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Titre : L'Exposition : journal de l'industrie et des arts utiles publiant par année 288 gravures sur acier, avec texte... / par Le Bouteiller

Éditeur : [s.n.] (Paris)

Date d'édition : 1844

Contributeur : Le Bouteiller, Ch. Éditeur scientifique

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32772180j

Notice du catalogue : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb32772180j/date

Type : texte

Type : publication en série imprimée

Langue : français

Format : Nombre total de vues : 568

Description : 1844

Description : 1844 (A5).

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k5713636k

Source : Bibliothèque nationale de France, département Littérature et art, V-3111-3118

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 16/09/2009

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L'EXPOSITION

REVUE PERMANENTE

DES PRODUITS DE L'INDUSTRIE

ALBUM DES ARTS UTILES

ARCHIVES DES FABRICANTS, MANUFACTURIERS ET INVENTEURS

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PARIS AU BUREAU DU JOURNAL

27, PLACE DE X.A BOURSE

1844


ÉTAT SOMMAIRE DES GRAVURES PDRLIÉES PAR L'EXPOSITION, DE 1839 A1844,

ARCHITECTURE.

1 Façade de maison Par MM. DUSSILLON.

2 Jel d'eau GUESNEL.

3 Porte en Foule de fer< ANDRÉ.

4 Escalier en' Tonte de Ter CALLA.

5 Devanture de boutique gothique OBKY.

G Fontaine à dauphins en Ibnle ANDRÉ.

7 Candélabre en Tonte de Ter ANDRÉ.

8 Balcon en Tonte de Ter pour fenêtre ANDRÉ.

9 Cheminée en marbre vert de mer COQUET.

10 Balcon à balustre, croisillons ANDRÉ.

11 Porte d'intérieur, ornements ANGE et Cic.

12 Escalier en bois '. AUBIN.

13 Siège, style XIVe siècle RAMÉ.

14 Cheminée marbre blanc COQUET.

15 Café des concerts Musard. AZEMARD.

16 Grille du palais des Beaux-Arts CUAVIER.

17 Porte carrée en fonte de Ter ANDRÉ.

18 Po.nl d'Iéna Daguerréotype.

19 Parquet incruste ÏHURIN.

20 Poêle calorifère I'OMI'ÛU.

21 Chambre des députés Daguerréotype.

22 Deux bancs de jardin CALLA.

23 Charpente de l'exposition... MOREAU.

24 Meuble musée GROIIÉ.

25 Pont de Lceds TRONQUOY.

26 Charpente en Ter »

27 Bibliothèque sculptée..' GROBÉ.

28 Viaduc de MeUdon »

29 Kiosque ou chaumière du Jardin-dcs-Plantcs. BRIDAULT.

30 Confessionnal, nouveau modèle »

3t Intérieur de salle à manger DEI.OHME.

32 Fontaine des Champs-Elysées HITTORF,

AMEUBLEMENT.

1 Jardinière en palissandre Par MM. MAIGRET.

2 Fauteuil en palissandre sculpté MAIGRET.

3 Fenêtre corniche dorée MAIGRET.

4 Piano carré PLEVEL.

5 Chaise en palissandre a balustre MAIGRET.

6 Fauteuil en Ter garni KAULECK.

7- Canapé sculpté DBLLIER.

S Toilette en palissandre, double corps KLEIN.

9 Fenélrc à ornements cuivre estampé. BENOUARD

10 Fauteuil en acajou sculpté BOCHARD.

11 Chaise en acajou garnie MUNIER.

12 Portière d'intérieur ornement bois doré BANES-COÛVET.

13 Table sculptée à 4 colonnes MAIGRET.

14 Chaise en palissandre n barres »

15 Table à ouvrage et corbeille. BANES-LOUVBT.

16 Porte d'intérieur archivolte. KLEIN.

17 Fauteuil double MAIGRET.

18 Billard tète de lièvre BOUIIARDET.

19 Fenêtre galerie cuivre estampé HILAIKE RENOUARD.

20 Lit en érable '.. »

21 Divan garni en velours MUNIER.

22 Billard Incrusté en cuivre COSSON.

23 Lit garnii BANES-LOUVET.

24 Divan turc. MUNIER.

25 Fauteuil sculpté MUNIER.

20 Etagère gothique KLEIN.

27 Méridienne , BOURGON.

28 Intérieur de boudoir MUNIER.

29 Berceau d'enfant IIURBT LÉOPOI.D.

30 Chaise en bols doré BANES-LOUVET.

31 Fauteuil boit doré BOURGON.

32 Pianino sculpté PLEVEL.

BRONZES tt DORURES.

i Galerie en bronze à cerf Par MM. SOYEZ et INOÉ.

2 Bras de cheminée en bronze BIIIANT.

3 Lustre renaissance RIGI.ET.

4 Flambeau en bronze Pompée SOYEZ et INGÉ.

5 Lampe gothique SOYEZ cl INGÉ.

6 Flambeau en bronze tète rie coq LEROLLE.

7 Galerie en bronze (lions Canova) DOUILLET.

8 Candélabre renaissance en bronze VALLET CORNIER.

9 Luslfe renaissance n cinq branches CnopiN cl MELON.

10 Psyché et l'Amour SOYEZ et INGÉ.

. 11 Candélabre en porcelaine LEROLLE.

12 Galerie en cuivre poli GOBIN.

13 Galerie bronze renaissance »

14 Guéridon en bronze GRIGNON MRCSNIEK.

15 Dogue en bronze. GUESNEL.

16 Pendule mignonnctlc en bronze BING.

17 Lampe Carccl NAODIN.

18 Pbébus SUSSE.

19 Galerie cheminée VALLET CORNIER.

20 Vase en bronze MARTIN.

21 Lit en bronze ou on Ter HURRT LÉOPOI.D.

22 Jeanne d'Arc SUSSE.

23 Pendule (Diane et Apollon) SOYER.

21 Galerie en bronze à colonnes GOBIN.

25 Lit en bronze GANDEIXOT.

26 Galerie A lions (socle renaissance) GOBIN et MOIIISOT

27 Pendule à enfant GUESNEL.

28 Lustre ROBERT.

•29 Galerie a palmes renversées Hun ET LÉOPOI II

30 Lustre (éclairage Robert) ROBERT.

31 Thyrse (éclairage pour billard) CIIATBL.

32 Candélabre en bronze PAILLARD.

ARTICLES de PARIS.

1 Vase en porcelaine anglaise Par MM. HOIISSAYE.

2 Cheminée (foyer gothique) MILLET.

3 Veilleuse bronze et cristal CATTAERT.

4 Couteau de chasse DUCIIEMIN.

5 Lampe à mouvement GÉRARD.

6 Veilleuse à réverbère CATIIAEHT.

7 Croix gothique en bronze »

8 Fusil LEFAUCIIEUX.

9 Filoir en palissandre I.OTU.

10 Pistolet. LEFAUCIIEUX.

11 Pot à eau et cuvette VEDEL.

12 Fontaine à thé PARQUIN.

13 Pelle et pincettes en bronze GOBIN.

14 Bibliothèque gothique en bronze CATIIAEHT.

15 Thyrse en bronze pour billard CIIAUMONT.

16 Cadre riche pour tableaux BINANT.

17 CaTclièrc en argcnl doré FROMENT MEURICK.

18 Dessins persans »

19 Don Quichotte SUSSE.

20 Chapeau de paille BRIE et JEOFFRIN.

21 Dessin d'étoffe pour meubles HILAUIE RENOUARD.

22 Service à découper LAFORTE.

23 Théière à bascule PARQUIN.

24 Coiffure impériale BRIE et JEOFFRIN.

25 Emmanuel Philibert SOYEZ et INGÉ.

26 Jardinière en Ter BIZOT.

27 Dessins persans ; »

28 Tête de canne cl bracelet en or FROMENT MEUKICE.

29 Crémone pour fenêtre. EVRARD.

30 Télescope BURON.

31 Pol étrusque en grès i ZIÉQLEK.

32 Maison de la place de la Bourse »

ÉQUIPAGES & SELLERIE.

1 Berline jumelle pour chemin de fer. Par MM. »

2 Cabriolet 4 roues à la Domont ALEXIS ROBERT.

3 Selle de dame en velours brodé DUCIIEMIN.

4 Porte-selle CALLA,

5 Phaéton à 4 roues ALEXIS ROBERT'.

6 Harnais de calèche ANDRÉ.

7 Selle anglaise DUCIIEMIN.

8 Têtes à anneaux ANDRÉ.

9 Calèche ALEXIS ROBERT.

10 Berline »

11 Coupé »

12 Omnibus pour le chemin de fer »

13 Cabriolet il 4 roues >

14 Cabriolet ù 4 roues, double ressort »

15 Fouet et cravache DUCIIEMIN.

16 Essieu d'Ormoy ALEXIS ROBERT.

17 Voilure du maréchal Soult ALDIIINGEN et MATIIEV.

18 Harnais de voilure LIÉGARD.

19 Calèche de voyage GOETTING.

20 Voiture GOKTTING.

21 Colique phaéton CLOCHEZ.

22 Voiture Vorchc »

23 Voilure Lefauciieux FAUVET.

24 Voiture a air. ANDRAUD cl TESSIKII.

25 Calèche de voyage et voiture de ville ALEXIS ROBERT.

20 Calèche. TOUCHARD.

27 Diligence GOETTING. .

28 Phaéton à 4 roues CORNUAU.

29 Phaéton A'orchc DESOUCIIES.

30 Coupé à 6 ressorts TOUCIIAIID.

31 Malle-poste »

32 Grande calèche '. DESOUCIIES.

MECANIQUES tt OUTILS.

1 Presse taille-douce SAULNIER.

2 Grue double ROTIIWELL-HICK.

3 Ventilateur., DENISOT.

4 Balance ii bascule I'ELTIER.

5 Presse hydraulique PELTIBR.

6 Horloge publique WAGNER.

7 Machine a raboter les métaux BOCQUILLON.

8 Lit mécanique MÉLECOZ.

9 Grue simple .'. ROTHWRLI.-HICK.

10 Machine a couper les légumes ARNIIEITRR.

11 Dévidoir et romaine PEI.TIER.

12 l'ournebrochc a ressort NIOT.

13 Percuteur lilhotriteur CIIARRIERE.

14 Pompe parisienne excentrisée HUSSENBT.

15 Compas dit cassette universelle LEGEV.

16 Pompe a holtc ROLLÉ et SCHWII.GUÉ.

17 Machine PELLETAN.

18 Appareil Desroncs DESRONES.

19 Scierie mécanique DESOUCIIES-FAYARI».

20 Balance A bascule ROLLÉ et Sr.iiwii.ouÉ.

21 Scarificateur BATAILLE.

22 Machine a broyer les couleurs KURTZ.

23 Scie circulaire DEBEROUE.

24 Pompe droite TIIREBAUT.

25 Turbine FOURNEVRON.

26 Poulie universelle DBCORTBR.

27 Régulateur de vannes MARQUISET.

28 Appareil du puits de Grenelle. MULLOT.

2» Bateau à vapeur COCHOT.

30 Machine à vapeur portative BOURDON.

31 Ciseau a levier WILL.

32 Machine à percer les métaux SCUARP et ROBBRTS.

CONDITIONS DE L'ADONNE MENT. — POUR PARIS. Un an, 36 fr. — DÉPARTEMENTS ET ÉTRANGER, 40 fr.

Chaque gravure se vend 9 séparément j 1 franc

Pari)!. — Typ. Lacnmpe et Corn p. rue Damieltc, 2.


L'EXPOSITION.

SOMMAIRE.

Texte: Introduction. — Historique dés Expositions des produits de l'Industrie française. — Exposition de 1844 : Jury d'admission; — Jury central d'examen; — Coup (Toeirsur les galeries de l'Exposition. — École dentellière de Valenciennes. — Variétés : M. Tulou, flûle, professeur de flûte et marchand de flûtes» — Napoléon et M. Raoul. — Association de fabricants et d'artisans. — Sauvetages pour les naufrages et les incendies. — Dessins : Pièce de milieu, par M. Langlet. — Couverture d'un livre, exécutée pour S. A. R. M. le duc d'Orléans.

Gravure» : Numéro 1. — Pièce de milieu d'un surtout de table en vermeil, exécutée par M. Langlet, orfèvre. Numéro 2. — Couverture d'un livre avec des ornements sculptés en ivoire.

INTRODUCTION.

LUMKI nous avons fondé ce recueil, il y a cinq ans ù .pareil jour, en 1839, nous n'avions pas de devanciers dont l'exemple pût nous servir et nous guider 'dans la bonne conduite de notre entreprise ; bien moins encore avions-nous des concurrents. Nous

arrivions les premiers, et nous trouvions vierge et libre le champ que nous voulions exploiter.

C'était lu première fois qu'on appliquait chez nous les beauxarts et la publicité à l'industrie. L'art du dessin et de là gravure n'avait jusqu'alors rehaussé de son éclat que des oeuvres littéraires; et encore, en ce temps si proche du nôtre, n'y avait-on recours que pour donner un nouveau prix à des ouvrages dont le mérite était déjà établi par un premier succès. Tant s'en fallait-il qu'on en fît usage, comme aujourd'hui, sans discernement et le plus souvent sans utilité, pour toutes les productions, quelles qu'elles soient, et avec d'autant moins de mesure que l'oeuvre même est plus médiocre; enfin, l'Illustration ^tait en enfance; ce mot luimême, désormais adopté dans notre langage et consacré par un succès populaire, ce mot lui-même était inconnu, c'est-à-dire qu'il avait une autre signification.

Nous avons donc eu des expériences à faire avant de prendre notre assiette et de trouver notre milieu. Quand on marche dans une voie qui n'a été frayée par nul autre avant soi, on n'avance que peu à peu et difficilement, et on n'arrive au but qu'à grand'- peine et après l'avoir cherché longtemps. Nous l'avons éprouvé. 1844. t» MAI.

Enfin, nous sommes parvenus à prendre place et rang dans la presse; cette place, aujourd'hui enviée et disputée, nous l'avons laborieusement conquise; nous l'avons achetée au prix de grands et de nombreux sacrifices, au prix de plus d'une école pénible ; elle nous appartient à bon droit; nous saurons la défendre et In conserver.

Mais, pourquoi ne le dirions-nous pas? de quelle résistance aveugle ne nous a-t-il pas fallu triompher! Oui, disons-le, nous avons eu à lutter, et nous l'avons fait avec le courage et l'opiniâtreté qui émanent d'un sentiment consciencieux ; nous avons eu n lutter, non contre l'indifférence du public proprement dit, qui, au contraire, appréciant le but d'utilité de notre publication, l'a tout d'abord accueillie avec faveur et encouragée, mais contre l'esprit de routine et les préjugés du public spécial auquel nous nous Adressions plus particulièrement. Nos fabricants craignaient, en appelant l'examen sur leurs travaux et l'attention sur leurs établissements, d'être taxés de charlatanisme, et ils se refusaient à nous laisser reproduire, par la gravure, les modèles de leurs inventions ou des objets perfectionnés de leurs fabriques. A la longue cependant, et déterminés par l'exemple de quelques-uns d'entre eux, parmi les plus honorables, ils se sont décidés ù nous ouvrir leurs ateliers; ils comprennent enfin à présent, pour la plupart au moins, qu'il n'y a rien de commun entre la publicité et le charlatanisme; que la publicité est une chose aussi bonne, aussi loyale, aussi profitable même au publie, que le eharlnlai

eharlnlai


2

L'EXPOSITION.

nisme en estime méprisable, flétrissante pour ceux qui en usent, et nuisible à ceux qui s'y laissent prendre; que le fabricant qui appelle l'attention sur ses produits et qui les soumet à l'approbation des consommateurs pour provoquer leur choix ou solliciter leur préférence,. ne peut jamais être confondu avec ceux qui annoncent et vendent comme bonnes des marchandises qui ne le sont pas. Grâce à cette heureuse modification opérée dans les idées de nos principaux industriels, notre tâche est devenue plus facile à remplir; aussi nous est-il échu des rivaux en nombre, et nous ne nous en plaignons pas. La concurrence-n'a jamais effrayé que les faibles, et, avec la volonté de bien faire, nous avons la conscience de nos forces. Tant que la terre a été ingrate, nous avons été seuls à la labourer; elle promet de devenir fertile, et l'espoir de la récolte amène à nos côtés de nouveaux travailleurs; rien n'est plus naturel ; il n'y a là, pour nous, ni sujet d'inquiétude, ni cause d'étonnement. Si donc nous avons parlé des difficultés des commencements de notre oeuvre, ce n'est point pour exagérer aux yeux d'aulrui le mérite de les avoir surmontées; mais seulement pour -constater que nous ne devons pas être compris parmi les ouvriers de la dernière heure.

La concurrence aura eu pour premier effet de nous décider à donner plus d'activité à nos publications et à élargir notre cercle d'action. Nous nous bornions à donner, à l'appui de nos gravures, un texte explicatif, propre à mettre en lumière le mérite et l'utilité des modèles qu'elles reproduisaient. Les dessins étaient la partie principale du recueil l'Exposition; sans rien perdre do leur perfection, sans que leur objet particulier soit amoindri, en continuant toujours, au contraire, de donner à l'oeuvre même un cachet original et attrayant, un magnifique et saisissant relief, ils n'en formeront plus cependant que la partie secondaire. Désormais nous publierons un journal, ou, pour dire mieux et plus proprement, nous publierons une Revue, qui paraîtra régulièrement le 1" et le 15 de chaque mois. Nous ne donnons pas ce premier numéro, composé à la hâte, comme un modèle; on peut toutefois le considérer comme une sorte de spécimen de ceux qui le suivront.

Disons dans quel esprit sera rédigée l'Exposition ; et quoique son

titre de Revue de l'industrie et des arts utiles parle assez haut et

- doive faire comprendre sur-le-champ à quels intérêts elle servira

d'organe, indiquons sommairement, néanmoins, les principales

matières qui y seront traitées.

Si nous sommes assez heureux pour publier dès ce premier numérota gravuréd'unobjet exposé celte année, on conçoit aisément que,'paraissant aujourd'hui lor mai, jouV d'ouverture des galeries industrielles de l'exposition de 1844, il nous a été impossible de rien apprécier encore; nous n'avons pu que jeter un rapide eoupd'oeil sur leur splendide aspect, sur les innombrables richesses qu'elles renferment; mais, à daler du lîi de ce mois, de notre prochain numéro, plusieurs de nos colonnes seront consacrées à l'examen des produits qui y sont exposés. Nous n'employons pas à dessein le mot de critique, parce que nous croyons que la critique, telle qu'elle se pratique dans les ails proprement dils et dans la littérature, n'est pas applicable â l'industrie. Les oeuvres d'imagination necomportcnlpasla médiocrité; on peut donc, avec plus ou moins d'autorité et de justice, et trop souvent avec raison, conseiller un métier ù un mauvais arlisle, et la truelle à un mauvais poëte; mais une lellc rigueur et de tels dédains ne sont pas permis â l'égard

l'égard industriels. Un objet médiocrement fabriqué peut néanmoins être très-utile; tels produits de nos manufactures sont en voie de progrès, sans être encore pour cela parfaitement bons. En malière d'industrie, il ne saurait y avoir ni une beauté de convention, ni un type consacré de perfection absolue; qui donc aurait autorité pour les déterminer? Dans les produits exposés par nos industriels, ce que nous voyons d'abord, c'est leur utilité; ensuite, ce sont les efforts patients et le travail auxquels ils sont dus; ces titres respectables suffisent pour nous commander, dans leur appréciation, une scrupuleuse équité, de grands ménagements, de la bienveillance même. Notre blâme consistera surtout à garder le silence sur telle branche de fabrication qu'il nous faudrait, pour être justes, déclarer stationnaire, ou sur tel objet duquel nous n'aurions à parler que pour dénoncer son mauvais goût. Nous laisserons remplir à d'antres la triste et facile mission de porter le découragement dans le coeur de ceux de nos manufacturiers et fabricants qui, pour s'être trompés, n'en ont pasmoins beaucoup travaillé ; travail, nous.ne l'oublions, jamais, auquel des milliers d'hommes doivent le bien-être, et même la vie.

Cependant, pour être empreint d'un caractère d'indulgence, notre examen n'en sera pas moins très-impartial; nos efforts tendront aussi à ce qu'il soit judicieux; nous le ferons au point de vue commercial, dans le double intérêt des consommateurs et des producteurs. Il appartient an jury nommé par le Roi, jury composé des hommes les plus émincnls dans toutes les carrières, et de l'élite des savants de la France, de constater les résultais scientifiques de l'exposition ; notre lâche, à nous, consistera à signaler les avantages, les différents mérites, surtout l'utilité de tels ou tels produits, la plus parfaite fabrication de tels autres, et la meilleure économie apportée dans leur application ; à mettre en lumière les inventions, les découvertes et les procédés nouveaux, principalement ceux-là qui sont destinés à un usage journalier et général ; à faire remarquer enfin la diminution des prix de vente, sans altération, dans la qualité, des produits de nos manufactures â l'égard desquels celte amélioration aura été réalisée. Cette lâche, si modeste qu'elle soit, suffit à notre ambition comme elle suffit à nos forces : nous ne prétendons pas à une autre. Mettant à profit quelques connaissances spéciales el une longue expérience, acquises par vingt-cinq années d'exercice dans le commerce de Paris, et avec le concours de quelques collaborateurs, nous espérons la remplir convenablement.

A la suite de notre compte rendu, on trouvera dans l'Exposition une série d'articles sur toutes les branches de noire industrie nationale, et sur ceux des produits exposés qui, par l'importance de leur objet, demandent une appréciation spéciale, sur ceux-là particulièrement que nous croirons devoir reproduire par Iti gravure. En outre, nous publierons successivement un historique de tous les grands établissements manufacturiers-qui composent la glorieuse couronne industrielle de la France.

Ce n'est pas tout. S'occuper d'abord des produits el mettre eh évidence les établissements où ils se confectionnent, c'est bien sans doute; mais il y aurait ingratitude à laisser dans l'oubli les travailleurs auxquels on doit les uns, et les chefs qui dirigent les autres. Nous mentionnerons donc, dans une suite de biographies, les travaux et les efforts de nos principaux fabricants, manufacturiers et industriels, et de nos inventeurs les plus illustres; donnant ainsi leur vie en exemple à leurs successeurs, et appelant


L'EXPOSITION-.

sur leur nom celle légitime célébrité qui est leur plus précieuse, et qui est aussi .trop souvent leur seule récompense.

Voilà sueeintement quel est notre programme.

A la fin de chaque année, notre recueil, rehaussé par l'éclat de ses gravures, qui auront à l'avenir la même perfection que par Je passé, — en cela il n'est donné à personne ni à nous?mèine8 défaire mieux; notre recueil composera un magnifique album, el plus tard, tout progrès y ayant été constaté, toute découverte utile mentionnée, toute invention remarquable reproduite, on pourra le consultera titre d'archives de notre industrie nationale.

Ainsi se trouvera justifié ce litre multiple que nous avons adopté : Exposition permanente îles produits de l'industrie; Album des arts utiles; Archives des manufacturiers H des inventeurs.

HISTORIQUE

fies expositions «les produits de l'Industrie franÇHiSe.

L'idée d'une exposition des produits de l'industrie nationale appartient à l'époque révolutionnaire de notre histoire, à celle époque où tant de choses glorieuses se sont accomplies en même temps que tant de crimes, à cette mâle et terrible génération qui nous a légué tant de bienfaits et tant de souvenirs affreux.

11 y a eu des expositions sous tous les gouvernements qui, depuis lors, se sont si rapidement succédé les uns aux autres. Leur origine date de 1798; elles existent donc depuis près d'un demi-siècle. Leur importance a grandi en raison du développement progressif qu'a pris le travail chez nous.

En 1798, sous le Directoire, la première exposition industrielle a eu lieu au Champ-de-Mars; on n'y compta que 111 expoposanls; il y fut distribué 25 médailles : 12 médailles d'or et 15. d'argent.

La seconde date du 1801, sous le Consulat, M. Cbaplal étant ministre de l'intérieur. Elle eut lieu dans la cour du Louvre; 220 exposants y furent admis; 69 médailles d'or, d'argent el de bronze y lurent distribuées.

La troisième eut lieu en 1802, sous le même régime, sous le même ministère et dans le même emplacement. Les exposants étaient au nombre de 540; 117 d'entre eux reçurent des médailles.

La quatrième date de 1806, sous l'Empire; M. deChampagny, comme ministre de l'intérieur, en régla les dispositions. Elle fut installée sur l'esplanade des Invalides, et reçut les produits de 1142 exposants, venus de 115 départements; elle obtint 119 médailles.

Treize années s'écoulèrent sans qu'il y eût d'exposition industrielle.

En 1819, sous le règne de Louis XV111, M. leducDecazes étant ministre de l'intérieur, la cinquième exposition prit possession des galeries du Louvre. Elle reçut 1662 exposants; 560 d'entre eux eurent l'honneur de recevoir des médailles.

En 1825, dans le cours du même règne, et sous le ministère de

M. le comte de Corbière, les galeries du Louvre furent encore remplies par 1648 exposants; 470 médailles furent distribuées. A cette sixième exposition,'le nombre des exposants fut moindre que celui de l'exposition précédente; cependant les récompenses furent plus nombreuses,

La septième eut lieu en 1827, sous le règne de Charles X, 31. le comte de Corbière étant minisire de l'intérieur. Elle occupa quatre galeries construites dans la cour du Louvre; 1684 exposants y lurent admis ; 425 reçurent des médailles.

La huitième date de 1854; elle est la première du règne de Louis-Philippe. Quatre galeries, construites sur la place de la Concorde, reçurent 2447 exposants qui remportèrent 697 médailles.

En 1859, la neuvième exposition compta 5181 exposants, dont 2050 appartenaient au département de la Seine, et 1151 aiix autres départements. Elle eut lieu, sous le ministère de M. CuninGridaine, dans le grand carré des Champs-Elysées. Il y eut 878 récompenses accordées, non compris les rappels des distinctions précédentes.

Ainsi, à Ja première exposition,42 récompenses de premier ordre et 15 du second furent accordées à 111 exposants; la dernière exposition de la restauration, celle de 1827, plus considérable que les précédentes, donna à 1,684 exposants 425 récompenses; enfin, en 1859,5,181 exposants reçurent 878 récompenses. En comparant ces trois époques, le nombre des concurrents el celui des, médailles décernées, on trouve ce résultat, que pour 100 exposants,,on a donné, en 1798, 25 médailles; en 1827, 26; en 1859, 26. :

L'exposition de,1839, comme celle de 1854, offre un nombre de concurrents (l'un tiers plus considérable que l'exposition précédente. En 1827 , on compta 1,684 exposants ; en 1854, il y en eut 2,447, et5,181 en 1859.

Tout annonce que l'exposition qui s'ouvre aujourd'hui continuera ce mouvement ascendant de l'industrie et du progrès.

En 1859, sept départements restèrent éloignés de l'exposition. Ce furent : les Bosses-Alpes, le Cantal, le Cher, la Corrèze, le Gers, le Lot et la Lozère. Les deux colonies,-la Martinique et la Guadeloupe,, y curent chacune un -.représentani.. Le département de la Seine-Inférieure y compta 99 exposants.

Plusieurs nations étrangères ont fondé des expositions semblables aux nôtres. L'Autriche, l'Espagne, le Piémont, le Portugal, lesDeux-Siciles, la Belgique, la Prusse, la Hollande, le Danemark, la Suède et la Russie, ont suivi cette impulsion si favorable au travail et si féconde pour la prospérité des États.

Malgré la superbe et inexplicable résistance de l'Angleterre, n'esl-il pas permis d'espérer que nous verrons, grâce au nombre toujours croissant et à la facilité des moyens de communication, une exposition des produits de l'industrie européenne? Plus lard , peut-être, le travail des deux mondes aura un congrès industriel. L'industrie, cette forme matérielle de l'intelligence humaine, est le véritable lien des nations.

L'exposition de 1844 sera la dixième.


L'EXPOSITION.

EXPOSITION DE i$M.

Jury d'admission,

designé par M. le préfet de la Seine.

Conseil général de la Seine :

Conseil général de la Seine : 3131. Galteaux et Legros.

Académie des Sciences : 3131. Séguier, Gambey, 3Ialhieu, Babinet, Pelpuze, Bcudant et Velpeau.

Académie des Beaux-Arls : 3131. Dumon, Achille Leclerc et Auber.

Chambre du commerce : MM. Pépin le Halleur, Horace Say, Michel et Legenlil.

Conseil de salubrité : 3IM. Payen et Bussy.

Société d'encouragement : 3IM. Frémy, Saulnier et de Laborde.

Société d'agriculture : MM. Héricart de Thury et Busche.

Préfecture de la Seine : un chef de division, 31. Barrière.

Préfecture de police : idem., M. Rieublanc.

Jury central d'examen,

nommé par M le ministre du Commerce.

3131. Arlès-Dufour, négociant à Lyon; Barbet, manufacturier à Rouen ; Berthier, de l'Académie des Sciences, professeur à l'École royale des mines; Bcudin, négociant, ancien député; Blanqui, de l'Académie des Sciences morales et politiques, professeur au Conservatoire royal des arts et métiers ; Brongniart, de l'Académie des Sciences, directeur de la manufacture royale de Sèvres; Michel Chevalier, ingénieur en chef des mines ; Chevreul, de l'Académie des Sciences; Combes, ingénieur en chef, professeur ù l'École royale des mines ; Darcct, de l'Académie des Sciences; Léon de Laborde, membre du comité des monuments historiques; Delamorinière, membre du comité consultatif des arts et manufactures; Deneirouse, manufacturier; Denièrc, fabricant, membre du conseil général des manufactures; Firmin Didot,imprimeur; Dufaud, manufacturier, membre du conseil général des ma nu factures; Dumas, de l'Académie des Sciences; le baron Charles Du pin, pair, de l'Académie des Sciences, professeur au Conservatoire royal des arts cl métiers; Amédée Durand, membre de la société d'encouragement; Léon Feuchère, architecte; Fontaine, architecte, de l'Académie des Beaux-Arls ; Gambey, de l'Académie des Sciences ; GayLussac, pair, de l'Académie des Sciences, el membre du comité consultatif desarls et manufactures; Félix Girod (de l'Ain), député, co-propriélairedu troupeau deNaz; Griolel, manufacturier ;Goldenberg, id.; Guibal-Anncvaule, manufacturier; Hartmann, manufacturier, député; le vicomte Héricart de Thury, de l'Académie des Sciences, inspecteur général des mines; Ingres, de l'Académie des Beaux-Arls; Keillinger, manufacturier à Rouen; André Koechlin, manufacturier, député; Legenlil, négociant, président du conseil général du commerce; Legros, négociant; Mathieu, député, de l'Académie des Sciences; Meynaid, député, membre du conseil général des manufactures; Blimerel, manulnclurier, président du conseil général des manufactures; Moll, professeur au Conservatoire royal desarls el métiers; Morin,

de l'Académie des Sciences, et professeur au Conservatoire royal des arts et métiers; Mouchel, manufacturier, membre du conseil général des manufactures ;Noë (comte de), pair de France; Payen, de l'Académie des Sciences, et professeur au Conservatoire royal des arts et métiers; Peligot, professeur au Conservatoire royal des arts et métiers ; Petit, ancien négociant en soieries à Paris ; Pouillet, député, de l'Académie des Sciences, et professeur au Conservatoire royal des arts et métiers; Reverchon, manufacturier à Lyon; Sallandrouze-Lamornaix, manufacturier, membre du conseil général des manufactures; Savart, membre du comité consultatif des arts et manufactures; Schlumberger, secrétaire du comité consultatif des arts et manufactures; Séguier (baron), de l'Académie des Sciences, et membre du comité consultatif des arts et manufactures; Thénard (baron), pair, de l'Académie des Sciences, et membre du comité consultatif des arts et manufactures; Yvart, inspeceu r général des écoles vétérinaires.

Ce jury central d'examen s'est constitué il y a trois jours. Son bureau, élu au scrutin parmi ses membres, est ainsi composé :

M. le baron Thénard, membre de l'Institut, président;

M. le baron CharlesDupin, membre de l'Institut, vice-président ;

MM. Payen et 3Iorin, membres de l'Institut, secrétaires.

Le jury s'est ensuite divisé en huit commissions : 1° des tissus; 2° des métaux; 5° des arts mécaniques; 4° des arts chimiques; 5» des poteries; 6° des instruments de musique et de précision; 7° des beaux-arts ; 8° des orts divers.

COUP D'OSIL sur les galeries de l'Exposition.

Au premier coupd'oeil, l'exposition de cette année présente des caractères nouveaux et rassurants pour l'industrie de notre pays, quoique tous nos industriels soient loin d'y avoir concouru. Plusieurs, des plus renommés, n'y brillent que par leur absence, qui très-certainement sera peu remarquée, tant le nombre est grand de leurs émules, moins fiers et tout aussi capables.

Quoiqu'il soit assez difficile de juger de l'aspect des galeries au milieu de l'encombrement inévitable qui précède le jour de l'ouverture, nous allons cependant essayer d'indiquer, aussi précisémenl que possible, le caractère particulier de cette exposition. —Le fait capital, celui qui frappera tout le monde, surtout les amis intelligents de l'industrie nationale, c'est le magniliqucdéveloppement de la galerie desarls mécaniques, qui ressemble à un véritable arsenal. La plupart des machines y sont déjà rangées en bataille et se font, remarquer par une richesse d'exécution, une variété d'emplois el une hardiesse d'invention à laquelle nous n'étions point accoutumés. Il y a des appareils de distillation, de raffinage, des machines à raboter, des machines à vapeur à faire le papier, à imprimer sur tissus, à élever l'eau, qui sont admirables. C'est là un symptôme de bon augure, carde la perfection et de la puissance des instruments de travail dépend tout l'avenir de notre industrie.


L'EXPOSITION.

La galerie des tissus sera probablement ouverte et disposée la dernière, en raison de la nécessité de préserver de toute atteinte les nombreux produits qui y seront étalés. Nous ne pouvons les connaître encore, puisqu'ils n'ont pas été déballés, mais nous savons que leur richesse et leur variété répondront à là munificence éclairée de 31. le ministre du commerce, qui leur a réservé une galerie tout entière, formant à peu près le quart de la surface totale du terrain. On parle surtout des progrès qui ont été réalisés dans la fabrication des châles façon de l'Inde, et d'un merveilleux châle sans envers destiné à la reine, châle devant lequel pâliront, dit-on, les plus beaux produits de Cachemire. Les impressions de Mulhouse et de Rouen, les draps d'Elbeuf et de Sedan, les mousselines de Tarare, les étoffes composées pour meubles et tentures, les tapis, ont fait de grands progrès. Nous aurons aussi beaucoup à louer la fabrication du linge de table, et une foule d'articles nouveaux de Reims, de Turcoing et de Roubaix. Lyon a dignement soutenu sa vieille gloire. Les oeuvres que nous avons vues (le mot n'est pas trop ambitieux pour d'aussi belles choses) prouveront que si l'étranger peut nous disputer la palme pour les tissus unis, Lyon demeure toujours la ville sans rivale pour les tissus façonnés. A cette occasion , disons que l'on a vu avec plaisir que le gouvernement avait dignement apprécié le rang de cette laborieuse cité, en appelant deux de ses citoyens les plus distingués, MM. ArlèsDufour et Reverchon, à faire partie du jury central.

L'orfèvrerie parisienne a profité des découvertes-récentes de la science chimique, et nous étalera à profusion de charmants colifichets el des ustensiles commodes à bon marché.

La fabrication des armes n'a pas justifié les promesses pompeuses de tous les fusils à système que le jury a encouragés il y a cinq ans; et quoiqu'on nous annonce un fusil à tirer cent coups sans amorcer, nous comptons rester fidèles au fusil ordinaire. Nous tenons pour mort tout homme condamné à tirer cent coups de fusil pour sa défense.

La lithographie se distingue par des épreuves de la plus grande beauté. Les papiers peiuls offrent des dessins plus agréables que certaines peintures qui ont été admises au Salon de cette année. De nouvelles reliures, d'un goût exquis et d'une forme originale, réjouiront les bibliomones fatigués du vcauelda maroquin. La porcelaine et les cristaux, toujours beaux, mais toujours chers, se sont enrichis de quelques améliorations de détail dans les procédés de fabrication.

Nous attendons les expériences qui seront faites sur les papiers, pour nous prononcer sur le mérite de l'abaissement des prix dont on avait fait grand bruit à l'exposition dernière. Le plâtre joue aujourd'hui un si grand rôle dans celle industrie, que certains livres se cassent comme nos plafonds se fendent, tandis que d'autres tombent en poussière au bout de quelques mois. Est-ce dans l'intérêt de la librairie ou dans celui de la postérité, que cette belle invention du papier de plaire a été encouragée? Nous l'ignorons; mais nous ferons connaître l'effrayante variété de matières avec lesquelles on ose aujourd'hui faire du papier. On en fera bientôt avec tout, excepté avec des chiffons.

Les fabricants de meubles n'ont pas encore exposé leurs produits; nous ne pouvons donc savoir si celle année on sera retourné augoùl de l'Empire ou aux formes de la Renaissance. Il est à craindre que le Louis XV ne domine, et que le rococo n'envahisse une partie de la galerie des meubles. Nous avons vu des

imitations de vieux, en bois de rose, à faire pâmer d'aise nos grandmères, et peut-être aussi leurs petites-filles.

Érard nous promet des mervilles. Ses pianos, qui sont de véritables orchestres, écrasent aujourd'hui, par la puissance de leurs sons.tous les pianos de l'Europe. Que vient-il faire a l'exposition? N'a-t-il pas établi ses pianos avec succès dans les principales villes du monde, à Londres même, où sa fabrique brave depuis plusieurs années les Broadwood elles Clémenti?

Le jury d'admission a sagement fait de chasser du temple de l'Industrie une foule de petits marchands parasites qui encombraient, en 1859, la galerie des arts divers, et qui faisaient distribuer par des demoiselles de comptoir leurs adresses, enlevées avec fureur par les provinciaux. Nous n'aurons cette année ni perruques en fil de fer, ni le Louvre en pain d'épices, ni des saulespleureurs en cheveux blonds. Le jury a même décidé que M. Susse, M. Giroux, et autres marchands de charmants bric-à-brac anciens et modernes fabriqués par autrui, ne seraient admis que pour les objets de leur spécialité, tels que boîtes à couleur, porte-plumes, encriers syphoïdes, et autres curiosités. Désormais les petits fabricants pourront bien vendre leurs oeuvres, mais non plus leurs titres, aux gros marchands. Le jury a prétendu que c'était à la mer seulement, et par conséquent sous l'eau, que les petits poissons devaient être mangés par les grands. Cette mesure équitable et salutaire , si favorable aux intérêts des travailleurs, sera de notre part l'objet d'un article particulier.

ECOLE DENTELLIERE

de Valenciennes*

L'industrie des dentelles dites valencienncs a pris naissance, son nom seul l'indique, dans la ville de Valenciennes. Depuis nombre d'années, sans qu'on-s'explique pourquoi, celle industrie y est éteinte ; elle a passé en Belgique, où elle contribue efficacement au bien-être de la classe ouvrière, en même temps qu'elle est devenue pour ce pays une source féconde de richesse.

Un industriel habile, qui est en même temps un homme de coeur, deux choses qui s'allient parfaitement ensemble, 31. Le Boulanger, fabricant de dentelles, 24 rue du Mail, à Paris, a conçu l'heureuse et généreuse idée de ramener à son berceau cette industrie qui fut autrefois nationale chez nous, et ainsi d'atteindre un double but : premièrement, d'affranchir la France du tribut qu'aujourd'hui elle paie à la Belgique pour cette sorte de produits; en second lieu, de doler Valenciennes et ses environs, où les classes populaires sont tant à plaindre, d'une industrie pour les femmes, ce dont le pays est entièrement dépourvu.

A cet effet, M. Le Boulanger a obtenu de la commission administrative des hospices de la ville la concession d'un vaste local, propre à contenir de mille à douze cenls personnes, cou-


L'EXPOSITION.

cession qui a été ratifiée, nous nous plaisons ù le dire, par l'autorité centrale; et dans ce grand local, il a établi une école dentellière, à la tète de laquelle il a placé, pour l'administrer en son absence, une personne éclairée, ayant le titre de directrice générale. Ce n'est pas tout: pour former de bonnes ouvrières, il faut nécessairement des maîtresses habiles. Qu'a fait 31. Le Boulanger? A grands frais-et au prix de sacrifices considérables, il a appelé des fabriques de Belgique, pour remplir ces fonctions, des femmes d'un talent généralement reconnu et renommé en ce travail spécial.

11 y a donc aujourd'hui à Valenciennes une école dentellière, dont la fondation remonte à 1841, el qui occupe déjà plus de trois cents ouvrières. Ces ouvrières, quelles sont-elles? des femmes? Non : ce sont des enfants. Ce seul fail révèle la portée et laisse entrevoir l'avenir de l'idée industrielle; elle est néanmoins, sans être affaiblie cependant, dominée quant à présent par la pensée charitable.

Dans celte école sont admises de droit, c'est une des conditions de la concession du local, toutes les jeunes orphelines des hospices, ces pauvres enfants sur le sort desquels tant d'hommes ne peuvent arrêter.leur pensée sans éprouver un serrement de coeur et un grand trouble dans leur conscience. En outre, toutes les petites filles de six ans y sont reçues : c'est l'âge auquel elles sortent des salles d'asile. Là, tous ces enfants du malheur et de la misère, et parmi eux quelques-uns auxquels on donne la dérisoire et scandaleuse qualification d'enfants de l'amour; là, ces pauvres petites et innocentes créatures sont admises au bienfait de l'instruction primaire, au bienfait plus grand d'une éducation religieuse, en même temps qu'on leur apprend un métier. Tout à la fois on développe leur intelligence en l'exerçant par l'élude ; on les initie à la foi chrétienne, principe de toute vertu el source inépuisable de--consolations* -et on leur enseigné-le travail auquel ils devront un jour le bien-èlrc et, plus encore, l'indépendance, de laquelle émane la dignité humaine.

Pour stimuler le zèle de ces infortunés petits enfants, toujours moins à plaindre cependant à mesure qu'ils grandiront, pour leur donner de l'émulation, le chef habile et bienfaisant qui a courageusement accepté le fardeau de leur apprentissage et ouvert devant eux la voie laborieuse, ce droit chemin des honnêtes gens où jamais nul ne s'égare, ce chef, dont ils devront bénir le np.ni, a établi des primes journalières dans chaque classe, et institué quatre distributions de prix annuelles auxquelles concourent tous les élèves. La plus importante de ces distributions a lieu au mois d'août, h la fin de l'année scolaire; elle se fait avec une pompe el une solennité convenables à tous égards, surtout en ce qu'elles frappent l'imagination impressionnable et vierge de ces petites ouvrières. Le maire la préside, assisté des autorités de la ville et avec le concours du clergé, qui ne faillit jamais à une bonne oeuvre. Tous les enfants étant indigents, les prix qu'on leur distribue se composent de vêtements à leur usage. C'est une prévoyante et utile pensée ; et pourtant, quelle cruelle cl précoce leçon de malheur donnée à un enfant quand, après une année de travaif, on lui remet, à litre de récompense, une chemise! Pauvres petits enfants!

Aux dentelles de sa fabrique deBayeux qu'exposera, celte année, 31. Le Boulanger, il adjoindra quelques coupes de valenciennes faites par ses jeunes élèves; non pas certes pour établir une comparaison

comparaison impossible avec celles de Belgique, mais pour montrer ce que peuvent faire, après deux années de travail, des enfants bien guidés el bien appris, et ce que l'on peut attendre d'eux dans un avenir rapproché; pour constater surtout l'état d'une industrie nationale que ses efforts tendent à relever de sa déchéance, el dont il parviendra, il n'en faut pas douter, à rétablir la suprématie. Une oeuvre si intelligente dans son principe, si louable dans ses moyens, si bienfaisante dans ses résultats, si patriotique dans son but, une telle oeuvre sera couronnée de succès. Dieu le voudra!

Pourtant on se demande si, à une entreprise si belle, si généreuse et si patiente, un seul homme peut suffire, quels que soient ses forces, son dévouement et son courage; et pourquoi, parmi les grands de la terre, nulle main puissante ne lui vient en aide pour accomplir son oeuvre el atteindre son but. Qu'on se rassure. Le génie bienfaisant qui règne sur la France a étendu ses ailes jusque sur l'école dentellière de A'alenciennes. Oui, notre Heine vénérée, cette femme si noble, si pieuse et tant éprouvée, qui a des sympathies pour toutes les in fortunes, des consolations pour toutes les douleurs, des prières pour tous les malheureux, des aumônes pour toules les misères; oui, la Reine,.si dignc.de l'être, adonné son auguste patronage au pieux et tutélaire asile que 31. Le Boulanger a ouvert à de pauvres enfants déshérités.

Et vous, mesdames, ne voudrez-voiis pas suivre un exemple qui vous est donné de si haut? vous qui avez celte froide et facile vertu de danser au profit des indigents, qui vous divertissez à leur intention, quand vous savez cependant qu'ils soutirent le froid et la faim,'pourquoi ne remetlriez-voiis pas en grande faveur la mode des valenciennes françaises? votre coquetterie ne pourrait qu'y gagner, et vous feriez ainsi, à voire manière, acte de patriotisme el de charité.

Et vous, hommes d'État qui présidez aux deslins de la France, n'estimez-vous donc que les conquêtes qui se font avec l'.épée?. n'appréciez-vous que les oeuvres qui Se manifestent par la pierre ou le marbre, on qui se traduisent sur la toile? Vous avez des récompenses pour tous les services; les seuls industriels ne vous en demandent pas; ils ne veulent et ne peuvent devoir le prix de ; leurs travaux qu'au, public. Est-ce une raison pour vous montrer ; si avares envers eux de ces distinctions honorifiques dont vous êtes si prodigues envers d'autres moins méritants? Quand vos faveurs s'adressent souvent à des tartufes de philanthropie ou à,des paperassiers subalternes, comment paraissez-vous craindre de les multiplier chez nos fabricants et nos manufacturiers, eux qui rendent tant de pays tributaires du nôtre, eux qui rachètent parle travail tant de familles de la misère et tant d'enfants du vice, eux qui, plus que tous autres, fécondent la richesse de l'État, eux enfin qui, en occupant des milliers de bras, contribuent si efficacement au maintien du bon ordre et de la paix publique? Ne vous montrez pas ingrats envers ces hommes d'élite, dont les entreprises profi tcn.t à tous avant de profi 1er à eux-mêmes ; vous vous honorerez en les honorant; mais, pour leur rendre justice, prenez la peine de vous enquérir de leur mérite et de leurs actions, car de ces hommes, vous n'aurez jamais à subir d'importunilés. Quel que soit le grand prix qu'ils attachent à une distinction du gouvernement de leur pays, ils veulent cependant la recevoir de haut et pouvoir respecter les mains qui la dispensent; ils y renonceraient pour toujours si, pour l'obtenir, il fallait l'attendre dans une antichambre.


L'EXPOSITION.

VARIETES.

HE. Tiilou,

Flûte, professeur de flûte et marchand de flûtes.

31. Tulou, comme artiste, jouit d'une renommée légitime qui date de trente ans. Tout le monde a entendu parler par quelques vieux amateurs de l'effet que produisait sur le public sa flûte merveilleuse, comme on disait à cette époque déjà éloignée, lorsqu'on donnait à l'Opéra le Rossignol, -cette oeuvre qui, en ce temps-là, a été un titre académique pour son auteur, 31. Etienne, lequel siège aujourd'hui à la chambre des pairs, on ne l'ignore pas.

Comme professeur, 31. Tulou s'est acquis aussi une juste réputation , nous nous plaisons à le reconnaître. Il a fait de nombreux et de bons élèves.

31ais pour se bien servir d'un instrument, s'ensuil-il que l'on soit capable de le fabriquer? 31. Tulou n'a très-certainement pas la prétention de faire croire qu'il soit devenu luthier. Pourquoi donc exposer sous son nom des produits qu'il ne fait, ni ne sait faire? Dans ce cas, ne serait-il pas convenable, tout au moins, de dire : Instruments exposés par 31. Tulou et confectionnés par 31. Eymond, par celui, enfin, qui travaille, qui a le savoir-faire, qui tourne la grcnadille et l'argent, qui ajuste les pièces et polit, et qui fait dans une longue mesure un percement calculé et réduit avec précision , pour arriver, après le montage de toutes les pièces et l'ajustement de toutes les clefs, à en obtenir des sons d'une rigoureuse justesse. A chacun sa part : celle de 31. Tulou, comme artiste et comme professeur, est assez belle ; qu'il n'empiète pas sur celle d'autrui. Quand on a une renommée propre et méritée, pourquoi vouloir en usurper une que l'on serait incapable de justifier. Que les souvenirs laissés, comme luthier, par le bon et habile Bélissent, justement regretté, comme homme, de tous ceux qui l'ont connu, ne troublent pas le sommeil de 31. Tulou. Quand on sauraitque l'atelier connu sous le nom de 31. Tulou est dirigé par l'élève bien-aimé de l'ingénieux Bélissent, par 31. Eymortd , les produits qui en sortent n'en seraient que plus estimés et recherchés. Pourquoi donc, ne pas le dire?

Jouer de la flûte et enseigner la flûte , n'est-ce pas assez déjà , que 31. Tulou a voulu encore vendre des flûtes, et veut, qui pis est, faire croire qu'il sait fabriquer des flûtes?-Que vous seriez embarrassé, 31. Tulou, ne vous en défendez pas, si, pour jouer delà llùlc, vous n'aviez que celles que vous confectionnez vousmême!

IVanoléon et ]?■• Raoul.

Un homme recommandable à tous égards, M. Raoul, fabricant île limes, vient de mourir; il a été, dans sa jeunesse, le héros d'une aventure que nous nous plaisons à rapporter.

Napoléon, n'étant encore que premier consul, entendit parler avec le plus grand éloge de 3f. Raoul, qui, par un nouveau procédé de fabrication pour les limes, nous avait affranchis d'un impôt que nous avions jusqu'alors payé à l'industrie anglaise, et, depuis, avait même rendu l'Angleterre tributaire de la nôtre. Voulant constater par lui-même le mérite de l'inventeur et de l'invention, Napoléon mit dans sa poche une lime anglaise el se rendit incognito chez 31. Raoul. Après quelques paroles fort brèves, le

premier consul pria 31. Raoul de lui montrer quelques-unes de ses limes. 11 les examina fort attentivement, et, à plusieurs reprises, exprima sa satisfaction ; puis, tirant de sa poche la lime anglaise qu'il avait eu soin d'apporter, il exprima le désir de s'assurer par une épreuve de la supériorité du nouveau procédé de 31. Raoul. Celui-ci y consentit avec le plus grand empressement. Le premier consul introduisit successivement dans une gaîne ou fourreau fait pour ce genre d'épreuve la lime anglaise et la lime française, et leur fit subir un assez long frottement. La première, en sortant, n'offrit plus qu'une surface parfaitement unie; la seconde, celle de M. Raoul, reparut intacte.

« Bien! monsieur! très-bien! Voilà une belleconquète pour l'industrie française! »

Ensuite, se rapprochant de lui, Napoléon ajouta : ■ •— « Slallieureusément, vous avez affaire à un pays qui encourage peu les inventions utiles, qui désespère par son ingratitude ou son indifférence les hommes qui l'enrichissent du fruit de leurs méditations et de leurs travaux. Que n'allez-vous en Angleterre porter votre admirable invention? C'est là que vous seriez encouragé, magnifiquement récompensé! Quelle différence! Ils comprennent cela bien mieux que nous.

— Moi ! monsieur,, s'écria Raoul, que je vende mon secret aux Anglais! Ah ! plutôt'l'anéantir avec toutes ces limés que vous voyez là ! » Napoléon, transporté, contint ses sentiments. —- « Eh bien! donc, monsieur Raoul, dit-il, permettez-moi au moins d'acheter deux ou trois de vos limes. »

Après les avoir payées et adressé quelques compliments à l'honorable industriel, il se retira.

Lé lendemain, 31. Raoul recevait cinquante mille francs, avec un brevet d'invention ; et un local convenable pour l'exploitation de sa précieuse industrie, était mis â sa disposition.

Association de fabricants et d'artisans.

Depuis plusieurs années déjà il existe une associai ion de fabricants el artisans poiir l'adoption des orphelins des deux sexes. Cette association, si louable en elle-même, si bienfaisante dans son objet, tiendra son assemblée générale annuelle dimanche prochain, 5 mai, à une heure précise, dans la nouvelle salle de l'Hôtel-deVille, sous la présidence de 31. le baron Charles Diipin, pair de France. Les élèves de l'Orphéon exécuteront plusieurs morceaux. La séance sera terminée par le tirage d'une loterie. La famille royale, qui, celle année, a donné à l'association une somme de 800 fr., soit directement, soit par l'intermédiaire des dames quêteuses, a envoyé de très-riches lots. Les personnes qui voudraient y joindre les leurs ou prendre des billets de loterie, et toutes celles que leur position de fortune met à même de le faire doivent le vouloir, pourront s'adresser à 31. 3Iicbelot, président, rue de la Chaise, 24.

Sauvetages pour les naufrages et les incendies.

Les deux inventions que nous allons signaler, méritent, quoiqu'elles appartiennent à un pays étranger, de fixer chez nous l'attention publique; car elles ont pour but de prévenir les périls de mer elde combattre les incendies.

Voici en quels termes parlent des expériences auxquelles elles


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L'EXPOSITION

ont été soumises, les journaux des localités où elles ont eu lieu :

OSTENDE.—c Lundi, à bord de la goélette de l'État Louise-Marie, commandée par M. le lieutenant de vaisseau Petit, nous avons assisté à l'expérience du Matelas de sauvetage. Ce moyen de sauvetage consiste dans une espèce de matelas en toile commune, remplie d'environ dix kilogrammes de liège broyé, formant un corps de six pieds de long sur trois de large et d'une épaisseur de quatre pouces. — Le matelas, ayant été jeté dans le bassin, calait à peine un pouce; un des marins de la Louise-Marie sauta à l'eau et se dirigea vers le but de l'expérience. L'ayant atteint, il s'y cramponna de toute manière, y monta de tous côtés, s'y tint dans un équilibre parfait, et s'y coucha en long et en large, sans pouvoir parvenir, malgré tous ses efforts, à faire enfonceivd'un demi-pouce de plus la partie du matelas sur laquelle s'appuyait le poids de son corps. Eufin, il le dirigea, en employant ses mains comme avirons, dans toutes les directions.

« Cematelasestd'une utilité indispensable pour la marine comme moyen de sauvetage, ensuite très-convenable à être employé comme coucher à bord des navires, le liège broyé étant infiniment plus élastique que la paille, le foin ou la paille coupée. »

BRUXELLES. >— « Nous venons de voir fonctionner la machine de sauvetage en cas d'incendie, nommée le Sauveur, dont 31. le major d'artillerie Kessels est l'inventeur. Cette machine a été conduite devant les hôtels de MM. les ministres, et là, en un clin d'oeil, les pompiers se sont misa l'oeuvre, comme s'il s'agissait de combattre l'incendie. La machine, qui se plie en deux parties par des charnières, a été déployée en un instant, et s'est élevée jusqu'aux étages supérieurs. A l'aide d'un pont de secours qu'on fait monter et descendre à volonté pour atteindre les rampes des croisées, les pompiers se sont introduits dans les appartements, et en ont retiré plusieurs personnes qui s'y étaient placées, au moyen des coffrets de sauvetage qu'on laisse glisser dans les coulisses le long de la machine, dans la rue.

« Tandis que plusieurs pompiers étaient occupés à sauver des personnes, quelques autres échelonnés sur le Sauveur faisaient le simulacre de combattre les flammes, en dirigeant les lances de leurs pompes en face des croisées. Ce que cette ingénieuse machine offre d'avantageux, c'est qu'elle peut toujours faire face à T'incendie, sans avoir besoin de l'appui des murs, s'approchant ou s'éloignant à volonté, de manière que les pompiers élevés ainsi peuvent toujours dominer Je feu au lieu de lancer l'eau de bas en haut, comme cela se pratique presque toujours par les moyens ordinaires. »

DESSINS.

MJMÉRO 1.

Pièce de milieu d'un surtout de table, en vermeil.

Il est bien rare aujourd'hui de trouver, dans un genre de fabrication aussi compliqué que celui de l'orfèvrerie, un véritable fabricant, c'est-à-dire nn homme qui à la fois conçoive et exécute luimême ses oeuvres. Quand l'esprit de spéculation exalte tant d'imaginations et détourne du droit chemin lant de jeunes gens, quand l'appât du gain encombre nos magasins au détriment de nos ateliers,

ateliers, n'est peut-être pas mal à propos de faire ressortir l'énorme différence qui existe entre ceux qui fonl et ceux qui font faire, entre celui qui crée et celui qui vend, entre l'artiste et le marchand. M. Langlet, orfèvre, rue Bourg-Labbé, 52, est du petit nombre des premiers. Il travaille encore comme travaillaient autrefois ses confrères; pour tout dire en un mot, il procède aujourd'hui dans son art comme procédait, il y a près de trois siècles, le plus glorieux de ses devanciers, Benvenuto Cellini. Il compose d'abord, à l'aide du dessin, chacune des pièces de son modèle, et il en exécute ensuite lui-même toutes les parties. De cela, il résulte que tous les détails de son projet sont empreints du même cachet, en même temps que dans son ensemble il y a cette harmonie parfaite qui constitue une oeuvre d'art.

La gravure qui accompagne notre numéro de ce jour a été exécutée d'après le modèle d'une pièce d'orfèvrerie que M. Langlet a fait admettre à l'exposition industrielle. Elle représente une coupe du genre le plus élégant de l'antique. Cette coupe, remplie de fleurs et de fruits, est supportée par une tige à quatre volutes, ornées de lierres et de feuilles, et sur chacune desquelles est assis un enfant. Autour, et sur le socle terminé en trépied, sont posées quatre bacchantes enlacées, qui forment un groupe du plus heureux effet. Les ornements du socle, pleins de délicatesse et de légèreté, et du travail le plus fini, consistent en une riche guirlande de fruits. Celle oeuvre, destinée à être placée comme pièce de milieu sur une table splendide, appartient tout entière à M. Langlet, qui l'a dessinée, exécutée en argent, ciselée et montée lui-même. Elle lui fait le plus grand honneur.

31. Langlet est un de ces artistes comme il serait désirable qu'on en rencontrât en plus grand nombre dans les arts qui s'appliquent à l'industrie; car les hommes du monde, lorsqu'ils commandent un objet de goût et de grande valeur, aiment généralement à suivre les progrès de sa confection, et cela ne leur est permis que lorsqu'ils peuvent s'adresser à un seul el même producteur. On a du plaisir à soumettre ses idées à l'artiste qu'on occupe; il serait fatigant d'avoir à visiter dix travailleurs différents. Aussi, dans la généralité des cas, a-t-on recours à un intermédiaire, c'est-à-dire à un marchand qui reçoit des ordres et les fait exécuter, annulant ainsi malheureusement, et à son profit, cette sorte de confraternité qui existe entre les hommes qui aiment el les hommes qui cultivent les arts.

M. Langlet, déjà récompensé par le jury de l'exposition de 1859, recevra de même, nous n'en doutons pas, du jury de l'exposition de 1844, le prix légitime de ses consciencieux travaux, la récompense due à son talent hors ligne.

«110 2. Couverture de livre. — Sculptures en ivoire.

Ce modèle de reliure est, pour ainsi dire, une illustration matérielle ; il a toute l'apparence d'un petit monument. Les ornements, sculptés en ivoire, représentent divers faits mémorables du règne de Napoléon.

Ce livre, commandé par S. A. R 31. le duc d'Orléans, de si regrettable mémoire, fait partie de la bibliothèque qu'il a léguée à son fils, 31. le comte de Paris.

XiE BOVTEIILER, Directeur.

Paris. — Typographie LACIUMPK el Comp. rue Dainictlc, 2.






L'EXPOSITION.

SOMMAIRE.

Texte : Exposition de 18il : — Première visite du Roi ; — Aperçu général ; — Glaces el verres de couleur de M. Radiguet ; — Insliumcnls d'oplique de M. Buron>; — Maison Delamarclie. — Industrie parisienne : De la fabrication de l'orfèvrerie el de la bijouterie.— Un inventeur au dix-neuvième siècle : M. Quentin-Durand. — Les marchands exclus du palais de l'industrie. — Dessins : Appareil distillaloire; — Candélabre à six branches, en plaqué ; — Modèle de chaise en 1er creux. Gravures : Numéro 1. — Appareil distillaloire de M. Derosne.

Numéro 2. — Candélabre à six branches, en plaqué, de la fabrique de MM. Veyral. Numéro 5. — Modèle de chaise en fer creux des atelier» de M. Gandillot.

EXPOSITION DE 1845.

Première visite du Moi.

Le samedi 4 mai, le Roi est allé pour la première fois visiter les galeries de l'exposition des produits de l'industrie. Il était accompagné de S. 31. la reine ; de S. A. R. madame la duchesse de Kent, mère de S. 31. la reine d'Angleterre ; de S. A. R. madame la princesse Adélaïde d'Orléans; de trois de ses fils : LL. AA. RR. 3131. le duc de Nemours, le prince de Joinville, et le duc de 31ontpensier; des lieutenants généraux el officiers d'ordonnance composant son étal-major; du préfet de la Seine cl du préfet de police.

A son entrée, le Roi a élé reçu par MM. les membres du jury ccnlral cl 31. le directeur des galeries de l'exposition; et il a été accueilli parla foule des exposants avec des témoignages du plus grand respect et les marques éclatantes de la plus vive reconnaissance. On se pressait les uns les autres pourvoir Sa Majesté de plus près. Chacun voulait contempler cette royale famille, la première de la France par les vertus, parle courage, parla beauté, comme elle en est la première par le rang. Tout le monde était désireux d'approcher du chef de l'Etat ; on se portait avec empressement à sa rencontre pour s'incliner respectueusement, et aussi affectueusement, devant cet homme tant éprouvé, devant ce roi dont la sagesse est proverbiale, qui a tanj. de qualités éminenles et tant de mérites divers, dont les services si nombreux et si grands, s'ils sont discutés par quelques-uns, ne sonldu moins contestés par personne. Tous les esprits étaient, préoccupés par une même pensée ; chacun se disait, en admirant celte splendide exposition, en voyant les progrès, les nouvelles découvertes, el tant de merveilles de notre industrie nationale, on se disait que ces progrès el ces riI81L 15 MAI. %ï\

chesses, et celte exposition môme, la troisième du règne de LouisPhilippe el la plus belle de toutes, on se disait que tout cela était le résultat d'une longue paix, et que le maintien de la paix était dû à la bonne et haute direction que le Roi imprime aux affaires publiques. Et Cela est vrai.

Pour les industriels, pour ces laborieux soldats de la paix , pour ces actifs conquérants qui reculent incessamment les limites de .l'intelligence, le Roi n'est pas seulement le premier homme du pays en vertu du litre que la nation entière lui a décerné par acclamation ; il n'est pas seulement le premier politique du royaume par la sagacité de son esprit, par la sûreté de son jugement, par la variété de ses connaissances, et particulièrement par la connaissance spéciale du personnel diplomatique de l'Europe; il n'est pas seulement le premier elle plus digne des chefs de famille par sa soumission à la règle et sa dévotion au devoir: il est encore, par l'activité de sa nature, par le bon emploi de sa vie, si longue et si pleine, par la bonne ordonnance de ses jours, chargés de tant de soins, le Roi est encore à leurs yeux le premier des travailleurs de la France. Ce titre, que le Roi ne déclinerait pas, ce tilrc, parmi tant d'autres, commande l'estime de tous ces fils de leurs propres oeuvres, en même temps qu'il éveille leurs sympathies pour le souverain qui porte dignement et sans faiblir la glorieuse et lourde couronne de leur pays. Aussi ont-ils accueilli sa visite à l'exposition avec joie et avec confiance, comme la visite du plus haut placé et du plus équitable de leurs pairs, qui venait ce jour-là juger de leurs efforts et de leurs progrès, pour revenir plus lard récompenser leurs travaux.

Cependant la première revue que le Roi a passée des produits de l'industrie n élé fort sommaire. On peut dire, avec vérité, qu'il a tout vu et qu'il n'a rien vu. Il a toul vu, car il a jeté un rapide coup (I'OMI sur tous les objets exposés, car il a parcouru toutes les galeries, dans lesquelles, on l'a calculé, il a fait près de deux

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L'EXPOSITION.

lieues; et cela, sans ressentir ni lassitude ni gène, avec facilité, avec entrain, tout comme eût pu faire un jeune homme; en paraissant même éprouver du plaisir à se livrer à cet exercice, en laissant paraître sa satisfaction pur la rayonnante expression de sa physionomie, et en témoignant çù et là l'intérêt plus particulier qu'il prenait à certains produits, par quelques bonnes et encourageantes paroles adressées aux hommes qui les ont ou inventés ou perfectionnés. Sous ce rapport, il a donc tout vu. D'un autre côté, cependant, il n'a rien vu, car le temps lui a manqué pour apprécier à loisir et avec détail, soit une oeuvre particulière, soit une branche spéciale d'industrie. Le Roi, dans cette première visite, n'a voulu évidemment que se former un jugement sur l'ensemble de l'exposition. Ainsi s'explique la manière dont il l'a faite. 3Iais, à différentes reprises, il viendra revoir les exposants et l'exposition, et alors son examen et son attention se porteront tour à tour sur chacune des parties dont se compose notre merveilleux faisceau industriel.

Puisqu'il nous a été donné de faire la même course que le Roi dans les galeries de l'exposition, procédons comme-il a procédé lui-même :on peut suivre un plus mauvais exemple. Envisageons d'abord l'exposition dans son ensemble; les détails viendront après.

Aperçu général.

Sous le grand péristyle, immédialement après les pavillons destinés au Roi et au jury central, il y a une première et vaste galerie qui le traverse. Prenons d'abord la droite de celle galerie, comme a faille Roi.

Là se trouvent les principaux articles des fabriques de Paris. On remarque sur-le-champ et en première ligne des meubles du meilleur goût el du travail le plus achevé, dus à 31. Al lard, el une variété infinie d'objets d'ébénislerie que nous apprécierons en détail. Au-dessus sont placés des lapis d'une nouvelle invention , dont l'effet a quelque chose de merveilleux et qui sont l'oeuvre de 3181. Vaysson et Porret. Les entre-deux des pilastres sont remplis, il serait plus vrai de dire sont ornés, par des stores aux mille couleurs, aux dessins les plus capricieux et Jes plus originaux, vt par des vitraux d'église devant lesquels, involontairement et pendant longtemps, on reste en état d'admiration. Le milieu de cette galerie est garni par les meubles de luxe , des billards de diverses fabriques, par conséquent de travail différent; nous reproduirons très-prochainement parla gravure un des plus beaux modèles de ces meubles élégants s'il en est. A côté, sont placées des tables de toutes sortes, — tables à ouvrage, tables à thé, tables-toilettes, guéridons, — variées par leur forme autant que parleur objet, el variées plus encore par les différents bois appliqués à leur confection.

A l'extrémité, il y a, rangée sur plusieurs lignes, une véritable armée de pianos : pianos à queue, pianos carrés, pianos droits, pianos à cordes obliques et à cordes verticales, pianos de toutes sortes, de toute forme, de toute dimension, de tout prix; pianos d'Frard, de Pleyel, de Ilcrz, de Pape et de vingt autres! Il y a enfin d'innombrables pianos, sans compter les pianinos.

En remontant, la longueur de l'aile droite, on trouve encore quantité d'articles de Paris; ce sont In parfumerie, la brosserie, les cartonnages, la reliure, la typographie, les instruments de musique de toute nature : trompettes, cornets, harpes, harmonium,

harmonium, flûtes, clarinettes, etc., etc. Du côté opposé, ce sont les broderies sur canevas; les tapis en feutre, ingénieuse invention dont l'usage sera bientôt général et que son bon marché rendra même populaire en quelque sorte ; ce sont encore les papiers peints, dignes d'attention à tous égards et auxquels nous consacrerons un long article dans notre prochain numéro; ce sont ensuite les jouets d'enfant, industrie moins futile et plus considérable que son objet ne semble l'indiquer.

Revenus au point de départ de cette galerie pour visiter son côté gauche, on voit, on admire les magnifiques glaces delà manufacture royale, dirigée depuis près de trente ans par M. Combes avec une habileté et un succès qui ont désespéré tous les rivaux et qui en ont fait un établissement unique chez nous et un établissement hors ligne par sa bonne administration, par sa richesse et sa grandeur. La manufacture royale a exposé plusieurs glaces de la plus grande pureté et de la plus haute dimension, deux, entre autres, placées aux angles de la première galerie, du prix pour chacune d'elles de 6,500 fr. — La manufacture royale des glaces fait trop d'honneur à notre industrie nationale, son origine est trop curieuse et ses progrès trop intéressants à suivre, pour qu'elle ne soit pas de notre part l'objet d'une appréciation détaillée. On trouvera son historique dans une de nos prochaines livraisons.

Or donc, du côté gauche de cette première galerie sont placés les instruments de précision, d'optique et de mathématiques, des nécessaires, des coffrets de voyage, des bronzes, des sculptures en carton, des parquets, des lunettes, des fouets, cravaches, ombrelles, parapluies, et quantité d'autres objets dont rémunération serait trop longue, et qui appartiennent toujours à la fabrique de Paris ; car elle seule fournit la moitié et plus des produits admis à l'exposition. A l'extrémité se trouvent les briques, la poterie, les faïences, les cristalleries, la bijouterie, l'orfèvrerie, les cheminées, le carton-pierre, elles sculptures.

On entre alors dans une galerie parallèle à la première, et l'on y voit les plus beaux bronzes, oeuvres d'art remarquables pour la plupart et par leur dessin et par leur exécution ; puis, les lampes, les lustres, les cuivres estampés, les ivoires, la tabletterie, Jes Heurs, les émaux, les porcelaines, la gaînerie, la coutellerie, etc., etc.

Après avoir fait cette inspection, déjà longue, dans l'ordre que nous avons indiqué, on est nécessairement revenu au milieu même du palais industriel. Alors se présente à vous, pour éblouir vos yeux, pour frapper votre esprit d'étonnemcnl et subjuguer votre imagination, la galerie carrée, vaste el immense, qui contient toutes les merveilles de l'art mécanique. Une apprécialion détaillée, si exacte el minutieuse qu'elle soit, du mérite, de l'objet et de la parfaite exécution de ces ingénieuses et magnifiques oeuvres, ne donneraitqu'une faible idée de ce qu'elles sont, ne rendrait pas surtout l'effet grandiose que produit leur splendidc réunion. Il serait dérisoire et impie de se borner à en faire une énuméralion succincte. Il faut les étudier une à une; il faut les voir et les revoir; on ne saurait jamais s'en lasser. A part son côté utile et instructif, c'est le plus curieux el le plus attrayant spectacle que l'oeil puisse contempler et qui se puisse graver dans l'esprit.

Les progrès faits dans l'art mécanique constituent le fait capital de l'exposition de 1844. Entre tous les producteurs, le premier rang, la mention d'honneur, appartiennent incontestablement à


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nos mécaniciens. Nous ne parlerons certes pas comme il convien- : drait de le faire, avec science et avec autorité, de ces utiles, de ces ingénieux et gigantesques appareils, mais nous parlerons de chacun d'eux avec conscience, selon la portée restreinte de nos connaissances ; et nous écrirons toujours le nom de leurs inventeurs avec respect, quelquefois avec admiration. Nous'reproduirons aussi par la gravure les principaux modèles de ces chefs-d'oeuvre. Notre livraison d'aujourd'hui en contient un déjà, et ce n'est certes pas le moins remarquable de ceux qui composent la galerie des mécaniques.

Aux deux extrémités de cette galerie principale sont placés, d'un côté tous les appareils d'éclairage, les phares, les horloges, les plus nouveaux et les plus savants mécanismes; de l'autre côté sont les marbres, les stucs, les peintures sur papier imitant le marbre avec une telle perfection qu'il est impossible de croire, en les voyant, qu'on ne voit pas du marbre même; puis les plâtres, les ornements d'architecture, les plans en relief, les voitures ; — et tout autour, sur un long développement, se trouve la métallurgie: les fers, les cuivres, les aciers, les plombs, les laitons; — les outils de tous les métiers : les faux, les aiguilles, les enclumes, les limes, les clous, etc., etc.; — la serrurerie de Picardie, les ardoises, les zincs, les étains; — la quincaillerie pour ses produits innombrables; les ustensiles de ménage, dédiasse, de pèche, d'agriculture; les appareils de cbaullage et de cuisine; — les cordages, les lins el les chanvres; — en un mot, il y a là, en grande partie, tout ce qui se fait cl tout ce qu'on fait avec du fer, du bois, de l'acier el de la paille.

Toutes choses ont trouvé place dans ce grand bazar, ce qui ne veut pas dire que chaque chose soit placée avec ordre, selon son importance el sous son meilleur jour. La disposition des galeries n'est pas partout également intelligente, et leur ordonnance n'est pas non plus également équitable pour tous. H y a des industries sacrifiées, il y a môme des produits invisibles à l'exposition ; mais cela s'explique autrement que par la malveillance et l'inhabileté, cela s'explique tout naturellement par le cliillre énorme de quatre mille exposants, et par le chiffre prodigieux de cent mille objets différents exposés. Aucun pays au inonde ne se peut comparer ;i la France pour l'innombrable variété de ses produits.

Dans la grande partie de gauche sont étalés des lapis d'Aubusson, les soieries, les châles, les étoffes les plus riches, les plus variées, et les plus resplendissants tissus. Vient ensuite la galerie plus particulièrement, dite galerie des tissus : tissus de fil, de laine el. de coton, qui sortent de nos cités manufacturières : Rouen, Lonviers, Elbeuf, Sedan, Reims, Amiens, Tarare, Cambrai, Saint-Quentin, Nimes, Lyon, Sainl-Étienne, Saint-Chamond, Cnen, Baveux, Valenciennes, Castres, Toulouse, Bédarieux, etc., elc. Les produits de nos filatures sont considérablement améliorés; ils ont fait de grands progrès. Pour être juste, il faut reporter l'honneur de ces résultats, par égale part, à nos fabricants, et aux inventeurs de métiers à tisser : à .laequart pour la soie, à 31. Decoster pour les lins et le chanvre.

Viennent après, les cuirs, la tannerie, la eorroierie; puis les pompes, les charrettes, des échelles, des nacelles en caoutchouc, même un chemin de fer pour passer en bateau d'une écluse haute à une basse sans niveler le terrain. Quoi encore? toutes nos industries ne sont-elles pas représentées là , et ne le sont-elles pas avec profusion ? Non ; car il faut constater un fait malheureux qui

fait ombre à ce brillant tableau : c'est que les produits les plus nécessaires, les instruments destinés à l'agriculture, n'y sont qu'en très-petit nombre. Quoi qu'il en soit, pour ceux qui prétendent que le dix-neuvième siècle sera le siècle de l'industrie, comme le dix-septième a été le siècle des lettres, comme le dix-huitième a été le siècle de la philosophie et de l'irréligion, pour ceux-là l'exposilion est un fait éloquent qui plaide victorieusement en faveur de leur opinion.

En résumé, l'aspect de l'exposition est grandiose et plein de magnificence. L'énumération, sommaire et très-imparfaite, que nous venons de faire des produits qu'elle embrasse, suffira néanmoins pour donner une idée de ce que sont sa richesse et sa splendeur. On en jugera mieux encore, si l'on veut bien nous suivre dans l'appréciation détaillée dont les principales oeuvres et les diverses branches d'industrie seront successivement l'objet de notre part.

L'exposition de 1844 est un événement dont l'esprit de dénigrement et de jalousie ne parviendra pas à atténuer la haute portée. Par les progrès qu'elle constate, par le nombre et la variété des produits dont elle se compose, par la richesse et la fécond!lé de ses résultats, elle fera époque dans les annales de notre industrie, en même temps que, par ses conséquences salutaires, elle prendra date dans notre histoire. C'est un fait glorieux pour le règne de Louis-Philippe, el un fait heureux pour la France.

Cilnces et verres '«le couleur

de M. Radiguel, opticien, 17, boulevard des Filles-du-Calvaire.

M. Radiguet, qui s'est acquis par ses produits spéciaux une honorable el légitime réputation, paraît pour la première fois cette année à l'exposition nationale, quoique cependant la maison qu'il dirige soit déjà ancienne et qu'elle occupe un rang distingué dans une branche principale de notre industrie. Il a exposé des glaces et des verres de couleur à plans parallèles, dont l'application est indispensable à quantité d'instruments d'optique et de physique, et plus particulièrement aux instruments de marine.

Depuis 1850, 31. Radiguet s'est voué presque entièrement à la fabiicalioifcde ces produits spéciaux; aussi sa maison est-elle aujourd'hui, pour ces objets, une maison unique. A vaut cette époque, 31. .leeker était le seul en France qui fabriquât des glaces el verres de couleur, et encore n'en fabriquait-il que pour les seuls instruments qui sortaient de ses ateliers, car le prix élevé auquel ils lui revenaient ne lui permettait pas de les livrer au commerce. Les autres fabricants d'instruments de marine étaient dans l'obligation de faire venir d'Angleterre leurs glaces et verres de couleur, qu'ils recevaient parfois en mauvaise qualité et toujours à grands frais. Depuis que 31. Radiguet se livre chez nous à cette fabrication spéciale, il est parvenu peu à peu, par la supériorité de son travail et la modicité de ses prix, à décharger complètement notre marine du tribut qu'elle payait à l'étranger pour ces produits, dont l'emploi, pour elle, est d'une nécessité absolue. Ces objets présentent des difficultés d'exécution si grandes, ils demandent, pour leur parfaite fabrication, tant de soins, tant d'application et un temps si long, qu'il semblait impossible de les établir jamais à bas prix. Ce problème, cependant, M. Radiguet l'a résolu, et avec tant de succès que 31. .Tecker fils, possesseur des procédés de son père, trouve plus d'avantage à acheter chez 31. Radiguet


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L'EXPOSITION.

les glaces et verres de couleur dont il a besoin, que de les fabriquer lui-même.

Depuis l'invention du daguerréotype, ces glaces ont trouvé une nouvelle application dans l'emploi du redressement des épreuves. Pour remplir cet objet, elles sont de beaucoup préférables aux prismes, en ce qu'elles n'occasionnent pas, comme ceux-ci, une perte considérable de lumière.

La Société d'encouragement a fait, en 1852, un rapport très-favorable aux produits de 31. Radiguet, et, en 1842, pour récompenser ses progrès et reconnaître les services qu'il a rendus à notre marine, elle lui a décerné une médaille d'argent. Aujourd'hui c'est au jury central de l'exposition qu'il appartient d'apprécier les travaux de 31. Radiguet, de reconnaître ses services el de les récompenser dignement.

Instruments d'optique de OT. Buron.

31. Buron a fait admettre à l'exposition une des plus curieuses et des plus complètes collections d'instruments d'optique qui se puisse voir : longues-vues terrestres, marines et astronomiques, grande lunette astronomique, etc., etc. — Parmi ces instruments d'une exécution si parfaite, on remarque en première ligne un objectif de 40 centimètres de diamètre pour un télescope de 48 mètres de longueur. 11 est bien regrettable que l'espace accordé à 31. Buron pour l'exposition de ses produits ne lui ait pas permis de monter cet objectif; car, à coup sûr, il eût attiré l'attention de tout le monde, celle des curieux et des amateurs, dont la quantité est si grande, et particulièrement celle des connaisseurs, dont le nombre est malheureusement très-reslreinl. On n'aurait pas dû mesurer l'espace à un pareil inslrumenl, à un produit, de cet ordre, quand on a accordé une si large place à huit d'autres, qui n'ont ni son importance ni sa valeur, el qui n'offrent pas son intérêt.

La maison de 31. Buron, comme fabrique d'instruments d'optique elde mathématiques, est une des plus considérables de Paris. Tous les produits qui en sortent sont confectionnés chez 31. Buron même et sous ses yeux; c'est aussi sous la surveillance attentive de ce chef intelligent que se font toutes les expéditions. Ainsi s'ex-plique, par la satisfaction donnée aux acheteurs, l'actjroissemenl progressif que prend d'année en année la fabrique de 31. Buron, située rue des Trois-Pavillons, 10.

M oison Ilelaninrene.

La maison Delamarche, établissement séculaire, dirigé de père en fils avec une égale intelligence et la même distinction, et avec cette probité scrupuleuse qui appelle la confiance cl détermine le succès, la maison Delamarche a exposé celle année :

l"Un globe terrestre de 66' centimètres (2 pieds), le plus grand qui ait encore paru dans le commerce. Ce globe, dressé d'après les déterminations les plus récentes, contient toutes les nouvelles découvertes, y compris les derniers voyages de Dumonl-d'Urville. Son exécution est parfaite sous tous les rapports, cl sa monture du travail le plus achevé.

2° Les globes de Poirson,dont le mérite est généralement reconnu et la réputation populaire en quelque sorte. 3L Delamarche, qui s'est récemment rendu acquéreur de ces globes, y a fait faire les corrections el les additions que le temps exigeail. C'est un véritable service rendu à la science, car il est impossible de trouver

trouver instruments plus exacts. Ce qui n'est pas non plus un médiocre avantage, c'est que leur prix a beaucoup diminué.

5° Un planisphère céleste, spécialement destiné à la marine, et faisant partie de l'atlas du dépôt. — Ce planisphère a été dressé sous la direction de M. Delamarche, par 31. Chazakon, ingénieur hydrographe de la marine. C'est un chef-d'oeuvre d'exactitude et d'exécution.

4° Un atlas complet du moyen âge. — Cet atlas, que l'Université demandait à grands cris, a été composé d'après les avis de nos premiers professeurs, et particulièrement par 31. Toussenel, professeur titulaire au collège Charlemagne. C'est le plus bel éloge qu'on puisse en faire et une garantie certaine de son succès. 11 est d'ailleurs exécuté avec ce soin parfait qu'apporte 31. Delamarche dans la confection de toutes les oeuvres qu'il édile.

Les produits de la maison Delamarche occupent donc à l'exposition de 1844 une belle et importante place, comme ils tiennent !e premier rang dans la branche d'industrie à laquelle ils appartiennent. Cet établissement, qui entrelient des relations avec tous les pays du monde, défie les concurrences; car, bien loin de recevoir l'impulsion et de marcher à la suite des autres, il est au contraire toujours le premier à donner l'exemple des innovations et à prendre l'initiative du progrès.

31. Delamarchejuslifie dignement, par ses travaux, la faveur que le public accorde à ses produits et la préférence qu'il donne à sa maison. La faveur et les préférences du public, c'est sans doute, pour un producteur, unebelle récompense; mais pour un homme du mérite de 31. Delamarche, celle récompense, si précieuse qu'elle soil, n'est pas suffisante; le jury de l'exposition lui en doil une autre.

INDUSTRIE PARISIENNE.

Ile la fabrication de l'Orfèvrerie' et de la ]|ijointei*ie.

Nous n'avons pas la pensée d'écrire l'histoire des métaux précieux, ni celle de leur manutention. Nous ne voulons que donner quelques détails sur l'étal actuel des branches de l'industrie parisienne qui se rattachent à l'orfèvrerie proprement dite , et à la bijouterie fine.

L'orfèvrerie (anri faber, orfèvre, ouvrier en or) s'entend plus particulièrement du travail de Yarge.nl, ou plutôt du travail des grosses pièces en métal précieux, lesquelles se font plus habituellement en argent, quoiqu'elles puissent aussi èlre faites en or ou en vermeil.

L'orfèvrerie parisienne se divise en trois classes bien distinctes :

1° La grosserie ou grosse orfèvrerie, qui fabrique les vaisselles de tout genre, les grands vases, les ornements d'église;

2° Le couvert, qu'on appelle l'industrie du cuiïlerisle;

5" La petite orfèvrerie, dite de boucles et tabatières, qui embrasse aussi les menus articles de table.

La grosserie produit annuellement à Paris pour U à 7 millions de francs;

Le couvert, pour 15 à 14 millions;

La petite orfèvrerie, pour 2 à 5 millions.

Les matières précieuses employées par la grosserie entrent dans


L'EXPOSITION.

le chiffre de sa production pour 65 à 75 0/0, — la main-d'oeuvre pour 10 à 15 0/0, — le bénéfice pour 10 à 15 0/0 également. t

Dans le couvert, la matière entre pour 80 à 92 0/0, — la maind'oeuvre varie de 4 à 10 0/0, —le bénéfice est dans la même < proportion.

Dans la petite orfèvrerie, la matière figure, terme moyen, pour I 50 à 50 0/0, — la main-d'oeuvre pour 25 à 50 0/0, — le bénéfice < pour 20 à 25 0/0. I

11 existe à Paris, en grosserie, 55 maisons occupant ensemble 200 ouvriers ou compagnons, et environ 1,000 ouvriers accès- i soires. Ainsi la plus importante de ces maisons occupe, avec 10 ouvriers compagnons : 8 apprentis, 2 estampeurs, 2 garçons d'atelier, 2 tourneurs, 8 ciseleurs, 4 planeurs, 2 polisseurs à l'anglaise, 10 brunisseuses.

Dans beaucoup d'ateliers moins importants, la ciselure se fait au dehors; dans presque tous, le modelé se fait également en ville. On n'apprendra pas sans surpriseque, malgré la perfection incontestable de cette industrie parisienne, il y a tout au plus trois maîtres à Paris qui dessinent et modèlent eux-mêmes et chez eux. Dans l'orfèvrerie, les salaires les plus élevés sont de 7. fr. ; les salaires ordinaires, de 4 à 5 fr. La journée de travail est de douze heures entières, c'est-à-dire qu'elle ouvre à sept heures et finit à huit, en réservant une heure pour le repas.

L'apprentissage est rude, et dure cinq années, s'il est gratuit; quatre ans, si l'apprenti peut payer une rétribution.

La matière première de l'orfèvrerie arrive en Europe sous la forme de piastres ou daros, qu'on ramène, pour les employer, au titre de mille millièmes, et qu'on emploie en grosse orfèvrerie à un vingtième d'alliage, c'est-à-dire à neuf cent cinquante millièmes, ce qui constitue ce qu'on appelle le premier litre. Depuis trois cents ans, la bonne orfèvrerie française a toujours été à ce titre.

La refonte des vieilles pièces d'orfèvrerie, que les marchands de province envoient à Paris pour payer leurs achats, fournit aussi aux creusets parisiens une partie des matières qu'ils ont à fondre. La fabrication procède par trois moyens bien distincts : La forge, qui s'applique nécessairement aux couverts, à la vaisselle et au plus grand nombre des grosses pièces;

La fonte, qui trouve son fini dans la ciselure, n'est employée que pour les travaux de choix et d'un prix élevé;

L'estampage, qui dispense de la ciselure dans les produits d'ordre inférieur.

Comme nous l'avons dit, la grosserie emploie environ 1,200 ouvriers et consomme pour 6 à 7 millions de matière. C'esl à peu près 20,000 fr. par jour. La maison la plus importante porte chaque jour au contrôle 40 marcs ou 2,000 fr. à peu près; celles qui viennent après ne dépassent pas 20 marcs ou 1,000 fr. ; le plus grand nombre reste beaucoup au-dessous de ce chiffre.

La grosse orfèvrerie se vend uniformément d'après un calcul qui sépare le poids de la façon.

Ainsi, on vend le marc d'argent à 52 fr. (ou 210 fr. le kilogramme), plus la façon, dans laquelle est compris le bénéfice du fabricant.

En vaisselle plate, on estime la façon à 4 fr. le marc; en orfèvrerie courante, elle va à 25 fr. le marc, toujours y compris le bénéfice destiné à couvrir le fabricant de ses frais de toute espèce.

Ces chiffres, on le comprend, ne peuvent être qu'approximatifs.

Le couvert est fabriqué à Paris par 22 maisons environ, dont chacune emploie environ 50 ouvriers.

La production est, on l'a vu plus haut, de 15 à 14 millions. La fabrication ajoute à la matière une valeur de 4 à 8 fr. par marc, ou 8 à 20 0/0. Les couverts les plus communs coûtent 2 fr. de façon; il s'en fait dont le prix dépasse 50 fr. de façon par pièce, mais on conçoit que le cuilleriste s'élève alors à la haute orfèvrerie, et qu'il s'agit d'une exception.

Plusieurs cuillerisles emploient jusqu'à 100 marcs (5,000 fr. d'argent) par jour de travail.

La petite orfèvrerie se fabrique à Paris par 50 maisons qui occupent, en accessoire ou principal, de 6 à 700 ouvriers, et produisent pour 2 à 5 millions de marchandises. Le grand débouché de ses produits est dans les campagnes. Le titre de l'argent qu'elle emploie est à huit cent cinquante millièmes seulement; et dans ses ventes, elle compte sa matière à 42 fr. le marc seulement, au lieu de 52, prix de l'argent en grosse orfèvrerie.

La bijouterie est peut-être, de toutes les industries de la capitale, celle qu'on peut appeler le plus particulièrement industrie parisienne.

Dans l'orfèvrerie, la matière reste toujours au moins de pair

avec la main-d'oeuvre, et pourtant la matière n'est que l'argent.

Dans la bijouterie, quoique la matière la plus ordinaire soit

l'or, la main-d'oeuvre dépasse toujours, et souvent de beaucoup,

la matière.

On compte à Paris 400 maîtres bijoutiers, mais, sur ce nombre, 100 peut-être sont à la fois maîtres et ouvriers : leur atelier, c'est leur famille.

Les 500 autres emploient, chacun, depuis 5 jusqu'à 20 ouvriers. L'atelier le plus important de Paris n'en compte pas plus de 50.

Un atelier de bijouterie de 6 ouvriers compagnons occupe, en outre, environ : 6 polisseuses, 2 graveurs, 4 apprentis, 1 garçon d'atelier.

L'ensemble des ateliers de Paris occupe environ 4,000 personnes.

L'or employé provient, comme dans l'orfèvrerie, de monnaies étrangères, qui se vendent affinées à 106 fr. l'once, au titre de mille millièmes ; le premier titre en fabrication est de neuf cent vingt millièmes ou 25 carats; deuxième litre, huit cent quarante millièmes, ou 20 carats; c'est ce qu'on appelle l'or de Paris, et à sept cent, cinquante millièmes, ou 18 carats, qui est le titre ordinaire de fabrication.

La bijouterie se divise en différentes spécialités, dont voici les principales :

Chaînes. — Boucles d'oreilles et broches. — Alliances. — Bagues. — Parures. — Tabatières et dés. — Les peignes étaient autrefois une spécialité importante, qui a disparu ou à peu près; les boîtes de montre n'occupent guère que deux ou trois monteurs, et se fabriquent toutes à l'étranger ; les monteurs mêmes ne sont plus, en réalité, que des polisseurs.

Nous parlerons prochainement des moyens d'écoulement ou . de placement, c'est-à-dire du commerce de l'orfèvrerie et de la » bijouterie.


L'EXPOSITION.

UN INVENTEUR AU DIX-NEUVIÈME SIÈCLE.

91. Qiientin-llurnnd.

Pour bien des gens, surtout pour les hommes du monde, et plus particulièrement pour celte classe de petits bourgeois aisés qui se sont enrichis à la longue dans le commerce, sans avoir produit, durant leur carrière, une seule idée nouvelle, n'ayant eu d'autre mérite, pour parvenir à la richesse, que celui de vivre sordidement et de mettre sou sur sou pendant nombre d'années, pour tous ceux-là les souffrances d'un inventeur sont choses imaginaires qui appartiennent d'une manière exclusive au domaine des poêles et des romanciers. Les uns, les gens du monde, se refusent à croire qu'à notre époque de grande publicité un homme d'un génie inventif, dépensant sa vie dans des travaux sérieux, d'une utilité reconnue et constatée, puisse vivre dans un état voisin de la misère et mourir inconnu auprès de sa découverte inconnue. Les autres, les petits bourgeois, ne comprennent pas qu'on se dévoue tout entier, patiemment et généreusement, esprit et coeur, au succès d'une idée, d'une invention. Dans celui qui crée, dans l'inventeur, ils ne voient qu'un fou, comme l'a dit dans un merveilleux langage Béranger, notre poêle national. C'est donc un devoir pour nous d'éclairer la religion des premiers pour éveiller leurs sympathies; d'apprendre aux seconds, qui, dans leur étroit égoïsme, sont toujours prêts à s'offrir en exemple, de leur apprendre que, pour être légitimes en elles-mêmes, bénéficier sur autrui et empiler des écus ne sont, cependant pas précisément les seules choses respectables en ce monde; de constater enfin aux yeux de tous, et malheureusement les exemples ne nous manqueront pas, que de notre temps, époque de lumières et de progrès, dit-on, que de notre temps comme autrefois, on arrive encore plus rapidement à la fortune avec du savoir-faire qu'avec du talent; que le profil, sinon l'honneur, est toujours à qui fait travailler, et la peine à qui travaille; qu'un ouvrier habile et ingénieux, qu'un inventeur, peut très-bien , à présent encore comme par le passé, doter son pays des plus utiles découvertes, enrichir par ses -oeuvres quelques spéculateurs, et lui cependant rester pauvre, et lui être condamné, pour vivre, aux plus pénibles labeurs, et parfois connaître même ces décourageantes et fiévreuses nécessités qui ont la faim pour soeur.

Nous voulons aujourd'hui appeler l'attention sur les travaux d'un homme dont la vie , longue déjà et méritoire à tous égards, a élé marquée, d'année en année pour ainsi dire, par une invention ingénieuse; inventions remarquables sous tous les rapports, mais précieuses surtout par l'utilité de leur objet. Son nom , connu et honoré dès à présent dans le monde spécial des industriels el des agriculteurs, sera célèbre un jour; pour être tardive, celte récompense au moins , à laquelle il a tant de titres nombreux, ne lui faillira pas. Il s'appelle Quentin-Durand.

31. Quentin-Durand était autrefois un ouvrier menuisier; ouvrier, il n'a pas cessé de l'être ; mais il est en même temps un des plus féconds inventeurs dont puisse s'enorgueillir l'industrie française. On lui doit plus de cent machines ou instruments nouveaux destinés aux travaux de l'agriculture, et propres, parleur emploi, à économiser le temps et à épargner la peine de l'homme, et à augmenter considérablement le produit de certaines récolles.

Il n'améliore pas, il ne perfectionne pas des machines déjà adoptées par l'usage, non ; il crée de nouveaux modèles dont l'idée lui appartient tout entière; et ensuite, seul, sans le secours de personne, il les exécute lui-même, quelle que soit la matière, bois, fer ou cuivre, qu'il faille employer pour leur construction. Son habileté suffit à tout. On trouverait difficilement une main plus intelligente au service d'un génie aussi inventif.

Depuis vingt-cinq ans, les produits de 31. Quentin-Durand ont été admis à toutes les expositions industrielles qui ont eu lieu chez nous, soit aux expositions générales, soit aux expositions particulières de nos différentes sociétés d'encouragement ou d'agricullure. Jamais ses inventions n'ont passé inaperçues; elles ont toujours élé, au contraire, remarquées et mentionnées favorablement dans les rapports des divers jurys qui ont eu à les apprécier; elles ont même valu à leur auteur des récompenses. Ce mot récompense, nous ne pouvons l'écrire sans éprouver un sentiment pénible, tant il est dérisoire quand il s'applique aux industriels en général, et particulièrement à l'inventeur duquel nous nous occupons. Eh quoi! voilà un homme auquel Dieu a donné la faculté éminente et si rare de créer; cet homme a rempli sa vie si dignement et si utilement qu'elle peut être offerte en exemple; il a travaillé sans trêve, el les jours et les nuits, pour élever une trèsnombreuse famille, dont il est le chef et l'unique soutien; il a doté l'industrie, et par conséquent enrichi son pays de plusieurs inventions, toutes bonnes, utiles, positives, applicables el appliquées, et d'innombrables procédés nouveaux, dont vous avez maintes l'ois vous-mêmes constaté le mérite et les précieux résultais; et pour un tel homme, vous n'avez d'autres récompenses que des médailles? Quand dans tout autre pays, moins ingrat que le. nôtre, quelques-uns seulement de ses produits eussent suffi à lui constituer une fortune, cet homme, au déclin de sa carrière, ici, sous vos yeux, est condamné aujourd'hui encore à un travail opiniâtre et incessant, et à une existence nécessiteuse. 31ais, vous qui administrez la fortunede la France, pour qui donc réservez-vous les largesses qu'il vous est donné de répandre en son nom? Vous consacrez des sommes considérables, on ne l'ignore pas et on ne vous en fait pas reproche, à l'amélioration de la race chevaline; s'cnsuit-il que vous deviez laisser-dans un complet et scandaleux oubli la race humaine? Serait-ce trop vouloir que de vous demander, pour l'activité de l'intelligence, une part égale à celle que vous accordez à la vitesse des chevaux? Ne pouvez-vous apprécier les services que rend tel animal sans méconnaître les travaux de l'homme? Quand, pour dispenser vos encouragements, vous procéderiez selon l'ordre que Dieu a établi dans la création de tous les ôlres, c'est-à-dire en plaçant vos semblables sur la première ligne, où serait le mal? Prétendez-vous donc mieux faire que le Créateur?

A ce propos aussi, n'est-il pas permis de mettre en doute l'efficacité, l'utilité même des sociétés dites d'encouragement, quel que soit leur objet, quand il est vrai qu'un travailleur accueilli el distingué dix fois par elles, auquel dix fois elles ont décerné comme prix, comme récompense, et à titre d'encouragement, leurs banales et stériles médailles; quand il est malheusement vrai que ce travailleur ingénieux et obstiné, que Quentin-Durand eul été cette année dans l'impossibilité , faute d'argent pour les confectionner, de soumettre ses produits à l'appréciation publique et à l'examen particulier du jury de l'exposition, si une


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f

main amie et généreuse ne se fût offerte à lui prêter aide et appui! En présence d'un tel fait., dites-nous ce que vous encouragez, et en quoi consistent vos encouragements, messieurs les membres de tant de sociétés diverses d'agriculture et d'horticulture? Vous présidez avec pompe et à grand bruit toutes les solennités, vous avez pour tous des paroles flatteuses, c'est bien; vous n'êtes point avares de discours, nous le reconnaissons; mais si de vos assemblées il ne résulte que de vains sons, si vos paroles ne sont pas fortifiées par des actions, prenez garde qu'en vous voyant revêtus des plus hauts emplois, et maîtres des plus belles positions de l'État, on ne vienne à penser que vos démarches ont pour but de servir les intérêts de votre vanité et de votre ambition, plutôt que les intérêts des travailleurs qui se rangent sous votre patronage; prenez garde de donner trop ouvertement raison à ceux qui prétendent que, sous un autre masque et avec d'autres allures, les philanthropes sont les descendants directs de ce bon 31. Tartufe! 31. Quentin-Durand a exposé cette année plusieurs instruments d'agriculture et outils de jardinage; ils sont remarquables par leur ingénieux mécanisme, par la simplicité de leur forme, autant que par leur intelligente et utile propriété. Nous en reparlerons avec, plus de détail. Aujourd'hui nous ne voulons qu'appeler sur eux et sur leur inventeur l'attention publique. Sans doute, mesdames, vous éprouveriez des sympathies plus vives pour les oeuvres de notre inventeur, et pour Quentin-Durand lui-même, si, au lieu d'avoir créé et perfectionné des objets d'une utilité modesle et d'une nécessité générale, il eût seulement perfectionné un élégant tissu , quelque futilité de mode; mais, permetlez-nous de le dire, mesdames, c'est moins à vous que nous nous adressons qu'aux amis sérieux et éclairés de l'industrie et de l'agriculture. C'est à vous surtout, messieurs les membres du jury, qui avez pour mission et pour devoir de tout voir et de tout apprécier, c'est à vous surtout que nous demandons pour les produits de Quentin-Durand un examen équitable, el justice pour les travaux de loti le sa vie.

LES MARCHANDS . exclus du palais de l'industrie.

Le jury central de l'exposition a pris une mesure empreinte de justice et d'équité, et toute favorable aux véritables producteurs, à ceux enfin qui travaillent, qui perfectionnent et qui inventent. Il a décidé que l'entrée des galeries industrielles serait refusée aux marchands, c>esl-à-dire aux hommes qui jusqu'alors achetaientdes produits fabriqués par autrui pour les exposer sous leur propre nom, usurpant ainsi une réputation qu'ils étaient incapables de justifier, et cumulant avec des profits plus ou moins légitimes un honneur et parfois même des récompenses fort illégitimement acquis. Que les marchands gagnent sur leurs achats, qu'ils bénéficient sur les oeuvres d'autrui, qu'ils fassent leurs affaires, en un mot, et qu'ils s'enrichissent, c'est assez ; (pie les véritables producteurs, que ceux qui ont le mérite et la peine du travail en aient au moins exclusivement l'honneur, s'ils doivent en partager les résultais matériels; c'est justice, bonne et rigoureuse justice, La décision du jury a donc obtenu l'assentiment général.

Mais le succès de ce premier acte administratif semble avoir agi d'une manière fâcheuse sur l'esprit du jury. Le comité qui

le représente est devenu tout à coup d'une sévérité excessive et même injuste, en ce qu'elle ne frappe pas également sur tous. Ainsi et par exemple, ces jours passés on a renvoyé de l'exposition , après les y avoir admises, deux maisons recommandâmes à plusieurs égards, la maison Giroux el la maison Susse. Les chefs de ces maisons ne sont pas fabricants, dit-on ; ils ne font rien par eux-mêmes; ils n'exposent que des produits confectionnés par autrui; cela est vrai."Mais n'y avait-il pas des précédents en leur faveur? Vous, messieurs les membres du jury, qui leur avez décerné des récompenses aux expositions précédentes, vous deviez savoir ce que font ou ne font pas les maisons Giroux et Susse. Et d'ailleurs, lorsqu'elles ont présenté les objets qu'elles désiraient exposer, vous étiez libres de les refuser, vous en aviez le droit ; pourquoi ne l'avez-Vous pas fait? Puisque vous les aviez admises à l'exposition, il fallait les y laisser; il fallait surtout leur épargner l'affront d'être renvoyées publiquement, en présence de trois mille exposants, comme usurpant une place dont elles étaient indignes. La mesure générale que le jury a prise est bonne et juste ; mais l'application rétroactive qu'il en a faite dans ce cas particulier est inique. Elle a quelque chose d'injurieux pour ceux qui en ont été l'objet, en ce qu'il y a cent personnes à l'exposition, absolument dans le même cas que 31M. Giroux et Susse, qui n'ont rien produit par elles-mêmes non plus, qui ont acheté à des travailleurs obscurs les objets qu'elles exposent sous leur nom; et cependant on a laissé à ces personnes la place qu'on leur avait donnée. Pourquoi renvoyer les uns et garder les autres? Pourquoi cette sévérité envers les premiers, et cette tolérance à l'égard des seconds? Pour que votre décision soit efficace et respectable, messieurs les membres du jury, il faut qu'elle soit égale pour tous.

Convaincus que la mesure du jury est excellente en elle-même, qu'elle protège et sert les intérêts des véritables producteurs, nous nous appliquerons dans une série d'articles à signaler les industries qu'elle doit frapper, et, par suite, les exposants qu'elle doit atteindre. Puisqu'on procède par exclusion, il faut exclure indistinctement tous les indignes. Quand Jésus chassa du temple les marchands qui le profanaient, ils les chassa tous sans exception. Sans doute, messieurs les membres du jury, vousn'avez pas, comme Jésus, une auréole divine au front; mais puisqu'il son exemple, vous vous arrogez le droit de chasser les marchands de votre palais industriel, il faut le faire avec le discernement et l'esprit d'équité que comporte la nature humaine. Pour l'accomplissement tardif de celte oeuvre de justice, nous ne vous offrons pas l'appui de notre bras; mais nous vous apporterons le secoursde nos faibleslumières.

DESSINS.

MIMKIVO 1. Appareil distillatoire.

Cet appareil figure à l'exposition. C'est le perfectionnement de celui pour lequel MM. Blumentbal el Derosne ont pris un brevet il y a quelques années. On sait combien l'art de la distillation était imparfait avant la production de cet ingénieux système, et combien de procédés avaient été essayés pour obvier aux inconvénients des anciens alambics; et l'on sait aussi quel succès accueillit la première apparition de ceux de 31. Derosne. Avec ces


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appareils on évite les résultats défectueux des divers modes de chauffage, et l'on obtient, du premier jet, l'alcool aux divers degrés demandés par le commerce. En mettant à profit l'émission du calorique latent dégagé par la condensation de la vapeur dans le chauffe-vin placé entre la cucurbite et les serpentins, on est arrivé à l'une des deux plus importantes solutions du problème de la distillatiou, celle qui consiste à ménager la température pour volatiliser et isoler sur-le-champ le plus de parties alcooliques possible. L'opération se fait avec régularité, économie et promptitude, et ses produits sont à la fois plus sûrs et plus abondants. Uu écoulement de vin constant entretenu dans la cucurbite produit un dégagement spiritueux proportionné, et dans un rapport constant aussi, à l'autre extrémité de l'appareil.

Une description complète de celui que nous reproduisons serait inutile pour les gens spéciaux, et nous entraînerait trop loin ; elle n'aurait d'ailleurs pour objet que de signaler les différentes pièces destinées à perfectionner des fonctions déjà connues.

L'établissement de 3131. Derosne et Cail, duquel est sorti l'appareil distillatoire dont nous publions le dessin, a pris, depuis quelques années, une extension considérable; les nombreuses commissions que 31. Derosne a prises lui-même, dans un récent voyage, à la Guadeloupe, à la Martinique, et même à Bourbon, assurent pour longtemps à ses ateliers une grande et active fabrication, qui se perfectionnera toujours de plus en plus; on n'en doit pas douter, même après avoir vu les choses remarquables que cet habile et ingénieux mécanicien a exposées.

Les ateliers, vraiment admirables, de 3IM. Derosne et Cail sont situés quai deBilly, à Chaillol; ils méritent d'être visités, nonseulement par les étrangers curieux de voir nos plus beaux établissements industriels, mais encore el surtout par les hommes éclairés qui s'intéressent au développement de l'art mécanique en France.

MMIÏItO 2. Cniidélalire à six hranclies, en plnuué.

31. Veyrat, chef d'une fabrique de plaqué, l'une des plus anciennes et des plus justement renommées de Paris, a bien voulu nous laisser reproduire celle jolie pièce sortie de ses ateliers. L'élégance de sa forme et la légèreté de son exécution sont les principaux mérites de ce candélabre. 31alheureusemenl le plaqué ne se prèle pas aussi facilement que le bronze à la finesse des contours, par la raison qu'il n'a pas la même solidité. Cependant le modèle que nous reproduisons a élé généralement apprécié comme un beau travail. La figure orientale qui compose le montant est d'une jolie coupe et d'un gracieux dessin. Nous croyons que cet ornement est destiné à un grand succès.

31. Vey;at a mis à l'exposition plusieurs autres pièces également remarquables; entre autres une théière d'une charmante forme et d'une exécution achevée; des plateaux arlistementgravés : les bordures, d'un goût parfait, sont en argent; c'est de la véritable orfèvrerie.

Les produits livrés aux consommateurs, el au commerce en général, parla maison Veyrat, sont toujours au litre vrai qu'elle annonce; on peut donc s'adresser avec toule confiance à ce fabricant.

NUMERO 3. Chaise en fer creux,

des Ateliers de MM. Gandillot et Compagnie.

Celte légère et jolie chaise, que nous avons fait graver avec grand soin, n'est pas un des produits les moins remarquables admis à l'exposition, en ce qu'elle constate qu'avec le fer, la matière la plus lourde, on peut fabriquer les meubles les plus légers. Autrefois, lorsqu'on parlait d'une chaise en fer, on se faisait l'idée d'un lourd fardeau que des porte-faix seuls pouvaient soulever; aujourd'hui, grâce à l'ingénieuse application du fer creux à leur construction, de tous les sièges, ce sont les plus légers, en même temps que les plus solides; ils peuvent en être aussi, selon la richesse du modèle, les plus élégants. Ils sont même propres à diverses fins. Ainsi, la chaise dont nous publions le dessin figurerait également bien l'hiver dans un salon et l'été dans un jardin ; i) suffirait, pour cela, de remplacer son siège garni par un siège decanne, opération que la mobilité du siège rend des plus faciles.

31. Gandillot, ancien élève de l'École Polytechnique, et qui lient un rang notable parmi les plus éclairés et les plus honorables industriels de la France, 31. Gandillot est le premier qui ait tiré du fer tant de ressources nouvelles, en l'appliquant à la confection des meubles, surtout des .meubles de première nécessité, tels que les sièges et leslils. Le succès a couronné son oeuvre. 3Iais, pour arriver à ce résultat, que d'obstacles il lui a fallu vaincre! de combien d'habitudes enracinées ne lui a-l-il pas fallu avoir raison! 11 n'a pas seulement le mérite d'avoir conçu une ingénieuse idée, il a encore le mérite, non moins grand, d'avoir déployé pour la produire un courage persévérant, el cette patience opiniâtre qui n'est pas toujours le génie, quoique Buffon l'ait dit, mais qui est incontestablement la qualité précieuse et essentielle des esprits novateurs. Aujourd'hui les avantages des meubles en fer sont si généralement reconnus et appréciés, qu'il n'existe pas un seul grand établissement public qui n'ait adopté, pour son service, ces meubles préférablement à tous autres. On peut dire, dans la plus vraie signification du mot, que leur usage est populaire.

31. Gandillot n'a pas exposé que des meubles; il a également fait admettre à l'exposition des tuyaux en fer de divers diamètres, destinés à l'application des conduits de ghz. On n'emploie plus dans les appareils nouveaux que ces conducteurs, préférables sous tous les rapports au plomb, qui, trop malléable, ne conservait que très-peu de temps la pente qu'on lui avait donnée. Les tubes en fer creux de 31. Gandillot, bien ajustés dans leurs manchons, offrent plus de résistance et ont, par conséquent, plus de durée.

Voilà ce qui constitue un véritable progrès industriel. Il est beau de créer, de (loterie monde d'une invention utile; mais après le mérite de l'inventeur, vient le mérite, très-grand aussi, de tirer bon parti des produits découverts, et de savoir leur donner, au profit et pour le plus grand bien de tous, des applications nouvelles. Ce mérite appartient à 31. Gandillot.

X<E BOUTEILLER, Directeur.

Paris. — Typographie LACIUMPE el Comp. rue Domicile, 2.


L'EXPOSITION.

SOMMAIRE.

TEXTE :

Exposition de 1851 : — Observations générales; — Fonderie en cuivre el en bronze de MAI. Eugène Qnesnel et Compagnie; — Cristallerie de Lyon, dirigée par MM. Billas, Maumené el Compagnie; — Fabrique d'or de M. Auguste Favrol; — M. Colelle, sculpteur; — M. Lombard, sculpteur; — Bronzes de M. llodel; —Garnitures de livres : M. llmidaîlle;— Ordres et décorations : Maison Millel; — Ombrelles et parapluies : 'Maison Despierres et

. Compagnie; — Billards de M. Cosson; — M- Loire, bijoutier; — M. BJanchet, émailleur; — Bijouterie de deuil : Maison Viennol; — Coutellerie de table et de fantaisie : Maison Gavct; — M. Petit, à Nonlron (Dordogne). —Variétés : Un fabricant gui n'expose pas : M. Viltoz. — Dessins : Manufacture d'iiistrumcnis de M. Alexandre Debain ; — Carosserie : Un pbacton el une calèche; — Fonderie de M. Muel.

GitAvuiiES :

NUMÉIIO 1 : — 1-larmoniuni-Debain.

NL-MÉIIO 2 : — Pliaélon à i roues, dil voiture américaine.

NUMÉRO 5 : — Calèçhe-Vicloria.

NUMÉRO 4 : — Candélabre-en fonte de M. Muèl.

EXPOSITION DE 18SS.

Observations générales.

Après un mois de durée, l'exposition est encore l'objet de la plus vive curiosité; c'est le fait capital qui défraie toutes les conversations. Son succès esl immense; il grandit et se prolonge au delà de tout ce qu'on pouvait espérer et prévoir. Chaque jour l'aflluence est plus considérable et la foule plus compacte dans les galeries industrielles; on y va, on y retourne, et l'on y revient encore; on ne se lasse ni de voir, ni d'examiner, ni d'admirer. L'attrait est vif el l'intérêt grand, cela est incontestable; mais plus vif et plus grand encore esl l'empressement public. Aussi, selon toute probabilité, le gouvernement, cédant à la sollicitation générale, rcculera-t-il d'un mois l'époque fixée pour la fermeture de l'exposition.

Tous les pays, à l'exception d'un seul, ont délégué à l'exposition leurs plus savants el leurs plus notables industriels pour apprécier et mettre à profit les progrès de notre industrie nationale. C'est un fait à noire honneur et qui, dans la suite, servira nos intérêts. Quand lu perfection de nos produits sera aussi bien constatée que leur élégance et leur bon goût sont généralement reconnus, nos ministres trouveront de plus grandes facilités dans la négociation de traités de commerce avec les nations étrangères. La seule Angleterre, persistant dans son superbe dédain, nous a tenu rigueur. Non-seulement elle n'a ostensiblement délégué personne à notre exposilioii, mais encore on prétend que celte grande exhibition publique des richesses de la France a l'ait fuir quantité d'Anglais qui résident habituellement à Paris. Notre bon sens el noire 1SU. Igr JUIN. „

estime pour le caractère du peuple anglais se refusent également à croire fondée l'étroite et jalouse manifestation qu'on attribue à nos voisins. Si, en ce moment, il y a peu d'Anglais à Paris, cela tient à des causes toutes fortuites, étrangères à l'exposition, nous n'en doutons pas. Peut-être môme leur nombre n'a-t-il pas diminué. On les remarque moins, parce qu'ils sont plus confondus dans l'immense quantité d'étrangers et de provinciaux qui encombrent Paris depuis un mois; voilà tout. Cette explication nous paraît la plus certaine, et nous la préférons à toute autre.

Et d'ailleurs, quels motifs plausibles auraient les Anglais de n'assister pas à notre exposition? tonte belle et splendide qu'elle est, si éclatants qtie soient nos progrès, comme industriels, nous ne sommes pas encore des rivaux pour eux ; ils sont toujours nos maîtres, ne craignons pas de le dire. Ils ne nous contestent pas la supériorité comme soldats; ils ne prétendent pas à notre gloire littéraire et artistique; reconnaissons donc leur génie industriel, c'est justice. Peut-être un jour, Dieu le veuille 1 leur disputeronsnous la suprématie des mers et le commerce du monde; mais ce jour n'est pas venu. Rapprochons-le par l'espoir, surtout par nos efforts; mais ne nous laissons pas aveugler par un orgueil illégitime, et ne prêtons pas à une grande nation un esprit de rivalité qu'elle ne peut pas raisonnablement avoir, et des sentiments mesquins indignes d'elle.

L'Angleterre, pays classique de l'industrie, est le seul cependant où il ne se fasse pas d'expositions industrielle. D'où vient cela? Les raisons qui portent les Anglais à s'abstenir, quand, dans le cas contraire, leur vanité nationale pourrait être si llatlée, ces raisons ne manquent pas de valeur; nous ne les approuvons pas; mais, en temps plus opportun, nous les discuterons, parce qu'elles sont sérieuses et quelques-unes sont fondées. Par exemple, les Anglais,

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L'EXPOSITION.

qui font toutes clioses avec méthode, ne comprennent pas la confusion qui préside à l'admission de nos divers produits. Us se demandent si notre exposition est un concours ou seulement un bazar où nous étalons orgueilleusement nos richesses. Ils posent enfin toutes les questions qui sont chez nous l'objet de là polémique des journaux depuis un mois.

Si notre gouvernement ne prend pas parti pour l'avenir, il ne pourra pas, prétexter le manque de lumières : ni les avis, ni les conseils, ne lui auront fait défaut. Gliacun donne et cherche naturellement à l'aire prévaloir le sien. L'exposition doit être un concours, disent les uns; il n'y faut admettre que les produits qui ont fait des progrès depuis l'exposition précédente, et ne récompenser, à l'exclusion de tous autres, que le fabricant qui a le mieux fait dans chaque branche d'industrie. L'exposition n'est point un concours, répondent les autres; c'est un bazar où tout le monde doit être indistinctement admis; et il. faut récompenser non pas seulement celui qui a le mieux fait, mais quiconque a bien fait. Les expositions sont trop rapprochées, ajoutent ceux-là; en cinq années une industrie ne fait pas de progrès assez notables pour mériter d'être constatés et récompensés; il faut, entre chaque exposition, un intervalle de dix ans au moins. Nous demandons une exposition annuelle, répliquent ceux-ci. Combien d'autres opinions plus ou moins folles et rationnelles ne se produisent elles pas! Puisque le champ est librement ouvert à toutes pensées, même aux plus excentriques, on nous permettra sans doute d'en émettre quelquesunes, fort simples et fort modestes, et de les soumettre très-humblement à l'appréciation publique.

Nous trouvons suffisant el convenable sous tous les rapports l'intervalle qui sépare les expositions l'une de l'autre. Nous croyons qu'une exposition industrielle ne peut en aucune manière être considérée comme un concours, mais qu'elle doit être envisagée comme un bazar, puisque le mot est consacré, où il faut admettre, non pas toutes clioses indistinctement, mais au contraire el avec un sévère discernement, les seuls produits remarquables à quelque litre que ce soit, les seules industries en voie de progrès, surtout les inventions nouvelles, en un mot les seules oeuvres dignes de fixer l'attention, et exclure impitoyablement les industriels de mauvais aloi, les confectionneurs el les pacotilleurs, les industries vulgaires et bâtardes, surtout les objets qui blessent la vue et qu'il est inconvenant d'exposer à tous les yeux quand on prend si grand soin de les cacher chez soi, tels que les seringues, par exemple, et d'autres objets encore dont le nom ne peut même pas être écrit. Il faut que les exposants et leurs produits soient soumis à cet examen préalable, autrement l'institution d'un jury d'admission est dérisoire est sans objet.

Ce premier et équitable jugement n'impliquerait en rien l'idée d'un concours.

Les récompenses ne peuvent pas être mieux décernées que selon l'ordre suivi jusqu'à présent. On récompense, avec toute raison , quiconque a fait faire un progrès, a perfectionné un travail, a inventé une belle ou une utile chose, et non pas tel fabricant parce qu'il a été plus habile que tel autre. La concurrence est assez grande et assez difficile à soutenir dans l'industrie, pour n'éviter pas avec soin de créer des sujets nouveaux de rivalité entre les industriels. Quand on a donné une médaille d'or à M. Pleyel, on a voulu récompenser l'habile facteur auquel on devait tant de beaux et de si parfaits instruments ; mais on n'a,

certes, pas eu la pensée d'établir la supériorité de ses pianos sur ceux de MM. Érard, Herz ou Pape, par exemple. Une intelligente et sage exclusion aurait aussi pour heureux résultat de rendre nos expositions moins encombrées et moins confuses; il s'ensuvriait qu'elles seraient plus belles, plus profitables et plus attrayantes encore. L'oeil n'étant plus fatigué par mille objets communs et d'un usage équivoque, l'attention n'étant plus distraite par d'innombrables produits sans utilité et sans valeur réelles, on étudierait plus aisément chaque branche particulière d'industrie, et l'on suivrait leurs progrès avec plus d'intérêt et de plaisir. Tout \o monde et toutes choses y gagneraient.

Le mot exclusion, que nous venons d'écrire, s'offre à nous ici comme une transition naturelle pour revenir sur la décision du jury qui exclut les marchands de l'exposition. Nous avons été des premiers à approuver cette mesure; nous pouvons ajouter, sans prétention orgueilleuse, mais parce que cela est vrai, que l'article que nous avons publié à ce sujet comme la mesure même ont été l'un et l'autre sanctionnés par l'approbation générale. 11 y a plus, sinon mieux : certaines personnes ont été plus de notre avis que nous-mêmes. Ceci demande à être expliqué.

Un principe juste et bon, déduit trop rigoureusement, pourrait avoir des conséquences désastreuses. Ainsi, certains esprits absolus prétendent que non-seulement il faut exclure les marchands, mais aussi ceux des fabricants qui ne travaillent pas eux-mêmes, et n'admettre et ne récompenser que les véritables producteurs, que ceux qui confectionnent de leurs mains les produits, que les ouvriers en un mot. Un des premiers imprimeurs de Paris, que nous complimentions sur la beauté des oeuvres typographiques qu'il a exposées, cet imprimeur, homme très-distingué, mais d'un esprit trop rigoureux, nous a répondu avec une modestie excessive et très-réelle, que nos éloges allaient à l'adresse de ses ouvriers et que lui n'y avait aucun droit. Halte-là, messieurs! nous ne sommes plus du même avis.

Nul, plus que nous, n'apprécie le mérite de l'ouvrier, c'est-à-dire l'habileté manuelle et l'intelligence de l'exécution; mais nous faisons un plus grand cas de la pensée qui préside à l'ordonnance et à la direction du travail. Celui qui exécute telle ou telle partie d'une oeuvre ne vient pour nous qu'après celui qui la conçoit et qui la relie dans son ensemble. Ce ne sont.point les ouvriers qui font les bonnes fabriques; si habiles qu'ils soient, ils ne parviendront jamais à faire par leur travail une bonne réputation au chef qui les emploie, s'ils sont mal dirigés. Ce sont, au contraire, les fabricants qui forment les bons ouvriers. Cela est vrai pour tous les étals, et particulièrement pour l'imprimerie. Lorsqu'un ouvrier se présente pour entrer dans un atelier, avant de le mettre à l'oeuvre, on lui demande d'abord, etavec toute raison, chez qui il a travaillé; et, certes, l'accueil qu'il reçoit n'est pas le même s'il sort de chez Lacrampe ou de chez Cosson, de chez Didot ou de chez Ducessois. Cependant les moyens de travail sont, dans l'imprimerie, à peu près les mêmes partout; la plus ou moins bonne exécution des ouvrages est donc entièrement due à la direction imprimée aux travaux. Sans doute on ne gagne pas des batailles avec de mauvais soldats, pas plus qu'on ne fabrique de beaux produits avec de mauvais ouvriers; mais avant tout, cependant, le gain d'une bataille appartient au génie du général qui commande, et le mérite d'une oeuvre industrielle au talent du fabricant qui dirige; il est donc de loute justice de récompenser les généraux et les fabri-


L'EXPOSITION.

canls, etd'aulant plus que, ne pouvant récompenser tout le monde, on honore dans leur personne, et ceux-là qui ont concouru à la victoire, et ceux-ci qui ont contribué au succès.

Mais, objecte-t-on, qui déterminera la ligne qui sépare un marchand d'un fabricant, un producteur d'un commissionnaire,qui fixera ce point difficile en beaucoup d'occasions et toujours délicat, comme tous ceux qui touchent aux intérêts privés? Qui? Ce sera le jury d'admission, répondons-nous. Un jury serait parfaitement inutile, et il serait superflu de le composer des hommes les plus éminents uans les sciences et dans l'administration,;si on ne lui donnait pas des attributions sérieuses, s'il n'avait rien à déterminer, rien à juger.

La marche suivie aujourd'hui pour l'organisation et l'administra lion des galeries industrielles nous paraît donc la meilleure de toutes, et, par conséquent, très-bonne à suivre dans l'avenir.Nous ne demandOns'que plus de sévérité dans l'admission des exposants et des produits, et quelques améliorations de détail, notamment dans la rédaction du livret de l'exposition.

Pourquoi n'obliger pas les industriels à donner une note sommaire et indicative de l'objet de leurs produits, comme les artistes au Louvre énoncent le sujet de leurs tableaux? C'est un fait, que le public, faute d'une-explicalion succincte de l'oeuvre, mise à la suite du nom de son auteur, admire de confiance les trois quarts des objets qui remplissent les galeries ; il les rcgardeavec plus de curiosité que d'intérêt, parce qu'il ignore leur propriété et qu'il ne se rend pas compte de l'emploi auquel ils sont destinés. Ajoutons que la plupart des exposants se prêtent de mauvaise grâce aux explications qui leur sont demandées. Le rôle de cicérone est fort ennuyeux, nous le savons ; pourtant, lorsqu'on expose publiquement ses travaux, c'est apparemment que l'on fait quelque cas de l'opinion d'aulrui; il serait donc convenable d'aider complaisamment à l'intelligence de ses propres oeuvres, de mettre ainsi le plus grand nombre à même de les apprécier, et de suppléer en quelque sorte à l'insuffisance du livret. Mais beaucoup d'industriels, parmi les plus notables, affectent un superbe dédain pour les suffrages de la foule; en exposant, ils n'ont qu'une seule chose en vue : la médaille, ou d'argent ou d'or. Aussi sont-ils obséquieux envers les membres du jury autant que hautains envers le public. C'est un double tort. D'une part, les airs dédaigneux ne conviennent à personne, et sont particulièrement déplacés chez des fabricants qui ont besoin de tout le monde; d'autre part, si le jury seul décerne les médailles, le public, seul aussi, dispense quelque chose qui vaut mieux : la célébrité.

Nous ne finirons pas sans prolester de toutes nos forces contre un projet auquel on renoncera, nous l'espérons. Sous le prétexte d'encourager l'industrie agricole, on parle d'établir, durant la dernière semaine et aux abords de l'exposition, un parc où seraient exposés des boeufs plus ou moins gras. Quelle profanation! une étable aux portes du palais industriel!'La place des bestiaux est à Poissy, et non pas là où sont étalées les plus fines, les plus délicates el les plus riches merveilles de notre industrie nationale. Et d'ailleurs, reliée hissez-y : si vous admettez aujourd'hui les hommes qui engraissent des banifs, demain, pour être équitables, il vous faudrait admettre aussi les hommes qui engraissent des porcs et des chapons. Et puis encore, si vous voulez confondre l'industrie agricole et l'industrie manufacturière, si vous dotez d'un parc nos agriculteurs, pourquoi refuscriez-vousdes caves à nos marchands

devins? Non, non, ne faites pas cela! Encouragez l'agriculture; qu'elle ait ses expositions particulières : elle est assez féconde en produits pour les rendre intéressantes et belles sans aucun, secours étranger ; mais n'essayez point de rapprocher deux choses qui n'ont rien de commun ; laissez à notre exposition manufacturière son attrayant, son.splendide et majestueux caractère.

Fonderie en cuivre et en bronze

De MM. Quesnel et Compagnie.

Le moulage en sable pour la reproduction en bronze de toutes les oeuvres de la statuaire est un travail difficile et dont le plus grand nombre ne se rend pas compte. Les gens du monde, lorsqu'ils admirent une belle statue, apprécient le travail du sculpteur ; quelques-uns le travail du ciseleur; mais il en est très-peu qui pensent, bien loin de l'apprécier, au travail du fondeur. Cependant, qu'on le sache, l'art du fondeur est un art essentiel, et un fondeur qui a du talent est un artiste du premier ordre, un grand artiste. Précisément,parce que le mérite du fondeur est grand, les bons fondeurs sont très-rares. Lorsqu'un -'homme éminent dans cette partie importante de l'art de la statuaire soumet ses travaux à l'appréciation publique, c'est donc un devoir, pouu tout écrivain consciencieux, d'appeler sur eux l'examen, et l'attention sur leur auteur. C'est,ce que nous allons faire.

M. Eugène Quesnel, chef d'une des fonderies les plus considérables de Paris, et l'un de nos meilleurs fondeui's, a exposé des oeuvres nombreuses et remarquables à différents tilres.'Arrètonsnousd'abord devant un buste colossal deM. Boulay (de la Meurthe); ce buste est encore tout entier dans ses jets, ses évents et son jet principal. On peut ainsi juger du mérite du fondeur, et d'autant mieux que M. Quesnel a placé à côté le même buste pusse parla ciselure et la mise au bronze, en un mot tout à fait achevé ; ce qui permet d'apprécier combien la réussite qu'il a obtenue dans le principe est belle, car la ciselure n'a apporté ni altération ni changement dans cette belle tète. Pour mettre son travail en plus grand relief, par une comparaison complète, M. Quesnel a aussi mis en regard de son buste, le premier modèle eu plâtre, exécuté par David d'Angers. Il faut avoir la conscience de ses oeuvres pour ne craindre pas de les soumettre à une pareille épreuve. Le buste de M. Boulay (de la Meurthe), ainsi placé entre son premier modèle et son modèle terminé, témoigne que M- Quesnel est un de ces hommes d'élite qui travaillent avec amour, un de ces artistes éminents qui trouvent dans la perfection de leur travail nième la première et la plus précieuse récompense de leurs efforts et de leurs peines.

M. Quesnel ne s'est pas borné à exposer cette oeuvre, capitale ; il y a joint une grande variété de bronzes. Entre autres, un charmant groupe de Pradier : «Vénus consolant l'Amour, » et une délicieuse composition de 31. Debay : < Mercure in ventant la lyre. > Ces deux groupes sont à l'exposition l'objet de l'attenlion générale , tant leur exécution est belle, on peut ajouter avec vérité, tant elle est irréprochable. On s'arrête aussi devant une statue de grandeur naturelle, d'après Duret, et devant un sarcophage de Napoléon , travail remarquable à différents égards, surtout par son exactitude. On admire enfin quantité de petits bronzes de fantaisie, groupes et statuettes, oeuvres charmantes signées par l'élite de nos statuaires : Pradier, Duret, Debay, Dantan, etc., etc; tous


L'EXPOSITION.

ces petits chefs-d'oeuvre sont d'une finesse et d'une légèreté d'exécution inicomparables.

Si depuis longtemps déjà M. Eugène Quesnel n'était un des plus renommés et l'un des plus habiles fondeurs de Paris, les oeuvres qu'il a exposées cette année suffiraient à le placer au premier rang dans l'art qu'il exerce avec tant de distinction et tant de succès.

Cristallerie «le Iijon ,

Dirigée par MM. Billas, Maumené et Compagnie.

La cristallerie de Lyon, la plus considérable qui soit à présent dans le département du Rhône, a envoyé cette année, pour la première fois, des produits à l'exposition. Constatons tout d'abord qu'elle y a fait un magnifiquedébut. Le coup d'essai de MM. Billas, Maumené et Compagnie est un véritable coup de maître. L'attention publique est captivée dans nos galeries industrielles par la magnificence des cristaux exposés par les chefs habiles et industrieux de cet établissement. On examine attentivement, on admire les beaux produits de MM.Billas, Maumené; puis, on va voir plus loin les produits de même nature sortis de nos différentes usines, et Ton revient encore devant ceux de la cristallerie de Lyon; et l'on constate alors que si quelques autres ont la même perfection, il n'en est pas qui leur soient supérieurs, et que beaucoup n'ont ni leur élégance de forme, ni leur limpidité. Parmi ces riches et admirables cristaux, on remarque surtout de superbes vases gothiques à crénefTux et un guéridon de forme élevée dont Jes balustres sont d'une pureté vraiment incomparable. Faire aussi bien, on y parviendrait peut-être; mais faire mieux est impossible.

La cristallerie de Lyon est dirigée avec une rare intelligence et une parfaite distinction par MM. Billas, Maumené. En peu d'années, elle a su, par la beauté et la bonne qualité de ses produits , conquérir la faveur publique et prendre place au premier rang dans une branche importante de notre industrie. A ces litres honorables, ce grand établissement mérite de fixer l'attention sérieuse des membres du jury ; il le mérite encore, parce que les produits exposés par ses directeurs ne sont point des objets de parade, des oeuvres de patience, destinés uniquement à provoquer la surprise et à éblouir les yeux ; mais bien des produits courants, conformes en tous points à ceux qu'on livre journellement à la consommation et au commerce.

La cristallerie de Lyon, fondée sur de larges bases, peut soutenir toutes les concurrences, si puissantes qu'elles soient. Elle agit en pleine liberté, dans une condition toute particulière, avantageuse pour les consomma leurs autant que profitable pour elle-même; nous voulons dire qu'il lui est permis de vendre ses produits directement, sans avoir recours à aucun intermédiaire. C'est un cas exceptionnel dans celte branche d'industrie.

Fabrique «l'or, «le M. Favrel,

27, rue du Caire.

Cette maison est la première de Paris en son genre spécial de fabrication, personne ne l'ignore. Elle occupe le premier rang à différents litres ; d'abord, parce que de toutes elle est la plus considérable; ensuite, parce que ses produits se recommandent par une incontestable supériorité; enfin, parce que la grande consommation qui s'en fait permet de les ..livrer, malgré leur belle et

bonne qualité, à des prix beaucoup moins élevés que ceux des fabriques secondaires et des fabriques de l'étranger.

Comme fabricant, M. Favrel est un homme très-distingué ; il compte parmi les industriels dont la France s'honore. Le mérite de ses travaux et l'importance de ses produits ont été constatés à différentes fois par les hommes les plus compétents de notre pays; notamment par les membres de la Société d'Encouragement et de l'Académie de l'industrie, qui lui ont décerné en 1836 et 1857, les premiers une médaille de platine, les autres une médaille d'argent; et aussi parle jury de l'exposition nationale qui, en 1854 et en 1859, a également décerné à M. Favrel deux médailles d'argent.

Outre de nombreux et beaux échantillons d'or, de platine et' d'argent, en feuilles, en poudre et en coquilles, M. Auguste Favrel a exposé cette année plusieurs autres produits remarquables; entre autres, un cadre doré et platiné; ce cadre, où l'emploi du platine est prouvé comme ornement, est d'une exécution parfaite el du plus resplendissant effet ; ses oves, ses fonds platinés, ainsi que les brunis, sont du brillant le plus vif. On n'avait pas encore obtenu un aussi beau, un aussi complet résultat. 11 y a là un progrès véritable, et nous le signalons.

Dans une montre vitrine, sont aussi exposés des ors de diverses couleurs et des ors préparés pour le travail des dentistes; ces ors sont d'une malléabilité extrême et d'une éclatante beauté.

31. Favrel a encore fait admettre à l'exposition une machine à. battre et à réduire en feuilles tous les métaux en général, mais plus particulièrement l'or. — C'est une oeuvre capitale et fort ingénieuse.

De tels produits ont droit au plus sérieux examen de la part des membres du jury auxquels est échu le devoir de les apprécier. Ils se recommandent par eux-mêmes, mais ils se recommandent aussi par le nom de celui qui les a exposés. H faut tenir un compte égal à 31. Favrel, et du mérite de ses oeuvres et de l'habileté avec laquelle il soutient la concurrence sur tous les marchés étrangers , faisant ainsi prévaloir les produits de fabrique française sur ceux des fabriques rivales, même sur ceux de l'industrieuse Angleterre. Pour un fabricant, il n'est pas de meilleure manière de faire acte de patriotisme.

ITI. Cotelto, sculpteur,

19, rue du Bac.

31. Cotellc a exposé différents objets, des cadres, des pendules, des galeries pour croisées en plastique, etc., etc.; mais ce qui a particulièrement attiré notre attention, ce sont de grands tableaux en terre cuite préparée par un procédé qui lui appartient et qui offre une solidité à toute épreuve. Les sujets de ces tableaux, sujets religieux, sont d'une bonne composition et très-bien rendus. Ces tableaux, dont toutes les figures sont en relief, sont exécutés dans des proportions assez larges; ils n'ont pas moins de 1 mètre 50 centimètres de liant, sur une largeur de 1 mètre. Lorsqu'ils sont vernis en imitation de chêne, ils doivent produire dans les églises un très-bon effet. Ajoutons que leur prix est peu élevé. Les églises pauvres et nues de nos campagnes, qui malheureusement ne peuvent jamais prétendre à posséder des peintures ou des sculptures, pourront aisément se procurer ces ornements. Nous ne donnons certes pas les tableaux en relief de 31. Cotelle comme des oeuvres d'art; mais nous les apprécions pour ce qu'ils sont, pour


L'EXPOSITION.

des oeuvres d'un travail très-remarquable : la preuve, c'est qu'à l'exposition ils sont très-remarques.

M. Cotelle fait, on le comprend, l'application de ses ornements sculptés à tous.les objets propres à en recevoir ; à part leurs mérites divers, le premier et le plus essentiel, c'est, nous le répétons, une extrême solidité. La solidité, en fait d'ornements, n'est-ce pas déjà beaucoup?

I?I. Lombard, sculpteur,

5, rue de Thorigny. .

31. Lombard a mis à l'exposition des cadres et des ornements du meilleur goût, et parfaitement appropriés à leur destination. Aujourd'hui que le nombre des cadres augmente en raison de ce que leurs proportions se restreignent, il a fallu substituer à la sculpture sur bois, dont le prix est fort élevé, des ornements en pâte, afin de mettre ce luxe à la portée de la généralité des fortunes. Les cadres de 31. Lombard doivent produire, lorsqu'ils sont dorés, le plus bel effet. Disons cependant que l'on ne doit employer cette sorte d'ornements que pour des parties plates, telles que des bordures, par exemple; pour des meubles d'un usage journalier et exposés à un contact incessant, ils n'offrent pas assez de solidité pour pouvoir jamais remplacer la sculpture.

Ilronzes «le M. Uihlel,

44, rue de la Chaussée-d'Antin.

31. Rodel a exposé une nouvelle garniture de cheminée en bronze de la plus heureuse idée. Que l'on se figure un appui de cheminée surmonté d'une belle glace: 31. Rodel, pour remplacer la pendule et les candélabres traditionnels, a fait sculpter et fondre un entourage de glace dans le genre de ceux des anciens miroirs à la Pompadour, et d'une dimension proportionnée à la hauteur de nos glaces modernes. Ce sont deux grands rinceaux supportés sur des tiges et formant deux montants, très-hardis, beaux d'exécution, et parfaitement dorés à l'or moulu. Au sommet, les deux branches se rejoignent, et entre elles, au milieu, se trouve placée une espèce de cartouche destinée à recevoir un mouvement de pendule, qui, là, remplira parfaitement bien son objet sans nuire en aucune manière à l'effet que l'on doit attendre du luxe et de la réflexion des glaces. A droite et à gauche des deux montants, de jolies branches se détachent en forme de bouquet, et sont disposées pour recevoir plusieurs bougies qui, sans masquer la glace, y pourront néanmoins projeter et réfléchir leur lumière.

Ce travail fait le plus grand honneur à 31. Rodel, qui, le premier, a trouvé ce que beaucoup de fabricants avaient, avant lui, cherché vainement, c'esl-à-dire le moyen de ne cacher pas la beauté, de ne nuire pas à l'agrément, de n'annuler pas l'objet d'utilité des glaces par des masses de bronze, par ces énormes pendules, dont l'aspect est toujours plein de lourdeur et le goût très-rarement heureux; et cela, sans laisser la glace nue, ni son appui démeublé. 11 fallait enfin trouver, inventer une nouvelle et ingénieuse garniture de cheminée; c'est ce qu'a fait 31. Rodel avec un grand bonheur.

Un ami officieux, nous voyant admirer à l'exposition la garniture de cheminée de 31. Rodel, a cru devoirnous informer qu'avant d'être industriel 31. Rodel avait été artiste. Qu'est-ce à dire? la qualité d'artiste, une fois acquise, se perd-t-elle jamais? Se démet-on

démet-on l'intelligence et du goût comme d'une charge d'agent de change? 31. Rodel, par son oeuvre vraiment belle, démontre bien le contraire.

'Garnitures «le liires. — M. Houdaille,.

171, rue Saint-Martin.

31. Houdaille a exposé un magnifique choix de garnitures pour la reliure des livres ; il en a exposé de différents modèles, de formes diverses, de toute grandeur, pour tous les formats; il y en a de dorées et d'argentées. Les coins, les charnières, les fermoirs, sont d'un très-bon goût, et remarquables, les uns parla richesse, les autres par le fini de leur travail. Ces ornements sont fort à la mode aujourd'hui ; on les approprie à tous les livres précieux, mais particulièrement aux livres d'église. Lorsqu'on se procure ces riches et élégantes garnitures par l'intermédiaire d'un papetier, d'un libraire ou d'un relieur, elles reviennent à des prix trèsélevés et sont rarement bien faites ; il convient donc de s'adresser directement à 31. Houdaille, qui les établit mieux et à meilleur compte que qui que ce soit. Le jury de l'exposition a reconnu et constaté le mérite et la supériorité du travail de 31. Houdaille, en lui décernant, en 1859, une médaille (le bronze,

Ordres et décorations. — JTInison Millet,

20, rue Croix-dcs- Petits- Champs.

Les ordres de chevalerie et les décorations sont des objets de luxe par excellence. Il est telle plaque d'un ordre royal dont la . valeur constituerait une fortune très-belle. Aujourd'hui que, dans presque tous les pays, les litres et les décorations ne sont plus le privilège exclusif d'une grande naissance, mais une récompense décernée au talent et aux services rendus, il arrive que parfois tel homme de mérite est décoré sans pouvoir porter sa décoration, s'il doit en faire les frais, par la raison que la fortune n'est malheureusement pas toujours la conséquence du courage, du talent ou du savoir. 31. Millet a donc eu une heureuse idée en fabriquant des plaques de tous les ordres impériaux et royaux, avec des matières qui imitent l'or, l'argentetlcs diamants. On pourra désormais se parer des distinctions honorifiques qu'on aura su mériter, sans porter au revers de son habit le patrimoine de ses enfants. 11 n'est permis qu'à des magnats hongrois de se passer la fantaisie d'un vêtement du prix d'un million.

Les ordres et les plaques que 31. Millet a exposés sont si bien imités et si parfaitement travaillés, qu'il est impossible d'établir une distinction entre eux et des ordres en diamants ou en argent. C'est un véritable service rendu à la noblesse qui relève du travail et du talent, et môme à la noblesse qui s'appuie sur la fortune; carde nos jours, nul ne sesouciede placer des capitaux en décorations, quel que soit le grand et juste prix que l'on attache à ces éclatants honneurs. Il n'y a que ceux qui n'ont pas le droit de les porter et qui ont la conscience de ne pouvoir jamais les mériter, il n'y a que ces impuissants renards qui affectent du dédain pour les décorations.

Ombrelles et parapluies. — maison Desnlerres et VM.

2, rue Saint-Appoline.

3131. Despierres et Compagnie ont exposé un choix très-varié deleurs-élégants et utiles produits. Outre quantité d'articles char-


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L'EXPOSITION.

niants et de hou goût sortis de leur fabrique, nous n'avons pas compté moins de quinze objets différents et nouveaux pour lesquels ils sont brevetés. Leur nombre est trop considérable pour que nous puissions les apprécier tous avec détail; nous n'en mentionnerons donc que quelques-uns, parmi les plus remarquables, renvoyant à l'exposition même ou à la fabrique de 3131. Despierres, les amateurs de ces coquets et indispensables articles, qui sont à la fois des objets de luxe et de fantaisie et des objets nécessaires, d'un usage journalier.

Notre attention a d'abord été captivée par le mécanisme ingénieux de ces jolies et riches ombrelles dites duchesses; elles sont à inclinaison progressive, pouvant être réglée à différents degrés, selon la marche du soleil. Le mouvement s'opère avec une grande facilité en tournant le manche. Ce système est beaucoup plus commode que celui approprié aux ombrelles, dites marquises, lesquelles n'ont que deux points fixes, comme on sait,, l'un perpendiculaire, l'autre horizontal. Il y a des duchesses de différentes sortes; elles varient peu de forme, mais elles varient beaucoup par la complication ou la simplicité de leurs ressorts et par la plus ou moins grande richesse de leur travail. Toutes les dames voudront avoir une duchesse; on peut prédire à coup sûr que cet article obtiendra un véritable succès de vogue. L'impulsion, à cet égard, a déjà été donnée et de bien haut, car une de ces ombrelles à inclinaison, travaillée avec un goût exquis et brodée en soie à petites fleurs de pensez-à-moi, a été choisie à l'exposition par S. A. R. madame la princesse de Joinville.

Nous avons aussi remarqué un parapluie dit excentrique. Le centre est placé de manière ù ce que la personne qui le porte se trouve également abritée de tous les côtés. Ce n'est pas là un médiocre avantage. Ce parapluie fonctionne, comme les duchesses, par inclinaison progressive. —- Puis encore, un parapluie de voyage, ainsi qualifié parce que son manche rentrant sur lui-même et son bout supérieur se reployant dans toute sa longueur, on peut aisément le placer dons toute espèce de malle. tIl

tIl a enfin des fermoirs d'ombrelles et de parapluies tout nouveaux, remplaçant avec avantage l'anneau classique, ainsi que la ganse et le bouton, dont l'usage est très^incommode ; leur action se produit avec facilité et instantanément, . ,'.,.:«

On voit que les produits de MME. Despierres et Compagnie occupent à l'exposition une belle et notable place. Celte maison a une importance réelle; elle occupe un personnel nombreux elle mouvement de ses affaires est très-considérable. En établissant leurs produits à des prix très-bas en raison de leur bonne qualité, MM. Despierres en ont généralisé l'usage, ils ont en quelque sorte créé un peuple de consommateurs. En agissant ainsi, ils ont tout à la fois servi l'intérêt public et leur intérêt particulier. C'est surtout à l'intelligence de celte mesure qu'ils doivent la grande prosr périté de leur fabrique.

* Killards de M. Cosson,

20 bis, rue Grange-aux-Bcllcs. 31. Cosson, habile fabricant de billards, qui a obtenu pour les produits de ses ateliers une mention honorable en 1854 et en 1859, a exposé cette année un grand et magnifique billard en ébènc, et un charmant petit billard en chêne. Chose remarquable ! dans le premier de ces meubles, pièce capitale et de grande dimension, il n'y a rien de lourd, rien de motériel ; il offre, au contraire, un aspect

plein de légèreté et de coquetterie. Aussi le billard de M. Cosson attire-t-il l'attention des nombreux visiteurs qui se pressent dans nos galeries industrielles, par la beauté de ses incrustations, par le bon goût et le fin travail de sa sculpture, et par la richesse de ses ornements. C'est un modèle parfait, charmant dans ses détails, superbe dans son ensemble. Nous le reproduirons par la gravure dans un de nos prochains numéros; nos lecteurs, surtout ceux de la province et de l'étranger, qui n'auront pu l'admirer à l'exposition, apprécieront ainsi la rigoureuse exactitude de notre jugement, et combien M. Cosson justifie, par ses oeuvres, la bonne réputation dont il JQiîit depuis longtemps comme fabricant.

m. Loire, bijoutier,

255, rue Saint-Martin.

M. Loire a exposé un choix de bijoux en argent, émaillés par un vernis imitant l'émail. Ce qui a surtout attiré notre attention, ce sont les bracelets exposés par 31. Loire; ils sont remarquables et par la nouveauté de la forme et par la grâce du dessin; un, entre autres, formant le noeud de ruban ; c'est un charmant modèle : le noeud est élégamment fait et parfaitement noué. Les bijoux exposés par 31. Loire constatent qu'il est à la fois un bon fabricant et un homme de goût.

ML manchet, émailleur,

15, rue Chapon.

M. Blanchet a exposé, sous le numéro 5,270, un choix très-varié de camées; ils sont tous remarquables parla finesse vraiment achevée de leur travail, surtout par la beauté de leur sculpture. 11 est permis de dire que cet artiste a atteint lu perfection. Un camée de M. Blanchet, monté en agrafe, est un des plus coquets et des. plus précieux joyaux dont une femme élégante puisse se parer.

Bijouterie de deuil. —• Maison Viennot,

2, rue Neuye-Bourg-l'Abbé.

M. Viennot, qui a obtenu, à titre d'encouragement, une mention honorable du jury de l'exposition de 1859, recevra cette année, cela n'est pas douteux, une distinction plus notable; il y a droit par la belle exécution des parures en jais qu'il a exposées. L'utilité et l'application de cet article spécial de la bijouterie sont trop généralement connues pour qu'il soit besoin même de les rappeler. Ce ne sont point des objets de mode; ils sont, en certains cas douloureux, d'une absolue nécessité. Comme ces produits de notre fabrique nationale s'exportent en très-grandes quantités, nous nous bornerons à recommander aux marchands des pays étrangers, et aussi à nos dames de Paris, la maison de M. Viennot ; elle mérite la préférence à plusieurs égards, surtout par la variété de ses assorti monts et la belle exécution de ses parures.

Coutellerie de table et «le fantaisie,

Maison Gavel, 158, rue Sainl-Honorc.

Cette maison, qui a obtenu à l'exposition de 1854 une médaille d'argent, est l'une des plus anciennes de Paris et des plus justement renommées pour cette spécialité de fabrication. Elle établit consciencieusement, avec les conditions réunies de commodité et


L'EXPOSITION.

de luxe,' toutes les pièces de coutellerie de table et tous les services à découper. On peut s'adresser là avec confiance; tous les -produits qui en sortent sont de bon goût, bien travaillés et d'excellente'qualité. En un mot, cette majson justifie de toutes les manières la bonne repu ta tio n don t elle j o ui t depuis près d'u n demi- siècle. ;--:;;---ir^

La maison Gàvet a exposé cette année un choix très-varié de coutellerie ; produits remarquables, les uns par la nouveauté de leur objet, les autres par leur intelligente simplicité, tous par leur belle et parfaite exécution. Il faut citer, entre autres, un magnifique nécessaire composé de trente-deux pièces différentes, dont le prix s'élève à cinq cents francsw C'est un travail admirable. Son auteur n'a pas seulement le mérite de l'avoir bien exécuté, il a encore le mérite plus grand d'avoir imaginé pour la plupart de ces pièces un emploi nouveau, de les avoir inventées en un mot. Ce nécessaire est un véritable chef-d'oeuvre en son genre; il va droit à l'adresse d'un prince; mais avant tout il appelle l'attention des membres du jury de l'exposition.

]?I. Petit, à Nontron (llordogne).

M. Petit a envoyé à l'exposition un choix très-varié de couteaux de poche, dits couteâux-Nontron. Leurs manches, en buis, sont très-bien tournés ; il y en a même qui sont gravés, ce qui n'empêche pas ces charmants objets d'être cotés à très-bas prix. 11 y en a de fort jolis, marqués au prix de vingt-cinq centimes. Nous attestons qu'ils valent davantage. Il ne faut pas seulement apprécier les produits d'un industriel par l'importance qu'ils ont; il faut considérer aussi l'utilité de leur objet. A ce titre, les produits de M. Petit, deNontron, méritent d'être mentionnés.

VARIETES.

Un fabricant «tut n'expose pas. M, VITTOZA

La facilité avec laquelle on admet indistinctement tous les produits à l'exposition, à part l'inconvénient d'encombrer d'une manière fâcheuse les galeries, a pour résultat malheureux d'en éloigner certains hommes éminents, qui ont fait faire de grands progrès à leur industrie, et qui, par leurs travaux, ont acquis une grande position en même temps qu'une brillante et légitime renommée. Ces hommes participeraient volontiers à un concours, ils accepteraient de grand coeur une lutte avec leurs pairs; mais ils s'abstiennent, découragés par cette pensée, qu'il n'est pas besoin de bien faire, mais seulement de faire, bien ou mal et quoi que ce soit, pour être admis à l'exposition. L'idée d'être traités de la même manière que le premier confectionneur venu et de voir leurs oeuvres, artistement conçues, patiemment travaillées, finement achevées; l'idée de voir de telles oeuvres, non pas confondues, c'est impossible, mais placées sur la même ligne que des objets de pacotille, révolte leur fierté et blesse leur orgueil, et ce n'est pas, il faut le reconnaître, sans quelque raison.

Et puis, on n'a jamais un grand talent sans avoir la conscience de sa valeur personnelle; et ces hommes se disent encore : < Ma réputation n'est-elle pas établie depuis longtemps? ne sait-on pas de quoi je suis capable? prononcc-l-on jamais le nom de mon industrie sans que mon nom né vienne aussitôt à la pensée de chacun;

chacun; lors à quoi bon et pourquoi exposer? » M. Vittoz, fabricant de bronzés, est uii de ces hommes d'élite, un de ces industriels hors ligne, qui pour ces motifs et pour d'autres encore peut-être, n'envoient pas lenrs produits à l'exposition;

L'absence de31. Vittoz dans nos galeries industrielles est regrettable sous tôiis les rapports : d'abord parce qù'elley est remarquée et qu'elle y fait un grand vide; ensuite, parce que ses magnifiques bronzés, ses modèles si nouveaux, d'Urt choix si heureux et d'une exécution si parfailèy eussent ajouté à l'éclat-"et à "l'intérêt de l'exposition. Quand on marche'à la tète d'une industrie; quand, par le travail, par l'habileté et le-talent, on a Conquis la première place, on ne s'appartient plus tout entier; on a des devoirs à remplir envers son pays. Or, si pour lui-même 31. Vittoz était libre de s'abstenir, pour nous, pour l'honneur national, qu'il nous permette dé le lui dire, il devait exposer.

M. Vittoz, comme fabricant, a les mêmes susceptibilités que M. Ittgres Comme peintre. Ce sont l'un et l'autre, chacun dans son' genre, d'eux grands artistes dont les travaux contribuent puissamment à la gloire dé la France. Mais plus leurs oeuvres sont éminentes et plus leurs noms nous sont chers, plus aussi ils s'ont coupables, il faut avoir le courage de le leur faire entendre, de ne pas produire et les oeuvrds et leurs noms, celui-là au Louvre, celui-ci aux Champs-Elysées.

A ce reproche, M. Vittoz a, nous le savons bien, une réponse toute prête : i Qu'ai-je besoin d'exposer, pourrait-il nous dire, puisque mes magasins sont ouverts à tout le monde et que toutes les personnes qui ont le sentiment du beau et du bon, qui apprécient les oeuvres achevées et de bon goût, viennent librement y voir mes produits comme elles vont dansles ateliers de M. Ingres juger sa peinture? »—Sans doute, monsieurVittoz,la meilleure et la plus élégante société de Paris se donne rendez-vous dans vos magasins pour admirer la beauté et perfection de vos bronzes, la nouveauté et la prodigieuse variété de vos modèles, et pour y faire ses choix ; nous lie l'ignorons point, puisque nous avons fait nous*même le pèlerinage de la rue des Filles-du-Calvaire, pour aller voir et contempler chez vous vos oeuvres que nous avions vainement cherchées dans les galeries industrielles ; mais si ce succès vous suffit;,, il ne nous suffit pas à nous. Vous nous avez donné, par vos travaux, le droit d'être exigeants; nous voulons pour eux, parce qu'ils le méritent ù tous égards, un succès plus général encore, -une renommée plus éclatante, et pour voire nom une popularité plus grande. Tout en appréciant ce qu'il y a d'honorable et d'élevé dans les motifs de votre détermination^ nous ne cesserons donc pas, néanmoins, de vous crier de cette voix chaleureuse qui vient du coeur et de la conscience :: Monsieur Vittoz, il faut exposer!

DESSINS.

NUMÉRO 1. llarnioniuni-Oebaln.

Manufacture, 55, rue Vivienne. On a fait souvent, en différents pays, et toujours vainement, des tentatives et de laborieux essais pour réunir dans un seul instrument les nombreuses et puissantes ressources d'un orchestre tout


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L'EXPOSITION.

entier. Ce beau résultat a été enfin tout récemment obtenu, et on le doit, nous le disons avec quelque,fierté, aux patients efforts, au ; travailingénieux d'un denoscpmpatriotes.à M. Alexandre Debain. L'harmonium, inventépar M* Debain, instrument tout nouveau et tout français, rend avec Une-égale perfection l'effet particulier propre à chaque instrument, et Tanapleur sonore qui résulte de leur ensemble dans un orchestre. Ce beau résultat d'une instrumentation multiple par le jeu d'un mèpe instrument, avant l'invention de l'harmonium, l'orgue seulpouvait le produire;-maisil fallait à ce roi des instruments, en raison de ses proportions colossales, la vaste enceinte d'une cathédrale; il ne pouvait être ad.mis ni dans un salon ni dans une chapelle, tandis que les dimensions restreintesde l'harmonium lui donnent accès partout. Aussi a-Hl déjà; pris place dans, plus de vingt églises de Paris, notamment dans celles de Saint-Rocli, de la Madeleine, de Saint-Sulpice, des 31issions^Étrangères et de l'Abbaye-aux-Bois. Les salons.n'ont ,pas mis moins d'empressement à adopter l'harmonium- Cet hiver, tout le monde a pu apprécier combien sont soutenus et expressifs les sons qu'on en obtient, et combien aussi il se prête aisément à tous les genres de musique, car on l'a entendu dans les plus riches et les plus élégantes maisons de la société parisienne, entre autres dans les salons de Son Excellence M. le garde des sceaux, du bâtonnier de l'ordre des avocats, 31. Chaix-d'Est-Ange, de monseigneur l'évoque-de Nancy, du prince Toubelskoi, du célèbre professeur Zimmerinapn, et. de 31. Herz. Partout le succès de rharmonium a été grand, complet, — et mérité, faut-il ajouter. Ce succès, basé sur un besoin général et sur une utilité réelle, -grandira de jour en jour. L'harmonium est destiné, nous n'en doutons pas, à obtenir la popularité du piano, sur lequel il a, jcomme instrument et comme meuble, une supériorité incontestable.

Dans nos galeries industrielles, les instruments de M. Debain .sohtrobjetde.l'altention, générale ; ils y obtiennent une véritable vogue. Il est juste de dire qu'un jeune artiste, M> Desjardin, les fait valoir avec une rare habileté; par instants effort complaisantment, il. procure à la foule des visiteurs et aux exposants euxmêmes le plaisir d'un concert. Ces instruments sont en bois de chêne, ornés de sculptures et de moulures' très-simples; les anciennes pédales étroites sont remplacées par de larges pédales garnies de velours et formant tapis; une draperie gracieuse eâclie les soufflets sans gêner les genoux. Ce perfectionnement à la fois con* fortnblc et élégant fait de l'harmonium un instrument très-distingué et un meuble du meilleur goût, dont la place est marquée dans les* plus modestes comme dans les plus riches salons. Celui que nous reproduisons par la gravure, et qui accomp'ague notre nu,* méro d'aujourd'hui, est le plus beau modèle, c'est notre avis au inoins, dé tous ceux exposés par-M. Débain. Nous n'avons pas voulu tarder à mettre sous les yeux de nos lecteurs une oeuvre de cette importance, un produit aussi remarquable, une invention aussi ingénieuse ; et puisqu'ils sont à même de juger de sa beauté, sinon de ses différents mérites, nous n'en ferons pas d'autre éloge. Cet instrument est la propriété de 31. Roger, artiste de l'OpéraComique, qui vient d'en faire l'acquisition.

Dans sa dernière visite à l'exposition, le roi, qui déjà précédemment s'était arrêté devant les oeuvres de 31. Debain, leur a donné cette fois une nouvelle et plus sérieuse attention. Il est monté sur l'estrade où sont placés les:harmoniums, el lui-même

a gracieusement aidé à lés ouvrir; après les avoir examinés;avec un vif intérêt dans leurs plus petits détails, Sa Majesté a félicité avec effusion leur inventeur, et sur l'utilité de leur objet, et sur leur parfaite exécution. La reine a voulu joindre ses félicitations à celles du roi, et elle a bienveillamment exprimé à M. Debain la Satisfaction que souvent elle avait éprouvée à Saint-Roch, en entendant jouer de l'harmonium par M. Lefèbure-Wely.

M. Debain doit être content de son exposition : il est dignement récompensé de ses travaux par. la faveur publique et par les félîcitations royales. Maislé jury lui doit aussi unerécompensé,'et il la lui doit belle, parce qu'il y a droit à deux titres différents et également légitimes, comme inventeur et comme manufacturier.

M. Debain a aussi exposé un autre instrument; mais nous n'avons pu encore l'examiner que d'Une manière imparfaite. Nous en parlerons avec détail dans un de nos prochains numéros;

IVIMÉKO 2. flinétou à quatre roues, «lit voiture américaine.

On peut juger par le trait que nous publions de ce joli phaéton, combien est remarquable la légèreté de sa forme. Nujle voiture n'est propre à tourner avec autant de facilité les allées étroites des parcs et des jardins ; c'est une voiture de promenade par excellence.

1MU1ÉR0 3. w.'

Calèche-Victoria.

Nous donnons une gravure achevée de cet élégant modèle de calèche de promenade ; il est surtout remarquable par la coquetterie, par l'originalité et le bon goût de sa forme ; aussi paraît-il destiné à obtenir un succès de vogue, car nous savons que déjà plusieurs sont en voie d'exécution dans.nos meilleurs ateliers de carrosserie.

' ' Nl'MËllO 4. ' ".■ Candélabre eu fonte de M. Muel.

La fonderie de M. Muel est trop connue par l'importance de ses travaux, et trop justement renommée pour la beauté de ses produits, pour qu'il soit besoin de constater de nouveau des faitsque personne n'ignore.; C'est dons cette usiné que les belles fontaines delà placede la Concorde ont été fondues. .

Le modèle de candélabre que nous reproduisons aujourd'hui, oeuvre de M. Muel, a été choisi par l'administration pour orner le pont de la Chambre des Députés; la beauté et la simplicité de sa forme jointes à une parfaite exécution, lui ont valu cet honneur. Il figure cette année encore à l'exposition, mais cette fois, il supporte de magnifiques lanternes d'escalier. Nous avons préféré, pour le mettre sous les yeux de nos lecteurs, le reproduire sbussn forme primitive.

LE BOUTEILXiER, Directeur.

Paris. — Typographie l.ACiuyi'it ci Coinp. rue Dainiclto, 2.






L'EXPOSITION.

SOMMAIRE.

TEXTE :

De la fabrication des aiguilles : Manufacture de M. II.—J. Neuss, à Vaise, près Lyon. — Industrie du corail, a Marseille : Manufacture de MM. J.-B. Boeuf et Marius Garaudy. — Industrie des papiers peints : Historique; — Manufacture de MM. Zuber et Compagnie, à Rixheim;— Manufacture de MM. Lapeyre et Compagnie; — Manufacture de MM. Mader frères; — Manufacture de MM. Rupp, Rubie et Compagnie; — Appareils de M. Degousée, ingénieur civil. — Bronzes d'art, de MM. Raingo frères ; — Fabrique de plaqué de M. Balaine ; — Fabrique de M. Prodon-Pouzet, à Thiers ; — Variétés : Fêle donnée aux industriels par le Roi. — Exposition des manufactures royales au Louvre. — Congrès industriel. — Deux expositions au Luxembourg. — Exposition à Bordeaux. — Avis de la Société libre des Beaux-Arls.

GRAVURES :

NUMÉRO 1 : — Orgue mécanique de M. Kelscn. NUMÉRO 2 : — Coupé de ville, et de voyage. NUMÉRO 5 : — Chaise-Gondole.

DE LA FABRICATION DES AIGUILLES.

m tmufaeture «le M. H. J. ftTeusg» à Vaise, près Lyon.

Cette branche d'industrie a une grande importance; elle est pour nous une récente conquête faite sur l'étranger. Cependant, quoiqu'elle soit nouvelle dans notre pays et en voie de progrès, elle a déjà néanmoins subi de nombreuses vicissitudes, et est encore aujourd'hui exposée à des chances contraires. On ne lui accorde pas une protection suffisante, ni ces encouragements efficaces qui aident au développement d'une industrie, et qui lui font en quelque sorte prendre racine sur le sol où elle est exploitée. On en jugera par l'historique succinct que nous allons en tracer.

Sous l'empire, la fabrication des aiguilles, pour la consommation de la France, était concentrée dans le département de la Roër ; ' il y avait à Aix-la-Chapelle et aux environs vingt grands établissements qui occupaient douze à quinze mille ouvriers. Ces établissements étaient une source immense de richesse et de prospérité pour le pays.

Après nos revers, en 1814, la France, rentrée dans ses anciennes et étroites limites, se trouva tout à coup dépossédée de toute manufacture d'aiguilles, et dut payer pour cet article, comme pour tant d'autres, un tribut à l'industrie étrangère.

Ce fut alors qu'un fabricant d'Aix-la-Chapelle conçut le projet de transférer sa fabrique en France et de fonder, par actions, un grand établissement à Mérouvcl, près l'Aigle, dans le département de l'Orne.

Pour mettre ce projet à exécution, il fallait simplifier les opéralions les plus difficiles de la fabrication, le perçage et le cannelage, par exemple, travaux qui demandaient des ouvriers exercés dès l'enfance, et qu'il était impossible, à celle époque, de se procurer 18W. 1S JUIN.

.1 3 \

en nombre suffisant. On imagina donc et l'on adopta un système mécanique tout nouveau pour le perçage et le cannelage des aiguilles. Après avousdépensé en essais malheureux des sommes très-considérables, l'établissement deMérouvel, peu protégé, d'ailleurs, par les droits d'entrée imposés aux produits étrangers, dut succomber sous les difficultés de son entreprise. L'usine a plusieurs fois changé de maîtres, et est aujourd'hui encore exploitée avec telles chances plus ou moins grandes de succès qu'il ne nous convient pas d'apprécier ici.

Toutefois les procédés de la manufacture de Mérouvel, quoique défectueux sous plusieurs rapports, éveillèrent l'attention des fabricants de l'Allemagne et de l'Angleterre, qui les mirent en oeuvre et en tirèrent bon profit, à l'aide de leurs ouvriers, beaucoup plus expérimentés que ne l'étaient les nôtres en ce temps-là.

En 1830, M. Neuss, chef du premier établissement d'Aix-la-Chapelle, avait déjà obtenu une grande perfection dans les procédés mécaniques dont il faisait l'application. Uu système semblable fit aussi de rapides progrès en Angleterre. Enfin, de perfectionnements en perfectionnements, on en vint à opérer une révolution complète dans la fabrication des aiguilles. On dut à ces procédés nouveaux, non-seulement un travail plus régulier et une diminution notable dans le prix de revient, mais encore la possibilité de transférer aisément une fabrique d'aiguilles dans les différents pays où les lois de douanes accordent une protection intelligente et nécessaire à cette industrie spéciale.

31. Neuss avait déjà établi une succursale de sa maison d'Aix-laChapelle à Vienne en Autriche, où un droit protecteur convenable promettait le succès à une telle entreprise, quand l'élévation de noire tarif de 2 ù 8 francs par kilogramme d'aiguilles le détermina à fonder aussi une succursale en France. En 1841, il n établi un


L'EXPOSITION.

de ses fils à Lyon, et depuis lors, il a joint à la fabrication des aiguilles une tréfilerie de fer et d'acier, une fabrique d'épingles d'acier, de broches à tricoter, et de divers autres produits analogues. Cet établissement a été récemment autorisé d'une manière directe par une ordonnance du roi, qui confère h ses chefs la jouissance de tous les droits civils chez nous.

L'élévation de notre tarif n'a pas décidé que 31. Neuss à transporter son industrie en France En même temps que lui et après lui, d'autres industriels sont aussi venus, pour le même objet, se fixer sur différents points de notre territoire. Notre pays compte à présent plusieurs manufactures d'aiguilles. Il y en a trois à l'Aigle, une à Amboisc, une à Tours, une à 3Ietz, et celle de 31. Neuss, dans le faubourg de Vaise, à Lyon. En tout sept, plus ou moins considérables.

Tous ces établissements ont été atteints dans leur prospérité par une décision ministérielle de 1841, qui, contrairement à une disposition de la loi des douanes qu'on pouvait croire formelle, déclara les aiguilles de plus de quatre centimètres de longueur exemptes du droit nouveau de 8 francs, les admettant ainsi à entrer au droit de 2 francs par kilogramme de l'ancien tarif. Cette modification, dont il serait trop long de déduire ici les conséquences funestes pour les fabricants, cette modification soudaine, inattendue, et illégale peut-être, a arrêté dès ses premiers pas une industrie toute nouvelle chez nous; industrie qui aujourd'hui attend, en élat de souffrance, le rappel d'une injuste mesure pour se développer activement, et rentrer avec énergie et confiance dans la voie de prospérité que la loi lui avait ouverte.

La consommation totale d'aiguilles qui se fait en France peut être évaluée à huit ou neuf cents millions par an. La manufacture de Vaise, d'après sa base actuelle, peut annuellement en fabriquer cinquante millions. Si les circonstances redevenaient favorables, si une protection efficace était rendue ù cette industrie, il serait facile à 31. Neuss de doubler cette production en quelques mois, et même de la tripler en moins d'une année. En admettant un semblable accroissement dans les autres établissements, ce qui est fort probable, il en résulterait que la France suffirait elle-même à sa propre consommation, et qu'elle se trouverait ainsi déchargée du tribut annuel de sept ou huit millions de francs qu'elle paie à l'étranger pour ces produits spéciaux.

Différentes branches d'industrie se rattachent à la fabrication des aiguilles, notamment la tréfilerie du fil d'acier, les broches à tricoter, les épingles d'acier, les pointes à carder, etc. Ces divers articles dont la consommation est considérable nous viennent, en grande partie, de l'étranger. Cela n'aurait pas lieu s'il était permis à nos manufactures de prendre tout le développement dont elles sont susceptibles, parce qu'alors elles produiraient elles-mêmes tous les objets qui relèvent de leur fabrication ; ce qui aurait pour première et heureuse conséquence d'activer et d'accroilre considérablement notre mouvement industriel.

La fabrication d'aiguilles, facile et de peu d'importance aux yeux de ceux qui en ignorent le mécanisme, est en réalité très-difficile el très-compliquée. En effet, un kilogramme d'acier brut du prix de 2 francs suffit à faire quinze mille aiguilles, lesquelles, en qualité supérieure, valent 150 francs. Il y a peu de marchandises, on en conviendra, qui aient en main-d'oeuvre une valeur aussi disproportionnée avec celle de leur matière première. 11 faut aussi se rendre compte que la confection d'une aiguille par les procédés

ordinaires demanderait la journée tout entière d'un ouvrier; or, le fabricant livrant au commerce l'aiguille commune à'moins d'un demi-centime, quelle merveilleuse économie de temps et d'argent ne lui faut-il pas réaliser pour pouvoir vendre à si bas prix, et avec bénéfice, ses produits! On obtient ce résultat par une intelligente division du travail qui fait passer l'aiguille, avant d'être achevée, plus de soixante fois de la main d'un ouvrier à la main d'un autre, et par le traitement des aiguilles en masse dans certaines opérations, opérations dans lesquelles on réunit cent et deux cent mille aiguilles de même grandeur et de même qualité.

Ce qui complique surtout la fabrication des aiguilles, c'est la multiplicité des sortes, qualités et dimensions, chaque sorte ayant de douze à quinze numéros de grandeur, et trois qualités différentes au moins. Pour vendre cinquante millions d'aiguilles par an, il faut avoir nécessairement un approvisionnement de cinquante à soixante millions d'aiguilles achevées, el un nombre égal en voie de fabrication. On procède toujours dans la fabrication par paquets de cinquante à deux cent mille de même grandeur ; en sorte qu'une aiguille n'est guère achevée qu'au bout de trois mois au plus lot, de neuf à douze mois au plus tard.

On ne sait pas jusqu'à quel point les aiguilles diffèrent de mérite entre elles. Un ouvrier paie sans regret telle aiguille cinq centimes, quand pour le même prix il pourrait s'en procurer une douzaine de même dimension, et ayant la même apparence. Celte différence de valeur résulte d'un degré de perfection imperceptible à l'oeil de quiconque ne se sert pas habituellement d'un pareil outil. Cependant on conçoit combien les plus petites minuties sont à considérer dans cet outil, quand on se dit que l'ouvrier qui en fait usage lui fait faire dans un jour douze ou quinze mille fois la même opération. Le moindre défaut qui entrave la promptitude du travail cause une gène qui, si légère qu'elle soit, revenant douze ou quinze mille fois dans un même jour, prend une grande importance par le temps considérable qu'elle fait ainsi perdre ou gagner.

A part la bonne qualité de la matière première, les principaux mérilcsdela fabrication d'une bonne aiguille consistent dans la purfaite exécution de sa pointe, de sa cannelure, de sa tète et de son chas. L'ancienne forme du ehasde l'aiguille était un carré allongé; une forme plus récente, c'est le trou circulaire; mais le ehas rond ovale est la dernière forme adoptée. Le dernier mérite d'une aiguille c'est enfin la beauté du poli, qui non-seulement lui donne belle apparence, mais qui lui donne aussi une superficie très-lisse et la préserve de la rouille. Les produits de l'établissement de Vaise sont remarquables ù ces différents litres; les aiguilles de cette fabrique se distinguent surtout par une rondeur très-régulière de la lige, par une grande élasticité et par la finesse de la pointe. Les procédésd'aplatissage, de cannelage et de perçage dont on fait l'application dans la manufacture de Vaise, aussi bien que les métiers de drillagc qu'on y emploie, sont de l'invention de son chef même, de 31. Neuss, qui les a apportés chez nous d'Aix-laChapelle. Ses machines à polir, pour lesquelles S. 31. le roi de Prusse l'a breveté, ont également été apportées en France de son établissement primitif. 31. Neuss doit à la réunion de tous ces avantages qui lui sont propres, de soutenir victorieusement la concurrence contre les fabriques rivales de la sienne, et, ce qui vaut mieux, contre les fabriques étrangères. Il reconnaît ainsi dignement les droits de nationalité qu'il a reçus du Roi.

Parmi les produits qu'a exposés M. Neuss, nous avons à signaler


L'EXPOSITION.

deux articles nouveaux. Ce sont premièrement des aiguilles dites ù I'N; elles sont marquées de celte lettre, de chaque côté, dans la cannelure : c'est à la fois un ornement et une marque qui, difficile à imiter, constatera avec bonheur l'identité des produits de lu manufacture de Vaise. Ce sont ensuite des aiguilles percées dans le lil rond, sans aucun aplatissage ni élargissement de la tète. Cette sorte d'aiguilles, appelée round head, n'a pu être encore imitée qu'en Angleterre. Outre leur parfaite fabrication, ces aiguilles ont des avantages particuliers qui leur vaudront une grande vogue.

Nous reparlerons de l'établissement de Vaise et des différentes branches d'industrie qui en relèvent, les bornes assignées à cet article ne nous permettant pas de le faire aujourd'hui. Résumonsnous donc en constatant l'importance de cette manufacture, en appelant l'attention publique sur la supériorité de ses produits, et en signalant à l'appréciation équitable des membres du jury de l'exposition les nombreux mérites de 31. Neuss comme industriel, et le service qu'il a rendu à la France en venant y exercer son industrie.

INDUSTRIE DU CORAIL,

à Marseille.

333ïî©a3S'33,

11 est difficile de préciser l'époque où la fabrication du corail a pris naissance à 31arseille; on n'a surce point aucun renseignement précis. On sait seulement que pendant des siècles la cité phocéenne a eu, et a encore en grande partie, le privilège de fournir de coraux tous les pays où le luxe a créé le besoin de cette parure.

La compagnie des concessions d'Afrique, de 3Iarseille, a joint pendant longtemps aux autres branches de son exploitation la pèche du corail, qui produisait annuellement, d'après des documents authentiques, de quatre à cinq millions. Cette grande quantité de matière première élait livrée aux fabricants marseillais, qui, par leur travail, en triplaient la valeur avant de la livrer à leur tour à la consommation el au commerce. Aujourd'hui, nos marins ont abandonné la pèche aux Italiens.

Cependant3Iarseille n'était pointautrefois la seule villede France où s'exploitât celle industrie. La petite villedeCassis possédait aussi plusieurs établissements, mais de moindre importance. Un seul, vers le milieu du siècle dernier, y prit un développement notable. Aujourd'hui, il n'y a plus dans cette villeque des ouvrières travaillant toutes pour les fabriques de 3Iarseille. La manutention du corail est toujours une des principales ressources du pays; c'est une profession lucrative pour les femmes, et qui procure à de nombreuses familles un bien-être qu'elles ne connaîtraient pas, si elles était réduites à vivre du seul travail des hommes, qui pour la plupart sont des pêcheurs.

Au commencement de la révolution, il n'existait à 3Iarseille qu'une seule fabrique, mais elle avait un tel développement, qu'elle suffisait amplement aux besoins de la consommation d'alors. L'industrie du corail, comme toutes les autres et particulièrement comme celles qui relèvent du luxe, eut beaucoup à souffrir durant les mauvais jours de cette époque; mais elle se releva sous l'empire, grâce à l'impulsion donnée de haut par l'impératrice Joséphine. On sait que celte gracieuse princesse avait, comme ont toujours

toujours compatriotes les créoles, un goût très-vif pour les parures de corail; et l'on n'ignore pas non plus que dans notre pays l'exemple, quel qu'il soit, bon ou mauvais, n'est jamais donné en vain par ceux qui nous gouvernent. L'esprit d'imitation esl un des traits principaux de notre caractère national : c'est un fait. Nous n'avons pas à discuter si c'est un bien ou un mal.

De 1806 à 1830, plusieurs manufactures, plus ou moins considérables, s'établirent successivement à Marseille, et contribuèrent à donner à la fabrication du corail une grande activité. Lors des événements de juillet une seule de ces fabriques, celle de 3131. J.-B. Boeuf et 3Iarius Garaudy, resta debout et conserva à la France cette précieuse industrie. Depuis, deux autres établissements ont été fondés, l'un en 1835, par M. Barbaroux, l'autre en 1858, par 31. Suares.

Le nombre d'ouvriers occupés par ces trois fabriques varie de 325 à 350; ce nombre augmenterait inévitablement si les fabricants marseillais jouissaient des mêmes avantages que ceux d'Italie, lesquels ont sous la main la matière première, tandis que nous sommes obligés d'aller la chercher chez eux, ce qui entraîne des frais considérables. Si les bateaux corailleurs étrangers n'étaient autorisés à pêcher dans les eaux françaises qu'à la condition d'apporter à 3Iarseille le produit de leur pêche, les positions se trouveraient, par cettemesure,complétementchangées. Ce seraientalors les Italiens qui viendraient s'approvisionner chez nous. 11 en résulterait encore d'autres avantages; d'abord, le choix nous appartiendrait en quelque sorte; ensuite, le corail brut se trouvant dégrevé des frais de voyages et de transport, il serait naturellement possible de le livrer en bijoux et en parures à des prix plus bas; or, la baisse des prix augmenterait indubitablement la consommation et par conséquent In fabrication.

Toutefois, l'état actuel de lu fabrication ù 3Iarseille assure aux produits français la suprématie sur tous les marchés du monde. Nulle part les coraux italiens ne peuvent soutenir la concurrence avec les nôtres, soit pour leur bon goût, soit pour la perfection du travail, soit même pour les prix. Les ateliers deTrapani en Sicile, de Gènes, de Livourne et de la Torre-del-Greco, près de Naples, les seules villes d'Italie où il y ait des fabriques, ne produisent que des objets vulgaires comparés à ceux qui sortent des ateliers français.

11 serait bien désirable que le gouvernement du roi fît pour la pèche du corail, qui occupe environ 300 bateaux montés par 3,000 marins, ce qu'il fait pour la pèche de la morue et de lu baleine. Quelques encouragements, une prime, si modique qu'elle fût, suffiraient pour doubler le nombre de ces bateaux, et augmenter dans une égale proportion celui des marins habitués à la fatigue et aux dangers, chose qui importe à la France sous tant de rapports.

Les détails statistiques qu'on va lire constateront mieux que tout ce que l'on peut dire à cet égard l'imporlancc de cette industrie. En certains cas, il n'y a rien de plus éloquent que des chiffres.

Détails statistiques.

D'après les relevés officiels de la douane, il a été importé à Marseille, en 1843: 6,654 kilogrammes de corail brut provenant, savoir :

D'Espagne . . kilog. 1,626

De Sardaignc 2,767

Report 4,393


L'EXPOSITION.

A reporter. . , . . 4,393

De Sicile 1,440

De Toscane. . 243

De l'Algérie 198

Des côtes de Cassis 380

Total . . . kilog. 6,654 De ce chiffre, il faut déduire : 1° Grabeaux, ou débris impropres à l'industrie et \

destinés à l'exportation kilog. 2,767 > 2,965

2° Coraux venant de l'Algérie et exportés . . 198 '

Reste . . . kilog 5,689 Ce dernier chiffre représente le poids brut de la douane. Il faut donc encore en déduire :

1° La tare, qu'on peut évaluer à 15 0/0 kilog. 555 \ 2» Le déchet considérable qu'éprouve la matière I

par suite des douze manipulations qu'elle > 1,337

subit, déchet qu'on peut évaluer aussi à en- \

viron un quart. . . 784 J

11 reste donc pour coraux ouvrés . . . kilog. 2,552 On peut évaluer à 500 kilogrammes la quantité de coraux ouvrés livrés au commerce intérieur, et celle qu'on exporte à 1,850 kilogrammes. Toutefois, cette évaluation ne peut jamais être qu'approximative; car les objets manufacturés que les fabricants de Marseille expédient à l'intérieur passent fréquemment à l'étranger.

Les 5,689 kilogrammes de corail brut représentent une valeur de 400,000 fr.

Les 2,552 kilogrammes de corail ouvré peuvent être évalués à 1,470,000 fr., dont 570,000 fr. pour les produits de consommation française, et 900,000 fr. pour ceux destinés à l'exportation.

Manufacture «le Ml. J.-B. Boeuf et Marlus Ciaraudy.

Cet établissement, fondé en 1823, occupe à lui seul 185 ouvriers, ainsi répartis:

A Marseille, dans les ateliers 75

— au dehors 35

A Cassis. . 50

AAix 25

Les ouvriers d'Aix sont tous des graveurs et des sculpteurs, pour lesquels le séjour de celte ville est plus économique que celui de 3Iarseille. Ceux de Cassis travaillent dans des ateliers qui composent une succursale de l'établissement principal, lequel a reçu en 1843:

1,050 kilogrammes de corail brut d'une valeur de 135,000 fr., et a livré an commerce en corail ouvré 800 kilogrammes, dont la valeur s'est élevée au chiffre de 500,000 fr.

Les relations de la maison Boeuf elGarandy sont fort étendues. Outre le grand dépôt qu'elle a à Paris sous le nom de 31. Arsène Gourdin, 22, rueBourg-l'Abbé, elle en a d'autres dans les principales villes de France, notamment à Bordeaux, à Lyon, au Havre el à Nantes. Il n'est pas dans le monde un marché un peu considérable où elle n'ait ou un entrepôt ou un correspondant.

Les chefs de ce grand établissement ont exposé cette année une quantité considérable de corail, sous toutes les formes de bijoux

et de parures. Ces élégants produits sont très-remarques dans les galeries industrielles, et cela s'explique par leur innombrable variété et par leur parfaite exécution. 3Iais ce qui attire surtout l'attention publique, et ce qui provoque l'étonnement général, c'est une pendule exécutée tout entière en corail. Que de soins et d'efforts n'a-t-il pas fallu dépenser pour recueillir des pièces assez remarquables et de dimension assez forte pour composer cette oeuvre capitale! Et pour produire un travail aussi achevé avec une matière aussi rebelle, que de patience et de talent n'a-t-il pas fallu déployer! Cette pendule représente une campanille italienne, avec ses tours légères surmontées de clochetons à jour, avec ses flèches s'élançant hors de l'édifice, avec ses balustres et ses fenêtres à ogives. Cet ouvrage admirable figurerait aussi bien au Louvre qu'à l'exposition. C'est plus qu'un produit industriel, c'est une oeuvre d'art et un chef-d'oeuvre. Nous le reproduirons par la gravure dans un de nos prochains numéros.

L'exécution en a été confiée à 31. Victor Huot, directeur de l'atelier de sculpture delà même maison à Aix.

Dans sa dernière visite à l'exposition, le roi a donné une attention particulière aux produits de 3131. Boeuf etGaraudy; Sa 31ajesté a surtout félicité ces messieurs sur un camée sculpté en coraild'unedimension prodigieuse et représentant Jupiter. Jamais, en effet, une pièce aussi remarquable n'a été produite.

Cette manufacture se distingue encore à l'exposition par Jes incrustations en corail, or et nacre qui ornent le beau piano exposé par MM. Boisselot père el fils, de 3Iarseillc.

La fabrique de MM. Boeuf et Garaudy a, on le voit, une importance réelle. Elle se recommande non-seulement par la beauté do ses produits et par l'étendue de ses relations, mais encore par l'esprit probe et actif qui préside à sa direction. C'est un des établissements industriels qui font le plus d'honneur à la France.

INDUSTRIE DES PAPIERS PEINTS.

Cette industrie, une des plus considérables de Paris, occupe quantité de fabriques, qui elles-mêmes, pour la plupart, donnent du travail à un très-grand nombre d'ouvriers.

En tout temps, ces produits de fabrication parisienne ont été fort recherchés dans nos provinces, à l'étranger et à Paris même. On en a toujours exporté et on en exporte encore des parties plus ou moins grandes en Hollande, en Allemagne, en Russie, en Angleterre, surtout en Amérique. Si nous avons des rivaux, nous n'avons point de maîtres dans celle fabrication spéciale. C'est une industrie nationale.

11 y a trente ans, on ne comptait guère plusdecinq à six grandes manufactures de papiers peints. En raison de leur importance et peut-être aussi de leur petit, nombre, elles étaient fort renommées, et les noms de leurs chefs jouissaient d'une sorte de popularité. Aujourd'hui encore quelques fabriques sont exploitées parties successeurs habiles et modestes sous ces noms anciens et bien connus, qu'ils ne prononcent jamais sans orgueil, ni leurs confrères sans un excusable sentiment d'envie. Sans doute, il est très-honorable de chercher, par le travail, à tirer son nom de l'obscurité. De toutes les ambitions, c'est, à coup sur, la plus légitime; mais il esl aussi très-louable de perpétuer dignement et respectueusement une réputation établie depuis longtemps. C'est ainsi que d'un nom on


L'EXPOSITION.

fait un drapeau , comme sont, dans des industries différentes, les < noms de Richard Lenoir, Koechlin, Oberkamf, 3Iontgolfier, Didot, Schlumberger, Sallandrouze, Jacquart, Laffitte, et tant d'autres aussi glorieux, qui représentent, les uns une invention, les autres un progrès, ceux-là une industrie, ceux-ci une idée, et tous de grands travaux et de grands bienfaits.

Dans ces derniers temps, la fabrication du papier peint a pris un développement considérable. D'une part, les merveilleux perfectionnements qu'ont reçus ces produits; de l'autre, l'extrême bon marché auquel on est parvenu à les établir, ont créé tout un peuple de consommateurs. Non-seulement on les emploie à Paris comme décors, comme objets de luxe et de fantaisie, mais encore dans nos provinces et nos campagnes, où on ne les voyait que dans les demeures de la classe aisée; ils sont aujourd'hui en usage partout. Les murs des chambres des ouvriers les plus humbles ne sont plus, comme autrefois, badigeonnés à la chaux : ils sont couverts de papiers peints à 50 centimes le rouleau. C'est un progrès réel. La bonne tenue et le bon goût du logis, comme la propreté et la recherche dans les vêtements, ont une heureuse influence sur les moeurs d'un peuple.

Cet accroissement de consommation a eu pour résultat de faire naître une foule de fabriques d'ordre très-secondaire où se font uniquement des papiers communs. Les prix de ces ouvrages de main-d'oeuvre ont été tellement réduits, que les grands établissements qui fabriquaient autrefois toutes les sortes de papiers ont dû renoncer à faire des papiers communs. Us les achètent aujourd'hui chez les producteurs qui se livrent uniquement à ce travail spécial. Dans l'origine, bon nombre de ces petits fabricants ont fait une fortune; mais depuis, soit manque d'unité, de direction ou d'intelligence, ces maisons secondaires n'ont fait aucun progrès, ni pris aucun développement. Elles se bornent à confectionner sur une petite échelle leurs modestes produits, et à les vendre aux grands établissements de Paris.

Les manufactures de premier ordre ont suivi une marche toute contraire. D'année en année, la fabrication de leurs produits de luxe a fait de tels progrès, qu'il est permis de croire qu'ils ont atteint leur dernier degré de perfection. Cette pensée nous est inspirée par la magnificence des papiers peints qui figurent à l'exposition. Il est impossible de voir des ouvrages d'une plus grande beauté. Us sont également admirables par le bon goût de la composition, par la richesse des ornements, parla finesse du dessin , par l'éclat des couleurs el la délicatesse des teintes; si ce n'était la crainte d'être taxé d'exagération, nous dirions, pour quelques-uns et à certains endroits, que l'on croirait voir de la peinture.

Les papiers peints occupent à l'exposition, sinon la première, du moins l'une des premières places. C'est une grande et belle industrie dont nous sommes et dont nous resterons les maîtres.

Manufacture «le MM. Zuber et Compagnie,

A Rixheim (Haut-Rhin.)

Les produits exposés par MM. Zuber et compagnie sont remarquables par leur bon goût et par une exécution irréprochable. Outre un grand panneau de décors, plein de richesse et d'éclat, on admire un beau papier de tenture de salle à manger, représentant des plantes exotiques; le coloris en est aussi vif que le dessin

en est délicatement achevé; dans son ensemble, l'effet de cette tenture est admirable.

Celte grande fabrique n'est pas seulement la plus considérable de la France, elle en est aussi la plus complète. Les arts et les diverses branches d'industrie dont le concours est nécessaire à la fabrication du papier peint, sont là réunis dans un seul et même lieu. Les dessins, les papiers, les couleurs, les impressions, les expéditions, tout se l'ait et se fabrique sous la même bonne, intelligente et active direction. C'est ainsi, c'esl à de telles conditions que l'on crée de grands établissements. On doit à la réunion de ces avantages la supériorité des produits d'abord, puis ensui.te la possibilité d'opérer avec une sécurité parfaite, et enfin l'honneur de prendre place au premier rang dans l'industrie qu'on exerce.

Il faut reconnaître que la création d'établissements de la nature et de l'importance de celui de 3IM. Zuber et compagnie n'est possible que sur un sol industriel où la vie est peu dispendieuse, où les prix de la main-d'oeuvre sont peu élevés, où les ouvriers sont laborieux et soumis, comme en Alsace, par exemple. Dans certaines villes de nos provinces, mais plus particulièrement à Paris, les exigences et l'esprit d'insubordination des ouvriers rendent trèsdifficile, sinon tout à fuit impossible, l'existence de ces manufactures grandioses et complètes, comme est celle qui fait l'objet de cet article.

Comme industriels, M3I. Zuber et compagnie sont des hommes éminents; nos éloges ne pourraient rien ajouter à la réputation qu'ils se sont acquise par leurs travaux. Disons seulement que les produits qu'ils ont fait admettre à l'exposition sont dignes à tous égards de celte bonne et légitime renommée, que non-seulement ils la justifient, mais qu'ils doivent y ajouter encore.

Manufacture «le,MM. Iianeyre et Compagnie,

10, rue de Beanveau, faubourg Saint-Antoine. 3131. Lapeyre et compagnie sont au nombre des fabricants qui ont fait faire les plus grands progrès à l'industrie des papiers peints. Ils ont exposé, entre autres produits remarquables, une tenture de salon, décoration du style Louis XV, qui leur fait le plus grand honneur. Le dessin en est admirable, el il faut également louer l'artiste qui l'a composé et le fabricant qui a dirigé son exécution. Les bordures sont du meilleur goût et de la plus grande richesse; les moulures sont saillantes, les ornements semblent sculptés; les tentures, ou plutôt la perfection avec laquelle elles sont imitées, fait croire à des étoffes de soie de couleur changeante sur ce magnifique lambris, où l'on remarque sur le premier plan des fleurs aussi vives que jolies. L'ensemble de cette décoration est du plus bel effet, et celte décoration elle-même est une des choses les plusremarquablesqui soientà l'exposition, où cependant les choses dignes d'être remarquées sont en si grand nombre.

Les mêmes fabricants ont aussi exposé un papier, imitation do tapisserie, d'un travail très-beau et parfaitement fini ; il semble que l'on voie un lapis de haute laine. Dans le même genre, un autre papier bleu, rehaussé d'or, et dont la largeur a I mètre 75 centimètres, se fait également remarquer pas sa riche et splendide exécution

3131. Lapeyre et compagnie sont des fabricants Irès-dislingués, cela esl notoire; et d'ailleurs, leurs produits le prouvent surabondamment. Aux expositions précédentes ils ont reçu du jury, à litre de récompense, des médailles qui, celte année encore, ne leur


L'EXPOSITION.

feront pas défaut, il n'est pas permis d'en douter. Pour cela, il y a deux raisons : la première, c'est qu'ils ont exposé des produits trèsbeaux et très-bien exécutés; la seconde, c'est qu'ils ont fait faire un grand, nn très-grand progrès à leur industrie.

Manufacture «le MM. Mader frères,

1, rue de Montreuil.

Ces fabricants ont exposé une tenture de salon avec figures dont l'exécution est très-remarquable. Les couleurs sont si bien placées, les nuances si délicatement indiquées, que l'on dirait une étoffe plutôt que du papier. Les bordures sont aussi d'une grande beauté. Nous avons encore remarqué un devant de cheminée représentant un épagneul; il est impossible de pousser plus loin la perfection du travail.

La maison de 31M. Mader frères est un de ces bons établissements dont nous avons parlé dans la notice qui précède cet examen ; maison qui conserve toujours son rang parmi les meilleures.

Manufacture «le MM. Bupp, Kunie et Compagnie,

4, rue de Beauveau.

Ces fabricants ont eu l'heureuse idée d'appliquer les planches qui servent à l'impression des papiers peints à la reproduction des dessins de machines. 11 en résulte que tous les tableaux qui servent à la démonstration des arts mécaniques, au conservatoire de Paris, ont été reproduits sur papier de très-grande dimension et imprimés en couleur. Ils peuvent ainsi être mis en usage dans toutes les écoles publiques, et à très-bon marché. On n'avait jamais pensé à donner un emploi aussi utile au papier peint. Cette idée, qui appartient à 3131. Rupp, Rubie et compagnie, leur fait honneur en même temps qu'elle leur porte un grand profit ; car ils ont un débit considérable de ces tableaux, véritable anulomie delà mécanique. Chaque tableau, d'une dimension de2 mètres sur 1 mètre 50 centimètres, ne se vend que 17 francs.

Appareils «le M. Degounée, ingénieur civil,

55, rue de Chabrol.

31. Dégousée a exposé des sondes el des appareils pour les mines cl les puils artésiens, produits remarquables dont les hommes spéciaux font les plus grands éloges. 11 a également exposé un atlas géologique des nombreux sondages qu'il a exécutés : c'est une heureuse idée. Le jury de l'exposition, qui a décerné, en 1859, une médaille d'argent à 31. Dégousée, lui tiendra compte celte année, il n'en faut pas douter, des perfectionnements qu'il a apportés dans ses appareils, ingénieux outils à l'aide desquels il n entrepris el achevé, sur tous les points de la France, tant et de si utiles travaux.

C'est à cet actif et habile ingénieur que l'on doit chez nous les premiers essais de forage pour les puits artésiens. Depuis près de vingt ans, ce travail spécial est de sa part l'objet d'une étude approfondie. Comme Ions les hommes qui tentent des entreprises nouvelles, il a eu des luttes à soutenir; mais les efforts persistants qu'il a déployés l'ont fait triompher des épreuves imposées aux industriels aussi bien qu'aux artistes novateurs. Les résultats qu'il obtient sont également beaux et prompts. En parcourant son atlas, on est émerveillé de la quantité considérable de puits qu'il a entrepris

entrepris dont il a constamment dirigé lui-même l'exécution. 31. Dégousée, dont l'expérience est grande et le mérite personnel incontestable, est l'un de nos premiers ingénieurs civils. Quelle réputation plus légitimement acquise que celle qui s'appuie sur d'aussi longs et sur tant d'estimables travaux!

Bronzes «l'art, «le MM. Haingo frères,

Négociants-commissionnaires, 11, rue Sainlonge.

3131. Raingo frères sont des négociants-commissionnaires parfaitement et honorablement connus. Comme tels, ils sont chefs d'une maison dont le mouvement d'affaires ne laisse pas que d'être assez considérable. Mais sont-ils fabricants? confectionnent-ils par eux-mêmes? — Non. — A quel titre exposent-ils donc?

Ces messieurs, comme tous les commissionnaires, font faire à façon, c'est-à-dire qu'ils achètent à prix débattu un modèle au sculpteur, qu'ils le portent ensuite et tour à tour chez le fondeur, le monteur, le ciseleur et le doreur, lesquels lui approprient chacun son travail particulier, après quoi le modèle est achevé et livré au commerce. En un mot, les commissionnaires à façon servent d'intermédiaires entre les producteurs et les consommateurs, mission qu'ils remplissent, à leurs risques et périls, avec plus ou moins d'intelligence et de bonheur; mais être cela et être fabricant sont deux choses, et dans l'opinion publique, le plus actif et le plus riche commissionnaire ne vient qu'après le plus humble fabricant, par la raison que celui-ci crée ou exécute l'oeuvre lui-même, tandis que ceux-là ne font que bénéficier sur l'oeuvre créée ou exécutée par autrui, ce qui n'est profitable et intéressant que pour eux seuls. On s'explique donc difficilement que MM. Raingo aient élé admis à exposer. Au reste, ces observations ne s'appliquent pas seulement à ces messieurs; nous les ferons porter, en temps et lieu, sur tous les exposants qui sont dans le même cas.

31ainlcnant, reconnaissons que 3131. Raingo ont exposé des pendules d'assez bon goût, de jolis vases et de très-beaux candélabres, quoique cependant les bouquets en bronze destinés à recevoir les bougies nous aient paru un peu lourds. Une telle garniture est, à notre avis, mieux placée sur une console que sur une cheminée, en ce que la masse du bronze masque les glaces, nuit à leur effet el annule leur luxe.

En somme, l'exposition de ces négociants est belle; mais plus les produits qui la composent sont remarquables, plus on est désireux de connaître les noms des artistes qui les ont exécutés, car 3131. Raingo ne sont, que l'on sache, ni dessinateurs, ni sculpteurs, ni ciseleurs. Ces noms, on les connaîtra à coup sûr, si les bronzes qui sont l'objet de cet article sont jugés dignes d'une médaille par le jury. 3131. Raingo ont trop de loyauté pour s'attribuer une récompense due aux travaux d'autrui.

Singulier contraste! voilà des négociants qui exposent des bronzes d'art, et l'un des premiers fabricants de bronzes de la France, 31. Vittoz, n'expose pas.

Fal»ri«iuc «le pla«fiié, «le M. Balaine,

95, rue du Fanbotirg-du-Temple.

Depuis vingt ans, la plupart des fabricants de plaqué semblent avoir pris à lâche les uns les autres de diminuer toujours de plus en plus le titre de leurs produits; il en est résulté, pour celte iiir dustric, une grande défaveur, dans les colonies d'abord, bientôt


L'EXPOSITION.

après en Europe, puis enfin en France, chez nous-mêmes. C'est un malheur sans doute, mais il a du moins pour juste effet d'atteindre particulièrement et avant tous autres ceux qui l'ont provoqué. L'orfèvrerie plaquée en bonne qualité n'en mérite que des encouragements plus grands; et, comme il faut faire à chacun sa part, l'estime qu'on porte aux fabricants qui ont suivi la voie droite et résisté à cette impulsion pernicieuse, augmente de toute l'estime qu'on retire à ceux qui ont contribué à entretenir une concurrence désastreuse et coupable.

31. Balaiue, industriel aussi distingué que consciencieux, est un de ces fabricants qui ont déployé les plus louables et les plus constants efforts pour résister à un entraînement funeste. Depuis vingt ans, non-seulement il a maintenu, mais il a même successivement augmenté la qualité de ses produits. Cette opinion est la nôtre, mais elle est aussi celledes membresdu jury del'exposition qui, en 1827, ont décerné à 31. Balainc une médaille de bronze, en 1854 et 1839, une double médaille d'argent. La persistance dans le bien et la loyauté de ce fabricant lui ont réussi de toutes les manières, car il leur doit une bonne et légitime réputation, et un rang notable dans l'industrie qu'il exerce.

Nous avons vu et examiné avec le plus vif intérêt, à l'exposition de cette année, de très-beaux produits sortis des ateliers de 31. Bataille : un service de thé complet, mais surtout un service de table à contours unis et à côtes pour vingt-cinq personnes. Celte oeuvre, par la richesse de son exécution, par le fini de son travail, captive l'attention générale dans les galeries industrielles. Nous avons entendu affirmer, par des artistes célèbres tout à fait compétents en pareille matière, qu'il était impossible de mieux achever l'orfévreric véritable que ne l'est celle en plaqué exposée par 31. Balainc; et nous le croyons.

Fal»rl«|ue «le M. Pro«lon-l*ouzet, à Thiers.

Cette ville est bien connue par la fabrication de sa coutellerie commune; le commerce qui s'y fait en ce genre est très-considérable. Quantité d'ouvriers travaillent dans les montagnes et apportent à Thiers, une fois par semaine, un nombre prodigieux de couteaux confectionnés.

Ceux que 31. Prodon-Pouzct a exposés sont remarquables par la simplicité de leur forme et par la bonne exécution de leur travail. Ce sont, en général, des couteaux de poche qui se vendent en tous pays, depuis 2 fr. la douzaine jusqu'à 56 fr.

Cette industrie, quoique considérable, ne l'est cependant pas autant qu'elle devrait l'être. Elle est arrêtée dans son développement par deux causes : le mauvais outillage d'abord, et ensuite par l'esprit de routine qui la domine.

VARIETES.

Fête donnée aux industriels par le Woi.

Le samedi 8 juin, le roi a convié les industriels dans son magnifique palais de Versailles, qu'il a, non pas restauré, comme on dit communément, mais qu'il a agrandi, embelli à grands frais, et dans lequel il a déployé toutes les splendeurs pour le dédier libéralement et royalement à toutes les gloires de la France. L'idée de cette fête, qui appartient à Sa Majesté, est noble et grande; et la

fête a été digne à tous égards de l'esprit éminent qui l'a conçue.

Nous venons trop tard pour parler avec détail de cette solennité, dont tous les journaux ont déjà rendu compte; nous ne pourrions que répéter après eux qu'elle a été superbe, magnifiquement ordonnée, et qu'elle a satisfait tout le monde. Bornons-nous donc à constater deux faits remarquables qui l'ont signalée et'qu'on ne saurait trop louer. Le premier, c'est la haute convenance et l'esprit impartial qui ont présidé aux invitations. Ne pouvant admettre tout le monde, et ne voulant présager en aucune manière Jes décisions du jury, le roi a réuni autour de lui tous les industriels récompensés aux expositions précédentes et dont les produits figurent de nouveau à celle de cette année. 11 était impossible, à coup sûr, d'agir avec plus de tact, plus de bonheur et un plus grand sentiment de justice. Le second, c'est l'égalité parfaiteavec laquelle tous les invités ont été reçus. Tout le monde a pris place indistinctement, suivant sa propre inspiration, et la bienveillance du roi durant cette soirée mémorable a été la même pour tous. Sa 31ajesté s'est entretenue tour à tour avec les plus humbles fabricants et les plus hauts dignitaires de l'Etat, en témoignant aux uns et aux autres les mêmes égards et le même affectueux intérêt. S'il est vrai que tous les hommes soient égaux devant Dieu, on peut dire avec la même vérité que tous les Français sont égaux chez leur roi.

Nous qui avons eu l'honneur d'assister à cette fête royale donnée à l'industrie et qui entretenons des rapports suivis avec la plupart des exposants, nous pouvons affirmer que Sa 3Iajesté en a fait les honneurs comme il appartenait à un roi de la famille de LouisXIV, et que les industriels qui en ont élé l'objet lui en conservent la plus vive reconnaissance; reconnaissance qu'ils lui manifestent d'ailleurs par leurs acclamations, durant les visites que Sa Majesté daigne leur faire avec une sollicitude si élevée et une régularité si bienveillante, le lundi de chaque semaine.

■exposition «les manufactures royales an Louvre.

Le 5 juin, a eu lieu l'ouverture de l'exposition des produits des manufactures royales des Gobelihs, de Beauvais et de Sèvres.

Les Gobclins ont exposé quatre tapisseries de haute lisse représentant Louis-Philippe d'Orléans en costume de colonel de hussards, d'après le tableau populaire d'Horace Vernet, qui fait partie de la galerie historique du Palais-Royal; le massacre des janissaires, également d'après un tableau d'Horace Vernet; un saint Etienne, et le roi jurant la Charte.

La manufacture de Beauvais a envoyé une tapisserie complète pour un petit meuble de salon en trente ou quarante pièces, et trois petits tableaux représentant des enfants et des paysages.

Enfin la manufacture de Sèvres a envoyé des vitraux représentant des sujets religieux et un vase de fleurs, un guéridon en porcelaine, une jardinière d'un très-beau style, vingt et un vases et coupes de forme plus ou moins heureuse, le portait de feu 31. le duc d'Orléans, la statuette de Jeanne d'Arc, d'après l'oeuvre de la princesse 3Iarie, un portrait de madame la princesse Adélaïde, et cinq petits tableaux représentant diverses stations de la translation des restes de l'empereur Napoléon.

En général, ces produits sont beaux et exécutés avec la perfection de travail qui distingue les grands établissements auxquels on les doit. Cependant cette ex position est peu suivie. Aussitôtquc la grande


s

L'EXPOSITION.

exposition nationale nous en laissera le temps et la place, nous publierons dans ce recueil un historique particulier de ces trois manufactures royales, qui font tant d'honneur à notre pays; ce sera le moment alors de parler avec détail de leurs travaux, de leurs produits et de leurs progrès.

La fermeture de cette exposition est fixée au dimanche 23.

Congrès industriel.

Les commissaires envoyés par les gouvernements étrangers pour étudier l'exposition de l'industrie française se réunissent fréquemment en conférence chez un de leurs collègues, le délégué de la Belgique. Hier, ils étaient au nombre de vingt-deux, appartenant à vingt rtations différentes. C'est le commencement d'un véritable congrès industriel, dont la seconde session doit se tenir à Berlin pour l'exposition du Zollvérein, et la troisième à Vienne, pour l'exposition quinquennale de l'Autriche.

Deux expositions au Luxembourg.

La foule a été attirée durant cette dernière quinzaine au palais du Luxembourg par deux expositions différentes, mais très-belles toutes les deux: l'exposition d'horticulture, qui a été fermée samedi 15, et l'exposition des tableaux, dessins, livres, autographes, et autres objets d'art, donnés pour la loterie du 3Iont-Carmel. Cette dernière exposition, qui offre des lots signés des noms les plus illustres, durera jusqu'à la fin du mois.

Exposition à Bordeaux.

Une exposition publique des oeuvres d'art et des produits industriels s'ouvrira à Bordeaux le 1er août prochain.

Avis de la Société libre des Beaux-Arts.

La société libre des Beaux-Arts a chargé une commission d'examiner les produits de l'exposition industrielle qui relèvent des beaux-arts. Elle invite messieurs les exposants qui auraient des renseignements à fournir à cette commission à vouloir bien les adresser à 31. Rohault, architecte, président de la société, 18, rue 31alignon, faubourg Sainl-Iïonoré.

DESSINS.

Niatino i,

Orgue mécanique de M. Kelsen.

L'orgue mécanique, dont nous reproduisons le modèle par la gravure, est l'oeuvre de 31. Kelsen, successeur et digne élève du célèbre 31. Davrainville. Au moyen de cet instrument, qui est renfermé dans un meuble très-facile à placer dans un salon, ainsi qu'on en jugera par le dessin, on peut exécuter chez soi, sans aucun travail, par le seul jeu d'un ingénieux ressort, les airs les plus compliqués el des morceaux d'orchestre à différentes parties, de toute espèce de musique. 11 est quantité de personnes qui aiment la musique sans être cependant musiciennes elles-mêmes; rien n'est plus précieux pour ces personnes, dont le nombre est trèsgrand, que les instruments vraiment admirables de 31. Kelsen.

Cette charmante combinaison de la musiqne et de la mécanique permet de se procurer, chez soi et en tous pays, le plaisir d'entendre les airs à la mode et les opéras les plus nouveaux de nos grands maîtres, exécutés avec la plus parfaite précision. Il suffit pour cela de désigner, même par lettre, l'air ou le morceau que l'on désire, et l'on reçoit aussitôt, fût-on fixé en Chine, le cylindre tout noté, que l'on place soi-même dans le buffet avec une extrême facilité. Il y a en Orient tel pacha, en Chine tel mandarin, qui ont une collection de cylindres comme on a une bibliothèque de livres ou de partitions, et qui se donnent la jouissance d'apprécier tour à tour les chefs-d'oeuvre de Rossini, d'Auber, de Donizelti, etc., selon leur disposition ou leur fantaisie. — Les cylindres notés ne se placent pas seulement dans le meuble dont on a le modèle sous les yeux, ils se placent très-bien aussi dans de charmantes consoles, et alors leur prix est beaucoup moins élevé.

31. Kelsen est un artiste plein de mérite, dont les travaux offrent un grand intérêt. Nous reparlerons donc avec plus de détail de l'ancienne maison Davrainville et de l'habile successeur qui la dirige à présent.

'NUMÉRO 2. Coupé de ville et de voyage.

11 y a quelques années, on faisait encore usage pour voyager de voitures très-lourdes, dans la pensée que leur solidité était proportionnée à leur lourdeur même. Aujourd'hui, il n'en est plus ainsi. On a compris que l'élégance et la solidité pouvaient parfaitement bien s'allier ensemble. Le modèle du coupé que nous reproduisons par la gravure atteste une fois de plus cette vérité, car il réunit ces deux qualités précieuses, comme nos lecteurs peuvent en juger. Cette belle voiture peut aussi servir à deux fins : telle que nous la représentons, montée sur des ressorts de 31. Fimbel, avec ses sièges, ses vaches, ses coffres, c'est un coupé de voyage; mais lorsqu'on retire les sièges et tous les accessoires de route, c'est un des plus élégants coupés de ville qui se puissent voir. Nous n'apprendrons rien à personne quand nous dirons que 31. Clochez, des ateliers duquel ce coupé est sorti, est un de nos plus habiles constructeurs.

11 est fort regrettable que de semblables produits, qui font tant d'honneur à l'industrie parisienne, n'aient pas élé présentés à l'exposition, où il n'y a rien de remarquable en ce genre, si ce n'est cependant une voiture propre, comme celle-ci, à plusieurs usages et de laquelle nous parlerons.

MulllO ;i,

ChaiMe-Gontlole.

La chaise aussi jolie que simple que nous reproduisons par la gravure peut être également bien placée dans toutes les pièces d'un appartement, dans un salon ou dans une chambre à coucher, et même dans une riche salle à manger. Le modèle en est dû à 31. Balny, fabricant très-renommé pour le bon goût et la parfaite exécution de ses sièges; la garniture esl en damas de laine et soie de 31. Hilaire-Renouard; c'est 31. Rourgon qui a fait cette garniture.

1E BOUTEILLES., Directeur.

Paris. — Typographie L.VCRAMPB et Coihp. rue Dainictle, 2.








L'EXPOSITION.

SOMMAIRE.

TEXTE :

Clôture de l'Exposition. — Ébénisterie : Historique; MM. Jacob-Desmalter, M. Lemarchand, MM. Grohé frères, M. Leblanc, M. Clavel. — Draps : Fabrique de Sedan : MM. Cunin Gridaine et fils, Paul Bacol et fils, Frédéric Bacot et fils, Betlèchc-Bonjean et Chesnon; — Fabriqued'Elbeuf : MM. Toutez, Rcgnault et Pellier, Félix Aroux, Victor Barbier, Th. Chennevière; —Fabrique de Louviers : MM.Dannct frères et compagnie, Fréd. Jourdain.—Papiers peints : Manufacture de M. Brière; Manufacture de M. Délicourl; Fabrique de M. Lasne; Fabrique de MM. Pignet jeune, fils'et Paliard, à Saint-GenisLaval (Rhône).— Dessins de M. Amédce Couder; M. Arnable Tronquoy, dessinateur; — Horlogerie royale de Versailles : M. Benoist, directeur,— Fabrique de stores de M. Girard.— Produits alimentaires : MM. Thébaud frères, Cornillier, Ramirez et de Villeneuve. — Peinture sur verre : MM. KarlHauder et André. — Verrières coloriées : M.Lemaire. —Biographie : Oberkampf. — Dessins : Marteau à vapeur de MM. Schneider frères; — Piano de boudoir.

GRAVURES :

NUMÉRO 1 : — Marteau à vapeur de MM. Schneider frères, du Creusot. NUMÉRO 2 : — Piano de boudoir, de M. Casimir Martin.

CLOTURE DE L'EXPOSITION.

Les galeries de l'exposition ont été fermées hier 50 juin. Personne, à quelque titre que ce soit, n'y est plus admis. Toutefois, les produits restent en leur état jusqu'au 8 de ce mois, afin que MM. les membres du jury puissent achever leur examen ; travail long el difficile, très-avancé déjà, et qui sera fait avec conscience et impartialité : la composition du. jury ne permet pas d'élever un doute à cet égard. Néanmoins ce travail, si bienveillant et juste que soit l'esprit qui préside à sa rédaction, fera, lorsqu'il sera connu , beaucoup de mécontents, par la double et rigoureuse raison que si les récompenses étaient dispensées à profusion, elles perdraient leur prix, et que leur nombre ne sera pas et ne peut pas être proportionné à celui des produits qui, par leur nouveauté, leur mérite ou par les perfectionnements qu'ils ont reçus, ont des droits à l'honneur d'une médaille.

D'ici ail 8, il est aussi fort probable que le Roi fera encore deux visites à l'exposition. L'une pour parcourir les galeries que Sa Majesté n'a pu encore examiner, l'autre pour faire les honneurs de l'exposition au roi et à la reine des Belges, qui sont attendus à Paris. Dans ces deux cas, les exposants seront copvoqués par lettres spéciales, lesquelles lettres leur serviront de carte d'entrée. On comprend combien est vif le désir des industriels qui n'ont pas encore pu soumettre leurs produits à l'appréciation du Roi, de recevoir la visite de Sa Majesté. Cela s'explique d'abord, et surtout, par le grand honneur qui leur en revient; ensuite par les avantages matériels qui en résultent presque tou1844.

tou1844. JUILLET.

jours pour eux, car le Roi et sa famille font de nombreux achats ; et puis enfin par cette dernière et importante considération que le Roi, toujours accompagné des juges spéciaux des produits qu'il examine, s'attache, avec cette bienveillance qui le caractérise et qui est proverbiale chez nous, a faire ressortir les qualités et les mérites de chaque objet aux yeux des jurés, qui doivent décerner les récompenses. Sa Majesté ne se borne pas à être pour les industriels un haut et très-éclairé protecteur, elle s'est encore constituée leur chaleureux et éloquent avocat. Plus d'un exposant devra sa médaille, à ses oeuvres sans doute, mais aussi à la persistance et au soin délicat avec lesquels le Roi aura fait ressortir les qualités de tels produits et les titres de tel producteur. Quant à nous, la clôture de l'exposition ne nous empêchera pas de poursuivre notre tâche. Nous avons tout vu, tout apprécié, et pris des notes sur toutes choses. Nous continuerons donc notre compte rendu tel qu'il a été commencé. Pour aider à son intelligence, nous avons fait dessiner sur grand format, et avec un soin minutieux, un plan des galeries de l'exposition, Ce plan, où figurent tous les exposants, à la place même qu'ils occupaient, avec l'indication de leur numéro particulier, sera gravé sur acier et livré très-prochainement à nos souscripteurs et au public. Ce magnifique tableau prendra place, nous devons l'espérer, dans le cabinet de travail de tous les industriels qui ont pris part à la mémorable exposition de 1844. Ils pourront ainsi dans l'avenir revoir eux-mêmes, et désigner à autrui avec quelque orgueil, la place qu'ils y occupaient, comme un général, devant un plan de campagne, se plaît à revoir et à montrer quelle était sa place de bataille dans un glorieux combat.

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L'EXPOSITION.

EBEINISTËRIE.

L'ébéniste est, on le sait, l'artisan qui confectionne les meubles destinés à orner les appartements, tels que lits, commodes, secrétaires, toilettes, fauteuils, etc. Dans l'origine de cet art, le bois d'ébène servait presque exclusivement à faire ces meubles : delà est venu le nom d'ébéniste, et celui d'ébénisterie donné à ses différents produits. Comme dans tontes les parties de l'industrie, cette branche se subdivise en plusieurs autres ; chaque ouvrier adopte le genre de fabrication qui lui convient le mieux. L'un ne fait que des lits, l'autre que des tables, et ainsi de suite pour tous les objets qui composent l'ameublement.

De tout temps le métier d'ébéniste fut en honneur, et par cela même exercé avec zèle et intelligence. L'art du placage, qui en est aujourd'hui la partie principale, n'est pas aussi ancien. Avant qu'on eût découvert et appliqué les bois exotiques, dont les veinures, parleurs dessins naturels et par leur disposition artificielle, produisent un si brillant effet, on n'obtenait l'élégance dans les meubles qu'à force de'sculptures, de ciselures et d'incrustations pratiquées sur les bois de chêne, de noyer, de châtaignier, etc., qui servaient à leur construction. L'ébéniste était alors un véritable artiste; ses travaux se confondaient avec ceux du sculpteur et de l'architecte : l'un donnait le dessin, tandis que les autres exécutaient les ornements. Quoiqu'on fît, les meubles de cette époque, plus curieux peut-être et plus travaillés que les nôtres, étaient aussi beaucoup plus lourds et moins riches; quelquefois même ils perdaient leur caractère de meubles, obligé qu'on était par leur pesanteur de les laisser toujours à la même place.

Lorsque l'art du placage s'introduisit dans la confection des meubles, le bois d'ébène était donc celui qu'on employait le plus généralement. 3Iais outre lu tristesse de l'aspect que présentait la couleur sombre de ce bois, outre la pesanteur que conservèrent les objets d'ameublement, l'ébénisterie dut longtemps encore son état d'imperfection à la forme même des meubles, l'orme contournée, tourmentée, où se multipliaient la ronde-bosse et la moulure; ce qui offrait à l'artiste les plus grandes difficultés. On imagina alors la marqueterie; et l'extrême division des pièces permit à l'ébéniste de faire sa feuille plus mince, et de mieux obéir aux sinuosités des surfaces. Ce genre vieillit promptement : cette division même, en abrégeant et en simplifiant le travail de l'ouvrier, nuisait à la durée des produits. C'est le sort de toute oeuvre facile. Quand un meuble de marqueterie était écaillé, ce qui arrivait promptement et souvent, il était déshonoré.

Pendant ce temps, l'art avait marché, la mode avait changé; et lorsque les meubles dont nous venons déparier, bien connus sous le nom fameux de meubles de Boule, tombèrent en déchéance, quand ils furent remplacés par ceux de l'empire, aux formes planes, régulières, classiques, aux profils grecs et romains, il se trouva que les ébénistes s'étaient fortifiés, qu'ils avaient inventé des procédés plus sûrs, qu'ils avaient acquis une habileté, une délicatesse plus prononcées, et que la lâche leur devint plus facile par elle-même précisément lorsque leur talent était plus complet.

Depuis lors, ils ont marché de progrès en progrès. Paris est demeuré en possession d'une supériorité partout reconnue en matière d'ébénisterie, et fournil à tous les pays du inonde les articles de plus en plus variés, de plus en plus gracieux de ses mille ateliers.

Cependant, il faut l'avouer, longtemps encore on a sacrifié beaucoup à l'apparence. D'une part, l'immensité de l'exploitation ; de l'autre, la complaisance des acquéreurs, ont arrêté le progrès qu'une sévérité bien entendue aurait accéléré. Les ouvriers confectionnaient admirablement le bâtis et le placage, mais ils se servaient d'une mauvaise colle mélangée d'éléments hygrométriques. Dans les lieux et dans les temps secs, le meuble neuf paraissait inaltérable et charmait la vue en satisfaisant aux lois de la solidité; mais pour peu qu'il fût exposé à l'humidité, il se dépouillait de son placage comme une cloison de son papier dans les mêmes circonstances; et lorsqu'on l'expédiait dans des pays éloignés, on ne trouvait souvent à son arrivée, au fond de la caisse d'emballage, que la carcasse de chêne jadis revêtue d'acajou.

Les ébénistes ont compris à temps la nécessité de remédier au mal, et ils l'ont fait assez à propos pour que la vogue n'abandonnât pas un seul instant les objets de fabrique parisienne. Une meilleure colle a été adoptée, et cet inconvénient a disparu.

La mode fait payer souvent un tribut à cet art, en lui imposant la loi du changement qui la régit elle-même. Ainsi l'acajou, sans être entièrement proscrit, ne règne plus seul dans l'ameublement. 11 commence à sembler, non pas trop triste ou trop défectueux, mais trop vulgaire et trop ancien : c'est là son grand tort. Les bois d'oranger, de citronnier, de palissandre,de rose, de frêne, ont la préférence dans le monde élégant. Ils se marient beaucoup mieux, dit-on, avec les étoffes si variées, si riches, qu'emploient les tapissiers. Us sont plus légers, plus agréables à la vue. Cela peut être vrai, mais ils sont moins nobles et moins sévères. Il nous semble qu'on doit tout admettre, tout accueillir en matière de goût, dans les objets réellement beaux, sauf à les classer suivant leur caractère. Ainsi, pourquoi n'aurait-on pas son salon en acajou, sa chambre à coucher en bois de rose, son cabinet d'étude en palissandre, son boudoir en citronnier, avec des étoffes appropriées, comme on a son salon rouge, sa chambre bleue, son cabinet vert, et son boudoir tourterelle?

Les ébénistes sont frères des tapissiers; ils doivent et ils peuvent marcher sur leurs traces dans l'art de la variété, où ces derniers les devancent aujourd'hui. Que d'espèces de bois il leur reste à exploiter! que de richesses renferment les forêts des deux Amériques! Il y a dans les environs de la Vera-Cruz, par exemple, telle propriété qui, sur un espace de douze lieues carrées, couvert de forêts vierges, présente plus de vingt espèces de bois magnifiques, veinés, colorés comme des pierres précieuses, et qui fourniraient des meubles charmants. Si quelques industriels allaient dans ce pays faire une ample provision de ces bois, la mode les adopterait bien vite en Europe dès qu'ils auraient élé façonnés.

C'est la maison Jacob-Desmalter qui a eu, sous l'empire, le privilège presque exclusif de meubler les palais impériaux et les châteaux des grands dignitaires. On voit encore aujourd'hui beaucoup de ces ameublements aux Tuileries, au Luxembourg, à l'ÉlyséeBourbon, à 3Ieudon, à Saint-Cloud, aux deux Trianon. Ces meubles, bien conservés et beaux encore, en ne considérant que la pureté des lignes, attestent surabondamment que 3131. Jacob-Desmalter étaient, comme ils le sont toujours, de très-bons fabricants d'ébénisterie, qualité rare alors et qui l'est beaucoup moins aujourd'hui. Ils dessinaient eux-mêmes les ornements de leurs meubles, et ne se servaient guère que du fondeur pour les faire exécuter; car il arrivait le plus souvent que la ciselure était faite par


L'EXPOSITION.

eux-mêmes. C'est de cette époque que date chez nous l'origine de l'industrie du bronze, qui a pris depuis un si merveilleux développement, et qui nous a donné les Feuchères, les Gaslambide, les Cornier, les Denièré, les Ledure, les Thomire, les Ravrio, et tant d'autres.

Aujourd'hui, on fait de l'ébénisterie de tous les genres, de toutes les époques, avec tous les bois, on pourrait ajouter pour tous les goûts. La sculpture y est employée à profusion et généralement avec peu de goût ; les ornements sont mal dessinés et rarement appropriés avec intelligence. Certains meubles sculptés, lits, commodes, armoires, qui figurent à l'exposition de cette année, justifient de reste cette opinion. Toutlemonde a été frappé du désaccord qui existe entre les différentes parties de la plupart des pièces, et du mauvais effet que produit leur ensemble. Toutefois, il est juste de le reconnaître, il y a à l'exposition de fort beaux ouvrages d'ébénisterie. Nous citerons, entre autres, un ameublement de chambre à coucher de 31. Lemarchand, parfaitement beau, plein d'harmonie, aussi bien exécuté qu'il est de bon goût; une armoire à trois glaces de 3131. Jacob-Desmalter : on reconnaît sur-le-champ le travail de ces messieurs au genre classique et traditionnel qui distingue leur ancienne et recommandable maison. 11 faut mentionner surtout un meuble en ébène, un médaillier, un véritable chef-d'oeuvre, dû à MM. Grohé frères. Nous n'en donnerons pas ici la description, parce que très-prochainement nous le reproduirons par la gravure, et que nos lecteurs pourront ainsi juger euxmêmes de l'originalité et de la distinction de sa forme, de la beauté de ses dessins, de la finesse de ses sculptures, de sa parfaite et merveilleuse exécution, de la richesse, de l'élégance et du bon goût de son aspect. C'est, à noire avis, la perle des produits d'ébénisterie qui figurent cette année à l'exposition. Le talent du dessinateur, du sculpteur, et par-dessus tout le talent de l'ébéniste, 31. Grohé, qui a dirigé et rassemblé de si précieux travaux pour en composer un magnifique ensemble, sont au-dessus de tout éloge. Pour une oeuvre aussi parfaite, aussi nouvelle, aussi complète, aussi capitale, pour un aussi grand succès, il n'est pas de récompense, même la plus belle et la plus précieuse de toutes, à laquelle ne puisse légitimement prétendre son auteur.

S. A. R. 31. le duc de Nemours a fait l'acquisition de ce superbe médaillier. C'est un fait qui prouve en faveur de son bon goût. Dieu veuille qu'il ait le sentiment des arts à un degré aussi éminent que son digne frère le duc d'Orléans, et qu'il possède, comme le prince que nous regrettons, cette qualité royale de les savoir encourager!

On remarque aussi à l'exposition un très-beau lit en ébène, sorti des ateliers de 31. Leblanc; rien n'égale sa simplicité, si ce n'est son bon goût. Et puis encore, un buffet ou dressoir d'une belle exécution et d'un bon style.

31. Clavel se distingue particulièrement par la simplicité des pièces qu'il expose, mais aussi par leur belle et bonne exécution. Habile ouvrier, bon dessinateur, il compose lui-même et sait approprier aux appartements les meubles qu'il exécute, mérite fort rare aujourd'hui. Parmi les meubles de ce fabricant, il faut mentionner un buffet à coins ronds d'un travail irréprochable et du plus heureux effet.

Bornons là cet aperçu qui sera successivement complété par une suite d'articles particuliers sur chaque exposant. L'ébénisterie est une des branches les plus importantes de l'industrie parisienne;

elle occupe dans le quartier Saint-Antoine, son centre, à peu près quarante mille ouvriers. A ce titre et à plusieurs autres, elle mérite de fixer l'attention et demande un examen détaillé.

IHIAPS.

Fabrique de Sedan : MM. Cunin-Gridaine et fils, Faul Bacot et fils, Frédéric Bacot et fils, Bertèche-Bonjean et Chesnon. — Fabrique d'Elbeuf : MM. Toutez, Regnault et Fellier, Félix Aroux, Victor Barbier, Th. Chen. nevière. — Fabrique de louviers : MM. Bannet frères et compagnie, Fréd. Jourdain.

L'exposition des draps est, cette année, plus belle que jamais elle n'a été. 11 est hors de doute que, sous le rapport de la finesse, ces produits égalent au moins ceux des Anglais, et qu'ils leur sont bien supérieurs pour la solidité.

On voit avec plaisir figurer parmi les noms des fabricants celui d'un manufacturier qui ne doit la haute position qu'il occupe aujourd'hui qu'à sa capacité industrielle et à sa probité élevée : c'est le nom de 31. Cunin-Gridaine. Le ministre auquel est conGée la direction du commerce français, bien que placé par ses fonctions mêmes en dehors de tout concours, a voulu néanmoins donner l'exemple et soumettre les produits de la maison dont il est le "chef au jugement public. L'épreuve lui a été toute favorable.

Parmi les riches et beaux produits de la fabrique si renommée de Sedan, ceux de la maison Cunin-Gridaine et fils tiennent le premier rang. La finesse de ses draps noir, écarlate, jonquille et violet ; la magnificence et la délicatesse de leurs nuances ; l'élégance et le bon goût de ses étoffes de nouveautés, distinguent entre toutes.cette manufacture, justifient surabondamment la bonne et ancienne réputation dont elle jouit, et expliquent de reste la place éminente qu'elle occupe dans cette branche spéciale d'industrie. Nous reparlerons très-prochainement et avec détail de cette importante fabrique, une des premières de la France, en publiant la biographie de son chef. Avant d'être un homme politique influent, un ministre distingué,-31. Cunin-Gridaine a été un des plus grands industriels de notre pays. Sa vie a élé laborieuse et utile : il est bon de la donner en exemple.

MM. Paul Bacot et fils, Frédéric Bacot et fils, Bertèche-Bonjean et Chesnon, tous manufacturiers à Sedan, ont exposé des produits de môme nature que ceux de la maison Cunin-Gridaine et fils. Ces produits sont très-remarquables, surtout parles qualités plus particulièrement propres à la fabrication des Ardennes : la finesse et l'éclat.

Elbeuf est toujours, par le nombre de ses ouvriers et par le chiffre de ses affaires, la plus considérable de nos fabriques de drap. Cette petite ville, qui n'est pas même un chef-lieu d'arrondissement, fabrique annuellement pour 40 millions de draps et étoffes de fantaisie. Il y a quatre-vingts ans à peineque 31. DubamelDumonceau disait : t Les draps d'Flbeuf conviennent pour les ouvriers. » Aujourd'hui il n'est aucune qualité de drap, si belle qu'elle puisse être, que l'on ne fabrique à Elbeuf. Parmi les plus beaux produits de cette localité admis à l'exposition , on remarque principalement ceux de 31. Toutez, qui expose cette année pour la première fois ; ses draps réunissent toutes les qualités désirables : grain serré et fin, garnissage parfait, c'est du véritable drap-velours; et cependant le prix de cc3 tissus, auxquels on ne pourrait trouver rien de supérieur, n'est que de 20 à 55 francs le mètre.


L'EXPOSITION.

La maison RegnaultetPellier, d'Elboeuf, a aussi exposé des draps tissés de la plus grande beauté et parfaitement fabriqués. On distingue encore parmi les manufacturiers de la même ville, M. Félix Aroux, pour ses nouveautés et ses tartans; 31. Victor Barbier, pour ses alpagas et ses tweeds, et 31. Th. Chennevière, pour ses nouveautés et ses satins de deux couleurs, fabriqués au métier à la Jacquart.

Louviers, autrefois célèbre par l'importance de sa fabrication et la beauté de ses produits, ne se recommande plus aujourd'hui qu'à ce dernier titre. Les affaires qui s'y font sont peu considérables; mais sous le rapport de la belle qualité et de la distinction de ses produits, cette ville n'est point déchue; les magnifiques • draps exposés par 3131. Dannet frères et compagnie, et par 31. Fréd. Jourdain, en fournissent une preuve éclatante.

PAPIERS PEINTS.

Manufacture de M. Brière,

26, rue Sainl-Bernard-Sainl-Antoine.

Les papiers peints exposés par 31. Brière sont très-beaux et trèsavantageux. Nous avons surtout remarqué un papier de tenture de salon dont les dessins sont d'une légèreté incomparable et l'effet des plus satisfaisants. Cette maison doit être citée parmi celles qui font les plus beaux produits.

Manufacture de ]?I. Délieourt,

12S 1er, rue de Charenlon.

Ce fabricant a fait admettre à l'exposition de très-belles décorations en papiers peints. Parmi ces produits remarquables à différents litres, il faut donner une mention particulière à une tenture de salle à manger, fond vert, avec des ornements du style de la renaissance, et des médaillons. La frise appelle surtout l'attention par l'élégance de son dessin et la pureté de son exécution. Le sujet en est fort simple: elle représente des animaux, des fruits et des Heurs; mais la suite de cette guirlande est composée avec tant de bonheur, que l'effet en est saisissant. Citons encore une autre tenture, fond or, dessins à volutes, dont l'aspect est plein de richesse. 31. Délieourt a aussi exposé de magnifiques devants de cheminée.

Fabrique de M. Lasne,

1, cité d'Orléans.

Parmi les produits exposés par 31. Lasne, celui qui frappe surle-champ la vue et provoque l'examen, c'est un papier émaillé. Ce papier, velouté d'abord, reçoit ensuite un vernis sur tous les unis, ce qui lui donne la splendidc apparence de ces riches étoffes de soie à raies mates et unies. Cette application du vernis est une idée très-heureuse et produit un effet charmant. Les autres papiers de ce fabricant sont parfaitement exécutés; ils se distinguent particulièrement par leur bon goût, ce qui n'est pas une médiocrequalité pour des objets d'ornement.

Fabrique de M1H. Pignet jeune, fils., et Paliard,

A Saint- G enis- Laval ( Rhône).

Les produits envoyés à l'exposition par ces fabricants n'offrent rien de remarquable. Sans doute leurs papiers sont bien fabriqués ;

mais les dessins en sont communs et sans originalité ; ce sont ceux que l'on voit partout. Cependant la manufacture de3IM. Pignet et Paliard jouit d'une bonne réputation et ne manque pas d'importance; mais on y confectionne surtout et presque exclusivement des produits de grande consommation. On s'y occupe beaucoup plus de satisfaire aux exigences du commerce que de faire faire des progrès à l'industrie. Pour faire de bons et utiles produits, il ne s'ensuit pas qu'il faille les exposer. A quoi bon soumettre à l'appréciation publique des choses qui n'ont été l'objet d'aucun perfectionnement, qui sont aujourd'hui dans le même état qu'il y a dix ans et plus?

Dessins de M. Amédée Couder,

19, rue Bleue.

L'influence de l'art sur l'industrie n'a jamais été aussi sensible qu'à l'exposition de cette année. L'un et l'autre s'y prêtent un mutuel secours ; c'est cette intelligente et heureuse alliance qui a produit les magnifiques tapis, meubles, papiers peints, châles, étoffes, bronzes, pièces d'orfèvrerie, etc., que l'on admire dans les galeries industrielles. 31. Amédée Couder a puissammenteontribué à obtenir ce beau résultat. Ses travaux, si remarquables et si variés, attestent chez lui des qualités éminentes : une grande richesse d'imagination, un goût sévère, et ces connaissances exactes qu'on n'acquiert que par de longues et sérieuses études. Pour se rendre compte de l'influence légitime que cet artiste a exercée et exercera longtems encore, il faut l'espérer, sur l'industrie de luxe, il suffit d'examiner sa propre exposition, ces charmantes esquisses de tapisseries, de châles, de meubles, d'ornements sacerdotaux, de vases sacrés, qui, encore à l'état de projet, vont être disputés par nos principaux fabricants. Ce qu'on a admiré cette année comme dessin , on l'admirera très-certainement comme oeuvre à l'exposition prochaine.

31. Amédée Couder envisage l'industrie d'un point de vue élevé; il s'inspire des faits historiques qui honorent le plus la France. Parmi les dessins exposés par cet artiste distingué, celui qui attire plus particulièrement l'attention, c'est l'esquisse d'une tapisserie reproduisant toute la légende de Jeanne d'Arc. Les sujets principaux, reliés entre eux comme une seule composition , se détachent sur un fond d'or, qu'entoure une riche bordure intérieure simulant un bas-relief où se trouvent mariés dans une intention neuve, successivement et selon le sujet, le bronze, le 1er, l'acier, l'or et l'ivoire. Les phases principales de l'histoire de Jeanne d'Arc se déroulent ainsi delà manière la plus heureuse dans celle composition, qui n'exigerait pas moins de quinze à vingt mètres de longueur si les personnages devaient être de grandeur naturelle. C'est un travail admirable, une oeuvre de toute beauté.

Les autres esquisses de 31. Amédée Couder sont aussi très remarquables par le bon choix des sujets, par la nouveauté et l'originalité de la composition, et par la pureté du dessin. Nous n'apprendrons rien à personne, en disant que les beaux tapis et les magnifiques étoffes qui ont élé à l'exposition l'objet de l'admiration générale, étaient tous signés du nom de cet artiste célèbre.

M. A niable l'roiiquoy, dessinateur.

31. Amable Tronquoy, jeune artiste très-distingué et professeur d'un grand mérite, a exposé plusieurs cadres de dessins où la vigueur du coloris rivalise avec la vérité des tons et la pureté des li-


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gnes. Le plus grand de ces dessins représente une machine à vapeur de la force de quarante chevaux. Les autres sont les dessins de diverses machines faisant partie de l'exposition actuelle, et ayant fait parlie de celle de 1839, comme l'indiquent les litres placés en tète de chaque dessin.

Parmi les artistes de cette spécialité, M. Amable Tronquoy figure à bon droit au premier rang; c'est une place qu'il a conquise par le travail el par le talent. Ses oeuvres justifient sa bonne réputation, et sa nomination de chef des travaux graphiques à l'Ecole royale des ponts et chaussées atteste la haute estime qu'on a de son mérite.

HORLOGERIE ROYALE DE VERSAILLES.

M. Benoist, directeur.

Un grand nombre de personnes pensent encore qu'une bonne montre ne saurait être fabriquée en France, et que les meilleurs mouvements sont ceux confectionnés à Genève. C'est une erreur que les travaux de 31. Benoist ont déjà contribué à effacer de beaucoup d'esprits, et qu'ils détruiront complètement dans la suite, il est permis de le croire et de l'espérer. ,

L'horlogerie est une industrie toute française. Ce n'est qu'accidentellement, à la suite de la révocation de l'édit de Nantes, que notre pays en a été déshérité, et que Genève est devenue son centre de fabrication. Les meilleurs ouvriers de cette ville iie font que suivre les traditions de leurs ancêtres et de leurs premiers maîtres, c'est-à-dire des proscrits qui abandonnèrent la France à la fin du dix-septième siècle. A différentes fois on a tenté de ramener l'horlogerie sur son sol primitif, mais ces louables efforts sont restés infructueux, contrariés qu'ils étaient par des circonstances diverses, étrangères à cette industrie elle-même, notamment par la guerre. Et puis, on ne s'était occupé que de l'horlogerie de luxe, et cette branche particulière n'offrait pas assez d'éléments pour reconstituer une industrie vraiment nationale. 11 faut donc tenir compte à 31. Benoist d'avoir tenlé une entreprise difficile et le féliciter des beaux résultais qu'il a déjà obtenus. Il lui a fallu déployer un grand courage et une grande persévérance pour surmonter toutes les difficultés qui s'opposaient à la réalisation de son projet. Non-seulement il a eu à lutter contre l'esprit de routine, si répandu chez nous, mais encore il a eu à vaincre la résistance des horlogers qui, tirant leurs montres de Genève, se trouvaient ainsi dispensés de faire des études sérieuses pour exercer leur profession avec conscience. 31. Benoist a commencé par créer des ouvriers habiles, ce qui était déjà une laborieuse entreprise; ensuite il leur a fait confectionner, sous sa direction, toutes les pièces d'une montre, toutes sans en excepter une seule, pour prouver, ce qui est un fait acquis à présent, qu'une bonne montre pouvait être entièrement de fabrique française.

L'horlogerie de Versailles, établie en 1832, exposait déjà, en 1839, des montres qui valurent à son directeur une médaille d'or, décernée par le jury. Le mérite de leur fabrication était donc incontestable, puisque les hommes les plus compétents venaient de le proclamer. Le public commença alors à comprendre que Genève n'avait plus le monopole de l'horlogerie; il vit avec plaisir, cl non pas sans quelque orgueil, qu'un de nos compatriotes, un Français, jeune, actif, ingénieux, dévoué à son art, était parvenu à fabriquer des montres qui pour la bonté, la solidité, égalaient celles de Genève, et qu'elles coûtaient beaucoup moins.

Il ne peut être ici question d'élégance, car, sous ce rapport, on ne saurait établir sans dérision une comparaison quelconque entre les produits lourds et arriérés de la fabrique genevoise et les nôtres ; les charmants et gracieux modèles imaginés par le goût français, et que la gravure rehaussé d'ornements si variés, n'ont et n'auront jamais rien de commun avec la robuste fantaisie des Suisses.

31. Benoist a exposé cette année plus de quatre-vingts montres ,- toutes françaises, de prix différents et de formes diverses, depuis les plus simples jusqu'aux plus riches. Les modèles sont, en général, élégants, de très-bon goût, et leur exécution est parfaite. On remarque surtout les montres de platine, bijoux de luxe, pour lesquels 31. Benoist est breveté. A présent que les galeries industrielles sont fermées, on peut voir ces montres de platine, comme toutes celles delà fabrique de Versailles, à son grand dépôt de Paris, 17, boulevard des Italiens.

L'horlogerie de Versailles est un établissement national; à ce titre seul ses produits auraient droit à l'attention particulière du jury et aux préférences du public, quand d'ailleurs ils ne se recommanderaient d'eux-mêmes par leur belle et bonne qualité, comme tout le monde a pu en juger et comme personne ne le conteste.

Fabrique de stores de M. CSirartl, peintre paysagiste,

254, rue Saint-Martin.

Le jury de la dernière exposition a mentionné favorablement dans son rapport les produits de31. Girard. Depuis lors cet habile fabricant, qui est en même temps un artiste distingué, a fait faire à l'industrie qu'il exerce et à l'art qu'il pratique des progrès signalés. C'est un fuit notoire, et constaté d'ailleurs chaque jour par l'afiluence de visiteurs qui s'arrêtent, pour les admirer, devant les magnifiques stores qui figurent cette année dans les galeries industrielles.

Parmi ces resplendissants produits, il faut citer en première ligne une descente de croix, d'après une gravure du tableau de Jouvenet, et un déeaméron, dont la bordure est du style Louis XV. Le coloris de ces peintures estd'un éclatincomparable, et le dessin en est plus pur qu'on ne peut, qu'on ne doit même le désirer pour des oeuvres semblables, dans lesquelles on veut trouver surtout, comme qualités premières et essentielles, celte vivacité et cette bonne distribution des couleurs qui produisent un brillant effet. Toutefois, on ne peut que louer 31. Girard de l'excès de perfection qu'il apporte dans ses travaux. Le nombre des fabricants qui font mal est trop considérable pour, ne pas savoir un gré infini au petit nombre de ceux qui, comme l'artiste dont nous nous occupons, ne reculent devant aucun sacrifice de temps et d'argent pour faire excessivement bien. Les autres stores exposés par 31 Girard sont également remarquables par une parfaite exécution, notamment celui qui représente un intérieur de chapelle espagnole, auquel les rayons du chaud soleil d'été donnent une couleur tout à fait locale. 31. Girard, un des premiers, a fabriqué des stores. Son établissement, déjà ancien, car il date de 1829, se recommande par l'importancedes affairesqui s'y font, et par la belle et bonne exécution des produits qui s'y fabriquent. Nul plus que lui n'a contribué au développement de cette branche spéciale d'industrie, et à l'amener au degré de perfection qu'elle a atteint aujourd'hui. Aussi marche-t-il à sa tète; on ne voit, on ne parle jamais des stores, sans


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qu'aussitôt le nom de Girard ne vienne à la pensée. Ses efforts et ses succèsont étéappréciés et récompensés par les hommes les plus compétents, non-seulement par les membres du jury de la dernière exposition, mais encore par ceux de l'Académie de l'industrie qui lui ont successivement décerné, à titre d'encouragement, trois médailles d'argent. C'était justice. Sans aucun doute, le jury de cette année sanctionnera le grand succès qu'ont obtenu à l'exposition les produits de 31. Girard, en récompensant d'une manière équitable leur habile et consciencieux auteur.

Nous reviendrons sur l'établissement de M. Girard pour l'envisager au point de vue commercial, pour apprécier la bonne direction qui préside aux travaux qui s'y font et signaler les avantages qui en résultent pour le public.

Produits alimentaires.

L'exposition n'a pas seulement été riche en brillants produits, elle a encore été très-remarquable par le nombre et la nouveauté des produits utiles qui y ont figuré. 11 est des articles dont l'usage est journalier, qui sont un besoin même pour quelques-uns, pour les navigateurs par exemple, articles qui, pour être modestes, n'en ont pas moins demandé de grands travaux et n'en sont pas moins des découvertes importantes. A ce double titre, ils méritent d'être mentionnés. Signalons donc à l'attention publique les farines étuvées pour biscuits de mer de 3131. Thébaud frères, de Nantes, lesquelles farines peuvent se conserver fraîches pendant dix-huit mois au moins. Citons encore commeayant le même précieux avantage, les salaisons pour la marine, de 31. Cornillier aîné, de Nantes ; les bocaux qui renfermaient les produits de cet exposant avaient un aspect de propreté qui provoquait l'appétit. 3Iais parlons d'une manière plus particulière d'une véritable découverte culinaire due à 31. Ramirez. Cet exposant a trouvé le moyen de donner aux tomates trois applications nouvelles. D'abord, il prépare ce fruit savoureux, par un procédé qui lui est propre, de façon à ce qu'il puisse être conservé pendant plusieurs années sans altération aucune, soit dans le goût, soit même dans la couleur. Cela offre une grande ressource aux chefs de maison qui ont un train à tenir, surtout à nos marins, auxquels, sous le rapport culinaire, lant de privations sont imposées. Ensuite, 31. Ramirez a donné aux tomates la propriété appétissante de la moutarde, sur laquelle elles ont, ainsi apprêtées, plusieurs avantages, notamment celui du parfum, tënlin il en a fait, en les conservant entières, une compote au sucre, un plat de dessert des plus friands, dont la saveur peut être comparée à celle de l'ananas. A coup sûr, ce sont là des découvertes qui ne manquent pas d'utilité, et des travaux qui veulent être encouragés et récompensés. Sa Majesté n'a pas dédaigné d'examiner ces produits ; et les tomates de 31. Ramirez.diversement préparées, ont les honneurs de la table royale. Nous ne finirons pas sans parler du lait solidifié pur, au thé et au café, exposé par 31. de Villeneuve, lequel a obtenu à la dernière exposition une mention honorable dans le rapport du jury. Il suffit de jeter un peu d'eau chaude sur une de ces tablettes, et l'on a sur-le-champ une lasse de lail, de Ihéon de café, prête à boire. Dans beaucoup de circonstances celte ingénieuse et utile préparation offre des avantages très-précieux.

Il y avait encore à l'exposition d'autres produits de même nature; aujourd'hui nous avons signalé les principaux, le tour des nu 1res viendra plus lard ; car notre examen sera complet.

MM. Karl-Ilauder et André. — Peinture sur verre.

40 bis, rue des Amandiers-Popincourt.

Ces messieurs ont exposé plusieurs vitraux d'église, notamment une grande croisée représentant le chemin de la croix en douze tableaux. La peinture de cette oeuvre est belle et largement exécutée, les couleurs sont très-transparentes et bien disposées, la composition du dessin est bonne; il y a dans son ensemble une harmonie parfaite; son effet est magnifique. —Nous avons aussi vu et admiré un très-beau vitrail destiné à la cathédrale d'Auch.

Cette industrie, qui tient à l'art de si près qu'on dirait le frère et la soeur, a fait depuis quelques années de très-grands progrès. Les efforts et les travaux de M31. Karl-Ilauder et André ont contribué à obtenir cet heureux résultat, et le jury, sans aucun doute, leur en tiendra compte. Voilà des produits vraiment dignes de l'exposition!

M. I.emaii'e. — Verrières coloriées.

10, rue du Dragon.

Par le procédé de la peinture vitrifiée, les couleurs posées sur le verre sont en quelque sorte rendues indestructibles, en raison de l'adhérence qui existe en Ire elles et la matière sur laquelle elles sont fixées; ce qui ne nuit en rien à leur vivacité, ni à l'éclat de leur effet.

31. Lemaire a exposé une grande croisée sur laquelle il a peint, dans des proportions colossales, un Saint Augustin. Ce tableau est admirable; il est impossible de rien voir de plus beau. La disposition des verres, qui ne sont plus coupés en mille petits morceaux, permet aujourd'hui aux artistes de donner aux traits la régularité, au geste l'expression, aux draperies l'ampleur et la richesse, au corps même le sentiment et la vie. 31. Lemaire a usé de cette faculté pour faire une oeuvre qui captive l'attention publique et qui commande l'admiration.

BIOGRAPHIE.

Oberknmpf.

Le fondateur de la manufacture de toiles peintes de Jouy el de la filature de coton d'Essonne, Christophe-Philippe Oberkampf, est né à Wisembach, dans le marquisat d'Anspacb, en 1738, le 11 juin. Son père, fabricant en teinture, après plusieurs tentatives infructueuses dans différentes villes, vint fixer sa résidence à Arau, en Suisse, où il fonda un établissement dont le succès valut à son laborieux chef la première distinction que puisse dispenser un État libre : le titre de bourgeois de la ville.

Le jeune Oberkampf excella de bonne heure dans les connaissances nécessaires au manufacturier de toiles peintes. Cet art, alors nouveau en Europe, a pris naissance en Asie; il date des temps les plus reculés; les Egyptiens l'ont pratiqué. Pline l'Ancien vante les couleurs des tissus égyptiens. Mais les perses et les indiennes qui nous ont servi de modèle n'ont d'impriméque le Irait; les sujets sont coloriés au pinceau; opération dispendieuse et longue, de laquelle nos toiles imprimées de fil et coton , et même de coton seul, ont emprunté leur nom de toiles peintes, bien que l'impression à la planche y fût appliquée d'abord , et plus tard , pour certains genres , l'impression mécanique au rouleau. L'introduction chez nous de


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ces deux procédés devait être un bienfait d'Oberkampf, qui, à dixneuf ans, conçut la pensée de venir en France, pauvre et inconnu, pour y chercher et y apporter tout à la fois des richesses et de la gloire. 11 partit en fugitif, contre la volonté de son père, et arriva droit à Paris.^La fabrication des toiles peintes était, à cette époque, loin d'être protégée par le cabinet de Versailles; on la repoussait comme nuisible à la culture du chanvre, du lin et de la soie. L'importation en était aussi très-sévèrement prohibée. La contrebande seule fournissait aux consommateurs les produits des manufactures de Suisse et du comtat Venaissin. Cependant, par une exception qu'explique la législation incohérente de ce temps, le clos de Saint-Germain-des-Prés et l'emplacement de l'Arsenal n'étaient pas soumis à la loi commune. L'un était ouvert à la vente des indiennes de Neufcliâtel ; l'autre le fut à une fabrique de Ces étoffes établie par un étranger nommé Cabannes. Pour créer ce dernier établissement, il fallait des dessinateurs, des coloristes, des imprimeurs, des commis ; Oberkampf se présenta et offrit de pourvoir à tout. Ses services furent acceptés, et, aussi économe qu'industrieux, il fit là quelques économies pour l'avenir.

En 17S9, un édit de Louis XV consomma la révolution commerciale que l'introduction illicite et la fabrication clandestine de la toile peinte avaient opérée, malgré la vigilance des intérêts contraires et la rigueur des lois. L'abolition du système prohibitif éveilla l'ambition hardie du jeune homme; il jugea le moment venu de tenter la fortune et adopta, pour y réaliser ses projets, la belle vallée de Jouy. Ce fut là, sur les bords de la rivière des Gobelins, dans une chaumière renommée aujourd'hui comme le berceau de cette manufacture spéciale, qu'un ouvrier de vingt et un ans, étranger, parlant à peine la langue du pays, professant un culte réprouvé ; ce fut là que seul, sans auxiliaire, avec un capital de vingt-cinq louis, il jeta les fondements d'une fabrique qui devint immense. Dessin , gravure , impression, teinture, tout était l'ouvrage de cet homme laborieux et entreprenant, qui n'avait pouréteudage que quelques perches de prairie, et pour ateliers qu'un logement étroit où un lit, une table et une chaise tenaient avec peine. Pourtant cet homme eut bientôt à subir les persécutions de l'envie. De toutes parts s'élevèrent des cris d'alarmes; il ne fallut rien moins qu'un arrêt du conseil pour les comprimer. Les appréhensions des propriétaires qui craignaient de voir le canton devenir, par la prospérité croissante de la manufacture, un rendez-vous d'ouvriers turbulents; le zèle louable, mais excessif peut-être, de quelques autorités ecclésiastiques ; l'esprit de routine de l'administration, qui croyait devoir une protection exclusive aux industries rivales; la fausse interprétation des règlements locaux; toutes ces choses, et d'autres encore, s'élevèrent comme autant d'obstacles sur la voie suivie par le jeune fondateur de Jouy. 3Iais n'est-ce point parce qu'il est difficile de faire du bien aux hommes, qu'il n'est dortné qu'à quelques esprits privilégiés de remplir cette glorieuse mission ?

Aux agressions dont il était l'objet, Oberkampf n'opposa qu'une activité nouvelle, une ardeur plus grande, et une conduite irréprochable. Ses succès éclatants et rapides augmentaient sa foi en lui-même et redoublaient son courage. Bientôt il obtint une haute protection. Le duc de Beuvron, seigneur du lieu, désabusé de ses préventions, encouragea le manufacturier habile qui, en étendant les limites et les opérations de son établissement, desséchait une

vallée marécageuse, assainissait la contrée, appelait une population de quinze cents âmes sur un territoire à peu près désert, et fondait ainsi un beau village en même temps qu'une riche fabrique dans les dépendances du château de Jouy. Le duc prononça à Versailles le nom d'Oberkampf, qui y était connu déjà par un de ces hasards toujours placés sur la roule des hommes supérieurs. Voici à quel propos :

Une dame de la cour déchira une robe de Perse dont l'éclat avait excité bien des jalousies; dans son désespoir, elle accourut à Jouy demander à Oberkampf le secours de son art pour reproduire avec exactitude le même dessin; celui-ci tenta l'entreprise et il y réussit. Il fit plus : à la prière de la dame, il promit de ne livrer à personne le même dessin, lui en laissant ainsi la jouissance exclusive et la propriété en quelque sorte, et il tint parole. Ce succès et la délicatesse de ce procédé eurent du retentissement, et bientôt on ne porta plus à Versailles que des indiennes du voisinage. La reine ftlarie-Antoinette, de si noble et si douloureux souvenir, désira connaître le créateur d'une industrie qui était déjà pour le canton, et qui ne tarda pas à être pour le royaume entier, une source de richesses. A l'exemple de la reine, les enfants de France visitèrent souvent les ateliers d'Oberkampf. Les mains ,du comte d'Artois, qui fut depuis le roi Charles X, s'essayèrent sur la planche de l'imprimeur. Des personnes royales revêtirent la toile de Jouy; Trianon, 3Iontreuil, Bellevue, Saint-Cloud, en furent décorés. La propagation de ces étoffes agrandit naturellement la renommée du manufacturier, dont le crédit, franchissant les frontières, devint européen.

L'abbé 3Iorellet eut l'honneur de bâter par ses écrits le mouvement de l'opinion en faveur des produits d'Oberkampf. Les branches d'industrie qui avaient conspiré la ruine de cette industrie nouvelle et rivale durent se résignera lui voirprendre un essor toujours plus grand. La France ne recevait plus les toiles peintes de l'étranger; les étrangers au contraire, les Anglais même, séduits parla vivacité des couleurs et par l'élégance du dessin, devinrent les tributaires de nos ateliers. Depuis lors, trois cents établissements, émules de celui de Jouy, se sont formés en France. Deux cent mille ouvriers y fabriquent annuellement une valeur première en coton de soixante millions de francs; il en résulte pour notre pays un travail de main-d'oeuvre de 240 millions.

Louis XVI accorda une protection constante à Oberkampf; il ne se borna pas à donner à son établissement le titre de manufacture royale, il voulut encore honorer dignement son fondateur. Parun acte daté de 1787, l'artisan luthérien d'Arau reçut des lettres de noblesse. C'était lui conférer royalement le droit de cité.

Les distinctions populaires ne manquèrent pas non plus au nouveau citoyen. En 1790, le conseil général du département lui décerna une statue, que ses propres démarches empêchèrent seules d'élever. Plus tard, les hommes sanguinaires qui gouvernèrent passagèrement la France lui rendirent aussi hommage à leur manière.: ils voulurent sa'tète. La chute du trône rendant le souvenir des faveurs royales encore plus sacré à Oberkampf, il ne craignit pas de manifester ses regrets, ni de répandre de généreux bienfaits. 11 fut alors suspecté de sentiments aristocratiques de reconnaissance, accusé de royalisme, et en butte aux plus odieuses persécutions.

Après le 9 thermidor (27 juillet 1795), Oberkampf s'occupa de ramener dans la manufacture le travail et la vie. Il avait mis à contribution l'industrie de tous les pays pour multiplier et perfection-


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ner à la fois les produits de la sienne. Ses recherches aussi dispendieuses qu'opiniâtres ne s'étaient pas arrêtées à l'Angleterre et à l'Allemagne; il avait envoyé jusque dans l'Inde pour lui arracher le secret de ses belles couleurs. La science lui vint en aide. Un de ses neveux, Samuel Widmer, habile chimiste, rendit d'utiles services à un établissement dans lequel lui et cinq de ses frères avaient 'trouvé une éducation distinguée. 11 put aussi mettre à profit les leçons de grands maîtres : Berthollet et Chaptal s'étaient en quelque sorte associés à la gloire du créateur de Jouy, en lui prêtant le secours de leur savoir.

Ami de ces hommes illustres, Oberkampf eût pu être leur collègue dans un corps éminent. Le sénat se formait alors. 11 refusa d'y siéger, el comme son refus était sincère, il réussit, parties démarches actives, à conserver son indépendance. Napoléon voulut connaître un homme qui, après avoir acquis par son travail une grande fortuné et une grande renommée, se refusait aux honneurs avec autant d'activité..et de persistance que d'autres déploient de zèle et d'intrigue à se les procurer, sinon à les mériter. 11 visita Jouy, et à la (in de sa visite le héros, détachant de sa boutonnière sa croix d'or de la Légion, d'honneur, l'attacha sur l'habit d'Oberkampf, en lui disant que personne n'était plus digne de la porter. Depuis lors, il lui arriva quelquefois de consulter le sens éminemment droit et la haute capacité du modeste fabricant,qu'il se plaisait à nommer le seigneur de Jouy. — « Vous et moi, lui disait-il un jour, nous faisons unebonne guerre aux Anglais, vous par votre industrie, et moi par mes armes. C'est encore vous qui faites la meilleure, » ajouta t-il avec une vérité dont il nesoupçonnailpasla portée prophétique. C'était le temps où , voulant contribuer à tarir chez nos voisins une autre source de prospérité, Oberkampf élevait la filature el la tisseranderie d'Essonne. De la sorte, i| recevait le coton en balles, le filait, le lissait dans ses propres ateliers, d'où il ne sortait qu'en toiles peintes.

Lu paix de 1814 vint combler ses voeux les plus chers ; il y trouvait pour les arts et pour l'industrie la garantie d'un avenir prospère. 3Iais l'événement du 20 mars détruisit toutes les espérances d'Oberkampf. La guerre et ses ravages parurent dans la paisible vallée de Jouy; les travaux furent suspendus; l'inaction et la terreur s'établirent dans les ateliers. « Ce spectacle me lue, » répétait souvent le vieillard avec une poignante expression de douleur. En effet, le 4 octobre 1815, cet esprit actif el ingénieux cessa de penser, ce coeur généreux el fidèle cessa de battre.

Les travaux d'Oberkampf expliquent et légitiment sa renommée. Il a laissé un grand nom, un nom populaire, qui traversera les siècles comme tous les noms qui rappellent de grandes oeuvres, d'éminenls services on d'éclatants bienfaits. Nous n'avons pasà nous occuper desa vie privée. Disons seulement qu'il futpauvre,éprouvé parle malheur, sans que la misère, flétrit son caractère; qu'il fut riche, sans que l'opulence, cet écueil irrésistible où tant d'âmes se brisent et mollirent leur faiblesse, où tant d'esprits viennent donner la mesure de leur sottise, sans que l'opulence exaltât son orgueil el corrompit son coeur. Petit de taille, simple dans ses vêtements, remarquable par le calme imposant de ses traits, d'un abord bienveillant, l'oeil vif, mais plein de bonté, l'aspect de sa personne disait l'homme de bien; ses oeuvres attestent l'homme de bien et l'homme de génie.

DESSINS.

NUMÉRO 1. Marteau-Pilon, de MM. Schneider frères.

On sait que 3131. Schneider, du Creusot, ont été chargés de fournir à la flotte plusieurs des machines à vapeur destinées aux bateaux transatlantiques. Pour produire ces immenses moteurs, ils ont dû se créer un outillage en rapport avec les grands travaux qui leur étaient demandés. Us ont exposé quelques-uns de ces outils-macbines; le plus remarquable de tous, à notre avis, est celui qu'ils appellent marteau-pilon et que nous reproduisons parla gravure. Cette ingénieuse et formidable machine, qui repose sur l'action de la vapeur, écrase plutôt qu'elle ne frappe des barres de fer de plusieurs centaines de kilogrammes. L'action est communiquée à la masse percutante par un cylindre à vapeur dont la tige du piston se meut perpendiculairement et porte à son extrémité inférieure un renflement considérable façonné à peu près en forme de marteau. De là son nom : marteau-pilon.

Celte machine, une des plus belles de l'exposition, où il y en avait un si grand nombre d'admirables, est également remarquable par les dispositions de son mécanisme, par les résultats grandioses qu'elle produit, et par sa parfaite exécution ; elle faille plus grand honneur à 3131. Schneider frères, qui dirigent avec autant de distinction que de succès un des premiers et des plus grands établissements industriels de la France.

NUMÉRO 2. Piano de boudoir, de M. Casimir Martin.

31. Casimir 3Iartin est l'ingénieux inventeur du chirogymnaste, appureil mécanique destiné à rendre moins pénible et moins longue l'élude du piano. Cet instrument à la fois élégant, léger et portatif, ne s'adapte pas nécessairement au piano; il peut être convenablement placé sur toute surface plane, sur une table, une console ou tout autre meuble. Le cliirogymnasle est une découverte trop utile pour qu'il ne soit pas, de notre part, l'objet d'une appréciation particulière; bornons-nous donc aujourd'hui à constater le grand succès qu'il a obtenu à l'exposition.

31. C. 3Iartin a aussi exposé de charmants pianos de boudoir, pouvant servir à la fois de piano et de secrétaire : écritoirc, bureau, caisse, tiroirs, tout s'y trouve réuni. Ce nouveau format, dont nous reproduisons le modèle sons toutes ses faces, fera certainement fortune dans le boudoir el le cabinet de travail de nos dames où, en raison de l'exiguïté de nos appartements, l'économie de la place est chose si urgente. 11 faut ajouter que les pianos de boudoir de 31. Casimir 31arlin ne sont pas seulement de jolis meubles en palissandre, à balustres ou colonnes lorses, niais qu'ils sont aussi d'excellents instruments, réunissant toutes les qualités de solidité et de sonorité désirables. Nous en reparlerons avec plus de détails à propos du chirogymnaste.

LE BOUTEILLES., Directeur.

Parii. — Typographie LÀCIUMPE cl Comp. rue Damictlc, 2.






L'EXPOSITION.

SOMMAIRE.

TEXTE :

Industrie de la dentelle : Historique; — MM. Lefébure et soeur et Petit, M. Le Boulanger, M. Violard, Mesdemoiselles Villain, M. d'Ocagne. — Marbrerie de M. Aimé Géruzel, à Bagnères-de-Bigorre. — Échelle à incendie de M. Goulmaker. — Fermoirs el garnitures de livres de M. Houdaille. — Fabrique de stores de M. Lalande. — Banquet général des exposants. —Dessins.

GRAVURES :

NUMÉRO 1 :■— Fourneau économique de Véfour, fabriqué par M. Pottier-Jouvenel. NUMÉRO 2 : — Lit-canapé de M. Auguste Dupont.

INDUSTRIE DE LA DENTELLE.

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La dentelle est d'origine moderne ; cependant le nom de .son inventeur est resté inconnu, et l'on n'est pas d'accord sur le pays où elle a pris naissance. Les uns disent que c'est en Flandre, d'aulres à Venise ou à Gènes; d'autres, enfin, prétendent que c'est en France, la ville du Puy, dans la Haute-Loire, qui a été le berceau de la dentelle, et ils appuient celte assertion sur le texte d'une charte qui fait mention d'un pourpoint garni de dentelle offert par la corporation des denteliers d'ieelle ville du Puy, au roi Charles VII, venant de présider les états du Languedoc. Quoi qu'il en soit, l'usage des dentelles ne commença à se répandre qu'au seizième siècle.

Sous le règne de François 1er, les dignitaires de l'Église et les femmes ornaient leurs costumes d'une sorte de dentelle de lin blanc à larges mailles, d'un travail plus solide que gracieux. L'art en était alors à ses premiers essais. Les bourgeoises, et plus tard les paysannes, portèrent des dentelles communes, désignées, à raison de leur imperfection et de la modicité de leur prix, sous les noms de bisclte et de gueuse. Ces dentelles ne furent bientôt plus en usage. Vers cette époque, de rapides perfectionnements eurent lieu dans la fabrication. La mignonnelle, dentelle très-basse et Irès-line; la campane, d'un réseau plus ouvert et plus fort, destinée aux manches et aux cornettes, parurent alors dans les ajustements de là toilette; el la guipure, dentelle riche par le dessin el par la matière, vint distinguer le costume des dames de la cour et des prélats. La bisclte, la gueuse, la mignonnelle, la campane, étaient de fil de lin ; la soie, l'argent et l'or prêtèrent leur

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richesse et leur éclat à la guipure, dentelle dont le prix élevé n'en permettait l'emploi qu'aux classes nobles. Les premiers dessins de la guipure offrent une ressemblance assez exacte avec ceux de la dentelle de ce nom que la mode a récemment adoptée chez nous ; les nervures, fortement accusées, s'entrelacent capricieusement, imitant les ornements et les formes de l'architecture de la renaissance, qui a évidemment inspiré les inventeurs; seulement la matière des premières guipures n'est pas celle des guipures modernes. Celles d'aujourd'hui sont généralement de fil de lin, tandis que les anciennes étaient composées de cartisane et de soie. La carlisane était un vélin souple et fin que recouvrait la soie; à la soie on mêlait l'argent et l'or. 31ais on renonça bientôt à l'emploi de la cartisane, qui s'allérait à l'eau, et compromettait ainsi le dessin et la durée de la dentelle même. Alors, comme aujourd'hui, la guipure s'étendait en bandes ou en pièces de forme et de dimensions différentes, selon l'usage auquel elle était destinée. On distinguait cependant des guipures étroites, dites léle de More. Telles étaient les dentelles connues au seizième siècle.

Les dentelles de Flandre et le point de Venise, ne figurèrent pour la première fois à la cour de France que sous le règne de Louis XIII. Il ne paraît pas qu'elles aient orné la beauté de Gabrielle d'Estrées, car les états de dépense de la charmante duchesse, et ceux de Catherine de Médicis, conservés aux archives du royaume, ne font pas mention de l'achat de ces dentelles. A cette époque le luxe, longtemps banni de la cour parles désastres civils et plus tard par l'austérité de Sully, avait repris faveur. Sans favoriser ouvertement ce mouvement de la vanité clans les puissantes familles, Richelieu laissait néanmoins à son action un libre cours. Les prodigalités de la noblesse, en hâtant sa ruine, servaient trop bien les desseins politiques de l'implacable cardinal, qui voulait e t qui sut réduire l'aristocratie. Avant ce temps la dentelle n'était

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pas entrée dans le costume des hommes : une sorte de broderie plutôt qu'une dentelle bordait la collerette usitée sous le règne de Henri IV. Cène fut que sous Richelieu, qui régna de fait et pour le salut de la France sous le nom de Louis XIII, que, pour la première fois, elle fut employée dans la toilette des hommes. Les brillants seigneurs rivalisaient de richesse et de goût dans le choix des dentelles qui se rabattaient si gracieusement autour du cou.

Cependant le luxe excessif el les folles dépenses de la noblesse éveillèrent la sollicitude des parlements. Les assemblées des états tirent des remontrances, et bientôt parut ledit célèbre de 1629, connu sous le nom de code Michaud. La loi limita la dépense du costume en môme temps que celle de la table; la dentelle fut spécialement l'objet d'une de ces dispositions. Voici l'article 155 de l'édit qui la concerne :

« Défendons toute broderie de toile et fil et imitation de broderie, rebordement de filets en toile el découpure de rabats, collets, manchettes, sur quinlins et autres linges, et de tous points coupez, dentelles et passements et autres ouvrages de iil au fuseau pour hommes et pour femmes, en quelque sorte et manière que ce puisse être. »

Venise, Gènes et les Pays-Bas recevaient de France chaque année, en échange de leurs produits si recherchés, des sommes considérables. Celait explique la disposition suivante :

« Et défendons tout autre ornement sur les collets, mancbettes et autres linges, fors que des passements, points coupez et dentelles manufacturées dans ce royaume, non excédant au plus cher la valeur de trois livres l'aune, tout ensemble bande et passement, et sans fraude; à peine de confiscation desdils collels el des chaînes, colliers, cbapeaux et manteaux qui se trouveront sur les personnes contrevenantes à ces présentes, de quelque sorte et valeur qu'ils puissent être, ensemble des carrosses et chevaux sur lesquels se trouveront, et de mille livres d'amende. «

Plus loin, on lit encore :

« Défendons pareillement à tous marchands el autres, nos sujets, de quelque étal et qualité qu'ils soient, d'avoir aucuns ouvrages en leurs boutiques et magasins dudit point coupé et dentelle manufacturée hors du royaume, et d'en faire venir du dehors, à peine de confiscation desdils ouvrages et de marchandise étant aux boutiques et magasins, balles, sommes, chariots et cbarretles où se trouvera desdils ouvrages défendus, ensemble desdils chariots, charrettes et chevaux, et cinq cents livres d'amende. »

C'est à celle disposition que l'on doit le développement de l'industrie de la dentelle en France. Trente-six ans après l'édit, Colbert encouragea ouvertement cette fabrication. Une ordonnance du 5 août 10(35 fonda, sur de larges bases, une manu facture de point de France, destinée à rivaliser avec les fabriques étrangères. Des avantages considérables furent alors accordés à cette industrie. Un privilège de dix années cl 56,000 francs de subvention, somme énorme en ce temps, assurèrent à la manufacture des points de France un succès rapide. Le siège de la compagnie fut établi à Paris, à l'hôtel Beaufort; les premiers associés furent Pluimer, Talon, secrétaire du cabinet, Talon de Beaufort, el Lebie. Les villes choisies pour la fabrication lurent le Quesnoy, An-as, Sedan, Château-Thierry, Loiulun, Aurillac, el surtout Alençon. Mais la prohibition absolue des dentelles étrangères était nécessaire pour protéger la nouvelle manufacture, el des

édits sévères, rappelant les dispositions prohibitives de l'édit de 1629, furent rendus à cet effet.

Longtemps la fabrication des dentelles fui libre chez nous, contrairement à ce qui avait lieu pour toutes les autres professions, soumises à celte époque aux règles des jurandes et des maîtrises. Mais en 1655, cette fabrication fut réglementée par une déclaration spéciale. Celle industrie appartenait alors exclusivement aux passementiers, merciers, soit que la dentelle fût de lin, de soie, ou mêlée d'argent el d'or. De là lui vint le nom de passements ou entrepassements. L'article 21 des statuts des mailres passementiers (1655) leur confère le privilège de fabriquer toute sorte de passement au fuseau, aux épingles ou sur l'oreiller, à la condition que la matière soit du tout fine ou du tout fausse.

Valenciennes, Lille, Dieppe, le Havre, Honfleur, Pont-Lévèque, Caen, Gisors, Fécanip, le Puy, s'approprièrent bientôt cette industrie, qui s'y développa successivement et qu'elles ont conservée de nos jours, pour la plupart au moins. Les blondes ne parurent que plus tard et se fabriquèrent surtout à Louvres et à Saint-Denis; aux environs de Paris.

Telle a été, en France, l'origine de la fabrication de la dentelle, Colbert en fut le prolecteur, fait qui esta l'honneur du ministre intègre et qui a quelque chose de glorieux pour celle élégante industrie. Biais en ce temps-là, de même que la fabrication, la veille de la dentelle était régie par des dispositions spéciales. Le corps des merciers-passementiers jouissait du privilège de la vente des dentelles enrichies d'or el d'argent, mais la vente des dentelles de lin était néanmoins permise aux maîtresses lingères, sous une condition cependant, que l'esprit religieux du temps explique de reste. Un arrêt du conseil, du 21 aoùll005, ordonne l'exécution d'un arrêt du parlement de Paris, portant qu'aucune fille ou femme ne pourra être reçue marchande lingère, si elle ne l'ait profession de la religion catholique, apostolique et romaine. Etrange alliance du profane el du sacré! Louis XIV exigeait que des mains catholiques touchassent seules aux dentelles dont il parait la beau lé de mademoiselle de La Vallière, celle femme si tendre cl si houleuse de l'être, a dit ingénieusement el véridiquement madame de Sévigné.

Plus tard, la prohibition des dentelles fut moins absolue ; on Jes frappa seulement, à leur entrée, de droits considérables, dans le but de donner à nos produits nationaux une protection dont ils avaient besoin. On voit dans les édits que la perception des droits sur les dentelles des Pays-Bas et d'Angleterre, sur Jes points de Gènes et de Venise, était unie au bail des cinq grosses fermes. Les dentelles de Flandre devaient passer par Péronne, et tout marchand devait justifier de l'acquit de la taxe sous peine d'une amende de 5,000 livres. Elles devaient, aussi bien que celles des autres pays, être marquées aux deux bouts, d'abord sur cire d'Espagne, plus lard en plomb; enfin l'usage fit adopter la marque à l'aide d'un pain à cacheter entre deux papiers. Les fabriques de Flandre et du Haiiiaiit furent atteintes dans leur prospérité par la concurrence de la France, qui suffit bientôt par ses fabriques nationales à sa consommation courante; elles sou H rirent d'autant plus, qu'à la même époque des mesures analogues étaient prises par l'Angleterre. Un acte du Parlement, en date du mois de décembre 1697, prohiba les dentelles étrangères el tous les objets de luxe qui s'y rattachent, les franges, les broderies, les collets, etc. De nombreuses réclamations lurent alors élevées par les ouvrières de Flandre, que celle prohibition frappait ainsi dans leur travail


L'F.XPOSITION.

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c'est-à-dire dans leur existence même. Les religieuses, les béguines, les écoles de filles pauvres, qui toutes s'adonnaient à cette fabrication, se réunirent pour protester en commun. La sédition en cornette et en jupon parcourut les villes et les campagnes et se montra menaçante à tel point que l'on dut prononcer, pour lui donner une satisfaction légitime et l'apaiser, la prohibition des étoffes de laines étrangères. L'Angleterre eut surtout à souffrir de celte guerre de tarifs.

Si, sous le règne de Richelieu, la dentelle fut en honneur, si on la voyait à la cour, elle y servait plutôt la vanité qu'elle n'était un objet de coquetterie; elle était moins une parure qu'un signe de distinction. L'emploi n'en devint général, comme ornement obligé du costume des hommes, surtout de la toilette des femmes, qu'à la brillante et jeune cour de Louis XIV. Jusque-là, elle n'avait guère été employée que pour les collerettes et les guimpes, désormais elle se mêla aux rubans sur la robe même. Alad'emoiselle de Fontangcs, qui avait déjà donné son nom à une coiffure, mit cet ajustement en faveur. Quand le roi invitait sa cour à 31arly, toutes les dames trouvaient dans leur appartement une toilette complète et les plus élégantes dentelles. Dans la suite l'usage de l'habit français, costume plus gracieux et plus léger, vint augmenter la faveur déjà si grande de la dentelle. On s'en servit pour la manchette d'abord, ensuite pour le jabot, que la révolulion a pu coucher sur la chemise, mais non pas abolir comme un indigne abus de l'ancien régime. La parure des dames l'ut chamarrée de dentelles de tonte espèce; Je point d'Angleterre, la guipure, la malincs, la valenciennes, les dentelles nationales enfin, remplacèrent avantageusement, dans le costume simplifié, l'ampleur des robes gonflées par les paniers. Une classe coquette, une classe de véritable porte-denlelles, celle des abbés, contribua aussi beaucoup à la vogue de ces délicats et élégants (issus. Durant plus de soixante années le luxe des dentelles fil fureur. L'époque île la régence el le règne des Pompadour et des Dubarry furent le véritable âge d'or de la dentelle.

Les goûts simples de Louis XVI s'accordaient mal avec ces habitudes somptueuses; aussi Marie-Antoinette, jeune et belle, femme charmante et digne reine, all'ecla-t-elle une grande simplicité dans ses ajustements; l'or et l'argent disparurent de la toilette, mais non pas la légère et gracieuse dentelle. Le tiers état, comme la noblesse, les bourgeois et les seigneurs l'avaient définitivement adoptée lorsque la révolution éclata. H n'y eut plus alors ni reines ni duchesses, ni nobles ni abbés, plus de fermiers généraux, plus d'autels même, si ce n'est l'autel de la patrie. La dentelle eut le même sort que les hautes classes et les autels sacrés, elle fut proscrite, comme elle le serait encore si ces temps ealamiteux devaient jamais revenir. Que pouvaient en ell'et faire de dentelles ces patriotes purs qui se qualifiaient sans-culottes? Sous le directoire, la dentelle fut Irès-recberchée, et très-négligée sous l'empire; mais depuis vingt ans elle a repris grande faveur chez nous; elle est devenue un besoin pour toutes les classes, un objet de consommation presque indispensable, simple pour les conditions modestes, riche pour les hautes situations, appropriée pour toutes les fortunes et recherchée par les dames de tout rang; seulement elle ne fait plus partie comme autrefois de la toilette des hommes, et il n'est pas permis de croire que jamais elle y rentre comme, accessoire élégant. La simplicité, et pour ainsi dire l'égalité du costume est passée dans nos moeurs; c'est

un bienfait trop généralement apprécié pour qu'il soit probable, désirable même, que l'on y renonce. Cela peut nuire, en restreignant la consommation, aux intérêts des fabricants; mais cela est en conformité parfaite avec la gravité de nos goûts et la direction sérieuse de nos esprits; il faut donc en prendre son parti. 11 n'y a plus d'oisifs, ou ils sont en très-petit nombre; tout le monde travaille aujourd'hui et, à notre avis, les manchettes vont mal aux mains qui taillent le marbre, qui s'exercent sur une toile, qui portent une épée, et même à celles qui tiennent une plume, quoi qu'ait pu dire et faire à cet égard 31. le comte de Buffon.

La Belgique fabrique la plus grande partie de la dentelle qui se consomme en tous pays. Après la fabrication belge, celle de la France est la plus considérable; viennent ensuite celles de Saxe et d'Espagne. Toutes les dentelles de fil en usage peuvent être comprises en cinq classifications principales : Point de Bruxelles ou point d'Angleterre ; 2° Dentelle de 3Ialines ; 5° Point d'Alençon; 4° Dentelle de Valenciennes ; 5° Dentelle de Lille.

Les autres dentelles de fil, imitation pinson moins heureuse de l'une de ces cinq dentelles principales, empruntent le nom des pays où elles se fabriquent. Il serait trop long d'en faire ici l'énumération.

Le point de Bruxelles ou point d'Angleterre est la dentelle de luxe par excellence. Cette double dénomination a besoin d'être expliquée. Le point d'Angleterre ne se fabrique pas et ne s'est jamais fabriqué en Angleterre. Au dix-septième siècle, on l'a vu'plus haut, le parlement anglais rendit, à l'exemple de la France, un bill de prohibition contre les dentelles étrangères; il fut l'ail en même temps des tentatives d'embauchage auprès des ouvrières flamandes, afin d'importer sur la terre britannique une aussi précieuse industrie; mais les essais ne furent pas heureux. Alors les négociants anglais achetèrent à Bruxelles des dentelles qu'ils vendirent en tous pays pour des produits nationaux. Peu à peu l'industrie disparut du pays, mais le nom usurpé lui resta. Aujourd'hui l'Angleterre fabrique avec peine et sans profit quelques dentelles communes, et depuis très-longtemps elle n'a pas fabriqué un seul mètre de dentelle dile point d'Angleterre. Le point d'Angleterre est donc, à vrai dire, le point de Bruxelles; la première qualification est plus usitée peut-être, mais la seconde seule est exacte. Aucune dentelle n'est comparable au point de Bruxelles pour la délicatesse du travail, la grâce et le relief de la broderie; aucune non plus n'est d'un prix aussi élevé, si ce n'est pourtant le point d'Alençon. La robe de mariage de madame la duchesse de Berri était de point de Bruxelles.

La dentelle de Matines diffère du point de Bruxelles par le dessin et par le travail ; elle se fabrique d'une seule pièce au fuseau. Le fil qui borde le contour extérieur de toutes les fleurs, et qui en dessine les formes, donne à cette dentelle l'apparence d'une broderie, ce qui fait que, pour la désigner, on dit quelquefois la broderie de Matines. Son prix est plus que moitié moindre de celui du point de Bruxelles. La robe de mariage de la reine Victoria avait des volants en dentelle de Malines.

Le point d'Alençon est fabriqué à l'aiguille. Cette dentelle esl remarquable par la délicatesse infinie du fond, par l'éclat et la variété des dessins; sa richesse est incomparable et son luxe extrême ;


L'EXPOSITION.

c'est une véritable parure de reine. La robe de mariage de madame la duchesse d'Orléans était en point d'Alençon ; elle coûtait 50,000 francs.

La valenciennes, moins heureuse que les autres dentelles, ne se fabrique plus dans le pays même dont elle porte le nom. La guerre ) l'a chassée de son berceau, mais la paix l'y ramènera. Nous avons parlé, dans un précédent numéro de ce recueil, des,louables efforts déployés par M. Le Boulanger, pour fondera Valenciennes une école dentellière, sous le patronage auguste de la reine ; nous pouvons aujourd'hui constater les heureux résultats déjà obtenus par ce courageux et habile fabricant; car nous avons vu à l'exposition, avec grand plaisir et aussi avec surprise, les charmants ouvrages de ses jeunes élèves. D'après cet "échantillon, il est permis d'avancer que sous peu d'années, grâce aux soins persévérants et à l'intelligente direction de 31. Le Boulanger, les valenciennes belges auront dans les valenciennes françaises des.rivales sérieuses. La valenciennes, comme la matines, se fait au fuseau, d'une seule fois, fond et broderie, tantôt à maille ronde, tantôt à maille carrée. 31oins légère, moins coquette que la malines, la valenciennes rappelle davantage, par sa régularité, parle style particulier de ses dessins, les traditions anciennes de la dentelle. La première a plus d'attrait peut-être, mais la seconde résiste mieux à l'usage.

La dentelle de Lille est moins solide que la valenciennes, moins légère que la malines, mais elle offre une plus grande variété dans ses dessins. Le peu d'élévation de son prix, comparé à celui des autres, l'a fait adopter par les fortunes:modestes. Elle enjolive surtout les modestes ajustements des ouvrières, sans que pourtant les grandes dames dédaignent d!en faire usage. .-,..'■

L'industrie dentellière a pour la France une importance réelle, parce que c'est une industrie nationale d'abord ; ensuite par le grand mouvement d'affaires qui résulte de sa fabrication ; enfin parce que c'est un travail propre aux femmes,chose malheureusement si rare chez nous. L'art mécanique, qui peu à peu dépossède l'ouvrier au profit du consommateur, a respecté jusqu'alors celle branche spéciale de travail. Toutefois, l'emploi des machines a.déjà lieu pour le tulle; mais les fines dentelles, le point d'Alençon, la valenciennes, les blondes, sont encore et seront toujours, il Tout l'espérer, l'oeuvre patiente, délicate et habile de nos ouvrières. Le nombre de femmes occupées à cette fabrication, à Chantilly, à Alençon, au Puy, sur nos frontières du Nord, cl plus particulièrement en Normandie, est immense; il s'élève en totalité à plus de cent cinquante mille. Dans le Calvados, il y a des villages entiers où toutes les femmes et les jeunes filles ne font que de la dentelle, ce qui ne veut, pas dire que toutes les familles y viventde celle industrie, carie salaire des travailleuses est insuffisant même pour les besoins rigoureux de la vie. Après un travail obstiné de seize heures, il est des ouvrières qui n'ont pas gagné plus de cinq à six sous au bout du jour; cela est incroyable, pourtant cela est vrai. Les habiles, celles, par exemple, qui ont fait les fins et jolis ouvrages qui ont été tant admirés à l'exposition, celles-là ont gagné de un franc à un franc cinquante centimes par jour, pas davantage. 11 y a dans ce fait, d'une femme qui, après un long et pénible apprentissage, après avoir acquis une rare habileté, ne gagne pas, en travaillant seize heures par jour, de quoi vivre avec aisance, il y a dans ce fait quelque chose d'inique qui révolte la conscience.

La fabrication de la dentelle a cet avantage, qu'elle n'entraîne

pas la nécessité d'une fabrique, c'est-à-dire d'un lieu où l'on travaille en commun. Chaque fabricant a ses ouvrières attitrées, mais les ouvrières travaillent librement chez elles, à leur foyer, sur les dessins qui leur sont donnés. Cette manière d'agir est préférable sous tous les rapports à ce qui se passe dans les manufactures. Sans doute, la liberté du travail existe partout et pour tous; néanmoins l'obligation de venir travailler à telle heure fixe du matin jusqu'à telle heure du soir implique la servitude. L'homme qui travaillé seul et chez lui est plus indépendant ; son libre arbitre s'exerce plus entièrement, il n'agit que d'après l'impulsion de sa propre volonté ; aussi a-t-il généralement une dignité personnelle plus grande et une moralité plus certaine.

L'étendue de cet historique de l'industrie dentellière nous oblige à renvoyer à un prochain njiméro l'examen des produits de cette fabrication spéciale qui ont été admis à l'exposition. Cet examen, nous le ferons avec détail ; chaque exposant notable sera l'objet d'un article particulier. Toutefois, signalons dès aujourd'hui la magnificence des produits de Chantilly, la beauté et la perfection des ouvrages exposés par 3131. Lefébure etsoeur et Petit, par 31. Le Boulanger, par 31. Violard, par mesdemoiselles Villain, par 31. d'Ocagne. En appréciant équitablement les. riches et élégants produits de ces industriels distingués, nous dirons à quels grands et patients travaux ils ont dû se livrer pour obtenir une aussi parfaite exécution. Il ne suffit pas de constater les qualités d'une oeuvre ; pour être juste, il faut encore mettre en lumière le mérite de son auteur.

Marbrerie de Itl. Aimé •■éa-naet,

à Bagnères-de-Bigorre.

Les Pyrénées renferment beaucoup de marbres différents par la composition, la structure et la coloration. Les uns, comme le campan, sont de nature schisteuse et appartiennent aux terrains de transition; d'autres, comme le blanc de Gabas, sont de structure saccharoïde et font partie de terrains primordiaux; d'autres encore, tels que les brèches de Baudéan, sont constitués par l'agglomération et la cimenta lion de matériaux hélérogènes, et ont pour origine le brisement et le relèvement des terrains secondaires et tertiaires par le soulèvement de l'ophite. Les stalactites elles stalagmites sont le résultat de phénomènes géologiques qui se passent encore sous nos yeux; elles sont (lues à la cristallisation plus ou moins incomplète des matériaux calcaires et siliceux tenus en dissolution et en suspension dans l'eau qui filtre à travers les voûtes des grottes. La stalactite, quand elle'est polie, offre généralement un aspect cristallin, une couleur jaune-claire et est parsemée de veines foncées ou de taches noires qui lui donnent l'apparence de bois pétrifié. La stalagmite, au contraire, présente une teinte fauve, à peu près uniforme, et une structure beaucoup moins cristalline, ce qui tient à son mode de formation. En effet, la stalactite est constituée par la cristallisation et le dépôt des gouttes d'eau qui abandonnent la voûte des grottes; tandis que la stalagmite se forme en sens inverse, elle s'élève de bas en haut, aux dépens des matériaux les plus lourds et qui tombent naturellement plus vite que ceux employés par la nature au.développement des stalactites. L'agitation de l'eau et la différence dans l'étal moléculaire des éléments de ces deux sortes de marbres expliquent la


L'EXPOSITION.

différence de structurequi les distingue quand ils sont travaillés r et polis. I

II y a dans les Pyrénées de nombreuses marbreries ; parmi elles, s il faut citer en première ligne celle dont M. Aimé Géruzet est le t1 chef distingué. Depuis nombre d'années déjà, ce bel et important s établissement industriel compte au nombre de ceux qui font le < plus d'honneur à la France ; et cependant M. Géruzet, qui le dirige i avec tant de supériorité et de succès, lui donne toujours un déve- 1 loppementplusgrand.il est vrai que toutes les conditions favorables à cetteinduslric se trouvent réunies chez lui : d'abord, c'est le nombre des carrières dont il est propriétaire ou fermier, et l'abondante variété de marbres répandus dans la vaste enceinte de son établissement; ensuite, cesont des machines hydrauliques d'une puissance énorme et d'une marche aussi simple que rapide, qui ser- < vent, non-seulement à diviser les blocs en tranches plus ou moins < épaisses, mais encore à les creuser, à les polir, à les façonner, à < les parer instantanément, pour ainsi dire, de moulures et d'ornements que le ciseau du tailleur serait des semaines à faire saillir. Depuis vingt ans, 31. Géruzet a imprimé une telle activité à l'industrie marbrière dans les Pyrénées, il lui a fait faire de si rapides et tant de progrès, elle était si différente avant lui de ce qu'elle est aujourd'hui, que l'on peut dire qu'il en est le véritable créateur. Aussi ses efforts etsessuccès ont-ils été dignement appréciés et récompensés; il a obtenu successivement deux médailles, l'une en argent, l'autre en or, aux expositions de Toulouse et de Bordeaux; deux autres médailles, l'une en argent, l'autre en or, aux expositions générales de Paris, en 1854 et 1859; enfin le Roi, juge si éclairé de tous les mérites, et qui sait reconnaître les travaux qui ajoutent à la prospérité de la France, comme les services qui contribuent à sa gloire, le Roi a élevé 31. Géruzet au grade de chevalier de la Légion d'honneur. Cette distinction glorieuse et tant d'autres honorables, en éveillant dans l'esprit de cet industriel éminent une noble émulation, l'ont porté a s'engager avec une ardeur nouvelle dans la voie du progrès. Ce n'était point assez pour lui de n'avoir à redouter aucun concurrent sous le rapport delà perfection du travail et du choix des marbres, il a voulu encore faire les plus beaux produits el les faire au plus bas prix. A cet effet, il a cherché et il a trouvé dans un emploi plus étendu des machines, une grande économie de main-d'oeuvre. Au tour établi chez lui depuis quelques années déjà, el dont l'application à l'élaboration du marbre s'étend chaque jour, il a joint une scie susceptible de diviser les blocs suivant telle ligne courbe que ce soit; ces deux machines, et d'autres encore adaptées au creusement, ont substitué leurs évolutions rapides et peu coûteuses au travail lent et chèrement rétribué du taillage par la main de l'homme. Il a ainsi résolu ce triple problème : fabriquer bien, vile et à bon marché.

Cette année, 31. Géruzet a exposé des ouvrages dignes en tous points de sa bonne renommée comme industriel, notamment une cheminée en slalaclite d'une exécution parfaite, et un échantillon de stalactite de toute beauté, remarquable surtout par la variété de ses nuances et par sa grandeur. 31entionnons aussi un verre d'eau en marbre amarante d'une grande finesse de travail, d'une forme gracieuse et de bon goût,' d'un aspect plein de légèreté et de coquetterie. Citons enfin une colonne creuse qu'il est parvenu à confectionner au prix de 50 fr. le mètre. On aura une idée de l'importance de rétablissement de 31. Géruzet

Géruzet on saura que, outre deux cent douze scies, tant droites que circulaires, outre six roues hydrauliques d'une force de soixante-quinze chevaux, il occupe constamment de quatre-vingtdix à cent ouvriers. Il est certain cependant que cette importance s'accroîtra encore et sera plus que doublée, quand les voies de communication, devenues plus rapides, permettront à cet habile industriel d'expédier ses produits à peu de frais dans l'intérieur de la France et même jusqu'à Paris.

M. Cioutmaltei-,

22, rue Dupelit- Thouars.

Nous avons à signaler une véritable pièce d'exposition, due à M. Goutmaker. Il s'agit d'un nouveau et très-beau modèle d'échelle à incendie. Cet appareil est tout à la fois ingénieux, simple et solide; quant à son objet d'utilité, il ne peut pas être mis en question. Voilà une de ces oeuvres qui offrent un intérêt général, sur lesquelles on ne saurait trop appeler l'attention publique, et dont on ne saurait trop non plus encourager Jes auteurs. Seulement, il est à désirer que le prix auquel 31. Goutmaker peut établir son modèle d'échelle à incendie, soit accessible aux ressources modestes des petites localités.

Que cet industrieux exposant nous permette aussi de lui donner un conseil : il ne faut pas qu'il agisse comme fout malheureusement la plupart des inventeurs, il ne faut pas qu'il se repose sur ses lauriers, c'est-à-dire sur son invention. 11 faut, au contraire, cela est son devoir comme cela est dans ses intérêts, qu'il se livre aux plus actives démarches pour la répandre. Si cette échelle de secours eût été connue et adoptée par l'usage, que de sinistres accomplis ne seraient pas à déplorer! que de familles auraient leurs chefs! que de mères auraient encore leurs enfants!

On se souvient qu'il y a quelques années, lors de l'incendie du Théâtre-Italien, le directeur Severini dut se jeter, faute d'une échelle secourable, d'un premier étage dans la rue, où il trouva la mort. Il y a moins longtemps, lors de l'incendie du théâtre du Havre, le directeur Fortier attendit plus d'un quart d'heure, dans une anxiété mortelle, un moyen de secours, et après cette cruelle attente, lorsqu'on lui apporta une échelle, elle se trouva trop courte de quelques pieds; l'infortuné, atteint parles flammes, se précipita alors d'une éleva lion de quinze mètres environ, etil tomba roide mort; sa servante l'imita et périt de la même horrible manière. Plus récemment encore, dans la rue Coquenard, trois enfants ne sont-ils pas restés ensevelis sous les décombres, faute de moyens pour aller les secourir? Tous ces malheurs, et tant d'autres, ne seraient pointu regretter si l'invention de 31. Goutmaker eût été connue et adoptée; il faut donc la faire connaître, la répandre, la propager le plus possible, afin que des accidents si funestes ne se renouvellent plus dans l'avenir.

Fermoir a et Garnitures «le Livres.

M. Houdaille, breveté, .171, rue Saint-Martin.

Dans l'un de nos précédents numéros, en appréciant les ouvrages exposés par 31. Houdaille, nous avons dit :

< Lorsqu'on se procure de riches et élégantes garnitures de livres par l'intermédiaire d'un libraire, d'un papetier ou d'un relieur, elles reviennent à des prix très-élevés ; il convient donc de s'adresser directementàM.Houdaille, qui les établit mieux età meilleur compte que qui que ce soit. »


L'EXPOSITION.

il y a du vrai dans cette opinion; mais il y a aussi une erreur que 31. Houdaille, dans une loyale intention, nous prie de rectifier. Il fabrique bien de riches et élégantes garnitures; mais il se livre d'une manière plus particulière à la fabrication des fermoirs à bon marché, quoique d'un travail parfaitement fini jusque dans les plus petits détails; et il ne les vend en France et pour l'exportation qu'aux libraires, relieurs, papetiers, commissionnaires, etc., etc., lesquels négociants en gros et en détail, les achetant à bon marché, ne les vendent certainement pas cher, du moins cela esl probable. Toutefois, ainsi que nous l'avons dit, c'est 31. Houdaille qui établit le mieux et au meilleur compte ces produits spéciaux. Les libraires et autres marchands ne sauraient donc mieux faire que de s'adresser à lui pour se procurer des garnitures de livres de toutes les façons et de tous les genres, et les différents objets qui s'y rattachent, tels que les titres en toutes langues, les lettres gothiques et couronnes de toutes grandeurs, les armoiries, les signets à six rubans avec glands ou médailles, et quantité de sujets religieux pour être appropriés aux livres: croix, christs, iniirlaudes, médaillons, etc., etc.

Le système de fermeture à bouton et à charnière, inventé par 31. Houdaille, est très-simple et très-ingénieux, surtout très-solide. H en a fait le dépôt au tribunal de commerce pour prévenir les contrefaçons; il a agi de même, et avec raison, pour tous les modèles qui sont sa propriété. Les fermoirs qui sortent de cette fabrique portent tous au-dessous, comme marque, un numéro qui «•n indique la grandeur; cela permet aux personnes qui résident au loin de faire venir directement des fermoirs s'adaplant avec une parfaite exactitude aux volumes de divers formais. Ainsi et par exemple, un fermoir marqué 4 ou 7 1/2 va bien à tel volume; il suffit de désigner ce chiffre par lettre, et l'on recevra un fermoir exactement l'ait pour être approprié à un volume semblable. Ce trait—, qui suit le chiffre, indique le 1/2 numéro; ce signe 6—, signifie 6 1/2; el de même pour tous.

La maison Houdaille est une maison de confiance, qui travaille consciencieusement et bien, cl qui a le rare talent de mettre le bon et le beau à la portée de tout le monde; elle mérite à tous égards la bonne réputation dont elle jouit. Le jury de l'exposition a déjà reconnu et constaté, en 1859, le mérite de cette fabrique, en décernant une médaille à son digne chef; le jury de celte année lui tiendra grand compte, cela n'est pas douteux, des progrès que depuis lors il a fait faire à sa fabrication spéciale. 31. Houdaille trouve déjà, dans la faveur publique, la récompense'matérielle de ses travaux; la récompense nationale ne lui manquera pas.

Fabrique «le Stores «le II. &nlaii«le,

5, rue de La Fenillade. 31. Lalandc a eu une exposition belle et variée; il a exposé des stores, des jalousies, des plaques en émail pour cheminées, et un très-remarquable panneau, dit anglais, sur canevas imperméable. Tous ces produits méritent d'ètro signalés par le soin recherché et le bon goût qui ont présidé à leur exécution; mais mentionnons d'une manière plus particulière les stores de ce fabricant, ouvrages vraiment distingués par la vivacité et l'éclat des couleurs, par les qualités plus que suffisantes du dessin, par l'heureux choix des sujets, par l'aspect pittoresque et animé de leur ensemble. Parmi eux, il en était un qui attirait surtout les regards ; il représentait une vue, à vol d'oiseau, du jardin des Tuileries el de la Seine ; on

embrassait ainsi d'un seul coup d'oeil un vaste et magnifique panorama, dont l'effet vif el grandiose éblouissait tout d'abord ; mais peu à peu on s'habituait à ce brillant tableau, et l'attention captivée se portait alors sur les détails pour apprécier et admirer leur exactitude, leur finesse et leur perfection. Dans ce genre spécial de fabrication, nul ne fait et ne fait faire mieux et à de meilleures conditions que 31. Lalande.

Les stores sont aujourd'hui des ornements fort recherchés ; mais malheureusement le publie a une fâcheuse tendance vers le bon marché, il les veut beaux et à bas prix : deux conditions inconciliables. H demanderait volontiers que pour 40 fr. on lui livrât un store exécuté sur les dessins de nos grands artistes. Que l'on apprécie et que l'on désire des ouvrages parfaits, à la bonne heure; mais que l'on consente du moins à les payer à leur valeur. C'est surtout à l'égard des objets de luxe, qui rentrent dans le domaine de l'art, qu'il n'est pas permis de lésiner. 11 y a au Palais-Royal, au café de la Rotonde, des stores signés du nom de Devéria ; ils sont admirables, mais aussi ils ont coûté 1,000 fr. chacun, et ils les valent.

BANQUET GÉNÉRAL DES EXPOSANTS.

31urdi 16, le grand banquet des exposants a eu lieu dans l'orangerie du Louvre, qui avait été magnifiquement décorée parla liste civile. LL. AA. RR. les ducs de Nemours et de Monlpensier avaient été invités à celte belle réunion. Près d'eux se trouvaient 3131. les ministres de l'intérieur et du commerce, le comte 31ontalivel, intendant général de la maison du roi, le préfet de la Seine, le préfet de police, les président, vice-président et secrétaires du jury central. Six cents convives occupaient les tables.

A la fin du repas, 31. Depouilly, président du banquet, s'est levé cl n porté le toast suivant :

Au Roi :

« Messieurs-, l'honneur de vous présider, dû il mes antécédents industriels, est encore rehaussé pnr le soin qui m'est nllrihuç de porter tin toast .iu Roi et il In Reine. Remercions LL. MM. des témoignages d'intérêt si souvent accordés aux produils de nos diverses industries; tous, sans exception, ont élé examinés avec une sollicitude vraiment paternelle. C'est un beau spectacle pour un pays de voir toute une famille royale, entourée d'un jury composé des hommes les plus éclairés, s'associer aux progrès de In grande famille industrielle. Tout ce qui vient de se passer à l'exposition mira en fiance un grand retentissement; l'industrie aime que les chefs de l'Élnt s'occupent d'elle, et de 18i'( date une nouvelle impulsion qui portera ses fruits. '

«Messieurs, les ressources de l'industrie sont immenses, intarissables: on n'a encore rien l'ait si on regarde tout ce qui reste à faire, et cependant quelle marche ascendante depuis 185D! Sans parler des arls mécaniques, du progrès général de In métallurgie, que l'honorable président du premier banque! a si bien développés, je signalerai les industries ot'i peuvent s'appliquer le goût et te dessin français, pour lesquels les étrangers seront toujours nos tributaires. Le goût ne se transporte pas, il lient nu pays, au sol, à l'imagination de ses habitants; c'est comme le lableau d'un grand peintre, l'oeuvre d'un sculpteur; une nuire main ne peut les imiter.

« C'est le goût el le dessin français qui donnent In vie à nos fabriques de Paris, de Roubnix, de Picardie, qui font rechercher nos bronzes, noire ébénislcric, qui animent nos manufactures de tapis, de papiers peints, de cristaux, de porcelaines, qui donnent tant de supériorité n nos soieries de Lyon, à nos toiles peintes, à nos broderies, et'qui font le succès de nos impressions sur laine, de nos rubans de Sainl-Éticnnc cl de noschàlcsde Paris, modèles de toutes les fabrications de ce genre; enfin c'est pnr le goût el le dessin français que la bijouterie et l'orfèvrerie sont devenues de véritables objets


L'EXPOSITION.

d'art. La rapidité avec laquelle se manifestent tant de progrès rend la contrefaçon onéreuse aux fabriques étrangères, toujours forcées de s'alimenter à celle source d'invention.

>< Messieurs, une exposition industrielle est une honorable lutte ; elle règle lout, indique à chacun la place qu'il doit occuper dans sa partie. Jugés d'abord par l'opinion publique rectifiée par celle du jury compétent, ceux qui reçoivent des récompenses y attachent le plus grand prix, car elles sont indépendantes de toute faveur particulière, de toute influence politique, et obtiennent l'assentiment public, n'importe l'époque où elles ont été accordées.

« Au Roi, messieurs, qui protège le commerce et l'industrie, auxquels il vient de donner tant de preuves de bienveillance et de sympathie! qu'il reçoive l'expression de notre profonde reconnaissance. Au Roi, qui a voulu honorer l'industrie en appelant daus son conseil l'un de nos plus grands manufacturiers ! »

Après le président,31.Bontems, de Choisy-le-Roi, s'est levé à son tour et a porté le toast suivant, également remarquable par'l'élévation des sentiments, de la pensée et du langage :

« J'ai l'honneur de porler un toast à M. le duc de Nemours et à M. le duc de Montpcnsicr.

« Après avoir, comme leur auguste père, visité avec une si infatigable, une si bienveillante sollicitude, les produits de nos travaux ù l'exposition, nos princes ont bien voulu nous donner celle nouvelle preuve de sympathie «le venir assistera notre fêle industrielle, qui, grâce à leur présence, u'uura jamais élé plus solennelle!

« Nous dirons demain dans nos familles, dans nos fabriques, que, sous le patronage d'un ministre manufacturier, nous avons vu assis au milieu de nous monseigneur le duc de Nemours et le plus jeune de ses frères monseigneur le duc de Moulpciisier; nous dirons qu'ils nous ont fait espérer de visiter nos ateliers. Jadis MM. les princes inspectaient les armées, aujourd'hui les Mis du Uoi veulent aussi connaître la grande armée des travailleurs; ils veulent apprécier pnr eux-mêmes leurs besoins et leurs progrès. Ce doit èlrc pour ceux-ci l'avéncmcnt d'une ère nouvelle, dans laquelle ces grandes questions de liberté de commerce et de travail national, de prévoyance sociale pour l'avenir des ouvriers, achèveront de trouver leur solution; ce seront là les réformes véritablement fécondes, les conquêtes qui feront in France plus grande, plus forte, plus heureuse.

« Daignez, Monseigneur, dire et répéter à M. le comte de Paris que nous avons reporté sur lui lout l'amour que nous avions pour sou noble père; qu'il apprenne de vous que labourage, pastourage, comme disait Sully, cl aussi manufactures; sont les mamelles gui alimentent l'Etal; élevé dans ces principes avec un coeur formé pnr une mère (elle que madame la duchesse d'Orléans, si digne nussi de lous nos rcspecls, le comte de Paris fera, nous en avons l'assurance, le bonheur de nos enfants.

« N'oublions pas dans nos voeux M. le prince de Joinville et M. le duc d'Aumale, qui partagent les dangers de nos frères, marins el soldats, sur les côtes cl la terre d'Algérie, terre à lout jamais française, cl qui deviendra par la suite un vaste el riche marché pour les produits de nos fabriques!

« A M. le duc de Nemours! à M. U duc de Montpcnsicr! Hommage de notre profonde gratitude! A tous les princes de la famille royale! »

31. le duc de Nemours a répondu :

« J'ai élé bien louché, messieurs, des santés que vous venez ' de porter; vos paroles iront au coeur du Roi ; toute sa famille « reçoit vos voeux avec reconnaissance, el ses enfants, à son « exemple, s'efforceront, par leur constant dévouement au pays, « de vous prouver le prix qu'ils attachent à vos marques de sym<

sym<

« A mon tour, laissez-moi vous exprimer les émotions que j'é« prouve. J'ai étudié avec un orgueil vraiment national votre « immense et magnifique exposition. Vous m'avez initié à tous vos

< mérites, à ces conceptions si variées, si ingénieuses, si savantes, « qui poursuivent le but el l'atteignent toujours.

■ S'il m'était permis de résumer ici tant d'impressions diverses,

« je comparerais les Français aux enfants d'une même famille. « l'État à une maison bien ordonnée, et l'industrie à la maîtresse « du logis. Vive, active, infatigable, elley pourvoit aux nécessités, « aux élégances, aux superiluilés même de la vie.

t Telle est l'industrie au dedans; au dehors, l'image s'agrandit. « Elle prend des attributs presque souverains ; car elle s'associe à « la défense du pays, elle contribue à sa gloire, elle reçoit des tri« buts de l'étranger et fixe la richesse au sein de la patrie.

« Vous vous êtes dignement élevés, messieurs, à cette haute « importance sociale par votre génie, votre travail, vos efforts « persévérants, souvent aussi par vos nobles sacrifices.

« Voilà ce qu'a compris le roi, quand il vous a réunis avec « fierté dans le palais de nos gloires nationales, et qu'il a rendu « à plusieurs, au nom de tous, un honneur dont vous étiez tous « dignes.

« Je bois à l'industrie, aux industriels français dont vous êtes « l'élite et les représentants ! »

Les acclamations de toute l'assemblée ont accueilli ce langage d'une raison si élevée et d'une expression si juste et si heureuse.

31. Froment-31eurice a ensuite porté un toast aux ministres, mais plus particulièrement à 31. Cunin-Gridaine, comme ministre du commerce et comme industriel. Ce discours, formulé en bons termes, exprimait Jes sentiments de toute l'assemblée ; aussi a-t-il provoqué de la part de l'honorable fabricant de Sedan une réponse pleine d'effusion, en même temps qu'il lui a fourni l'occasion, comme ministre du roi, d'émettre quelques idées, bonnes et justes, sur nos intérêts commerciaux.

Le vice-président du.banquet, l'honorable 31. Roard, de Clicby, a été le digne interprète de lous les exposants, en exprimant, avec une convenance parfaite et beaucoup de tact, leurs sentiments de reconnaissance, dans un toast porté à 31.M. les membres du jury central. 31. le baron Thénard, dont les travaux ont tant contribué au développement de l'industrie en France, ce que 31. Roard avait rappelé avec un grand à-propos, 31. Thénard a répondu, comme président du jury, avec une extrême dignité, et, comme savant, avec une trop grande modestie.

Enfin 31. Riélry, filateur de laine, n terminé celle suite de discours remarquables à différents titres, parce toast plus qu'étrange par la manière inqualifiable dont il a été formulé :.

Aux ouvriers!

« Messieurs, j'ai l'honneur de vous proposer un toast qui, j'en, suis convaincu d'avance, sera non-seulement accueilli par vous avec bienveillance, mais encore réunira toutes vos sympathies.

« Aux ouvriers, mes atteints camarades, qui sont restés mes amis\ aux ouvriers intelligents qui aiment le Iravail cl l'économie, aux ouvriers dévoués au Roi, à nos institutions, et nu respect dû nux lois ! »

Dans ce langage incorrect et embrouillé on cherche vainement une idée; il n'y a rien, si ce n'est pourtant un air de protection parfaitement déplacé quand on le prend vis-à-vis la classe innombrable des travailleurs. Sans doute il était convenable, dans une réunion d'industriels, de porter un toast aux ouvriers, et d'autant plus que beaucoup d'exposants devront leurs médailles au talent et au travail de leurs ouvriers; mais il fallait le faire en termes dignes sinon élégants, clairs sinon élevés, et non pas venir, au jour éblouissant de mille lumières, au milieu d'une assemblée solennelle, étaler des défauts d'éducation, la vanité d'un parvenu, et fuirc implicitement et avec emphase une sorte de leçon à des


X

L'EXPOSITION.

hommes qui aiment le travail et l'économie, dévoués au Roi, à nos institutions, él au respect dû aux lois, lesquels hommes, à coup sûr, n'en ont pas besoin.

Nous reviendrons sur ce toast, parce que cette manière de parler des ouvriers est un travers propre à beaucoup de fabricants, et qu'il faut le combattre. Il convient d'ailleurs de s'entendre sur le sens du mot ouvrier, qui à présent, dans l'état de nos moeurs, n'a pas la même signification qu'autrefois. Aujourd'hui, grâce à Dieu et aU Roi, le travail est en honneur chez nous ; quiconque travaille, quoi qu'il fasse, est un ouvrier ; or, à l'homme qui, modeste et résigné, vit péniblement de son labeur, témoignez vos sympathies, c'est bien ; niais n'oubliez pas qu'il ne relève de personne, qu'il est l'égal dé tous, et que vos sympathies, si vives qu'elles soient, ne doivent jamais exclure votre respect.

A dix heures les princes se sont retirés au milieu des plus vives acclamations, et les exposants se sont ensuite séparés.

La salle offrait un superbe coup d'oeil ; deux orchestres, placés à chaque extrémité, ont exécuté des symphonies pendant toute la durée du banquet, qui a été servi avec autant d'ordre que de splendeur.

Paris depuis longtemps n'avait pas vu une fête aussi brillante, aussi bien ordonnée. L'élite des industriels français avait voulu resserrer les liens de confraternité qui doivent unir tous les travailleurs, et se donner rendez-vous pour l'époque à laquelle ils reviendront dans la première ville industrielle du monde, selon l'expression de 31. le ministre du commerce, donner des preuves nouvelles de la grandeur du génie de la France.

•'••' 'DESSINS.

, MJMÉKO 1.

Foiiriienii éooiiomi«|«ie «le Yéfoiir,

fabriqué par M; Pottier-Joia cnel, 51, rue du Faubourg-Sainl-Martin.

Le fourneau économique dont nous reproduisons le modèle esl un des produits les plus utiles qui aient figuré à l'exposition, où il a été l'objet'de l'attention générale. Son premier mérite consiste dans une économie-de-pins des deux tiers dans la consommation du combustible, économie qui résulte de l'ingénieux système de sa construction intérieure, de l'intelligente distribution des conduits de chaleur dans lesquels elle se concentre. En outre, par ses heureuses dispositions, il esl propre à recevoir une variété infinie d applications, en même tempsqu'il offre ton les les commodités désirables. Enfin par sa forme, dont la'simplicité n'exclut pasTélé-. n;inee, ainsi qu'on'esl à même d'en juger par la gravure,' il -peutêtre' considéré comme un meuble confortable, fait pour orner richement une cuisine après en avoir défrayé les services avec économie.

Ce magnifique appareil a élé commandé, an prix de 2,400 francs, a son habile inventeur, 31. Pottier-Jouvenel, par 31. Véfmir, restaurateur au Palais-Royal. Depuis la fermeture de l'exposition, il fonctionne dans cet établissement de premier ordre, où tout le inonde esladmis à le voir, où tonlle monde aussi pourra apprendre de la bouche même du propriétaire de celte maison célèbre que, depuis la pose du fourneau chez lui, sa consommation journalière de combustible se trouve réduite des deux tiers. Cet heureux résultai

est de nature à fixer l'attention sérieuse des chefs d'établissements publics et des maîtresses de grande maison ; nous le consignons ici moins dans l'intérêt de 31. Pottier-Jouvenel, que dans celui des manufacturiers et des riches familles de nos provinces et de l'étranger, public d'élite auquel notre recueil s'adresse plus spécialement, personnel éclairé qui n'ignore pas que les petites économies de chaque jour constituent une forte somme à la fin de l'année, que supprimer des dépenses inutiles c'est ajouter d'autant à ses revenus, qu'aucune fortune, si belle qu'elle soit, ne résiste au gaspillage, et qu'on n'est vraiment digne de posséder des richesses que lorsqu'on sait en régler le bon emploi.

Au reste, les fourneaux économiques, fabriqués dans des proportions différentes par leur inventeur, sont déjà en usage dans tous les grands établissements, notamment au Café de Paris, chez Véry, aux Frères Provençaux, à l'Hôtel 31eurice, etc. ; et aussi dans un grand nombre de maisons considérables, entre autres, celles de 31. Vatry, député; de 31. H. Passy, pair de France ; de 31. Hartmann, député; de 31. Griolet, manu facturier et ancien maire de Paris, etc. La faveur déjà si grande dont jouissent les produits de 31. Pottier-Jouvenel s'accroîtra nécessairement de plus en plus à mesure qu'ils se répandront davantage et qu'ils seront ainsi mieux appréciés ; il trouvera dans ce succès la récompense légitime de ses travaux; mais son invention a un objet d'intérêt général que le jury.de. l'exposition reconnaîtra sans doute et que sans doute aussi il voudra récompenser.

MJMÉKO 2. Xit-caiinné «le ]H. A. Dupont.

Depuis vingt ans que 31. Auguste Dupont se livre à la fabrication "des lits'et des meubles en fer, il a beaucoup contribué à en généraliser l'emploi, d'abord par le bon marché auquel il est parvenu à les établir, ensuite parla richesse, la simplicité etla nouveautédes modèles qu'il a imaginés et dont il est propriétaire; enfin, parce qu'étant un tapissier plein d'expérience et de talent, il a su apporter dans la garniture de ces meubles, si recherchés aujourd'hui, les mêmes perfectionnements etla même économie que dans leur fabrication. Ces différentes considérations expliquent aussi la bonne renommée et le succès de son établissement.

Parmi les nombreux el beaux produits exposés celte année par cet industriel distingué, lout le monde a remarqué un lit-canapé en fer, d'une élégance parfaite et d'une irréprochable exécution. L'aspect de ce meuble charmant, véritable meuble de boudoir, et son double objet d'utililé, nous ont frappé, et nous avons voulu le reproduire parla gravure. Tel que nous le publions, il est disposé comme canapé; mais au premier coup d'ojil on voit qu'il peut, être aisément approprié pour servir délit. Nous croyons ce gracieux el heureux modèle destiné à obtenir une grande vogue.

L'établissement de 31. Dupont a une importance très-grande; outre les ateliers de construction, établis dans l'allée des Veuves, aux 'Champs-Elysées, il y a dans Paris trois dépôts des produits de cette fabrique. Le principal cslsiluérueNeuve-Sainl-Auguslin, 5. Il faut visiter ces riches el confortables magasins pour avoir une idée des ressources qui s'y trouvent pour les ménages les plus modestes aussi bien que pour les splcndidcs fortunes.

LE BOUTEILEER., Directeur.

Paris. — Typographie I.ACIIAMPK cl Comp. ruu Uaïuirllc, S.


L,' EXPO SITI05

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L'EXPOSITION.

SOMMAIRE.

TEXTE :

Imposition de 18-14 : Distribution des récompenses au palais des Tuileries. — Pianos (t" article) : MM. Ërard, Pape, Pleyel, Henri Herz, Boisselol père cl (ils, de Marseille ; Alphonse Blonde). — Forges de Decazeville (Aveyron) : M. Cabrol, directeur.— Usine de Dcnain (département du Nord) : MM. Serret, Lelièvre et compagnie, directeurs. — Société anonyme de la Vieille-Montagne, à Biuy (Seine-el-Oise) : Zinc laminé et en fil. — MM. Morel frères, à Charleville (Ardeimes) : Fonte moulée et fer en barres. —Usine de Dangu (Eure) : M. Ernest Garnier, directeur. — Appareils de sondage de MM. Mulot père el fils," à Ëpinay (Seine). — M. Trésel, ingénieur-mécanicien, à Saint-Quentin (Aisne). — Fabrique de grillages en fer et en cuivre de M. Troncbon.

GRAVURES :

NUMÉRO 1 : — Détente-Trèsel.

NUMÉRO 2 : — Volière ou faisanderie du Jardin des Plantes.

EXPOSITION DE 18M.

Distribution «les récompenses.

Le lundi 29 juillet, à une heure, ceux de MM. les exposants qui avaient élé désignés par les différentes commissions du jury, s'étaient réunis, au nombre de douze cents environ, au palais des Tuileries, dans la salle des 31aréchaux, où devait avoir lieu la distribution des récompenses. Les membres du jury, conduits par M. le baron Thénard, pair de France, leur président, les avaient précédés, et s'étaient placés à droite et à gauche de l'espace réservé pour Leurs Majestés.

Quelques instants après, le Roi est arrivé, accompagnédelaReine, de S. A. R. madame la princesse Adélaïde, de 3IM. les ducs de Nemours et de 3Iontpensier, et suivi de 31. Cunin-Gridaine, ministre du commerce, de 3131. les ministres de l'intérieur et des finances, 31. le préfet de la Seine, M. le commandant supérieur des gardes nationales de la Seine, de ses aides de camp et des officiers de sa maison.

L'entrée du Roi a été saluée avec enthousiasme.

Sa Majesté a pris place à quelques pas du grand balcon qui donne sur le jardin. 31. le ministre du commerce, assisté de 31. Paganel, secrétaire général, et de M. Sénac, directeur du commerce, s'est placé à la droite du Roi.

31. le baron Thénard s'est alors avancé et a lu un discours dans lequel il a résumé les principaux résultats obtenus par l'industrie française depuis cinq ans, ainsi que les progrès signalés par l'exposition de 1844. Ce discours judicieux et savant a été écoulé par le Roi avec une grande bienveillance. Sa Majesté y a aussitôt répondu en ces termes : 1844. i" AOÛT.

« Nul n'a joui plus que moi du magnifique spectacle que l'in« dustrie française vient de donner à la France et à l'Europe, par « la brillante exposition de ses produits.

« Vous savez avec quel soin, quel zèle, quel plaisir je me suis « empressé d'en étudier tous les détails, et combien j'ai regretté * que le temps m'ait manqué pour rendre mon examen encore « plus complet. J'attendais avec impatience cette occasion de vous « remercier des sentiments dont vous m'avez entouré dans mes « nombreuses visites, et dont vous avez accueilli la Reine, mes Fils, « mon Petit-Fils et tous les miens. Mon coeur en était pénétré, et « c'est une nouvelle satisfaction pour ma Famille et pour moi de « vous témoigner à tous personnellement combien nous y sommes « sensibles.

« J'ai suivi avec beaucoup d'intérêt le brillant tableau que le « président du jury vient de retracer des produits de notre indus« trie nationale. Je reconnais avec lui que l'exposition de 1844 a « dépassé les autres, et qu'elle a été la plus glorieuse de toutes. « Cependant, elle ne conservera ce titre que pour cinq ans; j'ai la « ferme conviction que l'exposition de 1849 l'éclipsera comme t celle-ci a éclipsé les expositions qui l'ont précédée. C'est, en effet, « un besoin pour la France que son industrie suive une marche t progressive : il faut que la rapidité de ses progrès égale la rapi« dite du temps, afin d'ajouter encore à cette prospérité dont l'és« sor a procuré tant d'avantages à la France.

« C'est par la paix, par la tranquillité intérieure que les arts t peuvent fleurir, que l'industrie peut prospérer et que la France « peut croître en richesse, en bonheur et en gloire, en cette gloire « pacifique qui ne coûte de sacrifices ni de larmes à personne; t aussi mes efforts ont-ils eu constamment pour but de préserver « mon pays du fléau de la guerre, car j'ai toujours eu pour prin7

prin7


2 L'EXPOSITION.

« cipe qu'on ne doit se résoudre à la guerre que lorsqu'il y a nécest site de la faire pour défendre l'honneur, l'indépendance de la « patrie et ses véritables intérêts ; mais lorsque cette nécessité imi périeuse n'existe pas, il faut savoir résister à ces vaines illusions « qui, sous de spécieuses apparences, entraînent trop souvent les « Elals et les peuples dans l'incertaine et dangereuse carrière de la « guerre, et les portent à sacrifier à des craintes ou à des espé« rances également chimériques les bienfaits réels de la paix; bien« faits qui sont pour le pays la meilleure garantie de la prospérité « publique, comme ils sont pour les familles celle de leur repos et t de leur bonheur intérieur. »

(Ici le Roi est interrompu par de vives acclamations.)

Sa 31ajesté poursuit :

« Heureux de me trouver au milieu de vous, j'aime à vous re« dire combien je jouis de la confiance que vous n'avez cessé de « me témoigner. Cette confiance n'est pas seulement un soutien < pour moi dans la grande tâche que j'aî à remplir, elle est aussi, « comme vous l'avez si bien dit tout à l'heure, un adoucissement « à toutes les amertumes que j'ai dû supporter. S'il pouvait y avoir • une véritable consolation pour les malheurs de famille qui m'ont « accablé, je la trouverais dans le sentiment général dont vous « venez de me renouveler l'expression d'une manière qui m'a vi« vement ému. 31ais croyez que rien n'ébranlera mon entier dé« vouement à la France. Elle me trouvera toujours prêt, moi et « tous les miens, à répondre à son appel et à consacrer nos jours « et nos vies à la préserver des maux dont elle pourrait être me« nacée. Grâce à Dieu ! nous avons traversé le temps de crises « et d'alarmes, et nous n'avons qu'à remercier la Providence du « repos et de la prospérité dont j'ai le bonheur de voir jouir la « France. >

Ces paroles chaleureuses et vraiment éloquentes ont été accueillies aux cris répétés de : Vive le Roi! vive la Reine! vive la Famille royale !

Ensuite la distribution des récompenses a commencé. 31. le ministre du commerce appelait les noms; le Roi remettait lui-même les décorations ou les médailles, en adressant à chacun des lauréals les encouragements les plus flatteurs et les félicitations les plus bienveillantes.

Nous donnerons prochainement dans un supplément spécial la liste complète des exposants récompensés; c'est pour allendre que les nombreuses erreurs, commises par le Moniteur et les feuilles quotidiennes, aient été officiellement rectifiées, et pour le publier avec exactitude, que nous retardons la publication de ce document. Nous nous bornons aujourd'hui à mettre sous les yeux de nos lecteurs la récapitulation suivante :

ItlXAMTUI.ATION.

Croix d'honneur 31

Médailles d'or 120

Médailles d'argent. . . . 428

Médailles de bronze. . . . 690

Rappels de médailles d'or. . . 142

ld. d'argent 17(3

M. de bronze 140

Tolal 1,755 récompenses,

qui ont été partagées comme il suit entre les divers produits : Tissus': 50 médailles d'or, 72 rappels, 14(5 médailles d'argent,

d'argent, rappels, 168 médailles de bronze et 45 rappels.

Total 557 récomp.

Métaux : 18 médailles d'or, 17 rappels; 54 médailles d'argent, 24 rappels; 105 médailles de bronze , 19 rappels. Total 257 ld.

Machines : 16 médailles d'or, 6 rappels; 44 médailles d'argent, 9 rappels; 84 médailles de bronze, 20 rappels. Total 179 M.

Instruments de précision : 16 médailles d'or, 12 rappels; 52 médailles d'argent, 9 rappels; 87 médailles de bronze, 9 rappels. Total. . . 185 ld.

Arts chimiques : 11 médailles d'or, 7 rappels; 43 médailles d'argent, 21 rappels; 71 médailles de bronze, 15 rappels. Total 168 Ici.

Beaux-arts: 8 médailles d'or, 7 rappels; 49 médailles d'argent, 52 rappels; 78 médailles de bronze, 22 rappels. Total 196 ld.

Poterie : 3 médailles d'or, 10 rappels; 14 médailles d'argent, 2 rappels; 21 médailles de bronze, 5 rappels. Tolal 55 ld.

Arts divers : 4 médailles d'or, 11 rappels; 26 médailles d'argent, 5 rappels; 76 médailles de bronze, 7 rappels. Total 127 ld.

Total. . . . 1,702 récomp.

Croix d'honneur. ... 51

Chiffre égal 1,755 récomp.

La distribution a duré près de cinq heures. Le Roi est resté debout pendant cette longue séance, sans manifester aucune fatigue el sans avoir cessé un seul instant de témoigner par son langage la sympathie qui l'animait pour Jes utiles travaux que sa main royale récompensait.

A cinq heures el demie, le Roi et la Famille royale se sont rendus dans la grande galerie du Louvre, où avait élé dressée une table de 200 couverts. 3131. Jes ministres du commerce, de l'intérieur et des finances, 3131. les lieutenants généraux Jacqueininol et Sébastiani, 31. le comte de Rambulenu, 31. le comle de 31ontalivel, 31. le préfet de police, les aides de camp et officiers d'ordonnance du Roi, les membres du jury, el ceux des exposants qui avaient reçu la décoration de la Légion d'honneur ou la médaille d'or, avaient été invités à dîner avec Leurs 3Iajeslés.

31. le minisire du commerce était placé à cùlé de la Reine.

Rien n'était plus magnifique que l'aspect de cette immense et somptueuse table, où Sa Majesté, entourée de ses ministres et de ses officiers en grand uniforme, avait voulu fêler royalement les représentants du travail et de l'industrie, lous revêtus du frac bourgeois, sur lequel brillait une croix d'honneur.

Au dessert, le Roi s'est levé et a porté une santé en ces ternies :

t Honneur à l'exposition de 1844! »

« Prospérité à l'industrie française! »

Ces paroles, ainsi que des toasts : Au Roi!à la Reine ! portés par 3131. les ministres du commerce et des finances, ont été accueillis par les acclamations de toute l'assemblée.

3131. les exposants n'ont quitté le palais des Tuileries qu'à dix heures, après le départ du Roi pour Neuilly.

Ainsi s'est terminée cette belle journée qui prendra date dans l'histoire de l'industrie et dans les souvenirs de la France; car elle


L'EXPOSITION.

a montré la royauté plus étroitement unie que jamais aux classes laborieuses sur lesquelles reposent en partie la force et la puissance de notre pays.

PIANOS.

MM. I£rar«l, Pape, lMejel, Henri llerz, Roisselot et fils, «le Marseille, Alphonse Kloiulel.

La partie musicale de l'exposition n'a jamais été plus riche, plus nombreuse, ni plus variée que celte année. On y comptait quatrevingt-neuf exposants de pianos, septd'orgues d'églises, dix d'orgues expressives, vingt-neuf d'instruments à vent, et dix-huit d'instruments à cordes. Chacun de ces nombreux producteurs n'a pas des litres à une distinction réelle, quoique tous prétendent avoir inventé ou perfectionné quelque chose; nous nous bornerons donc, pour aujourd'hui, à signaler ceux dont les travaux se recommandent par un progrès, par de véritables perfectionnements. Dans cet examen nous nous appuierons presque toujours de l'opinion, dont l'autorité est si grande en pareille matière, de 31. Berlioz, écrivain non moins distingué que coinposileur célèbre.

A la tète des facteurs de pianos de Paris, on compte depuis longtemps 3131. Erard, Pape, Pleyel et llerz; et parmi ceux de la province, 3131. Roisselot et fils, de Marseille, occupent le premier rang. La prééminence semble devoir rester longtempsencoreàcesartisles fabricants, grâce aux efforts intelligents et continus qu'ils font pour la conserver.

On a dit souvent que le piano moderne d'Erard était si parfait qu'il était impossible de faire mieux ; cependant il s'améliorechaqne jour. L'introduction de la basse harmonique est un perfectionnement récent. Avant cette addition importante, les dessus des grands pianos n'étaient jamais bien en rapport avec le médium et les basses; le son manquait généralement d'intensité et de pureté dans celte partie. Ce défaut a complètement disparu dans les pianos d'Erard, par l'application des brevets de 1858 et 1845. En récapitulant les points importants dans la construction du grand piano, nous trouvons :

1° Le nouvel échappement d'Erard dans ses diverses phases de perfectionnement de 1809 à 1844 ;

2° Le système d'agrafes dans ses diverses phases de perfectionnement de 1809 à 1844;

5" Le barrage métallique dans ses diverses phases de perfectionnement de 1822 à 1844;

4° L'application depuis 1834 du nouveau système de monture et de proportion des cordes de basse sur un principe qui leur permet de résister aux variations de la température de quinze à vingt degrés, dans les salons et les salles de concert ;

5° L'application de la barre harmonique depuis 1837. Ces différentes propositions ont élé résolues avec une rare habileté; et l'on peut dire qu'un piano à queue d'Erard , des derniers modèles, réunissant tous ces avantages, est une production de l'art et de la mécanique qui laisse bien peu à désirer.

31. Erard ne se borne pas à chercher sans cesse et à Irouver des améliorations nouvelles dans l'art qu'il exerce avec tant de succès, il consacre aussi les plus grands soins à l'ébénisterie et à l'ornemenlation de ses instruments. Le grand piano en chêne sculpté, point et doré, qu'il a exposé celle année n'était pas seulement un

admirable instrument, c'était encore un meuble plein de richesse, d'éléganceetdegoùt, unmeublevraimentsuperbe.il attirait, dans les galeries industrielles, tous les regards par la magnificence de son aspect; mais bientôt la foule devenait plus compacte et demeurai (longtemps, ainsi pressée, devan t ce splendide instrument, attentive aux sons pleins de puissance et d'expression qu'en lirait une jeune et jolie personne, d'un talent hors ligne comme pianiste, talent mâle et énergique, comme le caractère de sa beauté.

Après le piano à queue, le piano carré est celui qui mérite le plus l'attention des facteurs, puisqu'il figure plus souvent dans les salons que le piano droit, qui se place ordinairement daiis les salles d'étude. C'est aussi le plus difficile à bien construire. 31. Erard a encore exposé un piano de ce genre, supérieur dans son ensemble à tout ce qu'on a fait jusqu'à présent, possédant toute la précision et les nuances des claviers des pianos à queue, une solidité à toute épreuve, et, pour le son, un développement que l'on ne trouvait auparavant que dans les pianos à queue.

31. Pape, pour mettre un terme aux variations incessantes de l'étendue du piano, a voulu lui donner, une fois pour toutes, celle que sa nature lui permet d'atteindre, c'est-à-dire une étendue de huit octaves, du second contre-fa grave jusqu'au conlre-fa suraigu. Ce précieux piano à huit octaves offre en outre des perfectionnements essentiels, tels que : réduction du formai, augmentation de sonorité, simplicité de mécanisme et solidité dans l'ensemble. La mécanique, ordinairement si compliquée, se trouve réduite ici à quelques frottements ; ses marteaux fonctionnent directement sous la touche, sans l'emploi d'aucun levier intermédiaire. Cette disposition si difficile à réaliser, mais si heureuse dans ses conséquences, a supprimé d'un seul coupTune des causes les plus réelles et les plus fréquentes du dérangement; ajoutons qu'en se simplifiant, le mécanisme a beaucoup gagné en force et en facilité. Enfin la table d'harmonie, posée jadis tantôt d'une façon tantôt d'une autre, a rencontré cette fois sa meilleure et véritable place en dehors des arcs-boulanls; car cette disposition paraît devoir lui assigner les qualités de durée, ainsi que l'a démontré l'application de ce système à plus de 1,500 pianos. Un piano construit de la sorte pouvant servir un temps indéfini, il suffit de remplacer le mécanisme quand il est usé; et comme ce mécanisme, tout à fait indépendant de l'instrument, s'y adapte avec autant de facilité que de précision dans l'espace de quelques minutes, il en résulte que chacun peu t, à son gré, enlever et replacer la mécanique de son piano, la transporter d'un instrument à un autre, enfin, tenir en réserve une seconde mécanique, de même que l'on a plusieurs archets de rechange en cas d'accident.

Voici ceque M. Fétis père a écrit récemmentsurec grand piano à huit octaves, oeuvre admirable par laquelle 31. Pape semble avoir voulu couronner les grands et nombreux travaux de sa longue et utile carrière : « Je ne crains pas de déclarer, dit le savant directeur du Conservatoire de Bruxelles, que je ne connais pas de piano de concert dont l'énergie soit comparable à celle des instruments de celte espèce. Pendant mon séjour à Paris, ajoule-l-il, j'ai entendu un morceau à huit mains exécuté par 3131. Pinis, Osborne, Rosenhain et Wolf, sur deux des nouveaux pianos de 31. Pape, el jamais musique de ce genre ne m'a paru avoir produit un pareil effet. De plus, malgré celle grande puissance, le son élait clair, limpide, et, dans la plus grande vélocité de mouvement, toutes les notes partaient avec une netteté remarquable. > Après un tel


L'EXPOSITION.

éloge, de la part d'un tel homme, de quel prix pourraient être les nôtres?

Les pianos de 31. Pleyel sont toujours remarquables par ce son doux et argentin qui leur donne un caractère mélancolique essentiellement distingué. De là la préférence que leur accordent certains artistes, tels que Chopin etOsborne, par exemple, dont les oeuvres elle talent d'exécution brillent surtout par des qualités analogues. Les grands pianos d'Erard et de Pape appartiennent aux grandes salles de concerts et aux théâtres; les pianos de Pleyel sont mieux placés dans les salons de peu d'étendue; ils conviennent mieux à la musique intime.

Parmi les nombreux el beaux pianos exposés par 31. lien ri llerz, il faut surtout en citer un qui est une véritable invention. 11 s'agit d'un nouveau piano droit dont les sons se prolongent el se nuancent à volonté. De tout temps les facteurs avaient senti que le perfectionnement le plus important à apporter au piano était de lui donner la faculté de prolonger et de nuancer les sons : c'est dans ce but que furent construits les différents systèmes de pianos-orgues. Mais aucune de ces tentatives ne produisit de résultat satisfaisant, et il en devait être ainsi, à cause de la diversité de timbres qui existe entre une corde, mise en vibration par un coup de marteau, et le son rendu par un jeu d'anches ou de tuyaux d'orgue. Cette combinaison présentait encore une autre difficulté insurmontable : celle d'obtenir un parfait accord entre le piano et le jeu d'anches. Aussi, après maints essais infructueux, s'esl-on vu forcé de l'abandonner.

Le nouvel instrument de 31. Henri llerz est basé sur des principes tout autres, et aucun des défauts que l'on vient de signaler ne peut s'y produire. Ici la prolongation des sons estduc aux.vibrations continuées de la corde mise en mouvement par le coup de marteau ; c'est le vrai son du piano qui se prolonge el se nuance à volonté; il ne peut donc y avoir désaccord dans l'instrument entre les sons naturels el ceux que l'on veut prolonger. L'exemple de la harpe éolienne devait tôt ou tard donner l'idée d'un courant d'air artificiel dirigé sur des cordes tendues. C'est 31. Isoard, mécanicien et constructeur de machines à vapeur, qui l'a conçue et mise en pratique le premier. 31ais lorsqu'on 1841 31. Isoard vint offrir son invention à 31. llerz, elle était dans un état fort incomplet ; car nonseulement le piano qui contenait le nouveau mécanisme était entièrement construit en fer, ce qui le rendait très-mauvais et d'un poids énorme; mais il fallait, outre le pianiste, une deuxième personne chargée de faire mouvoir la roue adaptée au bout du piano, pour y introduire le vent, ce qui excluait de l'exécution toute espèce d'expression; et puis, on ne pouvait faire entendre qu'alternativement les sons prolongés et les sons frappés, et toute combinaison des deux timbres était impossible. L'instrument exposé par 31. Henri llerz, et auquel il a appliqué l'invention de 31. Isoard, est tout simplement un piano droit; mais il se prèle à des effets si neufs et si inattendus parle mélange des sons ordinaires du piano avec les sons prolongés et nuancés par le vent, et son exécution offre si peu de difficulté qu'un artiste habile ne peut manquer d'y trouver unemine inépuisable de richesses inconnues. Grâce à celte invention, l'art du pianiste, déjà poussé si loin, semble destiné à recevoir encore une impulsion nouvelle. Il faut désigner aussi à l'attention du public les nouveaux pianos à queue (petit format) et à cordes obliques, exposés par 31. llerz. Ces instruments, approuvés cet hiver par les grands virtuoses et sur l'un desquels Lislz a

obtenu le plus éclatant de ses triomphes, ont l'avantage de fournir, avec une dimension beaucoup moindre, un volume et une qualité de sons égaux à ceux des grands pianos à queue. Cette réduction dans les proportions de l'instrument, en diminuant les frais de construction, a amené nécessairement une diminution dans son prix. La section de musique de l'Institut a fait de ces nouveaux pianos une mention très-honorable. Ajoutons que 31. Henri llerz vient de recevoir du jury de l'exposition, la médaille d'or : c'est justice.

La maison de 3131. Boisseîol et fils, de 3ïarseille, doit être citée à côté des manufactures les plus importantes de la France. Déjà, aux expositions précédentes, 31M. Boisselots'élaienl fait remarquer par l'application d'un mécanisme pour faciliter l'accord du piano, et par un pelit piano à queue d'un format excessivement réduit. Cet instrument, qui réunissait presque toutes les qualités du grand piano à queue sous une forme beaucoup plus commode, obtint un très-grand succès et l'approbation des arlisles. Celle année, ces habiles facteurs ont continué les travaux pour lesquels ils avaient obtenu tant d'encouragements, el ils se font remarquer au premier rang par deux inventions qui sont sans doute appelées à jouer un grand rôle dans la fabrication des pianos.

A côté d'instruments dans Je format ordinaire et d'une sonorité excellente, 3131. Boisselot en ont exposé deux, appelés l'un piano oclavié, l'autre à sons soutenus à volonté. — Le piano oclavié a la propriété de produire les octaves avec un seul doigt et par un seul mouvement. Il suffit pourcela d'appuyer le pied sur une pédale, et les deux sons sont frappés au même inslanl. Il esl évident que celle invention, qui date de 1845, enrichit beaucoup le piano, car elle permet au pianiste d'obtenir des effets nouveaux, et donne à l'instrument une plus grande puissance de son. L'invention du piano à sons soutenus à volonté offre aux pianistes et aux compositeurs des ressources nouvelles, car elle rend possible l'exécution d'un chant en notes liées el de longues valeurs, sans qu'on soil obligé de laisser le doigt sur la touche, tandis que dans le même temps, on peut faire entendre des passages en notes brèves et piquées. Ces deux inventions auront de fort beaux résultats; elles doivent exciter l'attention des pianistes modernes, et leur mérite est d'aulanl plus grand qu'elles ne changent rien à la nature du piano actuel. Les travaux de 3131. Boisselot père et fils, ont élé équilablemenl récompensés par une médaille d'or.

31. Blondcl n'est pas le plus renommé des facteurs de Paris; mais quoiqu'il soit très-jeune, il est un de ceux qui travaillent le mieux, le plus consciencieusement, et dont les pianos jouissent de la meilleure réputation parmi les artistes et les amateurs. 31. Blondel ne se borne pas à fabriquer, il innove aussi. Ses instruments ont cela de particulier, que, une louche venant à se déranger, elle peut être réparée sur-le-champ, sans qu'il soil nécessaire d'avoir recours à un ouvrier. Cette innovation résulte d'une disposition nouvelle et Irès-ingénieuse du clavier, disposition qui permet de retirer une ou plusieurs touches, tandis que dans les autres pianos il faut retirer complètement le clavier pour en réparer une partie.

Les pianos exposés par 31. Blondel sont au nombre de trois, tous trois remarquables par la forme, bien construits, solides et éléganls. Leur son esl plein de puissance, ils tiennent parfaitement l'accord, et leur prix est modéré.


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forges «le Decazeville (Aveyron). (

M. Cabrul, directeur. I

31. Cabrol, directeur des forges de Decazeville, vient de recevoir ' des mains du Roi, sur le rapport du jury, une médaille d'or. Si récompense fut jamais bien donnée, bien méritée, et sanctionnée par l'opinion publique, à coup sûr c'est cclTc-là.

En effet, il y a vingt ans à peine, là où l'on compte aujourd'hui une population de cinq mille âmes, il n'y avait qu'une grange et quelques pauvres familles aux environs. Cependant on disait vaguement qu'il y avait dans ce lieu retiré, sous ce sol stérile, de nombreuses couches de houille, et, dans le terrain houiller luimême, d'épaisses couches de minerai de fer. 31. le duc Decazes, auquel la politique laissait à celte époque des loisirs après lui avoir imposé durant longtemps des veilles laborieuses et de dures épreuves, 31. le duc Decazes fit l'acquisition de celle propriété, et il y fonda l'établissement et la ville qui portent son nom. On voit donc que si l'ancien ministre de Louis XY11I est un homme d'État habile et éclairé, un orateur élégant, un homme du monde d'un esprit éminent et d'une parfaite distinction, il a aussi quelques droits au litre d'industriel. Le succès, mais non pas la fortune, couronna lout d'abord l'entreprise du noble pair.

Quoiqu'il existât à Decazeville une couche de bouille de 50 à 50 mètres d'épaisseur, el quelquefois de 75 mètres; bien que les cent quinze couches du pays de 31ons, toutes ensemble, ne présentassent que rarement une puissance supérieure sur un même point; quoique l'usine eut élé construite sur un plan excellent par un homme d'une capacité exercée et incontestable, 31. Cabrol, le directeur actuel, et qu'elle eût été successivement administrée par des ingénieurs d'un mérite reconnu; quoique le Lot, qui coule à peu de distance de l'usine, lui ouvrît, par la Garonne, une communication facile avec Bordeaux, et que les Chambres, comprenant l'importance de cet établissement, eussent voté plusieurs millions pour l'amélioration successive de ce fleuve; malgré la réunion de tous ces avantages, les forges de Decazeville furent onéreuses pour leurs propriétaires durant les quinze premières années de leur exploitation. Il y eut même un moment où l'on put croire que tant d'efforts et de travaux aboutiraient à un désastre. 31ais 31. Cabrol reprit la direction de l'usine, et par l'intelligente activité qu'il imprima aux travaux, par la rare habileté de sa direction, il la sauva de la ruine. Aujourd'hui Decazeville esten voie de grande prospérité, prospérité qui augmentera d'année en année en raison des besoins toujours croissants de la consommation du fer.

Voici, d'après des documents établis sur les lieux mêmes par M. Michel Chevalier, ingénieur aussi distingué qu'il est savant économiste, écrivain studieux, aux travaux duquel l'industrie française est si redevable, homme recommandable à lous égards, dont les antécédents, même ceux de sa jeunesse, sont lous à son éloge, parce qu'ils attestent ce généreux entraînement de l'esprit et cette fécondité de pensée qui émanent de la chaleur de l'âme; voici donc, d'après des documents certains, la situation actuelle du grand établissement industriel qui fait l'objet de cet article. Il comprend six hauts fourneaux conligus, au devant desquels s'élève une vaste fonderie; à quelques toises de distance, est une autre fonderie composée de trois machines soufflantes, dont la force collective est de deux cent cinquante chevaux, et dont les cylindres, coulés d'un seul jet, ont huit pieds de diamètre. Les deux globes en

feuilles de fer, où l'air se rassemble avant d'aller activer le feu, ont un diamètre , l'un de 8 mètres, l'autre de 12 mètres; la longueur des tuyaux en tôle qui mettent l'air à portée des fourneaux est de 66 mètres, et le diamètre de 1 mèlre 30 centimètres.

Un peu plus loin que la soufflerie, sont placés trois feux d'affinerie et deux grands bâtiments où se trouvent cinquante fours à pudler et à réchauffer; les marteaux, qui pèsent 4,000 kilogrammes, battent soixante coups par minute; les laminoirs pudleurs et élireurs, les laminoirs à tôle, les fonderies, les cisailles, dont une, en deux secondes, tranche une plaque de 15 centimètres de largeur et de 5 centimètres d'épaisseur, et recommence indéfiniment la même lâche avec la môme rapidité. En outre, il y a dans un de ces établissements une scie circulaire avec laquelle on découpe les extrémités des rails. En un clin d'oeil, elle se fraie un passage dans toute l'épaisseur de ces barres massives, et accomplit cette opération avec une vitesse de 200,000 mètres (50 lieues à l'heure). C'est aussi la vapeur qui donne le mouvement nécessaire pour faire agir tous ces appareils. On estime que dans l'usine, la force totale de vapeur des machines est de six cents chevaux. Pour obtenir la même quantité de mouvement jour et nuit, il faudrait avoir à l'écurie trois mille cinq cents chevaux.

La houille exploitée dans les concessions de la compagnie est convertie en coke par deux cents fours et se consomme entièremenldansl'usine. A ce propos, signalons une des plus importantes améliorations introduites à Decazeville depuis quatre ans. Pour amener la houille de la mine principale sur le plateau qui domine rétablissement, et d'où, après l'avoir carbonisée, on la précipite dans les hauts fourneaux pour y être absorbée, il en coûtait, en 1840, 2 fr. 50 cent, par tonne de 1,000 kilogrammes; aujourd'hui cette dépense est réduite à 60 cent. De même, le transport de l'un des minerais, celui de Combes, est tombé de 2 fr. 25 cent, à 15 cent. Pour le minerai de Tramoiit, la réduction a été de 2 fr. à 40 cent. La cause de celte différence, c'est que, pour effectuer les transports, on a tracé un réseau de petits chemins de fer, avec plans inclinés, viaducs, tunnels, etc., dont le développement est de 75 kilomètres (17 lieues), et qui rattachent entre eux tous les points de l'exploitation.

On fabrique annuellement à Decazeville 12 millions de kilogrammes de fer (12,000 tonnes), et incessamment le chiffre de la fabrication pourra être porté à 15,000 tonnes et même à 18,000. Les six hauts fourneaux peuvent produire ensemble chaque jour 72,000kilogrammes de fonte. On brûle régulièrement dansl'usine, en vingt-quatre heures, 500,000 kilogrammes de houille, et on y fond tous les jours 150,000 kilogrammes de minerai associé à 50,000 kilogrammes de castine. Enfin, plus de deux mille ouvriers sont employés à ces différents travaux. On voit par cet exposé combien est grande l'importance de l'établissement de Decazeville, un des plus considérables de la France, et l'un de ceux aussi qui lui font le plus d'honneur. Une chose cependant reste à désirer, c'est que l'on en vienne, au moyen des ressources immenses et de toutes sortes dont on dispose, à y établir une grande fabrique d'outils. On y fabrique déjà des faux, des chaînes, des limes, des câbles; il faudrait joindre à cette fabrication celle de lous les autres instruments et machines qui constituent l'outillage. L'établissement prendrait ainsi un développement plus grand, en même temps . qu'il se trouverait, pour ainsi dire, complété, i L'état de prospérité de la compagnie des forges et houillères de


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L'EXPOSITION.

l'Aveyron est notoire, comme le sont aussi ses progrès industriels; ils ont été surabondamment constatés à l'exposition par les produits qu'elle y a envoyés cette année. Parmi eux on remarquait surtout :

1" Des plaques de tôle de 1 mètre 10 centimètres de largeur sur une longueur de 5 mètres;

2° Des fers nerveux pour câbles de vaisseaux;

5° Des feuillards de toutes dimensions et d'une qualité parfaite ;

4" Trois modèles de rails destinés aux chemins de fer de Paris à Rouen , de Paris à Orléans, et de Paris à la frontière belge,

Quoique l'usine de Decazeville soit parfaitement en mesure de livrer à la consommation tous les produits de fer en barre ou en feuilles, c'est néanmoins par la supériorité de ses rails qu'elle se distingue. Cette fabrication particulière est en quelque sorte une spécialité pour elle. Aussi, lorsque S. A. R. 31. le duc de Montpensicr honora d'une visile cet établissement, 31. Cabrol eut-il l'ingénieuse idée de faire ériger, à l'entrée des ateliers, un arc de triomphe tout entier en rails de chemin de fer. Il entrait dans ce monument improvisé un million de kilogrammes de rails, ce qui représente une valeur de 500,000 fr.

Après ce rapide historique, après avoir signalé de si beaux résultats obtenus partant d'efforts courageux, après avoir constaté de si nombreux progrès réalisés; en un mol, après avoir rappelé de si longs et de si grands travaux couronnés de succès, ne sommes-nous pas fondés à répéter, à propos de la médaille d'or que le jury vient de décerner au directeur de l'usine de Decazeville, à 31. Cabrol, ne sommes-nous pas fondés à répéter que jamais récompense ne fut plus justement donnée, ni plus dignement méritée.

Usine «le Hennin (département «In Hord).

MM. Serrel, Lelièvre et comp. directeurs.

Les produits envoyés à l'exposition par les chefs de cette grande usine étaient fort remarquables. Outre des fers en barre laminés d'une parfaite exécution, nous avons distingué des feuilles de tôle d'une très-grande dimension : 4 mètres de longueur sur 1 mètre 50 centimètres de largeur, etl centimètre d'épaisseur. Les proportions immenses de ces lôles ne nuisent en rien à leur qualité, qui est excellente; et c'est là un très-beau résultat obtenu. Son importance est d'autant plus grande, qu'aujourd'hui les métaux remplacent les bois dans la construction des navires et de différentes machines; or, plus leurs dimensions seront considérables, el mieux cela vaudra, car les rivets, si bons qu'ils soient, ne peuvent jamais offrir les avantages des pièces entières. D'après ces échantillons, il est permis d'espérer qu'il en sera un jour des tôles comme il en esl du papier : on les fera par feuilles dont les proportions ne seront déterminées que par leur emploi.

Au reste, la beauté et l'utilité des produits de l'usine de Dcnain ont été appréciées et constatées par le jury de l'exposition ; car les directeurs habiles de ce grand établissement, qui compte parmi les plus notables delà France, 3131. Serrel, Lelièvre et comp., ont reçu des mains du roi, à litre de récompense, une médaille d'or. — C'était justice.

Société anonyme «le la Vieille-Montagne,

à Bruy (Scine-el-Oise.)

ZINC LAMINÉ ET EN FIL.

Il y a trente ans on n'employait le zinc que comme alliage dans

la fonte des métaux, et encore en était-on très-sobre, car il passait pour altérer les autres métaux; mais cependant on le confondait, par petites parties, avec eux, parce qu'en raison de son prix peu élevé, il en résultait des avantages assez grands pour le fondeur, lequel vendait sa fonte comme cuivre.

Aujourd'hui le zinc a des emplois déterminés, des destinations propres et avouées, il constitue enfin une industrie spéciale, qui chaque année prend plus de développement. Ce métal si rebelle a été l'objet de tant de perfectionnements, qu'il subit avec succès différentes fabrications. D'abord on le fabrique en feuilles; ensuite on l'approprie pour servir d'ornements; enfin, chose presque incroyable! on est arrivé à faire du fil de zinc, du (il de toute grosseur, et qui offre une plus grande résistance que le fil de fer même.

La société de la Vieille 3Ionlagne a beaucoup contribué au progrès de cette industrie nouvelle; les produits spéciaux qu'elle a fait admettre dans les galeries de l'exposition l'attestent; aussi recueille-t-elle le fruit légitime de ses efforts, car celte compagnie anonyme est en voie de grande prospérité.

MM. Morel frères, à C'iiarleville (Ardennes).

FONTE MOULÉE ET FEU EN 1ÎAI1UES.

Les fontes et les fers envoyés à l'exposition par MM. 3lorel frères n'offraient, à notre avis, rien de remarquable, et il était parfaitement inutile d'en envoyer une quantité aussi considérable. A la rigueur, si l'on voulait faire constater la finesse de la fonte, il suffisait de produire une pièce de chaque article; mais on ne s'expliquait pas l'objet, moins encore l'utilité de cet immense étalage de marmites, de casseroles, de fers à repasser, qui ne se recommandaient à l'attention ni par la nouveauté de la forme, ni par aucun antre mérite particulier. Partout en Champagne, dans tous les établissements de ce genre, on fond, ni mieux ni plus mal que dans celui de MM. Morel ; partout on fond bien, c'est un fait notoire. Toutefois, au point de vue commercial, rétablissement de M3L Morel frères a une grande importance, le mouvement des affaires qui s'y font est considérable; or, le jury a sans doute tenu compte à ces industriels de leur intelligence et de leur activité comme négociants, en leur décernant une médaille d'argent; car, au dire de tous les hommes compétents, leurs produits n'eussent pas suffi à leur donner des droits à celle récompense. 3Iaintenanl lu question est de savoir si le jury de l'exposition nationale a mission de récompenser les hommesqui font de beaux produits, ou les hommes qui font de bonnes affaires.

Usine «le Dnnicii (Eure).

M. Ernest Gantier, directeur. Nous avons remarqué à l'exposition les feuilles de cuivre et de zinc envoyées par le directeur de l'usine deDangu, notamment une feuille de cuivre de 4 mètres sur 1 mètre 60 centimètres. Cela prouve que 31. Garnierasu établir son outillage sur de grandes proportions, et qu'il parviendra, sans aucun doule, à donnera son usine tels développements qui lui permettront d'y travailler les métaux sur de larges bases, comme dans les établissements de Romilly cl d'imphy par exemple. Ce fait atteste déjà, dans 31. G armer, un mérite d'industriel Irès-remarquable, el l'on ne saurait trop encourager cette tendance progressive.


L'EXPOSITION.

Appareils de sondage de MM. Mulot père et fils.

à Epinay (Seine). Les nombreux et immenses appareils de sondage exposés par 3131. 31ulot père et fils ont constamment captivé l'attention publique dans les galeries industrielles. C'est qu'en effet ces merveilleux outils, si ingénieux dans leur objet, si parfaits d'exécution, étaient vraiment dignes d'admiration. En les voyant, en étudiant leurmécanisme, on se rappelait les grands et importants travaux qui ont élé exécutés en France grâce â leur heureuse invention et par leur intelligent emploi. On faisait alors un double mérite à 3131. 31ulot du succès de leurs laborieuses et fécondes entreprises, et de la beauté du savant outillage à l'aide duquel ils ont obtenu tant de beaux résultats. L'exécution du puits de Grenelle, parmi de si nombreux travaux, a surtout rendu populaire le nom de ces habiles ingénieurs; ce nom est désormais consacré, il représente une industrie. Or, il faut avoir un grand talent, el aussi un grand bonheur, pour réussir à faire de son nom une sorte de drapeau, pour lui donner la signification d'un fait, pour l'imposer à toutes les mémoires, les chargeant ainsi de le perpétuer de génération en généra lion.

Sans doute, disent quelques esprits chagrins ou envieux, les appareils exposés par M3I. Mulot sont admirables, mais ils ne les ont point confectionnés eux-mêmes; alors pourquoi ne pas faire connaître le nom des véritables travailleurs auxquels on les doit? Nous ignorons si celte objection esl fondée, mais en l'admettant comme vraie, nous répondrons que 3IM. 3Iulot sont en cela dans le même cas que Jes manufacturiers, les constructeurs de machichines, en un mot, que tous les chefs d'établissements industriels, et qu'ils sont plus particulièrement ù cet égard dans la même situation que 31. Dégousée, lequel a exposé des outils ayant le même objet, nous ne disons pas semblables, qu'il n'a pas non plus à coup sûr confectionnés de ses propres mains. Mais à 3131. Mulot appartient le triple et incontestable mérite d'avoir imaginé, d'avoir inventé leurs magnifiques appareils, d'en avoir ordonné et dirigé l'exécution, et de savoir leur donner une industrieuse et savante application. Ces mérites divers, lous d'un ordre éminent, ont été appréciés comme tels par le jury de l'exposition, qui vient de décerner une médaille d'or à 3131. Mulot.

Puisque nous venons d'écrire le nom de 31. Dégousée, des travaux duquel nous avons parlé dans un de nos précédents numéros, il nous servira de transition pour dire quelques mois d'une sorte de protestation formulée par les amis de cet exposant contre le jugement du jury sur ses produits, protestation publiée par quelques journaux quotidiens et à laquelle se trouve mêlé le nom de 3131. Mulot, ce qui nous autorise d'autant mieux à nous en occuper ici. 31. Deg ousée a reçu des mains du Roi une médaille d'argent; ses amis prétendent que les outils qu'il a exposés devaient lui valoir une médaille d'or, et ils ne craignent pas de dire, d'imprimer que si le jury en a décidé autrement, c'est que 31. Dégousée a pris une part active à la révolution de Juillet, cl qu'il a conservé ses convictions. Quel déplorable aveuglement de l'esprit de parti! el combien sont maladroits de tels amis qui, en mettant en avant hors de propos les sentiments particuliers d'un homme dont le nom se recommande par des litres sérieux, risquent ainsi de le compromettre et exposent même celui qui le porte à encourir le reproche d'ingratitude. En effet, 31. Dégousée a maintes fois sollicité

sollicité obtenu des travaux de l'administration de Paris et de plusieurs administrations départementales. Avant de les lui confier, lui a-t-on demandé compte, non de ses convictions qui n'intéressent que lui, mais de ses démarches et de ses discours hostiles comme électeur? Non certes pas. Le gouvernement, appréciant l'habileté de l'ingénieur, l'a chargé du forage de différents puils, sans se préoccuper des opinions du citoyen, duns une insouciance parfaite, peut-être même dans l'ignorance du talent oratoire de l'électeur du 5e arrondissement. Eh Lien! lorsqu'on a agi avec tant de convenance et de dignité à l'égard d'un des vôtres, comment osez-vous vous servir de son nom pour accuser le jury, composé d'hommes éminents et recommandâmes, d'un fait qui, vrai, serait scandaleux autant qu'il est burlesque à l'état de supposition? Non, non, messieurs; le jury a jugé les oeuvres, et non pas les opinions de 31. Degousèe. Il a pu se tromper, mais dans la balance de sa justice les convictions des exposants n'ont pesé d'aucun poids, soyez-en bien assurés; et en agissant ainsi, le jury a montré pour elles un respect que vous devriez avoir pour ses décisions et pour le caractère de chacun de ses membres.

DESSINS.

NUMÉRO 1, Détente-Xrésel.

M. Trésel, ingénieur-mécanicien, à Saint-Quentin (Aisne.) (MÉDAILLE D'ARGENT.)

Depuis plusieurs années, 31. Trésel, ingénieur d'une grande distinction, s'occupe avec persévérance, on peut dire aussi avec succès, d'apporter dans la construction des machines à vapeur des perfectionnements notables, soit pour en simplifier le mécanisme, soit pour diminuer la consommation du combustible. Toutefois, il s'est attaché d'une manière plus particulière à améliorer le système de distribution de la vapeur et à appliquer un mode de délente variable qui fût exempt des inconvénients que présentent en* général les systèmes proposés ou mis à exécution jusqu'ici.

Dans l'ingénieux appareil de démonstration que 31. Trésel a exposé, que tout le monde a admiré dans les galeries industrielles, et que nous reproduisons aujourd'hui par la gravure, oii remarquera que la vapeur est introduite sur le piston par une seule ouverture et pour ainsi dire à la même tension qu'elle possède dans le générateur, le plus directement possible, sans avance au tiroir de distribution, sans division des ouvertures d'entrée, comme sans contraction, ni rétrécissement de cesouverlures, et par conséquent sans détente préalable à son action sur le piston ;

Que l'on peut admettre la vapeur à volonté pendant toute la eourseetproduirela détente depuis les 14/100M jusqu'aux 78/100" de lacoursedu piston, ou, en d'an 1res termes, au 1/8,1/7, 1/6, 1/5, 1/4, 1/5,1/2, 2/3. 5/4, etc., en introduisant exactement le même volume de vapeur des deux côtés du piston, et en compensant la différence de surface par rapport à la section de la tige.

Ces avantages sont obtenus par un mécanisme très-simple, au moyen de deux tiroirs dont les dispositions sont telles qu'on n'a besoin ni de ressorts, ni de touche d'arrêt pour les maintenir. L'un de ces tiroirs a pour objet la distribution, l'aulrc esl destiné à intercepter les passages. Tous deux sont juxtaposés et mis en


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L'EXPOSITION.

mouvement par deux excentriques indépendants l'un de l'autre, de formes semblables, mais de course différente. Le premier se meut dans un cadre rectangulaire ; le second dans un cadre formé de quatre-courbes, dont une supérieure et trois inférieures, toutes géométriques et symétriques. Ces courbes varient suivant trois causes propres à chaque machine, à savoir l'épaisseur du piston, la longueur de la bielle, et enfin la longueur de la manivelle. La disposition de distribution a cela de particulier, que les ouvertures d'entrée sont complètement ouvertes lorsque la manivelle a parcouru un angle de 57° et le piston les 7/1OO" de sa course, quelle que soit la détente que l'on veuille obtenir; cela n'a pas lieu avec des excentriques ronds qui n'ouvrent complètement les orifices que lorsque la manivelle a parcouru un angle de 95° et le piston les-4'5/1.00e" de sa course.

On comprendra aisément que plus la vapeur arrivera avec facilité sur le piston, plus elle produira un effet utile.. Il était donc d'une grande importance, pour profiter de sa propriété expansible, de chercher à la faire arriver dans le cylindre de manière à ce qu'elle perde le moins possible de la tension qu'elle possède dans le générateur; ce qui n'a pas lieu dans la plupart des machines où le tiroir de distribution ne découvre les orifices qu'avec lenteur, el où le passage de la vapeur est intercepté avant que l'orifice ne soit complètement ouvert; dans presque toutes, le volume de vapeur n'est pas égal en dessus eten dessous du piston; il'y a donc nécessairement perte dans l'emploi du volume de la vapeur et irrégularité dans la marche. Dans quelques-unes, la vapeur est obligée, par des dispositions particulières et compliquées, de circuler à travers plusieurs ouvertures avant son action sur Je piston, et dans d'autres, encore, où la vapeur n'est admise que par des ouvertures plus ou moins rélrécies, sans avoir libre entrée. Ces dispositions vicieuses font subir à la vapeur un laminage, une division, ou un allongement qui n'est autre chose qu'une détente préalable à son action sur le piston, ce qui détruit inévitablement une grande parlie de son expansibilité. Par conséquent la vapeur élevée dans un générateur à quatre ou cinq atmosphères souvent n'arrive plus sur "le piston qu'à trois ou quatre. Ce sont ces graves inconvénients que ■M. Trésel a voulu faire disparaître.

En résumé, au moyen d'un mécanisme extrêmement simple, cet habile et industrieux exposant a obtenu :

1° D'admettre la vapeur à volonté pendant toute la course;

2° De pouvoir obtenir la détente à lous les points du cylindre ;

5° D'admettre la vapeur sur le piston par une seule ouverture complètement ouverte aux 7/100cs de sa course, quelle que soit la détente;

4° De faire arriver la vapeur dans le cylindre par le plus court chemin, sans avance au tiroir, sans déviation ni division, sans rétrécissement des ouvertures; par conséquent sans détente préalable à son action primitive;

5° D'admettre le même volume de vapeur en dessus eten dessous du piston, en égalisant sa surface de l'un et l'autre côté, par rapport à la section de sa lige;

6" De laisser échapper la vapeur après l'effet utile, avant la fin de la course;

7° De laisser un recouvrement suffisant aux tiroirs, de manière ii ce qu'une usure, même sensible, ne nuise pas à la marche de la machine;

8" De pouvoir adapter cette détente aux machines à cylindre

fixe existantes comme aux nouvelles, et de remplacer ou modifier avantageusement avec un seul cylindre les machines à deux cylindres du syslèmede Woolf, en faisant remplir â la vapeur les mêmes conditions, en faisant marcher les machines avec ou sans condensation à volonté, pour varier la force et utiliser la vapeur, après l'effet mécanique, au chauffage des ateliers durant l'hiver.

9° De pouvoir enfin varier la détente pendant la marche même de la machine.

La détente Trésel est donc illimitée et repose entièrement sur des principes rationnels. Aussi son ingénieux inventeur n'a-t-il pas seulement exposé son appareil de démonstration pour prouver les avantages de cette nouvelle détente variable, mais encore il l'a soumis au public pour démontrer lout ce qu'il y a de vicieux dans les diverses détentes en usage, lesquelles détruisent une grande partie de la propriété expansible de la vapeur, en lui faisant subir une détente préalable à son action sur le piston. Les personnes qui n'ont pu voir et étudier dans les galeries de l'exposition l'appareil de démonstration de 31. Trésel, ont à présent la faculté de l'examiner au conservatoire des Arts et Métiers, qui en a fail l'acquisition.

Le jury a apprécié et récompensé l'invention et les travaux de 31. Trésel, en lui décernant une médaille d'argent. Peut-être Je jury pouvait-il faire plus, sans pour cela, cependant, faire un acte de faveur.

31. Trésel a aussi exposé une fort belle collection de mesures linéaires métriques à coulisses, en cuivre et en maillechorl. Nous leur consacrerons un article particulier dans noire prochain numéro.

MJiHÉK.0 2. Volièi'e, exécutée par M. Tronchoii.

Avenue de Saint-Cloud, près la barrière de ïEtoile.

11 existe à Paris, dans l'avenue de Saint-Cloud, une fabrique de grillages en fer et en cuivre pour parcs el jardins. Le chef de celle maison, qui a exposé celle année plusieurs produits remarquables en ce genre spécial de fabrication, vient de recevoir du jury, comme récompense de ses travaux une médaille de bronze. Pour mettre nos lecteurs à même de juger combien sont gracieuses ces clôtures légères, nous avons fait graver une volière ou faisanderie que tout le inonde a admirée au Jardin des Plantes, el qui a été exécutée par les soins et sous la direction de 31. Troncbon. Il est impossible de réunir plus d'élégance dans la forme et plus de solidité dans l'exécution. L'oiseau y jouit de tant d'air, qu'il n'est, pour ainsi dire, qu'à demi enfermé. C'est trop déjà de mesurer l'espace, il ne faut pas encore mesurer l'air à ces vives et charmantes petites créatures que Dieu a créées pour vivre en liberté dans les régions célestes, et que l'homme, égoïste et cruel, condamne à l'esclavage et à la terre.

La fabrique de grillages de l'avenue de Saint-Cloud offre à celle époque de l'année de grandes ressources aux personnes qui habitent la campagne; il s'y exécute des ouvrages de toutes sortes, dont l'énumération scraittroplongueàfaireicijilsuffitdedircqu'on peut s'adresser au chef habile qui la dirige pour lous les travaux, quels qu'ils soient, qui relèvent de celte industrie spéciale.

X.E BOUTEXX.X.EB., Directeur.

Paris. — Typographie LACRAMPE et Comp. rue Uamieltc, S.




L'EXPOSITION

SOMMAIRE.

TEXTE :

Machines à composer, — à distribuer — et à laver les caractères typographiques, inventées par M. Napoléon Chaix. — Machines de M. Arsène Morel, ingénieur-mécanicien. — Manufacture déboulons de MM. Trelon et Laiiglois-Sauer. — Rouleaux gravés, de MM. Bonafoux et Gaillard-Sainl-Ange. — Papeterie de M. Robert. — Ebénisteric : Maison Vervelle. — Ouvrages en cheveux de M. Lemonnicr. — Fabrique de M. Mathey-Humbert, à Darney (Vosges). — Mesures linéaires métriques de M. Trésel, à Saint-Quentin (Aisne). — Variétés : M. Philippe de Girard; — Exposition industrielle du Zollverein; — Un papier sans chiffon, inventé par MM. Laroche-Joubert et Dumergue. — Dessins : Machine à river, de MM. Schneider frères; — OrgueMélodium, de MM. Alexandre père el fils.

GRAVURES :

NusiÉno 1 : — Machine à river, de MM. Schneider frères, du Creusot. NUMÉRO 2 : — Orgue-Mélodium, de MM. Alexandre père et fils.

MACHINES À COMPOSER, — À DISTRIBUER - ET A LAVER

MS CAMCTÈMS T1TOGEA1FIX©ÏÏES,

inventées par M. Napoléon CHAIX, proie de l'imprimerie Paul Dl'POST et compagnie.

M. Napoléon Chaix est un de ces hommes desquels on aime à s'occuper, parce qu'ils se recommandent à la fois par le mérite de leurs oeuvres et par le bon emploi de leur vie, parce que nonseulement leurs oeuvres représentent de patientes études et de longs travaux, mais qu'elles attestent encore une intelligence étendue, un esprit ingénieux, de pénibles veilles, souvent même des privations, et enfin ce courage persévérant dont la source est au coeur et qui accuse la foi du travailleur en ses propres forces, le dévouement de l'inventeur à son invention. D'ouvrier qu'il a été longtemps, M. Chaix est devenu , et cela depuis dix ans déjà, prote de l'imprimerie administrative de M. Paul Dupont, un des établissements les plus considérables de Paris, surtout un des plus difficiles à bien diriger, en raison de la nature des travaux qui s'y exécutent. Cette position, qui exige de celui qui l'occupe des qualités rares et que rarement le même homme possède, M. Chaix la doit, dit-il avec un légitime orgueil et un sentiment de sa valeur tout à fait digne et convenable, il la doit à son amour du travail et à sa persévérance. Il faut ajouter, pour les personnes qui trouveraient étrange le mot position employé dans cette circonstance , que le poste de prote est le bâton de maréchal des ouvriers les plus habiles et les plus distingués de cette branche spéciale d'industrie. En effet, l'imprimerie est une carrière privilégiée, soumise à des brevets dont le nombre est limité, la valeur considérable, et qui demandent, pour être exploités, un matériel immense, c'est-à-dire de grands capitaux. — Il en ré1844. ta AOÛT.

suite que les ouvriers, si économes qu'ils soient, ne peuvent qu'eu des cas très-exceptionnels prétendre à s'établir, à travailler pour leur propre compte, comme cela se pratique dans d'autres professions; il en résulte aussi que les trois quarts des imprimeurs de Paris exploitent leur matériel comme ils auraient tout aussi indifféremment, l'occasion se trouvant, exploité une usine ou une propriété ; qu'ils n'ont sur leur industrie que des notions imparfaites et superficielles; qu'ils exercent enfin un métier qu'ils connaissent peu ou point. Cet état de choses, décourageant pour les véritables travailleurs, est d'autant plus fâcheux, que l'on peut juger par l'exemple de la maison Lacrampe, combien, sous toits les rapports, il serait désirable pour l'art typographique et patsuite pour les consommateurs, que des ouvriers habiles connaissant, pour l'avoir pratiqué, cet art difficile qui demande de l'application, du savoir et du goût, pussent travailler librement et produire leurs travaux sans intermédiaire, comme il serait juste et moral qu'ils en retirassent tout le profit. Celte courle digression était nécessaire pour établir que la place de prote constitue une position, qu'elle a de l'importance, que peu d'hommes sont aptes à la bien remplir; et pour expliquer que M. Chaix, prote d'une imprimerie considérable, ayant sous sa direction plus de deux cents ouvriers, a pu dire convenablement dans une note adressée au jury de l'exposition : « Ce que je suis, je ne le dois qu'à moi-même. »

M. Chaix, inventeur aussi ingénieux qu'il est prote distingué, a donc fait recevoir par le jury d'admission trois nouvelles machines ayant pour objet une conservation plus longue du matériel des imprimeurs, et des économies notables dans le prix de la main d'oeuvre. De ces trois machines, deux seulement ont été exposées : le temps a manqué à l'inventeur pour soumettre la

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L'EXPOSITION.

troisième à l'appréciation publique. Pour procéder par ordre, parlons d'abord de la première désignée sous ce nom :

Laveur typographique. Depuis l'invention de l'imprimerie, on s'est toujours servi des brosses et de la lessive ou potasse pour laver les caractères. L'expérience a démontré qu'un seul lavage par ce procédé use le caractère plus qu'un tirage à 2,000 exemplaires, parce que le frottement énergique et à vif, qu'exerce l'ouvrier avec la brosse, arrondit et détruit très-promptement Jes vives arêtes et les déliés des lettres, ainsi que les parties délicates des gravures, tandis que la pression produite au tirage par la platine ou les cylindres, garnis d'étoffes souples, ne fait qu'en effleurer la surface. La formation par l'encre d'imprimerie du carbonate de plomb qui s'interpose entre le caractère et la brosse, et qui produitsur l'oeil de la lettre le même effet que l'émeri, est un inconvénient non moins grave qui vient s'ajouter au premier. Le Laveur typographique, dit son ingénieux inventeur, et le procédé chimique qu'il emploie, annulent complètement cesdeux éléments de destruction, et procurent une économie de plus de moitié sur l'usure du caractère, de plus des deux tiers sur le procédé actuel de lavage. Ils enlèvent et entraînent, sans frottement ni efforts, l'encre, le sable et le plâtre qui adhèrent aux caractères ou aux.gravures après l'impression ou le cJicbage, et les préservent de toute oxydation. Ainsi, tel imprimeur qui use annuellement pour trente mille francs de caractères, en économisera au moins quinze mille en se servant du laveur typographique. Des expériences réitérées ne permettent pas d'élever un doute à cet égard.

Distributeur mécanique. •

Le distributeur mécanique est la première invention mise en oeuvre pour abréger le travail de la distribution des caractères, et celui de leur assemblage par sortes pour les placer dans les réservoirs des machines à composer. Il emprunte à la mécanique ses éléments les plus simples, et au travail manuel ses moyens les plus diligents. La forme et la disposition des cassetins permettent de gagner au inoins un quart de vitesse sur les moyens ordinaires. Le mécanisme détermine simultanément la chute des lettres et leur réunion dans les composteurs placés horizontalement, et économise le travail de deux personnes qui sont nécessaires pour alimenter de caractères une machine à composer. Le mouvement «lui fait marcher les quatre-vingt-seize petits marteaux refouleurs à la fois peut leur donner une impulsion plus ou moins grande, suivant que les ailes du volant qui en règle la marche présentent plus ou moins de résistance à l'air. Les petits cassetins à soupape qui se trouvent à gauche servent à placer les sortes qui sont d'un rare usage dans la composition. Les réservoirs placés sous la machine peuvent contenir plus de deux cent mille lettres assemblées par catégories, c'est-à-dire environ ceut vingt-huit pages in-8°. Ces détails précis, que nous puisons dans la note adressée par l'auteur aux membres du jury, seraient mieux compris par la généralité de nos lecteurs s'ils avaient la machine même sous les yeux; aussi nous déciderons-nous peut-être, pour aider à leur intelligence, à reproduire par la gravure celle utile invention. Toutefois, constatons dès à présent que le distributeur mécanique donne aux imprimeurs la possibilité d'apporter immédiatement de notables améliorations et de grandes économies dans leur exploitation, en leur permettant :

1° De supprimer un grand nombre de casses et casseaux dans lesquels sont disséminées les fontes, qu'il est impossible d'utiliser complètement d'après le classement actuel ;

2° D'éviter les pâtés, le mélange des sortes, l'usure des caractères qui a lieu par le frottement incessant des lettres entre elles et par le choc qu'elles éprouvent pendant la distribution ; d'opérer avec beaucoup de facilité le classement des fontes sans qu'elles occupent d'emplacement; d'en pouvoir faire la police d'une manière exacte et à chaque instant, et de les avoir constamment toutes classées et en réserve pour les travaux urgents;

3° D'affecter à la distribution les ouvriers qui n'ont ni l'expérience ni l'instruction nécessaires pour faire de bons compositeurs, et qui sont la cause involontaire de pertes considérables en matériel, en corrections et en lecture d'épreuves;

4° D'offrir aiusi à ceux qui se livreront exclusivement à ce travail, qui n'exige ni connaissances spéciales, ni longue pratique de l'imprimerie, une ressource plus lucrative, et de laisser aux autres ouvriers les moyens d'utiliser plus avantageusement leur intelligence et leur savoir.

La troisième machine de M. Chaix, celle qui n'a pu être exposée, mais qui est actuellement achevée, est un

Clavier-compositeur.

On a fait, différentes fois déjà, des tentatives pour produire une machine à composer; mais celles qui ont été fabriquées jusqu'alors, n'ont pu être admises à fonctionner régulièrement dans les ateliers, vu leurs dispositions imparfaites, surtout parcequ'eiles n'apportaient aucune économie dans la main-d'oeuvre de la composition.

Le clavier-compositeur a pour objet de procurer cet avantage d'économie si désirable et plusieurs autres non moins précieux. Au dire des personnes les plus compétentes qui ont examiné la nouvelle machine, un seul ouvrier suffit pour composer, justifier, corriger et surveiller la réunion des lettres, dont il peut assembler de 35 à 40,000 dans une journée de 10 heures. Le jeu des touches a cela de remarquable que, chaque fois que l'on pose le doigt sur l'une d'elles, il s'opère deux mouvements simultanés : l'un chasse la lettre de son cassetin pour la faire arriver dans le composteur; l'autre fait avancer la composition pour faire place à la lettre qui va tomber. Par ce moyen si simple et si facile à concevoir, on pourrait obtenir le double de vitesse sans jamais occasionner ni encombrement ni confusion dans les caractères. Cette Machine offre de plus l'avantage de ne faire dépendre le travail que d'un seul ouvrier.

Certes, ce sont là de grands et utiles travaux, de belles oeuvres, également dignes de fixer l'a tlention parleurs mérites propres et par les efforts déployés, les difficultés vaincues par l'inventeur auquel on les doit, surtout en raison de sa position particulière. Quant à nous, nous ne doutons pas que, tôt ou tard, l'emploi de ces ingénieuses machines sera général dans nos ateliers. Nous disons tôt ou tard, parce qu'en France, malgré la fièvre industrielle qui depuis peu anime notre pays, on n'épargne pas encore aux inventeurs les épreuves pénibles, les injustices, ni les déboires. Les hommes se vengent, en leur imposant des souffrances, de ceux que Dieu a doués d'un génie créateur, jusqu'à ce que ceux-ci leur imposent à leur tour victorieusement et généreusement les bienfaits de leurs oeuvres et l'éclat de leur renommée. M. Chaix aura


L'EXPOSITION.

peut-être à subir le sort réservé à la pluparf de ses pareils; mais qu'il attende patiemment son jour, ce jour viendra. S'il doit être tardif, nous avons la confiance que du moins le succès ne lui faillira pas, c'est-à-dire que dans un avenir plus ou moins éloigné ses inventions seront généralement adoptées, qu'il recueillera ainsi le fruit légitime des travaux de toute sa vie, et que son nom sera cité parmi ceux qui honorent l'industrie française.

m. ABSÈNE momniT,

iijKéitieur-iiiévaiiicieii,

4, rue des Magasins, faubourg Poissonnière.

M. Arsène Moret, qui s'est acquis par d'ingénieux et de nombreux travaux, une grande réputation d'habileté dans l'art qu'il exerce, a fait admettre à l'exposition des oeuvres qui, au mérite de l'utilité et de l'économie de leur objet, joignent celui d'être des inventions nouvelles. A ces différents titres, M. Arsène Moret avait droit à une récompense, et cette récompense légitime ne lui a pas manqué, car le Jury lui a décerné une médaille d'argent I que, dans une récente et solennelle réunion; l'industrieux mécanicien a reçue des mains du Roi. Ces inventions sont si remarquables par elles-mêmes, elles doivent apporter tant d'améliorations, notamment celle d'abolir l'usage malpropre de faire le pain à l'aide des mains et des pieds de l'homme, qu'il est d'intérêt public que leur emploi soit généralement adopté. Pour concourir, selon nos faibles forces, à obtenir plus vite ce résultat salutaire, nous reproduirons très-prochainement par la gravure les pétrinsmécaniques de M. Arsène Moret, afin de mettre à même ceux qui n'ont pu les voir dans les galeries de l'exposition, d'étudier leurs ingénieuses dispositions et d'apprécier les avantages de ces nouvelles machines-outils qui viennent ajouter encore à la richesse et à la renommée de notre grand outillage national. En attendant donc que nos lecteurs puissent les voir, nous allons essayer de leur dire ce qu'elles sont, en leur donnant quelques détails sur les améliorations qu'elles sont destinées à réaliser et même sur celles que déjà elles ont réalisées dans plusieurs grands établissements particuliers.

Ces machines sont au nombre de trois, ayant chacune une destination propre. La première est un

VÉTIUN EN FONTE

pour la fabrication de la pâte du pain.

Ce pétrin peut contenir six cents kilogrammes de pâte. Pour transmettre le mouvement de rotation à une lelle quantité de pâte, il faut la force de vapeur d'un cheval; on obtient ainsi une vitesse de huit tours par minute.

Pour faire 100 kilogrammes de pâte, il faut : 40 kilog. de pâte en fermentation ; 22 kilog. d'eau ; 38 kilog. de farine. La fermeture du pétrin est si parfaite que les mélanges ne peuvent jamais varier; les gaz qui se développent, en se dilatant, font que le travail de la pâte s'opère sous pression, ce qui est un avantage notable. L'imprévoyance de l'ouvrier est prévenue par un compteur qui marque tous les tours que fait le pétrin; lorsqu'il en n fait trente, la sonnette s'agite d'elle-même pour prévenir

qu'il faut arrêter et gratter la farine qui s'est attachée aux parois. On vérifie en même temps si le mélange est bien fait, car il varie dans son action selon que les farines demandent plus ou moins d'eau. Cet examen fait, on referme le pétrin, on lui communique de nouveau le mouvement, et trente autres minutes suffisent pour que la pâte soit travaillée à point. Tout cela peut être exécuté en moins de vingt minutes, et il est possible à cinq hommes de faire vingt à vingt-deux fournées en douze heures de travail, ce qui suppose une consommation de quinze sacs de farine environ. Pour faire le même travail dans le même espace de temps il faut, par les moyens ordinaires, douze hommes. Il n'est pas hors de propos d'ajouter que dans le nombre de cinq hommes appliqués au service du pétrin, il n'y a que deux ouvriers, les trois autres sont des aides ou apprentis.

La propreté qu'apporte ce pétrin dans la fabrication de la pâte est donc incontestable, puisque l'homme n'y met la main que pour donner au pain la forme voulue. Cet avantage est inappréciable pour quiconque sait comment se manipule et se piétine le pain que nous mangeons. Cette amélioration seule suffirait à populariser l'invention de M. Arsène Moret.

Ces pétrins ont encore cet avantage particulier, qu'ils se construisent tout aussi bien dans de petites que dans de grandes proportions, et qu'ils donnent, grands ou petits, les mêmes résultats heureux. Us fonctionnent d'ailleurs, depuis plus d'une année déjà, dans plusieurs maisons considérables auprès desquelles on pourrait au besoin se renseigner, notamment chez MM. Mouchot frères, boulangers à Montrouge; au séminaire de Brûlé, près Beauvais; à l'abbaye de Citeaux, à Avignon, etc., etc. Ils ont même traversé les mers et fonctionnent aussi depuis quelque temps dans plusieurs établissements des Antilles françaises et espagnoles.

La seconde machine de M. Moret est un

I'ÉTMN EN FONTE

pour la fabrication de la pâle du biscuit de mer.

Dans l'établissement de MM. Théband frères, à Nantes, exposants qui viennent eux-mêmes de recevoir une médaille de bronze, et des produits desquels nous avons parlé dans notre numéro du 1" juillet, on fait usage de ce pétrin pour fabriquer la pâte du biscuit de mer. Voici comment on procède chez eux : on met dans le pétrin cent kilogrammes de farine blutée à 25 ou 30 p. °/«; on y ajoute quarante litres d'eau à la température de 45 degrés, et l'appareil est mis en mouvement avec une vitesse de dix tours par minute. Après huit minutes on l'arrête pour gratter la farine qui s'est attachée aux parois: cette opération dure quatre minutes; ensuite on le remet en activité, et lorsqu'il a fait quarante nouveaux tours, on l'arrête définitivement. Cinq minutes suffisent pour retirer la pâte du pétrin. Ainsi l'opération entière dure vingt et une minutes, pendant lesquelles l'appareil a fait cent vingt tours.

Ce pétrin peut contenir deux cents kilogrammes de pâte. Pour en fabriquer une pareille quantité dans le même espace de temps, on occupe deux hommes et un enfant. Par le travail des bras il en faut un nombre double, c'est-à-dire quatre hommes et deux aides. Cet appareil a encore ce mérite qu'un ouvrier, après quelques jours d'application, peut être en état de |e faire fonctionner, ce qui, pour les chefs d'établissement, a l'avantage de les délivrer


L'EXPOSITION.

de la tyrannie de certains ouvriers, lesquels, dans cette profession, sont trop souvent disposés à imposer des lois capricieuses aux maîtres qui leur donnent du travail et les font vivre. Au reste, voici une lettre de MM. Thébaud frères, à l'inventeur du pétrinmécanique; cette lettre en dit assez pour nous dispenser de tout autre éloge :

MM. Thébaud frères, de Nantes, à M. Arsène Moret : « Nous avqns laissé jusqu'à ce jour votre lettre sans réponse, voulant nous convaincre que le pétrin-mécanique que vous nous avez vendu remplissait entièrement son but. Aujourd'hui, nous avons le plaisir de vous dire que nous sommes complètement satisfaits. Depuis un an qu'il fonctionne dans noire usine, nous n'avons pas eu un seul instant à nous en plaindre; la pâte qui en sort est parfaitement malaxée, comme vous avez pu d'ailleurs en juger vous-même parles produits que nous avons envoyés à l'exposition. 11 nous est bien agréable, monsieur, de pouvoir vous rendre justice et de n'avoir que des éloges à vous donner. Agréez, etc. Henri THÉBAUD et frères.

La troisième machine de M. Moret est une

PRESSE A SECHER.

Les peaux de maroquin, de mouton, veau, etc., après avoir été teintes, sont comprimées sur une table inclinée, à l'aide d'un instrument appelé étire. Celte compression a pour objet d'en extraire la plus grande quantité d'eau possible, et d'abréger ainsi la durée du temps qu'elles doivent rester au séchoir. Ce travail de main-d'oeuvre est long et se fait irrégulièrement, par la raison qu'il dépend du plus ou moins de force qu'y déploie l'ouvrier. Parfois aussi X)ii expose les peaux à l'air, ce qui a pour premier inconvénient l'altération des couleurs par l'action prolongée de l'air. La presse à sécher de M. Moret.cn remplaçant ce mode de travail, offre les avantages suivants :

1° Deux hommes peuvent aisément presser six douzaines de peaux par heure, quantité qui n'est obtenue dans le même espace de temps par les moyens actuellement en usage que par quatre ouvriers.

2° Les peaux sont beaucoup plus sèches ; une douzaine passée à la presse pèse trois kilogrammes de moins qu'une pressée semblable au moyen du procédé ordinaire;

5° Il est aussi possible de faire servir cette presse à imprimer les peaux, soit fond chagrin, soit tout autre dessin; et deux hommes suffisent pour imprimer cinq douzaines de peaux par heure.

Dans toutes les fabriques de maroquin, celte presse à sécher est plus que nécessaire, elle y est indispensable. Au reste, depuis deux ans déjà elle fonctionne avec succès dans les premiers établissements de ce genre du département de la Seine, notamment chez MM. Fauler frères, de Choisyrle-Roi; chez MM. Dalican, Ogereau elBaudoux, de Paris. En outre, elle offre aux tanneurs ce notable avantage de leur épargner une partie de ces grands séchoirs, servant à étendre les cuirs pour qu'ils se ressuenl avant d'aller à l'ouvrier appelé drayeur. La main-d'oeuvre de mettre Jes cuirs au séchoir el de les retirer se trouve ainsi supprimée, et il en résulte pour ce travail spécial une économie de temps d'une semaine à peu près.

En résumé, des trois inventions de M. Arsène Moret, l'une, le pétrin en fonte pour la fabrication de la pâte du pain, est d'un intérêt

intérêt elle satisfait à un besoin ressenti par tout le monde; l'autre, le pétrin en fonte pour la fabrication delà pâte du biscuit de mer, est également d'intérêt général, quoique moindre, puisqu'elle a pour objet d'apporter des améliorations considérables dans les produits destinés à la classe si nombreuse et si intéressante des marins et des navigateurs; la troisième enfin, la presse à sécher, pour ne s'adresser qu'à une industrie particulière, n'en est pas moins très-remarquable par son utilité réelle et par les économies qu'elle réalise.

Le succès de ces trois ingénieuses et utiles inventions, mesuré su rieur importance respective, sera proportionnellement le même, c'est-à-dire très-grand, parce que les améliorations qu'elles apportent sont incontestables et qu'elles sont d'un simple et facile emploi. En effet leur mécanisme peut être compris des esprits les plus rebelles, comme aussi l'ouvrier le moins intelligent peut les mettre en oeuvre. Dans ce succès, M. Arsène Moret trouvera la récompense matérielle de ses travaux, travaux qui lui ont valu déjà la récompense nationale et d'un ordre plus élevé qu'il a reçue du Roi, et qui lui constituent aussi des titres légitimes à la considération de ses compatriotes.

MANUFACTURE DE BOUTONS

•le 9191. frelon et liMiglois-Sniier,

29, rue Grenelai, et 33, rue de Chabrol.

MM. Trélon et Langlois-Sauer ont exposé des boutons de différentes sortes, boutons dorés et ciselés, boutons d'uniforme, et d'autres de consommation ordinaire, tous remarquables par le fini du travail et leur parfaite exécution. Ces fabricants, qui marchent à la tète de leur industrie, avaient obtenu, pour leurs produits, à l'exposition de 1859, une citation favorable dans le rapport du jury. Celle année, le jury a constaté les progrès de leur fabrication, en leur décernant une médaille de bronze. C'est un acte de rigoureuse justice.

En général, on est porté à mesurer l'importance d'une industrie d'après la nature, nous serions presque tentés de dire d'après le volume de ses produits. Celte tendance irréfléchie outrage le plus simple bon sens; car c'est une vérité surabondamment démontrée que tel constructeur d'immenses machines n'est souvent qu'un industriel du dernier ordre, tandis qu'un fabricant d'objets modestes, de consommation journalière, peut exercer une action considérable, non-seulement sur son industrie particulière, mais encore sur l'industrie nationale, parles progrès qu'il réalise, par le nombre d'ouvriers qu'il occupe et par le grand mouvement de ses affaires. A l'appui de cette assertion et comme preuve nouvelle de sa justesse, on nous permettra de citer en exemple l'industrie boutonnière et l'importante manufacture dont MM. Trélon el Langlois-Sauer sont les chefs distingués.

En 1814, M, Trélon père fonda sa fabrique de boutons rue Grenétat; à la mort de cet homme recommandable, survenue en 1829, son fils, duquel nous nous occupons aujourd'hui, fit ce qu'il serait désirable que fissent lous les enfants; il prit dignement la direction de la maison établie par son père, et, tout en suivant les traditions paternelles, il imprima néanmoins une activité plus grande aux affaires dont il prenait la suite. Depuis, en 1855, il s'est associé avec M. Langlois-Sauer, qui fabriquait plus particu-


L'EXPOSITION.

lièrement des boutons d'uniforme et qui lui-même aussi avait succédé à son grand-père, lequel avait fondé son établissement à l'époque glorieuse de nos grandes guerres de la révolution.

Aujourd'hui ces deux maisons, ainsi honorablement transmises de père en fils, n'en forment plus qu'une seule, mais une grande maison industrielle, bien renommée pour la belle exécution et la bonté de ses produits, comme le jury de l'exposition vient de le confirmer d'une manière solennelle, et très-importante par le mouvement de ses opérations commerciales, comme on sera à même d'en juger quand nous aurons dit qu'elle occupe, à l'intérieur seulement, cent vingt ouvriers et ouvrières, vingt commis et contre-maîtres, et que l'année dernière le chiffre général de ses affaires a dépassé la somme considérable de 1,200,000 francs.

La réunion de ces deux établissements a nécessairement varié en même temps qu'elle a étendu la fabrication de MM. Trélon et Langlois-Sauer. Ainsi ces messieurs fabriquent :

1° Les boutons, dits de fantaisie, en cuivre doré et plaqué, et ciselés en tous genres;

2" Les boutons militaires, non-seulement pour les officiers et soldats de l'armée française, mais encore pour toutes les armées de l'Europe, et même pour les légions américaines ; 3° Les boutons de soie et de lasting à queues flexibles. A cette fabrication, établie sur de larges proportions, ils joignent un commerce considérable de boutons de corne fabriqués à Paris et aux environs. Ils ont, eu outre, un grand dépôt de boutons anglais.

Ces détails, que nous pourrions donner pins longs, suffiront pour établir que l'ancienne et honorable maison qui fait l'objet de cet article est en voie de grande prospérité, prospérité due à la belle el bonne exécution de ses produits, à la loyauté de ses transactions, à des relations commerciales quasi-séculaires, en un mot, dueà l'esprit actif, probeetéclairéquiprésideàsa direction.Ces détails feront aussi comprendre aux personnes qui l'ignorent qu'une manufacture de boutons peut avoir une importance réelle, et que pour la diriger avec succès il faut posséder les qualités nombreuses et peu communes qui recommandent à l'estime publique les industriels distingués.

Rouleaux graves

DE MM. BONAFOUX ET GAILLARD-SAINT-ANGE, 120, rue du faubourg Saint-Denis. En exposant leur belle série de rouleaux, il est permis de croire que MM. Bonafoux et Gaillard-Saint-Ange ont eu la pensée de faire, en quelque sorte, un historique de la gravure sur cylindre pour l'impression des tissus, et d'admettre le public à la connaissance des différents travaux qu'elle comporte.

Ce genre de gravure s'obtient de trois manières, par la molette, par \e gnilloché et \mr Y eau-forte.

Les rouleaux gravés au moyen de la molette, que tout le monde a admirés dans les galeries de l'exposition, sont ceux dont le dessin reproduit, on ne l'a pas oublié, les amours, les oiseaux, un courant de feuilles cl un meuble gothique.

Le rouleau meuble gothique offre la principale difficulté delà gravure par la molette, celle qui consiste dans la combinaison des parties mates avec les demi-teintes, de manière qu'à l'impression, les premières ne coulent point sur le tissu, et que celles-ci ne grisaillent pas. Lorsque le dessin est rendu par deux rouleaux, les

parties profondes étant gravées sur l'un et les parties légères sur l'autre, on peut, quand on imprime le tissu, employer à volonté et suivant l'exigence des cas, sur l'un ou l'autre de ces rouleaux, une couleur plus ou moins épaisse. Parce moyen, les coulages et les grisaillements deviennent impossibles. Mais, lorsque le dessin est gravé sur un seul cylindre, cette impossibilité n'existe que par la disposition de la gravure. Comme on n'a qu'une couleur à employer, on ne peut l'épaissir pour telle ou telle partie, et la rendre liquide pour telle ou telle autre. Il faut donc que le graveur dispose son travail de manière à ce que les parties fortes et les parties peu prononcées du dessin soient rendues sans confusion, à ce que les mats et les demi-teintes ressortent convenablement. C'est en cela que réside la difficulté, et non pas, comme le prétendent à tort quelques-uns, dans le rapport exact des deux parties du dessin gravées sur deux rouleaux différents. Il n'est pas aujourd'hui, dans les ateliers de gravure, un seul moletteur qui ne soit capable de diviser ses rouleaux de manière à ce que les parties du dessin se rapportent avec la plus grande exactitude.

Le cylindre, dessin à colonne, avec oiseaux, est une imitation du genre taille-douce. D'après ce remarquable essai, il n'est pas douteux que l'on parviendra à reproduire par la molette les plus beaux effets de la taille. Les efforts de MM. Bonafoux et GaillardSaint-Ange tendent à atteindre ce but, et .ils y réussiront. 11 faut aussi tenir compte à ces habiles artistes, lorsqu'ils auraient pu facilement faire sur un cylindre une gravure de grande dimension au pointillé ou un dessin à deux couleurs avec fond mat, d'être restés dans les termes du programme des expositions industrielles, en exposant des gravures qui, tout en constatant un véritable progrès, fussent 'en même temps à la portée de la fabrication. Cette double condition, il faut le reconnaître, est parfaitement bien remplie par les rouleaux qui font l'objet de cet article. En outre, leurs prix sont peu élevés, ce qui n'est pas un médiocre avantage pour des objets destinés au commerce et à défrayer les besoins de la consommation courante.

Les deux rouleaux reproduisant, l'un une feuille de vigne en demi-teinte, l'autre un courant de roses en blanc, sont gravés au guilloché. Ce genre de gravure s'obtient avec deux machines, que MM. Bonafoux et Gaillard-Saint-Ange ont le mérite d'avoir inventées. Leur combinaison est aussi ingénieuse que simple, et elles sont si faciles à conduire, qu'il est possible à un ouvrier même peu expérimenté de produire avec elles tous les effets désirables.

Le rouleau représentant une feuille de lilas est gravé au moyen de Yeau-forte. L'emploi de ce procédé présente de grandes difficultés. D'une part, il faut savoir apprécier la composition du métal , que l'on traite par l'oxydation, car chaque cuivre exige un acide particulier; d'autre part, il faut tenir compte de la durée de l'opération, du degré de la température et de l'état de l'atmosphère. Une morsure convenable ne s'obtient que par une habile combi> naison de ces diverses conditions. Aussi la théorie est-elle en cela i au moins aussi nécessaire que la pratique. Durant les années 1840 l et 1841, MM. Bonafoux et Gaillard-Saint-Ange ont été les seuls à Paris à exploiter ce genre difficile et spécial de gravure, et ils l'ont . fait avec le plus grand succès. Dès cette époque, leurs eaux-fortes s étaient recherchées avec empressement, non-seulement parles fabricants de Paris, de Rouen et de l'Alsace, mais encore de nom- breuses demandes leur étaient adressées par les manufacturiers de s l'Allemagne.


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L'EXPOSITION.

Les travaux recommandables et les ouvrages vraiment beaux de MM. Bonafoux et Gaillard-Sainl-Ange ont été appréciés par le jury, qui leur a décerné une médaille de bronze, non pas avec la pensée qu'ils ne méritaient pas, soit une médaille d'argent, soit une médaille d'or, mais en obéissant à l'esprit de routine, en suivant cette tradition inintelligente et malheureuse, qui veut qu'un industriel, exposant pour la première fois ou qui n'a pas encore été récompensé, reçoive d'abord la médaille de bronze et successivement les autres, quelles que soient la beauté de ses produits, l'utilité ou la grandeur de son invention. Si par impossible, un homme de génie inventait un splendide flambeau, rival du soleil, pour éclairer le monde, le jury récompenserait l'auteur de cette merveilleuse découverte par une médaille de bronze, sauf à lui décerner plus tard une médaille d'argent, s'il avait fait faire quelque progrès à son industrie. Quoiqu'ils aient exposé à titre d'industriels, MM. Bonafoux et Gaillard-Saint-Ange n'en sont pas moins de véritables et d'habiles artistes. Ce titre leur appartient d'autant mieux, que les dessins remarquables de la plupart de leurs rouleaux étaient dus au crayon plein de finesse et de légèreté, et au bon goût de M. Bonafoux lui-même. Ces messieurs'faisaient partie de cette pléiade artistique et lumineuse qui a imprimé à l'exposition de 1844 son cachet gracieux et élégant.

Papeterie de ITI. ICobert, 42, rue de Cléry. M. Robert a exposé un papier-toile-cirée, dont il est l'inventeur, et qui est destiné à remplacer dans les emballages la toile cirée, dont le prix est, comme on sait, de 75 centimes le mètre dans les qualités les plus communes. Ce papier de nouvelle invention figurait déjà et pour la première fois à l'exposition de 1859, et il y fut l'objet d'une mention honorable dans le rapport du jury, quoique son prix fût à cette époque de 40 à 45 centimes le mètre, ce qui cependant était déjà une économie de moitié sur la toile cirée. Cette année, il a été de nouveau admis dans les galeries industrielles, et bien que sa fabrication soit incomparablement supérieure à ce qu'elle était il y a cinq ans, il ne coûte plus néanmoins que 20 centimes le mètre. Le prix des emballages pour les expéditions se trouve donc ainsi réduit au quart de ce qu'il était autrefois. Il en résulte que non-seulement on peut emballer à meilleur marché, mais aussi, en raison même du bon marché, emballer beaucoup mieux. Il y a là un progrès, et il faut en tenir compte à celui qui l'a réalisé.

Quoique modeste en lui-même, cet article ne manque cependant pas d'une certaine importance par la grande consommation qu'en font les négociants, el plus particulièrement les commissionnaires. Celte consommation prend chaque jour de l'accroissement, et cela s'explique naturellement parle bas prix de ce nouveau produit; elleest telle déjà que M. Robert fabrique mensuellement, pour les besoins courants du commerce, 2,000 rouleaux de 12 mètres du papier qu'il a inventé.

Les registres de cet exposant ont élé aussi de sa part, l'objet de nouveaux perfectionnements ; ils s'ouvrent parfaitement à plat sans aucun vide dans le milieu; au mérite de la solidité, ils joignent l'avantage d'être d'un prix peu élevé. Par la bonne qualité de ses produits et par les conditions avantageuses auxquelles il les livre aux consommateurs, M. Robert justifie amplement la bonne renommée de sa maison, et ee titre qu'il a donné à son établissement : Papeterie du commerce.

Ebénisterie. — Maison Vervelle,

1, rue Neuve-Montmorency-Feydcau.

Cette maison ancienne et bien connue, est surtout renommée pour les meubles de fantaisie. 11 est bien peu de familles à Paris qui n'aient sur une console ou une étagère quelques-uns des élégants produits de Vervelle. Quoique sa fabrication soit spéciale, les articles en sont si variés, qu'à l'époque de la nouvelle année on se rend dans ses étroits magasins avec autant d'empressement que dans ceux de Giroux ou de Susse, lesquels magasins sont pourtant de véritables bazars, comme on sait.

M. Vervelle a fait admettre à l'exposition de nombreux ouvrages d'ébénisterie, charmants et très-jolis pour la plupart, remarquables, les uns par leur élégance et leur bon goût, les autres par la nouveauté de leur modèle, tous par la perfection de leur travail. Citons notamment une corbeille de mariage, sur pied, d'un style Boule très-exact; cette oeuvre d'une exécution parfaite, d'un aspect plein de coquetterie, de richesse et de distinction, captivait, dans les galeries industrielles, l'attention de toutes les dames. Citons encore un petit bureau étagère, style Louis XV; rien n'est plus gracieux et tout à la fois plus commode : c'est un véritable meuble de duchesse. Mentionnons aussi plusieurs boîtes à bijoux, à thé, à gants, de formes toutes nouvelles et ayant ce mérite, le premier de tous pour des objets de fantaisie : l'originalité. Enfin nous avons vu des nécessaires de voyage qui nous ont paru trèsconfortables et parfaitement appropriés, sous tous les rapports, à leur destination.

En résumé, l'exposition de M. Vervelle était très-attrayante; aussi a-t-elle élé constamment l'objet de l'attention, et, faut-il ajouter, delà faveur publique: Cequi distingue les produits de ce fabricant de ceux de beaucoup de ses confrères, c'est que les articles qu'il a exposés n'ont point été exécutés patiemment et à grands frais pour la circonstance, ce sont au contraire des produits courants, les mêmes que l'on achète chaque jour dans ses magasins; c'est ensuite que leur prix est très-peu élevé comparé à la beauté de leur exécution. Ce double mérite accuse une amélioration réelle dans les procédés de fabrication, et constate que M. Vervelle a fait faire de sérieux progrès à la branche d'industrie qu'il exerce.

Ouvrages en cheveux, «le M. Ijemonnier,

15, rue du Coq-Saint-Honoré. Les ouvrages en cheveux exposés par M. Lemonnier sont de véritables curiosités, devant lesquelles le public s'arrêtait avec plaisir à l'exposition. Ce sont, à vrai dire, moins des produits industriels que des oeuvres d'art. Pour se livrer à ee travail difficile et patient, il faut y être porté par une vocation en quelque sorte, et pour réussir à les bien exécuter, il faut avoir beaucoup de goût et de talent. Ces jolis Ouvrages sont généralement l'objet de précieux souvenirs, on les aime, pour cela; M. Lemonnier leur donne un attrait nouveau et les fait aimer pour eux-mêmes, car il y a du dessin et de la perspective dans les charmants tableaux exposés par cet habile artiste.

Fabrique «le Jfl. Matl»ey-IIuiiil»er«,

A Darney, ( Vosges.) Ce fabricant est en possesion, depuis plus de vingt ans, de l'approvisionnement de lous les grands marchands de quincail-


L'EXPOSITION.

lerie; il n'est pas une seule bonne maison de cette branche de commerce qui n'ait à la disposition des consommateurs des couverts à la marque de M. Mathey-Humbert. Ces couverts sont en fer battu étamé ; leur prix est très-bas, comparé à leur parfaite fabrication ; leur forme est bonne et commode autant que leur solidité est incontestable.

llesures linéaires métriques,

de M. Trésel, à Saint-Quentin (Aisne).

L'ingénieux inventeur de l'appareil de démonstration dont nous avons publié la gravure dans notre précédent numéro, M. Trésel, a exposé une collection de mesures linéaires métriques à coulisses, en cuivre et en maillechort, d'une belle et solide exécution. Sous plusieurs rapports, ces mesures offrent des avantages incontestables sur tout ce qu'on a fait en ce genre jusqu'ici. Il y en avait de toutes formes et dimensions. Celles qui sont généralement préférées, sont les mesures pour lesquelles M. Trésel est breveté, parce qu'elles sont légales et portatives : ouvertes elles ne présentent que 50 centimètres, et que 20 centimètres lorsqu'elles sont fermées. M. Trésel a su mettre à profit la disposition des deux coulisses, pour ajouter à la commodité et à l'utilité de l'objet même. Avec une mesure à doubles calibres dégagés, et sans sortir de la règle prescrite par la loi, il est facile de prendre plusieurs dimensions. Cette mesure porte trois becs formant deux calibres, qui permettent de prendre soit deux diamètres différents, soit deux dimensions en épaisseur et en largeur fixes. D'un côté, les divisions de la mesure vont de 1 à 50 centimètres pour les mesures de longueur; de l'autre, les divisions sont faites de telle sorte, qu'en pinçant une pièce entre les calibres sa dimension est exprimée en centimètres et millimètres, et même en fractions de millimètres au moyen d'un vernier.

On remarquait aussi devant l'exposition de M. Trésel diverses mesures à coulisses avec ou sans calibres; d'autres mesures sans coulisses pour l'usage des dessinateurs et des architectes, ainsi que des Irusquins à repos et à marbre, portant sur la tige les divisions métriques. Mais l'attention se portait surtout vers les mesures de petites dimensions, avec ou sans calibres, portant également le demi-mètre étant ouvertes, et le double décimètre étant fermées, joignant à la solidité une extrême légèreté, puisque un demi-mètre à calibre ne pèse que 50 à GO grammes environ.

Toutes ces mesures se font par des moyens mécaniques, ce qui d'une part aide à leur précision, et de l'autre, ce qui permet à M. Trésel de les établir à des prix peu élevés, comme chacun en faisait la remarque devant les échantillons exposés dans les galeries industrielles.

VARIETES.

M. Philippe «le Girard.

On avait espéré que, malgré la longueur de la session, les Chambres pourraient s'occuper cette année d'une question qui a un intérêt lout national, à laquelle l'industrie française attache un.haut prix, et qui se serait trouvée on ne peut mieux placée au moment où l'exposition éveillait tant de sympathies : c'est celle d'une récompense nationale à accordera notre compatriote, M. Philippe de Girard, comme inventeur de la filature mécanique du lin, qu'il avait créée en France en 1815, résolvant le grand problème pour lequel le pouvoir impérial avait fondé le prix d'un

million. La chute de l'Empire priva M. Philippe de Girard de la récompense promise à sa découverte. La Société d'Encouragement pour l'industrie nationale a pris l'initiative des dédommagements si bien mérités par M. de Girard. Toutes les fractions de la chambre des députés semblent se réunir dans une même pensée pour l'oeuvre patriotique de revendiquer, par un vote solennel, cette belle invention pour la France, tout en récompensant l'inventeur. On assure que plusieurs de nos députés les plus marquants ont fait, en faveur de M. de Girard, une démarche collective auprès du ministre de l'agriculture et du-commeree, démarche qu'ont faite aussi de leur côté un grand nombre d'exposants et d'autres chefs de notre industrie. Il paraîtrait que le ministre, dont la bienveillance est acquise à tout ce qui intéresse l'honneur comme la prospérité de l'industrie française, a fait espérer qu'il voudrait bien accorder l'examen le plus sérieux à cette demande, recommandée par sa nature même et par de si importants suffrages.

Exposition industrielle du Zollverein.

L'exposition générale de l'industrie a été ouverte aujourd'hui 15 août à Berlin. Le chiffre des exposants n'est encore que 1,915; mais, selon toutes les probabilités, ce nombre s'élèvera très-prochainement à 5,000. Jusqu'à présent vingt et un états de la confédération y ont concouru; toutefois, sur les 1,913 industriels qui ont déjà exposé, 1,315 appartiennent à la Prusse. Quand cette grande exhibition allemande sera complète, nous constaterons les progrès réalisés par nos rivaux d'outre-Rhin.

Uu papier sans chiffon.

Nous avons recueilli des détails curieux sur cette importante découvertedont nous avons déjà entretenu nos lecteurs dans un des précédents numéros de Y Exposition.

L'accroissement considérable du nombre des papeteries à la mécanique en France a fait hausser proportionnellement le prix des chiffons qui servent à la fabrication du papier. Les riches usines pouvaient seules, en s'imposant de lourds sacrifices, supporter cette augmentation, cause des nombreuses catastrophes dont l'industrie papetière a été frappée depuis quelques années.

Pour sortir de cette situation fâcheuse, on fit de nombreux essais avec le maïs, le bananier, la canne à sucre, etc. ; mais le succès ne répondit point à l'attente des expérimentateurs, soità cause de la rareté, soit à cause de la cherté de ces végétaux ou de la difficulté qu'ils présentaient pour la mise en oeuvre. Enfin, des fabricants distingués qui viennent d'obtenir une médaille de bronze pour les beaux produits qu'ils ont fait admettre à l'exposition, MM. Laroche-Joubert et Dumergue, de Nersac (Charente) paraissent avoir résolu le problème. Ils sont parvenus à fabriquer, sans chiffon, un papier dans la composition duquel entre seulement le tissu filamenteux d'une plante aquatique que les ruisseaux, les marais de la Charente, de la Charente-Inférieure et des départements environnants produisent en abondance et sans aucune culture. Le prix, l'abondance, la facilité de mise en oeuvre de ce végétal ne laissent aucun doute sur la réussite de cette précieuse découverte. La solidité de ce papier, malgré son peu d'épaisseur, est remarquable; il ne pèse que 4 kilog. et 1/2, sa blancheur vaut celle des troisièmes pâtes; et lout fait espérer que lorsque la matière aura été bien préparée, elle atteindra, à qualité au moins égale, l'éclat des premières pâtes de chiffon.


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L'EXPOSITION.

MM. Laroche-Joubert et Dumergue ont pris un brevet d'invention; mais, moyennant une légère indemnité, ils se proposent de livrer à leurs confrères le secret de leur papier sans chiffon, et de les autoriser à en fabriquer. Cette mesure est d'un bon exemple à suivre et fait le plus grand honneur à ces habiles industriels. Nous avons sous lés yeux une feuille qui se publie à Angoulème : le Charentais,e:i qui est imprimée sur un échantillon de ce papier. 11/st aussi remarquable par sa finesse que par sa force.

Les inventeurs ont essayé tout récemment l'effet que produirait dans la. composition de ce papier le mélange d'un cinquième de chiffoni Le succès a.courpnné cet essai; malgré sa consistance, le papier qu'il donne ne'. pèse que 6 kilog. la rame. Voilà une heureuse découverte; nous en reparlerons avec plus de détails, en nous occupant des produits exposés par MM. Laroche-Joubert et Dumergue;, et de leur importante manu facture*

DESSINS.

NHHiao.i.

Machine à river:, «le MM. Schneider frères.

On sait, nous l'avons déjà dit dans notre numéro du 1er juillet, que MM. Schneider frères, du Greusot, ont été chargés de fournir à la flotte plusieurs des machines à vapeur destinées aux bateaux transatlantiques. Pour produire ces immenses moteurs, ils ont dû se créer un outillage en rapport avec les grands travaux qui leur étaient demandés. Or, ils ont exposé plusieurs de ces outils-machines, notamment deux, reposant sur le même principe : l'action directe de la vapeur. Le modèle du premier, appelé marteau-pilon, a paru gravé sur acier dans YExposition du 1er juillet ; nous donnons aujourd'hui la gravure, du second, nommé: machine à river.

Cette machine est destinée à percer la tôle des chaudières, et à river les clous par lesquels sont jointes les diverses parties de la chaudière. Elle consiste, comme on peut en juger soi-même, en un cylindre à vapeur, dont la tige, dans son mouvement d'ascension, fait jouer un levier articulé; l'extrémité de ce levier, armée d'une pointe, d'un découpoir ou d'une pièce d'acier concave, presse fortement la pièce de tôle contre la paroi latérale d'une enclume cylindrique, et, par l'effet de cette pression, perce ou rive d'un seul coup le métal le,plus.résistant.

En publiant le marteau-pilon et la machine à river de MM. Schneider, YExposition aura mis sous les yeux de ses lecteurs les deux plus belles machines sorties des ateliers du grand établissement du Creusot, et deux des plus remarquables de celles qui ont figuré à l'exposition de 1844.

NUMÉHO 2. Orgue-Mélodium, de MM. Alexandre père et fils,

10, boulevard Bonne-Nouvelle. Un musicien savant, qui est en même temps un critique distingué, M. Berlioz, de l'opinion duquel nous aimons à nous autoriser, parce que avec une connaissance profonde de son art, il n'a pas précisément pour défaut de prodiguer ses éloges, ce qui naturellement leur donne plus de poids et plus de prix ; M. Berlioz donc s'exprime ainsi dans le Journal des Débats sur les instruments inventés par MM. Alexandre père et fils :

< Je disais tout à l'heure que, grâce au progrès de l'industrie organiste, le sentiment musical et le goût de la musique devaient se répandre dans les villages; j'aurais dû ajouter dans les villages riches; car un orgue d'une certaine dimension est toujours d'un prix assez considérable. Mais voici les orgues-mélodium de M. Alexandre qui pourront donner à ma phrase un sens absolu. Il n'est pas de village, en effet, si peu fortuné qu'il soit, qui ne puisse payer le prix modique d'un mélodium. Cet instrument d'ailleurs, clans les petites églises, est plus que suffisant pour remplacer les grandes orgues. Il en a le caractère religieux ; il est expressif, possède un nombre assez considérable de jeux divers, et ne nécessite qu'un seul individu pour le jouer, les soufflets étant mis en jeu par les pieds de l'organiste. Le mélodium est un instrument à lames de cuivre, mises en vibration par un courant d'air; il n'a donc point de tuyaux comme l'orgue ; un mouvement plus ou moins prononcé des pieds de l'exécutant faisant affluer plus ou moins abondamment l'air sur les lames, produit à merveille le crescendo et le decrescendo, indépendamment de l'effet des registres qui, de même que dans l'orgue, accroissent ou diminuent l'intensité du son. Le mélodium ne possède pas les jeux de mutation de l'orgue, dont l'effet excite chez beaucoup de gens une admiration traditionnelle, mais qui, en réalité, ont une horrible tendance charivarique; il a seulement des jeux d'octaves simples et doubles, au moyen desquels chaque touche fait parler avec sa note, son octave et sa double octave, et même la double octave sans la simple, ou toutes les deux ensemble. Donner aux sons divers un caractère à la fois rêveur et religieux, les rendre susceptibles de toutes les inflexions de la voix humaine et de la plupart des instruments à vent, et^corriger entièrement la sonorité criarde et nasillarde qu'on reprochait avec raison aux premiers instruments de cette nature, tel est le but que MM. Alexandre père et fils se sont proposé et qu'ils ont atteint. Le mélodium exposé par eux, cette année, a dix-neuf registres; il n'a rien de la dureté des sons cuivrés et possède, au contraire, les plus belles qualités des instruments de bois à anche simple, entre autres de la clarinette-basse. >

A celte appréciation judicieuse, émanée d'un homme aussi compétent que M. Berlioz, nous ne joindrons pas nos propres éloges, qui seraient sans valeur après la grave autorité des siens.-

Toutefois, disons que rorgue-mélodium n'est pas seulement un instrument plein de ressources, mais qu'il est encore, ainsi que nos lecteurs sont à même d'en juger par la gravure que nous mettons sous leurs yeux, un très-beau meuble, plein de richesse et de bon goût, dont la place est marquée dans tous les salons; place qui lui appartient d'autant mieux, que cet instrument se prèle également bien aux légères fantaisies de nos compositeurs et au caractère grave et solennel des inspirations religieuses.

Ajoutons en terminant, que les travaux de MM. Alexandre père et fils ont été équilablement appréciés par le jury de l'exposition, qui a décerné à ces habiles facteurs une médaille de bronze, ce qui est la plus haute récompense accordée à cette industrie artistique; le jury n'ayant point voulu donner, cette année, à ceux qui l'exercent ni médaille d'argent, ni médaille d'or, pour les forcer sans doute à ne pas s'endormir sur leurs succès elles obliger, en quelque sorte, à trouver de nouveaux perfectionnements.

XiE BOITTEIXIXIER, Directeur.

Parla. — Typographie 1-ACRAMI'K cl Comp. rue Dainictlc, 2.






L'EXPOSITION.

SOMMAIRE.

TEXTE :

Kubanerie : Historique. Sninl-Efiennc, Sainl-Cliamond. MM. Faure frères, Vignat-Chovel, Robichon, Balay, Datation, Passerai, Teyler, journoud, Grangier. — Etablissement des séclieries de MM. Henri Thébaud, à Nantes. — Ciment anglais, de M- Savoye. — Dégage-Grille de M. Sorel. —Variétés : Jacquard; — Musée Leinbourg.— Dessins: Manufacture de plaqué de M. Gandais. — Pianos de MM. Faure el Hoger.

GRAVURES :

NUMÉRO 1 :— Candélabre en argent et en plaqué, de M. Gandais. NUMÉRO 2 : — Piano de MM. Faure et Roger.

ni lîvrsEiui;

Saint'l'ttienne. Snint-Chanioiid.

MM. Faure frères, Balay, Robichon el comp., Vignat-Chovel, Barallon, Passerai fils el comp., Teyler el comp., Journoud, Grangier.

La rubanerie se partage en deux grandes divisions : la petite rubanerie, qui comprend le ruban de fil, le ruban de laine, le ruban de coton, le ruban de filoselle; et la grande rubanerie > qui ne comprend que le ruban de soie, el celui où l'or et l'argent se mélangent à la soie.

Nous ne nous occuperons dans cet article que de la grande rubanerie, qui lient le premier rang dans l'industrie rubanière autant par la valeur que par la beauté de ses produits.

La fabrication des rubans de soie acquiert chaque année en France une plus grande importance; nulle autre fabrique n'exporte une plus forte proportion de ses produits, nulle au-tre ne laisse ses concurrents étrangers à une aussi grande distance de la perfection de ses produits.

Deux villes aujourd'hui, Saint-Éticnne et Saint-Chamond, se partagent presque exclusivement celte opulente industrie, et elles ont une supériorité incontestable sur toutes les fabriques étrangères pour la richesse et le bon goût. Il en est, en effet, des rubans comme des étoffes de soie, comme de tout ce qui tient du luxe : c'est en France qu'on fabrique les beaux articles, qu'on crée la nouveauté chaque saison, et les étrangers ne peuvent que nous imiter.

Si nous remontons à l'origine de la rubanerie, nous verrons que dès le commencement du seizième siècle, Turquet el No riz

I8i4. I"' SEPTEMBRE.

apportèrent de Lucques à Lyon des métiers pour le tissage des étoffes façonnées, et qu'en 1540 parut un règlement qui fixait un fort droit d'entrée dans le royaume pour les draps d'or, d'argent, de soie, el pour les rubans. Jl est donc présumable que la;France produisait déjà assez de ces tissus |H>ur alimenter son luxe, fort prodigue de rubans, surtout à la cour du fastueux François 1".

De Lyon la rubanerie ne tarda pas à être transportée à SainlChamond, petite el ancienne ville du déparlement de la Loire, qui était alors plus considérable que Saint-Étienne. Vers le milieu du seizième siècle l'italien Gayotti établit dans la première de ces villes ses moulins dits à la bolonaise; ils se répandirent de là dans le midi de la France, où les mûriers se multipliaient, et bientôt nous voyons Saint-Étienne se livrer avec ardeur à la nouvelle industrie. Ses développements furent rapides dans les deux villes rivales; mais elle y subit, comme toutes les industries, l'influence des hommes qui ont gouverné la France et des événements qui ont passé sur elle.

Le ministère Colbert lui imprima un immense essor ; elle ne se borna plus dès lors à la fabrication des rubans; elle éleva des moulinages et des métiers, elle embrassa toutes les préparations des soies destinées au lissage. Mais la révocation de l'édit de Nantes arrêta lout à coup cet élan. Les ouvriers exilés allèrent s'établir à Spitallields et à Baie, et depuis lors ces deux villes ont -fait à l'industrie française une redoutable concurrence.

De 1740 à 1750, la rubanerie lit peu de progrès à Saint-Étienne; elle soutenait péniblement la concurrence contre les rubans suisses, qui étaient, en raison de leur bas prix, préférés en Allemagne, et même à Paris. Mais l'introduction des métiers mécaniques lit disparaître en partie cette cause d'infériorité. C'est vers 1750 que l'on commença à se servir des mécaniques à la barre, sur les9

les9


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L'EXPOSITION.

quelles se tissent plusieurs pièces à la fois, ce qui permit à un seul ouvrier de faire aillant d'ouvrage que vingt autres en faisaient sur les anciens métiers.

En 1760 la maison Dugas, de Saint-Chamond, importa de Bâle les métiers à la zurichoise. Depuis lors des primes accordées parle gouvernement, puis le commerce d'exportation des rubans dans lotîtes les parties de l'Europe et aux colonies, enfin l'abondance des capitaux dans les niftins des fabricants Imprimèrent aux ateliers une activité, et à l'écoulement une rapidité que les événements de 1793 arrêtèrent tout à coup. La dépréciation des assignais, avec lesquels on ne pouvait plus se procurer les matières premières, la fermeture des débouchés, les velléités martiales, républicaines ou contre-révolutionnaires, qui se prononcèrent parmi les ouvriers; telles furent les principales causes de cette suspension : les métiers se turent. Ceux des riibaniers de Sainl-Cbaniond et de Saint-Étienne qui ne se rangèrent pas sous les drapeaux de la république ou sous les bannières de la rébellion lyonnaise, furent employés à la fabrication des armes de guerre.

Cependant au commencement du consulat la rubanerie se releva rapidement et avec éclat; un recensement fait à celte époque dans les départements de la Loin* pour la distribution des secours accordés aux ouvriers indigents, porta le nombre des riibaniers des environs de Sainl-Étieniie seulement, à vingt-cinq mille.

De 1800 à 180G la rubanerie atteignit le plus haut degré de prospérité; les produits restèrent constamment au-dessous des commandes. La consomma lion intérieure était considérable; les relations avec l'Allemagne, la Russie, le Portugal et l'Espagne, avaient recouvré leur ancienne importance. Pendant celte veine de prospérité, les ouvriers et les chefs d'atelier se perfectionnèrent ; l'apprêt lut porté à un degré supérieur à celui des Anglais, el divers genres de fabrication furent successivement innovés. Celle du satin, jusqu'alors peu connue, reçut un grand développement; celle des velours façon Crevelt, introduite en 1800, prit un rapide accroissement, et ces deux branches donnèrent, pendant quelques années, des bénéfices considérables.

Mais lorsque In France redescendit dans la lice des guerres européennes, les manufactures de rubans, comme tant d'autres, déclinèrent rapidement. Cette crise progressive dura jusqu'en 1815. La rubanerie se releva de nouveau en 1810; le rétablissement de la paix, et, par conséquent, des relations commerciales, la fin du système continental, la diminution graduelle du prix de la soie, qui, en 1810 el 1817,élail fort élevé, imprimèrent à In fabrication des rubans une remarquable activité. La multiplicité des commandes, el les efforts constants des fabricants pour perfectionner de plus en plusieurs produits, portèrent celle industrie à un degré de splendeur qu'elle n'avait pas encore atteint. Les deux causes principales de ce progrès extraordinaire, et peut-être unique dans l'histoire manufacturière de la France, furent l'invention des rubans-gazes, el l'application des métiers Jacquard nu lissage des rubans.

Jusqu'en 1817, les rubans de soie n'étaient pas leinls en pièce, mais tissés avec des matières qui avaient déjà subi la teinture. A celle époque, M. Pierre Bancel, de Sainl-Cbainond, inventa un nouveau mode de fabrication des rubans et autres tissus de soie endeux ouvraisons, et la teinture lui donnée entre ces deux opérations. Ce nouveau genre de tissu, qui forme aujourd'hui la base de la plupart des rubans façonnés, eut un succès prodigieux, dû en

grande partie à l'emploi du système Jacquard, qui les exécute avec une rare perfection.

Nous terminerons ce précis parquelques notions sur la fabrication des rubans examinée dans ses détails techniques. A SaintChamond, ainsi qu'à Saint-Étienne, les fabricants ne possèdent aucun atelier pour la teinture des soies, mais un grand nombre de teinturiers obtiennent, avec une perfection toujours sûre, les couleurs les plus délicates, après le décreusemenl. Cette dernière opération est celle par laquelle on enlève au fil le vernis gommeux dont il est empreint; opération qui diminue son poids de 25 à 28 p. 100. En sortant des mains du teinturier, la soie, dont le poids a élé constaté, est envoyée au dévidage; puis à la suite de ce travail, celle destinée aux gazes reçoit au moulin un apprêt très-fort. Le fabricant l'ait exécuter chez lui l'ourdissage de la chaîne des rubans; mais les chaînes qui doivent recevoir des chinés sont préparées, à Saint-Etienne ou à Lyon, par des ouvriers qui s'occupent exclusivement de ce soin. Chaque fabricant possède des métiers d'échantillons de basse-lisse sur lesquels il fait exécuter, suivant sou goût, des dispositions qu'il soumet aux acheteurs: c'est en cela surtout que l'émulation entre les manufacturiers est excilée el que la concurrence devient active, sinon hostile el processive. La mise en carie des.dessins est l'aile par des personnes de confiance attachées aux fabriques; c'est le secret delà maison, ou si l'on veut, c'est un germe incessant de prospérité qui ne doit pas être divulgué.

Après ces divers préparatifs, les chaînes sont distribuées aux ouvriers lisseursà la barre; des commis parcourent à cheval les villages pourremeltreaux riibaniers la chaînedes rubans de basse-lisse, pour surveiller la fabrication, et pour rapporter les pièces confectionnées. Mais en sortant des mains de l'ouvrier, les rubans n'offrent point encore cet attrait, celte fraîcheur que l'on connaît; avant d'être livrés au commerce, ils sont soumis à d'autres opérations. L'éinouchage.cl le découpage font disparaître lout ce qui pourrait nuire à la beauté du tissu ; ils son! exécutés dans la ville par des femmes. Viennent ensuite le cylindrage. le moirage, le gaufrage, l'impression en couleur, au moyen de rouleaux et de planches: lout cela se l'ait dans des ateliers ud lux.

C'est à Saint-Étienne exclusivement que sont faits les essais publics dis soies destinées à la fabrication des rubans; mesure concentrée en ce lieu depuis environ Irenle-cinq ans. Cette ville esl aussi le centre de la dcssicalion ou condition des soies employées dans le pays; elle y fut importée de Lyon vers le commencement de la révolution. Celle opération, si essentielle pour une matière aussi précieuse, aussi hygrométrique que la soie, s'exécuta d'abord dans des maisons particulières. Ce ne fut qu'en 1795 que le premier établissement de dcssicalion fut créé à Saint-Etienne, sous la direction de M. Legouvé. Par décret du 15 janvier 1808. une condition unique lut ensuite fondée el dirigée par l'administration municipale, qui en supporte les dépenses et en perçoit les revenus. Nous dirons un mot des moyens employés pour dessécher les soies. On les renferme dans des cages grillées en fil de fer, de la construction la plus propre à faciliter l'action de l'air, échauffé par des poêles; le déposant appose son cachet sur leur fermeture. Vingtquatre heures après, on vérifie le poids de la soie; si elle a perdu plusdeSp. lOO.on la laisse séjourner dans l'appareil pendant une seconde période de vingt-quatre heures. La température entretenue dans les salles varie selon les mois de l'année. Les droits


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de condition sont de lOcentimes par kilogramme; les ballots d'un poids inférieur à 25 kilogrammes paient un droit fixe de 2 francs 50 centimes. Le droit de pesage est de 1 franc par ballot.

De grandes améliorations successives ont été obtenues, dit-on, dans la dcssicalion des soies; maison n'est pas encore parvenu au résultai normal de celte opération. Un bon appareil pour le conditionnement de la soie, dit M. Alphonse Peyret, doit avoir pour objet, uon pas de la dépouiller de toute humidité, mais de constater celle qui s'y trouve. En 1835, MM. Talabot frères, parmi procédé sûr et facile, étaient parvenus à résoudre ce problème, mieux qu'il n'était résolu précédemment.

Voici quels sont les rubans le plus généralement fabriqués: ruban uni; ruban à effet d'armure; ruban à disposition, dont la chaîne est ourdie en soie de diverses nuances; ruban broché et façonné; ruban chiné et façonné ; ruban velouté, uni et façonné; ruban anglais; ruban dentelé et à franges tirées; ruban-gaze; ruban marabout; ruban gaufré et imprimé.

On fait encore des rubans(disposilions)quisonlenmèmc temps cannelés, gros de Tours et satin ; d'autres en même temps gaze unie, gaze à disposition, gaze à jour. Il est, du reste impossible d'indiquer toutes les variations, qui sont infinies, elqui dépendent du goût, de la mode, el pnr conséquent changent d'un moment à l'antre.

On comprendra tout ce qu'il faut, aux fabricants, de travail, de patience, pour suivre dans tous ses caprices celle déesse si changeante qu'on appelle la mode, dont les exigences deviciiiieiitchaquc jour plus difficile à satisfaire. « Depuis deux ou trois ans, nous « écrit-on de Sainl-Élieiine, la mode ne s'est fixée sur aucun « genre, de sorte que nous faisons toutes les saisons tout ce que

< l'imagination peut créer. Jamais nous n'avons eu tant de peine

< pour composer les articles nouveaux. Cela se comprend : il

< faut, loucher à tous les genres, tandis qu'autrefois, quand on

< élait dans la hérie de l'article demande 1, il n'y avait qu'à - suivre. >

Mais nos riibaniers ne sont pas hommes à se laisser vaincre par les difficultés; jamais un échec ne les a découragés. Se sontils trompés dans leurs prévisions, ils recommencent sur de nouveaux frais. C'est de celle lutte continuelle qu'est né le progrès, c'està elleque l'on doit le haut degré de perfection où la rubanerie est parvenue chez nous, et que tout le monde a pu constater à la dernière exposition en parcourant celle brillante galerie des rubans, véritable parterre émaillé de Heurs.

On aura une idée de la prodigieuse quantité de rubans qui se fabrique à Saint-Etienne et à Sainl-Cbamond, lorsqu'on saura que ces deux villes consomment annuellement, pour la confection de ce produit, 440,000 kilogrammes de soie, valant au taux ordinaire 27,000,000 de francs; elsi, comme on l'assure, le commerce des rubans est porléchaqiic année au eh i Une de 50,000,000 de francs, on voit que les fabricants de Saint-Étienne et de Saint-Chamond ne peuvent réaliser, pour intérêts de leurs capitaux el bénéfices, que 3,000,000 de francs. On a calculé que le dixième du produit brut, c'est-à-dire 4,800,000 francs, appartiennent à Suint-Cluimond; le surplus revient à Saint-Étienne.

Les rubans façonnés forment environ les trois cinquièmes de la fabrication; mais celle progression augmente journellement, et les rubans unis perdent de leur faveur. Après l'entrée en magasin, les pièces sont aunées, roulées avec soin sur de petits cylindres en

sapin, et renfermées dans des cartons où l'atmosphère fumeuse du pays ne puisse pas altérer leur délicieuse fraîcheur, conservée par une sorte de prestige après avoir passé dans tant de mains.

La vente des rubans, qui jadis s'opérait directement entre le fabricant el le commettant, s'effectue maintenant en grande partie par l'entremise de commissionnaires, et l'on pense que ce moyen ajoute aux chances heureuses de ce commerce.

Maison Faure frères.

A Saint-Etienne.

La maison Faure est un exemple frappant de ce que peuvent en industrie l'intelligence et l'activité. L'exposition de 1834 avait révélé la parfaite entente de ces habiles ma nu facturiers, et le jury avait encouragé leurs premiers essais par une médaille de bronze ; en 1839, il leur décernait la médaille d'or « en considération des immenses progrès qu'ils avaient faits dans le perfectionnement de leur industrie; > la dernière exposition a valu à M. Etienne Faure la croix de la Légion d'honneur, et lout le monde a' applaudi à cette distinction accordée à un homme auquel l'industrie rubanière est redevable de ses plus grands succès. Depuis dix ans on l'a vu constamment sur la brèche, ne se laissant décourager par aucune difficulté, par aucun des caprices de la mode; cherchant par tous les moyens à prévenir, à captiver les goûts si mobiles de celle déesse capricieuse. MM. Faute, d'ailleurs, avaient en tète de nobles antagonistes. M. Martin faisait, de leur aveu, les plus jolis rubans qui eussent élé faits jusqu'alors, dans les effets de chaîne suitoul.Mais la mode n'a qu'un moment : les effets de chaîne ne furent plus demandés, et M. Martin ne lit rien pour parer à cette prévision, el pour se maintenir à la place qu'il avait conquise et qu'il avait conservée pendant deux ans.

MM. Faure profilèrent habilement de la circonstance. Ils curent l'heureuse idée de recourir aux métiers brocheurs pour faire avec la trame des effets nouveaux. Il n'y avait alors à Saint-Didier, où l'on pouvait fabriquer les rubans Jacquard brochés ù plusieurs navettes, qu'un petit nombre d'ouvriers, et il arrivait souvent que dans ce petit nombre plusieurs faisaient mal parce qu'ils ne comprenaient pas leur ouvrage.

Les battants-brocheurs app iqués sur des métiers de barre qui faisaient huit pièces à la lois, et même douze, eurent un plein succès : loul en faisant beaucoup plus ou obtint des rubans d'une bien plus grande perfection.

Cependant les ouvriers de Saint-Didier ne furent point abandonnés. Les métiers de chaînes ne pouvant faire fonctionner que trois navettes, Saint-Didier a conservé le privilège de faire lous les dessins brochés qui ont plus de trois navettes. D'ailleurs si l'ouvrier des montagnes ne peut faire sur son métier qu'une seule pièce et des choses simples quant au travail de la chaîne, il peut, par les navettes, faire, de très-riches et très-beaux rubans. Les ouvriers habiles en mettent jusqu'à douze sur le même ruban. Ce soldées ouvriers qui font les articles les plus délicats et les mieux conditionnés. Bien ne peut leur faire concurrence, car ils se contentent d'une journée de 75 centimes à I franc 25.

La mode, qui s'était fatiguée des effets de chaîne, se fatigua bientôt des brochés. MM. Faure alors retinrent lu vogue par leurs rubans imprimés sur chaîne, et avant que la fantaisie s'en fût las-


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L'EXPOSITION.

sée, ils avaient déjà lancé de nouveaux échantillons qui tous étaient accueillis avec faveur. Leur magnifique exposition a prouvé qu'ils n'étaient restés étrangers à aucune espèce de progrès, et l'on n'a pas moins admiré la variété que la richesse de leurs produits. C'estainsi qu'ils ont su se maintenir au premier rang depuis longues années, et qu'ils ont mérité l'insigne récompense qui est allée les surprendre au milieu de leurs travaux. ' La maison Faure ne fait que le grand beau; elle n'occupe pas moins de quinze cents ouvriers.

Maison Vignat-Chovet,

A Saint-Etienne.

La maison Vignat fabriquait spécialement les cordons pour ceintures, et nulle autre n'y mettait autanlde perfection, dégoût, de variété. Les caprices de la mode ayant abandonné cet article, M. Vignat-Chovet était trop habile pour se trouver, embarrassé par ce changement. 11 porta ses talents sur la fabrication des rubans plus larges pour chapeaux, et exploita, concurremment avec MM. Faure, les rubans imprimés sur chaîne. De nouveaux succès plus éclatants encore récompensèrent ses efforts. C'est lui qui le premier a produit ces riches rubans chinés qui ont fait l'admiration des consommateurs français et étrangers. Aussi le jury de 1839 lui décerna-t-il la médaille d'or, et celui de 1844 lui a confirmé cette récompense, à laquelle il a acquis de nouveaux litres par l'importance et lu perfection de plus en plus grande de ses produits.

Maison Robichon et compagnie,

A Saint-Etienne.

Ce que nous avons dit de la maison Vignat-Chovet, nous pouvons le dire de lu maison Robichon et Comp, auxquels le jury a décerné, à la dernière exposition, In médaille d'or, en considéralion du grand développement qu'ils ont donné à leur industrie el des progrès qu'ils lui ont fait faire. Leurs rubans cl écharpes façonnés sont très-recherchés dans le commerce pour leur bon goût et leur belle confection, et ils ont un très-grand débil tant à l'intérieur qu'à l'étranger.

Maison lBalay fils jeune*.

A Saint-Etienne.

Grâce aux efforts des habiles manufacturiers dont nous venons de parler, et de beaucoup d'autres encore, parmi lesquels nous citerons MM. Barallon, Passerai fils et Comp., Teyler alnéet Comp., qui lous ont obtenu la médaille d'argent à la dernière exposition, l'étranger ne nous a jamais fait une sérieuse concurrence pour les articles riches. Mais, comme nous l'avons dit, les Suisses remportaient depuis longtemps pour les articles simples, quand MM. Balay entreprirent de fabriquer les rubans-grège, inventés par M. Pierre Giraud. Ils sont parvenus à faire des rubans de satin unis de diverses largeurs et de couleurs variées, d'une exécution très-soignée et d'un prix très-modique. Leurs produits ont un grand débouché pour l'Amérique el l'Allemagne.et ils font une grande concurrence à la Suisse. Beaucoup de fabricants, à leur exemple, se sont mis à fabriquer des rubans légers à aussi bas prix que les Suisses et beaucoup meilleurs pour les couleurs.

L'industrie de MM. Balay esl développée sur une très-grande

échelle et fait exister plus de deux mille ouvriers. Aussi le jury, prenant en considération la grande importance de cette maison et la perfection de ses produits, a décerné à ses chefs la médaille d'or.

Maison Journoud,

A Saint-Etienne. La maison Journoud est du nombre de celles qui ont le plus contribué à porter la rubanerie au haut degré de prospérité où elle est parvenue ; elle s'est attachée à une spécialité, les unis riches, el elle exploite ce genre avec un très-grand succès. M. Journoud, par son activité, sa loyauté, la régularité de ses rapports, s'est attaché une nombreuse clientèle; ses produits, qui le disputent aux plus beaux qui sortent de la fabrique de Saint-Étienne, sont accueillis avec la plus grande faveur en Angleterre et en Amérique.

Maison Grangier frères,

A Sainl-Chamond.

MM. Grangier sont inventeurs d'un nouveau métier appelé le métier-brodeur, a l'aide duquel on obtient des rubans très-beaux et d'un excellent goût. Mais, par une de ces bizarreries incompréhensibles et malheureusement trop communes, la mode s'est obstinée à repousser ce ruban, qui paraissait tout d'abord devoir faire une révolution dans la rubanerie. Cependant les fabricants les plus compétents pensent que l'avenir réserve un meilleur sort à ce genre vraiment remarquable.

Quoiqu'il en soit, MM. Grangierontexposédesrubans façonnés de divers dessins, de nuances variées et d'une belle exécution, ainsi que des châles et des écharpes de gaze façonnés, d'une grande variété de goût, et d'une extrême délicatesse de travail, qui les rendaient bien dignes d'une des premières récompenses. Le jury leur a décerné la médaille d'argent.

ÉTABLISSEMENT DES SÉCHERIES

De MM. Henri Thébaud frères, à Nantes.

Plusieurs fois déjà nous avons eu l'occasion de parler des produits de la maison Henri Thébaud de Nantes. Nous sommes en mesure aujourd'hui de donner quelques détails sur leur établissement, l'un des plus importants de cette spécialité.

L'établissement Henri Thébaud frère sous le nom d'Etablissement des sécheries, se compose de :

Une machine à vapeur de la force de 24 chevaux provenant des ateliers de M. Saulnier ;

Une minoterie système nouveau perfectionné, montée de cinq paires de meules à l'anglafse, blliteries, nettoyages," enfin ce qui constitue le moulage de farines entier et complet (celle minoterie provient des ateliers de M. Calla) ;

Fabrique de biscuits de mer composée de : un pétrin mécanique (fabrique Morel), deux cylindres corroyeurs (Levèque), deux découpeurs emporte-pièce, fours aérolhermes, etc. ;

Appareil pourétuver les farines, de leur invention et pour lequel ils sont brevetés: il se compose d'un système d'éluvage mobile, palettes remueuses, application de pièces héliçoïdes au refroidissement des farines, rafraîchisseur, bluteries, etc.


L'EXPOSITION.

Quelques chiffres feront juger de l'importance de cet établissement :

H peut convertir en farine 30,000 hect. froment qui représentent 600,000 fr.

150 barils de farine étuvée par jour, soit

54,000 barils 2,160,000

400,000 kilogrammes biscuit pour la marine. . 160,000

25 manoeuvres, ouvriers et boulangers, plus

20 tonneliers sont employés à l'usine. . . . 50,000

Houille 20,000

Total 3,050,000

Ainsi la dépense par année ne s'élève pas à moins de trois millions cinquante mille francs.

La conservation des biscuits et farines dure plusieurs années. La société d'Encouragement a fait prendre par M. Lorieux, ingénieur des mines à Nantes, un échantillon de farines étuvées provenant des navires le Jonas, capitaine Coste, elle Quétos, capitaine N , appartenant à M. P.-J. Maès, négociant à Nantes et député. Ces farines ont supporté trois années à la mer et sont revenues saines et parfaitement conservées. L'échantillon a été cacheté et se trouve entre les mains du jury delà société d'Encouragement.

La marque Henri Thébaud frères est recherchée dans toutes les colonies françaises de préférence aux autres marques. Le gouvernement l'a fait admettre par exception à ses fournitures avec cette annotation : « La marine n'en est pas à connaître les excellents « produits de MM. Thébaud frères ; les farinesqu'elle a reçues précé« déminent de ces fabricants justifiaient complètement, par leur « qualité, la faveur dont elles jouissent dans le commerce et dans « colonies. » (Lettre du ministre de la Marine du 14 mai.)

La fabrique des sécberies approvisionne, outre lamarineroyale et celle du commerce, Guyenne, le Sénégal, la Martinique, la Guadeloupe, Saint-Domingue, le cap de Bonne Espérance, l'Ile-deFrance, Bourbon et nombre d'autres pays dans l'Océan el les mers de l'Inde.

L'admission des farines étuvées Henri Thébaud frères a fait baisser les prix de!2 pour°/„, ce qui procure nu trésor chaque année une économie de plus de 500,000 francs. H y aurait sur les biscuits de mer une économie de plus de 15 pour °/„ sur le prix, et celle économie doublerait, si on considérait la qualité en employant des produits de la fabrique Henri Thébaud frères, au lieu tic les faire fabriquer dans les ports de l'État.

Placée auprès de Bocheforl, Lorient et Brest, Nantes peut eii temps de guerre maritime approvisionner ces ports à peu de frais sans qu'aucune puissance humaine puisse l'en empêcher. En temps de paix ses navires transportent, ù plus bas prix que partout ailleurs, les objets que le gouvernement prend dans son sein. H est donc important pour le gouvernement d'y trouver une fabrique qui puisse fournira lous ses besoins, el celle de MM. Thébaud frères peut remplir immédiatement les demandes qui lui seront adressées, quelle que soit leur importance.

Plus de deux mille vaisseaux marchands el de vingt mille matelots et marins s'approvisionnent à leur usine chaque année, sans comprendre les pays que nous avons déjà cités et la marine royale.

Tels sont les auspices soiis lesquels MM. Henri Thébaud

frères avaient présenté leurs produits à l'exposition de 1844. Le jury les fit demander ; mais leur absence de Paris les ayant empêchés de faire connaître l'importance de leur usine, le jury ne put apprécier convenablement un établissement aussi utile, et ne leur décerna qu'une récompense peut-être au-dessous de celle qu'ils auraient du obtenir.

Ciment anglais de M. V. Savoie,

rue d'Angoulême-Saint- Honoré, n" 11. Ce ciment, connu dans le commerce sous le nom de ciment-anglais, ciment-marbre, plâtre-ciment, etc., etc., est vendu en poudre, et s'emploie comme les plâtres ordinaires. H acquiert en séchant une dureté égale à celle de la meilleure pierre calcaire, qu'il surpasse en homogénéité, et il peut recevoir immédiatement la peinture.

Ce ciment peut être facilement mélangé de couleurs variées,, soit en poudre, soit liquides, el s'appliquer avec une adhérence extrême sur les plâtres, les mortiers, les ciments, la pierre, la brique, le bois et le fer. 11 peut au besoin remplacer avec avantage dans la construction le plâtre ordinaire et les mortiers de chaux, el s'employer dans toutes les saisons, car il ne craint ni l'humidité ni la gelée; mêlé avec deux parties de sable, il répond à tous les besoins de la grosse maçonnerie; et avec une partie seulement, il fait de beaux et bons enduits imitant la pierre.

Employé pur, il se prête à une imitation parfaite des marbres ou stucs à la brosse et à la truelle, pour enduits et dallages. Il s'applique également bien aux enduits unis et colorés intérieurs et extérieurs, au rebouchage et au jointentent des pierres, à la réparation des marches d'escaliers, aux scellements et au moulage des objets d'art, statues et ornements pour l'architecture.

Quelques peintres en bâtiments l'ont substitué dans ces derniers temps, avec un grand avantage, au mastic pour le rebouchage des murs, el certains couvreurs et carreleurs l'ont employé au jointoicnientct au bordage des carreaux, et au laitage des toitures.

De nombreuses applications de ce ciment ont été faites à Paris et à Londres, et dans un grand nombre de nos départements, et partout l'expérience a démontré les avantages qu'offre aux construetcursetaux propriétaires ce nouveau produit employé comme enduit, pour être peint, dans les portes cochères, allées et cages d'escalier, et dans leurs décors, comme pilastres, moulures, corniches, etc. Il présente sur le plâtre ordinaire, si facilement écorné et dégradé au moindre choc, une supériorité évidente, sans augmentation réelle de dépense.

Uégage-Cirllle de M. Sorel,

0, rue de Lancry, à Paris. M. Sorel est un de ces esprits inventifs qui sont appelés à faire faire les plus grands progrès à la science sur laquelle ils portent leurs efforts. Les machines à vapeur ont élé l'objet spécial des études de cet habile ingénieur. Déjà à l'exposition de 1839 ses produits avaient été l'objet d'une distinction toute particulière de la part du Hoi. A la dernière exposition, M. Sorel a soumis à l'examen du jury plusieurs nouveaux appareils de sûreté propres à prévenir les explosions des chaudières à vapeur; un nouveau dispositif ayant pour effet d'empêcher la vapeur d'entraîner de l'eau dans les cylindres moteurs, appareil qui procure une économie de combustible de 25 pour 100; un nouveau régulateur modéra leur


L'EXPOSITION.

de vitesse pour maintenir constante la vitesse des machines à vapeur, malgré les variations de la pression et celles de la résistance; un appareil nouveau qu'il nomme Dégage-Grille, pour activer la combustion dans les foyers de chaudières à vapeur et autres foyers. Nous croyons devoir donner quelques détails sur ce dernier appareil, au moyen duquel on peut doubler la production de vapeur d'un générateur.

Voici les principales propriétés de ce dispositif: 1° Le Dégage-Grille, en facilitant le passage de l'air à travers le combustible, active el augmente considérablement la combustion, d'où il résulte une grande augmentation dans la production de vapeur ;

2° La quantité d'air qui traverse Je foyer dans un temps donné étant très-considérable, on peut augmenter l'épaisseur de la couche de combustible, ce qui augmente la combustion, et empêche que beaucoup d'air ne lui échappe, en entraînant du calorique ;

5° L'anthracite et les houilles sèches qui ne se brûlent bien que lorsqu'ils sont eu couches épaisses, pourront facilement être brûlés dans les loyers munis de Dégage-Grille.

4° Le Dégage-Grille ayant la propriété de diminuer la résistance que l'air éprouve en traversant le combustible, sera employé avec un grand avantage aux foyers des locomotives et autres loyers, qui exigent l'emploi d'un jet de vapeur ou un ventilateur pour l'aire le tirage de la fumée. Il résulte des expériences de M. de Pain bon r et de M. Flachat, que dans les locomotives le jet de vapeur du tuyau d'échappement employé pour activer le tirage absorbe une force de quinze chevaux; c'est près de lu moitié de lu force de traction de lu machine. En adaptant le Dégage-Grille, il est probable que l'on pourra supprimer le tuyau d'échappement et employer à la traction des wagons les quinze chevaux de force en plus qui résulteront de cette suppression, qui ne coûteront rien en combustible et n'augmenteront point le poids de la machine; ou bien si l'on n'a pas besoin d'une augmentation de force, on pourra maintenir la même force de traction, et réaliser une économie de plus de 25 pour 100 sur le combustible ; ce qui n'est pus à dédaigner quand des appareils dévorent pour 100 fr. de combustible par chaque machine pour un jour de travail.

L'application du Dégage-Grille aux locomotives permettra de détendre complètement la vapeur dans les cylindres, parla raison que l'on n'aura plus besoin de lui conserver de la pression au moment de su sortie des cylindres, et l'on pourra diminuer le poids el le volume des locomotives tout eu leur conservant la même force el la même solidité.

Le Dégage-Grille est également applicable aux foyers des machines de bateaux à vapeur. Il permettra de diminuer le volume el le poids des générateurs, et rendra très-facile le service des foyers qui est si pénible avec l'élut de choses actuel. On saura bientôt à quoi s'en tenir sur le mérite du Dégage-Grille appliqué à bord des bateaux à vapeur, attendu que M. le ministre de lu Marine, après a\oir fuit examiner l'appareil de M. Sorel par le conseil des travaux maritimes, a décidé que l'essai en serait fait simultanément dans plusieurs ports de l'État.

Tous les avantages que procure le Dégage-Grille sont obtenus au moyen d'un mécanisme très-simple, facile à manoeuvrer et qui peut s'adapter à lous les foyers.

VARIETES.

Jacquard.

La famille de Jacquard, originaire de Lille, était venue s'établir dans le Lyonnais, où il avait vu le jour vers 1770. Mais cet homme, plus grand que sa renommée, qui faisait de la mécanique transcendante, comme J.-J. Rousseau de la philosophie sublime, par sagacité innée, ee génie bonhomme, dont l'active imagination produisit une révolution immense dans l'art du lissage, lit battre monnaie à coup de navettes, dans les ateliers de Saint-Étienne et de Saint-Chaniond; nous ne pouvons donc parler delà rubanerie de ces deux villes sans répandre sur sa tombe quelques feuilles de laurier, sans jeter sur le gazon qui la couvre une couronne de souvenirs.

Jacquard, relieur, puis fabriquant de chapeaux, à Lyon, avant la révolution, vit son industrie frappée par les foudres remises aux mains de Collot-d'Herbois el de Couthoii; il se lit soldat. Mais ce n'élail pas sous les drapeaux que Joseph Jacquard devait servir son pays : dans sa tète rêveuse fermentaient des pensées de création, non des idées de destruction; il songeait à ouvrir de nouvelles veines à l'industrie, et ne se trouvait nullement propre à tarir les sources de l'activité, en répandant le sang des hommes. Démoslbène prit la fuite honteusement à Cbéronée pour rester orateur illustre à Athènes; Jacquard, m eux inspiré, ne quitta le champ d'honneur que le lendemain d'une bataille, el n'en fut pas moins un mécanicien célèbre à Lyon... Célèbre, s'entend, parmi ces bonnes gens qui jugent les capacités selon ce qu'elles produisent, non sur ce qu'on en dit : le brevet d'inventeur habile lui fut décerné par le peuple qu'il servait journellement, soit en épargnant quelque gène à son labeur, soil ; ar la création de quelque ressource mécanique qui hâtait l'accomplissement de sa lâche. Raccommodant le métier de celui-ci, fabricant un outil nouveau à celui-là, tournant des chaises, imaginant des modèles, se faisant forgeron ou menuisier à l'occasion, et souvent par besoin, le père Joseph, comme on l'appelait déjà, parce que le vent de l'adversité avait blanchi de bonne heure sa tète, élaildevenu, en 1802, le conseiller, l'ami des ouvriers en soie; le fabricant superbe l'appelait ironiquement YArchimèdedes canuts.

Cependant le nom de Jacquard avait fait un peu de bruit; les journaux du temps, qui louaient encore les hommes de savoir, même lorsqu'ils ne participaient pas à leur rédaction, les journeaux mentionnèrent les inventions ingénieuses de» l'Archimède des canuls. Un beau matin Jacquard reçut l'ordre de se rendre ii Paris immédiatement, et de se présenter chez le ministre de l'intérieur, Chaptal. Le garçon de bureau à la veste ronge, l'huissier à la chaîne d'argent avaient leurs instructions : Jacquard fut introduit sans lettre d'audience dans le cabinet de l'homme d'Étal. Celui-ci ne recul point l'humble mécanicien avec hauteur, encore moins avec l'aigreur d'un esprit jaloux. Chaplal ne savait qu'être affable dans ses relations, et, comme lous les vrais savants, il espérail toujours apprendre. H y avait là un second personnage, peut-être quelque secrétaire particulier, jeune homme à la physionomie songeuse, au regard brillant et scrutateur; mais notre mécanicien fit peu d'attention il lui.

« Asseyez-vous, citoyen Jacquard », ditle ministre en désignant un fauteuil au voyageur, qui l'occupa sans plus de façon...


L'EXPOSITION.

« On dit, poursuivit Cbaplal en riant, que vous êtes un autre Vaucanson?

— Si quelqu'un dit cela, citoyen ministre, ce n'est pas moi qui le fais dire. •

Un sourire aussi gracieux que rapide passa en cet instant sur les traits du secrétaire particulier.

« Au moins prétendez-vous le prouver, reprit le ministre, car vous vous datiez, dit-on, de faire coque Dieu ne ferait que par un miracle : un noeud sur une corde tendue.

—Ah ! je vois ce que c'est, dit Jacquard ; vous voulez parler d'un métier à fabriquer du filet, dont je m'amusai un soir à faire le modèle avec des allumettes, et l'essai avec des brins de fil.

— Précisément, continua l'homme d'État, avec l'amertume inhérente à l'idée d'une tentative moqueuse ; et cet essai vous a réussi ?

— Parce que la réussite était facile.

— Prenez garde à ce que vous dites, Jacquard ; les ruses d'un charlatan sont bientôt reconnues.

— Un charlatan! morbleu ! ce mot est dur à l'oreille d'un honnête homme; et comme je n'ai pas demandé à venir ici, ce n'était pas la peine de me faire faire cent lieues pour m'insuller.... Eh bien ! je veux fabriquer en voire présence le métier, et le filet; qu'on me donne du bois, une scie, un marteau... Tenez, je puis même me passer de tout cela, » poursuivit lebonhomme avec animation, eu lorgnant de côté nu petit guéridon très-fragile placé près de lui... Puis, brisant ce meuble contre le parquet, il lira de sa poche un couteau bien tranchant, el se prit à charpentée, si vite, si adroitement, qu'au boni d'un quart d'heure, le métier se trouva entièrement terminé. Et soudain Jacquard, ayant pris sur le bureau du minisire une pelote de fil rouge, ourdit en deux tours de main quelques mailles de lilel.

< Maintenant suis-je un charlatan? > s'écria l'inventeur, en présentant àChaplal la solution matérielle du prétendu problème insoluble.

Tandis que le grand chimiste cherchait sa réponse, le secrétaire particulier se leva, prit le lilel, l'examina avec attention, puis s'adressa ni au mécanicien, qui s'essuyail le front ruisselant de sueur :

« Citoyen Jacquard, lui dit-il, vous êtes un homme de génie; je me charge de votre fortune, el à dater de ce jour, vous avez une pension de 2,000 écus. Chaptal, ajoute ce personnage, devenu loul à coup éiiigmuliquc pour notre Lyonnais, que ce brave homiiie soit installé au conservatoire des arts et métiers... C'est un bon renfort dans la guerre industrielle que nous allons faire désormais à l'Angleterre, el qui vient de commencer à notre avantage par l'exposition des produits français au Champ-deMars. •

A ces mots l'inconnu sortit, et Jacquard l'entendit, en s'éloignant, chauler faux un refrain d'Opéra-Coinique... Le secrétaire particulier, c'était le premier consul, c'était ce lin connaisseur en toutes choses que Lebrun-Pindare avail surnommé le mécanicien de la victoire... Il lui appartenait bien de proléger un collègue.

Avant de quitter Paris, Jacquard imagina le fameux métier auquel on a donné sou nom ; il rapporta à Lyon, en récompense de celte invention admirable, une médaille de bronze et celte stupide mention de je ne sais quel jury : « Décernée à M. Jacquard, • pour un mécanisme qui supprime un ouvrier dans In fabrieac

fabrieac des tissus brochés >. Or, les canuts, interprétant à leur manière les termes du jury, ne virent plus dans le père Joseph qu'un novateur malveillant, qui leur ôlail le pain de la main ; ils brûlèrent son chef-d'oeuvre et voulurent le précipiter lui-même dans le Rhône. Cette prévention se dissipa plus tard; on comprit enfin que simplifier les procédés industriels, c'était offrir au travail une voie plus large, et non paralyser des bras. On compta à Lyon, après quelques années, 30,000 métiers Jacquard; bientôt ils se répandirent dans toute la France; et depuis vingt uns, celle machine sert, d'un bouta l'autre de l'Europe, à la fabrication de tous les tissus de soie, de fil, de laine et de coton.

Mais quel service signalé ne s'affaiblit pas dans le souvenir des hommes! Hélas! que de gens ici-bas ressemblent à cet Athénien qui votait l'exil d'Aristide, parce qu'il était las de l'entendre nommer le juste... Jacquard mourut en 1834, décoré comme un souspréfet, mais dans l'obscurité d'une réputation usée... La souscription ouverte pour élever un monument à la mémoire de celui qui avait décuplé les produits de l'industrie lyonnaise ne s'éleva pas à 9,000 francs. Chaque année, Lyon fabrique pour 120 millions de tissus sur les métiers de Jacquard, et vous ne trouverez le nom de cet homme de génie sur aucune biographie; le ciseau n'a pas, que nous sachions, reproduit ses traits, lorsque maint auteur d'une moitié de roman ou d'un tiers de vaudeville expose au Musée son buste en marbre, après l'avoir, il esl vrai, commandé lui-même (1).

Musée Iiembourg, i, boulevard des Italiens.

Le grand succès de notre exposition nationale met les expositions particulières fort ù la mode. Parmi celles-ci, il en est une qui excite vivement lu curiosité, c'est le musée de M. Lembourg, ouvert lous les jours au public.

Cet artiste en verre et en émail u réuni, dans son exhibition, une véritable ménagerie d'animaux de grandeur ualurelleen verre. C'est une chose merveilleuse (pie l'imitation parfaite de ces têtes pleines d'expression, de ces toisons fauves ou tigrées, à l'aide d'une matière aussi rebelle. Tout le monde, Parisiens et étrangers, voudra voir les tigres, les lions et les ours que M. Lembourg a placés dans un parterre rempli de Heurs et de plantes de verre et d'émail. Ce qui n'est pus moins attrayant, c'est de voir l'artiste travailler sous les yeux du public, et réaliser avec des moyens si bornés des résultats aussi beaux.

DESSINS.

MJIIÉIIO 1. Candélabre en plaqué et en argent.

Manufaclurc de M. Gandais, 42, rue du Ponceau. Dépôt, Palais-Royal, galerie de Valois, n° 118.

Tout objet de luxe inventé dans les classes opulentes doit être exécuté pour les classes moulines. Nous avons, en réalité, l'égalité des droits; nous voulons, en apparence, l'égalité des fortunes, et si tous ne peuvent pas être riches, lous veulent au moins le paraître. Aussi trouve-t-on toujours, dans l'industrie, le strass à

(1) Nous devons ces détails à M. Touchar.l-Lafosse, auteur de la Loire historique.


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L'EXPOSITION

côté du diamant, le vernis à côté de la dorure, le cuivre à côté de l'or, le plaqué à côté de l'orfèvrerie-d'argent.

Le plaqué, importé d'Angleterre, encouragé par Louis XVI, perfectionné par M. Levrat, soumis au mandrin et au brunissoir par MM. Tourol et Jalabert, est parvenu, depuis quelques années, à un degré de perfection qui lui permet de lutter avec l'orfèvrerie d'argent.

Tout ce qui peut se faire en or, en argent, en cuivre, en ferblanc, s'exécute maintenant en plaqué. C'est indiquer les immenses développements dont cette industrie est susceptible.

Parmi les hommes qui lui ont fait faire les plus grands progrès, nous devons citer au premier rang M. Gandais, dont rétablissement compte, déjà vingt-cinq ans d'existence.

Les premiers efforts de cet habile manufacturier furent concenr très dans l'étude des moyens employés par les Anglais pour produire ce beau plaqué dont la renommée était pour M. Gandais le sujet d'une louable jalousie. Le patriotisme du fabricant/français voulait détruire l'opinion généralement reçue alors qu'il n'y avait de (bon plaqué qu'en Angleterre. Le problème était difficile à résoudre; une persévérance éclairée s'en chargea, et les expositions de 1827v 1834, 1859 el 1844 ont prouvé que le-.but était complètement atteint>

Deux conditions de la fabrication de M. Gandais commandent la confiance. La première, c'est la vérité du titre (le 10e) qu'il emploie presque exclusivement, ce qui a élé vérifié; la seconde, c'est que, pour empêcher les angles de ses pièces de rougir, il les garnit d'une bande d^rgent. Eh outré, tous les anneaux, les pieds, les ornements rapportés sont également en argent pur. Il résulte de ce procédé emprunté aux Anglais que le plaqué de M. Gandais est inusable, ce qui est bien différent de ce qui se faisait auparavant. Aussi une médaille d'argent et une médaille d'or décernées par la société d'encouragement pour l'industrie nationale, plus deux médailles d'argent décernées par lejury en 1834 et 1844, ontelles récompensé d'aussi noblesefforls. Le roi a bien voulu y ajouter lu décoration delà Légion d'honneur et le brevet d'orfèvre-pla? queurdu roi» M. Gandais est le seul fabricant de plaqué de Paris qui réunisse ces flatteuses distinctions.

M. Gandais fuit des services de table à côtes, imitant l'orfèvrerie le plus à la mode, qui pour une table de quinze à vingt personnes ne reviennent pas à plus de 5,000 francs,. C'est un peu moins que ce que coûterait la façon seule de ces services en véritable orfèvrerie. On économise ainsi un capital énorme dont les intérêts seuls accumulés pendant dix ans permettraient le remplacement pur un service neuf, si ce remplacement pouvait être nécessaire.

Duns les premiers moments de l'apparition du nouveau procédé de dorure et d'argenture galvaniques, le public s'est ému pensant à tort que cette découverte allait nuire à l'industrie du plaqué. M. Gaildais a écrit aussitôt et n prouvé le contraire. —Ce procédé, si le temps en démontre lu solidité, viendra en aide au plaqué en lui permettant pour les pièces dites montées, l'usage de ligures el d'ornements de ronde bosse dont l'ancienne argenture altérait les contours en les arrondissant. On a pu voir, à l'exposition de M. Gandais, des corbeilles de dessert en plaqué soutenues par des figures d'enfant ou autres en bronze argenté par Je nouveau procédé. \ N

Le flambeau dont nous donnons le dessin est exécuté coricur-^ remuient en plaqué et eh argent dans les ateliers de M. Gandais ; car*

cet habile fabricant est aussi bon orfèvre qu'il est plaqueur loyal. — Ce qu'il y a surtout de curieux dans cette pièce si remarquable de tous points, et qui n'a pas moins d'un pied de hauteur, c'est qu'elle a pu être faite en argent, et sans nuire à sa solidité, avec 534 grammes seulement (environ 17 onces;. C'est un tour de force que les amateurs admiraient à l'exposition.

NUMERO 2. Plant» liouis X.V, de MM. l'aura et Roger,

rue de l'Université, 151, et rue Richelieu, 112.

La maison Faure et Roger, dont les pianos droits sortirent les seconds à l'examen du jury de l'exposition de 1839, s'est efforcée, par les soins et les améliorations de sa facture, de justifier la position honorable que lui a value, dès l'origine, là distinction flatteuse reçue il y a cinq ans.

Elle s'est jusqu'ici plus spécialement adonnée à la construction des pianos droits à cordes verticales. L'idée féconde de placer dans le piano droit le mécanisme des pianos à queue, appartient au facteur anglais Wornum ; mais elle a subi depuis de constantes améliorations, notamment sous la direction intelligente et progressive de MM. Faure et Roger.

Dans l'ancien système des pianos droits, toute la force du barrage se trouvant derrière, en dehors du tirage des cordes, la table n'offre pus une assez grande résistance et finit toujours par faire plus ou moins l'archet. Pour remédier à cet inconvénienl, MM. Faure el Roger pratiquent avec succès un nouveau système de barrage en bois et fer combinés et solidement liés ensemble comme dans les pianos h queue, dans lesquels, comme on sait, la table d'harmonie et les cordes se trouvant pincées entre les deux parties, le tirage est maintenu dans un équilibre parfait. C'est ainsi que les pianos droits de la maison Faure et Roger, par suite de leur identité de construction avec les pianos à queue, peuvent, jusqu'à un certain point, sous le rapport de la solidité du moins, être comparés ù ces derniers.

Pour faire disparaître en partie le défaut de développement suffisant des.cordes, MM. Faure el Roger ont établi pour leur attache un système de poulies sur lesquelles elles glissent. Ce système permet de placer les chevilles sur le champ du sommier et de consacrer ù la vibration des cordes toute la hauteur de la caisse.

La maison Faure et Roger, l'une des premières sans contredit pour la fabrication des pianos droits, a aussi appelé l'a tien lion du jury sur un piano à queue qui nous parait réunir sur une plus grande échelle les qualités diverses qui distinguent les pianos verticaux de sa fabrication.

Nous offrons a nos lecteurs la reproduction, par le dessin, d'un charmant piano droit, forme Louis XV, en bois de rose porcelaine et dorures, dont le publie a pu admirer à l'exposition le style, la formée la fois élégante et riche. Ce piano, aussi remarquable comme instrument que comme meuble, et construit dans le système décrit ci-dessus, a élé acheté pour l'étranger aussitôt après la fermeture de l'exposition, et fait aujourd'hui l'ornement d'un "'<jlê6"l>liis riches salons de Madrid. ''«4*i——-i : ;

IiS BOUTCXXIXISR , Directeur.

Paris. — Typographie I.ACRAMPR et Comp. rue Dmnletlc, 3.