20 PENSÉES DE PASCAL '
Donc je ne suis pas un être nécessaire. Je ne suis pas aussi éternel, ni infini; mais je vois bien qu'il y a dans la nature un être nécessaire, éternel et infini.
VI. — L'Etre éternel est toujours, s'il est une fois.
VIL — Incompréhensible que Dieu soit, et incompréhensible qu'il ne soit pas ; que l'âme soit avec le corps, que nous n'ayons pas d'âme; que le monde soit créé, qu'il ne le soit pas, etc.; que le péché originel soit, et qu'il ne soit pas, ete 1.
VIII. — Croyez-vous qu'il soit impossible que Dieu soit infini, sans parties? — Oui. — Je vous veux donc faire voir une chose infinie et indivisible : c'est un point se mouvant partout d'une vitesse infinie ; car il est en tous lieux, et est tout entier en chaque endroit 2.
Que cet effet de nature, qui vous semblait impossible
1. « Nous ne comprenons le tout de rien, » dit ailleurs excellemment Pascal. Dans toute existence, il y"a à la fois une lumière qui s'impose à notre raison et un mystère par où elle échappe aux prises de cette môme raison. Nous ne savons pas quelle est l'essence de la matière, et l'homme est à lui-même un impénétrable mystère. L'éternité et le temps, l'immensité et l'espace, le corps et l'âme, le fini'et l'infini, Dieu et le monde, autant de vérités que nous ne pouvons ne pas concevoir, autant de mystères que nous ne pouvons pas comprendre. C'est dans ce sens et dans ce sens seulement qu'il faut entendre les antinomies qu'indique ici Pascal, et dont Kant a repris 1» thèse, mais pour s'en faire une arme contre les idées et les principes de la raison.
â. Argument par comparaison, fondé sur une supposition de mathématicien. Pascal, conformément à la tournure scientifique de son esprit, argumente volontiers d'après les analogies de VInfini mathématique. Celui-ci, à vrai dire, est plutôt la notion abstraite de Vindéfini. En réalité, il n'y a qu'un infi" 1 véritable, c'est l'Etre divin, qui possède à la fois l'infinité etra simplicité.