CH. XIII. — INCONSISTANCE DES OPINIONS 89
sauce n'est pas un avantage dé là personne, mais du hasard. Les habiles les honorent, non par la pensée du peuple, niais par la pensée de derrière. Les dévots qui ont plus de zèle que de science, les méprisent, malgré cette considération qui les fait honorer par les habiles, parce qu'ils en jugent par une nouvelle lumière que la piété leur donne. Mais les chrétiens parfaits les honorent par une autre lumière supérieure. Ainsi se vont les opinions succédant du pour au contre,, selon qu'on a de lumière.
X. — Les choses du monde les plus déraisonnables deviennent les plus raisonnables à cause du dérèglement des hommes.
Qu'y a-t-il de moins raisonnable que de choisir pour gouverner un État le premier fils d'Une reine?
On ne choisit pas pour gouverner un bateau celui des voyageurs qui est de meilleure maison : cette loi serait ridicule et injuste.
Mais parce qu'ils le sont et le seront toujours (ridicules et injustes), elle devient raisonnable et juste; car qui choisi-' ra-t-on? Le plus vertueux et le plus habile? —- Nous voilà incontinent aux mains : chacun prétend être ce plus vertueux et ce plus habile.
Attachons donc cette qualité à quelque chose d'incontestable. C'est le fils aîné du roi. Cela est net, il n'y a point de dispute. La raison ne peut mieux faire, car la guerre civile est le plus grand des maux 1.
XL — Le plus grand des maux est les guerres civiles. Elles sont sûres si on veut récompenser les mérites; car
1. Ce fragment a été tiré par M. Faugère d'un cahier différent du manuscrit autographe, celui-ci ne contenant que: ia phrase.: On ne choisit pas, pour gouverner un bateau, celui des voyageurs qui est de meilleure maison. Mais ïl n'y a aucune raison de douter que le développement complet dé cette phrase,, ne soit de Pascal même : c'est bien le totir original de sa plume. Cfr. pp. 73-74.