340 PENSÉES DE PASCAL
naturelle, toute foi mise à part, il les interroge de quelle autorité ils entreprennent de juger «et Être souverain qui est infini par sa propre définition, eux qui ne connaissent ' véritablement aucune chose de la nature. — Il leur demande sur quels principes ils s'appuient; il les presse de les montrer. — Il examine tous ceux qu'ils peuvent produire, et y pénètre si avant, par le talent où il excelle, qu'il montre la vanité de tous ceux qui passent pour les plus naturels et les plus fermes.
« Il demande si l'âme connaît quelque chose, si elle se connaît elle-même, si elle est substance ou accident, corps ou esprit; ce que c'est que chacunedè ces choses, et s'il n'y arien qui ne soit de l'un de ces ordres; si elle connaît son propre corps, ce que c'est que matière, et si elle peut discerner entre l'innombrable variété des corps qu'on en produit; comment elle peut raisonner si elle est matérielle, et comment elle peut être unie à un. corps particulier et en ressentir les passions, si elle est spirituelle. Quand a-t-elle commencé d'être? avec le corps ou devant? et si elle finit avec lui ou non; si elle ne se trompe jamais; si elle sait quand elle erre, vu que l'essence de la méprise consiste à ne la pas connaître ; si dans ses obscurcissements elle ne croit pas aussi fermement que deux et trois font six qu'elle sait ensuite que c'est cinq; si les animaux raisonnent, pensent, parlent, et qui peut décider ce que c'est que le temps, ce que c'est que l'espace où étendue, ce que c'est que le mouvement, ce que c'est que l'unité, qui sont toutes choses qui nous environnent et entièrement inexplicables; ce que c'est que santé, maladie, vie, mort, bien, mal, jus'ice, péché, dont nous parlons à toute heure; si nous avons en nous'des principes du vrai; et si ceux que nous c oyons, et qu'on appelle axiomes ou notions communes,
verve d'ironie goguenarde, « pelotant les raisons divines », selon sa propre expression, et qui éveille de si douloureux échos dans l'âme de Pascal.