 9 1. ; deux fauteuils et douze chaises en bois blanc, 24 1. ; seize aunes et demie de tapisserie de haute lice, 95 1., plus 4 1. 4 s. pour le port et la pose. — A la porte est attaché un tableau du bureau, payé 1 I. 16 s. ; la peinture et la dorure de ce tableau coûtent 13 1. 10 s. et sa ferrure 3 1. En 1786, Sirard, menuisier, fait un nouveau « tableau indicatif du bureau de la communauté », moyennant 16 1. ; Buta, peintre, reçoit 24 1. pour l'avoir peint et doré.
En outre de ces meubles, l'inventaire dressé après 1789 mentionne encore : une commode de chêne à trois tiroirs, une paire de chenets, pelle et pincette, une autre grande table à quatre pieds en chêne.
La communauté, débarrassée des dettes d'antan, était donc prospère ; il n'en était pas de même de tous ses membres : en 1785, dix-sept maîtres, « qui sont à la charité de la paroisse », ne peuvent payer les 4 1. du droit de visite, dont un quart revient aux syndic et adjoint, non plus que le droit d'industrie, qu'on avance pour eux au Roi ; ils sont encore sept insolvables en 1787.
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Pendant cette période, il est reçu par an de deux à sept maîtres, payant 25 livres de droit (5 livres au comptable et à son adjoint et 20 livres à la communauté), et deux apprentis au plus (5 livres à la communauté et 1 livre aux syndic comptable et adjoint) En quatre ans, de 1786 à 1789, il est enregistré un seul brevet d'apprenti.
La réunion, tant souhaitée par les Savetiers et obtenue à force de réclamations persistantes, ne devait pas apporter la paix parmi les disciples de saint Crépin ; on a vu d'autre part qu'elle avait trouvé une opposition énergique de la part des Cordonniers, qui paraissent l'avoir subie plutôt qu'acceptée.
Dans une assemblée tenue par ordre du lieutenant de police, le 9 février 1779, on proteste contre la nomination faite précédemment, en l'hôtel du lieutenant particulier, de Alexis Guignard comme syndic. Les assistants persistent dans leur volonté de réclamer un autre syndic et adjoint que Guignard ; ils chargent leur confrère Beau de former, en leur nom, toutes demandes contre Guignard et de faire tout ce qu'il conviendra jusqu'à sentence définitive. Au surplus, il est passé outre à la nomination d'un autre syndic et adjoint.
Quelle était la cause de l'animosité des confrères contre Guignard et quel en fut le résultat? Autant de points d'interrogation auxquels le livre ne répond pas ; il ne contient plus, sur ce sujet, qu'une autorisation donnée à Jean Hameau, syndic, le 19 juin 1780, de faire rendre les comptes à Alexis Guignard, ancien syndic.
Malheureusement, celui-ci ne fut pas la seule bête noire des confrères Cordonniers. Témoin le volumineux et curieux « Mémoire que plusieurs malheureux pères de famille prennent la liberté de mettre sous les yeux de monseigneur le garde des sceaux, en le suppliant très humblement de vouloir bien les tirer de l'oppression sous laquelle ils gémissent depuis l'année 1769 par les manoeuvres des nommés Léonard
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Relion, Edme Courtois et Simon Gaillard, anciens maîtres gardes de la communauté des Cordonniers de Troyes en Champagne 1 ».
Ces personnages avaient, au dire du Mémoire, emprunté de leur propre chef, au nom de la communauté, une somme de 500 livres par un billet souscrit à Simon Cognier, boulanger, et remboursable au bout de quatre ans, le 2 juillet 1773; cet emprunt était illégal, la déclaration d'avril 1763 défendant aux communautés de rien emprunter sans y être autorisées par lettres patentes. Aussi le procureur du roi rejeta-t-il cet article du compte quand il lui fut soumis. Il avait été convenu que cette somme serait remboursée sur les premières bienvenues ; mais la communauté n'en ayant pas été avertie, on laissa passer la date d'échéance, en sorte que la communauté se vit condamner, par sentence du 12 décembre 1774 (après assignation du 5 novembre, qui ne lui avait pas été communiquée), à rembourser la famille Cognier, poussée par Relion. Quand les maîtres se présentaient aux syndics pour payer leur part, ceux-ci déclaraient n'en pas connaître le montant, et en rentant chez eux ils y trouvaient une assignation. Et cependant, à l'époque de la rédaction du Mémoire, il avait déjà été touché pour 1.680 1. de bienvenues.
L'absence d'autres documents ne permet pas d'indiquer le but entrevu par les maîtres gardes incriminés dans leur oeuvre ténébreuse, non plus que ce qu'il advint de la plainte déposée contre eux; mais leurs noms n'apparaissent plus parmi les dignitaires de la communauté.
Le 3 septembre 1782, en assemblée « tant du premier tableau que du second » tenue au Palais royal, par les ordres du lieutenant de police, il fut fait lecture d'une Déclaration
1 Arch. mun., carton Arts et Métiers, cahier in-f° manuscrit de 25 feuillets, accompagné de plusieurs pièces de procédure sur la même question. — S. d. (après le mois d'août 1785)
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du Roy du 1er mai 1782 et d'un Règlement provisoire y annexé. Tous les membres présents, au nombre d'une trentaine, promirent de l'exécuter.
Le dernier règlement des Cordonniers en neuf et en vieux fut accepté dans une assemblée tenue le 14 décembre 1784, qui chargea les maîtres gardes d'en poursuivre l'homologation. Il contient vingt-neuf articles dont voici la substance :
I. Il sera formé tous les ans deux tableaux, approuvés par le lieutenant de police, des maîtres composant la communauté, et qui seuls jouiront du droit de faire fabriquer, vendre et débiter les ouvrages de l'état de cordonnier.
II. Défenses sont faites à tous autres de s'immiscer dans ladite profession, même à titre d'association avec un maître, sous peine de saisie et d'amende applicable pour un quart au syndic et à l'adjoint et pour le reste à la communauté.
III. Les marchands merciers et marchands forains ne pourront vendre des ouvrages de cordonnerie « et notamment souliers de cordes de bufle et ouvrages du palais ».
IV. Les maîtres ne pourront faire colporter aucun ouvrage dans les rues sans qu'il ait été visité et que le porteur soit muni d'une carte délivrée par eux.
V. Ils ne pourront avoir plus d'une boutique; les compagnons travailleront chez les maîtres (sauf le cas prévu par le règlement spécial de 1778).
VI. Les maîtres faillis ou ayant subi quelque condamnation pour leur commerce ne pourront exercer aucune charge.
VII. L'adjoint qui, aux ternies de l'édit d'avril 1777, devra remplacer le syndic, sera nommé par la communauté ou par ses députés, en présence du lieutenant de police, du substitut du procureur et d'un greffier, parmi les anciens députés.
VIII. L'adjoint se rendra chaque semaine chez le syndic pour expédier les affaires courantes ; celles exigeant délibération seront soumises â l'assemblée et en présence du juge de police, si on le juge utile ; le syndic présidera, et le dernier maître reçu fera les fonctions de clerc.
IX. Les délibérations devront être signées par la moitié au moins des maîtres ou des représentants. « L'ordre, la
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décence et la tranquilité » devront y être observés ; les manquants ou perturbateurs seront déférés au juge de police.
X. Le syndic et l'adjoint feront quatre visites par an chez tous les maîtres et agrégés pour s'informer s'ils observent les règlements et de la conduite des apprentis et compagnons. Les contrevenants seront d'abord signalés en assemblée, puis poursuivis en cas de récidive.
XI. Il sera perçu 20 sols par visite : 15 pour la communauté et 5 à partager entre le syndic et l'adjoint, pour les indemniser de leurs frais. Des visites extraordinaires pourront être faites, mais elles ne seront pas rétribuées.
XII. Le syndic et l'adjoint sont solidairement responsables de leur gestion ; leurs comptes seront régulièrement tenus.
XIII. Les dépenses seront faites conjointement par le syndic et l'adjoint, qui auront chacun une clef du coffre.
XIV. XV. Les comptes seront rendus chaque année.
XVI. Dans le cas où la dépense excéderait la recette, il y serait pourvu par voie de répartition.
XVII. Les poursuites en justice devront être soumises à l'approbation de la communauté ou de ses représentants.
XVIII. Les aspirants ne seront reçus qu'à l'âge de vingtcinq ans, après avoir travaillé au moins un an chez un des maîtres de la communauté. — Ceux qui auront fait trois ans d'apprentissage dans la ville seront admis à vingt ans ; les fils de maîtres ayant travaillé deux ans chez leurs parents seront admis à dix-huit ans. — Les filles et femmes pourront être reçues, mais elles n'assisteront pas aux assemblées.
XIX. L'apprentissage est fixé à trois ans, à compter de l'âge de douze ans; les brevets seront enregistrés moyennant 6 1. à partager par moitié entré la communauté et les gardes.
XX. Les « agrégés » ne jouiront que des droits accordés par l'édit d'avril 1777, art. 9; ils ne feront pas d'apprentis; leurs enfants et leurs veuves seront sans qualité; ils ne participeront pas aux droits et privilèges de la communauté et contribueront à ses charges.
XXI. XXII, XXIII. Les apprentis seront déclarés; il en sera fait un second tableau à la suite de celui des maîtres.
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XXIV, XXV, XXVI. Les aspirants seront présentés par deux notables et deux maîtres qui les feront travailler devant eux. — Le cinquième du quart des droits de réception revenant à la communauté, appartiendra aux syndic et adjoint.
XXVI, XXVII, XXVIII, XXIX. Les compagnons devront se faire inscrire; ils avertiront huit jours avant leur départ en temps ordinaire et quinze à l'approche des fêtes; ils ne pourront s'en aller qu'avec un billet de congé; ils ne formeront aucune assemblée ni de cabale entre eux pour faire la loi à leurs maîtres, à peine d'amende, même de prison.
Les États généraux de 1789 donnèrent lieu à la rédaction d'un cahier intitulé : « Plaintes et Doléances de la Communauté des Maîtres Cordonniers de la Ville, Faubourgt et Banlieu de Troyes ». En voici le début :
« Les maîtres cordonniers de cette ville ne se bornent pas à voter, avec leurs concitoyens, pour la suppression de tous les impôts actuels et leur remplacement par d'autres sur tous les trois ordres, mais particulièrement pour les abus de leur communauté, demandent et désirent :
« 1° Que la marque des cuirs soit entièrement supprimée par rapport à ce qu'elle est trop préjudicieuse à notre état, vue la cherté qu'elle établit sur cette marchandise et nous met hors d'état de nous y retirer, joint aux procès ruineux, et très souvent injustes, qu'elle occasionne et met des entraves à l'infini ;
« 2° Nous demandons aussi que nos syndic et adjoint, accompagnés d'un huissier de Police, soient autorisés à faire toutes saisies contre les contrevenans, colporteurs et revenderesses, de leurs marchandises souvent prohibées, sans avoir besoin de présenter requête par devant les juges et lieutenant de police, suivant nos anciens Statuts et Règlements de Charles VI, en 1386 (sic).
« 3° Que les veuves jouissent du privilège de leurs maris et que les fils de maîtres soient reçus pour un quart de la maîtrise, comme anciennement.
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« En second lieu, pour les abus généraux... ». Suivent vingt-six articles inspirés par un esprit assez éclairé, quoique fort modéré.
Le compte de 1789 mentionne 1 1. 16 s. payés à M. Thévenot, pour le cahier des Doléances, et 13 1. 2 s. à Cuny, pour le bois et les chandelles employés lors des assemblées relatives aux Etats généraux.
Les derniers actes de la communauté, après les assemblées tenues à l'occasion des Etats généraux, sont relatifs aux frais d'impression de protestation et lettres circulaires, en 1789; 21. 10 s. sont versées à ce sujet à un sieur Le Cocq.
Puis, Claude de Fer touche 8 1. 50 « pour le démeublement de la Chambre syndicale et avoir transporté les effets chez S. de Fer, ancien syndic »; Bouquet, procureur, est soldé de ses honoraires pour une requête présentée à MM. les officiers municipaux.
Les visites avaient continué de se faire; une somme de 161. figure comme produit de celles faites « depuis la Révolution ».
Enfin, le 26 septembre 1791, le maire de Troyes, Perrin, assisté des sieurs Lalobe, Ruelle et Olivier, greffier, clôt les comptes qui se soldent par un reliquat de 32 1. 1 s. 3 d., à joindre au produit de la vente des effets, pour être, le tout, une fois les dettes éventuelles payées, versé « à qui il appartiendra et à la première réquisition ».
Ainsi finit l'antique communauté des Cordonniers de Troyes.
1 Il s'agit ici des Protestations des corporations de la ville de Troyes contre l'insertion dans le cahier du Tiers-État, par les commissaires nommés en assemblée générale des députés du bailliage, d'un article demandant l'extinction des corporations et la liberté indéfinie d'exercer tout commerce et profession. 17 avril 1789. (Bibl. de Troyes.)
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De nos jours, la corporation troyenne des Cordonniers en neuf et en vieux est réunie en un seul groupement, la Confrérie de Saint-Crépin, réorganisée en l'année 1820, pendant laquelle furent achetés un nouveau bâton et des torches. Les statuts de celte association ne lui imposent aucune mission concernant les intérêts généraux de la profession; son rôle se borne à organiser la fête annuelle, célébrée à l'église Saint-Urbain, le lundi qui suit le 25 octobre, par une messe et des vêpres ; le lendemain, un service a lieu à l'intention des membres défunts.
Le soir même de la fête, un bal charmant et bien tenu réunit les familles et les jeunes gens dans une des salles de la ville.
L'usage de porter les torches a disparu 1; le bâton, oeuvre foute moderne, est encore porté à l'église, en grande pompe, le jour de la fête; il y figure à côté de la bannière, qui accompagne aussi les obsèques des membres décédés, et de la belle tapisserie de Felletin, avec bordure rapportée de la même fabrique, reproduite en tête de cette étude.
Cette tapisserie est datée de 1553; elle mesure 1m 14 de hauteur sur 2m 03 de largeur, bordure comprise ; l'image a 0m75 sur 1m60. Elle représente, en une scène bien mouvementée et joliment ordonnée, l'arrestation, à Soissons, des patrons de la corporation, saint Crépin et saint Crépinien, par le romain Rictius Varus. Il est inutile de rééditer ici la légende sacrée bien connue qui a servi de thème à tant d'oeuvres d'art, parmi lesquelles figure le remarquable groupe de l'église Saint-Pantaléon de Troyes, contemporain de notre tapisserie 2.
1 Les dernières torches de la confrérie de Saint-Crépin ont été achetées, il y a quelques armées, par M. Rilliot, propriétaire à Sainte-Savine, trésorier de l'association, chez qui nous les avons vues toutes les quatre, soigneusement conservées.
2 II existe dans l'église Saint-Pierre, à Ervy, « une toile sans valeur représentant S. Crépin et S. Crépinien ». (Ch. Fichot, Statistique monumentale de l'Aube, II, p. 89.)
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L'existence de cette dernière nous avait été signalée par M. Louis Le Clert, archiviste de la Société Académique de l'Aube; nous avons pu la faire reproduire grâce à l'obligeance éclairée de M. Gaucher-Lua, président actuel de la confrérie de Saint-Crépin ; elle nous console dans une certaine mesure de la regrettable disparition de celles dont Baugier parle en ces termes, dans le tome I, p. 244, de son Histoire de Champagne, à propos d'Urbain IV :
« On voyoit cy-devant sur le tapis de la chaire du Prédicateur, en l'église de S. Urbain qu'il a fait bâtir, les marques de sa naissance; ce tapis représentoit un cordonnier travaillant de son métier; mais on l'a supprimé. .. ».
Après Baugier, Courtalon (Top. hist., II, p. 155) a vu les tapisseries en question. Mieux renseigné, il indique leur origine et leur âge ; c'est encore au XVIe siècle qu'elles étaient dues :
« Le choeur est environné de vieilles tapisseries qui représentent la vie d'Urbain IV. On y voit son père qui travaille du métier de cordonnier, et sa mère qui file sa quenouille. Elles furent faites en 1525, aux dépens du chanoine Claude de Lirey, dit Boullanger (Boulanger, d'après les registres capitulaires). Ces. tapisseries viennent d'être nettoyées et raccommodées par les soins du Chapitre. »
La même confrérie possède encore une fort belle tenture ancienne .(broderie sur soie, considérée d'origine chinoise, avec bordure au passé, époque Louis XIV), qui lui sert à orner le banc d'oeuvre, le jour de sa fête annuelle. Elle représente des personnages, des animaux et des fleurs et ne mesure pas moins de 1m 60 sur 2m75. Il serait à désirer qu'une reproduction artistique la fît également connaître aux amateurs, et même que toutes les deux figurassent au nouveau Musée des Arts décoratifs de Troyes, à côté de celles provenant du garde-meubles de la Ville. Elles y ont leur place désignée,
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et leur dépôt dans les galeries municipales, en offrant les meilleurs gages de sécurité et de conservation, leur assurerait, ainsi qu'à l'Association qui les possède et pourrait toujours en demeurer propriétaire, la notoriété qu'elles méritent.
Troyes, 1894.
Blason de Cordonniers, Tanneurs ou Corroyeurs réunis
existant en l'église Saint-Pierre, d'Ervy
(Charles Fichot, Statistique monumentale de l'Aube, II, p. 88.)
ANNUAIRE DE L'AUBE 1895
NICOLAS MIGNARD
Né a Troyes en 1606 D'après une gravure de Michel Aubert
NICOLAS MIGNARD
SA VIE ET SES OEUVRES
PAR
M. ALBERT BABEAU
CORRESPONDANT DE L'iNSTITUT VICE-PRÉSIDENT DE LA SOCIÉTÉ ACADÉMIQUE DE L'AUBE
C'est à la fois un avantage et un inconvénient que d'être le frère d'un homme illustre; le rayonnement de la gloire de celui-ci se reflète sur la renommée de l'autre, tout en l'effaçant quelque peu. Dans les lettres, Thomas Corneille et Paul de Musset ont éprouvé les conséquences de cette situation ; Nicolas Mignard les a ressenties dans les arts. Non pas qu'il y ait entre ce peintre et son frère Pierre Mignard le même écart de talent qu'entre Thomas Corneille et le grand Corneille ; mais la notoriété plus grande de Pierre Mignard, due à ses rares qualités d'artiste non moins qu'à sa longévité, a rejeté Nicolas Mignard dans une obscurité relative, dont il paraît équitable de le faire sortir.
Il peut être d'autant plus intéressant de le faire connaître à ses compatriotes que, de tous les peintres nés à Troyes, il peut être regardé comme le deuxième par ordre démérite ; il l'emporte à coup sûr sur Jacques de Lestin, sur Carrey, sur Herluison ; je ne vois guère que Chalette qui puisse lui disputer son rang; mais Chalette, excellent dans les portraits de petites dimensions, n'a pas la souplesse, la variété et l'ampleur du talent de Nicolas Mignard ; celui-ci vient immédiatement après son célèbre frère, avec lequel il rivalise parfois dans le portrait et dont il se rapproche assez fréquemment par l'habileté de son dessin et la grâce de son pinceau.
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LA VIE
I
Nicolas Mignard naquit à Troyes, en 1606. Baptisé le 7 février, à l'église Sainte-Madeleine, il était fils de Pierre Mignard, dont la profession n'est pas indiquée, et de Marie Gallois. Nicolas Félix et deux marraines, Anne Desvignes et Catherine Mignard, le tinrent sur les fonds baptismaux. Il appartenait à une famille d'artisans. De 1580 à 1606, on trouve à Troyes, sur les rôles des contributions, des Mignard exerçant les métiers de chapelier, de passementier et de boutonnier. Son grand-père, Pantaléon, était armurier 1. On ne trouve parmi ses parents aucun peintre, ni aucun.sculpteur qui eût pu lui enseigner les secrets de son art. Son parrain Félix passe cependant pour avoir été orfèvre. On dit que Nicolas reçut des leçons « du plus habile peintre qui fut alors à Troyes ». Quel était ce peintre ? En dehors des verriers, en tête desquels se plaçait Linard Gontier, nous ne rencontrons guère que des artistes qui n'ont laissé aucune trace de leur talent 2. L'un d'entre eux, Edme Douey, était le beaufrère de Ninet de Lestin, né en 1597, et nous avons conjecturé qu'il initia ce dernier à l'art de la peinture 3. Peut-être fut-il aussi le premier maître de Nicolas Mignard, qui aurait entraîné, par son exemple, la vocation de son frère Pierre, né six ans après lui, en novembre 1612.
1 Sur la famille des Mignard, voir A. Huchard, Notice sur Pierre Mignard et sa famille. Gazette des Beaux-Arts, 1861; Le Brun-Dalbanne, Étude sur Pierre Mignard, sa vie, sa famille et son oeuvre, 1878 ; Notes relevées sur les registres de baptême de Troyes par A. Huchard, man. Bibl. de Troyes, 2728.
2 Jehan Mailly, Buffery (1611-1615).
3 Ninet de Lestin, peintre troyen, 1882, p. 5.
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A quelle époque Nicolas quitta-t-il Troyes pour se perfectionner dans son art ? Les voyages étaient depuis longtemps regardés comme le complément nécessaire de l'éducation d'un savant ou d'un artiste. « Les hommes avides d'apprendre, dit un auteur du siècle dernier, voyageaient pour voir les savants et pour faire avec eux une espèce de commerce et d'échange de connaissances. Revenus chez eux, ils ramassaient les lumières qu'ils en avaient tirées; et c'est de ces courses instructives que sont venues ces expressions encore en usage parmi nous : Faire un cours de philosophie, un cours de médecine. 4 »
Si cette étymologie est bien exacte, on peut dire que Nicolas Mignard allait faire son cours de peinture ; seulement, il ne devait point revenir dans sa ville natale. Tandis que son frère Pierre allait, dès l'âge de douze ans, travailler dans l'atelier d'un peintre de Bourges, Nicolas se rendait à Fontainebleau, où le château avait attiré et retenu tant de peintres distingués, où l'on pouvait rencontrer, à côté de leurs oeuvres, les enseignements des artistes employés par le roi. Sans doute aussi se rendit-il à Paris, où il eut pour maître Simon Vouet 2, qui était revenu eu 1627 de Rome, après y être resté quinze ans. Mais bientôt le Midi exerça sur lui, comme sur tant d'autres à cette époque, une sorte de fascination. Il séjourna quelque temps à Lyon, avant de se diriger sur Avignon, où il devait passer une grande partie de son existence. Il y arriva vraisemblablement vers 1633.
Avignon, qui, comme on le sait, appartenait alors au pape, était un rendez-vous de brillante société ; suivant le récit d'un voyageur du temps de Henri IV, la noblesse de Provence et de Languedoc venait y passer une partie de l'année. Les vivres y étaient à bon marché, et l'aristocratie y menait une existence large et facile 3. Un gentilhomme de la ville, M. de
1 Nouveau voyage de France, 1780, 1.1, p. 1.
2 Note sur un dessin conservé au Louvre. Voir plus loin. 3 Bibl. nat., man. fonds français, n° 5562.
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Monréal, chargea Nicolas Mignard de peindre dans son hôtel une série de scènes tirées du roman de Théagène et Chariclée. Ce fut sans doute vers la même époque qu'il peignit une Ascension, où l'on voyait sur une montagne le Christ s'élever vers le ciel, aux yeux des Apôtres, de la sainte Vierge et des fidèles. Cette composition de dix-huit figures, qui rappelait le genre de Philippe de Champagne, fut gravée en 1636 par Quesnel 1. La réputation de Nicolas s'établissait à Avignon, où des liens plus étroits allaient l'attacher. Il s'y éprit d'une jeune fille qui portait le joli nom de Marguerite d'Avril. « Les soins qu'il apporta à bien peindre, dit Félibien, et en même temps à entretenir sa nouvelle inclination, lui acquirent l'estime de tout le monde et la bienveillance du père et de la mère de sa maîtresse 2. »
Il demanda sa main ; mais il ne devait l'obtenir qu'après avoir été à Rome, où son frère Pierre l'avait précédé. Un séjour à Rome était alors le complément obligé de l'édu. cation d'un artiste. Nicolas n'hésita pas à faire ce pèlerinage presqu'obligatoire. Pendant deux ans il travailla dans cette ville avec une ardeur qu'expliquait son désir de revoir promptement sa fiancée. Il s'attacha à l'étude des grands maîtres, et particulièrement au dessin. Il cultiva la gravure, qui nécessite la précision des traits, et commença à Rome des eaux-fortes qu'il termina lors de son retour dans le ComtatVenaissin. Ce fut vers 1637, croyons-nous, qu'il revint à Avignon où « il conclut son mariage, selon Félibien, au grand plaisir de tous ses amis ». Il se fixa dans celte ville 3, d'où il a tiré son surnom, car on le désigna sous le nom de Mignard d'Avignon, tandis que Pierre, qui resta vingt-cinq ans à Rome, est sou1
sou1 Dumesnil, Le peintre graveur français, t. XI, p. 202.
2 Félibien, Entretiens sur les vies et les ouvrages des peintres, 1688, t. II, p. 489.
3 Lanzi, dans sa Storia pittorica, dit en parlant des deux Mignard : « Furono in Roma... i due Mignard, Niccolo, valentissimo artefice, e Piero, che ebbe il sopprariome di Romano. » On remarquera que Lanzi place Nicolas avant Pierre.
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vent appalé Mignard le Romain. Nicolas ne s'y adonna pas longtemps à la gravure; ses peintures larges et séduisantes étaient vivement recherchées, et les églises, les couvents comme les particuliers devaient s'enrichir de ses tableaux. De nombreux édifices religieux, les musées, les collections particulières de la région renferment encore des témoignages nombreux de l'heureuse fécondité de son pinceau 1. Il aimait la chasse ; mais elle ne l'absorbait pas au point de lui faire oublier son art. Il emportait avec lui ses tablettes et, quand le gibier faisait défaut, il prenait des croquis. Un jour, sa femme, le voyant revenir les mains vides, lui demanda où était son gibier. — J'en apporte, répondit-il, de nature à le disputer à tout ce qu'il y a de meilleur au monde.— Il ouvrit ses tablettes et montra plusieurs feuilles remplies de très excellentes études 2.
Sa vie s'écoula calme et heureuse à Avignon, dans cette ville d'un si fier caractère, pittoresquement assise sur les bords du Rhône, en face du bourg romantique de Villeneuve, dont il orna l'église de la Chartreuse de ses peintures. Ses succès, sa renommée grandissante ne l'empêchèrent pas de faire à Rome un second voyage en 1644, à la suite du cardinal Du Plessis-Richelieu, frère du grand ministre et archevêque de Lyon 3. Mais il ne paraît avoir longtemps prolongé son séjour en Italie; malgré l'attrait des chefs-d'oeuvre de l'art, il revint bientôt à Avignon, où son frère Pierre, se décidant enfin à quitter Rome, vint le retrouver en 1657.
Nicolas l'accueillit avec empressement ; il le « présenta au vice-légat et à la principale noblesse, qui semblèrent vouloir
1 Une lettre écrite d'Avignon, par fra Gio Saliano au cavalier Carriano dal Pozzo, à Rome, lui recommande Pierre Mignard comme frère de Nicolas Mignard, également peintre. Bertolotti, Artisti francesi in Roma net secoli XV, XVI, XVII°. Mantova, 1886, p. 106.
2 D'Argenville, Vie des peintres, t. IV, p. 72. — Voir aussi Félibien, t. II, p. 508.
3 Certains biographes ont dit que Nicolas Mignard avait fait à cette époque son premier voyage à Rome. D'accord avec Charles Blanc, nous croyons qu'il y était allé déjà avant 1638.
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l'aider à lui faire les honneurs du Comtat». Mignard le Romain y resta plus qu'il ne comptait : une maladie l'y retint et retarda de plus d'un an son arrivée à Paris. Il ne perdit cependant pas son temps. Sans doute guidé par son frère, il parcourut le pays et en dessina les plus beaux aspects, la fontaine de Vaucluse, les antiquités d'Orange et de Saint-Remy; il fit aussi plusieurs portraits et peignit un grand tableau pour l'église de Cavaillon 1. Les deux frères étaient en relations, à Avignon, avec l'aristocratie de la naissance 2 et de l'intelligence. En 1656, Molière était venu y donner une série de représentations ; il y retourna en 1657. Pierre Mignard se lia particulièrement avec cet écrivain illustre, qui lui dédia plus tard sa pièce de vers sur la gloire du Val-de-Grâce.
II
Trois ans après, une circonstance imprévue mettait en relief le talent de Nicolas Mignard, en lui permettant de conquérir les suffrages si appréciés de la cour de France. Enjanvier 1660, Louis XIV, se rendant aux frontières d'Espagne, pour y épouser Marie-Thérèse, s'arrêta pendant trois semaines à Avignon. Le cardinal Mazarin l'accompagnait. Celui-ci, qui avait résidé de 1632 à 1634 dans cette ville comme vice-légat du pape, avait connu Nicolas; il jugea des progrès que ce peintre avait faits, et « souhaita, dit Félibien, d'avoir une seconde fois de lui son portrait de sa main » ; plusieurs grands seigneurs s'empressèrent d'imiter le cardinal-ministre ; Mignard n'eut que le temps d'en dessiner les têtes, se réservant de terminer le reste à loisir, avant d'envoyer à Paris les portraits achevés.
A cette époque, de même que tout peintre bien doué
1 Abbé de Monville, Vie de Pierre Mignard, p. 53, 58.
2 La Bibliothèque d'Avignon contient une série de lettres de N. Mignard à Joseph de Sestres, marquis de Caumont. (Catalogue du fonds Calvet, n° 2371.)
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devait aller à Rome, tout artiste français, dont le talent dépassait un certain niveau, était attiré à Paris. Les grandes villes de province, qui avaient produit et gardé tant d'artistes de valeur, au moyen-âge et même au temps de la renaissance, ne fournissaient plus un aliment suffisant à leur activité. Richelieu avait fait venir de Rome Nicolas Poussin pour lui confier la décoration de la grande galerie du Louvre ; Mazarin envoya à Nicolas Mignard, en 1660, une lettre de cachet pour lui ordonner de se rendre à Paris. Il lui faisait remettre en même temps une somme suffisante pour subvenir aux frais de son voyage. Mignard se mit en route et s'arrêta à Fontainebleau, pour y saluer et remercier le roi, dont il ne tarda pas à faire le portrait ainsi que celui de la reine.
C'est à cette période de sa carrière qu'il faut attribuer ses plus beaux portraits, tels que ceux de Guillaume de Rrisacier, secrétaire des commandements de la reine, du cardinal de Bouillon, et surtout du comte d'Harcourt. Nicolas dut exécuter, pour des pays étrangers et pour quelques grands seigneurs, plusieurs copies du portrait du roi, tandis que d'autres personnages briguaient l'honneur de voir leurs traits reproduits par son pinceau. Il céda à leurs instances, « cintre son inclination, dit Félibien, qui le portait à peindre des sujets d'histoire... ; aussi ne laissait-il pas de travailler, de temps en temps, à des tableaux d'autel et à quelques autres qu'on lui demandait pour envoyer en province... » C'est ainsi qu'il fit deux grands tableaux pour la Chartreuse de Grenoble, où il représenta plusieurs Chartreux martyrisés à Londres sous Henri VIII.
Son activité et son talent purent se déployer sur un plus grand et plus noble théâtre, lorsqu'il fut chargé par Louis XIV et Colbert de décorer de peintures allégoriques les appartements du roi, situés au rez-de-chaussée du château des Tuileries. Il retraça sur les plafonds diverses scènes de la vie d'Apollon, dont nous parlerons plus loin avec détails, et qui excitaient à juste titre l'admiration des contemporains. Les comptes des bâtiments du roi de 1667 et de 1668 portent
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qu'il lui fut remis, pour ces travaux, des acomptes s'élevant à 10.500 francs 1.
Peut-être d'un caractère plus facile que son frère, qui entra en lutte avec l'Académie de peinture et de sculpture, Nicolas Mignard s'y fit admettre en 1663. Il s'y présenta le 3 mars de cette année, en même temps que Nocret et Dorigny. « Disant que l'estime qu'ils ont toujours fait de l'Académie leur avait, il y a longtemps, fait naître le désir d'en être, et, qu'incités par les ordres du roi, de leur propre inclination, ils priaient l'Académie de les recevoir... sur quoi la Compagnie connaissant le mérite et la capacité d'iceux par leurs ouvrages publics et les emplois qu'ils ont eus pour le service de Sa Majesté, étant couchés sur les états des bâtiments et même logés comme officiers commensaux, a reçu avec joie lesdits sieurs Nocret, Mignard et Dorigny et leur a donné séance au rang des conseillers d'icelle. » Nicolas ne fut pas un académicien oisif; nous le voyons figurer au mois de juin 1664 au nombre des professeurs et remplacer en avril 1665 le président indisposé 2 en attendant qu'il devînt lui-même directeur.
Ses succès, de plus en plus signalés, étaient pour lui un stimulant qui devait lui être fatal. « Porté d'un noble désir, dit Félibien, d'acquérir de la gloire en servant son prince, il augmentait tous les jours ses fatigues par ses veilles et par les peines qu'il prenait à perfectionner encore davantage ses ouvrages. Tout le monde applaudissait à ceux qu'il venait de faire, et le roi, satisfait de la beauté de ses peintures, lui avait ordonné de se préparer à peindre sa grande chambre de parade. Comme c'était un lieu où il pouvait encore mieux faire voir ce qu'il savait, il travaillait aux dessins, et ils étaient tous finis, lorsqu'il tomba dans une maladie qui ne paraissait
1 Guiffrey, Comptes des bâtiments du roi sous le règne de Louis XIV, t. I, p. 182.
3 Procès-verbaux de l'Académie de peinture, publiés par la Société de l'Art français, t.1, p. 214, 215, 281.
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pas dangereuse, mais qui, s'étant enfin changée en hydropisie, lui causa la mort bientôt après, au grand regret de tous les honnêtes gens qui n'avaient pas moins d'estime pour sa personne que pour ses peintures. » Il mourut à Paris le 20 mars 1668, et le clergé de Saint-Sulpice prit son corps dans la maison de M. de Brisacier, dont il avait fait le portrait, et chez lequel il logeait, quai Malaquais. Il fut enterré dans l'église voisine du couvent des Petits-Augustins, sur l'emplacement duquel s'élève aujourd'hui l'Ecole des BeauxArts 1. « L'Académie royale de peinture, dont il avait été le directeur, lui fit faire un service solennel en l'église des Pères Feuillants, où les amateurs des beaux-arts ne manquèrent pas de se trouver 2. »
III
Nicolas Mignard avait eu, de Marguerite d'Avril, deux fils, Paul et Pierre, qui suivirent honorablement, quoique moins brillamment, la même carrière que lui.
Paul, né à Avignon en 1639, fut, comme Nicolas, membre de l'Académie de peinture. Il y fut reçu le 11 juin 1672, et présenta pour tableau de réception le portrait de son père 3. Portraitiste distingué, il séjourna en Angleterre, où il reproduisit les traits de la comtesse de Meath et des deux filles aînées du duc de Marlborough, les ladies Henriette et Anne 4.
On cite de lui des gravures à l'eau forte 5. En 1690, nous le
1 Jal, Dictionnaire, p 862.
2 Entretiens sur les vies des peintres, t. II, p. 507.
3 Archives de l'art français, 1re série, t. II, p. 380.
4 Dussieux, Les artistes français à l'étranger, p. 272 Le portrait de la comtesse de Meath a été gravé par Paul Vausonier.
5 Leblanc, Manuel de l'amateur d'estampes, t. III, p. 30 — Basan, t. II, p. 40.
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trouvons à Lyon, où l'échevinage le nomme peintre ordinaire de la ville, « pour avoir l'intendance et direction de tous les ouvrages de peinture qui se feront dorénavant par la dite ville et communauté, tant ès entrées, ornements que autrement en quelque façon que ce soit ». Il recevait, pour cette tâche, 500 livres de gages annuels. Il n'en jouit pas longtemps, car il mourut à Lyon le 15 octobre 16911.
Pierre, né en 1640, eut pour parrain son oncle, l'illustre Pierre Mignard, qui le prit en affection, « l'éleva avec toute la tendresse possible, et en fit non seulement un bon peintre, mais un grand architecte 2 ». Il l'avait suivi à Paris, car il fut le témoin du mariage de son oncle avec Ange Avolara, qui eut lieu à Saint-Eustache le 12 août 16603. Après avoir été à Rome, il revint à Paris, où il obtint les titres de peintre de la reine Marie-Thérèse, de chevalier de l'ordre du Christ et de membre de l'Académie d'architecture. Comme il peignait avec plus de correction que de chaleur, il s'appliqua particulièrement à l'architecture ; architecte du roi, il construisit à Paris la porte Saint-Martin et la façade de l'église SaintNicolas du Chardonnet. Mais, dit l'abbé de Monville, « la philosophie et l'amour du repos lui firent préférer le séjour d'Avignon, lieu de sa naissance, aux avantages qui lui furent offerts par la Cour ». Il donna dans cette ville les dessins du choeur, de la coupole et des tribunes de la Cathédrale; il éleva l'Hôtel-Dieu ; il dirigea les constructions de l'abbaye de Montmajotir ; il décora le choeur de l'église des Bénédictins de Roquefort 4. Il peignait en même temps des tableaux, et fut chargé par Colbert de dessiner les plus remarquables monuments de l'antiquité romaine qui se trouvaient dans le midi
1 Nalalis Rondot, Les peintres de Lyon, Réunion des Sociétés des BeauxArts, 1887, p. 540-541. Paul Mignard avait épousé Madeleine Cheuard, dont il eut plusieurs enfants.
2 Abbé de Monville, Vie de Pierre Mignard, p. 188.
3 Jal, p. 861.
4 Bauohal, Dictionnuire des architectes, 1887, p. 427. — Biographie Mickaud, art. Mignard, par Periés. — D'Argenville, t. IV, p. 70.
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de la France 1. Mariette dit de lui « qu'il avait des lettres et qu'il se plaisait à avoir chez lui une compagnie de gens d'esprit. On dit même, ajoute-t-il, que le cabinet de curiosité qu'il avait assemblé était assez considérable. »
Pierre Mignard mouruten 1725. Son fils Pierre fut comme lui peintre et architecte ; mais il n'est connu que pour avoir été affilié en 1751 aux pénitents blancs d'Avignon 2.
Mignard avait aussi un neveu, originaire de Troyes, Nicolas Foucher, qui se livra à la peinture. Fidèle aux traditions de ses oncles, dont il fut l'élève, il s'adonnait aux sujets gracieux ; il copia la Léda, du Corrège, que le duc d'Orléans, fils du régent, s'avisa de faire mutiler, par suite de scrupules excessifs. Il mourut en 17333, fort âgé et fort infirme. Léyesque de La Ravallière, à qui nous empruntons ces détails, ajoute qu'il existait encore à Troyes, au milieu du XVIIIe siècle, des Foucher qui se mêlaient de peinture et de sculpture 4.
1 Parmi ces dessins se trouvaient les vues, avec cotes d'élévation, du Pont du Gard, des Arènes, de la Maison carrée et du temple de Diane de Nîmes, des arcs d'Orange et de Saint-Remy. Mariette avait eu l'envie de les faire graver, mais il renonça à ce projet, ne les trouvant pas assez complets, quoique bien faits et avec intelligence (Mariette, Abecedario, t. III, p. 389 à 391). Le même auteur paraît avoir confondu Paul avec Pierre ; Grosley, qui avait entendu parler des dessins de Pierre et des intentions de Mariette, a fait une confusion plus grande, lorsqu'il a dit : Ce Mignard était sans doute Nicolas Mignard dit le Romain (sic) ou d'Avignon où il avait pris un établissement. Il était architecte au même titre que Michel Ange, c'est à dire de grand dessinateur. » (Mém. sur les Troyens célèbres, t. II, p. 159.)
2 Achard, Note sur quelques artistes d'Avignon.
3 Nouvelles archives de l'art français, 1883, p. 303
4 Lévesque de La Ravallière ajoute qu'il séjourna plusieurs années en Italie et qu'il fut chassé de la maison de Pierre Mignard pour avoir séduit sa fille, qui fut plus tard la comtesse de Feuquières (Notes manuscrites. Bibliothèque nationale, fonds de Champagne, n° 108).
LES OEUVRES
L'intérêt de la vie d'un artiste est plutôt dans ses oeuvres que dans les événements de sa carrière; aussi, ses oeuvres méritent-elles d'attirer particulièrement l'attention. Celles de Nicolas Mignard se distinguent par la variété, la fécondité, la correction, non moins que par l'agrément de la forme et de la couleur. Nous énumérerons celles qui sont parvenues à notre connaissance, en les groupant en gravures, en dessins, en tableaux d'histoire et en portraits.
I GRAVURES
Nous avons vu qu'il fit à Rome, d'après Annibal Carrache, des gravures qu'il termina lors de son retour à Avignon ; en voici la liste :
Enlèvement de Ganymède (Largeur, 311mm; hauteur, 286mm). Hercule se reposant de ses travaux (L., 252mm; H., 144mm). Signé : N. Mignard, sculpsit. Hercule entre le vice et la vertu (L., 336mm ; H., 298mm). Le triomphe de Bacchus (L., 557mm ; H., 293mm.) Persée tranchant la tête de Méduse (L., 449mm; H., 261mm). Ulysse chez Circé(L.,449mm; H., 261mm.), avec cette légende :
ANNUAIRE DE L'AUBE 1895
Portrait de HENRI DE LORRAINE, comte D'HARCOURT
Par NICOLAS MIGNARD D'après la gravure d'Antoine Masson
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Nicolaus Mignard, pictor Trecensis, ad prototypi instar delineavit Romoe et in aquaforte incidit Avenioni. 16371.
Ulysse bravant le chant des sirènes (L., 449mm; H., 261mm).
Anfimonie et Anapias (L., 559mm; H., 261mm).
A ces gravures, d'après Carrache, il faut ajouter une Vierge à l'enfant, exécutée d'après Vanni 2, et Lot et ses filles, estampe qui a pour nous un double intérêt, parce qu'elle est une reproduction d'un tableau de l'auteur. Elle est signée : N. Mignard pinxit et sculpsit, et représente Lot vidant une coupe, qu'une de ses filles l'aide à porter à ses lèvres, tandis que l'autre le soutient de la main droite. Dans le lointain, on aperçoit la femme de Lot changée en statue de sel et la ville de Sodome en flammes 3.
Jules Renouvier a fait un éloge particulier des estampes exécutées par Nicolas Mignard, d'après Annibal Carrache. « Elles paraissent, dit-il, des études à l'eau forte. Quelquesunes , comme Hercule entre le vice et la vertu, datée d'Avignon, 1637, sont tout à fait terminées et témoignent une grande force de dessin et une grande intelligence de la pointe. Personne, à cette époque, même en Italie, ne gravait avec plus de maîtrise... Dans le Triomphe de Bacchus, Mignard donnait l'exemple de ces eaux-fortes à peine ombrées, où un autre artiste de la province, Lefage, de Toulouse, s'illustrera plus tard ». Il se plaçait ainsi au premier rang des graveurs, et Renouvier, sous ce rapport, le trouve supérieur à son illustre frère 4.
1 Cette gravure, ainsi que l'Enlèvement de Ganymède et Hercule au repos, est conservée au Cabinet des estampes de la Bibliothèque Nationale (D. A. 28.)
2 Corrard de Breban, Les Graveurs troyens, p. 50.
3 Leblanc, Manuel de l'Amateur d'estampes, t. I, p. 101 à 108. — Robert Dumesnil, Le Peintre graveur français, t. XI, p, 202.
4 Renouvier, Des types et des manières des maîtres graveurs. 2e partie, p. 154.
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II DESSINS
Le Musée du Louvre conserve neuf dessins de Nicolas Mignard, tandis qu'il en renferme trois cent vingt-quatre de son frère Pierre. Ces neuf dessins, classés par Frédéric Reiset, ne présentent pas tous un égal intérêt et le même degré d'authenticité. Cinq seulement portent l'indication de leur origine; encore, trois d'entre eux sont-ils simplement revêtus du nom de Mignard, sans prénom. Voici la nomenclature de ces dessins :
1. Miracle de la multiplication des pains. — Esquisse, à l'encre de Chine, d'une grande composition religieuse ; dans le lointain, paysage oriental ; monticules plantés de palmiers. Signé : Mignard.
2. Martyre d'un saint, auquel on coupe le poing, devant un empereur ou un prêteur romain. — Encre de Chine. Au bas est écrit : Mignard.
3. Sainte Geneviève. — Elle est assise, lisant, tenant sa houlette de la main droite; des moutons paissent à ses pieds; au-dessus, vers la gauche, un ange vole vers elle. — Esquisse au crayon, ombrée d'encre de Chiné.
4. Derrière la feuille où a été dessinée sainte Geneviève, deux études de saints'.
5. La fondation d'Athènes. Neptune fait surgir un cheval du sol. Minerve un olivier. Dans le ciel, Jupiter et Junon.
6. Apollon sur un quadrige, au-dessus d'un nuage. Signé : Mignard.
7. Apollon, avec une femme agenouillée devant lui. Au pied, sont assis un roi et une reine.
1 La liasse contient une esquisse à la sanguine, au bas de laquelle est écrit le nom de Jouvenet. Nous ne pouvons la ranger parmi les pièces attribuées à Nicolas Mignard.
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Ces deux esquisses, à l'encre de Chine, sont collées sur la même feuille.
8. Apollon et les Saisons.
Pièce très importante, au bas de laquelle est écrit : Nicol. Mignard, P... Plafond d'un appartement bas du Roy... aux Thuileries.
Ce dessin est une étude ou une esquisse du plafond de la chambre du roi, dont nous donnons plus loin la description détaillée d'après Félibien. Il est exécuté d'une toute autre manière que les précédents, avec moins de franchise et plus de soin; l'aspect en est doux et fin. Les attitudes des personnages sont variées, correctes et savantes. L'ensemble en est agréable et noble. Ce dessin est d'autant plus précieux que les peintures de Nicolas, exécutées aux Tuileries, ne paraissent pas avoir été gravées.
Apollon, assis sur un nuage, s'appuie sur sa lyre; à sa droite, l'Été avec une gerbe et l'Automne couronnée de vignes ; à ses pieds, l'Hiver; à sa gauche, le Printemps et Zéphyre; au-dessus, le Zodiaque.
9. Portrait de Simon Vouet. — Dessin à la sanguine, au bas duquel est écrit : Simon Vouet, parisien, par Nicolas Mignard, d'Avig., son élève. Joli portrait, dont la légende, du dix-septième siècle, nous indique quel était le maître de Nicolas.
III
TABLEAUX D'HISTOIRE
On a vu que Mignard avait fait une étude particulière d'Annibal Carrache. Il s'inspira sans doute de la manière de ce peintre et de ses parents, Louis et Augustin Carrache; sans doute aussi fut-il séduit par les peintures de l'Albane et du Guide, l'élève des Carrache, et puisa-t-il dans ces modèles l'élégance de ses compositions, la lumière de son
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coloris, la grâce et l'expression des attitudes et des physionomies qui distinguent quelques-uns de ses tableaux.
Ce qui a nui à la renommée de Nicolas Mignard, c'est que ses peintures sont presque inconnues à Paris. Aucune de ses toiles ne figure au Musée du Louvre, ni au Musée de Versailles. Charles Blanc, dans sa Vie des Peintres, ne croit pas qu'aucune d'elles ait jamais passé dans quelque vente publique. Si l'on en rencontre dans quelques musées de l'étranger, elles sont surtout nombreuses à Avignon et dans les environs, où il est nécessaire de se rendre si on veut les connaître et les étudier.
Avignon, que Rabelais qualifiait de « ville sonnante », était remarquable au XVIIe siècle par le nombre de ses églises et de ses couvents. On y comptait, outre la cathédrale, sept collégiales, quarante couvents d'hommes et de femmes, dix hôpitaux, de nombreuses chapelles de pénitents de toutes couleurs : gris, noirs, blancs, bleus, violets et rouges. Aussi, les peintres de sujets religieux ne chômaient pas. On ne fit pas seulement appel à l'activité féconde de Nicolas Mignard, mais à celle de son fils Pierre. En 1794, lorsque le gouvernement révolutionnaire s'empara du mobilier et des ornements des églises, huit cent trente-quatre tableaux furent enlevés des édifices consacrés au culte et réunis dans l'ancien archevêché. Sur les vingt-cinq tableaux que l'on considérait comme les plus beaux, on en mentionnait treize de Nicolas Mignard, parmi lesquels sa Visitation, qui provenait du couvent de la Visitation, et qui est aujourd'hui au Lycée, et l'Adoration des Bergers; on en énumérait aussi neuf de son fils Pierre. Au nombre des toiles de second ordre, on mettait en première ligne quatorze tableaux de Nicolas et huit de Pierre 1.
Quelques-uns des tableaux de Nicolas Mignard furent conservés au Musée d'Avignon, désigné sous le nom de
1 Duhamel, Origines du Musée d'Avignon. Sociétés des Beaux-Arts des départements, 1889, p. 663. L'Adoration des Bergers avait dix pieds de hauteur sur six.
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Muséum Calvet. Le Catalogue de 1860 mentionne les suivants, sous les numéros 188 à 194 :
Saint Bruno dans le désert (2m 16 sur 1m 41).
Saint Jean l'Évangéliste (1m 94 sur 0m 78), provenant du couvent des religieuses de la Miséricorde.
Naissance de Jésus (1m 15 sur 1m 59). Jésus-Christ mort (1m 15 sur 1m50).
Le vice-légat Jean-Nicolas Conti met la ville d'Avignon sous la protection de saint Pierre de Luxembourg (2m60 sur 1m84), provenant du couvent des Célestins.
Portrait d'Alphonse-Louis du Plessis de Richelieu, cardinal archevêque de Lyon (0m 56 sur 0m 50). C'est le cardinal de Lyon que Nicolas avait suivi à Rome.
Portrait de Nicolas Mignard par lui-même. Il porte les cheveux longs, la petite moustache et la mouche; il est vêtu de noir avec une collerette blanche. Cette toile (de 67° sur 53°) a figuré parmi les portraits nationaux à l'Exposition universelle de Paris, en 1878 1
Le Catalogue de 1848 attribuait à Nicolas une Vierge et un Enfant Jésus tenant une figue (0m58 sur Om28), peinture sur bois désignée sous le numéro 175 du Catalogue.
Lors du rétablissement du culte, beaucoup des tableaux confisqués furent restitués aux édifices religieux d'où ils provenaient. Aussi, presque toutes les églises d'Avignon conservent-elles plusieurs toiles de Nicolas. La cathédrale Notre-Dame des Doms renferme une Visitation, une Annonciation et un saint Jean dans le désert dus à son pinceau 2. On en trouve aussi d'autres productions dans les églises SaintPierre, des Grands-Carmes, de Notre-Dame la Principale, dans la chapelle de la Miséricorde et dans celle des Pénitents
1 A. Deloye, Catalogue des tableaux du Muséum Calvet, 1880.
2 Le président de Brosses admirait dans la Cathédrale une très bonne Assomption de Mignard {Lettres écrites d'Italie, t. I, p. 15). Il cite aussi, dans la grande chapelle des Pénitents blancs, huit tableaux de Mignard et de Parrocel, représentant la vie du Christ depuis sa résurrection,
1895 9
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gris. A Saint-Agricol, on remarque une Notre-Dame de Pitié, copiée par lui d'après Annibal Carrache ; à l'Oratoire, une Naissance du Christ; enfin, dans la chapelle du Lycée, une Visitation de la sainte Vierge, qui passe pour l'un de ses chefsd'oeuvres.
La Chartreuse de Villeneuve renfermait plusieurs tableaux de Nicolas, que signalait le président de Rrosses et dont l'abbé Soumille a parlé dans le Mercure de janvier 1744. On remarquait, dans le choeur et l'église de ce couvent, la Dispute de Jésus-Christ avec les docteurs dans le Temple, et dans une chapelle adjacente au choeur des Frères, sainte Catherine recevant de l'enfant Jésus une bague et une couronne de fleurs. Ce tableau, daté de 1651, passait pour un des meilleurs du peintre. L'église de Villeneuve contient encore dix tableaux de Nicolas 1.
Plusieurs toiles du même peintre ont été conservées dans des collections particulières d'Avignon. Tels, la Chasteté de Joseph et la Vierge, l'Enfant Jésus et saint Jean, qui appartenaient en 1861 à M. Guérin et au marquis de l'Espine et figurèrent à cette époque dans une exposition qui fut organisée à Marseille, à l'occasion du Concours régional 2.
Parmi les oeuvres de Mignard, que possédait la ville d'Avignon, se trouvait une peinture allégorique représentant « la Durance, et le Rhône caressant cette ville et paraissant s'en éloigner à regret ». D'après une note de Chambaud, ancien conservateur du Musée Calvet, ce tableau aurait été transporté à Lyon 3.
Le Musée de Lyon ne contient pourtant qu'une oeuvre de Nicolas; c'est son portrait, de grandeur naturelle, où on le voit peignant une Vierge de la main gauche. Ce portrait a plus de simplicité que ceux de Largillière et de Rigaud 4.
1 Ph. de Chennevières, Recherches sur la vie et les ouvrages de quelques peintres provinciaux, t. I, p. 89.
2 Exposition des Beaux-Arts de Marseille. Catalogue, 1861.
3 A. Deloye, p. 78.
4 Notice des tableaux du Musée de Lyon, 1851. — Reymond, Le Musée de Lyon, p. 173.
Le Musée de Montpellier, qui occupe un rang si remarquable parmi les collections provinciales, ne renferme qu'une toile de Nicolas : c'est un portrait d'une facture attrayante et distinguée, représentant une femme blonde, en buste, sans mains, décolletée et portant une robe rouge. Sa tête, de trois quarts, s'enlève en clair sur un fonds vigoureux 1.
Nous avons peine à croire que le portrait de Louis XIV enfant, qui est attribué, au Musée de Blois, à notre peintre, soit de sa main. Il est curieux comme costume; mais nous ignorons dans quelle circonstance il aurait pu rencontrer son modèle, âgé de sept à huit ans.
La Biographie générale Didot dit qu'il existe des tableaux de Nicolas Mignard dans les musées de Saint-Pétersbourg, de Stuttgard, de Turin, de Bruxelles et dans la collection Bridge water. Nous n'en avons pas trouvé mention dans le Catalogue du Musée de l'Hermitage, à Saint-Pétersbourg; mais le Catalogue du Muséum de Stuttgard contient, à son nom, l'indication d'un Christ au Calvaire 2.
D'Argenville cite deux gravures faites d'après deux tableaux de Nicolas Mignard : un Portement de croix, interprété par le burin de Boulanger ; une Sainte Famille, gravée par Antoine Masson en 1669, après la mort du peintre 3. Cette dernière composition, dont il existe deux épreuves dans un volume de la réserve du Cabinet des estampes, rappelle quelque peu, dans son ensemble, la Sainte Famille d'André del Sarte, qui se trouve dans le cloître de Santa-Maria-Novella, à Florence. On retrouve aussi, dans le petit saint Jean qui s'agenouille devant l'enfant Jésus, une réminiscence de Raphaël. Saint Joseph offre une croix à l'enfant Jésus, et la légende de la gravure porte ces mots : In hoc signo vinces.
1 Ce tableau, de 0m69 de haut sur 0m56 de large, a été donné au Musée, en 1875, par M. Chaber. (Renseignements dus à l'obligeance de M. Ernest Michel, conservateur du Musée de Montpellier.)
2 Edition 1850, n° 123.
3 D'Argenville, Vie des peintres, t. IV, p. 73.
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Si les sujets religieux sont en majorité dans l'oeuvre de Mignard, les sujets empruntés à la mythologie furent aussi abordés par lui avec succès. Nous avons vu qu'il avait commencé sa réputation en peignant, dans une galerie, les Amours dg Théagène et de Chariclée; il couronna sa carrière en décorant les appartements du roi, au rez-de-chaussée du château des Tuileries, de sujets allégoriques empruntés à la légende d'Apollon, dont Félibien et d'autres auteurs ont laissé une description détaillée.
Lorsqu'on avait traversé l'antichambre, où Minerve présentait au dieu du soleil, sous les traits de Louis XIV, les quatre parties du monde, on pénétrait dans la chambre du roi, dont le plafond semblait être percé d'une ouverture de forme ovale, à travers laquelle on croyait voir le ciel. Sur un siège d'or, entouré de nuages, Apollon tenait une lyre; sa figure était souriante; sa chevelure répandait autour d'elle la lumière. Derrière lui apparaissait le Zodiaque, et de belles filles attelaient ses chevaux à son char. En avant, c'étaient les quatre Saisons. Le Printemps était peint « sous l'image d'une jeune fille, si belle et si agréable qu'elle charmait tous ceux qui la regardaient J. Zéphire, portant une corbeille de fruits, les ailes au dos, l'accompagnait, ainsi que Flore, la gorge découverte, vêtue d'un manteau tissé de différentes sortes de verts. L'Eté, en robe courte de gaze blanche, tenait une faucille, assise sur un manteau de drap d'or; l'Automne, en pourpre violet, avec une couronne de feuilles de vignes, semblait « une bacchante, pressant des raisins dans une coupe d'or». L'Hiver, c'était une vieille, « tenant du feu dans un brasier ».
Dans d'autres compartiments du même plafond, et dans l'alcôve de la chambre, le peintre avait figuré, sur fonds d'or, Apollon lançant des flèches sur les cyclopes ; Apollon et Diane tirant sur les fils de Niobé; le supplice de Marsyas et le châtiment de Midas.
Il est assez singulier que Félibien ait fait suivre la mention de ces actes barbares d'un dieu vindicatif et jaloux du com-
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mentaire suivant : « Toutes ces peintures. sont des images emblématiques des belles actions du roi ». Il est vrai qu'il ajoute : « C'est Sa Majesté qu'on doit considérer dans le tableau du milieu, sous la figure d'Apollon ; c'est elle qu'on voit environnée de gloire...»
Au plafond de l'alcôve apparaissait la Nuit, vêtue d'une robe rouge et d'un manteau bleu semé d'étoiles. Ailée, couronnée de pavots, elle tenait entre ses bras deux enfants endormis, symboles des songes des rois.
Près de l'alcôve, dans un cabinet ayant vue sur le jardin, Nicolas avait peint Apollon, entouré de trois muses : la Poésie, la Peinture et la Musique; la première, en robe de couleur citron, en manteau violet; la seconde, réunissant dans sa parure le vert, l'aurore, le bleu et le blanc; la troisième, vêtue de blanc. Au-dessus des portes, des paysages figuraient le lever et le coucher du soleil. Au premier plan de ce dernier paysage, un manteau pourpre, près d'une flaque de sang, d'où sortait une petite fleur violette, rappelait la mort d'Hyacinthe, changé en fleur après avoir été malheureusement tué par Apollon, en jouant au palet 1.
Ces peintures ont malheureusement disparu dans les transformations que l'intérieur des Tuileries a subies depuis la Révolution. Nous ne croyons pas qu'elles aient été gravées, et l'on ne peut guère s'en faire une idée que par le dessin du Louvre dont nous avons parlé plus haut. Aux éloges qu'elles reçurent des contemporains, Félibien mêle quelques restrictions : « Vous n'y trouverez pas, dit-il, cette force du génie qui saisit, cette chaleur d'imagination qui enflamme, cette vivacité de poésie qui, dans de pareils sujets, eût été si convenable. L'auteur manquait de force, et ses ouvrages s'en ressentent. D'ailleurs, vous y remarquerez une sorte d'élégance et de grâce qui vous plaira sûrement ».
1 Félibien, t. II, p. 497. — D'Argenville, Description pittoresque de Paris, 1781, p. 58 à 61.
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IV
PORTRAITS
Les peintres français du dix-septième siècle se rattachent essentiellement à l'école italienne, dont la plupart sont allés étudier les modèles à Rome. Ils imitent Michel-Ange, Raphaël, Jules Romain, Annibal Carrache, que Molière, dans sa Gloire du Val-de-Grâce, ne craint pas d'appeler « les Mignards de leur siècle ». Mais si trop souvent leurs compositions religieuses et historiques se ressentent de l'influence étrangère, ils se ressaisissent eux-mêmes dans le portrait, où ils doivent s'astreindre à l'observation de la nature plutôt qu'à l'imitation de formes convenues. Nicolas Mignard, en particulier, malgré le nombre et la valeur de ses tableaux d'histoire religieuse et mythologique, a conquis surtout une renommée durable par ses portraits, dont les originaux ont pour la plupart disparu, mais qui ont été conservés dans toute la précision de leur dessin et toute la force de leur caractère par le burin d'habiles graveurs.
Nul doute qu'il n'en ait peint un grand nombre en Provence, avant de tracer celui du cardinal Mazarin, en 1660, dont le succès fut tel qu'il fut bientôt appelé à faire celui du roi et de quelques-uns des principaux personnages de la Cour.
Il représenta Louis XIV à mi-corps, la tête recouverte d'une chevelure, un peu rabaissée sur le sommet de la tête et retombant en boucles touffues sur les épaules; sauf dans deux de ces gravures, le roi porte la cuirasse, un rabat à plusieurs lgands et une écharpe.
Ce portrait de Louis XIV, alors âgé de vingt-deux ans, a été gravé plusieurs fois, de 1661 à 1668. Le Cabinet des Estampes de la Bibliothèque Nationale, dans le portefeuille D. A. 28, contient la reproduction de dix planches différentes de ce portrait, dont nous donnons la nomenclature :
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1. Médaillon gravé par Van Schuppen, 1661. — N. Mignard acenionensis pinxit 1.
2. Le même, avec la lettre.
3. Autre portrait, avec la tète tournée à sa droite, au lieu de! l'être à sa gauche. Gravé par Nanteuil, 1661. Autour du médaillon, des attributs entrelacés de branches de lauriers et d'oliviers, avec cette devise dans le haut : Justitia et pax osculatoe sunt.
4. Autre, moins grand. — Van Schuppen sculpebat, 1662.
5. Autre. Tète à sa droite, gravé par N. Poilly. Il semble fait d'après un autre portrait de Nicolas, où le roi porte un manteau d'hermine. Autour du médaillon, des amours bien dessinés, mais sans distinction, portent des emblèmes et des devises. Dans le bas, représentation d'un lit de justice.
6. Le même, mais de dimension plus grande, avec un cadre fleurdelisé, sans amours.
7. Autre, gravé par Poilly, comme le précédent, avec le costume des numéros 1 à 4.
8. 9. Variantes des précédents, avec quelques différences dans le rabat et les glands. Tous deux sont gravés par Poilly; le premier porte la date de 1668 ; le second est accompagné, aux angles, d'emblèmes et de devises.
10. Variante des précédents, avec quelques différences dans les accessoires et les devises. Jac. Grignon sculp. 1666.
Le Cabinet des Estampes contient d'autres portraits gravés d'après Mignard d'Avignon. En tête, voici le fameux ministre de Louis XIV, Michel Le Tellier, marquis de Louvois : son médaillon, gravé par G. Edelinck, repose sur la tête d'un lion ; il est soutenu à gauche par un guerrier romain assis, à droite par Minerve.
Plusieurs prélats furent peints par Mignard ; tel fut Hardouin de Péréfixe, archevêque de Paris, l'historien de
1 Sur beaucoup de gravures, le nom de N. Mignard est suivi de la qualification à'avignonensis; il prend rarement celle de trecensis. comme l'a fait son frère Pierre, notamment sur le portrait gravé du duc de Vendôme.
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Henri IV. Sa belle tête, d'un noble caractère, a été gravée par Antoine Masson, en 1664. Le portrait d'Emmanuel-Théodore de La Tour d'Auvergne, a été reproduit, en 1665, par le burin de Masson, et, en outre, par celui d'un autre artiste qui signe Michel Natalis sculpebat Leodii. Né en 1644, Théodose de La Tour d'Auvergne, qui portait alors le titre d'abbé duc d'Albret, fut plus tard connu sous le nom de cardinal de Bouillon. Sa figure est agréable, avec un air de grande jeunesse.
Nicolas avait peint le portrait du cardinal de Lyon, frère de Richelieu. Nous n'en avons pas trouvé la gravure, mais nous avons celle de l'image de son successeur, Camille de Neuville de Villeroy, qui occupa le siège de Lyon de 1653 à 1693. Son nom n'est pas écrit au bas de la gravure conservée au Cabinet des Estampés, mais ses armes y figurent, et l'indication du graveur est ainsi formulée : Jaque Tourheysen Heli Basil sculpsit Lugduni, 1672.
Le même Tourheysen a gravé également, à Lyon et d'après Mignard, la figure d'un personnage, assez laid, dont les armes portent de sable à trois bandes d'or. En haut du cadre se trouvent deux emblèmes accompagnés de ces devises : Medium non deseritunquam. — Crescit eundo.
Plein de caractère et d'originalité est le portrait de Pierre Dupuis, de Montfort l'Amaury, peintre de l'Académie royale, gravé par Antoine Masson en 1663. Dupuis porte un habit de velours ; sa tête, à la longue moustache, est coiffée d'un bonnet de peau de tigre; il relève de la main une riche chaîne à laquelle est suspendue un médaillon ; au bas est écrit ce quatrain :
Je peins et je suis peint par mes meilleurs amis. Nous avons en cecy tous trois même avantage, Car si pour m'obliger, ilz n'y ont rien obmis, L'honneur qui est sans prix est le prix de l'ouvrage.
Antoine Masson (1636-1702), l'un des meilleurs graveurs de son temps, était l'ami de Nicolas Mignard, qui, d'après Mariette, l'avait retiré de « l'armurerie », où il excellait dans
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la damasquinure, pour lui faire pratiquer un art plus noble 1. Nicolas semble lui avoir, du reste, porté bonheur; car les portraits que Masson a gravés d'après Nicolas ont plus de relief et de vie que ceux qu'il a dessinés lui-même d'après nature (ad vivum). Toutes les qualités de son burin « mâle, souple, raffiné et d'une téméraire élégance » se révèlent dans le portrait, exécuté en 1664, de Guillaume de Brisacier, secrétaire des commandements de la reine, dans la maison duquel Nicolas Mignard devait mourir en 1668. Sa tête, à la physionomie sympathique, est entourée de cheveux gris. C'est un beau portrait, qui fait honneur au peintre et au graveur.
Mais le chef-d'oeuvre de l'un et de l'autre, c'est le portrait du comte d'Harcourt, qui est justement célèbre et dont la maison Firmin Didot a bien voulu nous communiquer une bonne reproduction. Masson l'a gravé en 1662. Henri de Lorraine, comte d'Harcourt, grand écuyer de France, connu sous le nom de Cadet la Perle, à cause d'une grosse perle qu'il portait à son oreille, s'était distingué à la guerre en Italie, en Espagne et dans les Pays-Bas. Il avait soixante ans lorsqu'il posa devant Mignard.
Ses exploits sont rappelés par ces quatre vers inscrits au bas de son portrait et dont la flatterie hyperbolique fait sourire :
L'honneur qu'il s'est acquis est sy grand et sy juste, Et l'on aura pour luy tant d'estime et d'amour Que comme les grands roys prennent le nom d'Auguste Les plus fameux héros prendront celui d'Harcour !
L'oeuvre d'art n'en est pas moins excellente. Mariette, au siècle dernier, en faisait un grand éloge. « Les étoffes, dit-il, la broderie, les cheveux, la dentelle et surtout les plumes qui sont sur le casque sont traités avec tant de vérité, tant d'intelligence, qu'il semble avoir devant les yeux la nature
Mariette, Abecedario, t. III, p. 281.
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même 1. » De notre temps, Charles Blanc a vu de plus haut les qualités de cette oeuvre d'art, lorsqu'il a écrit dans sa Vie des peintres : « La hauteur ou plutôt la dignité du commandement, la fierté de race, le tempérament du soldat tempéré par le courage du capitaine sont les traits caractéristiques de ce portrait fameux. »
Il paraît avoir été gravé plusieurs fois, notamment par Fiquet, dans une dimension plus restreinte, et, d'après la Bibliotlièque de la France (t. III, p. 222), par Edelinck en 1698. La gravure de Fiquet existe au Cabinet des Estampes.
Il est à remarquer que Nicolas Mignard, malgré la grâce de son pinceau, semble avoir réussi dans les portraits d'hommes plutôt que dans ceux de femmes. D'Argenville dit qu'il peignit à Paris la princesse d'Elbeuf en sainte Cécile. Son portrait de la reine Marie-Thérèse a été gravé par Antoine. Masson en 1664. Le modèle prêtait peu; malgré sa jeunesse, la figure de cette princesse, fade et un peu bouffie, était dénuée de charme. Le pinceau de Mignard et le burin de son ami Masson n'ont pu lui donner l'attrait qui lui faisait défaut 2.
Bien que Nicolas ait préféré les sujets historiques et religieux aux portraits, c'est dans ceux-ci qu'il excella. « Son pinceau frais et coulant, dit d'Argenvilie, était propre à faire des portraits. » Mais d'Argenvilie, croyons-nous, a tort d'ajouter qu'il en a plus laissé que de tableaux d'histoire. Cet auteur, s'accorde avec Félibien pour dire qu'il inventait facilement et peignait avec grâce. « Comme il ne se sentait pas un génie assez élevé pour exprimer de fortes passions, il se renferma, à l'exemple de l'AIbane, dans des compositions simples, dans des sujets tendres et modérés, qu'il a traités avec beaucoup de fraîcheur, de correction et d'un très bon ton de couleur ; ses têtes gracieuses et charmantes n'ont pas assez d'âme pour
1 Mariette, Abecedario, t. III, p. 282. — Les portraits de Brisacier et du comte d'Harcourt sont exposés dans la première salle du Cabinet des Estampes, parmi les plus beaux spécimens de la gravure française.
2 Cette gravure d'assez grande dimension est conservée dans la réserve du Cabinet des Estampes (recueil R. D.)
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émouvoir puissamment les esprits; toutefois, dit Félibien, les nobles expressions, les beaux airs de têtes et l'excellence de son pinceau touchent les yeux avec tant de douceur qu'on se trouve aussitôt emporté par les grâces différentes dont ses ouvrages sont remplis 1. »
Bien qu'il peignît de la main gauche, Nicolas Mignard avait une grande habileté d'exécution. Un auteur du XVIIIe siècle, cité par d'Argenvilie, a dépeint ainsi son talent :
Prendre le ton de la nature, En sentir les beautés, en sauver les défauts, Faire aimer des portraits l'innocente imposture
Furent les fruits de tes travaux. A la cour, au ministre, au prince, tu sus plaire; Tu sais nous plaire encore, et tes tableaux charmants, Du palais de nos rois précieux ornements, Font voir le rival de ton illustre frère.
Ce jugement est confirmé par celui que porte sur lui Charles Blanc dans son Histoire des peintres, lorsqu'il dit : « Peintre abondant, facile et gracieux, habile praticien... Nicolas Mignard eut à peu près toutes les qualités et tous les défauts de son frère. »
C'est pour cette raison que nous avons esssayé d'appeler l'attention des lecteurs de l'Annuaire de l'Aube sur ce peintre champenois, qui n'appartient que par son origine et ses débuts à la ville de Troyes, mais qui doit figurer parmi les hommes illustres qu'elle a vus naître. L'étude que nous lui avons consacrée sera complétée sans doute par les recherches que l'on pourrait faire sur sa vie et sur ses oeuvres à Avignon, où il a passé une grande partie de sa vie: mais, dans les limites où elle est restreinte, nous espérons qu'elle fera mieux connaître un peintre français de valeur, apprécié à juste titre par ses contemporains et qui mérite de n'être pas oublié.
1 Félibien, t. II, p. 489. — D'Argenville, t. IV, p. 71.
COMMISSION MÉTÉOROLOGIQUE DE L'AUBE
RESUME DES OBSERVATIONS
FAITES A TROYES ET DANS LES DIVERSES STATIONS DU DÉPARTEMENT EN 1894
PAR
M. E. LAIGNEAU
DIRECTEUR DE L'ÉCOLE NORMALE D'INSTITUTEURS DE L'AUBE PRÉSIDENT DE LA COMMISSION
Les observations météorologiques faites dans l'Aube, sous le contrôle de la Commission météorologique départementale, pendant l'année 1894, ont permis d'établir le résumé cidessous. On y trouvera des indications sur les principaux éléments du climat de Troyes et de la région, c'est-à-dire sur la pression atmosphérique, la température, la pluie, l'humidité et le régime des vents.
Les valeurs normales rappelées dans ce résumé, comparées aux résultats de l'année dernièrement écoulée, s'appliquent à la moyenne des observations faites postérieurement à l'année 1877.
Pression atmosphérique. —Voici quelles ont été les moyennes mensuelles de la pression atmosphérique observée à Troyes, en 1894, comparées aux normales correspondantes :
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Moyennes normale Moyennes de 1894 Différences
Janvier 755.2 753.5 — 1.7
Février 754.85 758.37 + 3.52
Mars 751.83 752.82 + 0. 99
Avril 749.17 749.86 +0.69
Mai 751.61 750.3 - 1.31
Juin. 752.43 754.04 + 1.61
Juillet.... 752.44 752.4 — 0.04
Août 752.25 758.3 + 6.05
Septembre 753.1 754.12 + 1.02
Octobre 751.8 755.55 + 3.75
Novembre 752.5 755.07 + 2.57
Décembre 754 755.16 + 1.16
Moyennes générales... 752.6 754.12 + 1.52
L'observation prouve qu'en général le baromètre est plus haut dans la saison froide que dans la saison chaude, qu'un maximum principal a lieu en janvier et un minimum principal en avril; qu'un maximum secondaire a lieu souvent en septembre, et aussi un minimum secondaire en mai et en octobre.
Or, l'année 1894, si tourmentée et si variable, s'est un peu affranchie de ces règles; les mois d'hiver ont eu les pressions barométriques les plus élevées, mais aussi le mois d'août; le maximum de pression s'est produit en février, et non en janvier (d'ailleurs, février a été fort sec); le minimum est resté en avril ; il y a eu un maximum en août et un minimum en mai.
L'observation prouve encore que les variations barométriques entre le maximum et le minimum absolus de chaque mois ont leur plus grande amplitude en automne et en hiver, et qu'elles sont moins grandes au printemps, et surtout pendant l'été. En 1894, elles ont été de 17mm6 pour janvier, de 18mm 1 pour février, de 22mm8 pour mars, de 21mm 6 pour octobre, de 25mm3 pour novembre et de 31mm5 pour décembre; tandis qu'elles ne sont plus que de 11mm5 pour avril (période de minimum), de 10mm3 pour juillet et de 11mm1 pour le mois d'août.
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Les moyennes annuelles des pressions barométriques, constatées dans les autres stations de l'Aube, ont été les suivantes. :
Bar-sur-Aube 748.2
Brienne-la-Vieille 758.72
Romilly-sur-Seine 754.78
Arcis-sur-Aube 762.57
Clairvaux 752.9
Magny-Fouchard 761.6
Rumilly-les-Vaudes 761.4
Thennelières 757.5
Température. — La moyenne des trois observations thermométriques quotidiennes faites à Troyes, en 1894, comparée pour chaque mois à la moyenne normale, donne le résultat suivant :
Moyennes normales Moyennes de 1894 Différences
Janvier 1°06 1°42 + 0°36
Février 3.7 3.97 + 0.27
Mars 5.86 6.8 + 0.94
Avril 9.94 11.61 + 1.67
Mai 14.03 12.25 — 1.78
Juin 17.5 16.22 — 1.28
Juillet 18.74 18.97 + 0.23
Août 18.55 17.24 — 1.31
Septembre 15.57 13.33 — 2.24
Octobre 9.86 10.10 + 0.24
Novembre 6.14 7.03 + 0.89
Décembre 1.45 2.76 + 1.31
Moyennes générales... 10° 2 10° 14 — 0° 06
Ainsi, la température moyenne à Troyes a été, en 1894, de 10° 14, inférieure seulement de 0°06 sur la normale. On doit remarquer que la température des mois de mai, de juin, d'août et de septembre a été très inférieure aux normales correspondantes. Les autres mois, au contraire, janvier, février, juillet et octobre, mais surtout mars, avril, novembre et décembre, ont eu des températures moyennes supérieures
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à celles qu'on observe d'ordinaire dans ces mois. L'écart entre les températures extrêmes de l'année, qui se sont produites le 5 janvier, — 13° 6, la plus basse, et le 6 juillet, + 33° 9, la plus élevée, a été de 49° 5. L'excursion thermométrique avait été de 60° 1 en 1893.
Les températures maxima et mini na observées dans les stations de l'Aube ont donné, pour l'année, les moyennes suivantes :
Température des maxima :
Arcis-sur-Aube 18° 49
Bar-sur-Aube 15.55
Brienne-la-Vieille . 15.47
Clairvaux 16.03
Romilly-sur-Seine... 13°52
Rumilly-les-Vaudes.. 15.61
Thermelières 12.64
Troyes 15.79
Température des minima :
Arcis-sur-Aube 4°89
Bar-sur-Aube 4.29
Brienne-la-Vieille... 5.07
Glairvaux.. 3.98
Romilly-sur-Seine 5°62
Rumilly-les-Vaudes.. 4.94
Thennelières 6.45
Troyes 4.36
L'examen du graphique des moyennes mensuelles maxima et minima prête à quelques remarques.
En ce qui concerne les maxima, on constate qu'il a fait plus chaud, pendant le jour, en avril qu'en mai, circonstance que l'observation simple des faits a mise en évidence. Les températures mensuelles minima ont eu un mouvement régulier, tant ascendant que descendant, de janvier à juillet et de juillet à décembre.
Les maxima absolus de la température se sont produits en juillet et en août : le 6 juillet, 33° à Rumilly-les-Vaudes, 33° 9 à Troyes, 35° à Brienne-la-Vieille, 36° à Clairvaux; — le 24 juillet, 35° à Arcis ; — les 9 et 10 août, 35° 5 à Arcis ; — le 25 août, 30° à Bar-sur-Aube et 33° 2 à Clairvaux.
Les minima absolus ont eu lieu en janvier et en décembre : le 1er janvier, — 14°5 à Clairvaux; les 4 et 5 janvier, — 13° 5 à Arcis, — 16° à Bar-sur-Aube et à Brienne-la-
— 145 —
Vieille, — 12° et — 13° à Romilly, — 15° et — 16° à Rumilly-les-Vaudes, — 12° 5 à Thennelières et — 15° 6 à Troyes; les 11 et 12 décembre, — 9° à Bar-sur-Aube et à Brienne-la-Vieille, — 10° 5 à Clairvaux, —9° 2 à Rumillyles-Vaudes, — 7° 8 à Troyes.
La plus haute température de l'année a été observée à Clairvaux, 36°, le 6 juillet, et la plus basse à Bar-sur-Aube, à Brienne-la-Vieille et à Rumilly-les-Vaudes, — 16° le 5 janvier.
Pluies. — Le compte-rendu de l'année dernière avait relaté les phases d'extrême sécheresse par lesquelles avaient passé notre région et la plus grande partie de la France, en 1893. L'année 1894 n'a pas été aussi malheureuse, et pourtant il a tombé moins d'eau que dans les années moyennes.
Le tableau qui suit établit quelques comparaisons.
Moyennes normales Eau tombée Différences en de l'eau tombée en 1894 moins
Bar-sur-Aube 857 » 698.75 158.25
Bar-sur-Seine 819.81 679.05 140.76
Vendeuvre 747.83 576 » 171.83
Chessy 711.20 630.50 80.70
Chaumesnil 657.52 468.25 189.27
Fay 619.90 545.50 74.40
Barberey 625.76 451.50 174.26
Troyes 589.94 443.70 146.24
Villacerf 575.70 430.80 144.90
Ces différences en moins sont constatées dans d'autres stations pour lesquelles il n'y a pas encore de données suffisamment établies. — A Laines-aux-Bois, le déficit de l'eau tombée est de 15mm5 sur 1893 et de 115mm7 sur 1892. Il est, aux Riceys, de 64mm6 sur 1893 et de 43mm65 sur 1892; à Montreuil, de 46m6 sur 1893 ; à Soligny-les-Étangs, de 35mm7 sur 1893 et de 46mm sur 1892 ; à Thennelières, de 86mm7 sur 1893 et de 149mm4 sur 1892 ; à Brienne-la-Vieille, de 16mm9 sur 1893 ; à Saint-Mards-en-Othe, de 55mm3 sur 1893 ; à Amance, de 198mm30 sur 1892.
1895 10
— 146 —
Sur d'autres points, on a constaté une plus-value à l'avantage de 1894 sur 1893, mais des moins-values assez élevées sur les années précédentes, comme à Montmartin, à Piney, à Romilly-sur-Seine, à Clairvaux (où la moins-value sur 1892 dépasse 200mm), à Valentigny, etc., etc.
L'opinion commune est cependant que l'année 1893 a été pluvieuse. Les faits recueillis dans les 47 stations prouvent le contraire. Il a plu sans doute assez fréquemment, entre 152 et 190 jours; mais les pluies naturelles ont fourni chaque fois de petites quantités d'eau, parfois de difficile appréciation. Ce qui a pu donner quelque crédit à l'affirmation susdite, c'est qu'en 1894 le degré d'humidité relative de l'air et la nébulosité diurne ont été plus élevés qu'à l'ordinaire et qu'à l'encontre l'illumination solaire, sauf en mars et avril, a duré moins que d'habitude.
Les quatre premiers mois de 1894 ont donné des quantités de pluies inférieures aux moyennes communes ; le mois d'octobre n'a rien offert de particulier ; les mois de novembre et de décembre, humides pourtant, ont été pauvres en pluies, surtout en neige. Ce sont les mois de juin, de juillet, d'août et de septembre qui ont donné le plus fort contingent. Les pluies de juin ont été naturelles; celles des autres mois chauds, surtout celles d'août, doivent être rapportées à la fréquence des orages.
Les pluies de 1894 n'ont donc pas comblé les vides signalés à la fin de 1893, dans les sources taries des fontaines et des rivières, et dans les couches profondes des sols en culture. La pénurie a été générale. On se demande si les neiges abondantes mais tardives du mois de janvier 1895, corrigeront les conditions regrettables dont on souffre depuis deux années.
État hygrométrique. — Les constatations relatives à l'état hygrométrique de l'air ont donné, à Troyes, les moyennes suivantes pour chaque mois de l'année 1894 :
Janvier, 87.3 % ; Février, 85 ; Mars, 75 ; Avril, 73.7 ; Mai, 78.3 ; Juin, 81 ; Juillet, 74.7 ; Août, 86 ; Septembre, 87.7;
— 147 —
Octobre, 86 ; Novembre, 87.3; et Décembre, 88.3. — Soit une moyenne annuelle de 82.5 %. — L'état moyen hygrométrique de 1893 n'avait été que de 75 %, la moyenne normale de Troyes étant de 79.6 %; notre région se trouve rangée dans les climats moyennement humides.
Régime des vents. — Sur 1.095 observations du vent, on a constaté, en 1894, à Troyes : 242 temps calmes. Les vents ont soufflé : du NE. au NNO., 131 fois ; du NO. à l'OSO., 188 fois; du SO. au SSE., 392 fois ; et du SE. à l'ENE., 142 fois. — Ce qui donne 273 observations du vent venu des régions froides et sèches, et 580 observations du vent venu des régions tièdes et humides.
Nébulosité. — Sur 1.095 observations, 215 fois le ciel a été pur, 158 fois il a été environ 1/4 nuageux, 152 fois deminuageux, 292 fois 3/4 nuageux et 278 fois couvert. Si on représente par 0 le temps clair, par 25 % le ciel 1/4 nuageux, par 50 % le ciel 1/2 nuageux, par 75 % le ciel 3/4 nuageux et par 100 le ciel couvert, on obtient, pour l'année 1894, une nébulosité moyenne de 56 %
Pouvons-nous tirer quelques conclusions sûres des documents susdits? J'estime, pour ma part, que ce serait téméraire. Opérant sur une étendue limitée de territoire, le rôle principal de la Commission est d'obtenir des observations assez nombreuses et précises, d'en tirer des moyennes exactes, puis de transmettre ces documents à ceux qui ont la mission de les centraliser.
Par des comparaisons multiples, basées sur des renseignements vrais, les météorologistes pourront, avec le temps, trouver dans les phénomènes dont nous sommes les témoins quelque loi de périodicité, s'il en existe.
Notre mission sera bien remplie, si nous observons avec probité ; car nous devons être convaincus, comme l'écrivait récemment un de nos astronomes, « que le moindre souffle d'air est régi par des lois aussi absolues que le mouvement des mondes dans l'espace» .
25 NOVEMBRE 1894
DISTRIBUTION SOLENNELLE
DES
RÉCOMPENSES
FONDÉES PAR
JAILLANT-DESGHAINETS, BOUCHER DE PERTHES,
JOUANNE
RICHARD-SANDRIN, ARGENCE ET GÉRARD-MILLOT
En faveur des Ouvriers de la ville de Troyes
Le dimanche 25 novembre a eu lieu, au Théâtre, la distribution des prix Jaillant - Deschainets, Boucher de Perthes, Jouanne, Richard-Sandrin, Argence et GérardMillot.
Voici la liste des récompenses :
Prix Jaillant-Deschainets (500 fr.) Assiduité au Travail et bonne Conduite
LECLERC, Nicolas-Constant, demeure rue Saint-Martin, 30, à Troyes, qu'il habite depuis vingt-cinq ans; il est né dans le département de l'Aube, à Pâlis, le 14 janvier 1811.
A travaillé pendant vingt ans consécutifs dans la manufacture de MM. Quinquarlet; son travail et la régularité de sa conduite l'ont toujours fait remarquer de ses patrons, qu'il n'a quittés qu'à cause de son incapacité de travailler.
— 150 —
Père d'une nombreuse famille (sept enfants), il a su les élever honorablement, avec les' seules ressources de son travail.
Aujourd'hui, âgé de quatre-vingt-trois ans, estropié, ne pouvant se livrer à aucun travail, il est à la charge de ses enfants, qui sont eux-mêmes chargés de famille.
Les excellents renseignements qui nous ont été donnés ont déterminé l'Administration municipale à choisir Leclerc comme lauréat d'un prix Jaillant-Deschainets.
DELOUTRE , Edme-Martin-Gabriel, tisserand, âgé de soixante-seize ans, demeure rue de Preize, 43. Il est né à Onjon (Aube), le 11 février 1818.
Arrivé à Troyes le 1er décembre 1854, il travaille aussitôt chez MM. Perrin et Caillot, dont les successeurs actuels sont MM. Duchat, Lange et Meynier, maison à laquelle il est toujours attaché.
Ses patrons attestent que, pendant ces quarante années dans la même maison, il n'a pas cessé de donner l'exemple d'un travail assidu, d'une conduite irréprochable et d'un entier dévouement; c'est le plus bel éloge qu'on puisse en faire en constatant que, pendant cette période, il n'a tenu qu'un atelier.
Ces longs états de services dans l'industrie et dans le même établissement ont valu à notre lauréat une médaille d'honneur qui lui a été décernée, au nom du Gouvernement de la République, par M. le Ministre du Commerce et de l'Industrie, en 1888.
Deloutre a eu plusieurs enfants à élever ; deux sont décédés : l'un à l'âge de trente-huit ans, laissant deux enfants en bas-âge; l'autre à vingt-sept ans, des suites d'un refroidissement contracté pendant son service militaire.
Il a encore à sa charge une de ses petites-filles.
Un prix Jaillant-Deschainets récompense en Deloutre une vie modeste, toute de travail et de bonne conduite.
151
Belles Actions.
CLIGNY, Martin-Auguste-Arsène, né le 14 février 1849, à Troyes, habite rue des Capucins, 40; il est encaisseur chez MM. Poron fils, où il compte vingt-cinq années de services; sa conduite, son travail et sa probité ont toujours donné satisfaction à ses chefs. Il est vice-président de la Société des Sauveteurs humanitaires de l'Aube et sergent-brancardier du Comité de Secours aux Blessés militaires.
Cligny a eu six enfants, — cinq lui restent; les aînés ont obtenu leur certificat d'études et des livrets de Caisse d'épargne; l'un d'eux a mérité une récompense décernée par M. le Ministre de l'Instruction publique.
Non content de remplir ses devoirs de bon père de famille, il saisissait toutes les occasions d'être utile à ses semblables et de se dévouer pour eux.
Parmi ses actes de dévouement, on citera les suivants :
Le 18 juillet 1889, à l'incendie de l'usine dite « de l'Arquebuse », appartenant à M. Charles Huot, il se signale par son dévouement, affrontant tous les dangers.
Le 14 octobre 1891, il sauve d'une mort certaine le jeune Paul Bellanger, âgé de dix-huit ans, tombé dans un bras de la Seine, chaussée des Bas-Trévois.
Le 21 juin 1892, il participe au sauvetage d'une jeune fille, tombée dans le bief du moulin de la Tour.
Ancien militaire au 6e de ligne, Cligny a fait la campagne de 1870 et a été interné en Bavière, comme prisonnier de guerre, du 15 janvier 1871 au 29 juin de la même année.
Le 31 juillet 1892, Cligny a reçu du Gouvernement une médaille d'honneur pour sauvetage.
L'Administration municipale l'a jugé digne d'un prix Jaillant-Deschainets, fondé pour récompenser les belles actions.
— 152 —
HOUBIN, Auguste, bonnetier, demeurant faubourg Croncels, 165, est né à Troyes, le 15 août 1861.
Depuis vingt-deux ans, il travaille pour MM. Marot, fabricants de bonneterie, qui n'ont qu'à se louer de son travail et de son assiduité.
Le 20 avril 1890, il entre dans la Compagnie des SapeursPompiers, et le 28 août 1892 il reçoit les galons de caporal.
Le certificat délivré par le capitaine-commandant la Compagnie constate que le caporal Houbin s'est toujours fait remarquer par son activité et son dévouement dans les sinistres, principalement à l'incendie de la Préfecture de l'Aube, où il a reçu les félicitations de M. le Préfet.
Il fait également partie, comme membre actif, de la Société des Sauveteurs humanitaires de l'Aube, où il se signale par sa conduite modèle.
Sa bonne conduite et son dévouement seraient déjà un titre à sa récompense, si d'autres actions d'éclat ne parlaient plus haut.
Au Tonkin, où il servait au 24e régiment d'artillerie, pendant l'expédition du Bas-Delta, il sauve, au péril de sa vie, un de ses camarades tombé dans un bras du fleuve Rouge.
Quelque temps après, au cours de la même expédition, un autre camarade, tombé dans une rivière profonde et vaseuse, lui doit la vie.
Ces actes ont été accomplis sous les yeux d'un officier, qui les certifie, ajoutant que Houbin a toujours été un excellent soldat, dévoué et plein de sangfroid dans le danger.
Houbin porte la médaille commémorative de l'expédition du Tonkin, de la Chine et de l'Annam et la médaille d'honneur pour sauvetage.
A Troyes, le 16 novembre 1873, âgé seulement de douze ans, il retire une petite fille, Anna Richer, tombée dans le cours d'eau longeant la rue Delarothière et très rapide à ce moment de l'année.
Le 28 avril 1889, à une heure de l'après-midi, il sauve le jeune Paulus, âgé de sept ans, tombé dans le canal.
— 153 —
Le 10 juillet 1892, il sauve la vie à deux personnes qui se noyaient dans la Seine, à Villepart.
Tant de sacrifices de soi-même méritent la récompense qu'il va recevoir dans le prix fondé par M. Jaillant-Deschainets pour belles actions.
Prix Boucher de Perthes (382 fr.)
Mlle CHARBONNET, Marie-Marguerite, née à Troyes, le 7 juillet 1819, demeure rue Boucher-de-Perthes.
C'est une ancienne ouvrière qui a été occupée, dès l'âge de douze ans, dans la librairie Armer-André et Bertrand-Hû.
De 1831 à 1884, elle est restée dans la même maison. Une vie d'un demi-siècle, consacrée à un travail constant, méritait une récompense: ajoutons à ce titre une conduite irréprochable.
M. Bertrand-Hû, son dernier patron, atteste qu'elle fut toujours bonne et dévouée jusqu'aux sacrifices envers les siens, sobre, modeste, se privant de tout.
Ouvrière infatigable, quoique d'une santé délicate, elle ne reculait pas devant le travail le plus pénible; elle passait même une partie des nuits à travailler dans les moments de l'année où l'ouvrage l'exigeait.
Le prix Boucher de Perthes lui a été décerné par l'Administration municipale.
Prix Jouanne (100 fr.)
M™ veuve GENEVOIS, Antoine, née PINGUET, Catherine, demeurant rue Surgale, 12, est âgée de 80 ans.
Son grand âge lui interdit tout travail.
Elle avait un fils unique, son seul soutien. Ce fils, célibataire,, est décédé à Troyes, le 7 juin dernier, à l'âge de 50 ans, laissant sa vieille mère dans une extrême indigence.
Cette veuve estimable réunissant les conditions de la fondation, le prix Jouanne lui est décerné.
154
Prix Richard-Sandrin (200 fr.)
Mme LAILLET, François, née METZGER, Marie-Célestine, bonnetière, âgée de 50 ans , de neure à Troyes , rue du Gros-Raisin, 2.
Elle a travaillé pendant dix-huit ans pour la maison Doué-Rosenberger, quatre ans pour M. Petit-Desplanches; depuis le mois d'octobre 1893, elle est occupée par M. Maurice Valton.
Elle a eu neuf enfants dans son mariage : huit sont morts ; l'un à dix-sept ans, d'autres plus jeunes ; dernièrement, elle en perdit un autre, âgé de dix-neuf ans, à la suite d'une maladie exigeant des soins et une surveillance continuels.
Celui qui reste est malade depuis deux ans et exige des soins de tous les instants. Tous ses enfants ont suivi les écoles et ont laissé de bons souvenirs.
Mme Laillet, malgré ses charges, a recueilli et nourri, sans indemnité, un jeune enfant sans famille, à Troyes; elle a fait de même pour un enfant abandonné par sa mère.
Mme Laillet s'étant fait remarquer par sa bonne conduite, son assiduité au travail et les soins apportés à élever ses enfants, a mérité le prix Richard-Sandrin.
Prix Argence (500 fr.)
Mme MONTAGNE, Louis, née FLEURY, Angèle, blanchisseuse, née à Fresnoy (Aube), le 26 juin 1831, demeure boulevard du Quatorze-Juillet, 5 ; elle habite Troyes depuis vingt-huit ans.
Mme Montagne a eu quatre enfants; trois sont décédés aux âges de trois, huit et dix-huit ans.
Le survivant, âgé de 31 ans, est infirme depuis sa naissance et incapable de se servir ni de ses mains, ni de ses jambes ; il faut le lever, le coucher, le faire manger, et lui donner toutes sortes de soins que nécessite un pareil état.
— 155 —
Mme Montagne a pris, gardé et soigné, pendant six ans, sa grand'mère impotente, décédée à l'âge de 96 ans.
Pendant ces nombreuses années bien pénibles, le dévouement de Mme Montagne n'a jamais faibli.
Les meilleurs renseignements nous sont donnés sur la conduite et l'honorabilité de Mme Montagne, qui a été jugée digne d'un prix Argence.
Mlle LEBRUN, Catherine, bonnetière, née dans le département de la Meuse, le 6 avril 1841, demeure à Troyes, rue de la Vallée-Suisse, 11.
Elle a travaillé, pendant onze ans, chez M. Valton-Lerouge ; actuellement, elle est raccoutreuse chez MM. Poron, où elle est entrée le 15 avril 1878.
Dans ces deux maisons, elle se fait remarquer par son travail, sa conduite et sa régularité.
La vie de Mlle Lebrun est encore toute de dévouement; elle ne compte ni ses fatigues, ni ses nuits sans sommeil.
Aînée de sept enfants, elle reste avec ses parents pour les aider à élever la nombreuse famille.
Pendant de longues années, elle a soigné, seule, son père atteint d'une affection cardiaque, et ne l'a pas quitté pendant les six derniers mois de son existence.
Elle a élevé une de ses nièces, et par ses soins constants l'a sauvée d'une mort certaine : l'enfant était atteinte de fièvre typhoïde.
Aujourd'hui, elle entoure du même dévouement sa vieille mère,-âgée de soixante-dix-neuf ans, souffrante et infirme.
Un des prix Argence, fondés pour récompenser la bonne conduite et les belles actions, est décerné à Mlle Lebrun.
Prix Gérard-Millot (1,500 fr.)
DEHEURLE, Félix-Ulysse, bonnetier, demeurant rue de Gournay, 83, né à Neuville-sur-Vannes(Aube), le 23 août 1825, habite Troyes depuis 1868.
— 156 —
Appelé aux fonctions de conseiller municipal dans la commune de Neuville-sur-Vannes, il s'y est toujours montré partisan du développement de l'instruction.
Son zèle ne s'est pas démenti : ce qu'il voulait pour les autres, il l'a fait pour les siens, mais au prix des plus grands sacrifices.
Il a eu sept enfants ; trois lui restent.
Le premier, Victor, actuellement voyageur de commerce, a fréquenté l'école dirigée par M. Malarmey, a obtenu son certificat d'études primaires, le 1er juillet 1873, et un livret de caisse d'épargne. A sa sortie de l'école primaire, il suivit les cours de langues étrangères fondés par Jaillant-Deschainets.
Le second, Charles, âgé de vingt-six ans, est également un ancien élève de M. Malarmey. Un certificat d'études lui a été délivré le 10 juin 1880; il est employé comme dessinateur à la Mairie de Troyes.
En 1884, il a obtenu du Ministre des Beaux-Arts une bourse de voyage, comme lauréat du 1er prix de dessin d'architecture, à l'Ecole municipale de dessin. La même année, le Conseil général de l'Aube lui décernait le prix de la fondation faite par MM. Casimir-Perier, Blavoyer et de Vendeuvre, en faveur de fils d'ouvriers, d'artisans, pour les encourager et les aider dans leurs études artistiques ou professionnelles.
La troisième, Charlotte, âgée de vingt-deux ans, a fréquenté l'école communale dirigée par Mme Gauthrin. Son travail a été récompensé par un certificat d'études, le 10 août 1884.
Après concours, elle a été admise avec le n° 2, à l'Ecole normale. Actuellement, pourvue de son brevet supérieur, elle est institutrice-adjointe à l'école communale de la rue Louis-Ulbach.
Pendant de nombreuses années, tous ces enfants sont restés à la charge de leur père, qui a fait tous les sacrifices pour leur faire donner de l'instruction.
La Commission l'a jugé digne du prix Gérard-Millot.
PROGRAMME
DES
PRIX MIS AU CONCOURS
PAR LA
SOCIÉTÉ ACADÉMIQUE DE L'AUBE
Prix à décerner en 1895
1°. Un prix, de la valeur de 100 francs, sera décerné à l'auteur du meilleur mémoire Sur les maladies de la Vigne dans le département de l'Aube et sur les moyens de les combattre.
2°. Un prix, de la valeur de 100 francs, sera décerné à l'auteur du meilleur mémoire Sur les insectes nuisibles aux arbres fruitiers et forestiers dans le département de l'Aube.
3°. Un prix, de la valeur de 100 francs, sera décerné à l'auteur du meilleur travail Sur l'architecture du XIIe siècle dans le département de l'Aube.
4°. Un prix, de la valeur de 100 francs, sera décerné à l'auteur de la meilleure étude Sur l'histoire littéraire, au XVIIe siècle, de la partie de la Champagne comprise dans l'étendue du département de l'Aube.
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PRIX BISANNUEL DELAPORTE
Un prix, de la valeur de 300 francs, sera décerné à l'auteur de la meilleure Histoire des Juifs, à Troyes, au Moyen-Age. Ce prix pourra être partagé.
Prix à décerner en 1896
1° Un prix, de la valeur de 100 francs, sera décerné à l'auteur du meilleur mémoire théorique et pratique Sur la destruction du hanneton et de ses larves et sur les ravages causés à l'agriculture par ces insectes.
2°. Un prix, de la valeur de 100 francs, sera décerné à l'auteur du meilleur mémoire Sur une étude d'histoire naturelle relative à un canton du département de l'Aube.
3°. Un prix, de la valeur de 100 francs, sera décerné à l'auteur du meilleur travail Sur un statuaire auteur d'ouvrages antérieurs au XVIe siècle et qu'on rencontre encore dans le département de l'Aube.
4°. Un prix, de la valeur de 100 francs, sera décerné à l'auteur de la meilleure étude Sur l'histoire littéraire, au XVIIIe siècle, de la partie de la Champagne comprise dans l'étendue du département de l'Aube.
Prix à décerner en 1897
PRIX TRISANNUEL DE 500 FRANCS
Fondé par M. l'abbé ETIENNE GEORGES, de Troyes, membre de plusieurs Sociétés savantes.
Un prix, de la valeur de 500 francs, sera décerné :
Soit à l'auteur du meilleur Ouvrage littéraire, historique ou archéologique, relatif à la Champagne;
Soit à l'auteur de la meilleure Étude littéraire sur un Champenois vivant ou décédé, dont il serait bon et utile de conserver le souvenir ;
- 159 —
Soit enfin à la Publication ou à l'Ensemble de publications littéraires, historiques ou archéologiques, qui aura été imprimé dans l'intervalle des trois dernières années, et qui sera l'oeuvre d'un membre de la Société Académique.
Tout membre de la Société Académique (soit résidant, soit associé) est admis à concourir.
Ce prix ne sera pas partagé.
Pour ce concours, les travaux devront être déposés avant le 1er mars 1897.
Il sera, en outre, décerné :
1°. Un prix, de la valeur de 100 francs, sera décerné à l'auteur du meilleur mémoire Sur la plantation des arbres résineux dans les terrains pauvres du département et sur ses conséquences économiques et agricoles.
2°. Un prix, de la valeur de 100 francs, sera décerné à l'auteur du meilleur travail se rapportant aux Mathématiques appliquées à la technologie de la principale industrie du département.
3°. Un prix, de la valeur de 100 francs, sera décerné à l'auteur du meilleur travail Sur un peintre verrier des plus connus à l'époque des XVe et XVIe siècles.
4°. Un prix, de la valeur de 100 francs, sera décerné à l'auteur de la meilleure Pièce de vers inédite, dont le sujet est laissé au choix des concurrents. (200 vers au plus).
PRIX BISANNUEL DELAPORTE
Un prix, de la valeur de 300 francs, sera décerné à l'auteur d'un Travail établissant si la Renaissance Italienne eut sur l'art Troyen, en sculpture et en peinture, plus d'influence que l'art Flamand importé dans notre région au XVIe siècle.
Ce prix pourra être partagé.
— 160 — CONDITIONS COMMUNES A CES CONCOURS
Les Manuscrits devront être inédits. — Ils porteront chacun une épigraphe ou devise qui sera répétée dans et sur le billet cacheté joint à l'ouvrage, et contenant le nom de l'auteur. Celui-ci ne devra pas se faire connaître, sous peine d'être exclu du concours.
Les concurrents sont prévenus que la Société ne rendra aucun des ouvrages qui auront été envoyés aux concours. — Les auteurs auront la liberté d'en faire prendre des copies.
La Société déterminera, avant les séances publiques, si les récompenses attribuées aux lauréats leur seront remises en médailles, en livres, en objets d'art, ou en argent.
Indépendamment des prix sus-énoncés, la Société Académique de l'Aube décerne, tous les ans, des prix, des récompenses ou des encouragements dont le sujet n'est pas annoncé, et pour lesquels elle désire conserver son initiative.
Elle décernera, en outre, dans ses séances publiques, des médailles d'or et d'argent aux auteurs des perfectionnements introduits ou opérés dans le département, qui auront été jugés le plus utiles à l'industrie, au commerce et à l'agriculture.
Des médailles seront également remises aux auteurs des meilleures statistiques communales, rédigées conformément au questionnaire publié en 1876.
Troyes, le 1er Janvier 1895.
Le Président de la Société,
F. FONTAINE.
Le Secrétaire,
L'Abbé D'ANTESSANTY.
LISTE
DES
DONS FAITS AU MUSÉE DE TROYES
AVEC LES NOMS DES DONATEURS Pendant l'année 1894 ,
Article 34 du Règlement de la Société Académique de l'Aube :
« Chacun des Membres de la Société doit contribuer, autant qu'il « est en lui, à l'augmentation du Musée.
« Les dons faits à la Société par ses Membres, ou par des per« sonnes étrangères, sont inscrits sur un registre spécial, et publiés « en outre dans les journaux de Troyes et dans I'ANNUAIRE du « Département, avec les noms des donateurs. »
PEINTURE
MM.
Léon GEOFFROY, membre associé à Villiers (Aube) : — Vieux saules au bord de la Voire, peinture à l'huile par le donateur.
Mademoiselle Marthe ROBILLOT, élève, dé M. E. VAUDÉ : — Fleurs de mai, peinture à l'huile par la donatrice.
Paul ROY, élève de l'Ecole des Beaux-Arts : — Une Sirène, copie d'après Pierre-Paul Rubens, par le donateur.
1 Pour les publications précédentes, voir l'Annuaire de l'Aube de 1847 à 1894.
11
— 162 —
Madame veuve Léon FICHOT : — Ie Vue prise au pont des MoulinsBrûlés (effet de crépuscule). Toile, par Charles Cuisin. Ce tableau, exposé au Salon de 1841, a valu à son auteur un article élogieux de Théophile Gauthier. — 2° Portrait du jeune fils de M. Léon Fichot. Toile, par Bocklund, peintre suédois qui devint célèbre depuis et fut l'ami et le peintre du roi Charles. Bocklund obtint de nombreuses récompenses honorifiques en Suède, en Russie et en Amérique.
SCULPTURE
Madame CASIMIR-PERIER-FONTENILLAT : — M. Casimir-Perier, député de l'Aube, père de M. le Président de la République. Buste. Plâtre. Exécuté par Ramus après le décès de M. Casimir-Perier.
Dieudonné LANCELOT : — Un panneau en chêne sur lequel sont placées trois galvanoplasties argentées sortant des ateliers de la maison Poussiègle-Rusant, de Paris, et représentant : 1° Bergères et attributs pastoraux, plat orné de basreliefs, exécuté en argent et attribué, par le Ministre de l'Agriculture, au prix d'honneur du concours de Paris, en 1889, pour la plus belle bande de moutons ; — 2° Moissonneurs, fond de patère, signé : C. Lancelot, 1889; — 3° La Sainte-Famille. Bas-relief. Pastiche de Philippo Lippi, exécuté en argent par la maison Poussiègle. Ces trois pièces remarquables sont dues au talent de M. PaulinCamille Lancelot, fils du donateur, élève de l'École des Beaux-Arts, médaillé au Salon de 1889 et ayant remporté une Mention Honorable au concours du grand Prix de Rome. Né à Paris le 18 août 1864, mort dans la même ville le 23 mars 1892.
ARCHÉOLOGIE
MUSSAT, ingénieur ordinaire des Ponts et Chaussées, à Troyes : — Une hache en silex taillée à éclats, trouvée en exécutant les fouilles d'un ouvrage d'art sur la route de Nancy à Orléans, au territoire de Paisy-Cosdon.
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MAILLARD, rue Gautherin, à Troyes : — Trente-cinq silex taillés à éclats, provenant de Pâlis (où ils ont été trouvés notamment dans les lieux dits Le Fossé-du-Vaux, Entre-deuxHaies, La Madre, La Haie-des-Pommiers) et de deux contrées de Villemor nommées Le Bois-Olivier et le BoisMarot.
Emile BARON, maire de Saint-Loup-de-Buffigny : — Quatre fragments de poteries sigillées, trouvés à Saint-Loup-de-Buffigny, et un ornement en bronze de forme ronde, représentant des feuillages et des glands. — Epoque gallo-romaine.
KAUFMANT, ingénieur principal des Chemins de fer de l'Est, à Troyes : — Un pot en terre brune, à une seule anse, trouvé en 1885, à 2,60c de profondeur, dans les fouilles pratiquées pour le pont destiné au passage d'une conduite d'eau de la ville de Paris, près Malay-le-Vicomte, ligne de Sens à Châlons. Epoque gauloise ; — Un vase en poterie sigillée, terre rouge de saturne, en partie brisé. Il a été trouvé à la Vacherie-les-Troyes, dans le lieu dit les Grèves, vers le chemin du Grand-Véon.
Hippolyte MARSON, propriétaire à Lesmont (par l'intermédiaire de M. Anatole Maury) : — Un fragment de poterie en terre cuite, présentant l'aspect d'un phallus. Cet objet a été trouvé à Lesmont, dans le lieu dit La Héronnière ; il semble avoir séjourné dans l'eau, où il aurait été roulé dans le sable.
Charles FICHOT, membre correspondant, à Paris : — Un moulage en plâtre, pris sur le socle du petit édicule qui se trouve à gauche en entrant dans le porche de l'église Saint-Jean-auMarché. Il porte un écu aux armes de Jean Largentier, marchand mercier-esguilletier, et de sa femme, Marie Bareton, XVI siècle.
Madame LA SUPÉRIEURE DE LA COMMUNAUTÉ DU BON-SECOURS, à Troyes : — Un fragment de statue et plusieurs débris de pierres sculptées trouvés en 1894, dans les fouilles pratiquées pour l'agrandissement du couvent, sur un terrain voisin de l'emplacement qu'occupait jadis l'église Saint-Denis.
MACLIN, propriétaire à l'Abbaye-sous-Plancy : — Deux fers de chevaux et une pierre à aiguiser provenant d'un cimetière
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antique situé dans le lieudit l'Enclos, près la contrée des Essarls, au finage de l'Abbaye-sous-Plancy. La pierre a été trouvée près du coutelas accompagné de son fourreau et de sa bouterolle, donné au Musée, en 1892, par M. l'abbé Diette.
LAROURASSE, membre correspondant: — Deux fers de mulet trouvés à Vallant-Saint-Georges et paraissant dater de l'invasion de 1814-1815 ; — Deux clés en fer trouvées à Pouan.
PAPILLON, négociant, rue Notre-Dame, à Troyes, par l'intermédiaire de M. Mony, architecte : — Plusieurs pièces de charpente formant l'ensemble d'une remarquable fenêtre en bois sculpté, qui se trouvait placée sur la façade de la maison de M. Papillon, récemment démolie (n° 112 de la rue Notre-Dame), du côté de la place du Marché-au-Pain. — XVIe siècle. — Cette fenêtre est reproduite par la gravure dans le tome III, p. 62, n° 50, de la Statistique monumentale de l'Aube, publiée par M. Ch. Fichot. — Il est fort regrettable que l'extrémité de la poutre destinée à soutenir le plancher du troisième étage n'ait pas été offerte au Musée, en même temps que le reste de la charpente. Ce bout de poutre, orné d'un médaillon renfermant une figure humaine, se trouvait placé sur la partie supérieure du poteau qui partage la fenêtre en deux compartiments, et il complétait parfaitement la décoration.
Madame veuve AMBROISE, ancienne marchande de meubles, rue de Paris, à Troyes : — Une margelle de puits en pierre sculptée. Époque Louis XIII.
DE LA BOULLAYE, membre résidant : — Cinq carreaux en terre cuite incrustés et vernissés, datant de la Renaissance.
E. FORMONT, membre correspondant : — Un carreau en terre cuite portant, imprimé dans la pâle, un écu aux armes de l'abbaye de Clairvaux (Aube), placé sur une crosse en pal et entouré de la légende : CLAIRVAUX, 1776. — Les carreaux de ce genre étaient destinés à être placés sous les bornes qui délimitaient les terres du couvent.
THIÉBAULT, propriétaire à Molins, par l'intermédiaire de M. Bardet, membre associé : — Deux petites plaques ornées d'ara-
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besques en relief réunies par un anneau, et provenant d'un équipement militaire; le tout en bronze.
Charles SA VETIEZ, membre résidant : — Une tige de cuiller à parfums, en bronze, datant de la Renaissance. Elle porte, à son extrémité, deux bustes accolés par le dos et représentant : l'un, une femme; l'autre, un guerrier.
Charles DIDIER, 35, place Saint-Nizier, à Troyes : — Une petite pelle en fer, fabriquée au tour et ayant servi à remuer les charbons des chaufferettes ou couvets. — XVIIIe siècle.
P. BAZIN, instituteur à Barberey : — Une paire de ciseaux en acier, dont les lames et les tiges, toutes deux mutilées, sont recouvertes d'une feuille d'argent ornée d'arabesques et de hachures tracées au burin. Elle a été trouvée à Romilly et paraît dater du commencement du XIXe siècle ; — Un fer de flèche et deux dés à coudre, anciens, trouvés à Prugny.
CHANDON DE BRIAILLES, membre associé : — Une petite hache en roche polie, de couleur verdâtre; — deux cuillers à encens en bronze, entières, et deux fragments de cuillers de même nature; — une attache de blouse et un ornement de ceinture en bronze; — une bague en. cuivre avec chaton carré orné d'une verroterie blanche; — un fragment de cassolette en bronze orné d'un motif estampé et découpé à jour; — deux bouts de signets en bronze ; — une agrafe en bronze ornée d'une moitié de perlette; — une grosse agrafe en cuivre recouverte d'un enroulement en fil de laiton. (Tous ces objets ont été trouvés sur l'emplacement de l'ancien château fort de Chaource) ; — Un petit bouton d'habit en cuivre jaune, portant sur la face deux écus ovales, accolés et surmontés d'une couronne royale, l'un aux armes de France, l'autre aux armes de Navarre. En exergue est la légende : CHRS. REGN : VINC : IMPER. 1771. (Christus régnât, vincit, imperat) ; — un gros bouton d'habit datant de la fin du siècle dernier.
DE ROUVRAY, propriétaire à Troyes : — Une plaque de cheminée, en fonte, provenant du château de Charmont. Elle porte les armoiries des Hennequin, anciens possesseurs du domaine de Charmont; XVII° siècle.
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SÉBILLE, propriétaire à l'Abbaye-sous-Plancy : — Une serpe ou couteau d'abattage en fer, paraissant ancien, trouvé à l'Abbayesous-Plancy, lieudit Le Chemin-des-Hauts, dans la grève.
Camille JOURNÉ, membre honoraire à Paris : — Des forces ou petits ciseaux en fer, XVIe siècle ; — Deux clés en fer, XVIIIe siècle.
LE PRÉFET DE L'AUBE : — Un boulet de gros calibre, en fer, trouvé dans les dépendances de la Préfecture, à Troyes.
Mgr ROBIN, grand vicaire, à Troyes : — Un lot d'armes et d'objets d'équipement ayant appartenu au général Le Normand de Bretteville et comprenant : — Le fusil d'un garde noir de l'empereur du Maroc et un pistolet arabe avec sa gaîne brodée d'or, ramassés par M. de Bretteville, sur le champ de bataille d'Isly, en 1844 ; — Un fusil de la garde impériale russe ; — Un fusil d'infanterie russe ; — Une carabine de tirailleur finlandais; — Le canon d'une carabine de chasseur à pied tordue par un boulet rouge à Bomarsund ;
— Un hausse-col, une ceinture et une épaulette d'officier russe ; — Une trompette russe. Tous ces objets ont été recueillis en Crimée, par M. de Bretteville, pendant la campagne de 1835 ; — Une carabine tyrolienne avec sa bayonnette, trouvée sur le champ de bataille de Magenta, en 1859 ; — Deux bayonnettes et une carabine de cavalerie;
— Deux pistolets de tir et deux pistolets de poche ; — Un sabre ayant appartenu à M. Maurice de Margeot, chef d'escadron aux Mousquetaires rouges, oncle du général de Bretteville. Sur la garde, on voit une croix blanche, et, sur le pommeau, les armes et la devise de M. de Margeot; — Deux sabres d'infanterie et un sabre de cavalerie (dragons) successivement portés par le général, suivant ses grades;
— Un sabre-poignard ; — Un sabre-bayonnette avec bâton de campement ; — Un bonnet à poil et un hausse-col de commandant du 1er régiment de grenadiers de la garde impériale (2° Empire) ; — Un fanion et une bannière ; — Un plaque en cuivre doré avec émail, portant au milieu d'une couronne les mots LA Loi ; le tout environné d'une gloire ; — Une médaille de Crimée, décoration militaire.
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SALOMON, cultivateur à Montreuil : — Une salière en faïence décorée, paraissant avoir été fabriquée à Fouchères.
NUMISMATIQUE ET SIGILLOGRAPHIE
Mgr ROBIN, vicaire-général, à Troyes : — Huit grandes médailles commémoratives, en bronze ; — Deux jetons et une médaille, en argent ; — Une monnaie mérovingienne et une monnaie espagnole, en or; — 14 monnaies romaines, grands et petits bronzes ; — 13 monnaies françaises et étrangères en argent, et 69 monnaies diverses en billon.
Madame LA SUPÉRIEURE DE LA COMMUNAUTÉ DU BON-SECOURS : — Un moyen bronze et deux petits bronzes, monnaies romaines trouvées près de l'emplacement de l'ancienne église SaintDenis, à Troyes.
CHANDON DE BRIAILLES, membre associé : — Quatre-vingt-huit monnaies et jetons français et étrangers, en billon et en cuivre, parmi lesquels un jeton aux armes d'une abbesse de la maison de Choiseul; — une plaquette en cuivre portant une fleur de lis florencée; — deux médailles religieuses, dont une a été frappée à Rome ; — une marque de fabrique en plomb. La plus grande partie de ces monnaies a été trouvée sur l'emplacement de l'ancien château de Chaource.
L'Abbé PRÉVOT, membre associé : — Dix monnaies françaises en billon, sous, liards et centimes.
Ulysse AUGER, 92, rue des Marols : — Un liard de Lorraine à l'effigie de Léopold Ier, frappé en 1708.
LABOURASSE, membre correspondant : — Cinq monnaies étrangères, en billon.
Achille COMTE, 109, rue de Paris, à Troyes : — Quarante-cinq anciennes monnaies espagnoles en billon, consistant, pour la plupart, en Ocharos ou 1/2 Ocharos, datant de l'occupation de i'Espagne par les Maures.
Mme MONGILBERT, 17, rue Turenne, à Troyes : — Une médaille de deux sols. Monneron, 1792.
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HUGUIER-TRUELLE, propriétaire à Troyes : — Une médaille en or, Exposition Industrielle de Troyes, 1883; — Trois médailles en argent, Concours régionaux agricoles: Troyes, 1875; Reims, 1876; Épinal, 1881; — Deux médailles en argent, de différents modules, décernées par la Société Horticole, Vigneronne et Forestière de l'Aube ; — Deux médailles, galvanoplastie argentée; l'une de l'Exposition Industrielle de Reims 1876, l'autre de la Société d'Horticulture du Loiret; — Cinq médailles de bronze : Exposition universelle de Paris, 1878 ; Concours régional agricole de Troyes, 1883 ; Comice agricole départemental de l'Aube ; Société Horticole, Vigneronne et Forestière de l'Aube, deux modules différents ; — Une pièce de vingt centimes, monnaie italienne frappée en 1894 ; — Un bon de una lira (1 franc), papier monnaie italien; — Deux jetons, cuivre jaune, au nom de Marin, glacier, café de la Paix, à Troyes.
Emeraud SAGET, cultivateur à Unienville (par l'intermédiaire de M. l'abbé Chauvet, membre associé): — Une médaille en cuivre argenté trouvée à Unienville, dans les champs. Elle a été frappée à Rome et représente d'un côté saint Ignace et saint François-Xavier; dans le haut, entre ces deux personnages, le monogramme du Christ, au milieu d'une gloire. De l'autre côté on voit saint Isidore, saint Philippe de Néri et sainte Thérèse. Un coeur enflammé placé au-dessus de leurs têtes envoie des rayons sur ces trois saints. — Première moitié du XVIIe siècle.
Edouard ROBIN, à Passy : — Une médaille commémorative de la nuit du 4 août 1789, ayant appartenu à M. Robin, conseiller de Préfecture à Troyes, démissionnaire en 1830. — Bronze doré.
MAZURIER, antiquaire à Troyes : — Un timbre ayant servi pendant la guerre de 1870. Il porte la légende: GARDE NATIONALE MOBILE. — HABILLEMENT. — AUBE. — Cuivre jaune.
Camille JOURNÉ, membre honoraire : — Un cachet armorié en cuivre jaune, avec manche en bois. Il porte un écu rond à trois besans, deux et un, placé au milieu d'un cartouche à volutes surmonté d'un soleil. — Commencement du XVIIIe siècle.
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HISTOIRE NATURELLE
Mademoiselle Hermance MILLOT, à Aix-en-Othe : — Plusieurs dépouilles d'oiseaux provenant du Tonkin et de l'Annam, d'où elles ont été rapportées par MM. Ernest et Jules Millot, frères de la donatrice.
PALEONTOLOGIE
KAUFMANT, ingénieur principal des Chemins de fer de l'Est, à Troyes : — Plusieurs fossiles, parmi lesquels des bélemnites.
GEOLOGIE
A. BARDET, membre associé, à Brienne: — Un échantillon du gault (ou marne bleue) rencontré à 100 mètres de profondeur, en forant un puits dans les dépendances du château que M. le comte de Damas fait construire en ce moment à Rosnay, près de la ferme de la Garenne, au sommet de la falaise qui domine la plaine de Brienne.
DE LA HAMAYDE, membre associé : — Caprolithes de diverses grosseurs, fragments de bois, grès, coquilles et cristallisations diverses trouvées à Saint-Parres-les-Vaudes en creusant un puits. Ils proviennent des grès verts rencontrés à une profondeur de 5 à 6 mètres, entre deux couches d'argile.
MINÉRALOGIE
Adrien DE MAUROY, conservateur de la minéralogie au Musée de Troyes. — Trente échantillons minéralogiques divers.
ETHNOGRAPHIE
Arsène PONCELET, cultivateur à Champigny (Aube), (par l'intermédiaire de M. Arsène Thévenot); — un bonnet d'amazone
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dahoméenne, ramassé sur le champ de bataille de Doga par un artilleur de la marine.
L'abbé PINGAT, aumônier de l'Hôtel-Dieu : — Un petit étui en bois recouvert de paille colorée et donné comme étant de fabrication chinoise.
BIBLIOTHÈQUE DU MUSÉE
Frédéric MOREAU, archéologue à Paris : — Supplément à l'Album Caranda. Un dernier mot sur le port des torques par les Gauloises.
LE MINISTRE DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE ET DES BEAUX-ARTS : — La Peinture en Europe. — Musée national du Louvre, ouvrage de MM. Georges Lafenestre et Eugène Richtemberger, orné de 100 reproductions photographiques; — Le Catalogue des monnaies gauloises de la Bibliothèque nationale, rédigé par M. E. Muret et publié par M. A. Chabouillet; — Un atlas de monnaies gauloises, préparé par la Commission de topographie des Gaules et publié par M. H. de la Tour.
Abel GIRARD, 58, rue Notre-Dame, à Troyes : — 19 gravures, vues et plans de villes de la Champagne, et une carte du duché de Normandie, par John Peters et P. Pinchard.
BARDET, membre associé à Brienne : — Deux registres de comptabilité de l'ancienne seigneurie de Brienne-le-Château. Ils portent de nombreuses signatures de M. de Loménie, comte de Brienne, mort sur l'échafaud, victime de la Révolution; — Un imprimé (certificat) sur lequel est apposé le sceau de Mgr Poncet de la Rivière, évêque de Troyes (1741); — Une pièce manuscrite portant le sceau de Mgr de Barrai, évêque de Troyes (1764); - Un diplôme, en blanc, de commandeur de l'ordre du Saint-Sépulcre ; — Une quittance de rentes constituées sur les revenus du Roi, 1760; — Trois épreuves (modernes) d'anciens bois gravés flamands représentant, l'une un christ, l'autre différents personnages d'une mascarade et la troisième des empereurs romains et des rois d'Europe et d'Asie.
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Edmond EVRARD, 54, rue de Paris : — Quarante-et-une gravures au trait, avant la lettre, représentant des sujets mythologiques.
Camille JOURNÉ : — Deux manuscrits intitulés, l'un : Histoire de M. Chanteau, par M. Feuillet, chanoine de Saint-Cloud ; l'autre : Recueil de prières chrétiennes et de réflexions courtes sur les vertus chrétiennes.
ARTS DECORATIFS
(Musée PIAT)
LE MAIRE DE LA VILLE DE TROYES : — Un lot de tapisserie d'Aubusson comprenant : une tenture de cinq pièces représentant des épisodes du poème de Psyché, écrit en latin par Apulée et traduit en français par La Fontaine ; — Une grande verdure avec personnages portant le costume du temps de Louis XIV ; — Un fragment de verdure et quatre panneaux de tenture, taillés dans de plus grandes pièces portant, sur un fond bleu, un semis de fleurs de lis d'or et de doubles L couronnées et adossées, également couleur d'or (initiales de Louis XIV). Ces onze pièces proviennent du garde-meuble de la Ville.
F.-E. PIAT, membre correspondant, à Paris : — 1° Une grande horloge Louis XVI, genre De La Fosse, bronze doré à deux tons et bronze vert ; — 2° Fontaine à eau parfumée, remplaçant l'aiguière, style de la fin du XVe ou du commencement du XVIe siècle ; émaux de Limoges, cuivre argenté; — 3° Une garniture de bureau Régence, vieil or, 10 pièces ; — 4° Un support-trépied, style Renaissance, cuivre poli, figures en bronze et plateau en marbre rouge ; — 5° Une lampe Louis XV, vieil argent ; — 6° Une jardinière Renaissance, têtes de Méduse et lions, cuivre poli, armature nickelée ; — 7° Une esquisse d'horloge (plâtre). A figuré à l'Exposition de 1889. Sujet : L'Amour désarmé. Cette horloge a été exécutée en marbre blanc et bleu turquin, avec émail bleu, couronnement vieil or; — 8° Support-trépied, fantaisie, chimère, chaînettes ; — 9° Lampe à pétrole,
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style Louis XV, or au mercure; — 10° Glace de toilette, style Louis XIII, Louis XIV, vieil argent, centaures, figures gaînes ; — 11° Coffret XVe siècle, ébène, vieil argent et or ; — 12° Bout-de-table Renaissance, vieil argent ; — 13° Encrier japonais, bronze et vieil or ; — 14° Hommage à Coppée, chiffre orné, vieil or, sur chevalet de cuivre ; — 15° Cartel Louis XIII, plâtre; — 16° Torchère-jardinière Renaissance, griffes, figures ailées, 4 lumières, plâtre ; — 17° Landiers, pelle, pincettes et barre, fin du XVe siècle, fer; — 18° Motif décoratif. Ornement central d'une fontaine-jardinière pour serre, groupe d'enfants appuyés sur des cartouches. Sujet d'amortissement, Nymphe des eaux tenant d'une main le dieu Neptune, de l'autre une palme, plâtre; — 19° Modèle d'un sphynx, style Renaissance, plâtre; — 20° Le même, grandeur d'exécution (fonte de fer), moulé sur le marbre ; — 21° Grande torchère à cinq globes, style Louis XIV, plâtre. Sujet: Les Quatre éléments, dans le fut. Quatre faunes ornent l'entablement de la base, et, sur la plinthe, quatre sphinx à têtes de négresses supportent l'ensemble destiné à être exécuté en métal, cuivre jaune et rouge; — Une remarquable suspension de salle à manger, en cuivre bronzé, à vingt lumières, avec personnages, femmes et guerriers en bronze chrornate. Cette pièce a été fondue d'après le modèle exécuté par le donateur.
GAGNEAUX, président de la Chambre syndicale des bronziers de Paris : — Reproduction, en cuivre argenté, d'une très belle lampe de style Louis XV, qui a été exécutée en argent massif pour accompagner un service de table ancien appartenant à la Cour de Portugal. Le modèle de cette lampe a été créé entièrement par M. E. Piat.
Pour copie conforme au registre destiné à inscrire les Dons faits au Musée de Trores.
Louis LE CLERT,
Ordonnateur de la Commission du Musée.
TABLES
DE
L'ANNUAIRE DE L'AUBE.
Pages
Articles principaux du calendrier 7
Avertissement 5
Calendrier usuel, religieux et astronomique 9
Commission de l'Annuaire de l'Aube 2
Foires du département de l'Aube 11
DOCUMENTS GENERAUX.
Archevêques et évoques de France 54
Conseil d'Etat 47
Division administrative de la France 56
Membres de la Chambre des Députés 42
Membres du Sénat 38
Ministres secrétaires d'Etat 37
Président de la République 37
Tableau administratif et statistique de la France 50
TABLE DE LA PREMIÈRE PARTIE.
NOMENCLATURE DES AUTORITES ET DES ETABLISSEMENTS PUBLICS.
Abattoir public de la ville de
Troyes 292
Abattoir public de Pont-s-Seine. 410
Académie de Dijon 95
Adjoints aux maires . . . 213-222 Administrateurs du bureau de
bienfaisance 295
Administration des douanes et
des contributions indirectes. . 126
Administration des forêts . . . 131
Administration des mines. . . 106 Administration des postes et des
télégraphes 133
Administrées secours à domicile 295
Administration militaire ... 75
Agents de change 255
Agents voyers 114
Architecte du département . . 72
Archives du départemt de l'Aube 71
Architecte de Romilly-sur-Seine 410
Architectes de Nogent-sur-Seine. 398
Armée territoriale 80
Arrivée et départ des courriers . 137
Arrondissent de Troyes . . . 239
— d'Arcis-sur-Aube . 319
— de Bar-sur-Aube . 335
— de Bar-sur-Seine . 361
— de Nogent-sr-Seine 389 Assistance judiciaire de l'arrondt
de Troyes 242
Assistance judiciaire de l'arrondt
d'Arcis-sur-Aube 321
Assistance judiciaire de l'arrondt
de Bar-sur-Aube 337
Assistance judiciaire de l'arrondt
de Bar-sur-Seine 362
Assistance judiciaire de l'arrondt
de Nogent-sur-Seine. . . . 390 Association amicale des officiers
de réserve et de territoriale de
Bar-sur-Aube 352
Association des membres de
l'enseignement 104
Association médicale de l'Aube . 187
Association musicale de Dienville 357
Avocats de l'arrondt de Troyes . 243
Avocats de Nogent-sur-Seine. . 391
Avoués de l'arrondt de Troyes . 244
— d'Arcis-sur-Aube. . . 321
— de Bar-sur-Aube . . . 337
— de Bar-sur-Seine . . . 363
— de Nogent-sur-Seine. . 391
Banque de France (succursle de la) 120
Bâtiments civils 115
Bibliothèque publique de Troyes 293
Bibliothèque pop. d'Aix-en-Othe. 264
— municipale d'Ervy. 270
— scolaire d'Ervy . . 270
— populaire d'Estissac 271
— populaire de Lusigny 274
— d'Arcis-sur-Aube. . 329
— populaire de Bar-sAube
Bar-sAube 353
— scolaire de SaintParres-les-Vaudes
SaintParres-les-Vaudes
— publique de Nogentsur-Seine.
Nogentsur-Seine. . . 401
— scolaire de Maizières-la-G.-P.
Maizières-la-G.-P.
— scolaire de Marcillyle-Hayer
Marcillyle-Hayer 406
— scolaire de Mariguyle-Châtel
Mariguyle-Châtel . 407
— populaire de Pâlis. 408
— scolaire de Pâlis. . 408
— scolaire de Romillysur-Seine
Romillysur-Seine . . 412
Bibliot. publ. de Romilly-s-Seine 412 Biblioth. des Amis de l'instruction
de Romilly 412
Bibliothèque scolaire de Villenauxe 415
— populo de Villenauxe 415 Boites de secours pour les noyés
et les asphyxiés 293
Bourse de commerce 255
176
Brigades de gendarmerie ... 88 Bureau central de l'octroi de la
ville de Troyes 286
Bureau d'administration du Lycée
de Troyes. ....... 100
Bureau d'assistance judiciaire de
l'arrondissement de Troyes. . 242
— d'Arcis-sur-Aube . . 321
— de Bar-sur-Aube . . 337
— de Bar-sur-Seine . . 362
— de Nogent-sur-Seine . 390 Bureau de bienfaisance de Troyes 295
— de Bouilly. ... 267
— d'Ervy 268
— d'Estissac .... 271
— de Lusigny. . . . 273
— de Piney 275
— de St-Mards-en-Ot. 276
— de Sainte-Savine 277
— d'Arcis-sur-Aube. 328
— de Chavanges . . 331
— de Méry-sur-Seine 331
— de Plancy. ... 333
— de Ramerupt . . 334 de Bar-sur-Aube. 347
— de Brienne-l-Château 354
— de Dienville .... 356
— de Soulaines. . . 358
— de Vendeuvre . . 359
— de Bar-sur-Seine. . 374
— de Chaource .... 378
— d'Essoyes 379
— de Mussy-sur-Seine. 381
— des Riceys. . . . 383
— de St-Parres-les-V. 387
— de Nogent-s-Seine . 399
— de Maizières-la-G.-
Paroisse. . . . 403
— de Marcilly-le-Hay. 405
— de Pâlis .... 407
— de Pont-sur-Seine . 409
— de Romilly-s-Seine. 411
— de Villenauxe . . 414 Bureau de secours aux incendiés. 171 Bureau télégraphique de SaintParres-les-Vaudes
SaintParres-les-Vaudes
Bureaux de la direction de l'enregistrement 122
Bureaux de poste des communes 223-234
Bureaux des hypothèques. 123
Bureaux de la mairie de Troyes 280 Bureaux de la préfecture 62-65
Bureaux des postes et télégraphes 141
Cabinet d'histoire naturelle 177
Cabinet du préfet 62
Cadastre 124
Caisse d'épargnes et de prévoyance
de Troyes 302
— d'Aix-en-Othe.... 264
— d'Auxon. ..... 265
— de Bouilly 267
— d'Ervy 268
— d'Estissac .... 271
— de Lusigny 272
— de Piney 274
— de St-Mards-en-Othe. . 276
— d'Arcis-s-Aube . . . 329
— de Bar-sur-Aube. . . 348
— de Brienne-le-Château . 354
— de Soulaines .... 357
— de Vendeuvre . . . . 359
— de Bar-sur-Seine .... 373
— de Chaource .... 377
— d'Essoyes 379
— de Mussy-sur-Seine . . 381
— des Riceys 383
— de St-Parres-les-Vaudes. 387
— de Nogent-sur-Seine. . 399
— de Maizières-la-Gr.-Par. 403
— de Marcilly-le-Hayer. . 404
— de Marigny-le-Châlel. . 406
— de Pâlis 408
— de Romilly-sur-Seine. . 411
— de Villenauxe .... 414 Caisse d'Epargne postale . . . 151 Caisses département, de secours
mutuels contre la grêle et la
mortalité du bétail 170
Canal de la Haute-Sèine . . . 111
Cantons de la ville de Troyes. . 247 Casernes de Troyes .... 77-303
Censeurs de la Banque de France 121
Cercle de l'Union de Romilly-s-S. 412
Cercle du commerce de Troyes . 312
— — de Bar-sur-Aube 353
Cercle troyen 312
Chambre de commerce .... 163 Chambre de discipline des huissiers de l'arrondissement de Troyes. . . 246
— d'Arcis-sur-Aube . . 321
— de Bar-sur-Aube . . 332
— de Bar-sur-Seine . . 363
— de Nogent-sur-Seine . 391
Chambre des avoués 244
Chambre des notaires de l'arrondissement de Troyes.... 251
— d'Arcis-sur-Aube . . 323
— de Bar-sur-Aube . . 339
— de Bar-sur-Seine . . 366
— de Nogent-sur-Seine . 393
- 177
Chambres consultatives d'agriculture. 177-324-341-367-394
Chanoines titulaires 90
Chanoines prébendés 90
Chapitre de la cathédrale ... 90
Chefferie du Génie 76
Chefs d'institution à Troyes . . 287
Chemin de fer de Troyes à Dijon 318 Chemin de fer de l'Est. . . 195-317
Chemin de fer de Piney. . . . 275
Chemins vicinaux 111
Chirurgiens jurés 241
Classes d'apprentis de Troyes. . 290
Clergé du département . ... 90
Clergé de Piney 275
Clergé de Chaource 379
Clergé d'Essoyes 380
Clergé de Mussy 382
Clergé de Brienne 355
Collège communal de Bar-sr-Aube 349 Colonie pénitenciaire viticole de
Bar-sur-Aube 346
Comice agricole départemental . 179 Comité de patronage de l'enseignement secondaire moderne. 000 Comité d'inspection de la bibliothèque de. Troyes .... 294 Comité de patronage des salles
d'asile de Troyes 289
Comité de patronage de l'arrondissement de Bar-sur-Aube. 342 Comité de santé des hospices de
Troyes 302
Commissaires de police de Troyes 283
— d'Arcis 329
— de Bar-sur-Aube . . 345
— de Bar-sur-Seine . . 372
— de Nogent-sur-Seine . 399
— de Romilly-sr-Seine. . 411
— de Villenauxe. . . . 414 Commissaires-priseurs de Troyes 253
— d'Arcis-sur-Aube . . 323
— de Bar-sur-Aube . . 339
— de Bar-sur-Seine . . 366
— de Nogent-sur-Seine . 393 Commission départementale. 68 Commission administrative des
hospices de Troyes 300
— d'Arcis-sur-Aube . . 328
— de Bar-sur-Aube . . 348
— de Bar-sur-Seine . . 374
— de Nogent-sur-Seine . 400 Commission chargée d'examiner
les candidats aux bourses nationales, départ, et communales. 97 Commission des Archives ... 72
Commission des bâtiments civils, 115 Commission d'examen des aspirantes aux bourses dans les lycées et collèges de jeunes filles. 97 Commission du Musée. . . . 177 Commission météorol. de l'Aube. 185 Commission des prisons d'Arcissur-Aube .... 327
— de Bar-sur-Aube . . 346
— de Bar-sur-Seine . . 373
— de Nogent-sur-Seine . 399 Commission de surveillance de
l'Ecole Normale de garçons. . 105 Commission de surveillance de
l'Ecole Normale de filles. . . 106
Commission scolaire de Troyes. 288 Commission pour les logements
insalubres . 257-411
Commission syndicale de la forêt
d'Aumont . 133
Commission syndicale de l'Auzon 326 Commission syndicale de la forêt
de Jeugny . 133
Commission syndicale de l'Arce. 372 Commission syndicale de l'Armance
l'Armance
Commission syndic, de la Laignes 370
Commission syndicale de la Noxe. 397
Commission syndicale de l'Ource. 371
Commission syndicale de la Sarce 371
Commission syndicale de la Seine 397 Commission syndicale des digues
et canaux de Troyes .... 308 Commissions de charité de la ville
de Troyes par paroisse.. . . 296 Commission de surveillance des
bateaux à vapeur 65
Communauté des soeurs de SaintVincent-de-Paul 92
Commune d'Aix-eu-Othe . . . 263
— d'Auxon 265
— de Bouilly .... 266
— d'Estissac. .... 270
— de Lusigny ... . 272
— de Piney 274
— de St-Mards en-Othe 276
— de Ste-Savine-l-Troy. 277
— de Chavanges . . . 330
— de Plancy 332
— de Ramerupt . . . 334
— de Dienville. ... 356
— de Soulaines. . . . 357
— de Landreville ... 386
— de St-Parres-l-Vaudes 387
— de Maizières-l-G.-P. 403
— de Marcilly-le-Hayer. 402
12
178 -
Commune de Marigny-le-Châtel. 406
— de Pâlis. .... 407 Pour les autres, voir au mol VILLE.
Communes du département par
arrondissements et cantons. 213-222 Communes du département par
lettres alphabétiques . . . 223-234 Compagnie des chemins de fer de
l'Est 195
Conducteurs des ponts et chaussées. 108-109
Congrégation des Franciscaines. 93 Congrégation des Ursulines . . 92 Congrégations religieuses ... 92 Conseil de l'ordre des avocats . 243 Conseil départemental de l'instruction publique 97
Conseil de préfecture .... 61 Cons. des prud'hommes de Troyes 255 Conseil des prud'hommes de Romilly-sur-Seine. . . . 411
Conseil général 65
Conseil d'arrondissement . . . 68 Conseil d'hygiène et de salubrité
du département 184
Conseil d'hygiène et de salubrité
de l'arrondissement de Troyes. 257 Conseil d'hygiène et de salubrité de l'arrondissement d'Arcissur-Aube 324
— de Bar-sur-Aube . . 342
— de Bar-sur-Seine . . 368
— de Nogent-sur-Seine . 394 Conseillers municipaux par commune (nombre de) . . . 223-234
Conseil municipal de Troyes. . 279
— d'Aix-en-Othe. . . 263
— d'Auxon .... 265
— de Bouilly. . . . 267
— d'Ervy 268
— d'Estissac.... 270
— de Lusigny . . . 272
— de Piney . . . . 274 —- de St-Mards-en Othe. 276
— de Ste-Savine-l-Troy. 277
— d'Arcis-sur-Aube. . 327
— de Chavanges . . 330
— de Méry-sur-Seine . 331
— de Plancy. . . . 333
— de Ramerupt. . . 334
— de Bar-sur-Aube. . 345
— de Brienne-le-Chàt.. 353
— de Dienville . . . 356
— de Soulaines. . 357
— de Vendeuyre-sr-B. 359
Cons. mun. de Bar-s-Seine. 372
— de Chaource 377
— d'Essoyes .... 379
— de Landreville 386 — de Mussy-s-Seine. 381
— des Riceys. . . . 882
— de St-Parres-l-Vand. 387
— de Nogent-s-Seine. . 398
— de Maizières-l.-G.-P. 402
— de Marcilly-le-Hay. 404
— de-Marigny-l-Châtel 406
— de Pâlis. . . . . 407
— de Pont-sur-Seine. 409
— de Romilly-s-Seine 410
— de Villenauxe . . 413 Conservatre des hypothèques. 124 Conservateurs du Musée 177 Conservation des forêts. . . . 132 Contributions directes .... 124 Contributions indirectes . . . 126 Contrib. indirectes de Pont-s-Seine 409 Contrôle des lignes de chemins
de' fer 110
Contrôleurs des contributions. 128-129
Corps d'armée 75
Correspondants du ministère de
l'instruction publique. ... 72
Cour d'assises 95
Cour d'appel de Paris .... 95
Cours grat. de solfège et de violon 290 Cours publics et gratuits d'anglais
et d'allemand ...... 290
Cours d'enseig. professionnel. 291 Cours fondés par la Chambre de
Commerce . . ... 164
Courses de Montiérender . . . 209
Courtiers de commerce. 255
Couvents 92
Curés 94-213 à 222
Dames de charité de Bar-s-Aube. 347 id. d'Arcis-s-Aube. 328 Dames des SS. coeurs de l'adoraration perpétuelle 93
Débits de papier timbré. . . . 124 Délég. cantonaux 252-323-339-366-393
Département de l'Aube. . . . 59
Départ et arrivée des courriers . 137
Dépôt de mendicité . ... . 191
Députés au Corps Législatif . . 59 Desservants. . . . . 213 à 222
Diocèse de Troyes 90
Direction de l'enregistrement et des domaines 122
Direct, des contributions directes: 125
— indirectes. 127
— 179 —
Direct des postes et télégraphes. 133 Direction et administration intérieure du Lycée 100
Direction générale des forêts. . 132 Distances légales des communes aux chefs - lieux de canton, d'arrondisst et de départ. . 223 à 234
Division militaire 75
Divisions et attributions des services de la préfecture. ... 61 Docteurs en médecine de l'arrondissement de Troyes. . . . 257
— d'Arcis-sur-Aube . . 325
— de Bar-sur-Aube . . 343
— de Bar-sur-Seine . . 368
— de Nogent-sur-Seine . 395 Domaines (Administration des) . 122
Ecole annexe de l'Ecole norm. 105-106
Ecole d'accouchement . . . . 188
Ecole de gymnastique de Troyes. 292
Ecole de natation 293
Ecole française de Bonneterie . 164 Ecole gratuite de dessin de Troyes 291 Ecole professionnelle .... 291 Ecole nationale des arts et métiers de Châlons-sur-Marne. . 194 Ecole normale prim. de garçons. 104 Ecole normale primaire de filles. 105
Ecoles de Brienne 355
Ecoles de Vendeuvre .... 360
Ecoles des Riceys 384
Ecoles de Pont-sur-Seine . . . 410
Ecoles de Maizières-la-Gde-Par. . 405
Ecoles chrétiennes 290
Ecoles communales de Troyes . 288
— d'Aix-en-Othe ... 264
— d'Arcis 330
— de Bar-sur-Aube . . 350
— de Bar-sur-Seine . . 376
— de Nogent-sur-Seine . 400 Ecoles de jeunes filles .... 288 Ecoles gratuites 288
— non communales 287 Ecoles maternelles de Troyes. . 289
id. de Bar-s-Aube 350 id. de Romilly-sSeine
Romilly-sSeine . 412
Ecoles primaires de Troyes. . . 287
Ecoles second, d'instruction. . . 286
Ecoles primaires d'Auxon . . . 266
— de Bouilly. . . 267
— d'Ervy. ... 269
— d'Estissac. . . 271
— de Lusigny . . 274
— de Piney . . . 275
Ecoles primaires de Saint-Mards. 277
— de Sainte-Savine 278
— de Çhavanges . 831
— de Méry-s-Seine 882
— de Plancy 333
— de Ramerupt. 384
— de Dienville. 357
— de Soulaines. 358
— d'Essoyes . . . 380
— de Mussy-s-Seine 382
— de Landreville . 386
— de St-Parres-l-V. 388
— de Marcilly-leHayer.
Marcilly-leHayer. . 405
—- de Pâlis. . . . 408
— de Marigny-l-Chât. 407
— de Villenauxe . 415
Eglises des Riceys 384
Eglise réformée de Troyes. . . 94
Enfants assistés 65
Enregistrement et domaines . . 122
Enseignement primaire. . . . 287 Enseig. secondaire classique. 100-286 Entreposeurs des poudres et
tabacs 128-129-130
Etalons des stations de l'Aube. . 210
Etalons approuvés p. I'année 1895 210
Etalons autor. p. la monte de 1895 211
Evèché de Troyes 90
Fabrique de la cathédrale ... 91
Facteurs de la poste aux lettres. 135
Facteurs des télégraphes . . . 136
Fanfare d'Estissac 271
Fanfare municip. de Bar-s.-Aube 353 Fanfare des Sapeurs-Pompiers de
Troyes 304
Fanfare de trompettes, l'Etendard
de Troyes. ....... 305
Finances. .' 115
Foires de l'Aube. (V. le Calendrier) 11
Foires de Troyes 313
Fonctionnaires de la ville de
Bar-sur-Aube 345
Forêts 131
Franchise des lettres à l'adresse
des grands dignitaires et des
hauts fonctionnaires de l'Etat. 151
Frères des écoles chrétiennes. . 290
Garantie des matières d'or et d'argent 127
Gardes-champêtres de Troyes . 285
Gardes-port 111
Gardiens de la paix de la ville de
Troyes. . . . . . . . . 284
180 -
Garnison de Troyes . ... . 77
Gendarmerie 87
Génie, ......... 75
Gîtes d'étapes 77
Greffe du Conseil de Préfecture. 62
Greffe du tribunal de Troyes . . 241
— d'Arcis-sur-Aube. . . . 320
— de Bar-sur-Aube.... 337
— de Bar-sur-Seine.... 362
— de Nogent-sur-Seine. . . 390 Greffiers de la justice de paix de
l'arrondissemt de Troyes 247-248 249
— d'Arcis-sur-Aube . . 321
— de Bar-s-Aube ... 338
— de Bar-sur-Seine.. . 364
— de Nogent-sur-Seine. 391 Gymnase civil de Troyes . . . 292
Halle à la Bonneterie .... 292
Halle aux Grains 292
Halle aux Marchandises . . . 292
Haras 209
Harmonie Industrielle (l'). . . 305
Heures du chemin de fer.. . . 318
Hôpital . 300
Hospice pr vieillards et orphelins 301
Hospice des orphelines. . . . 301
Hospices de Troyes 300
— d'Ervy . . . . . 268
— d'Arcis-sur-Aube . . 328
— de Bar-sur-Aube . . 347
— de Brienne . . . . . 354 de Bar-sur-Seine . . 374
— de Chaource 377
— de Nogent-sur-Seine . 400
— de Pont-sur-Seine . . 409
— des Riceys 383
— de ,yillenauxe. . . . 414
Hôtel-Dieu 300
Huissiers audienciers de Troyes. 241
Huissiers de l'arrondt de Troyes. 245
— d'Arcis-sur-Aube . . 321
— de Bar-sur-Aube . . 337
— de Bar-sur-Seine . . 363
— de Nogent-sur-Seine . 391 Hypothèques (Bureau des). . . 123
Ingénrs des ponts et chaussées 108-109 Inspectrs' de l'instructon primaire 96
Inspecteurs des forêts 132
Inspecteurs des monuments . . 73 Inspection académique .... 96 Inspection des officines et des magasins de droguerie .... 187 Institut des sourds-muets de Bordeaux et de Chambéry 194
Instituteurs communaux. . 213 à 222
Instruction publique. .... 95
— publique de la ville de Troyes 286
— de Bar-sur-Aube . . 339 Intendance militaire 76
Journaux du dépt de l'Aube. 236 à 238
Juges 241
Juges de paix 247
Jury d'expropriation. . . 201 à 209 Justices de paix de l'arrondissement de Troyes 246
— d'Arcis-sur-Aube . . . 321
— de Bar-sur-Aube . . . 338
— de Bar-sur-Seine. . . . 364
— de Nogent-sur-Seine . . 391 Justice de Paix d'Ervy .... 269
— d'Aix-en-Othe 204
— d'Estissac ... 271
— de Lusigny. . . 273
— de Piney. . . . 275
— de Chaource . . 378 Justice de paix de Brienne. . . 354
Lieutenants de louveterie . . . 132 Lignes télégraphiques. . . 134-152 Liste du jury d'expropriation 201 à 209 Liste des abonnés au réseau téléphonique de Troyes 158
Lycée de Troyes 98
Maires des communes . . . 213-222
Mairie de la ville de Troyes . . 279
Maison centrale de Clairvaux. . 191 Maison d'arrêt et de correction de
Troyes 304
Maisons d'éducation de demoiselles à Troyes 287
Manutention militaire .... 304
Marchés de Troyes 314
Marché couvert St-Remi. . . 293-314
Marchés du département . . . 211
Médecins des épidémies. . . . 187 Médecins et officiers de santé de
l'arrondissement de Troyes. . 258
— d'Arcis-sur-Aube . . 327
— de Bar-sur-Aube . . 345 de Bar-sur-Seine . . 368
— de Nogent-sur-Seine . 395 Médecins des hospices de Troyes. 301
Médecins jurés 241
Médecin de Manières 403
Membres résidants de la Société
Académique de l'Aube . . . 173 Membres associés de la Société
Académique de l'Aube . . . 174
— 181 —
Membres du conseil général de
l'Aube. . 66-239-319-335-361-389
Membres du conseil d'arrondissement. 69-240-320-336-362-390
Messagers 316
Messageries d'Ervy . . . . . 000
— des Riceys. . . . 385 Messager-commissionnaire de
Bar-sur-Seine 377
Mines 106
Monastère de la Visitation ... 92
Monastère des Carmélites ... 92
Monuments historiques du dépt. 73
Municipalité de la ville de Troyes 279
Musée de la ville de Troyes . . 176
Musique d'Aix-en-Othe . . . 265
Musique d'Ervy 270
— de Nogent-sur-Seine. 402
— de Villenauxe . . . 416
Navigation des rivières d'Aube et
de Seine 111
Notaires de l'arrondt de Troyes 251
— d'Arcis-sur-Aube . . 322
— de Bar-sur-Aube. . . 338
— de Bar-sr-Seine . . . 365
— de Nogent-sur-Seine . 392 Notaires honoraires. . . 252-365-393 Notions générales sur le service
des postes 142
Octroi de la ville de Troyes . . 285
— de la ville de Bar-sr-Aube. 345
— de la ville de Bar-sr-Seine. 373 Officiers de santé de l'arrondt
de Troyes . . . . . 258
— d'Arcis-sur-Aube. . . 325
— de Bar-sur-Aube ... 343 Orphéon de Troyes 304
— d'Aix en-Othe. ... 000
— d'Estissac . . . . . 271 Orphelinat et ouvroir de Dienville 357
Papier timbré 124
Paroisses de Troyes 94
Parquet de Troyes 241
— d'Arcis-sur-Aube. . . 320
— de Bar-sur-Aube . . . 336
— de Bar-sur-Seine. . . 362
— de Nogent-sur-Seine. . 390
Pasteur protestant 94
Pensionnat. (V. Maison d'éducation.) Pensionnat de demoiselles de
Chaource 378
Percepteurs 116
Percepteurs-surnuméraires, . . 116
Personnel du lycée de Troyes , 400 Personnel médical de Piney . . 275 Petites-soeurs des pauvres ... 93 Pharmaciens de l'arrondissement
de Troyes. . . . . 259 Pharmaciens de l'arrondissement
— d'Arcis-sur-Aube . . 325
— de Bar-sur-Aube. . . 343
— de Bar-sur-Seine . . 369
— de Nogent-sur-Seine . 396 Poids et mesures (vérificateur des) 130 Pompiers. (V. Sapeurs-Pompiers.)
Ponts et chaussées 107
Population par commune. . 223-234 Postes aux lettres de Troyes . . 138
— d'Arcis-sur-Aube . 138-327
— de Bar-sur-Aube . 139-346
— de Bar-sur-Seine . 139-374
— de Nogent-s-Seine. 140-400 Postes aux lett. des communes 223-234
— d'Aix-en-Othe . 264
— d'Auxon . . . 266
— de Bouilly . . 267
— d'Ervy. . . 269
— de Lusigny . . 273
— de Saint-Mards . 276
— de Plancy. . . 333
— de Brienne . . 355
— de Dienville . . 356
— de Soulaines. . 358
— de Vendeuvre . 360
— de Chaource. . 378
— d'Essoyes . . . 380
— de Landreville . 386
— de Mussy . . . 381
— des Riceys. . . 383
— de St-Parres-l-V. 388
— de Pont-s-Seine . 409 Postes et télégraphes de Pâlis. . 408
Préfecture de l'Aube 61
Prison de Troyes 304
Prisons départementales ... 74 Professeurs au Lycée de Troyes. 100 103
— à l'Ecole normale de garçons 105
Professeurs à l'Ecole normale de filles 106
Prud'hommes 255-411
Recette des finances d'Arcis . . 327 Receveur municipal de Troyes . 283 Receveur municipal de Nogentsur-Seine 398
Receveur municipal de Romillysur-Seine 411
Receveurs de l'Enregistrement 123-124
Receveurs de l'octroi. ... 286
Receveurs des finances .... 116 Receveurs et conservateurs des
hypothèques 123-124
Receveurs particuliers .... 116 Receveur principal des postes et
télégraphes 134
Receveurs et distributeurs des
postes 138
Réseau téléphonique de Troyes. 156
Recrutement ........ 76
Religieuses hospitalières dites
Augustines 93
Routes départementales. . . . 108
Routes nationales 107
Sages-femmes de l'arrondissement
de Troyes. .... 259
— d'Arcis-sur-Aube . . 326
— de Bar-sur-Aube . . 344
— de Bar-sur-Seine . . .369
— de Nogent-sur-Seine . 396
— de Maizières-la-G -P. 404 Salles d'asile de Troyes. ... 289
— d'Arcis-sur-Aube . . 330
— de Brienne-le-Chât. . 355
— de Vendeuvre-sr-B. . 360
— d'Essoyes 380
— des Riceys .... 384
— de Nogent-sr-Seine. . 401
— de Romilly-sr-Seine . 412 Sapeurs-pompiers de l'arrondissement de Troyes 262
— d'Arcis-sur-Aube . . 326
— de Bar-sur-Aube. . . 000
— de Bar-sur-Seinp . . . 370
— de Nogent-sur-Seine . 397
Secours à domicile 296
Secours aux incendiés .... 171 Secours pour les noyés et les asphyxiés 293
Secrétariat de l'évêché .... 90
Secrétariat génér. de la préfecture 62
Séminaire (grand) 91
Séminaire (petit) 91
Sénateurs appartenant au département 59
Service médical ...... 298
Service médical de nuit . . . 301
Service académique 95
Service des postes . . . 142 à 152
Services spéc. de la préfecture 65 Service du phylloxéra dans l'Aube. . 183-256-324 341-368-394
Service des aliénés 192
Service des enfants assistés. . . 192
Service de la protection des enfants du premier âge . . . . 193
Sixième corps d'armée .... 75
Sixième région ........ 75
Société Académique du département de l'Aube. .... 172
Société d'agriculture, des sciences, arts et belles-lettres. . . 172 Société des Amis des Arts de
l'Aube . 189
Société d'Apiculture. . . . . 184 Société de propagande d'Apiculture rationnelle l'Abeille. . . 185 Société de charité maternelle, à
Troyes 299
Société des Garde-malades laïques 000 Société d'encouragement pour
l'amélon de la race chevaline. 181 Société de tir de la ville de Troyes. 305 Société do tir d'Aix-en-Othe. . 264
Société de tir d'Etvy 270
Société de tir d'Estissac. . . . 000 Société de tir mixte du 47e régiment territorial à Bar-s-Aube 351
Société d'Équitation 306.
Société d'instruction militaire
d'Aix-en-Othe 265
Société de l'Orphéon de Troyes. 304 Société de Saint-Vincent-de-Paul,
à Troyes. . . . . . 299
— à Arcis-sur-Aube. . . 329
— à Nogent-sur-Seine . . 401 Société générale de secours mutuels de Troyes 309
Société des Sauveteurs humanitaires de l'Aube 311
Société horticole, vigneronne et forestière de l'Aube .... 181
Soc. d'hort. de Nogent-s-Seine. . 401
Société des Dessinateurs de Nogent-sur Seine 402
Société pédagogique de Nogentsur-Seine 402
Société de protection de l'Enfance ouvrière 300
Société des Prévoyants de l'Avenir 312
Société La Laborieuse .... 313
Société de Secours mutuels de Méry-sur-Seine 332
Société de Secours mutuels de Bar-sur-Seine 376
Société de secours mutuels des Bonnetiers de Troyes . . . 308
Société de secours mutuels des instituteurs et institutrices du département de l'Aube. . . 190
— 183
Société de secours mutuels des vignerons de Landreville . . 387
Société de secours mutuels des ouvriers Fileurs de Troyes. . 310
Société de secours mutuels des Peintres de Troyes . . . . 310
Société de secours mutuels « la Culinaire de l'Aube ». . . . 311
Société de secours mutuels des anciens sous-officiers de l'Aube, à Troyes 311
Société de sec. mut. d'Arcis-s.-A. 329
Société musicale d'Arcis-st-Aube 330
Société d'encouragement à l'agriculture de l'arrondissement de Bar-sur-Aube ...... 351
Société de secours mutuels de Bar-sur-Aube 347
Société des anciens combattants de 1870-71 de Bar-sur-Aube.. . 352
Société de secours mutuels des anciens sous officiers de Barsur-Aube ... 352
Société de secours mutuels des Vignerons des Riceys. . . . 384
Société de secours mutuels d'Aixen-Othe 264
Société de secours mutuels d'Estissac 272
Société de secours mutuels de No gent-sur-Seine 400
Société de secours mutuels de Romilly-sur-Seine 413
Société de secours mutuels de Plancy 333
Société de secours mutuels des sapeurs-pompiers et des ouvriers réunis des Riceys. . . 385
Société de soulagement entre les ouvriers Tanneurs de Troyes . 310
Société de secours mutuels de Villenauxe 415
Société de secours mutuels de Maiziéres la-Grande-Paroisse . 404
Société médicale de l'Aube . .188
Société française de Secours aux blessés militaires 165
Société nautique troyenne. . . 306
Soc. de gymn. la Persévérante. 307
Société de gymn. d'Aix-en-Olhe. 265
Société de gymnastique d'Auxon 000 — d'Arcis-s-Aube 330
Société de gymnastique d'Ervy. 000
Soc. de gymn. de Bar-s-Seine. . 377
Soc. de gymnastique d'Estissac. 272
Soc. de gymn. de Nogent-s-Seine. 401
Société dé gymnastique de Barsur-Aube. ....... 353
Société de gymnastique et de tir
de Romilly sur-Seine. . . . 413
Société de gymnastique de
Romilly-sur-Seine. .... 413
Société de gymnastique de SainteSavine.
SainteSavine.
Société de gymnastique de Vendeuvre 360
Société de tir et de gymnastique
de Chavanges 331
Société de gymnastique de Villenauxe ......... 416
Société de gymnatique, le Réveil
de Troyes. 307
— la Patriote. . . 307 Société de sauvetage des ateliers
du chemin de fer, à Romilly. 412 Société des sapeurs-pompiers et
des travailleurs de Landreville. 387
Société des architectes de l'Aube. 189
Société chorale de Troyes. . . 304
Société de musique d'Auxon . . 266
Société musicale de Vendeuvre . 360
Sociétés de musique de Pâlis. .. 408 Société des auteurs et compositeurs
compositeurs 295
Société Vétérinaire de l'Aube. 190
Soeurs de la Providence. ... 92 Soeurs du Bon-Pasteur . . . .92
Soeurs du Bon-Secours .... 93
Soeurs de Nevers 93
Soeurs de N.-D. de charité du BonPasteur d'Angers 92
Sous-intendance militaire ... 76 Sous-préfecture. — Arrondissement de Troyes 239
Sous-préfecture d'Arcis-sr-Aube. 319
— de Bar-sur-Aube . . 335
— de Bar-sur-Seine . . 361
— de Nogent-sur-Seine 389 Stations d'étalons dans le département de l'Aube .... 207-275
Statistique sur le recrutement. 85 à 87
Succursale de la Banque de France 121 Succursales de la Caisse d'épargne
de Troyes. 303
Surnuméraires de l'Enregistremt 124 Syndicat des digues et canaux
de Troyes 308
Syndicat de la Voire 342
Syndicat ( v. Commission syndicale). Syndicat agricole de Villenauxe. 415 Syndicats professionnels, industriels, commerciaux et agricoles 165
- 184
Tableau, par arrondissements et cantons, des communes du déparlement de l'Aube. . . 213-222 Tableau alphabétique des communes du départ, de l'Aube. 223-234
Tableau des écarts 235
Taxe des lettres. ...... . 144
Taxes des journ. et imp. 144-145-146 Taxe des dépêches télégraphiques. 156 Télégraphe de Troyes . . . 133-152
— d'Aix-en-Othe. . . 264
— d'Arcis-sur-Aube. 140-327
— d'Auxon. .... 266
— de Bar-sur-Aube . 140-346
— de Bar-sur-Seine . 140-374
— de Bouilly .... 267
— de Brienne-le-Chât. . 355
— de Chaource ... 378
— de Chavanges ... 331
— de Dienville ... 357
— d'Ervy 269
— d'Essoyes .... 380
— d'Estissac .... 271
— de Landreville. . . 386
— de Lusigny. . . . 273
— de Marcilly-le-Hayer 405
— de Marigny-le-Châtel 407
— de Maizières-la-G. P. 403
— de Méry 332
— de Mussy-sur-Seine . 382
— de Nogent-s-Seine 140-400
— de Plancy .... 333
— de Piney 275
— de Pont-sur-Seine. . 409
— des Riceys .... 383 — de Ramerupt . . . 334
— de Romilly-sr-Seine. 411
— de St-Mards-en-Othe. 276 — de Soulaines . . . 358
— dp Vendeuvre-sr-B. . 360 — de Villenauxe. . . 414
Téléphone de Troyes 156
Temple évangélique de Troyes. 94 Temple évangélique d'Estissac 271
Théâtre de Troyes 295
— de Nogent-sur-Seine. . 400
Timbre 122
Trains de banlieue 318
Trésorerie générale 115
Trésorier-payeur gén. du départ. 116
Tribunal de commerce de Troyes 854 Tribunal de première instance
de Troyes. 240 Tribunal de première instance
d'Arcis-sur-Aube . . 320
— de Bar-sur-Aube. . . 336
— de Bar-sur-Seine . . 362
— de Nogent-sur-Seine . 390 Tribunal de police de Troyes. . 285
Union pharmaceutique de l'Aube 188 Union des sociétés de gymnastique du département de l'Aube. 307
Vérificateurs des poids et mesures 130 Vétérinaires de l'arrondissement
de Troyes .... 260
— d'Arcis-sur-Aube . . 326
— de Bar-sur-Aube . . 344 de Bar-sur-Seine . . 370
— de Nogent-sur-Seine . 396
Vicaires de Troyes 94
Vicaires généraux 90
Ville de Troyes 279
— d'Ervy 268
— d'Arcis-sur-Aube .... 327 Ville de Méry-sur-Seine. . . . 331
— de Bar-sur-Aube . . . 345
— de Brienne-le-Château. . 353
— de Vendeuvre-sur-Barse . 359
— de Bar-sur-Seine . . . 372
— Chaource 377
— d'Essoyes 379
— de Mussy-sur-Seine. . . 380 des Riceys 382
— de Nogent sur-Seine . . 398
— de Pont-sur-Seiue ... 408
— de Romilly-sur-Seine. . 410
— de Villenauxe .... 413 Visite des pharmacies et des officines de drogueries .... 187
Voitures publiques et Messageries des Riceys. . . . . . 385
Voitures publiques et Messageries de Nogent-sur-Seine. . . 402
Voitures publiques et messageries
de Marcilly-le-Hayer. . . 406
Voilures publiques 315
Voiture publique de Pâlis. . . 408
TABLE DE LA SECONDE PARTIE.
NOTICES ET RENSEIGNEMENTS STATISTIQUES, HISTORIQUES ET ADMINISTRATIFS.
La Révolution de 1789 à Troyes. Notice anecdotique d'après des autographes inédits, — par l'abbé Etienne Georges, de Troyes. membre de plusieurs Sociétés savantes, fondateur d'un prix trisannuel de cinq cents francs à décerner au meilleur travail intellectuel concernant, la Champagne 3
Les Communautés des Cordonniers, Basaniers et Savetiers de Troyes, — par Louis Morin, typographe 51
Nicolas Mignard, sa Vie et ses OEuvres, — par M. Albert Babeau, correspondant de l'Institut, vice-président de la Société Académique de l'Aube 113
Commission météorologique de l'Aube. — Résumé des observations faites à Troyes et dans les diverses stations du département en 1894, — par M. E Laigneau, directeur de l'École normale d'Instituteurs de l'Aube, président de la Commission 141
25 Novembre 1894. Distribution solennelle des récompenses fondées par Jaillant-Deschainets, Boucher de Perthes, Jouanne, Richard-Sandrin, Argence et Gérard-Millot, en faveur des ouvriers de la ville de Troyes 149
Programme des prix mis au concours par la Société Académique de l'Aube 157
Liste des dons faits au Musée de Troyes, avec les noms des donateurs, pendant l'année 1894 161
AVIS AU RELIEUR POUR LE PLACEMENT DES PLANCHES
Pages
Arrestation de saint Crépin et saint Crépinien 51
Nicolas Mignard 113
Portrait de Henri de Lorraine, comte d'Harcourt 124
TROYES, DU FOUR-BOUQUOT. — P. NOUEL, SUCC.
A PRIMES LIMITÉES
Fondée le 8 Mai 1883
FONDS DE PRÉVOYANCE : UN MILLION
Siège social : Avenue Thiers, au MANS
Au 31 Décembre 1893 la Société comptait 30.207 assurés;
OPÉRATIONS DE LA SOCIÉTÉ :
1° Assurance individuelle contre les Accidents personnels
de toute nature ; 2° Assurance collective contre les Accidents professionnels
et la Responsabilité Givile des patrons ;
Ces assurances sont faites à des taux très modérés et elles sont plus nécessaires encore que celles des mobiliers ou des marchandises, puisqu'il y a vingt-cinq accidents contre un incendie.
3° Assurance contre l'incendie des Minutes des notaires,
des dossiers et des archives; prime : 0 fr. 50 par 1.000 francs;
4° Assurance de la Comptabilité commerciale contre l'incendie; prime ordinaire : 0fr. 70 par 1.000 francs:
5° Assurance contre les risques de transport des Valeurs expédiées par la poste; prime 0f. 08 par 1.000 fr.
(système très simple).
REPRESENTANTS DE LA SOCIÉTÉ MM. MALARMEY, rue de la Paix, à Troyes ; POTHIER, Agent d'Assurances, à Arcis; CHAISE, id. à Nogent-sur-Seine;
MILLET-RAMELOT, Agent d'Assurances, à Romilly
CREDIT LYONNAIS
Fondé en 1863
CAPITAL SOCIAL : 200 MILLIONS
AGENCE DE TROYES - PLAGE AUD1FFRED
Traite toutes les opérations de Banque et de Titres,
notamment :
Escompte et Recouvrement d'effets de commerce, factures, reçus, etc.
Ouverture de Comptes-Courants et de Comptes de dépôts productifs d'intérêts.
Délivrance de Chèques, Mandats et Lettres de Crédit sur la France et l'Étranger, envois de fonds, paiements télégraphiques.
Paiement Sans Frais de tous Coupons.
Exécution des Ordres de Bourse au Comptant et à terme moyennant le courtage officiel des agents de change, plus les frais de' port et d'assurance.
Garde de titres aux conditions suivantes :
par semestre 0f 05 par 25f de rente ou fraction de 25f de rente 0f05 par chaque titre de 500f et au-dessous 0f 10 — — 501f à 1000f
Of 15 — — 1001f à 2000f
0f20 — - 2001f à 3000f
et ainsi de suite, de manière que chaque 1000f élève le droit de 0f05 cent. Les Coupons sont détachés à leurs échéances, et le montant en est
porté Sans Frais en compte. Vérification est faite des listes de tirages.
Avances sur Titres.
Souscription Sans Frais à toutes émissions.
Régularisations de Titres— Echanges — Renouvellements — Transferts — Mutations — Remboursements — Production aux faillites, etc., etc. Renseignements financiers. Dépôts de fonds à échéances fixes. — L'intérêt de ces dépôts est actuellement fixé comme suit :
2 % par an à I an.
2 1/2 %, — à 2 ans.
3 % — à 3 ans et au-delà.
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