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Titre : La belle ténébreuse / par Jules Mary

Auteur : Mary, Jules (1851-1922). Auteur du texte

Éditeur : [s.n.]

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb309001664

Type : monographie imprimée

Langue : français

Langue : Français

Format : 1 vol. (188 p.) : ill. ; in-fol.

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Description : Avec mode texte

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k5710183k

Source : Bibliothèque nationale de France, département Littérature et art, FOL-Y2-115

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 31/08/2009

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JOURNAL DU DIMANCHE

Mêmes passions, mêmes plaisirs.

Là, ainsiqu'au nord, ainsi qu'au midi, l'on souffre et l'on est gai.

On vit plus vite, peut-être, puisque la vie y est plus courte. Là, comme partout, l'on hait et l'on aime. L'on aime! C'est justement l'amour' qui ouvre ce livre d'un coup de ses ailes douces, et qui va planer sur tout notre début, avec le cortège dé ses espérances radieuses, de ses rêves et de ses baisers.

Les cloches de l'église de Méobecq, une ancienne chapelle abbatiale, de style roman, très visitée par les touristes pour ses fresques du douzième siècle, les cloches sonnent à toute volée ; tout est en fête ; le ciel a mis sa parure bleue, d'un bleu inaltéré, couleur des affections impérissables; c'est le mois de juillet, toutes les feuilles sont aux-arbres et toutes les fleurs sont épanouies dans les jardins.

Autour du portail, des branches vertes ont été clouées, avec des rubans blancs, couleur de virginité, et des rubans rouges, couleur d'amour.

Les cloches sonnent, la porte est grande ouverte, des voitures s'arrêtent au pied de l'escalier et le cortège se forme. Mademoiselle Marceline de Montescourt, la fille unique du comte de Montescourt, une vieille .famille de la Brenne, épouse Pierre Beaufort. Qu'est-ce que Pierre Beaufort ?

On ne le connaît pas. C'est un étranger au pays. Il a rencontré Marceline en Suisse, où elle passait une saison avec sa tante, pour cause de santé. La Brenne use vite! Il l'a aimée. Il est venu la demander à son père qui la lui a donnée, les larmes aux yeux, en lui serrant les mains avec une énergie singulière et en disant :

— Vous avez bien fait de la choisir. C'est du bonheur que vous avez mis plein votre vie !

Les cloches sonnent et tout est en fête, le soleil, les Heurs, les arbres; l'église semble vouloir sourire, en laissant passer ses tours de pierres grises à travers la Verdure, comme une bonne vieille ridée, dont le doux visage apparaîtrait entre les rubans et les fleurs. Et pourtant le mariage est lugubre. Lorsque le cortège monte les marches, il y a un frémissement de surprise dans les groupes de villageois apressés contre le portail;.une exclamation étouffé, sourde, glisse, vole, de groupe en groupe. .La mariée, est en noir 1...

Huit jours auparavant, M. de Montescourt était mort. Avant de mourir, comme tous les préparatifs étaient prêts pour le mariage, il avait exigé que la cérémonie eût lieu au jour fixé.

— Que rien ne soit changé, avait-il dit... Vous m'oublierez ... Vos baisers sécheront vos larmes... Je vous bénis...

Et sur le point do rendre l'âme, regardant Beaufort qui lui pressait les mains, il avait doucement répété :

— Vous avez bien fait de la choisir, quand même, c'est du bonheur que vous avez mis plein votre vie...

Quand même! Beaufort, troublé, n'y prit pas garde. Le blanc n'est pas seulement une parure de fête pour la mariée, c'est ia parure de la jeune fille.

Le deuil n'y fait rien, quelque récent qu'il soit. Pourtant Marceline avait insisté :

— Nous ne retarderons pas notre un-on, puisque mon père nous l'a défendu ; niais je porterai son deuil, et ma robe de mariage sera une robe noire !

• Beaufort l'aimait. Il ne fit pas d'objection. Du reste, les invitations avaient été contremandées. Il y avait là seulement les témoins et quelques parents.

Marceline était de taille moyenne ; très brune, très pâle, avec des yeux noirs au regard profond, son visage, fin, distingué, avait un air de fatigue qu'on ne pouvait attribuer qu'à la récente douleur que lui avait causée la mort du comte de Montescourt.

Ni guirlande, ni couronne de fleurs d'oranger, rien en elle ne rappelait la fiancée, la jeune fille, la vierge.

Des petites paysannes de Méobecq, accourues pour la voir, toutes prêtes à l'admirer, murmurèrent :

— Elle a plutôt l'air d'une veuve !

C'était vrai ; mais pour quiconque l'eût observée, pour quiconque l'eût connue, ce n'était pas seulement le deuil de son père qu'elle portait. La joie toute puissante de l'amour eût peut-être, à l'heure solennelle de l'union, effacé ce récent chagrin. Mais dans la profondeur.sombre de ses yeux semblait être empreint un deuil plus ancien que celui-li, une.tristesse cachée, et c'était cette trisïesse à coup sûr, qui avait si étrangement pâli son visage, qui avait abaissé le coin de ses lèvres et jeté son voile de fatigue sur cette physionomie d'enfant.

Marceline n'avait pas vingt ans.

Beaufort venait ensuite, grand, mince, blond, ayant des yeux très doux, larges et bien fendus, des yeux de femme; sa moustache blonde découvrait sa lèvre supérieure et les deux pointes relevées en broussailles, avec, leur allure martiale et provocatrice, enlevaient à la physionomie du jeune homme ce qu'elle avait de trop fémi•

fémi•

La cérémonie se passa sans incidents.

A deux ou trois reprises, pendant qu'ils étaient unis, pendant que le prêtre leur parlait, rappelant les devoirs nouveaux au-devant desquels ils couraient, Marceline leva sur son mari ses yeux noirs, où roulaient bien des larmes, mais où brillait aussi une infinie et profonde reconnaissance.

Elle disait :

— Je tiendrai la promesse faite à mon père. Je t'aime.

Lentement, le mariage célébré, ils redescendirent l'église, au bras l'un de l'autre, suivis des parents et des anis, et montèrent dans les voitures qui les reconduisirent au château de Benavant, résidence des Montescourt, situé à quatre ou cinq kilomètres de Méobecq.

Pierre Beaufort ne faisait pas un mariage d'argent.