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nés de bonheur — non dana la folie ou la mort, mais dans une veulerie complète, un hébétement insurmontable. Les plus beaux gars, les plus braves soldats, — dos hommes dans toute la joie de leur force et de leur jeunesse, — loa premiers, avaient succombé parce qu'ils s'étaient donnés avec toute leur fougue. Il n'était resté d'eux que de misérables carcasses dont les Jaunes riaient et dont la guérison était malaisée.
Bonneaud avait vu cela. Chargé par devoir de poursuivre la drogue, il avait, par discipline, résisté à la tentation. Le temps d'affolement passé, il avait pu y goûter en toute connaissance de cause, sans danger, tant il était maître de sa volonté.
Il avait fumé, un peu par goût, beaucoup par esprit d'imitation, sagement, en limitant ses pipes, en délaissant la fumerie pendant plusieurs semaines, pour ne pas créer une habitudo impérieuse...
Quand, investi d'une grande responsabilité, il avait quitté Hanoï, le danger était écarté. Le sentiment du devoir, la crainte des responsabilités l'avaient protégé, comme la discipline l'avait sauvé aux premiers jours, des fumeries qui peuplent les solitudes, allègent le corps, transforment en quiétude les désespoirs, en bonheur les indécisions, en paix les douleurs et, mirage irrésistible, en illusion de réalité les espoirs incertains et les désirs à peine nés.
Le garde fumait beaucoup. Il n'était plus de ceux qu'on peut sauver ; le poison le tenait. Amicales remontrances, longa raisonnements à peine écoutés, observations, .menaces, tout avait échoué.