28 PENSÉES DE PASCAL
XI. — Saint Augustin 1. La raison ne se soumettrait jamais, si elle ne jugeait qu'il y a des occasions où elle se doit soumettre.
Il est donc juste qu'elle se soumette quand elle juge qu'elle doit se soumettre.
XII. — Il n'y a rien de si conforme à la raison que ce désaveu de la raison.
XIII. — Deux excès : exclure la raison, n'admettre que la raison.
XIV. — La foi dit bien ce que les sens ne disent pas, mais non pas le contraire de ce qu'ils voient. Elle est au-dessus, et non pas contre.
XV. — La religion est proportionnée à toutes sortes d'esprits. Les premiers s'arrêtent au seul établissement ; et cette religion est telle, que son seul établissement est suffisant pour en prouver la vérité. Les autres vont jusqu'aux Apôtres. Les plus instruits vont jusqu'au commencement du monde. Les anges la voient encore mieux, et de plus loin.
1. Epist. 120, ad Consenlium. « Que la foi doive précéder la raison, cela môme est un principe de raison... S'il est raisonnable que la foi précède la raison, lorsqu'il s'agit d'arriver à des hauteurs que nous ne saurions encore atteindre, il est évident que la raison qui nous persuade cela précède ellemême la foi. » — Dans tous ces fragments, Pascal caractérise le rôle de la raison avec une remarquable exactitude, conforme aux principes de la philosophie chrétienne et qui fait justice des accusations de scepticisme formulées parfois contre lui. « Savoir douter où il faut, assurer où il faut, se soumettre où il faut. » Ce qu'if appelle « désaveu de la raison t> n'est que sa soumission jugée légitime par la raison elle-même, « là où il faut». Non crederet, nisi videret ea esse credenda, dit S. Thomas. (S. Theol., 2-2, q. 1, a. 4.)