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Titre : Les Annales politiques et littéraires : revue populaire paraissant le dimanche / dir. Adolphe Brisson

Éditeur : [s.n.] (Paris)

Date d'édition : 1918-07-07

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34429261z

Notice du catalogue : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb34429261z/date

Type : texte

Type : publication en série imprimée

Langue : français

Format : Nombre total de vues : 42932

Description : 07 juillet 1918

Description : 1918/07/07 (N1828).

Description : Collection numérique : Arts de la marionnette

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k5710827c

Source : Bibliothèque nationale de France, département Collections numérisées, 2009-34518

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 01/12/2010

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7 Juillet 1918



N° 1828. - 7 JUILLET 1918


LES ANNALES

LES ROBES CLAIRES

Malgré la gravité des heures que nous vivons, il faut cependant songer à la santé de nos enfants qui pâlissent dans la grande ville aux premières t journées chaudes. Comme des fleurs privées d'eau, les bébés se penchent avec des mines lasses dès que le soleil d' été affadit l'air des villes et rend l'atmosphère malsaine. Vite à ces petits êtres fragiles qui ne demandent qu'à s'épanouir, faisons respirer l' air vivifiant des plages, bouclons nos malles et partons pour ce fameux " petit trou pas

cher », introuvable aujourd hui.

Mais que faut-il emporter pour ces quatre grands mois de liberté, de vie de plein air? Premièrement, le choix des couleurs, plus que jamais cette année, formera un sujet de nombreuses réflexions.Ceci n'est point pour vous étonner, car vous connaissez

! instabilité des couleurs actuelles, puisque même les soies des « en cas » et des parapluies déteignent et pleurent des goutelettes bleues, rouge; et jaunes, par les temps de pluie. Même à l'époque paisible d' avant-guerre, on redoutait la fragilité de certaines couleurs à la mer, dont l'air salia, la brise humide et le soleil ardent rangent et dénaturent si vite la fraîcheur. Maintenant que toutes les couleurs passent, même en ville, raison de plus pour peser la question.

Le blanc est certainement ce qu' il y a de plus joli, et aussi de plus pratique, le blanc est élégant, frais et sans prétention à la campagne ou à

la mer, il passe aussi inaperçu que le noir à la ville. La toilette blanche, si simple soitelle,

soitelle, des souliers blancs; le noeud de ruban sur le cou-de-pied est joli si on n'en exagère pas le volume. Quant aux bas, on peut se permettre la fantaisie de les assortir à la doublure de l'ombrelle ou bien au chapeau ou à quelque détail de la toilette, mais le tout blanc est préférable Une po le toilette de bain de mer élégante et simple est en tussor blanc, les côtés et le dos de la jupe sont un peu dessinés par une longue redingote souple plus allongée derrière que sur les cotés et entièrement doublée de jersey de soie rose. Les grandes manches mitaines cachent à moitié les ma ns et le bas évasé et également doublé de jersey de soie rose comme la redingote. L'ombrelle blanche est doublée de rose et chaque baleine est terminée par une perde de corail, Le petit

chapeau en grosse paille légère, a un bord arrondi, très épais, et la calotte est serrée par un ruban souple, blanc, noué mollement par derrière; deux épingles à chapeau en corail le fixent et ajoutent une jolie note de coquetterie et de recherche Des bas et des chaussures blancs complètent cette charmante toilette discrète et distinguée, dont la sobriété, malgré la teinte claire, ne saurait offusquer les plus sévères des critiques.

Pour les enfants, comme pour leurs mamans, le blanc offre bien des avantages. Ce n' est pas plus salissant que les robes roses, bleues ou mauves, et cela demande beaucoup moins de soin comme entretien, ne se fane pas et se porte aussi bien le matin que l'après-midi, pour une occasion élégante que pour une simple promenade sur la plage. Il y a cependant des coins de Bretagne où s'impose encore une plus grande simplicité à cause de l'isolement et de la difficulté du blanchissage. Rien n'est pratique, dans ces pays un peu sauvages, comme la simple vareuse du pêcheur et du marin breton, courte, ample s'enfilant par la tête, en lainage ou en grosse toile, et porte sur un gilet d oit de teinte vive. La jupe assortie à la vareuse forme un essemble rustique et très réussi.

Le tissu employé doit être un peu pelucheux: en velours de lame canard avec gilet jaune, et petit béret également bleu canard surmonté d'un immense pompon jaune par exemple, ou en toile tabac avec gilet crème et béret crème à pompon tabac. L'effet est très réussi. Ces bérets doivent être petits, et recouvrant presque totalement, la chevelure, seulement quelques cheveux sur la nuque, ainsi que sur les joues, prouvent que la jolie tête ainsi cachée n'est pas chauve.

Plus le tissu du béret est rustique et bourru, plus il est seyant et joli. Ce genre de costume, un peu sportif, mais surtout pratique et charmant à porter, permet souvent de se passer de bas et de rester pieds nus dans des espadrilles.

En ce temps où le; chaussures sont si chères, c'est un grand avantage très apprécié. Beaucoup de femmes cependant n'aimeraient pas se passer de bas. A celles-ci, nous conseillons les gros bas à côtes tricotés à la main, en laine assortie au gilet, dont une légère pointe se laisse apercevoir dans l'échancrure de la vareuse. Les sabots sont tout indiqués avec ce costume, à celles qui savent marcher ainsi chaussées.

SIMONNE B.


N° 1828

LES ANNALES

SOMMAIRE

TEXTE

La Femme et le Foyer: Les Robts Claires.

Simonne B...

Notes de la Semaine : La Pologne à Paris.

Bonhomme CHRYSALE

Les Événements. Léon PLÉE

L'Italie guerrière. G. FERRERO

Lettres de la Cousine :

Ils sont là. Yvonne SARCEY

Les Maisons Claires. Yvonne SARCEY

Les Échos. SERGINES

Bloc-Notes : L'Inflexible résistance, Alfred CAPUS

Coins de Paya : Paris-Province.

Abel HERMANT

Les Poèmes.

André RI VOIRE Henry de FORGE

Les Livres. Roland de MARES

Les Bonnes Pages des Livres Nouveaux : Siona chez les Barbares.

Myriam HARRY

Au Conservatoire. Adelphe BRISSON

Pensées brèves .

Gustave LE BON

La Vocation de Poulbot.

Henri LAVEDAN

Le Retour de Linov, roman (suite).

François FABIÉ

Revue Financière de la Semaine.

THEATRE

LES GOSSES DANS LES RUINES Idylle de guerre '

par Paul GSELL et POULBOT,

illustrée de

35 dessins inédits de Poulbot

MUSIQUE

J'ons eun joulie maison ! par Déodat de Séverac.

ILLUSTRATION

ULa bataille italienne : Chemin de fer aérien pour le transport des blessésLes

blessésLes d'une action, locale dans la région de la Somme (4 photos).

Poulbot dans son atelier de Montmartre.

Escarmouches, par Henriot.

Couverture :

Les Gosses dans les Ruines.

Dessin inédit de Poulbot,

Notes de la Semaine

La Pologne à Paris

LES Polonais combattant en France ont reçu leurs drapeaux des mains du Président de la République. Des paroles chaleureuses accompagnaient ce don national et en rehaussaient le prix. Le discours prononcé par M. Raymond Poincaré n'est point un morceau d'éloquence officielle, froidement correct et prudemment nuancé. Ce fut un cri ardent, sincère, jailli du coeur. Jamais aussi bel hommage n'avait été offert à la nation héroïque et malheureuse. Avec une délicatesse émue, l'orateur a résumé l'histoire des deux pays, évoqué les liens qui, de tout temps, lès unirent.

" A la France vous rappelez, par une image sensible, l'indignation qu'ont, dès l'origine, soulevée chez elle le supplice d'un peuple et le morcellement d'une patrie ; la longue amitié, jadis trop souvent impuissante, que nous avons gardée à l'infortune ; l'accueil fraternel fait à tant d'exilés ; le continuel mélange du sang français et du sang polonais ; les combats livrés en commun dans les rangs de la Grande Armée ; plus près de nous, les mêmes épreuves supportées côte à côte dans l'hiver de 1870, et plus près encore, pendant les rudes années de la guerre actuelle, tant d'actions d'éclat accomplies par des Polonais engagés volontaires, tant de protestations apportées dans nos lignes par des paysans de Posnanie, las de leur enrôlement forcé dans les troupes prussiennes. »

La mort affrontée côte à côte cimente, en effet, cette affection séculaire, toujours vivante et mutuellement prête à se prouver. Voilà cent cinquante ans que les habitants de la Pologne opprimée, réduits à fuir l'esclavage, trouvent chez nous une seconde patrie. L'âme d'Adam Mickiewicz flottait dimanche matin parmi les bannières fièrement déployées. Comment, en pareil jour, ne pas prononcer le nom du poète, annonciateur de la résurrection polonaise et dont les voeux, nous l'espérons, vont être comblés. Mickiewicz visita d'abord l'Allemagne, il voulait rendre ses devoirs à l'auteur de Werther. Une brochure anonyme, attribuée à Loménie, retrace les épisode de ce voyage :

« Vers la fin de 1829, un homme jeune encore et déjà marqué au front du triple sceau du génie, de la persécution et de la gloire, traversait l'Allemagne pour se rendre en Italie et passait par Weimar. Le vieux Goethe terminait alors paisiblement les derniers jours d'une royauté littéraire de cinquante ans ; les chants du barde étranger étaient parvenus jusqu'à lui, il voulut le voir ; ces deux apôtres de deux cultes opposés se reconnurent au signe maçonnique du génie et fraternisèrent au nom d'une croyance commune, la poésie ; le grand panthéiste fit présent au barde catholique de la plume avec laquelle il écrivait son second Faust, et il lui demanda son portrait.

Notre statuaire David (d'Angers) se trouvait alors à Weimar ; il fixa sur un médaillon la figure grave et accentuée de l'étranger. »

Malgré la cordialité de son accueil, Mickiewicz étouffait auprès du grand homme, dans l'atmosphère d'une ville provinciale, étroitement hiérarchisée, pliée à la discipline du caporalisme prussien. Il avait besoin d'air et de liberté. Il ne respira qu'à Paris. Michelet et Quinet le présentèrent au philosophe Cousin, ministre de l'Instruction publique, et obtinrent que le Collège de France lui fût ouvert. Le rayonnement de ses leçons, leur influence sur la jeunesse, l'enthousiasme qu'elles déchaînèrent ont été souvent décrits. J'ai sous les yeux le cahier d'un « auditeur » qui, vingt années plus tard, fixait le souvenir de l'enseignement du maître et des admirations fanatiques groupées autour de sa chaire :

« C'était le temps où, pendant une semaine, on retranchait la meilleure part de son dîner pour avoir le prix d'une place de parterre à la Comédie-Française ou au Théâtre-Italien. Le lendemain on courait au Collège de France entendre des paroles passionnées. Le professeur (sa voix est muette aujourd'hui) parlait un peu de la. littérature des Slaves et beaucoup de leurs infortunes. L'auditoire haletait. Tout à coup des proscrits polonais se levaient comme poussés par un ressort. Ils étaient pâles, et des larmes pendaient à leurs longues moustaches. Les bras en l'air, ils criaient : " Vive la France ! » et tous les Français de se lever et de crier : « Vive la Pologne ! » Un Anglais restait assis et silencieux, pressant de ses deux bras son chapeau contre sa poitrine. Il pleurait comme les autres... »

Le tableau n'est pas exagéré. Des témoignages contemporains et particulièrement celui de Michelet le confirment.

« Nous l'avons vu quelquefois plus qu'un homme, dit-il ; des larmes mêlées d'éclairs erraient dans ses yeux langlants. "

L'empire imposa silence à cette voix trop hardie. Les cours de Mickiewicz furent suspendus. Michelet et Quinet subirent le même sort. Les trois amis unirent leurs regrets et leurs espérances. Nommé bibliothécaire à l'Arsenal, l'illustre proscrit, un moment découragé, se recueillit, mena une existence familiale et retirée. « Il corrigeait mes copies, raconte son fils, surveillait mes études, rêvait longuement, le soir, au bercement des morceaux favoris que jouait ma mère, musicienne parfaite. " La pire des épreuves l'accabla. Il perdit cette compagne qu'il adorait. Il ne lui survécut pas longtemps. Au delà de la tombe, il essuya des persécutions. C'était son destin. Jusqu'à la fin du siècle dernier, les marchands, en Pologne, n'avaient pas le droit d'exposer sa photographie. On lui vouait un culte secret et d'autant plus fervent.

Aujourd'hui l'heure de la revanche a sonné. Mickiewicz, ce visionnaire, affirmait que les peuples, comme les individus, ont des devoirs envers eux-mêmes et envers les autres ; il prêchait la croisade pour l'affran-


LES ANNALES

N° 1826

chissement de l'humanité ; il se croyait l'écho de la conscience universelle. O miracle ! Ses chimères prennent corps. Des horreurs d'une guerre monstrueuse, naîtra peut-être la délivrance. L'illusion d'hier sera la réalité de demain.

LE BONHOMME CHRYSALE.

LES EVENEMENTS

29 Juin.

LA DÉCLARATION KUHLMANN. — Il en Coûte à von Kuhlmann, l'homme du brutal « Jamais » dans les discussions sur le retour de l'Alsace-Lorraine à la France, d'avoir voulu faire la leçon aux pangermanistes, aux junkers, au parti militaire, et pensé mettre au point le dernier discours impérial et la déclaration lapidaire : « La victoire de la conception allemande dans le monde, voilà ce qui est en jeu. » On sait qu'à chaque offensive nouvelle ou reprise d'offensive les dirigeants allemands essaient de justifier les hécatombes prochaines, ils en rejettent les responsabilités sur les Alliés, sur leur « obstination à ne pas reconnaître la victoire de l'Allemagne », à repousser ses avances, ils esquissent de vagues programmes de paix ; et devant ce même Reichstag où, la veille encore, le député minoritaire Ledebour ne craignit point de mettre, ô profanation ! les Hohenzollern en cause, de parler de « règlement de comptes », le sous-secrétaire d'Etat aux affaires étrangères n'avait pas manqué à cette thèse et refait le procès de l'Entente, celui de l'Angleterre, le nôtre et celui surtout de la Russie, " son bouc émissaire ».

C'est elle, c'est le gouvernement du tsar qui aurait voulu la guerre par peur de la Révolution. Jamais l'Allemagne n'eût songé à commettre un « pareil crime, alors que les paroles prophétiques du « vieux Moltke » résonnaient encore à ses oreilles : « Avec l'énormité de: moyens actuels une guerre durerait " sept ans », trente ans, et malheur à qui mettrait l'Europe à feu ». La thèse passa, mais quand, après le couplet obligatoire sur les victoires de l'Allemagne et la « conduite géniale que Dieu aurait donnée à ces armées " von Kuhlmann déclara « qu'on ne pouvait attendre la fin de la guerre des seules décisions militaires » ce fut un véritable hourvari. Au nom des conservateurs, le comte Westarp le traita de défaitiste ou presque, et le chancelier tentait en vain de le couvrit', il affirmait que les déclarations du ministre des Affaires étrangères « ne signifiaient aucun attiédissement dans la volonté de résistance du pays, clans sa confiance dans la victoire ». Et von Kühlmann se voyait luimême sommé de se rétracter. Il le fit de telle façon, d'ailleurs, que ses paroles premières ne perdent rien de leur valeur et font leur chemin, surtout en Autriche.

A part cela le plaidoyer, l'appel de Kühlmann à l'Angleterre, ne contient rien qu'on ne connaisse. Ce sont toujours les mêmes mensonges, la même; imprécision sur les buts de guerre de l'Allemagne. « L'Allemagne veut être libre, indépendante et forte dans les frontières que lui a tracées l'histoire ; au dehors elle veut la liberté des mers et des territoires répondant à ses capacités colonisatrices... » Comme si elle n'avait pas eu tout cela, lorsqu'elle déchaîna le grand conflit mondial ! La Wilhelmstrasse dit attendre des propositions, mais tout dans son langage les écarte. Son silence même sur le règlement de la question belge est significatif.

L' « INDEPENDENCE DAY ». Puis, si

les Allemands, no peuvent, comme l'avoue Kühlmann, terminer la guerre par les armes, les Alliés ne pensent pas de même, les Alliés et surtout les Américains qui en ce dernier anniversaire de leur indépendance avaient déjà en France près d'un million de soldats. « Bel exemple de ce que peut la liberté, remarque le président de la Chambre. Désormais ainsi que l'a dit le ministre de l'Intérieur en proclamant l'Independence. Day, fête nationale française, comme notre 14 Juillet sera fête américaine, tout est commun entre les deux républiques soeurs... Avec l'Amérique et par elle nous et nos alliés sommes sûrs de vaincre si nous savons attendre en combattant. »

LA VICTOIRE ITALIENNE. — Il ne faut jamais vendre la peau de l'ours, surtout à la guerre, et les généraux autrichiens le savent encore une fois, qui, dès le 23 juin, moins de dix jours après leur présomptueuse offensive, se virent obligés de repasser le Piave, de le repasser en désordre, alors que leurs bulletins les montraient en marche sur Trévise. Les divisions de Borcevick qui avaient pu déboucher par les têtes de pont établies du Montello à Santa Dona se trouvèrent brusquement coincées entre les armées italiennes, très en force, décidées à vaincre, à sauver Venise, et la rivière elle-même, qui, « très italienne » eu ces heure., angoissantes, comme a dit le ministre Orlando. gonfla brusquement ses eaux, empêcha l'afflux des réserves autrichiennes. Et quand ce flot patriotique eut passé, il était trep tard : les soldats de Borcevick démoralisés, décimés par le feu de l'artillerie italienne et contre-attaqués sans trêve, n'étaient plus en mesure de lutter et regardaient derrière eux. Car par un caprice subit, le Piave se trouva brusquement à sec., Si d'ailleurs il donna à l'ennemi certaines facilités pour se dérober, il permit au vainqueur la poursuite la plus fructueuse. La cavalerie italienne lancée sur un adversaire absolument rompu lui fit près de vingt nulle prisonniers, lui prit de nombreux canons, récupéra une partie de l'artillerie perdue sur le Tagliamento.

Les Autrichiens ne manquent pas de rejeter sur ces caprices du Piave leur indiscutable défaite — mais la bataille était irrémédiablement compromise pour eux du jour où le présomptueux Conrad de Hoëtzenderf échoua dans son attaque du mont Grappa. C'est là qu'était la clé de la bataille ; et même sans la crue du Piave le mouvement tourna il de l'aile gauche autrichienne par Musile eût été inopérant. Le. tort du nouveau Mélas et de son collègue Borcevick fut de ne pas juger à sa juste valeur la puissance de l'armée italienne. En tout cas la victoire de nos frères d'armes, victoire qui est un peu la nôtre, puisque nos soldats combattaient à leur gauche, est aussi belle qu'opportune. Elle vient à l'heure où la double monarchie souffre littéralement la faim, où l'Allemagne lui refuse, et pour cause, un peu de pain, lui dispute le blé de l'Ukraine, où elle n'est pas, comme son généralissime en fait l'aveu, sûre de tous ses soldats, des Slaves, des Tchèques qu'elle contraint à se battre contre leurs libérateurs. Les séditions militaires se multiplient à l'arrière parmi les troupes slaves qui tuent les officiers d'origine allemande. Vienne est, faute de vivres, en pleine effervescence. La Hongrie se ressent elle-même des événements. Guillaume Il y est journellement injurié dans les réunions publiques. Certes, l'armée austro-hongroise n'accepte pas sa défaite, mais ni l'empereur Charles, ni son double gouvernement ne cachent leur désarroi. ZEONPLEE

L'ITALIE GUERRIÈRE

Ces lignes du grand historien l'errero commentent éloquemment l'admirable résidance qu'opposant nos alliés à l'affensive cutichienne et la vigueur de leur riposte.

Nous sommes, de même que tous les autres peuples de l'Europe, dans les mains de Dieu ou du Destin — comme vous voulez.. L'Italie a noblement racheté la faute de la guerre de Tripolitaine, intervenant dans la plus terrible des guerres, sans y être obligée par une attaque directe, à côté des peuples qui ont été victimes de l'agression allemande et qui luttent pour sauver l'Europe d'une intolérable hégémonie. Mais l'élan qui l'a poussée à la guerre, n'a pas été. comme on le répète trop souvent, une simple explosion du sentiment national. Il a été quelque chose de beaucoup plus compliqué et de beaucoup plus profond. Le besoin d'en finir avec un système de gouvernement artificiel, contradictoire, énervant ; la honte d'avoir subi si longtemps et si docilement l'influence allemande ; l'horreur et la crainte de cette puissance monstrueuse, appuyée sur le nombre, le fer, l'autorité monarchique, le prestige de l'armée, la crédulité, les appétits aveugles et le courage féroce des masses exploitée; par une oligarchie énergique et sans scrupules le désir de reconquérir, avec des frontière; plus sûres, notre indépendance morale, l'aspiration confuse mais ardente à une vie plus noble, plus élevée, plus heureuse, ont poussée l'Italie à entrer clans la lutte. Une coalition d'éléments différents a brisé les résistances officielles qui s'opposoient à cet acte de noble sacrifice, et vaincu les hésitations des masses.

Cette coalition a rendu un grand service a l'Europe ; mais elle a pris sur elle-même deux graves responsabilités. Elle s'est engagée avec les puissances alliées à faire faire au pays tout l'effort dont il est capable pour la cause commune ; et elle s'est engagée envers le pays à lui donner par cette guerre a.on ses frontières naturelles, une prix sûre et sincère, l'indépendance morale et une existence délivrée de l'obecession des exemples et de la force allemands La condition qui a voulu la guerre pourrait un jeter en cour gros risques, si elle ne réunissent pas à leurs

car les maires, héritantes jusqu'à la de l' exe tion de guerre, cal accepté le bord exerce qu'on leur demandait avec on mou.: o .1 ; n. dignité admirables. Que les puissances alliés l'aident de toutes leurs forces à voir le second engagement, en';; qu' elle a pris asoson pays, en se rendent compte des limites posées à l'action de l'Italie par les circonstances qui ont déterminées sa participation a la guerre. Il ne faut jamais oublier orne le problème de la guerre ne se rose pas de la même manière pour le souvenement d' un pays à qui la guerre a été imposée par une agression brutale et pour le gouvernement d'un pays qui a cherché et voulu la guerre pour des raisons politiques et nationales, dont la valeur peut toujours être mise en discussion-. Se rendant bien compte de celle situation, les nations alliées pourront mieux aider le gouvernement italien et être aidées, par lui à atteindre le but commun : la victoire, qui donnera à l'Europe la profonde sécurité d'une paix juste et sincère.

G. FERRERO.


N° 1828

LES ANNALES

Les Lettres de la Cousine

Ils sont là. ! Ma Chère Cousine,

— Ils sont là !...

— Qui ?

— Les Américains !

Ah ! les braves soldats, les fiers hommes, les gars solides, les coeurs chauds... depuis un mois ils se battert et nos vieux poilus, ceux qui depuis quatre ans étonnent le monde de leurs prouesses n'en reviennent pas de ces compagnons d'armes, si gentils, si simples, qui bouffent du Boche avec enthousiasme et font à leurs côtés une besogne du diable. On dirait qu'une nouvelle espérance est entrée dans les camps avec ces frères kaki, tout frais, et dont la jeunesse irrésistible a quelque chose d enchanteur... On les sent bouillants de vaincre, ardents à donner leur vie, enivrés d'une flamme intérieure et cependant maîtres de soi... Ils ont en eux un idéal qui les éclaire mais pas jusqu'au point de leur faire perdre le sens commun. Don Quichotte n'est pas leur homme, et les moulins à vent ont beau tourner et tourner encore, ce n'est point contre eux qu'ils ébrécheront leur lance... Il leur faut des ennemis plus solides, et des dangers plus réels. Et justement, ce qu'il y a de charmant dans leur nature c'est ce mélange parfait de raison et d'idéal.

Ils ont une devise: Tout pour la France ! et un rêve : sauver l'humanité de l'esclavage !... Et ce rêve-là, ils le vivent hardiment... Ils ne se payent pas de mots, ni de phrases creuses, ils agissent...

— Etes-vous content d'être à Paris demandais-je à un soldat, un grand garçon aux épaules d'athlète, aux yeux de pervenche.

— No, pas content, répondit-il en riant, d'un bon rire candide, pas content du tout. II savait peu de français, et moi pas du tout d'anglais, les joutes psychologiques ne nous étaient pas permises, cependant il tenait à expliquer sa pensée :

— Paris joli... très joli... Il prononçait tjoli... Front tjoli... plus.

Ceci, avec l'accent râpeux du pays, était d'une saveur et d'un héroïsme délicieux. Et il disait la vérité ce grand gosse bien râblé, au regard énergique et doux. Il voulait aller se battre, il avait traversé les mers pour donner une raclée aux Boches. « Tout pour la France ! » et il trépignait d'impatience dans ce Paris qu'il aurait bien le

temps de trouver « tjoli " plus tard... après... lorsqu'il n'y aurait plus sur la terre que des coeurs loyaux, comme les fils de Wïlson, comme les poilus de France, comme les amis alliés.

Un autre trait qui caractérise les soldats américain, et les rend sympathiques, c'est leur conscience parfaite de la justice... Ils ont poussé jusqu'au culte le sentiment de ce qui est juste et de ce qui ne l'est pas. Sans emballement, avec une méthode réfléchie,

ils se rendent compte d'abord, puis découvrent

découvrent supériorité où elle se trouve, et avec une bonne grâce émouvante, lui rendent hommage...

« Nous ne savons pas faire la guerre ", déclaraient-ils, il y a quelques mois, et comme des écoliers très sages, ils se sont mis à apprendre passionnément cet art que les poilus pratiquaient en maîtres... Ils n'ont pas craint d'avouer leur incompétence là où elle existait, et parce qu'ils étaient des hommes ferts, ils eurent le suprême courage d'oser " étudier ". Ils ont interrogé, avec déférence, leurs aînés, sollicité les conseils, ils ont su voir et comparer. Et avec la même bonne foi, ils ont reconnu leurs avantages. Les Américains ignorent la flatterie, autant que le dénigrement ; ils ont une mission à remplir et ils la remplissent avec cet esprit de justice qui est leur génie.

Et c'est ce mélange incomparable de candeur, d'honnêteté, de volonté et d'ardeur qui fait l'Américain. On retrouve en lui les appétits rudes des races jeunes, et la flamme divire des peuples qui ont un passé. Et puis leur joie a quelque chose de sain, de fort et presque d'enfantin... Rien n'est plus charmant que de voir ces colosses manier un enfant... Ils leur témoignent des tendresses de bon géant caressant une fleur...

" Viens, mon petit hamoureuse », dirait un superbe soldat à une gosse qui pleurait parce qu'elle allait quitter sa mère. Le « petit hamoureuse » pouvait avoir entre cinq et six ans ; interdite, elle leva ses yeux noyés de larmes et regarda ce demi-dieu qui l'enlevait de terre comme une plume pour la déposer dans un camion ; elle sentit sur ses petites joues zébrées de crasse et de larmes un baiser sonore, et vit le héros penché sur elle, une bille de. chocolat dans la main.

L'enfant trouva l'aubaine tellement à son goût, que sans cérémonie, elle jeta ses petits bras autour du grand guerrier et ce fut un instant délicieux et presque symbolique, que celui de ce soldat américain ayant consolé l'enfant du poilu de France.

Oui, ils sont là !... ils se couvrent de gloire, et on les aime... Comme l'océan déferle ses flots, l'Amérique déverse des vagues humaines... Ils viennent... ils viennent.. c'est la bonne tempête ! dans un roulis, dans un fracas, dans un tumulte joyeux, ils apportent leur jeunesse prête au sacrifice, ils apportent leurs armes, et tous les engins terribles et magnifiques qu'ils comptent faire servir à leur idéal : " Tout pour la France ! »

La flamme aux yeux. loi poings solides, ils s'avancent, saluent le Paris " tjoli ", puis courent au front plus " tjoli ". . Et le flot monte... Ils viennent encore... ils viennent toujours... Les premiers à l'honneur se battent comm des lions... comme des poilus, disent-ils, et les autres, frémissants, espèrent leur tour... Et nous, le? mères qui avons tant attendu et tant tenu ! Nous qui ne comptons plus nos deuils et nos douleurs, nous écoutons, le coeur battant, cette gigantesque rumeur... Ils viennent, ma soeur... vous dis-je... Ils viennent !... Ils sont la ! La mort de nos enfants n'aura pas été inutile... Toute cette peine, toute cette misère

qui désolent la terre, ne resteront point sans récompense... Nos poilus n'auront pas souffert en vain. Les fils d'Amérique viennent, livres de jeunesse et d'ardeur... Ils viennent !...

Ah ! vraiment, nous avions bien mérité cela !...

Et comme ils les délestent bien ces Allemands de malheur... Comme ils comptent leur faire leur affaire... C'est à coups de pieds dans le... qu'ils espèrent les recondui e jusqu'à Berlin... disait en riant un Américain, ravi de l' enthousiasme juvénil, et presque imprudent des guerriers de son pays...

Qu'ils les jettent simplement hors de nos chères provinces et que nos poilus et les géants k,. plantent ensemble le drapeau des Alliés sur la cathédrale de Strasbourg... Nous n'en demandons pas plus...

Ah ! ce jour-là, je crois que nous aurons tous l'âme du « petit hamoureuse »... Mais n'anticipons pas, comme dit la chanson... et contentons-nous, tous Français et Alliés qui avons soutenu tous les chocs avec allégresse, contentons-nous de répéter : « Ils sont là !... Il sont là !... »

D'ailleurs l'Américain est devenu populaire aussi bien à la tranchée que dans le Paris « tjoli "...

L'autre jour, un fiacre passe, une personne d'âge mûr le hèle ; un major américain qui n' avait point aperçu le geste, fait signe au cocher presque au même instant. Le brave homme hésite un instant... Et comme pour consulter la darne :

— L'Amérique d'abord, s'pas... La derme fait signe que oui.

Et le major américain, avec, ce sentiment de justice qui est le fonds et la poésie de leur nature, dit en saluant galamment et dans un français impeccable :

— Cette voiture est à vous, madame. Alors l'automéden, qui tenait à sa

petite manifestation, tout en chargeant la dame, lève son fouet, cric : " Vive l'Amérique »...

Ce cocher exprimait quelque chose de l'âme française.

IVONNE SAUCEY.

Les Soldats-Cousins du Canada

P.-S. — Au moment où je des cette lettre, je reçois de notre cercle d'Ottawa, dont la Présidente est Mme Tremblay, cette belle lettre :

" Le 6 mai courant, le Cercle des Annales a réuni pour une causerie-concert les officiers et soldats du 1 bataillon des chars d'assaut (tant corps) canadien, composé de de pos universités, hautes écoles professionnelles, la fine fleur de notre belle jeunesse canadienne française... Nous les avons faits membres honoraires de notre cercle, petite attention qui leur a fait plaisir. Voici chère cousine, ce que je me suis permis de leur dire :

" En France, où vous serez bien vus comme soldait, canadiens, je n'en doute pas, réclamez-vous de votre titre de membres du Cercle des Annales d'Ottawa. Cela vous vaudra des amitiés plus chaudes, vous serez de la grande famille des Annales. Plusieurs d'entre vous iront sans doute à Paris, ne


LES ANNALES

N° 1821

fut ce que pour le triomphe. Allez au n° 51 de la rue Saint-Georges, demandez la cousine.

cousine. vous rappellera la chère maman laissée de ce côté ici de l'Atlantique...

" Ai-je eu tort cousine ? Je sais qu'ils seront discrets nos gars et ne s'imposeront pas. Mais donnez à nos petits soldats canadiens un peu de cet amour que vous prodiguez à nos chers poilus. Ils seront, eux, si loin des leurs ; bien qu'en terre française, la terre bénie des aïeux, ils seront des étrangers quand même... Que la charmante famille des Annales leur soit aussi une famille. Ils sont porteurs d'une carte que j'ai signée et qu'ils vous présenteront. »

Ah ! oui ils seront les bienvenus, les chers petits Canadiens. Quelle fête nous leur ferons. Et s'ils vont en province je les recommande à toutes nos familles, qu'elles leur ouvrent leur maison, leur coeur ; qu'ils retrouvent chez nous : la Patrie, la Famille.

Y. S.

LES MAISONS CLAIRES

pour les Enfants pauvres de nos Soldats

ts. •-: cm.si. v par tr t;-.-Ss: .s -s.. S. v.-c s.; 10 aout 1917

Par quel bout commencer ?...

Faut-il donner des nouvelles de nos soixante-six colonies de Chambres Claires ? car elles sont soixante six aujourd'hui et seront quatre-vingts demain !.. Faut-il parler de nos Maisons Claires qui suivent un mouvement ascendant presque aussi beau ?... Faut il dire que nous avons exactement 1.788 enfants au soleil, et que leurs lettres nous sont une source de joie ?...

Faut-il annoncer la grande nouvelle qui nous arrive de Borren et l'initiative admirable de M Fountaine et Ramson ? Mais non, c'est encore une surprise...

Faut-il parler de l'autre adorable projet de San- Francisco où vingt dames de ville veulent joindre leurs efforts pour fonder aux environs de Paris, la Maison Claire de San-Francisco ? De soupçonne fort que Mme Mercey et Callum ne doivent pas être étrangères à ce mouvement...)

Faut-il ?... On voudrait avoir dix cerveaux, dix journaux, dix plumes, pour pouvoir combiner, raconter tous ces faits miraculeux qui donnent du bonheur pour nos enfants.

A l'heure où vous lirez ces lignes, j'aurai l'honneur de conduire à Barcelone, les cinquante enfants demandés en Espagne. Je vous dirai ce beau conte de fées au retour. Sachez seulement aujourd'hui que le comité présidé par M. Sauvalle, par M. René Garnier et le poète Apeles Mestres, non seulement a pu offrir deux Maisons Claires à notre oeuvre, l'une à Arenysde-Mur, l'autre à Lavaneras ; l'une de filles, l'autre de garçons... mais des souscomités se sont fondés à Sabadelle et à Mauresa, et ce premier convoi sera suivi tout de suite d'un second convoi du même nombre. Nos amis de Barcelone prennent un tel souci de nos enfants qu'ils ont voulu qu'un comité de dames et de jeunes filles mît une grâce maternelle sur leurs

jeunes têtes. Mme Klein fut nommée Présidente ; Mmes Auvinet et Oriol Marti, VicePrésidentes ; la secrétaire générale est Mme Charles Garnier ; et les secrétaires adjointes, Mlles Risler et Courbery. Toutes ces dames se font une fête de choyer les enfants de France, de les aimer et de leur montrer les splendeurs du littoral, car notre colonie s'ébattra au bord de la mer. Mais ce n'est pas tout... Un comité médical composé des docteurs Jose Maria Roca, Jacinto Marti, et Serra de Martinez ont bien voulu accepter d'examiner les enfants à leur arrivée et de les suivre ensuite pendant tout leur séjour aux Maisons Claires.

M. Charles Garnier me disait l'enthousiasme des Barcelonais pour la France, le plaisir qu'ils auraient d'entendre la parole française, il me fit même l'honneur de me demander une conférence, mais j'entends de trop beaux exemples à l'Université pour oser me comparer à ces maîtres, et je promis mieux... M. Dalimier, notre ancien SousSecrétaire d'Etat, ministre des Beaux-Arts, qui est un orateur incomparable qui aime les enfants (ceux de l'Orphelinat des Arts de notre chère Mme Poilpot en savent quelque chose), M. Dalimier promit de faire une causerie sur « Les Enfants de France ". Tout Barcelone est en rumeur, et une si tendre réception vaut bien les quatre jours de voyage qu'il faut s'offrir pour goûter quarante-huit heures de ciel d'Espagne.

Le colonel Choulot, de Perpignan, avec une bonne grâce merveilleuse, facilite l'exode de nos petits, et la ville de Perpignan met une égale bonté à accueillir nos enfants.

Il nous reste à peine de place pour parler des autres colonies, disons-en deux mots: qu'il est parti cette semaine seize enfants à la Maison Claire de Saint-Alvère ; vingt à la Maison du Vieux Logis, dans la Sarthe, maison entourée d'un parc immense ; 15 au Château de. Meillac, dans la forêt druidique où s' élève un vieux château de légende; dix à la Maison Claire de Chaville, si blanche, si claire dans son cadre de verdures, ses bois frais et son morceau de la forêt de Clamait ; douze à la Colonie Claire de Dijon, où M. Patriarche rede'

rede' " - r deuxième convoi

Je reviendrai sur toutes ces colonies, mais avec ou sans détails, que nos cousines sachent simplement ceci, que grâce à elles, tous les soirs 1.788 enfants s'endorment heureux. Qu'elles se disent cela, et leurs rêves seront doux. Toutes ces petites têtes innocentes écartent le malheur du foyer, et là-bas au front nos soldats sont contents.

La Présidente des Maisons Claires, YVONNE SARCEY.

SOUSCRIPTION

Pour les « Maisons claires »

Montant de la souscription au 19 juin, 534.757 fr. 40 Total de la 53e liste arrêtée le 25 juin, 3.837 fr 35

Subventions 18.325 fr. »

Total général. . . . 556.320 fr. 75

(l'adresse v: '■'■ -"s-''-'" des souscripteurs.)

Mme Francis Thomé a marqué victorieuse ment son 51.379e envoi.

Mais ce qui nous manque cette année, c'est le linge. Mouchoirs, serviettes nous font défaut, et si on savait ce, que nos soldats l'accueillent avec plaisir ! Les mouvements de troupe, les replis, les avances font qu'ils n'ont pas toujours leur sac... et ils aiment tant, avec un morceau de toile fraîche, un bout de savon, faire leur toilette... Le linge peut être envoyé aussi usagé qu'on veut.

L'Adoption des Prisonniers

Une Fête à Ruffec

Notre chère présidente du comité de Ruffec. Mme Dagassau, a organisé une vente de charité pour « l'Adoption des prisonniers » qui a pleinement réussi.

Sur les vastes pelouses et dans le joli cadre de verdure du jardin de M. le Président du Tribunal et de Mme Dagassau, d'élégantes vendeuses offraient jouets, fleurs, objets utiles. La recette fut belle, dix-sept cents francs. « Nos jeunes marraines pourront maintenant entretenir plus largement les filleuls que vous leur avez confiés, et nous vous en demanderons d'autres » écrit la bonne et charmante présidente.

Nous lui témoignons toute notre reconnaissance, ainsi qu'aux généreux amis Ruffecois qui ont contribué à l'éclat de cette fête.

Glissons vite cette demande :

Le lieutenant André Cabanne, camp d'officiers prisonniers, à Furstenberg (Mecklenburg), demande instamment pour lui et ses camarades quelques livres. Le camp ayant été primitivement anglais, ils n'ont aucune bibliothèque ni distraction françaises.

Pour les Aveugles de M. Brieux

M. Brieux, cette semaine, dans son journal des blessés aux yeux, fait un appel émouvant à tous ses amis de la première heure. Il leur montre le chemin parcouru — et les charges de l'oeuvre qui secourt trois cent soixante et onze familles — il leur demande de ne pas oublier ces victimes de la guerre à un moment où le prix de la vie dépasse toutes les limites raisonnables. nous sommes tranquilles, nous savons que la grande voix de M. Brieux sera entendue et que « ses glorieux enfants » ne manqueront de rien.

Le Journal de l'Université des Annales

Sommaire du N° 14-15 (N° double) 1er-15 juillet Contes et Chansons populaires de France (9 leçon) : Poitou, Saintonge, Aunis, Angoumois,

Conférence de M. Jean Richepin accompagnée de 18 morceaux de musique

Le Chant du Nil

Conférence de Mme Lucie Delarue-Mardrus La Vie à l'Hôpital

Conférence du docteur Raoul Baudet

Le Rivage des Cieux

Conférence de M. Francis Jammes

L'envers d'une Conspiration (Grenoble 1816) première partie

par M. Frédéric Masson

Nombreuses illustrations : Vues de l'Egypte, des Pyrénées. — La vie dans les hôpitaux. — Vieilles estampes, etc.

Les 24 Nos de l'année scolaire : 12 francs.


N° 1828

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LES ÉCHOS

BLOC-NOTES

L'INFLEXIBLE RÉSISTANCE

Le calcul de l'ennemi sur notre résistance militaire a été aussi faux que son plan d'atlaque du moral d'arrière. On voit par les journaux ce que l'Allemagne attendait de ses gothas et de ses gros canons de bombardement. Elle escomptait une panique générale, coïncidant avec le premier ébranlement de notre front, et créant ainsi des possibilités de défaite. C'était ignorer un des traits essentiels du caractère français, dont les faiblesses ne sont pas durables ; qui, à de certaines heures, au contraire, se fortifie devant le risque et sait jouer le tout pour le tout avec une extraordinaire audace. Nous compensons, par ce ressort soudant, nos manques de prévoyance et nos défauts d'organisation.

L'état-major allemand n'a donc pas à compter sur la défection de Paris, quelque brutale science qu'il ait mise à la préparer. Ni sur la dé-faction de Paris, ni sur la défection politique, ni sur les lassitudes de la province, ni sur nos divisions. Tout, en France, est de nouveau ramassé, concentré pour une résistance

inflexible.

ALFRED CAPUS.

de l'Académie française.

Le soldat italien

La vaillante armée italienne vient de conquérir sur le Piave, de nouveaux titres de gloire. A l'assaut formidable de l'Autriche, elle a opposé une ardeur, une ténacité, un courage qui ont forcé l'admiration de ses alliés. M. Henri Charriant qui a vu le soldat italien à l'enivre, nous dit que sur le front, lorsqu'un capitaine demande quelques hommes de bonne volonté pour une entreprise périlleuse, toute la compagnie s'avance d'un seul élan, il faut chaque fois tirer au sort.

Cinq hommes furent ainsi chargés un jour d'une mission particulièrement délicate : il s'agissait d'aller faire éclater, en terrain ennemi, au moyen d'explosifs, des conduites d'eau dont la pression faisait fonctionner les installations électriques des Autrichiens dans la région du Rovereto. L'expédition fut heureuse. Les tuyaux furent crevés. Mais il avait été recommandé à ces hommes de ne pas prononcer un mot quoiqu'il arrivât. Et lorsqu'ils revinrent, après des heures de tension surhumaine, l'un d'eux était devenu muet.

Le soldat italien est le frère du poilu français. Comme lui il est débordant de belle humeur. L'horreur tragique des combats disparaît dans la gaîté de la vie de camp. Il rit du miaulement des obus quand ils passent — balle qui siffle n'est pas à craindre, dit un proverbe en usage de l'autre côté des Alpes — il rit de leur grondement quand ils éclatent. Tout devient pour lui source de rire et de réflexions plaisantes. Il a parfois des mots heureux.

Des soldats apportaient sur un plateau des matériaux de construction. « Qu'allez-vous faire là ? » leur demande quelqu'un. L'un des maçons improvisés répondit : « La maison du prolétariat militaire. "

La discipline et l'élan de nos valeureux alliés ont interdit à l'ennemi l'accès des riches plaines qu'il convoitait...

Et les jours à venir sont lourds de promesses heureuses...

L'âme et le caractère de Nicolas II.

Au moment où nous mettons sous presse le bruit court, avec persistance, de la mort de Nicolas II. Le tsar déchu aurait été assassiné à Ekatérinbourg, par un garde-rouge, à l'approche des Tchéco-Slovaques.

La Russie révolutionnaire se débarrasse, par ce geste violent, de l'autocrate qui a tenu dans ses mains omnipotentes les destinées de la plus vaste nation du monde et que les moujiks, en des temps moins tourmentés, appelaient leur « petit père ».

Lorsque les haines s'apaiseront, que la vie des peuples reprendra son cours normal, les historiens diront quelle influence a eu le règne du tsar sur l'évolution profonde de son pays.

Il ne m'appartient pas à moi, simple échotier, d'établir le bilan de ce règne. Je constaterai seulement que le tsarisme a toujours Compté de nombreux ennemis. Nicolas Il était encore plus victime du régime absolu que le plus infortuné et le plus obscur de ses sujets. Lors des événements sanglants de janvier 1905 où l'émeute gronda si près du trône qu'on crut qu'elle allait l'emporter, où les rues de SaintPétersbourg furent le théâtre de massacres en règle, le tsar, séquestré dans ses luxueux appartements de Tsarskoïé-Selo n'était plus qu'un homme traqué par le destin, désemparé par les flots montants de l'insurrection et cependant ignorant de ce qui se passait autour de lui.

Incapable d'amener la paix dans son peuple, il voulut néanmoins l'offrir au monde en prenant l'initiative d'un congrès : il mérita le beau surnom d'arbitre de la Paix. Ses tentatives échouèrent... Il fut fatalement le jouet d'intrigues d'un entourage ambitieux et l'instrument passif d'une oligarchie dépourvue de préjugés. Trop faible pour se libérer du joug odieux, il succomba.

La Russie, depuis vingt-cinq ans, connut de sombres heures : massacres politiques, déportations en Sibérie, knout, grande misère du moujik... Avec une exaltation mystique, un incroyable mépris de la souffrance, les nihilistes s'attaquèrent au tsarisme. Que de complots ! Que d'attentats ! Les grands romanciers lusses nous montrent ces hommes jeunes et pleins de rêves, allant à la mort certaine, mais l'acceptant, convaincus qu'ils délivreraient leurs frères... Tout cela était toujours déjoué par la vigilance d'un système policier inexorable dans la surveillance et dans la répression.

Nicolas Il fut l'hôte de la France et les Porisiens lui firent un enthousiaste accueil en 1896. Les camelots répandirent une chanson au refrain énorme de simplicité :

Le voilà, Nicolas, ah ! ah ! ah ! Le voilà, Nicolas, ah ! ah ! ah !

Né le 18 mai 1868, le tsar monta sur le trône le 1er novembre 1894, après avoir épousé la princesse Alice de Hesse. L'histoire de leurs fiancailles est charmante.

Le tsar s'approchant de sa fiancée, lui dit solennellement :

— Mon père, l'Empereur, a décidé que je devais vous offrir mon coeur et ma main.

Avec le plus grand sérieux, la princesse répondit :

— Ma grand'mère, la reine, a décidé que je devais accepter votre main...

Et, éclatant de rire, elle ajouta :

— Quant à votre coeur, je l'accepte aussi, bien que personne ne m'en ait donné l'ordre !

Le tsar, qui aurait pu être un grand souverain, est mort. Paix à ses cendres...

Poulbel et Poulbot

Avant la guerre, Poulbot eut l'occasion d'entreprendre un voyage à Bruxelles. Il allait, mélancolique et désabusé, ayant laissé son âme sur la Butte. Voulant faire connaissance avec le faro local, il pénétra dans un café.

A peine venait-il de s'installer que la caissière s'écria :

— Ici, Poulbot ! Ah ! petite vadrouille, voilà une heure que je te cherche !

Vaguement inquiet pas rassuré au fond, quoique se sentant aussi innocent que les enfants qui revivent avec tant d'intensité dans ses croquis fameux, Poulbot résolut d'affronter le courroux de l'honorable dame.

— Vous me demandez. madame ? dit-il avec un candide sourire.

Etonnement de la caissière.

— Pas du tout, pas du tout, reprit-elle en désignant un gamin qui s'approchait narquois et sournois en rasant les comptoirs. J'ai appelé notre chasseur qui est introuvable depuis une heure.

L'humoriste ne comprenait pas.

— Figurez-vous, dit la caissière, qu'on l'appelle Poulbot, parce qu'il ressemble eux dessins que fait un artiste de Paris... C'est même assez drolle que vous ayez pris ça pour vous, car, entre nous, vous n'avez, pas du tout l'air

d'un Poulbot, saver-vous !

Et Poulbot s'en fut, lent, gigantesque et déhanché, en s'excusant mollement de son erreur...

Les fausses nouvelles de la grande guerre

Si nous parlions un peu des fausses nouvelles ? Tour à tour encourageantes ou déprimantes, précises ou échappant par le mystère de leur origine au contrôle direct, présentées souvent sous une forme facilement acceptable par l'opinion crédule, colportées sous le manteau ou répandues officieusement au coin des carreleurs, elles exaltent les espoirs, annihilent les volontés et remuent toujours les masses qui leur accordent un crédit passager que vient démentir l'expérience.

Le docteur Lucien-Gyaux vient de consacrer aux fausses nouvelles un ouvrage curieux et substantiel. Il les analyse, en discerne les causes, en examine les effets. Il constate qu'elles ont existé de tout temps.

« Le canard, la mineur, les on dit sont aussi vieux que le monde. il y avait des commères à Athènes sur le pas des portes, pendant que se disputait la bataille de Marathon et des « bien renseignés » dans les rues de Rome, le matin même que César se déterminait à passer le Rubicon. Les précédents iisi; iiques du ragot de guerre soit aussi innombrables que pittoresques et variés. La gazette populaire parlée au coin des rues, sur les agoras et au pied de la tribune aux restses, fut peine, carthaginoise, médicine byzaraine, gauloise, germanique, franque, gauloise, moynageuse, parisienne après avoir été latécienne ; elle prospéra sur les mines de la bastille après avoir trouvé son chemin dans la galerie de l'OEil -de-Boeuf. Elle refleurit auteur des barricades de 1 830 et de 1848, servir de pain aux assiégés de 1870 et de poudre aux communards traqués. Elle fut le recours des nouvellisies de La Bruyère comme celui de nos poliniers de salons avant la guerre de 1914. Elle devait voir des pousses vivaces dés les premiers jours que le canon tonna à l'Est. Les agences Wolff allaient lui assurer une prospérité sans précédent, "

Qui pourrait croire que la censure aida inconsciemment à la propagation des fausses nouvelles ? Le fait est patent, cependant. Lorsqu'elle biffait un nom d'une quelconque infor-


N° 828

mation, le public se logeait mille suppositions, échafaudait maintes hypothèses et la moins vraisemblables de toutes finissait par triompher et se répandre dans l'opinion, d'autant plus solidement établie qu'aucun document ne permettait de la vérifier.

L'ouvrage du docteur Lucien-Graux s'élève au-dessus de l'anecdote banale. C'est l'historique complet et psychologique de la foire aux racontars, du bruit qui court. Il prendra une place remarquable parmi les publications en marge de la guerre, que les lecteurs consulteront avec intérêt et profit.

COINS DE PAGES PARIS-PROVINCE

Paris est baptise ville du front et la grosse Bertha fournit les dragées. Il n' a front et front. Si nous voulons définir le nôtre, nous sommes obligés d'emprunter à Hindenburg une de ses épithetes : le front de Paris est « élastique ».

Paris est la seule ville du monde où la population semble augmenter à mesure qu'elle s'appauvrit. Nous avions déjà observé à la fin du mois d'août 1914 ce phénomène paradoxal, qui défie les calculs de la statistique et le bon sens. On assurait, en ce temps-là, que tous lies sages étaient partis : c'est une quantité négligeable, si on la compare à celle des fous qui étaient restés, et je n'ai jamais vu plus beau spectacle de foule que le dimanche 6 septembre, à la porte de Vincennes. Il faisait un temps merveilleux. C'était le soleil de la Marne. Nous n'en savions rien. Le ciel était moins radieux dimanche, mais les promeneurs n'étaient pas plus clairsemés entre la Madeleine et le Gymnase, ni jusqu'à la place de la République..

En dépit de la cohue, Paris, avait repris ce petit air provincial qui lui va si bien et que nous étions sur le point de regretter pour l'avoir goûté trop brièvement. Comme Babylone moderne, il ne manque pus d'agrément, mais la santé n'y résiste guère; au lieu que Paris, ville de province, a un charme qui ne fatigue pas. Vous dites que l'on ne sont point où passer ses soirées? Vous le disiez déjà au temps de la paix. Restez à la maison. Recueillez-vous. Et méditez sur en mot de Lamartine : « J'écoutais le silence...

ABEL HERMANT.

Les Deuils

Figure extrêmement originale, type très particulier dans le royaume des Lettres, homme bizarre aux idées profondes et curieuses, écrivain paradoxal, d'une fécondité superbe, styliste amoureux de la phrase harmonieuse et pure, chevalier de la Beauté, mage moderne, Joséphin Péladan vient de mourir à cinquanteneuf ans.

Au temps déjà lointain qu'il s'appelait " le Sâr », le boulevard s'amusait de ce personnage en gilet d'argent, en bottes de daim, qui publiait dans le Figaro les manifestes et les excommunications de la Rose-Croix et qui, en face du Tout-Paris, voulait être le Tout-Passé.

Lorsqu'il se reposait, l'été, à Saint-Briac, il jetait une fantastique agitation au sein des paisibles populations bretonnes par l'étrangeté de son costume. Certaine année, au soir même de son arrivée, le maire vint le trouver :

— J'aime autant vous prévenir, lui dit l'excellent homme. L'autre jour, il en est venu un qui a ramassé en tout trente sous. Et pourtant, il avait avec lui un chat, un âne et un chien savants !

Horreur ! l'honorable otheier municipal axait pris le rénovateur de i'ordre de la RoseCroix pour un saltimbanque !...

Le célèbre Sâr aimait mieux écrire que payer. Ayant franchi la frontière belge avec une petite provision de cigares et de cigarettes, il se vit dresser procès-verbal. Puis vint la note à acquitter.

Le Sâr ne voulant rien entendre parla de puissances occultes, d'esprits, d'enchantements, d'incantations, d'envoûtements. Après quinze lettres de ce genre, l'administration des Douanes, désarmée, ne réclama plus rien.

Ces lettres mystérieuses furent tout simplement reliées et placées dans la bibliothèque du Directeur. Les bureaux de la douane se payaient en autographes !... (1).

La Brelcque

Les étymologistes sont en effervescence. La discussion, d'ailleurs littéraire et courtoise, est née à propos d'un mot qui a les honneurs du communiqué après chaque incursion des gothas sur Paris. Doit-on dire breloque ou berloque ? Chez notre peuple de grammairiens, tout se résume aux questions de lexicologie. On accueille avec satisfaction l'allègre sonnerie qui annonce la fin de l'alerte, mais encore veut-on savoir quel nom lui donner. Ma concierge qui ne s'embarrasse pas pour si peu des subtilités philologiques tient pour berloque, ce en quoi elle est parfaitement d'accord avec M. Maurice Donnay, qui affirme que sa joyeuse chanson est fort agréable à entendre. M. Frédéric Masson avoue ses préférences

(1) Josephin Péladan est né en 1839, à Lyon. Principales oeuvre : la décadence Lesline (vingt deux volumes) : l'Amphithéatres les Ls ■■: ,'-.',.ss« 'f- i7.'.v (sept volumes), Romans la Si V?«s■C:..h-:, la ïh'iU', ■■■'. lLes Amants de Pise. Théâtre ; le Prince de Byzance. Le Fils des Etoiles, Babylone, la Prométhéide, .sS/.-uf.ss.a-.inssi.'/^.n /,?.</>! r,-,-. OEuvres de genre : î''n n" s;se i-i ;.-,.; t'f.i.u. '.;;'. la Gr::im Jss / l-Vs.

pour breloque. Il consacre à l'historique militaire du mot un article substantiel, modèle de précision et de documentation. Il s'appuie sur l'autorité du dictionnaire de l'Académie (édition de 1878) qui donne de breloque la définition suivante : terme militaire. Patterie de tambour qui annonce les repas, les distributions, etc.

Il cite encore l'opinion du général Bardin. ancien colonel du régiment des pupilles de la Garde, qui dit que le mot berloques au breloque, ou breluque, ou bulluque est dérivé du vieux mot barlong ou berlong, signifiant plus long d'un côté que de l'autre. La breloque était une batterie de caisse boiteuse. rompue. Les soldats l'ont comparée aux sons inégaux produits par des breloques ou pendelouses entrechoquant.

Depuis 1758, on a employé indifféremment breloque ou berloque pour signifies cette batterie que l'on appela longtemps la fascine.

Celte batterie de tambours a été remplacée par une sonnerie de clairons affectant la même cadence. L'usage du clairon dans l'armée française ne date que de 1822 et si la breloque peut être exécutée par tambours et clairons réunis, elle est plus souvent sonnée par clairons seuls.

Ainsi, lors des exercices de tirs réels, dès que cartouchières et fusils sont vides, un clairon placé près des tireurs sonne la broloque. Un, second clairon à l'abri, sous les cibles, reprend la sonnerie : tout danger est passé. Pointeurs et marqueurs peuvent alors quitte, la tranchée et contrôler les résultats du tir.

Quoi qu'il en soit, 17 du mot litigieux placé avant ou après la lettre e, est un r alerte, un avant on après la lettre e, est un r alerte, un r libérateur qui clame aux Parisiens par le ciel est libre: vous pouvez regagner vos lits. Sur ce point, tout le monde est d'accord.

SERGINES.

LES POÈMES

RENAISSANCE

Sous le grand châtaignier je suis venu m'asseoir. Les autres vont courir les bois jusqu'à ce soir : Je suis seul au jardin désert où l'été vibre... J'avais un tel besoin d'être seul, d'être libre, De garder tout mon coeur en moi silencieux. Et d'avoir ce décor paisible sous les yeux. Car j'y sens plus qu'ailleurs ma force revenue. Tout m'en est familier; chaque fleur m'est connue J'aime cette odeur saine où domine l'oeillet. Je goûte pleinement ce beau jour de juillet, Un de ces jours dorés où la chaleur enivre. Au hasard, un instant, j'avais ouvert un livre... A quoi bon?... J'ai le coeur gonflé par trop d'émois: Je laisse se fermer le livre entre mes doigts. Et, tout à coup distrait des pages commencées, Je regarde à mes pieds les ombres balancées, En mordant un brin d'herbe en fleur que j'ai

[cueilli... Il est loin, le rêveur précocement vieilli, Le chercheur de désirs tourmenté d'impossible, Sitôt sûr d'être aimé brusquement insensible, Qui, chaque jour plus las, se penchant sur son

[coeur, Sans cesse y regardait se faner du bonheur... Pour m'emplir tout entier de frémissante joie, Il suffit maintenant d'un rosier qui rougeoie, D'un peu d'azur qui luit dans les rameaux trem[blants...

trem[blants... ciel passe et repasse un vol de pigeons blancs: Et, tandis que le vent me caresse la joue, Je crois voir ma pensée, autour de moi, qui joue Dans l'herbe et te soleil, comme un bel enfant nu, Un bel enfant qu'éclaire un visage ingénu, Oui va, vient, court, s'arrête et regarde et s'étonne. Et qui rit à l'été sans penser à l'automne.

ANDRE RIVOIRE

LA FEMME EN DEUIL

Elle arrive D'un pays du front, Que bat le canon.

Si plaintive Quand elle évoque sa maison...

La jolie Qu'elle vit bâtir, Qu'elle vit mourir :...

L'agonie Des chères maisons fait souffrir...

L'innocente Demeure, eut, ouvert, Son flanc sous le fer.

Et, mourante, De quelle horreur elle a souffert ?.,,

Pauvre chose En chaos, fatras D'informes plâtras. Qui repose Ecroulée à jamais, là-bas !...

De la pierre Que rongea le feu Est restée un peu... Son calvaire Se dresse en speetr» douloureux,

Quand on passe, Un tison noirci Vous renseigne : loi

Fut la place D'un foyer, d'un bonheur aussi .,„

Et la femme Au chagrin profond. Un long voile au front

Comme à l'âme Porte le deuil de sa maison...

HENRY DE FORGE


N° 1828

LES ANNALES

9

LES LIVRES

Siona chez les Barbares, par MYRIAM HARRY (Fayard, éditeur)

Les romans de Mme Myriam Harry ont Une saveur particulière. Ils se distinguent par une originalité qui est peut-être moins dans l'imagination et l'expression que dans la manière d'évoquer les personnages et de les détacher nettement du fond de leur milieu. Il y a là une grande habileté de métier, un savoir-faire d'une rare souplesse. Siona chez les Barbares est caractéristique, à ce point de vue, du talent de Mme Myriam Harry. Celle-ci nous donne, dans ce livre nouveau, une suite à l'histoire de la « Petite fille de Jérusalem », et c'est la même poésie, la même magie des mots et des images qui nous charment et nous émeuvent. L'auteur n'a certainement pas voulu écrire un roman en marge de la guerre, et pourtant, cette oeuvre conçue et réalisée avant le conflit des nations est toute imprégnée de l'atmosphère morale et sentimentale dans laquelle nous vivons depuis près de quatre années. C'est que Mme Myriam Harry, avec cet instinct profond des êtres et des choses qui ne trompe pas un coeur de femme, a eu, dès le premier contact, l'impression juste que les Allemands produisent sur ceux qui les regardent vivre et travailler. Il lui suffit de nous raconter l'histoire de cette jeune fille née au pays de la plus pure pensée chrétienne, dont l'âme semble baignée de toute la claire splendeur du proche Orient, et qui, transplantée à Berlin, doit subir l'humiliante compression de l'éducation prussienne, pour nous faire comprendre la barbarie réelle et irrémédiable d« la « kultur ». Le contraste entre cette nature un peu étrange, pourtant délicieusement simple, et la lourde nature germanique, faite d'incompréhension, de médiocre orgueil et de bas calcul, est saisissant. On dirait une opposition violente de deux pensées, de deux âmes, de deux civilisations ; on se rend compte ici par quoi les Germains Sont autres que nous sommes, pourquoi, quelle que soit l'application de leur effort, ils ne sauraient nous comprendre.

Mme Myriam Harry a mis dans ce livre beaucoup d'elle-même. Cette " petite fille de Sion » — d'où son nom de Siona — se débattant désespérément contre une mentalité qui ne sera jamais la sienne est délicieuse et touchante. Sa pensée toute de fraîcheur, sa sentimentalité toute en nuances déconcertent et scandalisent les gens d'outre-Rhin, chez lesquels tout est lourd et factice, qui ne connaissent ni un élan du coeur, ni une inspiration généreuse. Elle leur échappe parce qu'ils sont incapables de concevoir ce qui dépasse un peu l'horizon étroit de la conscience allemande. L'auteur n'entreprend point de nous faire la facile caricature de certains milieux prussiens ; son récit et ses tableaux ont un grand accent de sincérité. Tout cela est réellement vu et vécu. Avec l'hypocrisie de leurs vertus conventionnelles, leur culte de la formule scientifique

scientifique la vanité de leur effort, ces personnages sont bien de la race chez laquelle toute humanité est étouffée par l'ardent désir de dominer le monde, d'être la race des " maîtres » aux volontés desquels tout doit se soumettre humblement.

Siona chez les Barbares est un roman d'un intense mouvement de vie et d'idées, avec des pages de tendresse et de pittoresque qui sont d'une artiste subtile. L'oeuvre vaut par ses qualités d'observation et de fine psychologie. Et puis, elle appelle la méditation, ce qui est toujours un mérite appréciable pour un livre de ce genre. Mme Myriam Harry a dédié cette histoire de « sa captivité à Berlin " à ses « frères en misère et ses frères en nostalgie », aux soldats de France prisonniers de l'Allemagne, qui souffrent là-bas de cette « barbarie » allemande tout ce qu'elle-même en a souffert. C'est d'un sentiment délicat et profond, car ces « frères en misère et en nostalgie » reconnaîtront dans la tristesse de la petite Siona tout ce qui fit la détresse morale de leur propre captivité, toute l'angoisse dont l'atmosphère allemande enveloppe l'esprit et le coeur de ceux qui sont nés sous des ciels de douceur et de clarté.

ROLAND DE MARES.

LES BONNES PAGES DES LIVRES NOUVEAUX

Siona chez les Barbares

Détachons du volume de Myriam Harry ce piquant et véridique tableau.

VOYAGE D'INSTRUCTION

C'était un long voyage à travers le centre et une partie sud de l'Allemagne. La gare et les trains étaient archibondés de jeunes gens, filles et garçons qui rejoignaient leurs parents ou entreprenaient, isolément et par groupes, des excursions dans les fameuses régions du Hartz ou sur les bords du Rhin, pour se former l'esprit en cheminant, comme dit le dicton allemand.

Siona se trouva dans l'un des nombreux Damencoupé de troisième classe (en Allemagne toute la bourgeoisie prend des troisièmes) avec une dizaine de Backfische, dont plusieurs élèves de son lycée. Elles la questionnaient aussitôt sur le but de son voyage. Visitera-t-elle des villes intéressantes ? prendra-t-elle des photographies, tiendra-t-elle un journal ? Elles-mêmes déployaient des cartes, discutaient la valeur historique ou botanique des lieux et prenaient des notes à chaque station, en personnes qui ne voyagent pas pour s'amuser, mais pour s'instruire.

Au-dessus, dans le filet, chacune avait son petit paquetage, sacs, valises, rouleaux, confectionnés par elles-mêmes dans de fortes toiles, bordés de galons de laine rouge et agrémentés de devises, de vers de mirlitons ou encore d'hirondelles qui laissaient tomber de leur bec des souhaits « d'intrépide voyage » et de « profitable retour ».

Beaucoup de jeunes filles avaient des frères et des cousins dans le train. Ceux-ci voyageaient en quatrième, comme des militaires pour s'entraîner à l'endurcissement. Ils portaient, du reste, des demi-bottes soldatesques, et, sur le dos le Tci.si.'n'.r recouvert de

poils de bête, sans lequel on n'est pas un excursionniste sérieux. Ils étaient, en plus, armés d'un Bergstock d'un filet à papillons et d'une boîte d'herboriste.

Aux arrêts, ils descendaient par escouades, commandés par un Kaporal, pour remplir leurs gourdes à la fontaine, ou pour vider, debout, des chopes écumantes. Puis, le train reparlait aux sons de Reiselieder ou de chants patriotiques comme Deutschland über alles et la Wacht am Rhein ou encore l'hymne des Prussiens :

Ich bin ein Preusse, Kennst du meine Farben .

Après chaque départ, apparaissait invariablement, bourru et important, sanglé dans un uniforme capitonné, la sacoche de cuir rouge verni en bandoulière et la visière tombant sur le front, le Schaffmann qui exigeait le Billett avec une rudesse de geôlier.

Siona en était si effarouchée chaque fois, qu'elle perdait la tête, ne trouvait jamais son coupon et se voyait déjà accusée d'escroquerie et jetée sur les rails.

A midi, tous les bras se tendaient vers les filets. Les jeunes filles sortaient des tabliers de leur sac, puis une quantité de sandwichs et de pâtisseries, qu'elles échangeaient entre elles, offraient à celles qui en manquaient et partageaient avec les garçons qui venaient chercher leur ration en suivant, pour s'entraîner, le marchepied. Et le geôlier, si brutal tout à l'heure, s'attendrissait à ce commerce Culinaire et lançait des " na schemeckts ? » (1) et des « wohlbekomms ! » (2) qui témoignaient de sa sentimentalité gastronomique.

L'après-midi le train se vida de moitié. Les excursionnistes de la Thuringe et du Rhin descendaient ; mais avant de quitter lés gares ils se rassemblaient en cercle, et chantaient en choeur un Lied régional.

Siona fut contente de sa solitude. Cette bourgeoise gaieté allemande, dont elle ne méconnaissait pas la secourable cordialité, l'agaçait. En Orientale, elle aimait les sentiments rares et excessifs : une allégresse véhémente, un désespoir éperdu ; mais la fadeur continue de la bonne ou mauvaise humeur germanique l'écoeurait comme une platitude.

A Francfort-sur-le-Mein, Siona changea de train pour Fulda, petite ville catholique dont elle admirait de loin les dômes des vieilles églises et des couvents.

Là, elle descendit encore pour prendre, cette fois, le chemin de fer du grand-duché hessois.

Et son coeur, tout de même, se mit à battre presque joyeusement à cause de ce nom de Hessen inscrit sur les wagons et qui lui représentait bien plus que le mot " Allemagne " la lointaine patrie maternelle. (Sa mère était venue en Orient bien avant 1370.)

Déjà le contrôleur, un Hessois sans doute, avait une voix moins rogue et un uniforme plus négligé ; et les paysannes qui montaient avec lenteur dans le Damencoupé portaient des coiffes noires et des cotillons gris plissés.

Elles la regardaient autant qu'elle les regardait.

D'où donc que vous venez comme ça ?

finit par questionner la plus hardie.

Et, quand Siona eut répondu qu'elle venait de Berlin, elles se turent décontenancées et méfiantes comme si rien de bon ne pouvait leur venir de cette Prusse-là.

MYRIAM HARRY

(1) Est-ce bon ? (2) A votre santé!


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LES ANNALES

N° 1828

Au CONSERVATOIRE

Chaque année le concours de tragédie et de comédie donne lieu aux mêmes observations. Résumons-les. Ce concours suscite, par son essence même, de graves difficultés. Il échappe aux règles habituelles. Définissons le mot. Qu'est-ce qu'un concours ? C'est une épreuve imposée à un certain nombre d'élèves. On les compare entre eux. On couronne les plus dignes. Cependant, pour que la comparaison soit possible et la récompense équitable, il faut théoriquement que tous les candidats aient à exécuter le même travail, que leur effort s'applique au même objet. Les jeunes gens qui se présentent à l'Ecole polytechnique, à l'Ecole normale développent des thèmes littéraires ou scientifiques, mais aucun d'eux n'est libre de choisir à son gré une question de mathématique ou un sujet de dissertation. On leur désigne la matière à traiter ; cette matière est identique pour tous ; ils la subissent ; et selon la façon dont ils se sont acquittés de la tâche commune, on les classe par ordre de mérite, on leur assigne des rangs. Cette méthode, d'un usage universel, est appliquée dans les sections instrumentales du Conservatoire. Les pianistes, les violonistes, les flûtistes, les harpistes doivent déchiffrer, exécuter la même page musicale. Seuls les élèves du chant et de la déclamation ont le privilège de garder une entière indépendance, de sélectionner le terrain où ils livreront bataille. Une si extraordinaire faveur crée entre eux des inégalités fâcheuses, qui desservent ceux-ci, profitent à ceux-là, blessent la justice, faussent l'opinion des auditeurs.

Il n'est pas aisé de remédier à un tel état de choses et de supprimer une telle source d'erreur. Nous concevons très bien que vingtcinq virtuoses s'escriment contre une sonate de Bach ou un prélude de Chopin... Il serait contraire au sens commun d'exiger que dix jeunes filles concourussent dans Phèdre, alors qu'elles diffèrent de physionomie et que les unes sont nées pour faire des ingénues, les autres des soubrettes, les autres des amoureuses. Au théâtre, il est nécessaire de tenir compte des dons de nature et de la diversité des emplois. Que de complications ! Elles sont inévitables. A supposer qu'on recourût à un classement préliminaire, voyez quel embarras... Il faudrait — on y a songé — diviser les concurrents en plusieurs familles, mettre ensemble les ingénues, les valets, les manteaux, les pères tragiques, les héros, les jeunes premières, les princesses, les duègnes, et assigner à chaque groupe la même scène d'examen. Cette classification rappellerait celles du Muséum d'histoire naturelle et serait peu galante envers nos Célimènes et nos Agnès ; et puis elle soulèverait des contestations, beaucoup de candidates y échappant par la diversité ou l'incertitude de leurs moyens. A seize ans, une coquette ne se distingue pas toujours nettement d'une amoureuse. Les dons, les aptitudes, les vocations se confondent...

Il est encore une source d'inégalité... Quelques-uns des élèves suivent les cours assidument, dociles aux leçons des maîtres, uniquement soucieux d'achever leurs études ; beaucoup d'autres s'émancipent, vagabondent à travers les grands et les petits théâtres, y créent parfois des rôles importants ; ils ne

viennent plus s'asseoir que pour la forme sur les bancs de l'école ; leur carrière est commencée; la récompense qu'ils pourront obtenir n'ajoutera que peu de lustre à leur naissante réputation. Ils disputent la victoire à des camarades plus obscurs, plus modestes, plus respectueux de la discipline. Est-ce juste ? Le règlement a prévu ce désordre ; il le réprime, il contient un article — l'article 67 — ainsi conçu :

« Aucun élève ne pourra, sous peine de radiation, contracter un engagement avec un théâtre quelconque, chanter ou exécuter un morceau sur un théâtre ou dans un concert public, sans l'autorisation expresse du directeur.

Il fut une époque où les élèves sollicitaient cette permission (ceci remonte à des temps préhistoriques) ; bientôt ils s'abstinrent d'une formalité ennuyeuse ; craignant de lasser la patience directoriale, appréhendant des refus, ils tournèrent la difficulté ; ils s'exhibèrent au dehors sous des noms d'emprunt. On ferma les yeux ; on feignit d'ignorer leurs escapades ; ils bénéficièrent d'une tolérance illimitée. Aujourd'hui la digue est rompue, la loi ouvertement violée. Ces rebelles oublient les termes du contrat qui les lie, et au bas duquel ils ont mis leur signature. Les termes en sont précis : ce pacte exige l'assiduité, la fidélité :

« Pendant mes études (et jusqu'au 31 août de l'année où elles prendront fin), je ne paraîtrai sur aucun théâtre de Paris, des départements ou de l'étranger, sans une autorisation du ministre. En cas de radiation, je n'aurai le droit de m'engager avec un théâtre quelconque qu'un an au moins après ma radiation, sous peine d'un dédit de 15.000 francs (pour les élèves des classes de chant) et de 10.000 francs (pour les élèves des

classes de déclamation).

Ce dernier paragraphe vise le cas de l'élève qui, impatient de reconquérir sa liberté, provoque la sévérité du maître, se fait expulser. Toute cette réglementation est un modèle de fermeté, de sagesse, de prudence. Sa lettre seule subsiste. Une croissante faiblesse l'a laissée tomber en désuétude. Le directeur du Conservatoire, mal soutenu, n'ose réagir contre des errements qu'ont établis ses prédécesseurs. Et puis, il est pris de scrupules. Il se dit que peut-être il n'est pas mauvais que les jeunes comédiens acquièrent l'habitude des planches et qu'une instruction pratique s'ajoute à l'enseignement théorique qu'ils reçoivent de leurs professeurs. La thèse pourrait se défendre si cet enseignement n'était compromis par l'irrégularité des élèves, absorbés dans des besognes étrangères à la classe, indifférents à ce qui s'y enseigne, infatués, prompts à se croire arrivés, hostiles à toute contrainte. Sur ces divers points, il serait indispensable qu'une méthode définitive fût adoptée, que les droits et les devoirs des élèves fussent égaux pour tous et strictement délimités.

Voilà quelques-unes des réflexions que suggèrent les concours. Je ne me dissimule pas que ces vérités ont l'évidence du lieu commun. Assurément tout a été dit. Certaines choses sont bonnes à redire et à répandre.

Quant aux lauréats de cette année, nous les passerons en revue dans le prochain numéro. Nous parlerons des élèves couronnés : ceux des classes de déclamation et des classes de musique.

ADOLPHE BRISSON

PENSÉES BRÈVES

La démocratie, dont la forme ultime est le socialisme, représente un mouvement qui grandit partout. La trinité révolutionnaire : Liberté, Egalité, Fraternité gravée sur les murs, en attendant qu'elle le soit dans les coeurs, est devenue un cri de ralliement, symbole des espérances de tous les peuples encore asservis.

Le drainage par des sociétés financières de l'épargne française au profit d'industries étrangères, a été surtout déterminé par une législation socialiste tracassière, menaçant le capital de mesures vexatoires et l'empêchant ainsi d'alimenter des industries nationales. Si la leçon de la guerre n'a pas servi, la répétition des mêmes causes produira la répétition des mêmes effets.

L'histoire de l'Irlande pendant la guerre prouve, une fois encore, l'impossibilité de faire vivre sous les mêmes lois des peuples de mentalités trop différentes. L'Angleterre avait d'abord dispensé l'Irlande du service militaire, oublié ses meurtrières émeutes et la laissait libre de choisir son système de gouvernement. Mais ce pays est divisé en deux parties, de race et de religion différentes, ne pouvant vivre sous le même régime.

Les livres et les discours diplomatiques donnent peu d'indications sur la mentalité des peuples, mais il échappe pariais à leurs représentants des réflexions qui éclairent nettement cette mentalité. Tel le qualificatif de « chiffon de papier » appliqué à des traités solennellement signés. Tel encore le clinique conseil donné secrètement par un ministre allemand : « Couler sans laisser de traces » les navires d'un pays ami.

L'éducation ne développe pas l'esprit d'observation de l'élève en lui mentant de loin des expériences, mais en lui faisant exécuter lui-même ces expériences. Eveiller la faculté d'observation et le jugement est beaucoup plus nécessaire que de surcharger la mémoire. Peu importe ce que l'élève saura par coeur, si son esprit a été bien formé.

Le sentiment de la continuité créé par

des influences ataviques séculaires est pour

les peuples un élément de stabilisation sans

lequel ils ne sont jamais certains de grandir.

Tant que, sous l'influence de l'hérédité ou de l'éducation, la morale net pas devenue inconsciente elle joue un bien faible rôle dans la conduite.

L'idée pure dégagée de tout stimulant sentimental ou mystique, peut engendrer des découvertes mais elle est rarement créatrice d'action. (A suivre.) GUSTAVE LE BON.

(») Voir les Annales depuis le 11 mars 1917.


N° 1828

LES ANNALES

11

1. Le rassemblement sur les positions de départ. - 2. Attendant le signal. — 3. L'assaut. — 4. Sur les positions conquises. Ces photographies ont été prises dans la région de la Somme par un officier qui participait à l'action locale dont nos documents reproduisent les principales phases.


LES AMNALES

N° 1828

La Vocation de Poulbot

Je n'ai pas besoin de vous croquer cet artiste savoureux. Vous le connaissez. Même à l'étranger, la verve naïve et spirituelle de son crayon est déjà populaire, et tous ici nous raffolons depuis des années, avec une tendre et joyeuse faiblesse, des gamins et des drôlinettes de Montmartre qu'ont adoptés son esprit et son coeur, qu'il a recueillis sur le papier et fait siens par la persévérance amusée et apitoyée de son talent.

Déboutonnés de partout, empêtrés de gibecières et ayant toujours pour deux sous de nu au vent, peignés à la gratte, les bas retournés en peau de lapin, les nippes retenues par des ficelles, ils vagabondaient, traînassaient dégringolaillaient le long des pentes de la Butte, marmousets des escaliers et des venelles, galochards du pavé, cavaliers de la rampe en

1er, patineurs des glissades, joueurs à cloche-pied des marelles, accroupis pointus des parties de billes, les tout petits avec un hochet de chemise dépassant la culotte et les plus grands laissant sortir de la poche, au bout d'un i grec de bois, l'élastique carré à tuer les pierrots... Ils n'étaient en art à personne et personne ne s'en avisait, quand un jour, dans un terrain vague, Poulbot, oui songeait en foulant le gravat et l' écaille d'huître, entendit «des voix », et tout de suite il reconnut celles de Bastien-Lepage et de Marie Baskirtcheft qui lui disaient : « Mais va donc. Ramasse donc ces bonshommes dans la rue, et prends-les. Dépêche-toi

Dépêche-toi tu ne veux pas qu'on te

les chipe. Nous les avons nous-mêmes

nous-mêmes peu approchés dans le temps que nous venions par ici rêver en silence, le long des palissades... Tu n'imagines pas ce qu'ils sont attachants et tout ce qu'on en peut tirer ! »

Il comprit, sans se faire répéter, car il sait que les morts n'aiment pas dire deux fois la même chose. Et, en quinze leçons, il s'affirma brillamment l'historiographe et le poète de la petite humanité buissonnière

buissonnière faubourgs.

HENRI LAVEDAN.

de l'Académie Française.

Le dessinateur Poulbot au travail, dans son atelier de la rus de l'Orient, à Montmartre.

(Photos Manuel)


LES GOSSES DANS LES RUINES

(Un village de la Somme, au matin du 18 mars 1917. Depuis plusieurs jours, les Allemands, sur le point de battre en retraite, ont scié les arbres fruitiers, brisé les charrues, mis le feu aux villages, miné et fait sauter les carrefours.

Ils viennent de s'enfuir.

Les habitants du pays, terrorisés par les incendies et les explosions, sont cachés dans des caves sous les bâtiments écroulés.

Tonnerre de la canonnade.

Seuls sur la route, trois enfants, en larmes, appellent leur mère.)

LES TROIS ENFANTS. — M'man ! M'man ! M'man ! M'man !

VOIX DE FEMME, sous terre. — Rentrez donc mes p'tiots !

LES TROIS ENFANTS.— M'man ! M'man!

VOIX DE FEMME. — Pauv' gosses, i z'appellent leur mère !... Rentrez donc ! Restez pas dehors !

UN AUTRE ENFANT. — On en voit pus ! On voit pus d'Boches ! UN AUTRE. — Pus personne !

LES TROIS INFANTS QUI PLEURENT. - M'man ! M'man !

UNE PETITE FILLE. — On entend puis leurs grosses bottes !

UNE AUTRE. — Partis !

UN ENFANT, courant à un soupirail.—l' sont partis!

Voix DE FEMME, d'en bas. — Satanée marmaille ! Voulez-vous pas sortir !

L'ENFANT — Sont partis, m'man ! Y a pus de Roches ! I' sont partis !

Idylle de Guerre par Paul GSELL et POULBOT

«Représentée au Théâtre des Arts le 18 Avril 1918) (Musique de scène de DÉODAT de SÉVERAC)

PERSONNAGES

Le cavalier Rejnard.. . KM. MARCEL COSTE.

Le père Martin .. .. . LÉRY.

Le pire Fortuné GABRIEL ROUVRES.

Le père Honoré...... VATES.

Le père Mathieu. ... RENOUX.

Le brigadier CELLER.

Un cavalier anglais... EMILE ALLARD.

Un cycliste MARCEL.

Françoise Regnard.... Mmes JEANINE ZORELLI.

La mère Leroi D'ARYOLA.

Une femme AMAL1A FRATELLINI.

Hélie, la netite boiteuse Mlle SUZY de SIVRY

Jeannot le petit FABIEN HAZIZA.

Nini la petite GILBERTE HAZIZA.

Louisette la petite ANNA LAVIGNE.

Filles et Garçons :

Les petits Savy, André Lorett, Ketty, Luisa Fratellini,

Albert. André et Paul Fratellini, Philippe,

Andrée Ternois. Cavaliers français et anglais. Paysannes et Paysans.

DÉCOR DE POULBOT

VOIX DE FEMME, d'en bas. — Redescends tout de suite, Pierre, ou j'te vas frotter les oreilles !

LE PÈRE MARTIN, qui s'est aventure dehors. — C'est ma foé vrai ! On en voit pus ! Partis ! Cré bon sang ed bon sang ! Si c'était pour tout de bon !... Les monstres! Les monstres ! Comme i' l'ont arrangé, nout' pauv' pays !... Ça fume 'core ! Ça flambe 'core partout ! Bon sang ed bon sang ! Nout' pauv' pays ! Nout' pauv' pays !

(Il va vers le soupirail.)

Pouvez sortir ! I' z' ont déguerpi, les sales oiseaux !...

UNE FEMME. — Vous êtes sûr de ça ?

LE PÈRE MARTIN. — Regarde? vousmême !

LA MÈRE LEROI. —Moi, j'peux pas y croère !

LE PÈRE MARTIN. — L'avaient ben dit qu'i z'allaient nous tirer leu' révérence ! Et dans leu' rage ed fiche le camp, z'ont tout brisé, tout saccagé, tout brûlé, les monstres ! Ah ! nout' pauv' pays ! Nout' pauv' pays !

LE PÈRE HONORÉ, s'appuyant sur une béquille. — Ah !... Ah !... Ah !... la ferme à Rémi !... la maison à Binet !... Vingt Dieu ed vingt Dieu !

LE PÈRE MARTIN. — Et c't' entonnouère ! C' t'entonnouère ! C'est donc ça qu'a fait ce grand coup de pétard à deux

heures du matin ! Nout' pauv' pays ! Nout' pauv' pays !

LA MÈRE LEROI. — Moi, j'peux pas y croère qu'i soient partis ! J'peux pas y croère

croère

UN ENFANT. — Vrrr !... Vrrr !... un aréo.

UN AUTRE ENFANT. — Un aréo !

UN AUTRE ENFANT. — C'est un français !

LA MÈRE LEROI. — Où qu' t'as vu ça que c'est un français ?

L'ENFANT. — Les cocardes !

UN AUTRE ENFANT. — C'est vrai, les cocardes sous les ailes.

LE PÈRE MARTIN.— Mâtin !... Z'ont de bons yeux !

LA MÈRE LEROI. — C'est p't-être ben core un coup des Boches, de peindre des cocardes sous leu' mécaniques.

LES ENFANTS. — On vous dit que c'est un français... Un aréo français ! Un aréo français !

LE PÈRE FORTUNÉ, sort


LES ANNALES

N° 1828

avec un drapeau tricolore.— On va l'appeler avec l'drapeau!

Tous. — L' drapeau ! L' drapeau !

LA MÈRE LEROI. — Où que vous l'avez tiouvé, ce drapeau-là, père Fortuné ?

LE PÈRE FORTUNÉ. — C'est mon secret !

UNE AUTRE FEMME. — C que ça parait drôle de revoir le drapeau !

LA MÈRE LEROI. —- Si les Boches l'avaient déniché !

LE PÈRE FORTUNÉ. — Pas de danger ! JTavions trop ben caché ! L'aréo va l'voir !

UN ENFANT. — Passez-le moi, père Fortuné ! J'vas grimper sur l'toit là-bas ! L'aréo le verra mieux.

LE PÈRE FORTUNÉ. — C'est ça ! grimpe vite !

UN AUTRE ENFANT. — L'aréo vient sur nous !

LE PÈRE FORTUNÉ. — I' descend ! Il a vu l'drapeau !

L'ENFANT. — I' fait des ronds pour descendre encore !

LA MÈRE LEROI. — I' rase les toits ! Ecoutez ! Les aviateurs crient quéque chose! Qu'est-ce qu'i' crient ?

LE PÈRE MARTIN. — Ecoutez donc !

UNE FEMME, accourant. — I' crient que. les Français viennent ! ,

TOUS. — Les Français viennent !... Les Français viennent ! Vive la France !... Vive not' France ! (Ils s'embrassent en pleurant.)

LE PÈRE HONORÉ, jetant sa béquille. — Maintenant, j'ons pus besoin d'béquille ! J'suis pus boiteux !

UNE FEMME. — Not' maire qui jette sa béquille ! Il est donc guéri !

LE PÈRE MARTIN. —- Ah ! ah ! ah !... c'était un boiteux pour rire ! Vous l'saviez donc pas?

LA FEMME. — Mais non !

LE PÈRE HONORÉ. — Ma foé ! j'peux ben l'dire mamtenant ! Pendant deux ans et demi, j'ons joué la comédie ! Pensez donc, tout c' qu'était solide en fait d'hommes, les Boches l'emmenaient dans leu' sale pays ! Alors moi. pour rester ici, j'ons contrefait l'bancal ! I' sont partis, me v'là guéri !

LA FEMME. — Ah ! ben, par exemple ! C' qu'il est rusé not' maire ! Ah ! c'que j'ris ! c'que j'ris !...

LE PÈRE MATHIEU. — Comment qu'vous me trouvez habillé ?

LE PÈRE MARTIN. - En pantalon rouge... Pas possibe!

LE PÈRE MATHIEU. - Oui. mon vieux, en pantalon de soldat !

LE PÈRE MARTIN. — Où qu' t'as pêche ça ?

LE PÈRE MATHIEU. — Mon pantalon

de soixante-dix !... JTavions gardé comme une relique au fond de mon armouère. « Les Français viennent » qu'on m'dit ! Eh ben ! moi, pour les recevoir, j'enfile mon pantalon rouge ! Et me v'là !

LE PÈRE MARTIN. — Si les Boches t'avaient vu comme ça !...

LE PÈRE MATHIEU. — M'auraient fusillé, ben sûr !... On va donc les revoir, les pantalons rouges ! On va les revoir !...

UN ENFANT, sur la crête d'un mur. — Des cavaliers ! Des cavaliers ! I' galopent vers nous !

LE PÈRE MATHIEU. — C'est eux ! C'est eux !... Ont-ils des pantalons rouges ?

L'ENFANT. — Non ! Y en a qui sont tout bleus, d'autres tout bruns, comme de la terre !

LE PÈRE MARTIN. — Tout bleus? Tout bruns?... J'connaissons point ça.

LE PÈRE MATHIEU. — Oh! c'est pas

de» Français.

L'ENFANT. — l' z'ont des casques, des bleus et des bruns!

LE PÈRE MATHIEU. — C'est pas des Français !

L'ENFANT. — l' s'arrêtent devant l'entonnoir!... I' sautent à terre! En v'là qui descendent dans l'entonnoir pour venir par ici !

LA MÈRE LEROI. — C'est pas des Français! C'est pas des Français!... Bleus, bruns!... C'est des uniformes qu'on a jamais vus!... P't-être ben les Boches qui reviennent!

LE PÈRE MATHIEU. — Oui, oui, c'est les Boches!

Tous. — Les Boches ! Encore les Boches ! Misère de misère ! Rentrons sous terre !

LE PÈRE MARTIN. — Père Honoré, rattrapez votre béquille !

Tous. —- Vite ! sous terre ! Sous terre !...

UNE MÈRE. — Pierre ! Louisette !... Pierre ! Pierre ! Pierre ! à la fin des fins, veux-tu venir, sale crapaud ! (S'adressant aux trois petits qui n'ont pas de mère :) Vous non plus, restez pas là, mes p'tiots, descendez !

(Elle saisit son enfant par le bras et l'entraîne. Tous se cachent.

Paraissent des cavaliers français et anglais, à pied.

UN BRIGADIER FRANÇAIS. — Eh bien ! vieux frère, le v'là ton patelin !... T'y es re venu tout de même !

LE CAVALIER REGNARD. — Oui, le v'là mon pays, mon pauvre pays!...

LE BRIGADIER. — Et ta maison, où estLE

estLE REGNARD. — Ma maison?... ma maison?... Je la cherche... Je ne la trouve plus!... Tout est démoli!... Ma


N° 1828

LES ANNALES

15

maison... elle devait être là... ou ici... Oui. ici... Tiens, ce mur de briques,... ces trois marches de pierre... Oui, c'est ici... C'est bien ici!... Ma maison! Ah! les brigands, ce qu'ils en ont fait de ma maison!... les brigands!... Ma pauvre chère maison... les bandits!... Et ma femme!... mes enfants!... qu'est-ce qu'ils sont devenus?... Ah! qu'est-ce que je vais apprendre?... Je tremble!... J'étouffe!...

LE BRIGADIER. — Du courage, mon pauv' vieux !

UN CAVALIER FRANÇAIS. — Y a donc personne dans ce bon dieu de patelin ?... On dirait que les gens ont peur de nous, ma parole... Ohé! bonnes gens! Ohé! V'là les Français! V'là les Français!

DES CAVALIERS ANGLAIS. — Aoh ! les Anglais aussi !

(Des enfants risquent dehors le bout de leur nez.)

UN CAVALIER FRANÇAIS. — Ah ! des mômes... Ayez pas peur, les mômes... Amenez-vous!... Tenez, du chocolat! Y a du chocolat dans ma musette! r LES GOSSES. — Les Français !... Les Français !... V'là les Français ! (Courant au soupirail.) M'man ! Grand-père ! V'là les Français ! V'là les Anglais ! (Le Père Fortuné se décide à sortir.)

LE CAVALIER REGNARD. — Ah! le père Fortuné! Bonjour, le vieux!... Vous ne me remettez pas?... C'est vrai, deux ans et demi de guerre, ça change bougrement un homme... Je suis Regnard!

LE PÈRE FORTUNÉ. — Ah! Regnard!... Ah! mon gars, mon gars!... Ah! que joie de te revoir !... Alors, avec toi, là, c'est bien les Français ?

LE CAVALIER REGNARD. — Si c'est les

Français. !... Bien sûr!... Les français et les Anglais !

LE PÈRE FORTUNÉ. — Ces casques, ces uniformes bleus,... c'est donc la nouvelle tenue?...

LE CAVALIER REGNARD — C'est vrai Vous ne l'aviez jamais vue!

LE PÈRE FORTUNÉ (aux autres qui sortent des caves). — Les Français! Les Français! V'là le gars Regnard!

Tous. — Les Français !... Les Français ! Vive la France ! Vive la France !

LE PÈRE MARTIN. — Le gars Regnard »...

LA MÈRE LEROI. — Ah ! M'sieu Regnard ! M'sieu Regnard...

Tous. — Vive la France !... (Cavaliers et civils s'embrassent en bleurant.)

LE CAVALIER REGNARD. Et ma

femme, mes enfants, où sont-ils?

LA MÈRE LEROI. — Mais, au fait, ses enfants!... Les v'là, vos p'tiots! les v'là tous les deux... On est tellement sens dessus dessous !... Eh ben ! Jeannot, Nini, vous reconnaissez donc pas vot' papa ?

LE CAVALIER REGNARD (qui s'est baissé pour contempler ses enfants.) — Mon Jeannot, ma Nini!... mes petits! mes petits!... Je ne les reconnais pas moi-même. Ils ont tellement grandi!... Mes petits, mes chers petits!... Allons, embrassez votre papa!... Mais votre mère, votre mère?...

LA MÈRE LEROI. — Ah! leur mère!... LE CAVALIER REGNARD. — Quoi?... Parlez donc!

LE PÈRE FORTUNÉ. — Mon pauv' gars... j'vas t' dire!.., Ta femme, c'te nuit les Boches...

LE CAVALIER REGNARD. — Quoi?...

LE PÈRE FORTUNÉ. — L'ont emmenée...

LE CAVALIER REGNARD. — Bon Dieu!

LE PÈRE FORTUNÉ. — I z'en ont emmené ben d'autres!... Les monstres!... I' z'ont fait un troupeau d'jeunes filles, d'jeunes femmes et all' z'avaient beau crier, s'débatte... à coups de poing, à coups de botte, i' les ont poussées devant eux... Ah! c'était affreux d'voir ça...

LE CAVALIER REGNARD. — Les salauds! Les salauds!... Ce sont des sauvages, ces gens-là, arracher les mères à leurs enfants!... Les salauds!... Ma pauvre femme!... Ah! il faut absolument que je coure après eux! Faut que je la délivre! Il le faut! Il le faut!

LE BRIGADIER. — Hé. ! Regnard !... T'es pas fou ?... Allons. mon vieux, teste ici... LE CAVALIER RICNARD — Mais...

LE ERICADIER. — J'is dis de rester... Où veux-tu courir comme ça tout seul ? Allons, mon vieux, calme-toi !... L'ordre est de garder cette entrée du village jusqu'à ce qu'on nom élève !

LE CAVALIER REGNARD. — Suffit, brigadier!,.. Le cafard me faisait perdre la

boule... Ma pauvre femme, je ne la reverrai plus... jamais, jamais!... Ah! mes petiots, mes petiots !... Eh bien ! mon Jeannot, mon petit Jeannot, qu'est-ce que tu cherches dans ma musette ?... Au fait,... vous avez peut-être faim...

LE PÈRE MARTIN. — Sûr et certain qu'i' z'ont faim... On crève tous de faim ici!.,. C'est les Américains qui nous envoyaient à manger!... Mais ces jours-ci les Boches n'ont plus rien laissé venir.

LES CAVALIERS FRANÇAIS. — Ah ! pauvres gens ! pauvres gens ! Tenez ! tenez ! v'là du pain!... Et puis nos vivres de réserve!

LE PÈRE MATHIEU, — Eh ben ! et vous?

LES CAVALIERS FRANÇAIS. — Nous, on trouvera toujours ! Tenez ! v'là du singe.... Et puis du pâté de foie !... Ah ! c'est bon, ça, on s'en liche les babines... Attendez !... une clé pour ouvrir...

LES CAVALIERS ANGLAIS. — Tenez, mes bonnes amis, v'là des boîtes de beef et de la marmeléde d'oranges.

(Les civils se régalent.)

NINI, à Mélie, une petite fille boiteuse. — Mélie, prends-en aussi.

LE CAVALIER REGNARD, — Tu trouves ça bon, ma Nini?

NINI. — Oh! oui, p'pa!

LE CAVALIER REGNARD, lui versant à boire dans son quart. — Tiens, bois, ma Nini!... A ton tour, mon Jeannot... C'est bon, hein?

LES CAVALIERS ANGLAIS. —- Bonnes amis, qui voulait du rhum ?... tenez, Mouvez! biouvez! et mangez aussi, mangez!... Pauvres bonnes gens, comme ils avaient faim!,

JEANNOT. — P'pa, donne aussi à boire à Mélie!

MÉLIE, la petite boiteuse, se lève tout a coup et s'élance vers une femme tout échevelée qui s'approche. — M'man! M'man!


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LES ANNALES

N° 1828

JEANNOT Et NINI, se lèvent en même temps. — M'man! M'man! M'man!

FRANÇOISE REGNARD. — Mes poulets ! mes chers petits poulets!...

NINI. — M'man! P'pa est là! P'pa est là!.

LE CAVALIER REGNARD. — Ma femme! ma femme! la voilà!... Ah! c'est elle... Tout de même!... Ma femme! ma chère petite femme!... mon trésor!... (Ils s'étreignent fougueusement.)

FRANÇOISE. — Mon mari, mon chéri, mon aimé, mon Momo adoré... Enfin... enfin, c'est toi!... Momo, Momo, mon cher Momo!

LE CAVALIER REGNARD. — Ma chère petite femme ! Ah ! je n'espérais plus jamais te revoir !.. On m'avait dit que cette nuit...

FRANÇOISE. — Oh! oui, les brutes! les monstres... Mais tout à l'heure, je me suis échappée... Ils m'ont tiré dessus!... Ils m'ont ratée... Ah! je n'en peux plus!... Je suis brisée, brisée...

LE CAVALIER REGNARD. — Les bandits !

Les bandits!... Ma petite femme, nia petite femme adorée... deux ans et demi qu on ne s'était vu,.. deux ans et demi sans nouvelles... deux ans et demi!...

NINI, JEANNOT, MÉLIE. — M'man ! M'man! embrasse-nous!

FRANÇOISE, montrant Mélie. — Tu regardes celle-ci?... Elle m'appelle maman et ce n'est pas ta fille! Tu vois, elle boite... Un jour, devant les Boches, dans la rue, elle s'est mise à chanter... la Marseillaise! Une brute d'Allemand lui a cassé la jambe d'un coup de crosse ! Et puis, comme la mère de cette pauvre petite poussait des cris de fureur, ils se sont jetés sur la malheureuse femme : ils l'ont tuée à coups de sabre!... j'ai vu ça, moi!... J'ai vu ça!... Alors, tu comprends, j'ai recueilli l'enfant.

MÉLIE, enlaçant le cou du cavalier Regnard. — Papa!...

LE CAVALIER REGNARD, l'embrassant. — Ma fille!... (A Françoise .) Françoise, viens l'asseoir là, sur les marches... tout ce qui reste de notre maison!... Tiens! ma chérie, bois et mange...

FRANÇOISE. — Ah! mon aimé, mon aimé!... C'est effrayant comme nous avons souffert... Que d'horreurs!... Que d'horreurs!

LE CAVALIER REGNARD. — Ma pauvre petite...

FRANÇOISE. — Et maintenant que nous voilà délivrés... je n'ai plus qu'une idée, voisu,... une seule !... partir, partir bien vite avec les enfants !... m'enfuir je ne sais pu,.,, loin de

ce pays maudit 1... Mon Dieu ! mon Dieu ! que j'ai été malheureuse... Oh ! partir ! partir! partir pour toujours d'ici !...

(Elle éclate en sanglots et s'effondre en appuyant son visage sur les mains de son mari.)

LE CAVALIER REGNARD. — Ma pauvre petite, ma pauvre petite, comme tu pleures ! Comme lu sanglotes!... Je comprends : brave, comme tu es, tu as refoulé tes larmes devant ces bourreaux... Et puis, aujourd'hui, tout à coup, le trop plein déborde!... Ma pauvre petite, ma pauvre petite,... allons, allons, ne pleure plus... Je te parle comme à un enfant !

FRANÇOISE. — Ah! mon chéri, tu ne sais pas tout ce qu'ils nous ont fait... Non, tu ne peux pas savoir!... Ils nous ont traités comme des bêtes de somme... Femmes, vieillards, ils nous ont forcés de décharger les wagons, de parler le ciment, les ronces de fer, les pieux pou; leurs branchées...

LE PÈRE FORTUNÉ. — C'est vrai, ce qu'ail' dit là!... Tiens! Moi, moi, un jour que j'en pouvais pus, une fripouille de petit officier m'a giflé !... Oui, une gifle, à moi, vieillard à barbe blanche ! Une gifle ! Ah ! vingt ed vingt Dieu !

LES CAVALIERS ANGLAIS. — Oh ! pauvres, pauvrcs Français !

LE PÈRE MARTIN. — Et puis,

i'ncus ont tout pris, tout! les chevaux, les vaches, les, porcs, tout... les poules , les graines, tout ! tout!... même mon pigeon apprivoisé qui venait picorer dans ma main, i' m' l' ont tué!

FRANÇOISE. — Ils ont scie tous nos arbres, pommiers, poiriers, cerisiers... Notre beau pêcher qui, à chaque printemps, était tout rose de fleurs... tranché, à ras de terre. Les charrues, les semeuses, les faucheuses, les batteuses... ils ont tout brisé !

LES CAVALIERS

ANGLAIS. — Les Huns ! Les Huns!

FRANÇOISE. — Et pour finir, ils ont tout brûlé, maisons, fermes, étables, tout!... Nos meubles, nos bonsvieux meubles, ils les ont

entassés, fracassés!... Ils les ont aspergés de goudron et ils y ont mis le feu!... Les monstrès! les monstres!... C'est à devenir folle!... Ah! partir! partir! Et ne jamais revenir ici!!!...

LE PÈRE FORTUNÉ. — Ma foé!... C'est ben c'qui y aurait de mieu à faire ! Tout laisser là, en plan!...

LES CAVALIERS FRANÇAIS ET LES CAVALIERS ANGLAIS. — Ah ! pauvres, pauvres gens !

LE CAVALIER REGNARD. — Ma pauvre femme, comme je te plains!... Pourtant,... écoute... ne dis pas que tu ne veux plus vivre ici... Ne dis pas ça, rna chérie! Tu me fais

trop de peine!... Quoi? laisser notre terre!...Ah! Françoise, alors pourquoi avoir chassé les Boches?... Pourquoi ne pas leur avoir laissé nos champs, si nous ne les cultivons plus?

Oh! non, non, ma Françoise!.. . Nous relèverons notre maison!... Nous retravaillerons

retravaillerons terre ! Comme autrefois elle portera les grardes moissons d'or!... Les Barbares ont tout détruit !... Eh bien ! ma petite Françoise,

c'est à nous de tout refaire

FRANÇOISE. — Mais, mon pauvre ami, on ne peut pas, on ne peut pas!

LE PÈRE FORTUNÉ. — Partout la bonne terre a été dispersée par les obus, et le sol est à nu, comme un squelette sans chair!

FRAJNÇOISE. — Et puis, où trouver les instruments, les bêtes, les semences !

LE CAVALIER REGNARD. — Tout le monde vous aidera!

LE PÈRE FORTUNÉ, hochant la tête. — Oh!

LE CAVALIER REGNARD. — Oui, tout le monde !... fous les braves gens de France, et tous ceux qui, sur terre, aiment la France... Y en a beaucoup ! Vous verrez ! Vous verrez!

FRANÇOISE. — Mais toi-même, avant la guerre, tu trouvais trop dur le métier de cultivateur! Tu disais que nous avions assez d'argent pour prendre un commerce à la ville, et que notre vie y serait plus agréable!... Alors maintenant ?

LE CAVALIER REGNARD. — Maintenant Françoise, je ne dis plus ça!

FRANÇOISE. — Ah! on voit bien que tu n'as pas souffert comme nous!

LE CAVALIER REGNARD, stupéfait.— Ma pauvre petite!... Charleroi ! La Marne ! Verdun ! La Somme !!!... Je n'ai pas souffert comme vous! ! !...

FRANÇOISE. — Pardon, mon chéri, pardon !.. Je suis absurde ! Laissemoi embrasser tes mains, tes pau-


N° 1828

LES ANNALE5

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vres mains qui ont tant fait ! Je sais bien, au contraire, comme tu as souffert ! Le froid, la pluie, la boue, les nuits sous terre dans l'eau glacée, les bombes, les gaz empoisonnés, les combats, le sang qui ruisselle, la mort qui pleut... oui, oui, mon chéri, je sais comme tu as souffert, je le sais!

LE CAVALIER REGNARD. — Eh bien ! aujourd'hui, ma Françoise, j'oublie tout! Toi et mes gosses, vous m'êtes rendus et je suis prodigieusement heureux !

Tout à l'heure, quand j'ai revu dans ce triste état ma maison, mon village !... je n'ai pas pleuré... J'ai pensé : C'est mon pays, pourtant !... C'est là que je suis né ! C'est ma terre ! La voilà ! Je l'ai reprise ! Comprendstu ?... Je l'ai reprise! Pour qu'elle redevienne française, les meilleurs d'entre nous sont morts !... Et plus elle a été martyrisée, ma terre, plus je l'aime !....

A présent, pour moi, celte terre-là, elle est trois fois sainte !...

Ah ! ces pierres de notre maison, ces pauvres pierres brisées, je voudrais les ramasser une à une et les baiser toutes !... Tiens, Françoise ! tiens, embrasse-les, toi aussi !

FRANÇOISE. — Embrasser ces vilaines pierres pleines de poussière ? Merci !... Non, non, tu as beau dire... tout ça, c'est horrible, horrible !... (Elle sanglote de nouveau.)

LE CAVALIER REGNARD. — Françoise, Françoise !... regarde donc nos gosses qui jouent dans notre maison détruite... Est-ce que ça ne te dit rien, ça ?

Les gosses, l'avenir, l'avenir dans les ruines !

Vois-tu! C'est à ces petits-là qu'il faut penser toujours!

La terre, elle est à eux ! Nous n'avons pas le droit de l'abandonner !... Telle nous l'avons reçue, telle nous devrons la leur passer !... Regarde-les ! Sont-ils gentils ! Ecoute-les !...

LE PETIT JEANNOT. — Non, non, non, j'veux pas être le Kaiser !

MÉLIE, LA PETITE BOITEUSE. — T'es bête ! Pisque j'te dis qu'c'est l'jeu !

LE PETIT JEANNOT. — J'veux pas être le Kaiser... J'veux pas, na !

MÉLIE. — J't'embrasserai pour la peine ! Tiens ! (Elle l'embrasse.)

LE PETIT JEANNOT. — Alors, j'veux bien !

MÉLIE. — Mets ce casque-là ! (Aux autres) Et vous autres, mettez ceux-ci ! Vous êtes les soldats boches !...

LES ENFANTS. — Oh ! non, non, non... On ne veut pas faire les soldats boches !

MÉLIE. — Mais si ! Mais si ! Vous verlez ! Ça sera très amusant !

(Elle les coiffe de casques figurés par de vieux chapeaux au fond desquels est plantée une carotte.)

LE PÈRE MARTIN. — Ah ! leurs casques à pointe ! Regardez donc !... un vieux chapeau

chapeau une carotte ! l' z'en ont des idées.

MÉLIE. — Toi, Jeannot, tu te promènes comme le Kaiser, quand il est venu ici. Tu t'rappelles ?... Prends cette serviette pour faire son manteau blanc !

FRANÇOISE. — C'est vrai que le Kaiser est venu ici !... Nous l'avons vu de nos fenêtres !... Dieu qu'il nous faisait horreur !... Il avait un manteau blanc comme le drap qui recouvre les cercueils d'enfants...

MÉLIE. — Vous, vous criez : — Hoch ! hoch ! Hourrah !...

LES ENFANTS qui font les Boches. — Hoch ! hoch ! Hourrah ! (Ils exécutent le pas de l'oie. Un officier leur donne de grands coups de pied dans le derrière, en leur criant :) Plus haut les pieds ! plus haut ! plus haut ! plus haut !

LE CAVALIER REGNARD. — Sont-ils drôles ?

LE PÈRE MARTIN. — Mais c'était tout à fait comme ça !

LES CAVALIERS ANGLAIS. — Oh ! trècomique ! très comique !...

LE PETIT JEANNOT, qui fait le Kaiser. — Braves Allemands, je suis fier de vous !... Vous tuez tout : les femmes, les enfants, les vieux!... Vous détruisez tout : les églises, les maisons des pauvres gens !... Vous êtes tout à fait des brutes ! C'est très bien !

LES ENFANTS, qui font les Boches, repassent

repassent lui au pas de l'oie. — Hoch ! hoch ! hourrah !...

LE PETIT JEANNOT. — Avec des soldats comme vous, j'fais peur à tout le monde !

MÉLIE. — C'est pas vrai ! Moi, j'ai pas peur de toi !

LE PETIT JEANNOT. — Qu'est-ce qui dit ça ?

MÉLIE. — Moi !

LE PETIT JEANNOT. — Ah ! c'est une petite Française !... C'est ça ! Faut toujours que ça regimbe !... Comment t'appelles-tu ?

MÉLIE. — Je m'appelle : la Chanson !

LE PETIT JEANNOT. — La Chanson... Drôle de nom !... Eh bien ! une idée !... Chante donc, un peu, pour moi !

MÉLIE. — Jamais de la vie ! Je n'chante. pas pour les monstres !

UN CAVALIER ANGLAIS. — Ah ! very good ! very good !

LE PETIT JEANNOT. — Moi, j'veux qu'tu chantes, entends-tu ? J'te l'ordonne !

MÉLIE. — Tu l'veux ?... Eh bien ! J'vais l'obéir ! J'vais même appeler mes amis pour

qu'ils chantent aussi... Arrivez, les amis ! arrivez.

(S'adressant à ceux qui n'ont pas de casques.) Alors, vous autres, dites comme moi ! Kaiser ! Kaiser ! affreux Kaiser ! Rends-nous nos papas chéris qui sont morts à la bataille! Rends-nous nos pauvres mamans que tu as tuées.

LES ENFANTS, qui n'ont pas de casques. — Hou ! hou ! affreux Kaiser ! hou ! hou ! hou !

MÉLIE. — Rends-nous nos chers villages ! Rends-nous nos beaux clochers ! Rends-nous nos jolies maisons que tu as brûlées ! Kaiser ! Kaiser ! Ecoute les blessés, les mourants : Oh ! oh ! oh ! Affreux Kaiser ! Affreux Kaiser !

LES ENFANTS, qui n'ont pas de casques. — Hou ! hou ! hou !

FRANÇOISE REGNARD. — Oh ! mes petits! mes petits ! comme c'est triste ce que vous dites-là !


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LES ANNALES

N° 1828

MÉLIE.- C'est 1' jeu !

LE PÈRE MARTIN. - Moi j'peux pas m'retenir de pleurer !

MELIE. — C'est l'jeu ! C'est l'jeu !

FRANÇOISE. — Ôh! Mélie ! Mélie !... LE CAVALIER REGNARD. — Laissela donc ! Ne voîs-tu pas que c'est très beau leur comédie... Ils sont comme le rossignol : ils ne savent pas eux-mêmes comme c'est beau; ce qu'ils inventent ! MELIE. - Continuons!... Kaiser ! Kaiser ! les cris des mamans, des enfants : la voilà, la chanson qui t' plaît ! La voilà !

LES ENFANTS, qui n'ont pas de casques.

— Hou ! hou ! hou !

LE PETIT JEANNOT. — Soldats, empoignez cette petite Française et fusillezlà !... Fusillez aussi tout ça ! tout!

LES ENFANTS qui font les Boches.

— Hoch ! hoch ! hourrah !

(Ils exécutent l'ordre. Ils alignent la Chanson et les autres enfants contre un mur. Ils font semblant de les fusiller.)

LE PÈRE MARTIN. — Ce qui font là, ils l'ont vu faire. I' z'ont vu fusiller not' pauv' vieux curé.

LE CAVALIER REGNARD. — Notre bon vieux curé ?

LE PÈRE MARTIN. — Oui !

LE CAVALIER REGNARD. — Ah ! quelle infamie !

(Les enfants qui font les Boches reviennent, toujours au pas de l'oie.)

LE PETIT JEANNOT. — Est-ce fait?

UN ENFANT. — la ! Nous avons fusillé la Chanson! Nous l'avons jetée au fond d'un puits et nous avons lancé de grosses pierres dessus !

LE PETIT JEANNOT. — A la bonne heure ! Maintenant, c'est fini... Personne ne bouge plus... personne! la Chanson est morte !... Ah ! ah ! nous avons tué la Chanson !

MÉLIE, par derrière lui. — Imbécile !

LE PETIT JEANNOT. — Qui a crié ça ?

MÉLIE. — C'est moi ! C'est la Chanson !

LE PETIT JEANNOT. — Quoi ? Elle n'est pas morte !... Qu'on la tue !... J'veux qu'on la tue !

MÉLIE. — Imbécile ! Tu crois donc qu'on peut m'tuer. J'suis fée ! Je n meure jamais ! Regarde ! j'ai tout plein d'sang sur

moi, mais j'peux pas mourir! Jamais! jamais! jamais!...

LE PETIT JEANNOT. — Qu'on la tue ! Qu'on la tue !

MÉLIE. — Arrière !... Maintenant, j'vais chanter ma v aie, ma belle Chanson !... Et quand j'la chante, tous ceux que tu as tués s'lèvent de terre !...Attends! I'vont se jeter sur loi, monstre! C'est ma Chanson déjà qui a balayé tes soldats à la Marne !... C'est ma Chanson qui va t'chasser, méchante bête !..

Les morts ! les morts ! levez-vous et chantez avec moi :

Allons, enfants de la Patrie, Le jour de gloire est arrivé !

(Les enfants qui figuraient les morts se sont Pressés. Les cavaliers se sont levés aussi. Ils mettent

leurs casques sur la tête des enfants. Tous ensemble chantent la première strophe de la Marseilaise).

UN GRAND ANGLAIS, court à la petite boiteuse, la soulève et l'embrasse. — Chère, chère petite chanson française ! Les Anglais aussi t'aiment de tout leur coeur, parce que tu t'appelles : Liberté !

(Les enfants se sont précipités sur les Boches et ils font mine de lier le Kaiser à une poutre.)

poutre.) A mort les Boches ! A mort les Boches !

LE PETIT JEANNOT. — J'joue pus ! J'joue pus! J'veux pus être l'Kaiser!

LES ENFANTS qui figuraient les Allemands. — Nous, non pus, on veut pus faire les Boches

Boches On veut pus ! (Ils jettent à terre leurs casques.)

MÉLIE, la petite boiteuse. — Alors, y a pus de Boches!... Qué chance!... Y a pus de Boches!...

(Ils lancent des coups de pied dans les casques.)

(On entend des coups de feu.)

UN CAVALIER FRANÇAIS. Hé ! hé,

Ça chauffe bigrement car là-bas !... Qu'est-ce qui se passe donc?

MÉLIE.— Attendez ! attendez ! C'est pas fini ! Maintenant, on va rebâtir les maisons.,. Les garçons et les filles vont s'marier. Et pis, on rentrera chez soi... Allez vite! rebâtissons la maison... Faites semblant, comme ça, avec les planches...

LE CAVALIER REGNARD. — Regarde-les, Françoise! Qu'est-ce que je le disais?... En jouant, ces gesses, nous donnent une leçon de courage ! Ils relèvent les ruines, eux !... Ils rebâtissent la maison!

MELIE. — Les garçons, embrassez les filles ! et chantons :

J'ons une joulie maison !

JEANNOT, embrassant Mélie. — C'est ça :

J'ons une jontie maison !

LE CAVALIER REGNARD. — Tu entends,

entends, Je les tiens dans mes mains, moi, les morceaux de ma joulie maison.

MÉLIE, JEANNOT ET LE CAVALIER REGNARD :

J'ons eun' joulie, joulie maison ! All' est toute en briques ros's ! Les murs sont couverts de ros's ! Les blanch's colombes, tout le jour ! Roucoul'nt leur chanson d'amour ! Dieu ! qu'il fait donc bon, qu'il fait 'Jonc bon, Dans not' joulie, joulie maison !

(Soudain, Françoise embrasse les pierres que tient le cavalier Regnard. Alors, il les dépose sur les marches et il étreint éperdûment sa femme.)

MÉLIE et JEANNOT .

J'ons ean' joulie, joulie maison ! Ma colomb' a le bec rose, Ma colomb' s'appelle Rose ! Rose roucoul ! J'roucoul' aussi! Nous roucoulons tout la nuit ! Dieu ! qu'il fait donc bon, qu'il fait donc bon, Dans not' joulie, joulio maison !

(Les gosses, en s'embrassant, singent le cavalier Regnard et sa femme.)

MÉLIE :

J'ons eun' joulie...

(Elle s'interrompt, car à ce moment, la fusillade crépite avec une grande violence.)

UN CYCLISTE, GC. ":??/.— Hé ! les cavaliers ! Vite! Amenez-vous!... Y a encore des Roches dans le cimetière... Vite !...Suivez-moi! par ici ! par ici !

LE CAVALIER REGNARD, qui tient encore sa femme

çoise !

FRANCOISE, affolée.- Oh! mon chéri! mon chéri! déjà!,.. On! on n' a eu que cinq minutes à rester ensemble! Après trente-deux

mois de séparation ! Oh ! mon chéri, mon chéri! A présent q and se reverra-t- on?

LE CAVALIER REGNARD. — Ça ! demande-le... là-haut !... Vite, les gosses! Vite, vite! que je vous embrasse!... .Après ça je combattrai mieux !

LES DEUX PETITS REGNARD ET MÉLIE. — Papa ! Papa !


N° 1323

LES ANNALES

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LE CAVALIER REGNARD, à la petite boîteuse. — T'es une bonne petite fille, toi !

FRANCOISE, s'occrochant à lui,—Oh ! mon chéri! mon chéri ! ne t'en va pas ! ne t'en va pas ! Je t'en supplie !... Je t'en supplie !.. LE CAVALIER REGNARD,

REGNARD, à elle. — Ah ! non, non ! Pas ça ! Pas ça !...

Pense donc ! Il faut

qu'on-délivre les autres pays où les monstres sont encore.

FRANÇOISE. — Va, Va ! mon grand ! Va !... Et, tu sais, nous nous retrouverons ici, ici !.. On rebâtira la maison ! On retravaillera la terre!... Ici !,.. Ici !.,.

LE CAVALIER REGNARD, déjà loin. — Adieu !

(Tandis qu'il part en courant, Françoise sanglote affreusement. Elle s' effondre sur les marches et elle baise, passionnément les deux pierres où elle retrouve les baisers de son mari.)

UNE PETITE FILLE.—

Fleure pus ma pépé ! l'seront battus les vilains Boches !

RIDEAU

PAUL GSELL

et POULBOT tl.

Dessins inédits de

POULBOT

Les gosses de Poulbot sont montés dernièrement sur les planches. La pièce due à la collaboration du peintre et de son ami, l'excellent

" (\T '■ '-'..'M by Paul Gsell Tous droits réservés.

écrivain Paul Gsell, a été représentée au théâtre des Arts. Vous venez d'en lire le texte. Ce qu'on n'a pu vous rendre, c'est la couleur des décors et des costumes, le mouvement de la mise en scène. Les croquis que Poulbot a dessinés tout exprès pour Les Annales y suppléent. L'ouvrage, interprété par des acteurs pleins de zèle, MM. Marcel

Coste, Lery ; Mmes Jeanine Zorelli, d'Aivola: Mlle Suzy de Sivry, reçut un accueil très chaleureux.

Poulbot est un des historiens de la guerre, et non le moins sincère, le moins pathétique. Il l'a montrée sous un aspect poignant ; son crayon en a décrit les ravages et les deuils. Tandis que le papa peine dans la tranchée.

l'enfant vagabonde dans la rue ; il sait vaguement ce qui se passe, il le devine, il répète les paroles qui se crient ou se murmurent ; il se fait du grand drame une image ingénue et pittoresque. Le long des rampes de la Butte, il joue au soldat; il se fabrique avec des hardes chipées au logis un uniforme de quatre sous. Un bout de torchon, un manche à balai, c'est le drapeau. Un trou au chapeau, une carotte, c'est le casque à pointe du kaiser. Le tuyau de poêle traîné par une ficelle, c'est notre 75 victorieux. Gavroche polissonne, et s'amuse ; ses instincts militaires s'éveillent ; il s'improvise général en chef ; il commande, réprimande, fait pivoter ses troupes, dirige la manoeuvre, enfonce l'ennemi, hurle la Marseillaise Et comme il est né spirituel, il a des mois étonnants : « Sans c'te chameau de concierge, on gagnait la bataille ! » Si sa maman le menace d'une gifle, il se jette à genoux, lève les deux mains ; «Kamarad! Komarad!»

Il est rieur mais affectueux ; ses lettres gauchement tracées, jointes chaque semaine à l' envoi de la ménagère, arrachant des larmes d'attendrissement au poilu. Il se bat, lui aussi, à sa façon.

A.B.

J'ONS EUN JOULIE MAISON !

Vieille Chanson Picarde adaptée par Déodat de Séverac


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LES ANNALES

N° 1828

Le Retour de Linou

QUATRIEME PARTIE

V

Quand Linou fut de retour à La Capelle, il était près de midi. Lalie leva les bras au ciel, en apprenant qu'elle revenait de Fontfrège :

— Si c'est possible!... Par un temps pareil, e! toute seule!... Et M. Jacques qui est venu déjà deux fois!... Je cours lui dire que vous êtes retrouvée.

Linou se débarrassa de son chapeau, de son mantelet, de ses grosses chaussures, fourrées de neige congelée, et se mit en devoir de préparer le maigre dîner.

Son échec auprès de Cadet la faisait cruellement souffrir. En outre, elle avait marché vite, malgré la côte, afin de se réchauffer... Maintenant son coeur battait à se rompre, et elle respirait avec peine.

Midi sonna : elle récita l' « angélus », et s'en trouva réconfortée; et elle avait mis le couvert quand Lalie rentra. Elle gronda encore sa maîtresse : n'était-elle donc pas assez lasse de sa course folle, sans s'occuper des apprêts du repas?... Elle voulait donc se tuer à la peine?...

— Ne te fâche pas, ma bonne Lalie!... Ce que j'ai fait là n'est pas bien fatigant... Dînons...

Elle s'assit à table, sans appétit, seulement par devoir.

— Rien de nouveau, ce matin? demandat-elle.

— Mais si!... Lucie Pagès à qui j'ai porté le pot de confiture, se plaint que vous n'alliez plus la voir... Par ce gros froid, elle ne quitte pas son lit.

— Pauvre Lucie!

— La femme Bordes, de la Lande, — celle qui nous reprochait de ne pas lui apporter de l'eau-de-vie... il paraît qu'elle est bien bas.

— Nous irons la voir tout à l'heure.

— Tout à l'heure? Vous n'y pensez pas; les chemins sont si mauvais, par là-haut, si emplis de neige et de glace, que le facteur lui-même a failli y rester...

— Un homme, c'est lourd; mais nous, Lalie, nous nous en tirerons... Et puis quoi encore?

— Quoi encore? M. Sermet voudrait que, dimanche, jour des Rois, on chantât de nouveau, les cantiques de Noël.

— Si Cécile y consent, je ne demande pas mieux.

— Je ne crois pas qu'elle ait le coeur à chanter, en ce moment.

— Pourquoi ça?

— Mais... après ce qui lui est arrivé, l'autre fois... Et puis, le chagrin qu'elle doit avoir du congé donné par Garric à votre père...

— Elle sait cela déjà? Pauvre petite! Elles achevaient à peine leur frugal repas,

quand on heurta à la porte... C'était Jacques.

— Eh bien, Aline? interrogea-t-il brusquement; tu n'as pas réussi, je m'en doute?

— Hélas! non.

— C'était bien la peine de partir de bonne heure, et par un temps de loup!... Que te disais-je?

— J'avais, en effet, trop espéré de lui... et de moi, fit tristement Linou... L'orgueil lui fait une cuirasse... Je croyais qu'après ses déboires à la mairie, — les embarras d'argent s'y ajoutant,

ajoutant, il serait plus facile à attendrir... Mais non... Il ne consentira jamais, dit-il, à prendre pour bru ta fille de Mion... Pauvre Mion! pauvre morte dont l'ombre pèse sur son adorable enfant!...

— Et la Sophie, que disait-elle?

— Elle était à Saint-Jean, paraît-il, chez son notaire.

— Chez son notaire? Mais tout s'explique, alors!... Elle aura consenti à livrer encore un morceau de sa dot pour rembourser M. Vergnade... Voilà Cadet remis en selle; et en avant les projets ambitieux!... Tu es arrivée en un mauvais moment... Mais c'est reculer pour mieux sauter : son usine ne marchera pas... J'en ai parlé avec des gens qui s'y connaissent. Son outillage est défectueux... Fontfrège est beaucoup trop loin de toute voie ferrée : les transports seront trop onéreux; les bénéfices nuls... Notre frère achèvera de s'enfoncer... Aussi François n'a plus à hésiter : à sa place, j'épouserais Cécile, malgré tout... Et, comme il le disait, l'autre jour, je m'installerais au moulin de La Capelle... Le jour où Cadet sentirait qu'il se noie, il s'empresserait de rappeler son fils et de le mettre au gouvernail... Que lui as-tu dit, à notre neveu, en le quittant?

— Tu me connais assez, Jacques, pour deviner que j'ai conseillé de patienter encore,

— Patienter, patienter... des amoureux très épris? Au premier jour ils feront quelque escapade... et ils n'auront pas tort...

— Oh! Jacques!...

— En tout cas, je ne m'en mêle plus... Et il était bien inutile de me rappeler.

— Voyons, frère! Ne reviens-tu près de nous que parce que nous t'en avons prié?... Je croyais que désormais tu avais fixé ta place ici, à côté de notre père, et que tu voulais y vieillir en m'aidant à y faire lin peu de bien...

— Avec ça que c'est facile de faire du bien dans ce pays?

— Ici comme ailleurs, à condition de savoir s'y prendre, d'être humble, patient et persévérant.

— Tu me crois riche, peut-être ?

— Il n'est pas besoin d'être riche... lu m'as donné à distribuer, depuis mon retour ici, de quoi secourir assez de malheureux... Seulement, il faudrait que ces malheureux tu les déniches et les secoures toi-même... Il faut s'intéresser à eux, les visiter, les consoler... 11 y en a qui ont besoin d'un conseil pour régler un différend, éviter ou suivre un procès... Mais tu peux te rendre utile de cent façons... Par exemple, des lectures, morales et instructives à la fois, de petites conférences aux jeunes gens, qui t'empêcherait d'en organiser ?... Le champ où tu peux semer est immense ; et de ce champ-là, oui, tu devrais être le laboureur... Tiens, pour commencer tout de suite ta nouvelle vie, viens, avec Lalie et moi, tout à l'heure, au hameau de la Lande, voir une malade et porter quelques hardes à de pauvres mères chargées de mioches...

— Vous avez choisi un joli temps pour faire vos charités !

— Ce n'est pas à la Saint-Jean que les petits auront besoin de vêtements... Et il est certain que Jésus avait son idée quand il a choisi la nuit de Noël pour naître dans une étable... Allons, frère, viens avec nous; et prends ton fusil pour nous défendre des sangliers et des loups : cela te donnera une contenance...

— Soit. Il ne sera pas dit que je vous aurai laissées aller seules à trois quarts de lieue, par une journée semblable.

— Rendez-vous, clans une demi-heure, sur le chemin du Vignal.

— C'est entendu... À propos, ma soeur. j'oubliais de te montrer une lettre bien inattendue, et qui contient de l'argent pour les écolières.

— Que dis-tu?

Il lui tendit une lettre. Linou lut tout haut :

« Monsieur et cher compatriote, » Vous avez refusé de faire mon buste,

» mais vous ne refuserez pas cette obole pour

" les écolières de votre soeur. De mon lit, —

» car je suis couchée, à cause d'en gros

" rhume, — je vois tomber la neige à travers

» les vitres; et j'imagine qu'elle doit tomber

» aussi à La Garde et à La Capelle, et que

» les petites filles des mas éloignés doivent

» avoir aussi froid à leurs petites pattes, en

» arrivant en classe, que les pauvres pierrots

» qui viennent becqueter des miettes sur mon

» balcon... Voici de quoi acheter quelques

» chars du meilleur bois de Roupeyrac... En

" retour, dites à votre soeur, qui est une sainte,

» de prier un peu pour que je guérisse, et qu'à

» Pâques je puisse aller voir éclore les pre»

pre» pâquerettes au Ségala... Et qui sait ?

" Je ne désespère pas d'obtenir alors de

» vous... au moins un médaillon...

» Ne parlez pas de moi à votre neveu Fran»

Fran» : nous nous sommes promis une sincère

» amitié; et il s'affligerait de me savoir ma»

ma»

« Croyez, monsieur et cher artiste, à mes

» sentiments de respectueuse admiration.

» Héloïse VERGNADE. »

— Pauvre petite, fit Linou, les larmes aux yeux, comme nous jugeons souvent les gens à la légère!

— En effet; on l'a crue d'abord une coquette un peu délurée; ensuite, une nature foncièrement bonne, mais que Paris avait gâtée... Et la voilà qui, dans la souffrance, se révèle franche, compatissante et généreuse.

— Tu la remercieras bien, n'est-ce pas, Jacques? Et tu lui diras que nous prierons pour elle, maîtresse et élèves, tant et tant, que nous obtiendrons sa guérison.

VI

Ce matin-là, François apprenait, par un mot de son oncle Jacques que, la veille, en équarrissant un tronc d'arbre givré, Garric s'était enfoncé la hache de deux doigts dans le cou-de-pied droit, et que le docteur de Randan, appelé en hâte, avait déclare qu'il ne s'en était fallu de presque rien que l'artère ne fût tranchée...

Le jeune homme dit aussitôt la nouvelle à ses parents, et qu'il partait pour le moulin de La Capelle pour offrir son aide au pèse Terral s'il en avait besoin.

Cadet fit la grimace. De quelle utilité pouvait-il être là-haut, la gelée immobilisant les roues et les vannes?... D'ailleurs, Jacques et Linou n'étaient-ils pas auprès de leur père ?

— N'importe, répondit François, je vais voir ce qui en est.

— C'est une façon comme une autre. riposta méchamment le meunier, de reconnaître officieusement Garric pour ton beau-père, et d'entrer en ménage avant de passer à la mairie.

Un flot de sang sauta au visage de l'amoureux. Il se contint pourtant, se bornant à répondre :

— Quand j'entrerai en ménage, mon père, ce sera au grand jour, et avec l'approbation du maire et du curé. Je vais simplement aux nouvelles.

Et il partit.

Il trouva Cécile qui descendait la côte, revê(I)

revê(I) les Annales depuis le 28 avril 1918.


N° 1828

LES ANNALES

nent de chercher à la poste divers objets envoyés par le docteur.

Un double cri : — Cécile!

— François! Ils s'embrassèrent longuement, puis se hâtèrent vers le moulin.

Jeantou, pâle, était à demi allongé sur le banc du coin du feu, le pied blessé reposant sur une chaise. De l'autre côté du foyer, le père Terral tisonnait, à son habitude, du bout de son bâton ferré.

— Mon pauvre Jean! fit François en prenant les mains du blessé... Voilà une mauvaise chance!

— Vous pouvez le dire, monsieur François.

Le père Terral, avec l'égoïme inconscient des vieillards, dit qu'il s'était blessé lui-même plusieurs fois de la même façon ; et que quiconque manie une hache doit s'attendre à la trouver souvent gourmande de sa chair... Il avait bien dit à Jean de ne pas équarrir ses « rouis » durant la gelée... Et il ajouta :

— Jeantou est puni; il voulait me quitter : Dieu l'a blessé à la patte...

— Oh ! voyons, grand-père, fit François, su? un ton de douloureux reproche.

— On peut bien plaisanter un brin, puisqu'il n'y a rien de cassé.

— Souffrez-vous beaucoup, Jean, demanda le jeune homme.

— Pas trop maintenant ; mais hier, quand le médecin m'a nettoyé la plaie et rue la recousue, j'ai dû un peu serrer les dents, je l'avoue.

— Mon pauvre papa! faisait Cécile en larmes, à demi agenouillée devant son père

— Je ne dois pas trop me plaindre, reprit le blessé... D'abord, je me suis blessé par ma faute, car je savais que le bois gelé et givré est traître... Ensuit-?, j'étais un peu distrait, comme cela m'arrive depuis quelque temps; et on ne doit jamais l'être quand on manie un outil dangereux... Et puis, je pouvais y aller encore plus profondément, et me couper les grosses veines... Et tout le monde n'a pas sous la mars! une infirmière comme votre tante Aline, qui est aussitôt accourue, et qui n'a'pas perdu la tête, elle, oh ! non!,,. Elle a lié ma jambe, au-dessus du genou, d'un bout de corde, et, avec la manche de la pelle à feu que voilà, elle a tourné vigoureusement, serré à me faire crier... mais elle a arrêté la sang... Quelle bénédiction pour les malheureux du pays eue

le retour de cette sainte fille !

Des pleurs d'attendrissement lui vinrent aux yeux.

— Voyons, père, fit Cécile grondeuse; le médecin a défendu ces émotions... C'est bon pour les femmes de pleurer !

— Et tu ne t'en es pas fait faute, ma pauvre Cécile.

— Nous serions trop malheureuses, nous autres, si Dieu ne nous avait pas donne le don des larmes.

Françons regardait tendrement la belle fille tenant dans ses bras la tête du blessé, mais s'effortant de sourire à son amoureux.

Celui-ci s'offrit à venir faire marcher la scierie jusqu'à la guérison de Jean.

— Toi aussi ? dit plaisamment le vieux Terral; nous ne manquerons pas de bras!... Jacques s'en charge de la scierie... Oui, un ancien avocat, un ancien juge, un « esculteur »!... Il prétend maintenant faire de la planche et du feuillard.

— Pourquoi pas, grand-père? Il est fils de maître, et l'on n'oublie jamais tout à fait son premier métier... En tout cas, dès le dégel,

comptez sur moi, au besoin... Je reviendrai un de ces jours; bon courage, Jean!

Cécile s'était relevée pour l'accompagner jusqu'au seuil. Entre la double porte, une nouvelle étreinte muette les unit quelques secondes.

— Je t'aime, Cécile, souffla-t-il dans l'oreille de la jeune fille.

— Je t'aime, François, répondit-elle tout bas.

Dans l'épreuve, ils se sentaient plus chers l'un à l'autre, et le tutoiement avait reparu.

Jacques Terrai fit comme il l'avait annoncé. Lorsque, quelques jours plus tard, le vent eut tourné au sud-est et fondu neiges et glaces, il descendit un matin à la scierie, et la mit en bianle. Grande stupéfaction du père Terral et de Garric, qui accoururent au bruit, aussi vite que le permettaient à l'un ses béquilles, à l'autre, ses quatre-vingt-quatre ans, et trouvèrent le nouveau mécanicien debout derrière le charriot, clignant de l'oeil comme un professionnel, pour s'assurer que la lame s'enfonçant au coeur d'un hêtre, irait bien droit au but.

Il se retourna et sourit aux deux invalides.

— Voilà... fit-il; j'en use comme il y a quarante ans, et il me semble que je rajeunis.

Le père Ferrai restait sceptique.

— Ça ira à peu près, tant que durera cette bille, mon pauvre aîné; mais quand il faudra en ajuster une autre?...

— Nous verrons, père; laissez-moi faire à ma nuise... Je ne casserai rien, allez!

— Prends garde à la bache en tout cas, monsieur Jacques; recommanda Garric... Vous voyez : elle porte encore des traces de mon sang...

— Sois tranquille, Jean, je me méfierai... Retournez près du feu, l'un et l'autre.

Et il fit son nouveau métier de son mieux, durant plusieurs heures, sans autre accroc qu'une planche ou deux légèrement faussées, et quelques ampoules aux mains pour avoir trop serré le manche de la hache et trop pesé sur celui de la lime.

Le soir, quand Linou. vint, après la classe, faire le pansement quotidien du blessé, elle fut émerveillée de trouver son aîné empilant, hors de la scierie, la planche qu'il avait débitée

— Il y en a six « cannes », comme ils disent ici... Ce n'est pas une journée merveilleuse comme rapport; mais demain donnera davantage... Il faut à tout de l'entraînement.

Il ne se redressait pourtant qu'au prix d'un effort visible.

— Les reins? interrogea Linou... je dirai à Lalie de bien bassiner ton lit, ce sois : c'est souverain... Je suis bien contente, Jacques, de te voir la main à la pâte... C'est bon signe.

Ils remontèrent la côte ensemble jusqu'à la maisonnette de Jacques.

— Je dormirai bien, cette nuit, je crois; dit celui-ci en poussant sa porte...

Il ne dormit pas aussi bien qu'il l'espérait; la lassitude n'est pas toujours une bonne berceuse. Et, quand il se leva, le lendemain, il se sentit raide et fort endolori. Mais l'amour-propre lui criait : « Marche! » Il redescendit à la scierie, besogna une heure, puis alla demander sa part de la soupe aux pommes de terre, aux haricots et aux jeunes pousses de choux meurtries par le gel, qui constituait le déjeuner habituel des meuniers. Il mangea de. bon appétit, au grand ébahissement de Cécile, en compagnie de Terral et de Garric.

— Nous ferons décidément quelque chose de notre apprenti, disait gaiement le

vieillard à Jeantou, en montrant Jacques... Quelle sottise de l'avoir jadis envoyé au collège! Sa vocation était de me continuer ici... Ah! si vieillesse pouvait!..,

François arriva sur ces entrefaites.

— Trop tard! la place est prise, fit Jacques la scierie et moi ne faisons plus qu'un...

Cécile apporta un couvert et un verre pour son fiancé. Et le déjeuner fut charmant... Garric dit qu'il commençait à pouvoir appuyer au sol son pied blessé. Linou, — c'était un jeudi, — vint faire le pansement accoutumé ; elle voulut voir dans ce groupement fortuit et familial, un acheminement vers l'union rêvée. François, qui échangeait, à la dérobée, de tendres regards avec son amoureuse, se sentait comme engourdi de bien-être; il eût voulu se persuader qu'il était chez lui, marié, définitivement heureux au milieu des siens... Mais ce n'était encore qu'un beau rêve; et de ces rêves-là on s'éveille toujours trop tôt. Il reprit le chemin de Fontfrège où l'attendaient se silence boudeur de sa mère et les propos honiques ou rageurs du meunier vaniteux, de plus en plus irrité par l'enveloppement dont son héritier était l'objet de la part de Jacques, do Linou, du vieux Terrai et... de la fille de Mion. (A suivre.) FRANCOIS FABIE.

LES MAISONS CLAIRES pour les Enfants pauvres de nos Soldats

Liste de souscription arrêtée le 25 juin

Mlle Odile et Colette Baron, 500 fis; \;!,.s f sabot et Ana de Navarais, 500 frs; ■ la i',; vn- de Case blanca, 536 fr. Miss Callum Ii'iu -Mi.- nu- Mire- (1. Mercey, 283 fr.: reconnaissance à soeur Thérèse de l'Enfant Jésus, 2 fr.: en souvenir de notre ange, 5 fr. Deux échappés à un malheur, 20fr. M. Cunéo, 10 fr.; M. Hauveau, 5 frais Mme Brider, 7 fr. 50; Collecte faite par Mlle Rousselot, 135 ;v,i Mme II. Girard, 25 frais M. P. Esonnoi, 20 fr., Mon Pierrot », 5, fr. : A la mémoire du sallemen. Marcel Godefroy, 60 fr, : Pour que le s. G. protège n.ai'v prisonnier, 5 fr.: Mme R. Conte, 29 fin: Mme Wullvo mier Canot, 10 fr.; S. H. V., 50 fr.; Mme Mouvel 10 fr.: Mme M. Combes, 10 fr.: Le Cerele des Annales d'Ottawa, présidente, Mme l'amblay, son fraccs; M. Ferrer, 5 fr.; M. Deneelai transmis par Mme B. Gahen, 228 fr.; Anonyme, en fr.; Mme Houzé, 15 fr.; Mlle Servais, 2 fr., Mme F. Ger main, 20 fr.; Lieulenant Campart, transmis par Mme Truffler, 50 fr.; Mme Labarttre, fr. 50; M. Briffaut, 10 fr.; Mme Colombare. 10 fr.; M. Razu, 5 fr.; Mme Ziffero, 10 fr.; M. et Mme La terre, MinRowerra Braudt. transmis par Mme fn-lnso.i Codchauv. 171 fr.; M. Beautaberry, 10 fr., pour la protection d'un militaire, 10 fr.; M. Modert, 5 fr. : Union Chretienne de Jeunes Filles. n-an-nils par Mlle Debrie. 10 fr.: G. C. Ambenoise, 15 fr.; Un groupe de Millattes de l'école du dimancine et sa monitrée, 7 fr.; Mme Meinelte, 5, fr.; Mlle et M. Demeulier, 5 fr.; Mlle Boulin, 10 fr.; N. Cailler. G fr.; Mme Galion. 2 fr. 20; M. Tarris 25 fr.; Ménage aigérien sans enfant, 20 fr. ; Anonyme. 3 fr.; Mme Blandeoil, 20 fr.: Jean et Loulou de Montpellier, 5 fr. : Mme Mellard, 6 fr. 05; Mlle Mogler, 10 fr.; Mme Damidot, 10 fr.; Mile A. Roi. transmis par Mme Bernard, 25 fr.: Mme Brère et sa Mlle in fr.; G. I... 2 fr.: Caporal !.. chapentier. 5, fr.; Pour que le S. C, et M. D. les protègent, 2 fr.; une fidèle abonnée. 5 fr.; M. Rives. 5 fr.; un groupe de jeunes filles transmis par Mlle Larignon, 20 fr.; Jean, 5 fr.; Anonyme. 50 fr.; Mine Captier, 250 fr.

Collecte faille et transmise par Mme Laura Maitei à Coisca Calacucela, 52 fr. Liste des donateurs Albertine Loetitia,. flécile Giamarchi, Mattei , Jean Pasquin, Mattei Lilline, Albertine don Joseph Albertine Lucie, Mattei Laure, Alberitine Jean. Albertine Proxédia, Martracel Pasqualine, Lautine Joseph, Albertine Jacques, Gianarchi Ange, Acquaviva Charles, Maestraccu Charles, Mattel Jean, Costa Sauveur, Memi Jean-Baptiste, Lantucci Joseph, Lantucci Pierre, Maestraccu Ange, Manuracci Jeanne, Memi Etienne. Maestraci Auguste, Albertine don Joseph, Albertine Marie-Angèle, Mattel Marci, Albertine Diane, Albertine François, Santucci Jacob, Mlle Lolla Acquaviva.

Mme Virginia Ilernsndez, 42 fr. 20; M. L. B., 10 fr., Anonyme, 5 fr.; Mme Good, 5 fr.; Mme et le capitaine Lossouarn, 10 fr; Nénette et Rtntintin, 5 fr.; Mme M. Schontor, 231 fr. Total : 3.337 fr. 85. Subventions. 18,326 fr.


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LES AMNALES

N° 8828

REVUE FINANCIÈRE

H, D. — Pour tout et qui concerne la partie financière. Renseignements pr Valeurs, Orares de Bourse, Prêts sur Titres, Comptes de Chèques, Paiements de Coupons, etc. ses lecteurs sont pries de s'adresser directement au

CRÉDIT MOBILIER FRANÇAIS

Société Anenyme au Capital de 80.000.000 de francs

BUREAUX:30 et 32, rue Taitbout (B Haussmann), Paris

Vendredi, 28 juin 1918

La Beurse de Paris manifeste depuis huit jours des dispositions nettement satisfaisantes et un regain d'animation, dont bénéficient nos fonds nationaux, les fonds d'Etats en général et même les fonds russes, la plupart des groupes de la Cote et particulièrement les valeurs à revenu fixe.

Banque de France

Le Conseil général de la Banque de France vient de fixer le dividende du premier semestre de 1918 à 126 IV. 315 brut, soit 120 francs net par action.

Ce dividende est payable à punir du 20 juin. Il est égal a la répartition du semestre correspondant de 1917.

Société Générale

Nous avons déjà annoncé qu'il sera détaché, le 5 juillet, sur les actions de la Société Générale, un coupon de 7 fr. 50, complément du dividende de l'exercice 1917 fixé à 12 fr. 50 (contre 10 francs pour l'exercice précédent) et sur lesquels un acompte de 5 francs a déjà été payé au mois de janvier dernier.

Nous croyons devoir rappeler à cette occasion les progrès réalisés dans la situation de cet Etablissement depuis quelque temps.

Au dernier bilan publié, c'est-à-dire un bilan du 50 avril 1918, le montant des dépôts atteignait 612.972.470 francs ; l'encaisse était de 260.258.185 francs et le portefeuille-effets et bons de la Défense Nationale s'élevait à 792.799.194 francs. Le bilan se totalisait par 2 milliards 235.910.607 francs. Ces chiffres, qui vont constamment en s'accroissant, se nivellent de plus en plus avec ceux d'avant ht guerre et ils les déplisseront sans doute assez vite.

La Société Générale, qui a toujours eu auprès du public une très grande popularité, voit celle-ci s'affirmer chaque jour dantage, et les facilités qu'elle a su donner à sa clientèle dans les circonstances actuelles lui valent, en ce moment même, une recrudescence de faveur que nous ne faisons ici que constater.

Mais tout s'enchaîne et se tient. Les progrès que nous signalons, la régularité continue avec laquelle ils se porursuivent et le courant qui porte de plus en plus la. clientèle vers la Société Générale, devront trouver leur expression naturelle dans la plus-value progressive de ses actions.

Obligations 5 % BOLIVIE 1913

Les Obligations 5 % or de l'Emprunt Bolivien 1913 attirent justement l'attention par l'avantage de leur revenu et l'importance de leur prime de remboursement. Elles sont demandées aux environs de 410 francs.

Nous rappellerons, à propos de ces titres, que la Bolivie a toujours tenu très régulièrement tous ses engagements et que sa prospérité ne fait que s'accroître.

On remarque la fermeté du change bolivien qui temoingne lui aussi, de l'excellente situation économique du pays.

Le pair de l'unité monétaire bolivienne est, eu monnaie anglaise, de 19 deniers 10. Avant la guerre, le boliriano n'a jamais atteint le pair ; il valait de 16 à 18 deniers ; en 191 le change bolivien était tombé à 14 deniers 5,8: il est aujourd'hui à plus de 21 deviers dépassant sensiblement, comme on le voit, le pair de 10 deniers 10.

Il n'est donc pas étonnant que les fonds boliviens soient très fermes et que l'Emprunt 1913 soit recherché, comme nous l'avions prévu.

L'Emprunt 1910n en tout comparable à l'Emprunt 1913, est demandé vers 435 francs.

Le coupon d'intérêt semestriel de 12 fr. 60, sur l'un comme sur l'autre Emprunt, sein détaché le 1er Juillet et, vraisemblablement, très promptement regagné.

Electricite de Limoges

Emission d'Obligations 6% net

Les obligations 6% net des bonnes affaires industrielles jouissent auprès des capitalistes d'une faveur toute spéciale.

Les obligations de ce type que la Compagnie Centrale d'Eclairage et de Transport de Force par l'Electricité (Compagnie d'Electricité de Limoges) émet actuellement rentrent dans cette catégorie et sont assurées d'un accueil empressé.

Le taux d'émission est de 96 soit de 480 francs.

Ces obligations rapportent 30 francs par aunets de tous impôts présents et futurs, payables semestriellement le 1er Janvier et le 1er juillet de chaque année, et sont remboursables au pair en 30 ans.

Le CRÉDIT MOBILIER FRANÇAIS reçoit dès

maintenant les demandes, qui seront servies au fur et à mesure de leur arrivée.

La Notice a paru au Bulletin des annonces légales obligatoires du 24 juin. »«««

ASSEMBLÉES GÉNÉRALES

Compagnie Parisienne de Distribution d'Electricité

L'assemblée ordinaire du 23 Juin a. comme nous l'avons annoncé, fixé le dividende de l'exercice 1017 à 4 %, soit. 10 francs par action, payable le 6 juillet.

Après avoir approuvé les comptes à l'unanimité, l'assemblée générale a réém MM. Bénac, Griolet et Noblemaire, administrateurs sortants.

Compagnie Transatlantique

Les actionnaires de cette Compagnie, réunis le 24 juin en assemblée générale ordinaire, ont approuvé les comptes de l'exercice 1917, dont nous avons donné un résumé dans les Annales du 9 juin.

Le dividende a été fixé à 20 fr. (contre 18 fr.) par action ancienne et à 13 fr. 50 par action nouvelle. Déduction faite des acomptes perçus, il reste à payer 12 fr. 50 pour toutes les actions indistinctement à partir du 1er juillet.

Port de Pernambuco

L'assemblée générale annuelle des actionnaires de la Société de Construction du Port de Pernambuco s'est tenue le 26 juin. Elle a approuvé à l'unanimité les comptes de l'exercice 1917 et fixé le dividende à 30 francs par action, égal au précédent.

Imp. Dunois et BAUEE, 34, rue l'affaire, Paris.

En Cheminant =»

Certaines écoles se sont spécialisées dans l'enseignement de la comptabilité, de la sténographie et de la dactylographie, ou à la préparation aux emplois administratifs, et s'en acquittent tien ; mais les situations sédentaires qu'elles préparent sont les moins rémunératrices,

Les carrières administratives sont encombrées: pour une place qu'il faut obtenir souvent, par laveur, il y a plusieurs centaines de candidats. si vous consultez, en effet les petites annonces des journaux, vous n'y verrez, jamais une a limidistraction demandant un fonctionnaire, mois par contre vous y trouverez des demandes do roprésentants. de voyageurs et de directeurs commerciaux on quartié.

Les employés de bureaux eu de magasins sont légion; les femmes envahissant de plus on plus ces carrières et c'est pourquoi je ne saurais top recommander à ceux qui se' sentent quelque valeur de :

VISER PLUS AME

et de laisser de côté les emplois, sédentaires déjà si encombrés. Qu'ils s'assurent une situation curative. une vie active et indépendante, en apprenant à négocier et à, trailer les affaire. Or je. vous rappelle encore une lois que l'Ecole Technique supérieure de Représentation et de Commerce, 58 bis, Chaussée d'Antin, a pour but justement de préparer rapidoment et a peu de irais à ces situations. Du reste la brochure à ce sujet vous sera envoyée gratuitement par l'Ecole sur demande de ma part.

Vous voyez, chères amies, qu'il ne tient, qu'à vous d'assurer à vos enfants la première condition d'une existence heureuse. Meis, s'il est nécessaire de développer leurs qualités, de leur faire apprendre un métier qui puisse en toute» etreor stances les mettre à l'abri du besoin, il tout aime toute chose

LEUR DONNER UNE DONNE SANTE

Les jeunes gens bien portant voient s'ouvrir devant eux nombre de carrières inaccessibles aux malingres, aux affaiblis qui. à, intelligence égale, se voient, distancés faute de pouvoir produire un effort suffisant.

Les jeunes filles, de leur côté, supporteront peut-être toute leur vie les conséquences des mauvaises conditions dans lesquelles se seront passées les années de leur adolescence.

C'est donc à l'époque de leur formation que vous devez particulièrement veiller à la santé de vos enfants, surtout de vos filles. Tout l'organisme, durant, cette période, est. soumis a un travail intense. Or, pour supporter l'effort qui lui est imposé, il importe que le sang dan» lequel il puisse su nourriture seil lui-même toujours assez vigoureux pour pouvoir renouveler les forces dépensées. Les parents feront donc sagement, à ce moment de mettre leurs enfants au traitement des l'alules Pink qui donnent, au sang richesse et pureté. Les propriétés reconstituantes de ces pilules font d'elles le fortifiant par excellence à l'époque de la puberté. Le» Pilules Pink, je le répete, sont, non seulement le grand régénateur du sang, mais encore le plus puissant tonique des nous. Les anémiés, le» affaiblis ainsi que les suimenés, les neurasthéniques, et tous ceux; qui souffrent ne maux d'estomac, de maux de tête, de rhumatismes, de troubles nerveux, trouveront en elles le remède à leurs maux.

Elles sont en vente dans toutes les pharmacien et au dépôt, Pharmacie l'ablie. 23, rue Ballu, Paris, au prix de 3 fr. 50 la boite, 17 fr. 50 les six boites, franco, plus 5 fr. 40 de timbre taxe par boite.

FURETTE.

BOITE AUX LETTRES

Vinon le Blonde Pour embellir vos ci,-':- . < -. >.;;■ t : • ; ï ' ï i. lisser et satiner l'épiderme, servez-vous de sa . .,*-» >.^ l'«'*:!;ir^ que vous trouverez à la Parimonnerie \:\*-:'. J. 26. que du Quatre-Septembre

Jeune Marrainelle. — I" il nï^ impossible 1. ■.- . ■= : o\ :■« ■ «h<.

un délai aussi court 2° C'est l'âge ils passer .:. ..V:.r>- r "'lil''. surveillez toujours le bon t■ .in tt'.ntn*n;» nt i'»: \' ''^ ^■■^•■f v<* rt de votre intestin

Jane N° 39.— 1° -Tc 1° Je vous chercherai '";';■■ •■■; ■-■*-F;.r.i.i'i v.,\ mais envoyez-moi votre adresse 2° C'est ■■ \-'.~ *';;>? nt ''--■'' zv* ladie d'estomac ou d'intestins entierre par ■ " «""-r '■*-*■ Voyez un médecin au plustôt, mais cela n'a aussi . ..j -, i :î n - c<; .-r que vous dites. 3e Si vous ne pouvez l'assier ^. -•>*.. _«(t.'jt de convient pas à votre c-'-'tniniio et ce n'est *, .c :': ic. \i Ir.sl^- tez pas pour l'absorber.

Jeune mère. — La Poudre Capillus retoure six serveux blancs sans les mouiller leur nuance primaire E. ,;<> poudre existe en toutes nuances, mais pour avoir ce r'.r qui ...IL*- .-^n-