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Titre : Les Annales politiques et littéraires : revue populaire paraissant le dimanche / dir. Adolphe Brisson

Éditeur : [s.n.] (Paris)

Date d'édition : 1887-12-25

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34429261z

Notice du catalogue : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb34429261z/date

Type : texte

Type : publication en série imprimée

Langue : français

Format : Nombre total de vues : 42932

Description : 25 décembre 1887

Description : 1887/12/25 (A5,T9,N235).

Description : Collection numérique : Arts de la marionnette

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k5706210m

Source : Bibliothèque nationale de France, département Collections numérisées, 2009-34518

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 01/12/2010

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SOMMAIRE

C politique

Notes de la semaine FRANCISQUE SARCEY

Croquis parisiens (Noël) VICTOR FOURNEL

Echos de Paris SERGINES

Sur le Pont des Arts PAUL ARÈNE

Monsieur le llulan PAUL DÉROULÈDE

Musique KLY-EDMOND GRIMARD.

Pages oubliées : Les trois messes

basses (coule de Noël) ALPHONSE DAUDET

Mouvement scientifique: Géographic HUGUES LE Roux

L'OEillet blanc, comédie ALPHONSE DAUDET

Livres et Revues A. B.

Propos du docteur : La transfusion

et la cure de sang. H. PERRUSSEL

Kobur le Conquérant JULES VERNE

Les jeux du dimanche TIRÉSIAS

Livres de la semaine

Annonces

SUPPLEMENT ILLUSTRE

NOËL ! La Noël du poète, par Toly.

— La veillée de l'Enfant Jésus, tableau de

Dagnan, gravure de Baude.

— Pauvres oiseaux, composition de Mme Martinet.

— Le Réveillon, d'après une frise d'Holbein.

MUSIQUE : La veillée de l'Enfant Jésus, paroles d'André Theuriet, musique de J Massenet.

CHRONIQUE POLITIQUE

Les Chambres viennent de se séparer après avoir accordé au gouvernement trois douzièmes provisoires.

Les intransigeants de toute nuance auraient bien voulu refuser leur vote et mettre immédiatement le nouveau cabinet en minorité, mais, au dernier moment, ils ont tous reculé devant la responsabilité d'une nouvelle crise.

Malgré les sombres prophéties de M. Andrieux, malgré la perspective d'une dissolution, ils ont donné le blanc-seing que demandait M. Tirard.

Ils ont compris qu'ils seraient sans excuses de renverser à ce moment de l'année un ministère sincèrement républicain et auquel on ne peut pas dire qu'il pactise avec la droite, un ministère qui se présente, somme toute, avec un programme sur lequel ils n'ont rien à dire, si ce n'est qu'il ferme la porte aux questions irritantes.

La déclaration qui a été lue aux Chambres s'en tient, en effet, aux choses que fout le monde accepte; c'est un programme d'affaires et rien de plus.

Comment s'insurger contre des ministres qui parlent de consacrer leurs efforts a équilibrer le budget et promettent, de réprimer sérieusement les fraudes qui lèsent journellement le Trésor public ?

Comment, sans inconséquence flagrante, jeter bas, dès sa première heure, un cabinet qui inscrit en tête de ses déclarations les lois protectrices de la femme, de la fille mineure et de l'enfant, l'organisation des caisses de retraite et de secours aux ouvriers mineurs, l'enseignement agricole, l'organisation de l'assistance publique dans les campagnes, la loi sur le régime des mines, la création des chambres d'agriculture, l'achèvement du code rural ?

M. Tirard, il est vrai, n'a pas soufflé mot de la séparation des Eglises et de l'Etat, il a laissé de côté l'impôt sur le revenu, il n'a pas parlé de la politique coloniale ; tous les grands articles du credo radical ont été laissés à dessein dans l'ombre, et c'est là ce qui chagrine tant M. Pelletan et consorts. On devine aisément pourquoi.

Quoi qu'il en soit, les ministres ont devant eux un crédit d'un milliard pour parer aux nécessités des services publics ; ce crédit leur a été accordé de la façon la plus désobligeante qui soit, mais enfin ils ont, en retour, un bon mois de tranquillité ou de pseudo-tranquillité devant eux.

Ce n'est pas de trop pour se préparer aux orages de la session prochaine !

La besogne non plus ne leur manque pas ! Ils ont, d'une part, à étudier les propositions de la Commission du budget, à en peser le fort et le faible ; ils ont enfin à prendre de grandes mesures à l'égard du Conseil municipal. La première de ces mesures, celle qui s'impose, est l'installation du préfet de la Seine à l'Hôtel de Ville.

C'est le meilleur moyen que le gouvernement ait encore d'empêcher, le retour des incidents scandaleux dont l'Hôtel de Ville a été le témoin pendant la longue journée du Congrès.

L'interpellation de M. de Lamarzelle, à ce sujet, a déjà procuré au président du Conseil l'occasion de parler un langage énergique ; aujourd'hui, il est de toute nécessité que les actes et les paroles de M. Tirard ne se donnent pas un mutuel démenti.

Cette installation du préfet à l'Hôtel de Ville serait d'ailleurs une première bonne réponse à M. de Lamarzelle lorsque, dans un mois, il développera son interpellation.

Le budget et la répression du Conseil municipal, voilà le gros oeuvre du ministère.

ministère. aura, entre temps, à régler des questions qui ne sont pas. d'une mince importance, notamment le traité de commerce avec l'Italie.

On connaît sans doute les mesures que le gouvernement a prises pour atténuer les fâcheux effets que la dénonciation de ce traité peut entraîner. Il a été autorisé par les Chambres à majorer les droits de douane avec les pays qui n'ont pas de traité de commerce avec la France et à établir sur les produits venant d'Italie des droits égaux à ceux que subissent nos produits similaires lorsqu'ils entrent en Italie, en cas où ce pays n'accepterait pas la prorogation, pour six mois au moins, du traité signé en 1881.

En se ralliant à la proposition de M. Félix Faure, proposition qu'il avait tout d'abord écartée, le gouvernement a sauvegardé assurément les intérêts de notre commerce et de notre industrie, mais, cela ne suffit pas ; il ne faut pas que dans six mois le ministère, s'il est encore là à cette date, se retrouve acculé à la même question.

C'est l'Italie qui a dénoncé le traité, bien qu'il lui fût avantageux, il est juste qu'elle paye sa légèreté. Le gouvernement a le devoir de se montrer impitoyable. Aujourd'hui, il sert peu d'être généreux, et, puisque l'Italie s'est rangée du côté de nos ennemis, faisons-lui la guerre à coups de tarifs en attendant celle à coups de canons.

Les ministres ont aussi à se mettre d'accord sur la question du sous-secrétariat des colonies.

Cette question divise le cabinet depuis son arrivée aux affaires.

On sait qu'en prenant le portefeuille de la marine, M. de Mahy a demandé la suppression du sous-secrétariat aux colonies, et que M. Tirard, pressé de constituer son ministère, a laissé carte blanche au député de la Réunion, sans se rendre compte que cette suppression était plus facile en théorie qu'en pratique.

Depuis 1886, l'administration centrale des colonies évolue en pleine indépendance, et cette liberté n'a pas donné de mauvais résultats. L'administration, pour répartir le travail d'une façon plus normale et donner aux chefs de service des vues d'ensemble qu'ils ne pouvaient avoir auparavant, a spécialisé ses bureaux par groupes de colonies similaires. Et voici qu'aujourd'hui M. de Mahy prétend tout remanier. Ce serait faire le travail de ; Pénélope; il est à souhaiter que le nouveau ministre de la marine revienne à. une plus sains appréciation des choses..


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LES ANNALES POLITIQUES ET LITTÉRAIRES

Il a, d'ailleurs, contre lui, toute la députation coloniale.

A l'étranger,le désaccord survenu entre l'Autriche et la Russie est loin de toucher à une solution quelconque, et les nouvelles les plus alarmantes continuent de courir et de jeter le public dans de vives inquiétudes.

Les hommes d'Etat autrichiens et les journaux viennois discutent en ce moment les conséquences d'une discussion diplomatique avec la Russie.

Les uns pensent qu'en renonçant à toute intervention, la Russie prendra des dispositions militaires propres à dissiper les inquiétudes communes ; les autres sont d'un avis diamétralement opposé.

Quant àl'état-major autrichien,il prend les mesures nécessitées par la concentration des troupes russes. Malgré cela, il est apparent que l'Autriche ne désire pas la guerre, et que si elle n'était pas poussée par M. de Bismarck,elle considérerait les mouvements russes comme des mesures de sécurité et non comme des menaces. La main du chancelier est visiblement dans tout cela.

M. de Bismarck pense sans doute que l'heure d'une lutte définitive a sonné, et peut-être veut-il, en alarmant l'Autriche, la forcer à pousser le plus loin possible ses armements, pendant que lui-même exige du Reichstag une loi qui augmentera la réserve de l'armée allemande dans des proportions formidables.

Avec cette alliée puissamment réorganisée, avec sa réserve de deux millions d'hommes qui lui permettra de jeter en armée de première ligne toute son armée active, M. de Bismarck se sent probablement invincible, et peut-être veut-il tenter une dernière partie qui assurerait pour longtemps la fortune de l'Allemagne? Les événements répondront pour nous.

NOTES DE LA MAINE

est cette semaine qu'a été inaugurée la statue que nous avons dressée, par souscription, sur le tombeau d'About. Quand je dis qu'elle

a été inaugurée, je pense au jour ou vous recevrez ce journal. Car, au moment où j'é cris, la cérémonie n'a pas encore eu lieu. J'attends, en causant avec vous, l'heure de partir, et de quoi voulez-vous que je cause sinon de lui, dont j'ai naturellement l'esprit tout plein?

C'est M. Renan qui doit parler au nom de l'Académie; Jules Olaretie prendra la parole au nom de la Société des gens de lettres, dont About fut le président durant quelques années. Les Annales vous donneront sans doute quelques extraits de ces deux discours, qui ne sauraient manquer d'être intéressants. Pour moi, mon rôle se bornera à remercier les artistes, qui, avec un désintéressement admirable, ont bien voulu donner leur talent à l'achèvement de cette oeuvre, sans en espérer d'autre prix que le plaisir d'avoir rendu un dernier hommage à un illustre écrivain qu'ils aimaient.

Crauck, qui a beaucoup connu About à l'Ecole de Rome et qui est resté jusqu'à la mort son ami fidèle, nous en a donné, en bronze,un portrait frappant de ressemblance et plein de vie. Il l'a fait jeune, comme il

l'avait vu dans ses années de verve et de force, avec un visage animé de tous les pétillements de l'esprit.

Il vient justement de m'apporter la photographie de sa statue, et tout en la regardant, je repasse dans ma mémoire toutes les phases de cette vie agitée.

Il était originaire de cette Lorraine qui, en ce temps-là, était française dé nom, comme elle l'est restée de coeur. Son père était un petit épicier dans une petite ville. About se souvenait à peine de lui ; car il était tout enfant lorsque son père mourut. Tout ce qu'il en sut, c'est que son père était un brave homme, grand railleur et d'humeur gaie, qui tournait également des couplets que l'on chantait en coeur au dessert. Il fut élevé par sa mère, qui était une femme d'infiniment d'esprit, de beaucoup d'imagination, et qui exerça sur lui, durant de longues années, une influence extraordinaire.

Il fit ses premières études au séminaire, et s'y fit remarquer par un goût de critique frondeuse, fort rare à son âge, si bien qu'un de ses maîtres lui lança un jour, comme une dernière menace, ce mot terrible : « Toi, tu seras un jour Voltaire. » Il ne croyait pas si bien dire.

Les heureuses dispositions qu'il témoignait pour l'étude le firent distinguer par un professeur, qui proposa à la mère de l'envoyer à Paris dans une des institutions qui circulaient en ce temps-là autour de Charlemagne. C'est ainsi qu'il entra chez M. Jauffret et suivit les cours du lycée. C'est là que je le vis pour la première fois en sixième, où nous étions tous deux, et que je me liai avec lui pour la vie.

Quelques-uns gardent durant leurs années de collège le secret de la supériorité qu'ils iloivent déployer plus tard. Ce. ne fut.point le cas d'About. Il était toujours le premier, quand il se donnait la peine de l'être. Nos professeurs se plaisaient à nous lire ses devoirs d'élève, comme des modèles de style; car About, à quinze ans, écrivait déjà avec la vivacité de langue et le pétillement d'esprit qui firent plus tard la fortune de ses ouvrages. Nous les écoutions avec une admiration mêlée d'orgueil. Il était notre gloire.

Après de brillantes études, que couronna le prix d'honneur de philosophie au concours général, il entra à l'Ecole normale en 1848. Ceux qui ont fait partie de cette promotion et les trois ou quatre qui l'ont précédée ou suivie, et qui, pour la plupart, se sont répandus dans les lettres, ont trop souvent conté au public l'histoire de ces années pour que j'y revienne ici. A l'Ecole, About ne travailla guère, au sens scolaire du mot, car il était presque impossible de lui arracher un devoir ou une leçon. Mais il y dévora toute une bibliothèque, et, comme il avait la mémoire la plus vaste, la plus sûre, la plus prompte que j'aie jamais connue, une mémoire prodigieuse, et qui passait toute imagination, il se munit par avance d'une instruction abondante, variée et profonde, qui devait lui être plus tard d'une utilité singulière, dans le métier de journaliste, pour lequel la nature l'avait fait. Il s'aiguisait en même temps l'esprit par la conversation, une conversation de toutes les heures, où nous nous amusions à discuter tous les problèmes philosophiques, littéraires et sociaux, parlant à tort et à travers de omni re scibili et de quibusdam aliis. Il fut, après ses trois ans d'école, reçu le premier à l'agrégation des lettres. On venait de fonder l'École d'Athènes, elle était encore peu connue et peu lettrée. Il y avait une place vacante. Il concourut tout seul et l'emporta. Ce fut un bonheur pour lui. Autrement il

serait tout de suite entré dans les lettres militantes, et mieux valait sans doute qu'avant de prendre la plume, il complétât son éducation classique par une étude plus approfondie et plus familière de l'antiquité. On n'exigeait point en ce temps-là des grands travaux d'érudition des élèves de l'École d'Athènes. Il n'envoya à l'Académie qu'un mémoire sur l'île d'Egine, qu'il fit de compte à demi avec Charles Garnier, alors élève de l'Ecole de Rome. Mais il s'emplissait l'esprit de notions nouvelles, et l'imagination de beaux paysages ; mais il écrivait tous les jours à ses amis de France des lettres qui ont été perdues pour la plupart, et c'est dommage, car c'étaient des chefsd'oeuvre de grâce et de gaieté.

Il revint après deux ans et demi de séjour et donna, pour vivre, quelques leçons chez M. Jauffert, mais il n'était pas né professeur. S'il avait la clarté d'esprit que demande ce métier, il ne possédait ni la patience, ni l'assiduité, ni la douceur qu'il exige non moins impérieusement. Au reste, il ne comptait pas y séjourner longtemps.

Un de nos anciens maîtres à l'École, l'excellent M. Géruxy, dont la mémoire nous est restée chère à tous, le mit en rapport avec M. Hachette, qui était lui-même une des illustrations de notre Ecole normale.

— Vous arrivez de Grèce, lui dit M. Hachette. Eh bien, contez-nous ce que vous y avez vu.

About était plein de son sujet, il l'avait porté ; il l'avait, comme on dit aujourd'hui, vécu trois ans. En moins d'un mois au courant de la plume, il écrivit ce pamplet merveilleux, si nourri de faits et d'idées, d'un esprit si étincelant, d'une langue si nette, si rapide, si vraiment française d'allures, que tout le public, dans un premier enchantement, reprit à son compte le mot du séminariste, et tournant la menace en compliment, lui cria d'une voix unanime : — Toi, tu seras Voltaire un jour.

Jamais homme ne s'empara plus vite de la célébrité. La vogue lui vint, comme elle vient à Paris, soudaine, irrésistible. On le rechercha, on se l'arracha; et comme il était en fond d'esprit, avec la répartie vive, on cita ses mots partout ; il devint à la mode.

La grave Revue des Deux-Mondes lui fit des propositions et il écrivit pour elle Tolla. C'est à Ce second livre que le guettaient les envieux. On l'accusa d'avoir démarqué sans en rien dire un ouvrage italien. Ce fut un orage de cris et de querelles. L'accusation était ridicule ; car il n'y a rien de moins italien que ce roman qui se passe en Italie. About n'était pas très endurant de sa nature. Il n'a jamais pu cuirasser sa peau de cette épaisse et rude couche d'indifférence qui est nécessaire dans l'exercice du journalisme. Il l'a toujours eue tendre, trop tendre.

Au lieu de se contenter de répondre à ces criailleries en écrivant les Mariages de Paris, il voulut régler ses comptes, comme il disait, et fit sous le pseudonyme de Valentin de Quévilly, dans le Figaro, une campagne qui est restée fameuse. Les anciens abonnés des Annales peuvent se rappeler que M. Brisson leur a donné comme curiosité un de ces articles étincelants, qu'il a tiré de l'oubli, où l'auteur les avait condamnés tous. Il a toujours refusé de les laisser réimprimer en volume, ne voulant pas, disait-il, se bâtir un piédestal avec les pierres qu'il avait jetées dans le jardin des autres.

Il se fit là une jolie collection d'ennemis qu'il devait retrouver plus tard. Mais il ne s'en inquiétait guère. Il avait tant d'amis dans le public ! Aux Mariages de Paris, succédèrent coup sur coup le Roi des Montagnes,


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cette spirituelle fantaisie qui serait un chefd'oeuvre si l'ironie n'y était pas trop continue ; les Echasses de maître Pierre, où About abordait avec un éclat incomparable, un genre que je crois faux, le roman utilitaire; Trente et quarante, un bijou de narration fine et gaie ; et enfin cette Germaine qui a fait couler tant de larmes.

About était au comble de la prospérité ; il venait d'acheter, près de Saverne, en Alsace, une propriété charmante, la Schlettenbach, où il comptait faire de longues et nombreuses retraites pour écrire tranquillement, loin du tapage parisien.

Tout lui avait réussi jusqu'alors. Le vent changea. Il venait de publier la Question romaine, un des plus admirables pamphlets qu'on puisse lire et qui avait déchaîné contre lui la fureur des réactionnaires. Un article de journal, où il était question de Napoléon, ce César déclassé, avait d'autre part allumé la fureur des républicains, et tous les jeunes gens, à cette époque, étaient républicains. Il eut l'imprudence de donner, juste à ce moment-là, un drame à l'Odéon ; le drame n'était pas bon, car About n'avait pas le don du théâtre. Mais, eût-il été cent fois meilleur, qu'il eût péri tout de même sous la coalition des républicains joints aux cléricaux. Ce fut la bataille de Gaëtana qui fit un scandale épouvantable.

Il en fut affecté ; il manquait de philosophie pratique ; c'était un nerveux. Il fut longtemps à se remettre du coup. Il rêvait aux lettres pures ; il écrivit coup sur coup Madelon dont je tiens le premier volume pour ce qu'il a écrit de plus parfait ; c'est d'une observation toujours juste et fine, souvent profonde. Le style, qui a cette allure vive et spirituelle que l'on retrouve dans tous les romans de l'auteur, est ici plus coloré et plus chaud. Les Mariages de province sont également de cette date et je les regarde comme supérieurs aux Mariages de Paris, dont ils n'ont pas eu le succès.

C'est alors qu'éclata la guerre fatale de 1870. Il y a deux choses qu'About a toujours aimées par-dessus tout, la libre pensée et la patrie. Ces deux amours, auxquelles il est resté fidèle à travers des variations qu'on lui a reprochées avec plus de dureté que de justice, ont rempli sa vie et en ont fait l'unité.

Quelle douleur ce fut pour lui de voir passer sous une domination étrangère, et le pays où il était né, et celui qu'il avait choisi pour y abriter sou bonheur domestique... Dieuze et Saverne ! Il était marié, père de famille, père d'une nombreuse famille. Il lui fallut, comme le vieillard de Virgile, laisser ses champs bien-aimés; il ne s'en consola jamais ; il a toujours, toute sa vie, brûlé d'une haine inextinguible contre l'Allemagne.

Il avait vu de près les désastres de la patrie. Il avait suivi la campagne en reporter. Il avait failli, à deux reprises, être fusillé. Plus tard, arrêté illégalement, en Alsace, il avait été mis en prison à Strasbourg, et l'émotion avait été inexprimable à Paris.

C'est alors qu'il se jeta résolument dans la politique. Mais je m'arrête. J'ai déjà excédé les limites ordinaires de cette causerie. Peut-être un jour achèverai-je cette biographie en contant les dernières années d'About, qui furent le roman d'un brave homme.

FRANCISQUE SARCEÏ.

Les abonnés à l'édition simple des Annales peuvent s'abonner au supplément illustré pour une durée de six mois en envoyant la somme de deux francs avec leur bande imprimée.

NOËL !

Ce jour-là, 25 décembre, jour de Noël, M. Paul , vulgairement ( nommé Popo, connu aussi dans l'histoire sous le nom de Toto et autres analogues,jeune citoyen âgé de six ans et trois mois, frais comme une rose, blond comme les blés, se leva à sept heures du matin, pendant que sa maman dormait encore, et s'approcha de la cheminée sur la pointe des pieds. Le coeur lui battait fort,et ses grands cheveux frisés , dont la toison d'or eût excité l'envie des Argonautes, dansaient sur sa chemise courte, qui laissait voir une petite épaule à fossettes et un petit mollet tout dodu et tout blanc.

La veille au soir, M. Popo avait écrit avec beaucoup d'application,en penchant la tête à droite et à gauche et en tirant doucement la langue sur ses lèvres, ce qui est d'une grande ressource , comme on sait, pour favoriser l'effort de l'esprit dans les travaux difficiles, une lettre ainsi conçue :

a A Monsieur, Monsieur le petit Noël

» Bon petit Noël,

» C'étais aujourd'hui Noël ; ge vous prie de ne pas l'oublié. J'ai pensé que vous me mettrai quelchose de beau dans mon soulié et même de trè beaux. Ce sera dans huit jour le jour de l'an : ge vous pris bien de ne pas l'oublié aussi. Voilà ce que vous m'avais donné à l'autre Noël : un casque, un bouclilier, une cuirace, un sac qui se mai sur le dos, une ache, un tambour plin de tropettes, de beau livre avec plin dimages, mais il y en a un que je ne comprenait pas parce qu'il étais en anglais et que ge naprenait pas langlais ; mais japprens lalemant, qui est pourtant plus difficile. Et aujourdui j'ai u la croix dargent à ma pansion : ge ne pouvais pas avoir la croix d'or, parceque avant la croix d'or, il faut avoir trois fois la croix d'argent. La médalle, ge l'ai eu lautre mois, parceque ge navais pas si bien travaillé et parceque ge navais pas si bien su mais leçons, mais ge les avais bien su tout de même. Aujourdui ge les ai mieux su encore, pas tout à fait tous, mais mieux que les autrefois. J'ai été bien sage, manman vous le dira : il vaut mieux le demandé à manman qu'à papa. Ge vous promet de bien dire mais prière, même quand il fera someil, et de bien aprandre ma giografie. Ge sais déjà lortograf, comme vous le voyais. A revoir, petit Noël : surtout n'oubliais pas que cet aujourdui votre jour. »

Cette lettre mémorable avait été écrite sur une belle feuille de papier, réglée par la grande soeur de onze ans, et M. Popo l'avait mise dans son mignon soulier bleu. Mais ensuite, profitant du moment où la lampe était éteinte , il avait joué un bien vilain tour au petit Jésus,en substituant, dans la cheminée, à la bottine microscopique, l'énorme botte de son papa.

Tout un magnifique équipement d'officier général débordait de la botte. Il y avait même une giberne dorée, une vraie giberne de maréchal de France, et en ouvrant-cette giberne, M. Paul y trouva une grande lettre à son adresse. Aux exclamations qu'il se mit à pousser, sa maman

s'éveilla et fut saisie d'admiration comme lui. Elle alluma bien vite la bougie, et M. Paul, grimpant dans le lit maternel,; le képi sur la tête, l'épée au flanc, se mit à décacheter lui-même la lettre, avec un air de gravité tout à fait imposant, en faisant remarquer que son papa lui-même ne recevait jamais des lettres aussi grandes que cela. Il tira de l'enveloppe un beau papier encadré de fleurs, et tout couvert d une superbe écriture moulée. C'était la réponse du petit Noël, et M. Paul admira, en faisant un retour sur. lui-même, comme le petit Noël écrivait bien et sans faire de pâtés. J'étais sûr qu'il me répondrait, pensa-t-il avec Orgueil, et il se mit à lire la lettre à sa maman, qui était tout oreilles :

« Mon cher petit ami,

» J'ai reçu votre grande lettre, et je l'ai lue tout entière avec beaucoup de plai-i sir. Je suis bien content que vous ayez eu la croix et que vous me promettiez d'être toujours bien sage. Mais vous avez voulu m'attraper en mettant dans la cheminée la botte de votre papa. On ne trompe pas le petit Jésus, qui sait tout et qui voit tout, même quand il ne fait pas clair. Je voulais d'abord mettre dans la botte une verge aussi grande qu'elle, mais votre ange gardien m'a promis que vous ne recommenceriez plus.

» Cher petit Paul, j'ai appris aussi, quoique vous ayez oublié de me le dire, que vous avez trois grands vilains défauts : le premier, c'est de vous traîner sur les genoux et sur le ventre, ce qui use tout de suite les pantalons, et les mamans ne sont pas contentes ; le deuxième, c'est de ne pas aimer du tout la viande, ni la bonne soupe, et pas beaucoup,le pain, mais beaucoup, beaucoup les confitures, qui font mal" au coeur, et les bonbons, qui font mal aux dents, lorsqu'on en mange trop ; le troisième, c'est de crier d'avance toutes les fois qu'on veut vous peigner et vous débarbouiller, si bien qu'il faut vous poursuivre de chambre en chaorbre, avec le démêloir et la serviette, pour vous empêcher d'être comme un petit charbonnier. On dit même que, lorsque vous êtes dans votre lit bien chaud, et roulé dans vos couvertures comme un oiseau dans son nid, quelquefois vous ne voulez pas vous lever le matin, en assur rant à votre maman qu'il ne fait pas encore jour et que vous êtes enrhumé.

» Ce sont là de gros défauts. Quand j'étais tout petit comme vous, je n'avais jamais de confitures à manger, ni de lit chaud et douillet pour dormir. A Bethléem, j'ai couché sur la paille; mes bons amis, l'âne et le boeuf, avaient beau souffler sur mon berceau, il y faisait très froid, car c'était Noël, comme aujourd'hui, et je ne me plaignais pas, pour apprendre aux petits enfants à être aussi raisonnables que moi. Je n'avais ni tapis dans ma chamnre, ni rideau à mon lit. Je me laissais tous les jours laver avec de l'eau froide. Le matin, avant de jouer,; et le soir, sans attendre d'être endormi, je faisais ma prière à mon Père qui est au ciel. Je ne me mettais jamais en colère, je ne boudais pas, je ne tapais pas du pied, je mangeais ce qu'on mettait sur mon assiette, sans choisir et sans éplucher, et j'obéissais à la sainte Vierge beaucoup mieux que vous n'obéissez à votre maman, lorsque papa est sorti. » A six ans passés, mon ami Paul, on est déjà un grand garçon. Voilà dix-fruit


404 LES ANNALES POLITIQUES ET LITTERAIRES

mois que vous allez en pension, et deux fois que vous allez à confesse, où vous tâchez de ne pas oublier du tout de péchés. Vous apprenez maintenant le catéchisme, — et l'allemand, pour aller un i'our reprendre l'Alsace aux Prussiens. Depuis un an, vous portez des culottes comme,un papa, et hier on vous a donné la croix, comme à un homme. L'année prochaine, vous aurez l'âge de raison, ce qui veut dire qu'on doit être tout à fait sage ; et cela est bien difficile si l'on n'a pas appris d'avance. Il faut donc essayer maintenant,—ne plus faire trop de tapage avec ses trompettes,ses tambours,sagrosse voix, ses culbutes, ni en jouant au voleur ou au chemin de fer, parce que les papas et les mamans, qui sont fatigués, n'aiment pas cela ; ne plus se traîner sur le ventre, ne plus taquiner sa soeur, manger sa viande jusqu'au bout sans dire qu'elle vous étrangle, qu'elle vous entre dans les dents et qu elle a des peaux ; ne point profiter de ce que papa a la tête tournée pour manger ses confitures sans pain, et ne pas redemander de la tarte jusqu'à ce qu'on étouffe.

» Et puis il y a de malheureux petits enfants qui n'ont ni Noël ni étrennes, et qui sont bien forcés d'aimer le pain sec, puisqu'ils n'ont pas autre chose à manger. Ils sont pauvres comme le petit Jésus l'était. Je suis sûr, mon bon ami Paul, que si vous m'aviez connu, lorsque j'étais couché sur la paille et que j'avais froid, vous m'auriez donné quelque chose pour me réchauffer. Eh bien, donnez-le à mes petits pauvres pour moi.

» Au revoir maintenant, mon ami Paul. J'ai encore beaucoup d'autres enfants à visiter cette nuit; puis il faut que je remonte au paradis. Votro ange gardien me donnera de vos nouvelles. Si vous êtes sage, je reviendrai l'an prochain.

» Votre ami le petit Noël. »

Mais peut-être que, l'an prochain, M. Paul sera déjà devenu un sceptique.

Puisses-tu, cher petit être, croire longtemps de toutes tes forces à la tournée nocturne de l'enfant Jésus et du bonhomme Noël ! Hélas ! qu'il arrive vite, l'âge où tu n'y crois plus ! L'enfant a huit ans : la veille, le bonhomme Noël lui apparaissait encore dans ses rêves ; mais il va en pension maintenant ; ses camarades se sont moqués de lui : il a eu honte de sa naïveté, il s'est replié en luimême, effarouché et songeur. Le doute vient d'entrer dans son âme ; de ce jour date en lui le commencement de la défiance et du scepticisme. Jusqu'alors il vivait de plain-pied et comme en son élément dans ces légendes exquises où le ciel se mêle à la terre : il trouvait tout naturel que le petit Jésus se dérangeât de son paradis pour lui apporter un beau livre et un beau jouet ; le monde supérieur lui était ouvert, et son imagination s'y promenait avec des ailes, comme un papillon dans un jardin plein de fleurs. Maintenant, c'est fini : le ver est au fond du fruit; il vient de se faire en lui comme un vide, où s'étend un brouillard froid et sombre. Il a perdu le duvet de sa candeur et la virginale fraîcheur de sa foi. Il s'achemine à devenir positiviste.

Quel est le jour où l'enfant, cette joie de notre coeur et de nos yeux, commence à se changer en un vilain homme ? Ce n'est pas quand il troque la robe contre les culottes; c'est'quand il ne croit

plus a la descente du petit Jésus vers son petit soulier.

VICTOR FOURNEL.

Noël ! c'est le cri de joie universel.

Sur tous les continents, dans toutes les mers, le divin enfant va sourire à ses adorateurs prosternés. Grands de la terre, pauvres déshérités, comme les rois Mages et les bergers de la Judée, apporteront des hommages et chanteront des cantiques autour de son humble berceau. Les somptueuses basiliques comme les modestes ég ises s'éclaireront de lumières. D'affectueuses étreintes rapprocheront les familles et les amis en souvenir de celui qui enseigna la Paix et le Pardon.

Et telle est la puissance de ces coutumes religieuses qui demeurent inaltérables, que ceux-là mêmes qui se sont détachés des pieuses croyances de leur enfance subissent la douce influence et célèbrent à leur manière les fêtes de la chrétienté.

Les jours de décembre n'ont plus de soleil, les nuits n'ont plus d'étoiles, la neige couvre les champs, mais l'Etoile légendaire apparaît plus lumineuse au firmament et des flancs de la terre s'épanouissent les roses de Noël pour la fête du petit enfant qui nous est né.

Telle est la pensée qu'a si bien rendue une artiste de grand mérite (que nos compositeurs veuillent Bien laisser le une au féminin) qui, sous le pseudonyme de Toly, a bien voulu nous dessiner la première page du supplément illustré.

Nous reproduisons également la Veillée de Jésus, magistralement gravée par Baude d'après le tableau de Dagnan, qui est certainement un des chefs-d'oeuvre de la jeune école française. Nous y ajoutons une charmante composition de Mme Martinet et enfin ce beau Noël de Massenet que nous avons promis au lecteur et que l'éditeur Hartmann veut bien nous autoriser à reproduire.

Nous disions que les fêtes de Noël étaient célébrées dans tous les pays. A l'arbre de Noël et au réveillon traditionnel, les Anglais joignent une coutume assez singulière pour être notée.

A minuit apparaît le punch flambant, qui est distribué à tous dans de petits verres très fragiles.

Tant mieux si le verre se casse dans les mains de la jeune fille : elle sera mariée dans l'année.

Un autre usage encore, un jeu plutôt, auquel les jeunes misses sont, paraît-il, très habiles :

Il s'agit de pêcher avec les dents des pommes jetées dans un baquet plein d'eau ou de punch tiède.

Quelques maladroites y trempent bien un peu le bout du nez, mais la plupart saisissent fort bien le fruit. Les Anglaises, du reste, ont les dents si longues !

La foire parisienne de la Noël et du jour de l'An est'd'un usage fort ancien qui remonte au moyen âge.

La police du temps permettait aux petits marchands de faire leurs tentes sur l'espace compris entre le pont Saint-Michel et le pont au Change.

En 1725, on transporta cette véritable foire au Palais-Royal, et ce n'est qu'en 1789 que les « grands boulevards » furent envahis par les baraques, qu'on admit seulement sur le boulevard des Capucines.

Tout alla bien jusqu'en 1838, l'extension des baraques ayant même été tolérée beaucoup plus loin; mais, à cette époque, les commerçants riverains adressèrent des plaintes à la police au sujet de la concurrence que

leur faisaient les petits marchands des baraques, et ils firent si bien que, l'année suivante, elles furent interdites. Cette interdiction dura jusqu'en 1851, et depuis lorsleur reconstruction annuelle n'a subi aucune nouvelle entrave. Loin de là, elles ont pris d'année en année plus d'extension.

On sait que trois sièges sont vacants à l'Académie, par suite du décès de MM. Caro, Cuvillier-Fleury et de Viel-Castel.Sept candidats sont, à l'heure qu'il est, sur les rangs. ; ce sont : MM. Claretie (pour le siège de M. Cuvillier-Fleury), d'Haussonville et Janet (pour le siège de M. Caro), Chantelauze, Roman, de Mouy et Jurien de la Graviére (pour celui de M. de Viel-Castel — ou pour tout autre).

La date des élections n'est pas et ne peut pas être fixée. D'après les statuts académiques, en effet, une élection ne peut avoir lieu qu'après la réception officielle du dernier membre élu. Et M. Gréard n'a pas encore reçu l'investiture sacramentelle. C'est M. le duc de Broglie qui est chargé de lui répondre. Le discours est commencé,, mais, dans' les sphères renseignées, on soutient qu'il ne sera pas terminé avant la fin de janvier.

Cela remettrait, donc la réception de M. Gréard au 26 janvier,— date très probable, et les élections au jeudi suivant, c'est-à-dire au 2 février.

Aussi, M. Pingard a raison quand il pense que cela ne fait pas l'affaire des sept candidats, qui ont à peu près terminé leurs visites.

Cette semaine a eu lieu l'érection au PèreLachaise du monument d'Edmond About.

M. Crauk, statuaire, a représenté About tel que ses amis l'ont connu dans l'intimité. Un spirituel sourire anime sa physionomie ; il est assis, enveloppé dans un vêtement d'intérieur qu'il avait l'habitude de porter ; c'est une sorte de pardessus de soie doublée de fourrure. Une cravate est négligemment nouée autour de son cou.

La statue est en bronze. Sur le socle, de granit noir, sont inscrits ces mots : " Edmond About, de l'Académie française, 18281885. »

Une très belle couronne de roses et de violettes est déposée devant le piédestal, qui est entouré de fleurs et de jeunes ifs.

Mme About, ses filles et son fils assistaientà la cérémonie, ainsi que nombre d'anciens amis.

Quelques discours ont été prononcés. Notre cher collaborateur Sarcey a pris la parole ; il a fait revivre la physionomie de son vieil ami dans une charmante improvisation que nous ne pouvons, hélas ! reproduire, ignorant le bel art de la sténographie.

Si nos abonnés n'ont pas son allocution, ils ont pu lire plus haut son spirituel article. C'est une compensation. M. Renan a parlé au nom de l'Académie ; M. J. Claretie au nom des gens de lettrés. M. Claretie a rappelé dans son discours un souvenir personnel, que nous citerons pour finir :

" Nous étions voisins, About et moi, et pendant de longues années bien souvent, quand je sortais, passant inévitablement soua ses fenêtres, que de fois je le voyais, làhaut, sur son balcon, seul, ou à côté de ses enfants, et me saluant de quelque sourire. J'avais si bien l'habitude de le voir, que parfois il m'arrive encore de lever la tête, comme s'il était encore là... Il n'est plus là, mais le voici revivant dans le bronze, souriant toujours, tenant à la main ce livre sur la Grèce qui a été son premier sourire, et à ses côtés son Alsace, qui a été son dernier amour... Il n'est plus là, mais les années ont passé sans toucher à sa mémoire, et nous nous retrouvons, nous, ses amis fidèles à son nom, autour de sa tombe, et, comme au premier. jour, nous lui apportons notre salut et notre, hommage au nom de ceux qui l'ont connu, qui l'ont admiré et qui l'ont aimé! »


LES ANNALES POLITIQUES ET LITTERAIRES

405

Plusieurs lecteurs nous demandent de publier quelques articles sur la culture des plantes d'appartement pendant l'hiver. Leur voeu sera exaucé. Nous avons demandé à une plume compétente une série d'études qui paraîtront dans nos prochains numéros.

En attendant voici quelques conseils pratiques dont nos abonnés pourront toujours profiter.

On cultive les oignons de fleurs dans les appartements, soit sur des carafes remplies d'eau, soit dans des vases garnis de mousse ou pleins de terre. Choisissez de beaux oignons ; remplissez une carafe d'eau qui contiendra quelques grains de sel, et posez l'oignon sur le goulot, de manière à ce que l'oignon touche à l'eau seulement. Chaque matin il faut remplacer l'eau qui a été absorbée par l'évaporation. Chaque semaine on renouvelle l'eau, qui doit toujours contenir un peu de sel.

On peut cultiver les plantes bulbeuses en pots remplis de terre ou de mousse.

La culture dans de la mousse mérite surtout d'être connue.

Prenez un de ces vases en terre cuite, à formes variées, percés de trous symétriques ; renversez-le, en commençant par le haut; placez-y un oignon dont la tête se dirige dans le trou ; remplissez de terre au fur et à mesure que vous garnissez les trous d'oignons ; puis appliquez une plaque, couvercle ou tampon à la base et retournez le vase. Un trou placé au sommet permet d'arroser.

Au lieu de terre, on met de la mousse entière ou hachée, bien battue, bien épluchée, bien tassée ; on la mouille tous les matins.

Les racines des oignons se développent parfaitement dans de la mousse.

Un grillage en fer peint, auquel on peut donner toutes les formes imaginables, soit pour être posé sur un pied, soit pour être suspendu, que l'on emplit de jolie mousse que l'on a fait un peu dépasser le grillage, et dans laquelle on met des oignons placés horizontalement à fleur de la mousse, produit dans un salon, avec ces masses de verdure, un effet pittoresque.

Eviter de placer les vases sur les cheminées ; la fumée les dessèche rapidement.

Sarah Bernhardt est dans les larmes. Tigrecte est morte.

— Qui était Tigrette?

— Comment ! vous ne connaissiez pas Tigrette ?

— Absolument pas.

— Eh bien, Tigrette était la jolie panthère que Sarah Bernhardt avait rapportée de ses lointains voyages.

Tigrette avait déjà atteint ses quatorze mois. Pas plus haute que cela, de la taille à peine d'un carlin, la délicieuse petite bête féroce était revêtue d'une robe merveilleuse, mouchetée de-ci, de-là, de taches noires, sur fond d'or.

La grande tragédienne l'aimait, oh ! mais l'aimait comme elle sait aimer !

Il y a quelque temps qu'elle la rapportait dans ses bras, toute mignonne, toute pelotonnée, avec ses grands yeux de feu fendus par le milieu, et dans lesquels dormait un beau rayon du chaud soleil qui l'avait vu naître.

A peine arrivée à Paris, Sarah lui fit construire une cage, mais une cage aux barreaux dorés.

Figurez-vous, mesdames, dans un coin du hall de l'hôtel de M. Cantin, une habitation féerique : six mètres de hauteur sur dix de longueur et quatre de largeur.

C'est là que Tigrette vivait. Au sol, un tapis de sciure fine ; au milieu, un arbre pour lui permettre de prendre ses ébats, et duquel elle bondissait pour s'accrocher de ses ongles aigus aux barreaux de sa prison.

Tous les jours, de la viande crue ou bien un oiseau.

Quelquefois, on lui donnait un lapin vivant. Mais Tigrette, bonne personne, commençait par le regarder avec des yeux tendres,' et l'entrevue au lieu de se terminer par un carnage finissait par une partie joyeuse !

Personne ne lui connaissait de méchante humeur, à la pauvre Tigrette. Seulement, — ah ! il y a un seulement ! — elle avait le réveil un peu nerveux. Alors, gare aux égratignures ! Les amis, les intimes, se sont quelquefois aperçus de la facilité que le gentil félin avait à graver sa signature sur les mains ou sur les mollets de ceux qui le caressaient exagérément.

C'est de Guayaquil que Sarah l'avait ramenée de l'Equateur et d'une république, s'il vous plaît. Elle fut donnée en présent par un officier de la marine anglaise, admirateur de la superbe Tosca.

Pendant la traversée, elle n'eut pas le mal de mer, — et sa maîtresse à la voix d'or, — l'entourait de soins.

Dans ces derniers temps, chaque fois qu'elle revenait du théâtre, la Tosca faisait sortir Tigrette de ses barreaux ; elle la caressait, la berçait dans ses bras harmonieux, baisait son mufle truffé et la dodelinait de son mieux ; puis, elle l'installait sur ses genoux et partageait avec elle un souper bien gagné après les fatigues de la scène.

Les jours de grande tendresse, au lieu de rentrer dans sa cage, Tigrette partageait la couche de sa maîtresse.

Rien n'était négligé pour son bonheur, au pauvre fauve exilé : dans l'extrémité la plus élevée de sa demeure s'était installé un compagnon chargé de charmer les heures lentes écoulées loin de la patrie absente. Ce compagnon était Charles, oui, Charles, un délicieux singe un peu méfiant, qui se tenait aussi éloigné que possible de sa compagne de captivité !

Tigrette essaya, dans les premiers temps, de jouer avec Charles, dont elle voulait, en bonne personne, sans arrière-pensée aucune, faire son ami. Mais Charles usa de prudence, et, à part quelques grimaces moitié groseille, moitié citron, il se tint sur la défensive et repoussa toutes les avances.

Aujourd'hui Charles est seul, bien enchanté du départ de la jolie Tigretie.

Seule aussi est Sarah, qui pleure sa pauvre petite amie.

En soirée.

Une dame un peu mûre minaude avec un jeune homme :

— Vous comprenez, monsieur, vous pourriez me compromettre. . Je suis obligée de me renfermer dans la réserve...

— La réserve ? Oh ! madame... vous voulez dire la territoriale ?

SERG1NES.

SUR LE PONT DES ARTS

M. Paul Arène est un de nos plus aimables conteurs, il vient de publier à la librairie Lemerre un nouveau recueil dont nous détachons l'épisode qu'on va lire. C'est un petit tableau parisien finement observé et peint d'une plume délicate :

J'aime beaucoup le pont des Arts !

Non parce que le pont des Arts mène à l'Institut, mais parce que le pont des Arts est un pont silencieux, sans fracas de voitures, que prennent volontiers les petites gens lorsque, rentrant pour le repas du soir et la tête lourde encore du travail do la journée, ils ne sont pas fâchés d'arranger leur retour au logis en promenade.

Paris est très beau, vu de là. A gauche, le Pont-Neuf, sa pointe de verdure et ies cascatelles de son écluse ; la haute cheminée de la Monnaie qui fume, battant des louis d'or pour les heureux; et, plus loin, derrière un enchevêtrement de toits sur le ciel et de ponts sur l'eau, les profils moyen âge de la tour Saint-Jacques, du Vieux-Châfelet, de la

Sainte-Chapelle et de Notre-Dame. A droite, tout poudroie dans le soleil couchant ; l'horizon est rouge au-dessus de Grenelle; et, des Tuileries au delà du Trocadéro, les rives du fleuve font comme un chemin de verdure par où le rêve et le regard s'en vont doucement jusqu'à la campagne.

L'autre soir, mon pont me sembla triste ; pas de soleil couchant, la brume. Grenelle sombre aussi bien que Bercy! Les eaux remuées de la Seine, vertes sous un petit vent âpre et dur, se donnaient entre les quais de vrais airs de mer en colère. Les bateauxmouches allumaient leurs feux avant l'heure, la nuit arrivant avec la pluie. Les rares passants filaient sans s'arrêter sur le pont.

Vers le milieu, immobile et comme insensible atout, un vieux jouait de la serinette. Quelle serinette, mes amis ! Asthmatique, édentée, finie comme son maître et pareille en tous points, j'imagine, à celle dont les sons cassés exaspéraient si fort Jean-Jacques-Rousseau, dans ses promenades solitaires sur la route de Gentilly.

Il sortait bien une note sur dix, mais si faible! et cette plainte de cri-cri mouillé, perdue dans la pluie et le vent, produisit sur moi une impression à la fois comique et douloureuse.

Le vieux était pâle, il tremblait un peu et faisait effort pour tourner vite, vite — en précipitant les notes de façou qu'on ne remarquât pas celles qui manquaient — la manivelle de sa boîte.

Un autre vieux, aussi vieux que lui, s'approcha.

Celui-ci était marchand de coco. Il portait sur le dos, point trop gaillardement par exemple, une de ces éblouissantes fontaines à la mode d'autrefois et comme on n'en voit plus guère. Tout autour du récipient revêtu d'un antique velours d'Utrecht, dépouille probable de quelque canapé, se relevaient en bosse et luisaient mille ornements découpés dans le fer-blanc et le cuivre. Cinq toits — cuivre et fer-blanc — chevauchant l'un sur l'autre, retroussés aux angles, décorés de clochettes et de grelots comme une pagode chinoise, se balançaient de droite et de gauche, avec des éclairs vifs, un joli cliquetis, à chaque pas du marchand ; et tout à la pointe du toit, le plus haut, une Renommée soufflant dans sa trompette tournait sur le pied gauche et faisait girouette.

Avant de venir s'égarer ainsi sur le pont des Arts, cette fontaine à coco avait dû connaître de beaux jours. Evidemment, elle avait vécu sous le Directoire et vu Mme Tallien se promener, à travers le jardin des Tuileries, des anneaux d'oraux doigts de ses pieds. Le propriétaire aussi, d'ailleurs, à en juger par son grand âge.

— Eh bien ! le musicien, te voilà ?

— Te voilà donc, vendeur d'eau claire !

— Oui ! j'avais voulu essayer encore aujourd'hui. Mais c'est bien fini, les pêcheurs n'ont plus soif le long des quais... Je rentre remiser mon Wallace.

— Comme moi ma serinette, hélas ! Depuis trois jours les gens cheminent les mains dans leurs poches et ne les sortent pas volontiers. Puis, je me fais vieux pour résister à l'hiver.

— Chien de métier !

— Damnée saison"!

— Allons ! un coup de coco tout de même, le dernier, histoire de trinquer!.., A la tienne !... Comment le trouves-tu ?...

— Fameux! quoiqu'un peu froid... C'est égal, par les grandes chaleurs, ce coup du soir faisait plaisir. Tu es un ami.

— Faut bien s'entr'aider !


406 LES ANNALES POLITIQUES ET LITTÉRAIRES

L'homme au coco s'éloignait, mais l'autre le rappela :

— Attends, vendeur d'eau claire, attends. Il faut qu'à mon tour je te régale.

Et, furetant dans sa serinette, pressant des boutons, retirant des clous, taquinant le cylindre, il murmurait :

— Il y a encore un air qui marche à peu près, un air très joli ; je le réserve pour les camarades... Ça y est. Attention !

La serinette, mise en joie et ragaillardie par le coup de coco, toussota doucement un air qui, à part quelques notes égarées, pouvait bien être Fleuve du Tage.

Le marchand de coco écoutait gravement, sa fontaine au dos, sous la pluie fine.

Quand ce fut fini, on se serra la main.

— Au printemps prochain !

— Au printemps ! si cet hiver il n'y a pas trop de misère.

Et puis les deux vieux s'en allèrent : le marchand de coco par la cour du Louvre, le joueur de serinette par les quais.

PAUL ARÈNE.

MONSIEUR LE HULAN

ET

LES TROIS COULEURS

CONTE DE NOËL (1)

I

Ceci, mes enfants, n'est pas une fable, Ou le rossignol qui me l'a conté Est bien le menteur le plus effroyable Qui du ciel sur terre ait jamais chanté. D'ailleurs, lorsque vous m'aurez écouté, Vous verrez que rien n'est moins incroyable.

II

Voici donc, sauf l'air et sauf le refrain, Ce que l'oiselet dit, en son langage : Ceci se passait dans un bon village Peut-être alsacien, peut-être lorrain, Tous les deux peut-être, en tout cas je gage, Près de la Moselle et non loin du Rhin.

III

La nuit de Noël brillait radieuse, El sous tous les toits, dans tous les foyers, Les petits entants bénis et choyés Dormaient le sommeil de l'enfance heureuse, Non sans avoir mis d'une main pieuse Près des gros chenets leurs petits souliers.

IV

Qu'y trouveront-ils?... le bon Dieu s'en doute, Et les chers dormeurs le sauront demain, Car, lorsque minuit sonnait sous la voûte, Le petit Jésus s'est mis en chemin, Ayant décroché pour y voir en route Une étoile d'or qu'il tient à la main.

V

Le petit Jésus marche vite, vite :

Il a tant à faire un jour de Noël,

Il est tant d'enfants qu'il faut qu'il visite... .

Mais bientôt chacun a son lot tel quel ;

Le petit Jésus regagne son gîte,

Raccroche l'étoile et retourne au ciel.

(1) Ce conte vient de paraître à la librairie Marpon sous la forme d'un album magnifiquement illustré de nombreuses gravures en couleur par Kauffmann (7 fr. 50).

VI

Or, le lendemain, lorsque vint l'aurore, Les petits souliers près des gros chenets Renfermaient chacun un noeud tricolore. Et tous les bambins d'une voix sonore : « O chères couleurs, je vous reconnais ! » Et voilà les noeuds piqués aux bonnets.

VII

Et voilà déjà que sur la grand' place

La bande joyeuse accourt follement

« Voyez, grand-papa, voyez grand'maman ! »

Grand-papa sourit, grand'maman embrasse.

Etait-ce en Lorraine ? était-ce en Alsace ?

C'était en pays ami sûrement.

VIII

Mais tout en allant parés de la sorte, Ils passent devant un vieux cabaret Monsieur le Hulan fume sur la porte A califourchon sur un tabouret. Est-ce sa monture ou lui qui s'emporte Mais il fait un bon et tombe en arrêt.

IX

Monsieur le Hulan n'est pas de la fête ; Il lève le poing tout prêt à frapper, Car ces trois couleurs qu'il défend qu'on mette Et que du coeur même il veut extirper,

Tous ces bambins-là les ont sur la tête

Monsieur le Hulan la leur fait couper.

X

Puis clopin-clopant, comme un canard ivre, Fier de son exploit qu'il trouve divin, Monsieur le Hulan se dirige enfin Vers l'affreux taudis où, tout seul à vivre, Monsieur le Hulan que la gloire enivre, S'enivre encor plus de bière et de vin.

XI

Il va titubant, selon son usage,

Quand sur le chemin et juste au milieu,

Une femme est là qu'il heurte au passage.

Monsieur le Hulan l'examine un peu :

Mais oui, ces yeux bleus; oui, ce blanc visage,

Cette lèvre rouge enfin... Oui, pardieu !

XII

Ce sont les couleurs qu'il défend qu'on garde ! Et plus il médite et plus il regarde, Et mieux il comprend qu'on veut le railler. « Ce visage-là n'est qu'une cocarde ! » Et la pauvre femme a beau supplier, Monsieur le Hulan la fait fusiller.

XIII

Mais tous ces tombeaux sont fermés à peine,

Que voici surgir du sol par centaine

Des bluets, des lis, des coquelicots ;

C'est comme un drapeau qui couvre la plaine,

Monsieur le Hulan en hurle de haine

Et fait apporter un cent de fagots.

XIV

Il n'en laissera ni tête ni queue.

« Ah ! chiennes de fleurs, vous allez chauffer !

» Et quant aux couleurs qui croient triompher !.. »

Mais voici que, haute à voir d'une lieue,

La flamme montait rouge, blanche et bleue.

Monsieur le Hulan la fit étouffer.

XV

La flamme est éteinte et plus rien ne bouge, Seule, la fumée... 0 spectre odieux ! La fumée aussi dans l'azur des cieux, Monte en flocons blancs vers le soleil rouge... Monsieur le Hulan s'enfuit dans son bouge, Se couche à plat ventre et ferme les yeux.

XVI

Et comme il comprend que gens, ciel et terre, Tout contre lui seul semble conspirer ;

Que ces trois couleurs dont il s'exaspère Brilleront toujours pour l'exaspérer; Monsieur le Hulan fait... ce qu'il doit faire, Monsieur le Hulan se fait enterrer.

XVII

Or, à l'instant même où la chose est faite, Tout se rétablit comme de raison : Les petits enfants ramassent leur tête, La femme aux yeux bleus rentre à la maison, Et du haut des cieux le bon Dieu leur jette Du bonheur tout plein, des fleurs à foison.

XVIII

Ici, mes enfants, finit cette histoire, Dont le rossignol fut le chroniqueur, Etait-il sincère ? Etait-il moqueur ? Parlait-il en rêve ou bien de mémoire ? Je laisse à chacun, dans son petit coeur, Le soin de juger ce qu'il faut en croire.

PAUL DEROULÉDE.

OPÉRA-COMIQUE : Philémon et Baucis, Gulathée, MignonLa

MignonLa histoire de Philémon et Baucis, ces éternels modèles de la fidélité conjugale, fait figure à part dans l'oeuvre de Gounod, comme Galathée, à mérite moindre, au goût de raffinés, dans l'oeuvre de Victor Massé. Ici et là, nous voguons en plein azur mythologique. La démocratie a beau couler, elle aussi, à pleins bords; sans chercher à contrarier son cours, ce qui serait, d'ailleurs, besogne au-dessus de mes forces, le commerce avec les héros et les dieux de l'Olympe n'est pas pour nous déplaire. Il est doux, à l'exemple de Shakespeare, au lendemain d'Hamlet et du Roi Lear. après avoir battu les voies tourmentées de la terre, de s'abandonner au courant des songes. Philémon et Baucis appartiennent à ce monde élyséen que la puissante imagination du poète britannique a fait revivre, et qui compte plus d'un chef-d'oeuvre, que l'ingénieux traducteur de Beaucoup de bruit pour rien pourrait habilement adapter à notre scène. Ce seraient loisirs de gourmets de fictions poétiques, de même que dans l'édénique forêt des Ardennes du conte bleu de Shakespeare, les ans de Philémon et de Baucis sont comptés par le renouvellement du feuillage, les heures par les étapes du soleil, ou, suivant l'expression de Saint-Victor, « par cette horloge de fleurs » que découvrit Linné plus tard. Ils vieillissent sans en avoir conscience. Leurs tempes se rident pourtant, leurs jambes se ploient et sur leur front tombe la neige, mais leur coeur reste jeune, et c'est par le coeur qu'ils vivent. Jupiter lui-même, tout maître des dieux qu'il est, n'a jamais vu spectacle pareil, et Vulcain, le dieu « à plaindre », le contemple avec envie. C'est en vain que le souverain du monde essaie de faire fléchir cette surhumaine constance, en rendant à l'heureux couple sa beauté des anciens jours. Ils parcourent du même pas paisible les mêmes doux "sentiers. Leur existence nouvelle ne sera qu'un recommencement.

La partition de Philémon et Baucis est une pure merveille. A deux ou trois motifs près, qui ne détonnent encore que par comparaison , on peut dire que Gounod a atteint là,comme en se jouant,


LES ANNALES POLITIQUES ET LITTERAIRES

407

la perfection dans la grâce et l'idéal dans le sentiment.

Mlle Simonnet, en petite vieille amoureusement courbée et tremblotante, fait plaisir à voir ; mais lorsqu'elle nous apparaît, au second acte, dans la souriante et naturelle fraîcheur de ses vingt ans, le plaisir est plus que doublé. Il est, en revanche,besoin de se souvenir que Jupiter se faisait un jeu des changements de formes pour le reconnaître dans la personne de Bouvet. Il a moins de solennité que de charme et soupire mieux qu'il ne tonne. Certains le préfèrent ainsi. Nous ne sommes pas éloigné d'être de ceux-là.

Vulcain-Fournets bat l'enclume d'un marteau solide et sonore.

Nous ne pouvons parler, comme il y aurait lieu de le faire, des reprises de Galathée et de Mignon. Il faut laisser à Noël sa large place accoutumée. Notons simplement pour aujourd'hui que l'opéracomique de Victor Massé a mis en harmonieux relief les souples et pures voix de Mmes Deschamps et Salla. La nouvelle Galathée eût tenté le ciseau de Praxitèle. Elle ne se borne pas à être belle ; elle chante avec l'art suprême des maîtres.

Une autre beauté qui a fait sensation nous est venue, non du pays où fleurit l'oranger, encore qu'elle fût appelée à le célébrer, dans Mignon, mais des lointaines régions de la Scandinavie.Il y a, en Mlle Arnoldson,ce je ne sais quoi d'inentendu qui saisit et pénètre, et qu'elle tient surtout de la nature. Elle a encore beaucoup à apprendre ; mais ce qu'elle a, aucune étude ne le saurait donner.

ELY-EDMOND GRIMARD.

PAGES OUBLIÉES

LES TROIS MESSES BASSES

(CONTE DE NOËL) I

« Deux dindes truffées, Garrigou ?...

— Oui, mon révérend, deux dindes magnifiques bourrées de truffes. J'en sais quelque chose, puisque c'est moi qui ai aide à les remplir. On aurait dit que leur peau allait craquer en rôtissant, tellement elle était tendue.

— Jésus-Maria ! moi qui aime tant les truffes... Donne-moi vite mon surplis, Garrigou. . Et avec les dindes, qu'est-ce que tu as encore aperçu à la cuisine ?...

— Oh ! toutes sortes de bonnes choses... Depuis midi, nous n'avons fait que plumer des faisans, des huppes, des gelinottes, des coqs de bruyère. La plume en volait partout... Puis de l'étang on a apporté des anguilles, des carpes dorées, des truites, des...

— Grosses comment, les truites, Garrigou?...

— Grosses comme ça, mon révérend... Enormes !...

— Oh ! Dieu, il me semble que je les vois !... As-tu mis le vin dans les burettes ?

— Oui, mon révérend, j'ai mis le vin dans les burettes... Mais, dame ! il ne vaut pas celui que vous boirez tout à l'heure en sortant de la messe de minuit. Si vous voyiez cela dans la salle à manger du château, toutes ces carafes qui flambent pleines de vin de toutes les couleurs... Et la vaisselle d'argent, les surtouts ciselés, les fleurs, les candélabres!... Jamais il ne se sera vu un réveillon pareil. M. le marquis a invité tous les seigneurs du voisinage. Vous serez au moins quarante à table, sans compter le bailli ni le tabellion... Ah ! vous êtes bien heureux d'en être, mon révérend... Rien que d'avoir flairé ces belles dindes, l'odeur des truffes me suit partout... Meuh!...

— Allons, allons, mon enfant,gardons-nous du péché de gourmandise, surtout la nuit de la Nativité... Va bien vite allumer les cierges et sonner le premier coup de la messe ; car voilà que minuit est proche et il ne faut pas se mettre en retard.

Cette conversation se tenait une nuit de Noël de l'an de grâce mil six cent et tant, entre le révérend dom Balaguère, ancien prieur des barnabites, présentement chapelain gagé des sires de Trinquelague, et son petit clerc Garrigou, ou du moins ce qu'il croyait être le petit clerc Garrigou, car vous saurez que le diable, ce soir-là, avait pris la face ronde et les traits indécis du jeune sacristain pour mieux induire le révérend père en tentation et lui faire commettre un épouvantable péché de gourmandise. Donc, pendant que le soi-disant Garrigou (hum ! hum !) faisait à tour de bras carillonner les cloches de la chapelle seigneuriale, le révérend achevait de revêtir sa chasuble dans la petite sacristie du château, et, l'esprit déjà troublé par toutes ces descriptions gastronomiques, il se répétait à lui-même en s'habillant :

« Des dindes rôties... des carpes dorées... des truites grosses comme ça !... »

Dehors, le vent de la nuit soufflait, éparpillant la musique des cloches, et à mesure des lumières apparaissaient dans l'ombre aux flancs du mont Ventoux, en haut duquel s'é levaient les vieilles tours de Trinquelague. C'étaient des familles de métayers qui venaient entendre la messe de minuit au château. Ils grimpaient la côte en chantant par groupes de cinq ou six, le père en avant, la lanterne à la main, les femmes enveloppées dans les grandes mantes brunes où les enfants se serraient et s'abritaient. Malgré l'heure et le froid, tout ce brave peuple marchait allègrement, soutenu par l'idée qu'au sortir de la messe, il y aurait, comme tous les ans, table mise pour eux en bas dans les cuisines. De temps en temps, sur la rude montée, le carrosse d'un seigneur, précédé de porteurs de torches, faisait miroiter ses glaces au clair de lune, ou bien une mule trottait en agitant ses sonnailles, et à la lueur des fallots enveloppés de brume,les métayers reconnaissaient leur bailli et le saluaient au passage :

« Bonsoir, bonsoir, maître Arnoton.

— Bonsoir, bonsoir, mes enfants. »

La nuit était claire, les étoiles avivées de froid ; la bise piquait, et un fin grésil, glissant sur les vêtements sans les mouiller, gardait fidèlement la tradition des Noëls blancs de neige. Tout en haut de la côte, le château apparaissait comme le but, avec sa masse énorme de tours, de pignons, le clocher de sa chapelle montant dans le ciel bleu noir, et une foule de petites lumières qui clignotaient, allaient, venaient, s'agitaient à toutes les fenêtres, et ressemblaient, sur le fond sombre du bâtiment, aux étincelles courant dans des cendres de papier brûlé... Passé le pont-levis et la poterne, il fallait, pour se rendre à la chapelle, traverser la première cour, pleine de carrosses, de valets, de chaises à porteurs, toute claire du feu des torches et de la flambée des cuisines. On entendait le tintement des tournebroches, le fracas des casseroles, le choc des cristaux et de l'argenterie remués dans les apprêts d'un repas ; par là-dessu , une vapeur tiède qui sentait bon les chairs rôties et les herbes fortes des sauces compliquées faisait dire aux métayers, comme au chapelain, comme au bailli, comme à tout le monde :

« Quel bon réveillon nous allons faire après la messe ! »

II

Drelindin din !... Drelindin din !...

C'est la messe de minuit qui commence. Dans la chapelle du château, une cathédrale en miniature, aux arceaux entrecroisés, aux boiseries de chêne, montant jusqu'à hauteur des murs, toutes les tapisseries ont été tendues, tous les cierges allumés. Et que de toilettes! Voici d'abord, assis dans les stalles sculptées qui entourent le choeur, le sire de Trinquelague, en habit de taffetas saumon, et

près de lui tous les nobles seigneurs invités.- En face, sur des prie-Dieu garnis de velours, ont pris place la vieille marquise douairière, dans sa robe de brocart couleur de feu, et la jeune dame de Trinquelague, coiffée d'une haute tour de dentelle, gaufrée à la dernière mode de la cour de France. Plus bas, on voit, vêtus de noir avec de vastes perruques en pointe et des visages rasés, le bailli Thomas Arnoton et le tabellion maître Ambroy, deux notes graves parmi les soies voyantes et les damas brochés. Puis viennent les gras majordomes, les pages, les piqueurs, les intendants, dame Barbe, toutes ses clefs pendues sur le côté à un clavier d'argent fin. Au fond, sur les bancs, c'est le bas office, les servantes, les métayers avec leurs familles ; et enfin, là-bas, tout contre la porte qu'ils entr'ouvrent et referment discrètement, messieurs les marmitons, qui viennent, entre deux sauces, prendre un petit air de messe et apporter une odeur de réveillon dans l'église tout en fête et tiède de tant de cierges allumés.

Est-ce la vue de ces petites barettes blanches qui donne des distractions à l'officiant? Ne serait-ce pas plutôt la sonnette de Garrigou, cette enragée petite sonnette qui s'agite au pied de l'auiel avec une précipitation infernale et semble dire tout le temps : « Dépêchons-nous, dépêchons-nous .. Plus tôt nous aurons fini, plus tôt nous serons à table. » Le fait est que chaque fois qu'elle tinte, cette sonnette du diable, le chapelain oublie sa messe et ne pense plus qu'au réveillon. Il se figure les cuisines en rumeur, les fourneaux ou brûle un feu de forge, la buée qui monte des couvercles entr'ouverts, et dans cette buée deux d ndes magnifiques, bourrées, tendues, marbrées de truffes...

Ou bien encore il voit passer des files de petits pages portant des plats enveloppés de vapeurs tentantes, et avec eux if entre dans la grande salle déjà prête pour le festin. O délices! voilà l'immense table toute chargée et flamboyante, les paons habillés de leurs plumes, les faisans écartant leurs ailes mordorées, les flacons couleur de rubis, les pyramides de fruits éclatant parmi les branches vertes, et ces merveilleux poissons dont parlait Garrigou (ah! bien, oui, Garrigou!) étalés sur un lit de fenouil, l'écaillé nacrée comme s'ils sortaient de l'eau, avec un bouquet d'herbes odorantes dans leurs narines de monstres. Si vive est la vision de ces merveilles qu'il semble à dom Balaguère que tous ces plats mirifiques sont servis devant lui sur les broderies de la nappe d'autel, et deux ou trois fois, au lieu de Dominus vobiscum, il se suiprend à dire le Benedicite. A part ces légères méprises, le digne homme débite son office très consciencieusement, sans passer une ligne, sans omettre une génuflexion, et tout marche assez bien jusqu'à la fin de la première messe; car vous savez que le jour de Noël le même officiant doit célébrer trois messes consécutives.

« Et d'u ,e ! « se dit le chapelain avec un soupir de soulagement; puis, sans perdre une minute, il fait signe à son clerc ou celui qu'il croit être son clerc, et...

Drelindin din ! Drelindin din !

C'est la seconde messe qui commence, et avec elle le péché de dom Balaguère. « Vite, vite, dépêchons-nous, » lui crie de sa petite voix aigrelette la sonnette de Garrigou, et cette fois le malheureux officiant, tout abandonné au démon de gourmandise, se rue sur le missel et dévore les pages avec l'avidité de son esprit en surexcitation. Frénétiquement il se baisse, se relève, esquisse les signes de croix, les génuflexions, raccourcit tous ses gestes pour avoir plus tôt fini. A peine s'il étend ses bras à l'évangile, s'il frappe sa poitrine au confiteor. Entre le clerc et lui, c'est à qui bredouillera le plus vite. Versets et répons se précipitent, se bousculent. Les mots à moitié prononcés, sans ouvrir la bouche, ce qui prendrait trop de temps, s'achèvent en murmures incompréhensibles.

Oremus ps... ps... ps...

Meâ culpâ... pâ... pâ...

Pareils à des vendangeurs pressés foulant


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LES ANNALES POLITIQUES ET LITTÉRAIRES

le raisin de la cuve, tous deux barbotent dans le latin de la messe, en envoyant des éclaboussures de tous les côtés. Dom.,. scum!... dit Balaguère. ... Stutuo !... répond Garrigou, et tout le temps la damnée petite sonnette est là qui tinte à leurs oreilles, comme ces grelots qu'on met aux chevaux de poste pour les faire galoper à la grande vitesse. Pensez que de ce train-là, une messe est vite expédiée.

" Et de deux ! » dit le chapelain tout essoufflé; puis sans prendre le temps de respirer, rouge, suant, il dégringole les marches de l'autel et...

Drelindin din !... Drelindin din ! C'est la troisième messe qui commence. Il n'y a plus que quelques pas à faire pour arriver à la salle à manger ; mais, hélas ! à mesure que le réveillon approche, l'infortuné Balaguère se sent pris d'une folie d'impatience et de gourmandise. Sa vision s'accentue, les carpes dorées, les dindes rôties sont là, là. Il les touche ;... il les... Oh ! Dieu... Les plats fument, les vins embaument, et secouant son grelot enragé, la petite sonnette lui crie :

« Vite, vite, encore plus vite !... » Mais comment pourrait-il aller plus vite ? Ses lèvres remuent à peine. Il ne prononce plus les mots... A moins de tricher tout à fait le bon Dieu et de lui escamoter sa messe... Et c'est ce qu'il fait, le malheureux!... De tentation en tentation, il commence par sauter un verset, puis. deux. Puis l'épure est trop longue, il ne la finit pas, effleure l'évangile, passe devant le credo sans entrer, saute le pater, salue de loin la préface, et par bonds et par élans se précipite ainsi dans la damnation éternelle, toujours suivi de l'infâme Garrigou (vade retro, Satanas), qui le seconde avec une merveilleuse entente, lui relève sa chasuble, tourne les feuillets deux par deux, bouscule le pupitre , renverse les burettes, et sans cesse secoue la petite sonnette de plus en plus fort, de plus en plus vite.

Il faut voir la figure effarée de tous les assistants ! Obligés de suivre à la mimique du prêtre cette messe dont ils n'entendent pas un mot, les uns se lèvent quand les autres s'agenouillent, s'asseyent quand les autres sont debout, et toutes les phases de ce singulier office se confondent sur les bancs dans une foule d'attitudes diverses. L'étoile de Noël en route dans les chemins du ciel, làbas vers la petite étable, pâlit d'épouvante en voyant cette confusion...

« L'abbé va trop vite... On ne peut pas suivre, » murmure la vieille douairière en agitant sa coiffe avec égarement. Maître Arnoton, ses grandes lunettes d'acier sur le nez, cherche dans son paroissien où diantre on peut bien en être. Mais au fond, tous ces braves gens, qui eux aussi pensent à réveillonner, ne sont pas fâchés que la messe aille cetrain de poste; et quand dom Balaguère, la figure rayonnante, se tourne vers l'assistance en criant de toutes ses forces : Ite missa est, il n'y a qu'une voix dans la chapelle pour lui répondre un Deo gratias si joyeux, si entraînant, qu'on se croirait déjà à table au premier toast du réveillon.

III

Cinq minutes après, la foule des seigneurs s'asseyait dans la grande salle, le chapelain au milieu d'eux. Le château, illuminé du haut en bas, retentissait de chants, de cris, de rires, de rumeurs, et le vénérable dom Balaguère plantait sa fourchette dans une aile de gelinotte, noyant le remords de son péché sous les flots" de vin du pape et de bons jus de viandes. Tant il but et mangea, le pauvre saint homme, qu'il mourut dans la nuit d'une terrible attaque, sans avoir eu seulement le temps de se repentir; puis, au matin, il arriva dans le ciel encore tout en rumeur des fêtes de la nuit, et je vous laisse à penser comme il y fut reçu :

« Retire-toi de mes yeux, mauvais chrétien, lui dit le souverain Juge, notre maître à tous, ta faute est assez grande pour effacer toute une vie de vertu... Ah ! tu m'as volé une messe de nuit.,, Eh bien ! tu m'en payeras

payeras cents en place, et tu n'entreras en paradis que quand tu auras célébré dans ta propre chapelle ces trois cents messes de Noël en présence de tous ceux qui ont péché par ta faute et avec toi... »

.... Et voilà la vraie légende de dom Balaguère comme on la raconte au pays des olives. Aujourd'hui, le château de Trinquelague n'existe plus, mais la chapelle se tient encore droite tout en haut du mont Ventoux, dans un bouquet de chênes verts. Le vent fait battre sa porte disjointe, l'herbe encombre le seuil ; il y a des nids aux angles de l'autel et dans l'embrasure des hautes croisées dont les vitraux coloriés ont disparu depuis longtemps, Cependant il paraît que tous les ans, à Noël, une lumière surnaturelle erre parmi ces ruines, et qu'en allant aux messes et aux réveillons, les paysans aperçoivent ce spectre de chapelle éclairé de cierges invisibles qui brûlent au grand air, même sous la neige et le vent. Vous en rirez si vous voulez, mais un vigneron de l'endroit, nommé Garrigue, sans doute un descendant de Garrigou, m'a affirmé qu'un soir de Noël, se trouvant un peu en ribote, il s'était perdu dans la montagne du côté de Trinquelague; et voici ce qu'il avait vu... Jusqu'à onze heures, rien. Tout était silencieux, éteint, inanimé. Soudain, vers minuit, un carillon sonna tout en haut du clocher, un vieux, vieux carillon qui avait l'air d'être à dix lieues. Bientôt, dans le chemin qui monte, Garrigue vit trembler des feux, s'agiter des ombres indécises. Sous le porche de la chapelle, on marchait, on chuchotait : « Bonsoir, maître Arnoton. — Bonsoir, bonsoir, mes enfants... » Quant tout le monde fut entré, mon vigneron qui était très brave, s'approcha doucement, et regardant par la porte cassée eut un singulier spectacle. Tous ces gens qu'il avait vus passer étaient rangés autour du choeur, dans la nef en ruine, comme si les anciens bancs existaient encore. De belles dames en brocart avec des coiffes de dentelles, des seigneurs chamarrés du haut en bas, des paysans en jaquettes fleuries ainsi qu'en avaient nos grands-pères, tous l'air vieux, fané, poussiéreux, fatigué. De temps en temps, des oiseaux de nuit, hôtes habituels de la chapelle, réveillés par toutes ces lumières, venaient rôder autour des cierges dont la flamme montait droite et vague comme si elle avait brûlé derrière une gaze ; et ce qui amusait beaucoup Garrigue, c'était un certain personnage à grandes lunettes d'acier, qui secouait à chaque instant sa haute perruque noire sur laquelle un de ces oiseaux se tenait droit,tout empêtré et battant silencieusement des ailes...

Dans le fond, un petit vieillard de taille enfantine, à genoux au milieu du choeur, agitait désespérément une sonnette sans grelot et sans voix pendant qu'un prêtre, habillé de vieil or, allait, venait devant l'autel tout en récitant des oraisons dont on n'entendait pas un mot... Bien sûr, c'était dom Balaguère, en train de dire sa troisième messe basse.

ALPHONSE DAUDET.

MOUVEMENT SCIENTIFIQUE

GÉOGRAPHIE

Volonté. — Trois explorateurs français : Bonvalot, Pepin et Capus. — Un voyage miraculeux. — Le passage du plateau de Pamyr.

C'était l'autre jour chez M. Melchior de Vogué.

On parlait de la volonté, de cette volonté qui — les savants et les romanciers l'affirment — serait détendue chez nous, le bon équilibre des facultés étant rompu au profit de l'excitabilité des nerfs et do la sensibilité du coeur.

— C'est une maladie, disait M, de Vogüé,

Vogüé, quelques raffinés qui raisonnent — et à tort — de tout le monde d'après soimême. On ne peut dire d'un peuple qu'il a la volonté malade, quand son goût de l'action engendre des entreprises aussi extraordinaires que celles dont nous avons fréquemment le spectacle. Ne croyez-vous pas, entre autres, que Bonvalot, Pépin et Capus, ces trois héros qui viennent.de traverser le plateau du Pamyr, aient donné l'exemple, je ne dis pas d'un sursaut — presque tout le monde chez nous est capable de cet effortlà, — mais d'une tension de volonté qui fait honneur à leur race et à leur génération autant qu'à eux-mêmes ? J'ai eu l'occasion de les voir, ces trois voyageurs, j'ai entendu le récit des luttes, des douleurs dont ils ont payé le succès de leur entreprise. Ils conteront cela en conférence publique, à la Sorbonne, dans la première quinzaine de janvier.

Bonvalot, Pépin, Capus... Les journaux nous ont annoncé leur retour ; une note a l'ait le tour de la presse apprenant au public que trois explorateurs venaient, les premiers d'entre tous les Européens, de traverser le coeur de l'Asie, de passer, par-dessus les montagnes de la Perse, dans la vallée de Cacheinyr. De-ci, de-là, on a accompagné le récit de cette aventure magnifique de quelques commentaires flatteurs pour notre amour-propre national.

Ce que ces trois hommes ont fait, ils le diront eux-mêmes dans leurs conférences et dans leurs relations de voyage. Je voudrais seulement vous dire ce qu'ds sont.

Il est venu me voir, ce Bonvalot si tendrement aimé de ceux qui lui avaient confié eur vie.

Imaginez un Bourguignon de six pieds, une envergure d'épaules énorme, invraisemblable, large à remplir l'armure de Charles le Téméraire; là-dessus une tête ronde, des yeux bleus derrière des sourcils noirs comme ses moustaches. Depuis deux cents ans l'esprit d'aventure est dans la famille. Des deux cotés il y a des parents qui sont partis, un matin, le beaupré à l'inconnu, à travers le vaste monde, et dont on n'a plus entendu parler jamais.

Lui, l'inquiétude d'agir l'a pris tout jeune; il a passé son baccalauréat à la fin de sa troisième pour devenir libre , puis il a battu l'Europe, visité les musées, épuisé les livres, appris les langues qui pouvaient lui ouvrir l'Orient.

Je ne sais plus qui disait : « A mon âge, Alexandre avait conquis le monde ! » Bonvalot a refait la campagne d'Alexandre. Il a aussi des idées à soi sur les guerres médiques.

— Voyez-vous , me disait-il, Michelet a écrit que l'histoire est une résurrection ; c'est une constatation aussi. Il faut la vivre. Quand je me suis mis en route, j'avais lu une foule de livres anciens et modernes ; mais mes idées se sont bien modifiées quand j'ai vu les peuples agir. Je ne crois pas, pour ma part, que le milieu ait changé depuis Darius et Alexandre. Ce qui fait la grandeur d'un peuple, c'est l'à-propos de ses qualités. Les qualités des Persans et des Macédoniens actuels n'ont plus leur emploi. C'est ça qu'on appelle de loin la décadence.

A grands traits il m'a conté son voyage, comme il vous le contera dans quelques jours à la Sorbonne.

Son premier dessein était de traverser l'Afghanistan pour gagner l'Inde. A peine les frontières russes franchies, il a été fait prisonnier par l'émir avec ses deux compagnons, et, pendant le mois de captivité qu'il a subi jusqu'au jour où par son énergie il a obligé son ennemi à le remettre en liberté, il n'a dû son salut et celui de ses camarades qu'à ce fait que jamais il ne s'est laissé ôter ses armes. Il se faisait si peu d'illusion sur le sort qui l'attendait qu'avant de mettre le pied sur le territoire afghan, il s'était séparé de ses notes et de ses collections, « afin que, s'il lui arrivait quelque chose, tout ne fût point perdu ».


LES ANNALES POLITIQUES ET LITTERAIRES

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Je lui ai demandé quelle avait été sa vie pendant ces jours de captivité :

— Je ne m'ennuyais pas, m'a-t-il répondu. C'était la fin en bien ou en mal, mais c'était la fin. Pour m'occuper, je faisais faire l'exercice à mes gardiens, Pepin peignait leurs portraits. Il a dû vous les montrer.

La liberté reconquise, il fallut revenir en arrière jusqu'à Samarkande, trouver une autre route pour descendre sur l'Inde.

— Le 1 janvier 1837, le général Karalkof, avec qui Bonvalot causait de ses projets, approuva l'idée de traverser le plateau du Pamyr pour redescendre sur la vallée de Cachemyr.

Et il ajouta :

— Mais vous devriez profiter de l'hiver pour passer, vous trouverez là-haut la température du pôle. Peut-être ne la supporterez-vous point ; aucun Européen ne s'est jamais risqué par là. Au moins, en même temps, vous trouverez la solitude. Au printemps, les Kirghiz, les Chinois, les Afghans et les indépendants mènent paître leurs troupeaux sur les revers du plateau. Vous ne leur échapperiez pas.

Aussi Bonvalot organisa sa caravane. La première chaîne de montagnes qu'on eut à franchir était l'Alaï. Toutes les passes en étaient fermées. On se rabattit sur la passe du Taldick. Une troupe de Kirghiz à cheval marchait devant en foulant la neige. La caravane suivait. Derrière cette porte de mon tagnes, contre toute prévision, on retrouva autant de neiges accumulées. La troupe marchait d'une vitesse d'un demi-kilomètre à l'heure. Ce fut pis encore à la seconde passe, celle de Zizilhart. Cette fois, les Kirghiz refusèrent d'aller plus loin, ils s'enfuirent en emportant la moitié de la provision d'orge et de bois. Restaient cinquantecinq chevaux, et une trentaine d'hommes que la crainte du chef tint quelque temps en respect. Mais ceux-là à leur tour se découragèrent et, un à un, s'enfuirent. Bonvalot est arrivé aux Indes seul, avec ses deux compagnons et deux serviteurs restés fidéles, un Turcoman, Rachimet, et un Arménien, Menas.

Au moment de ces défections, on n'avait encore à souffrir que de la route ou du climat; ces contrées sans arbres, sans végétatation, couvertes de neige, étaient désertes de toute vie. L'écart de la température variait entre soixante et quatre-vingts degrés par jour. Plusieurs nuits le mercure gela, c'est-à-dire que le froid dépassa quarante degrés au-dessous de zéro. Dans la journée, il remontait à quarante degrés au-dessus. La plupart des hommes et des chevaux étaient aveugles. Le sang leur sortait de la croupe et des naseaux, à cause de la raréfaction de l'air. Les chevaux roulaient dans les précipices. Pendant une journée entière, on dut leur faire monter des marches taillées dans la glace. On levait les quatre pattes des bêtes les unes après les autres. Les hommes faisaient jusqu'à trois cents et quatre cents chutes par jour. A six mille mètres d'altitude, les malheureux eurent à essuyer une tempête de neige où toute la caravane faillit périr.

Pépin m'a raconté cette aventure avec une simplicité émouvante :

— Jamais, disait-il, je n'ai vu une journée comme ça. Nous étions roulés dans les pelisses de mouton que vous voyez. — pesezles ; — je vous prie de croire qu'elles sont chaudes. Eh bien, on souffrait tant du froid qu'on avait la sensation de dormir à la belle étoile en chemise de nuit, sur la neige.

A ce moment-là, les cinq braves marchaient derrière le plus robuste de leurs chevaux, qui frayait le chemin avec sa poitrine, repoussant devant soi la neige. Les autres bêtes mettaient leurs sabots dans l'empreinte de ses pieds. Et c'est ainsi que la caravane traversa tout le plateau jusqu'aux sources de l'Oxus.

Quelle subite détente dans les récits de ces braves gens, quand on arrive à la vallée de Cachemyr, à ce panier de vin envoyé au devant des cinq mourants par un viticulteur

français de ce pays-là ! Une bonne tiédeur vous enveloppe, la douceur d'un printemps subitement réapparu sous la neige.

Pour moi, je garde de ces récits, claire, lumineuse entre toutes, la vision des campements du soir sur le plateau du Pamyr.

La journée est finie. On décharge les bêtes, on étend sur la neige un morceau de feutre. On dresse la tente de toile, on déploie les lits de camp, et, sur un peu d'herbe sèche arrosée de pétrole, on fait bouillir le thé et la graisse de mouton.

Etendus sur leurs lits, avant de toucher au repas du soir, les trois hommes résument, silencieusement, en quelques lignes de notes, les observations de la journée.

A perte de vue, tout autour, le champ de la neige. Derrière, un sillon de pas, le chemin du jour. Devant, l'étendue vierge, le chemin de demain.

Et ainsi pendant des semaines de-silence et de douleur.

C'est pourquoi, maintenant qu'ils sont de retour, il faudrait les accueillir à bras ouverts, ces trois héros qui ont prononcé en français le mot : « Courage ! » dans des solitudes où, depuis le commencement du monde, jamais n'avait résonné la parole de l'homme.

HUGUES LE ROUX.

L'OEILLET BLANC

Comédie en un acte (1)

SCENE IX

VIRGINIE, LE MARQUIS

II s'approche de Virginie et lui prend la main.

VIRGINIE.

Tu viens de l'entendre.

LE MARQUIS.

Merci !

VIRGINIE.

On t'a vu rôder dans le pays, et maintenant pour t'en aller ?

LE MARQUIS.

Soyez tranquille, je m'en irai, plus tard seulement, (il va pour lui baiser la main.)

VIRGINIE.

Ah ! prends garde, (a faiblesse a pu m'attendrir un moment, mais tiens, si tu le peux, va-t'en vile, croismoi.

LE MARQUIS.

Si vous y tenez, il y a un moyen bien simple de vous débarrasser de ma personne. Donnez-moi ce que je suis venu chercher ici, le temps de vous remercier et je disparais.

VIRGINIE.

Eh ! le sais-je, moi, ce que tu es venu chercher. (Adoucie.) Quoi... Voyons ?

LE MARQUIS.

Une fleur, rien qu'une fleur et je m'en vais.

VIRGINIE.

Le moment est mal choisi pour railler, je t'assure.

LE MARQUIS, passant vers l'escalier.

Je ne raille pas, Mademoiselle.

VIRGINIE.

C'est une fleur qui t'amène ici ? et quelle est cette fleur étrange pour laquelle ou risque sa vie ?

LE MARQUIS.

Ah ! c'est toute une histoire.

VIRGINIE.

Et tu crois que je vais l'écouter !

LE MARQUIS.

Je vois vous la dire en quelques mots. C'était dans un salon français, en Angleterre. (Il s'assied sur le banc devant le pavillon.)

VIRGINIE.

II s'assied maintenant.

(1) Voir les n°s du 11 et du 18 décembre.

LE MARQUIS.

Remettez-vous, je vous prie... Dans ce salon, où' quelques émigrés se réunissent chaque soir, on est élégant, on a de l'esprit, on refait au bord de la Tamise une petite France.

VIRGINIE.

Qui conspire contre la grande.

LE MARQUIS.

Et c'est une de ces conspirations que je vais vous révéler. Il est neuf heures du soir, tous les conjurés sont réunis. Le vicomte est devant, le feu, le chevalier devant la glace, le petit abbé papillonne, il est partout à la fois... A la table de whist, les vieillards, la chanoinesse, la maréchale, le mestre de camp, le grand prévôt. Enfin, près de la cheminée, gracieusement blottie au fond de son fauteuil, la comtesse et derrière elle le marquis. Toutes les portes sont closes... le whist est terminé. Chut! on conspire. Contre qui ? contre l'amour.

VIRGINIE.

II est fou !

LE MARQUTS.

Oui, c'est à l'amour qu'ils en veulent les quatre vieillard qui sont là... «L'amour s'en va... dit la chanoinesse ; de mon temps il faisait de belles actions... il ne fait plus que de belles phrases. « La maréchale soupire en essuyant une larme au creux d'une ride : « L'amour s'en va ! Il n'y a plus de dévouement en amour. — L'amour s'en va, ricane à son tour le mestre de camp, il n'y a plus d'héroïsme dans l'amour. » Là-dessus il brandit sa béquille et le grand prévôt l'applaudit. Pour le coup, le marquis n'y lient plus, et, rouge de colère, il se campe au milieu du salon. (Il se lève.) « Holà, dit-il, je suis ici pour le défendre, ce pauvre amour que vous injuriez. Non, non, vous vous trompez ! l'amour est toujours dévoué, toujours héroïque, toujours capable de grandes choses, prêt à donner sa vie en échange d'un sourire, et je me porte garant pour l'amour. » A cette sortie impétueuse, la table de whist répond par un éclat de rire. Le vicomte applaudit, le petit abbé se signe éperdument. Alors de sa voix la plus douce et du fond de son grand fauteuil : « Marquis, dit la comtesse, j'ai grande envie d'un de ces beaux oeillets blancs qui fleurissent là-bas, là-bas, dans mon château de SaintVaast. »

VIRGINIE.

Oh !

LE MARQUIS.

Le marquis partit le soir même, Mademoiselle, et. le voici.

VIRGINIE.

Ainsi c'est pour un caprice de femme que tu joues ta vie en ce moment.

LE MARQUIS.

Pour un caprice, et j'en suis fier.

VIRGINIE.

Et cette femme t'a laissé partir ! elle n'a pas eu pitié de toi, elle ne t'a pas arrêté au seuil de ta porte? « Revenez, j'étais folle, nous sommes fous tous les deux ! » Non, d'un oeil souriant elle t'a regardé t'en aller à la mort. Mais quel sang ont-elles donc dans les veines ces créatures-là ?

LE MARQUIS.

Ces. créatures ont dans les veines un sang de race qui leur vient de très loin et de très haut, Mademoiselle ; c'est toujours le sang de ces belles amoureuses du moyen âge qui jetaient leur gant dans l'arène et qui criaient au « plus aimant » ! Autrefois c'était un gant entre les griffes du lion, aujourd'hui c'est une fleur sous les balles républicaines.

VIRGINIE, après un silence.

Tu n'as plus de mère, n'est-ce pas ?

LE MARQUIS.

Ma mère est morte, Mademoiselle.

VIRGINIE.

Si tu avais eu ta mère, ta mère aurait pleuré, et si ses larmes n'avaient pas suffi, plutôt que de te laisser partir elle t'aurait enfermé comme un enfant rebelle.

LE MARQUIS.

Ah ! malpeste, à la fin mon amour-propre se révolte. Une fois pour toutes, Mademoiselle, apprenezmoi ce que c'est qu'un enfant et ce que c'est qu'un homme. Est-ce à la taille seulement que vous jugez cela, et ne croyez-vous pas qu'un beau sentiment soit aussi viril qu'une belle moustache ? Est-ce le coeur ou


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LES ANNALES POLITIQUES ET LITTÉRAIRES

les épaules qu'il s'agit d'avoir haut placé ? Il serait bon de s'entendre là-dessus.

VIRGINIE,

Eh bien ! puisque tu veux qu'on te traite en homme, je te demanderai, citoyen, si c'est faire un emploi généreux de sa vie que de l'exposer pour un caprice, pour une fleur, pour rien? Ne pouvais-tu répandre ton sang d'une plus digne façon, pour une cause plus noble ?

LE MARQUIS,

Pour tine cause plus noble !... Valait-il mieux aller faire le coup de feu en Vendée avec des carabines anglaisés du charger des troupes françaises sur les bords du Rhin avec un escadron allemand !... ce jeu-là me3 répugnerait fort, je l'avoue.

VIRGINIE, à part.

Ce n'est pas un enfant, je me trompais.

LE MARQUIS.

D'autre part la vie est bien monotone dans les brouillards de la Tamise, et quand on a fêté les nouveaux émigrés, quand on s'est donné quelque coup d'épée entre amis à propos d'une danseuse, ou avec les officiers anglais en souvenir de Pontenoy, que voulezvous qu'on devienne dans ce diable de pays?... L'occasion se présente de faire une promenade en France, de venger l'amour qu'on outrage et de satisfaire un désir de jolie femme ! Franchement, Mademoiselle, cela ne vaut-il pas qu'on risque sa tête ? (Changeant de ton.) Et voulez-vous que j'aie risqué la mienne pour rien ?

VIRGINIE.

Il n'y a plus de fleurs dans le château, on les a toutes arrachées.

LE MARQUIS, timidement.

Et celle-ci, sur la fenêtre, là ?

VIRGINIE.

Celle-là !... impossible, je ne puis m'en séparer. LE MARQUIS.

Oh! Mademoiselle, belle et bonne comme vous Êtes, il doit y avoir quelque part un homme qui vous aime et que vous aimez... Eh bien! c'est au nom du... préféré que je vous demande cet oeillet blanc.

VIRGINIE.

C'est au nom du préféré que je te le refuse.

LE MARQUIS.

Comment ! est-ce que cette fleur ?

VIRGINIE.

Cette fleur me vient de mon fiancé.

LE MARQUIS, gaiement.

Allons, je joue de malheur ! (il s'assied.)

VIRGINIE,

N'aie pas de regret... La femme qui n'a pas craint de t'envoyer ici ne songe plus à cette fleur, elle a déjà changé de caprice.

LE MARQUIS.

Oh ! Mademoiselle, vous n'êtes pas généreuse,.. laissez-moi du moins mourir avec une illusion...

VIRGINIE.

Mourir, pour une femme qui ne t'aime pas ! Que ferais-tu donc pour une femme qui t'aimerait? (On entend un chant dans le lointain.)

LE MARQUIS

Oh ! celle-là... (il se lève.) Entendez-vous ?

CHOEUR DES MARINS, nu loin.

Hissa ho ! hissa !... hissa ! hissoué !... VIRGINIE. Oui, des matelots qui chantent... Eh bien ?

LE MARQUIS.

Cette chanson a trois couplets, le premier me rappelle qu'une barque est amarrée près d'ici, n'attendant que moi pour retourner en Angleterre.

VIRGINIE.

Et puis?

LE MARQUIS.

Le second couplet voudra dire : Il est temps, hâtez-vous.

VIRGINIE.

Il faut fuir alors..,

LE MARQUIS.

Ah ! nous n'en sommes pas là.

VIRGINIE.

Le troisième couplet ?

LE MARQUIS.

Le troisième couplet signifiera : Nous sommes partis, Dieu vous garde !

VIRGINIE.

Qu'attends-tu ?

LE MARQUIS.

J'attendrai, s'il vous plaît, que la chanson soit finie et tout mon monde en sûreté, alors j'irai crier « vive le roi 1 » sur la place de Saint-Waast.

VIRGINIE.

Tu tiens donc bien à mourir ?

LE MARQUIS.

Je tiens à ne pas retourner en Angleterre sans ce que j'ai promis.

VIRGINIE,

Mais de quel droit veux-tu que pour t'aider à remplir ta promesse, je sois parjure à mon serment ? Si tu as promis de rapporter cette fleur, moi, j'ai juré de la garder.

LE MARQUIS.

Je ne vous la demande plus, Mademoiselle, vous aimez, je comprends tout.

VIRGINIE.

Alors, je suis responsable de ta mort.

LE MARQUIS.

Vous? vous n'avez pas reculé devant un mensonge pour me sauver. Que pouvez-vous faire déplus? Non, non, si je meurs, c'est qu'il me semble bon de mourir, et je suis fier de prouver en succombant qu'il y a encore de l'héroïsme dans l'amour.

VIRGINIE, au bas de l'escalier.

Et ce sont ces femmes-là qui font des héros ! (Elle monte rapidement l'escalier.) Tiens ! Elle ne vaut pas que tu meures pour elle. (Elle lui jette la Heur.) LE MARQUIS.

Cette fleur, à moi.

VIRGINIE descend l'escalier.

Maintenant tu as ce que tu désires. Va-t'en...

LE MARQUIS, a deux genoux, tenant l'oeillet.

Oh ! ne me renvoyez pas encore ; je suis si heureux.

VIRGINIE, sourdement.

Attends d'être là-bas pour le dire, ce grand bonheur peut encore t'échapper.

LE MARQUIS, triomphant et ce levant.

Le bonheur dont je parle ne saurait m'échapper, c'est à vous que je le dois et je vous défie de me le reprendre. Oh! vous pouvez m'enlever cette fleur. la voilà, tenez. Ce que vous ne m'enlèverez pas, c'est le souvenir du sacrifice que vous venez de faire en me la donnant.

VIRGINIE, avec émotion.

Ne parlez pas de sacrifice, (Montrant la fleur.) Il faut cela pour vous sauver, je vous le donne,

LE MARQUIS.

Alors, c'est seulement une aumône que vous me faites ?

VIRGINIE, égarée;

Ne m'interrogez pas... ne me demandez rien... Ce qui se passe en moi depuis une heure, je l'ignore. Je sens que je fais mal, et je ne puis me défendre de mal faire ; maintenant, vous ne pouvez plus rester ici. Partez ! (Tendrement après un silence.) Je vous supplie de partir (Voix au dehors.) Miséricorde ! Il n'est plus temps.

LE MARQUIS

Qu'y a-t-il ?

VIRGINIE, entr'ouvraut la porte. Mon père... des paysans... On vous cherche.

LE MARQUIS.

Vous voyez bien qu'il est dit que je n'échapperai

pas. (Il veut sortir.)

VIRGINIE.

Où allez-vous ? il faut vous cacher,

LE MARQUIS.

Encore! Oh ! ma foi non. Assez de lâchetés comme cela.

VIRGINIE.

Votre vie m'appartient, je l'ai bien gagnée, cachezvous.

LE MARQUIS.

A quoi bon cette nouvelle humiliation ! elle ne pourra me sauver.

VIRGINIE, suppliante.

Je vous en prie... Là! dans le pavillon,..Ils n'entreront pas..,

LE MARQUIS, avant d'entrer dans le pavillon.

Oh ! comme je vais t'aimer, si j'en réechappe,

VIRGINIE, Les voici. (Elle va vers le fond )

ALPHONSE DAUDET, (A suivre.)

—— * ——

LIVRES ET REVUES

LES LIVRES D'ÉTRENNES

(Suite et fin.)

Achevons rapidement de passer en revue les livres d'étrenne, Nous ne pouvons consacrer à chacun que quelques lignes. Nous en serons quitte pour mettre en réserve les plus importants et pour y revenir l'année prochaine. Notre seul but aujourd'hui est de guider le lecteur, et de lui donner d'utiles indications.

La maison Hachette publie cette année de fort beaux livres. Presque tous traitent de géographie ou de science. En première ligne, nous citerons la Belgique, de Camille Lemonnier. M. Lemonnier est l'écrivain le plus populaire de la Belgique ; il lui appartenait d'élever un monument à son pays. Son oeuvre est fort substantielle: M. Lemonnier ade grandes qualités. Son style est coloré, sa plume habile à peindre. Les pages qu'il consacre aux musées belges sont vraiment remarquables. Jamais on n'avait mieux jugé Rubens ; M. Lemonnier aime ce peintre ; il le comprend, il le fait comprendre. Ajoutons que la gravure ajoute au texte son prestige et son charme, et que le volume est orné d'innombrables et superbes reproductions.

Puisque nous parlons géographie, nous devons mentionner le Tour du Monde, cette revue qui, depuis vingt ans, poursuit glorieusement sa publication. L'année 1887 est féconde en voyages intéressants ; citons au vol de la plume ceux de MM. Cagnat, en Tunisie ; Désiré Charnay, au Yucatan ; Victor Gfraud, en Afrique ; de Brazza, dans le Niger. Le Tour du Monde publiera sans doute l'année, prochaine la relation de M. Bonvalot, le célèbre voyageur, dont vous avez lu plus haut la palpitante odyssée.

Passons à l'histoire. M. Duruy, rendu à ses chères études depuis que l'empire a disparu, ne s'endort pas dans une molle oisiveté. Il achève cette grande Histoire des Grecs, qui ne sera pas le moins beau fleuron de fea Couronne d'écrivain. Nous venons de lire le second volume de ce grand ouvrage. Nous l'avons lu avec un double intérêt. Non seulement il est écrit avec élégance, composé avec clarté, mais il s'en dégage un salutaire enseignement. L'auteur y retrace les vertus, les faiblesses de la démocratie athénienne. Mon Dieu ! l'homme ne change guère. Les passions sont aujourd'hui ce qu'elles étaient au siècle de Périclès. Que de rapprochements ingénieux on peut faire entre ce siècle et le nôtre ! M. Duruy n'y manque pas, et l'on ne peut lire sans en être frappé les lignes suivantes :

La démocratie, qui reprend aujourd'hui le mot de Louis XIV: « L'Etat, c'est moi»,


LES ANNALES POLITIQUES ET LITTERAIRES

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avait, chez les anciens, mis naturellement cette doctrine en pratique, parce que, pour de petites cités entourées de périls, la sécurité ne se pouvait trouver que dans une concentration énergique de la vie sociale. La liberté, la fortune et la vie des citoyens, le droit, la justice, la.morale, tout était subordonné à l'intérêt de l'Etat; et la formule romaine, salus populi suprema lex esto, semble avoir été faite pour les républiques grecques. Hérodote admire le gouvernement d'Athènes. Ce ne sera pas l'avis de Platon : « Dévoré d'une soif ardente de liberté que de mauvais échansons lui versent toute pure et lui font boire jusqu'à l'ivresse, l'Etat démocratique arrive, par la licence générale, à l'esclavage, la liberté excessive devant amener tôt ou tard une extrême servitude. »

Deux fois déjà, depuis un siècle, nous avons justifié ces paroles prophétiques de Platon. Aujourd'hui notre éducation est-elle faite? Nous n'osons trop l'espérer. Malgré les écueils signalés par le philosophe, la république d'Athènes n'en était pas moins une république admirable, M. Duruy fait de ce gouvernement idéal un tableau bien séduisant.

Périclès savait que dans les âmes mal trempées la pauvreté avilit et dégrade; qu'elle pousse à l'émeute en mettant la haine et l'envie au coeur de celui qui n'a rien contre ceux qui ont quelque chose; qu'enfin elle fournit aux riches le moyen d'acheter des partisans, à l'aide d'aumônes intéressées. Il voulut que tout citoyen fût assuré de sa subsistance. Les plus pauvres furent envoyés dans les nombreuses colonies qu'il fonda et où ils devenaient propriétaires. Pour ceux qui restaient dans la cité, ils trouvaient d'amples ressources dans le travail des arsenaux et des chantiers ouverts pour les grandes constructions dont Périclès décora la ville, dans l'immense commerce dont Athènes fut le centre, dans l'indemnité d'une obole accordée aux juges et à tout homme du peuple qui assistait aux assemblées, enfin dans le service militaire, auquel était attachée une solde considérable...

Deux choses ne se trouvent, pour toute l'antiquité, que dans la seule Athènes : l'Etat secourait les citoyens empêchés par leurs infirmités de pourvoir eux-mêmes à leur subsistance, et il élevait les enfants de ceux qui étaient morts pour lui.

Ce programme est admirable.Mais,ainsi que le fait judicieusement remarquer l'historien, il est applicable dans une cité, il est irréalisable dans un grand Etat. Que les socialistes, que les rêveurs se résignent à leur sort!

C'est encore un livre d'histoire que le volume de M. Maxime du Camp, la Vertu en France, mais d'histoire contemporaine et vivante. C'est un monument élevé à la vertu. Il appartenait à un académicien de faire l'éloge de la vertu. M. Maxime du Camp s'en acquitte avec conscience et même avec talent. Son livre, tout plein d'héroïsme, d'émotion et d'onction, nous réconcilie avec les hommes.

- Nous pourrions dire encore que l'ouvrage de M. Rousselet (les Grandes Ecoles), est un livre d'histoire; c'est plutôt l'oeuvre d'un habile et adroit reporter ; que ce mot essentiellement moderne n'offense pas M. Rousselet. On peut être à la fois reporter ingénieux et bon écrivain. Il nous en donne la preuve.

Nous arrivons, toujours sur les ailes de la science, à cette modeste et précieuse collection que l'on appelle la Bibliothèque des Merveilles. Elle fait grand honneur à la librairie Hachette. Cette bibliothèque met à la portée de tous, grâce à son prix modeste, des notions précises. Elle s'enrichit chaque

chaque de quelques volumes ; elle forme aujourd'hui une véritable encyclopédie. Nous avons lu avec grand plaisir les nouveaux ouvrages : Ninive, de M. Menant ; les Papillons, de M. Maindron ; le Pétrole, de M. de Fonvielle; et surtout les Merveilles de l'horlogerie, de MM. Portai et de Graffigny. L'art de l'horlogerie est un des plus intéressants que l'on puisse suivre ; il s'est développé régulièrement. Il a fait éclore des hommes de génie ; ce mot n'est pas trop fort quand il s'applique aux ingénieux auteurs de l'horloge de Strasbourg, et au célèbre Vaucanson, le grand constructeur d'automates. On se souvient à peine de lui aujourd'hui, et cependant,,il émerveilla son siècle par ses originales inventions. Vaucanson avait construit deux canards qui lui valurent d'inestimables hommages. Toutes les dames raffolaient de ces volatiles, dont M. Portal nous donne la curieuse description :

Vaucanson fit ses deux canards qui sont, pour les connaisseurs, un sujet d'admiration, ils exécutent tous les mouvements qui les rapprochent de la nature, d'après les principes les plus ingénieux de la mécanique. Le mouvement du cou, des ailes, des pattes, est absolument calqué sur la nature, et les pièces et leviers de métal qui font agir toutes les parties de la machine sont la véritable reproduction des différentes pièces de la charpente osseuse des palmipèdes.

Les canards de Vaucanson avalaient sans difficulté — avec gloutonnerie, pourrait-on dire — le grain placé devant eux, le digéraient et le rendaient, par l'autre extrémité, sous une forme tout à fait différente. Pour parvenir à ce résultat, cause d'étonnement, le savant mécanicien avait dû installer, dans l'endroit représentant l'estomac desdits oiseaux, une sorte de laboratoire, où le grain, d'abord broyé par une roue dentée, subissait une action chimique qui le décortiquait et en faisait une espèce de pâte évacuée ensuite, après avoir traversé un long tube plusieurs fois replié sur lui-même et représentant les intestins.

Avec les ressources de la science moderne, les constructeurs pourraient sans doute renouveler ces merveilles. Ils renoncent à ces tours de force qui leur semblent un peu puéril. Seule, l'Amérique, toujours excentrique, a résolu de faire oublier Vaucanson. M. Portal. nous décrit une horloge extrordinaire que la ville de New-York vient de faire édifier :

Cette machine, complète, occupe un espace de 5 mètres cubes et demi et pèse 700 kilogrammes; elle renferme 265 roues sans compter les pignons, et elle est actionnée par un balancier et douze poids, le premier ayant une chute de 1 m."50 tous les huit jours et le douzième devant être remonté une fois tous les deux mille ans (!).

Cette pièce, déjà si américaine d'après ce qui précède, peut enregistrer, dit son auteur, le temps pendant dix mille ans, après lesquels le mécanisme devra être changé. Elle donne les secondes, les minutes, les heures, les jours, les semaines, les mois et les années normales et bissextiles. Elle meut 128 figures ou personnages allégoriques de deux pieds (0 m. 60) de hauteur, représentant, au moment et aux époques convenables, les quatre âges de la vie, les douze apôtres bénis par le Christ, toutes les douze heures un sonneur, les sept dieux païens, les quatre saisons, les signes du Zodiaque, etc., etc.

Quatre fois par jour, une boîte à musique de douze grands airs est mise en mouvement par un automate habillé en pifferaro; les phases de la lune, les mouvements de la terre et des astres sont rendus visibles par le moyen de sphères tournantes, et enfin,un coq placé au plus haut point de la machine, comme dans la cathédrale de Strasbourg, chante toutes les six heures d'une façon quasi naturelle.

Cette curieuse machine est encore dépassée, sous un certain rapport, par une autre horloge des Etats-Unis, et qui représente à chaque heure le procès du fameux Guiteau qui, on se le rappelle, assassina le président Garfield en 1881. Les scènes de cette cause célèbre se déroulent une à une sous les yeux du spectateur, assistant ainsi à toute l'affaire, dont la conclusion est la pendaison de l'assassin.

La Bibliothèque des merveilles a pour objet d'instruire les enfants sages. La Bibliothèque rose a pour mission de les amuser. Elle s'en acquite fort bien. Nos jeunes lecteurs, nos jeunes lectrices trouveront plus loin la liste des nouveaux volumes publiés.

La maison Delagrave est, au point de vue géographique et scientifique, la rivale de la librairie Hachette. Cette année, cependant, elle ne s'est pas mise en frais. Elle ne nous donne aucun de ces gros et beaux volumes qui sont une joie pour les yeux et pour l'esprit. Si elle néglige les grandes personnes, en revanche, elle gâte les petites. Sa bibliothèque constitue un véritable musée enfantin.

Nous n'avons que l'embarras du choix, nous pouvons citer au hasard deux volumes de voyage : le Tonkin de M. Dumoulin, illustré, par Dick de Lonlay, de, croquis vifs et crânes qui sentent la poudre ; et l' Afrique Pittoresque, recueil de pages dramatiques et instructives, que notre ami et collaborateur Victor Tissot a excellemment choisies, avec son goût de lettré et son expérience de vieux touriste. Citons encore dans un autre ordre d'idées un roman ingénieux, le Petit Lord par Eudoxie Dupuis, les Héritiers de Jeanne d'Arc par Frédéric Dillaye, la collection du Saint - Nicolas que l'éditeur a illustrée avec un talent exquis, un spirituel Album de M. Geoffroy et un Petit Atlas dont la vateur est grande et le prix modeste.

C'est également pour les bambins que travaille notre confrère Emile Desbeaux ; il met à leur service une plume spirituelle et une imagination féconde. Il a publié chez Delagrave un charmant album, les Trois petits Mousquetaires ; il publie cette année chez Ducrocq, un roman, l'Aventure de Paul Solange que bien des mamans seront tentées d'emprunter à M. Bébé et heureuses de lire pour leur propre compte.

N'oublions personne. Signalons deux volumes parus chez Marne, l'Irlande et les Artères du globe, un nouvel ouvrage de Louis Figuier édité chez G. Decaux et qui a pour titre : Les Mystères de la science. Ces mystères sont ceux dont tout le monde s'occupe aujourd'hui, nous voulons parler de l'hypnotisme et du magnétisme. Le livre de M. Figuier est clair et complet. Le même éditeur publie la Physiologie Parisienne de MM. Albert Millaud et Caran d'Ache. Ces deux noms vous disent que l'ouvrage est gai, et ils ne mentent pas à leur programme.

Nous voici au bout de cette chronique, et nous n'avons rien dit encore des livres de Firmin Didot. Il ne serait pas décent d'expédier en vingt lignes des ouvrages tels que Madame de Pompadour, des frères Gonconrt, et même le Pape Léon XIII, de B. O'Reilly. Nous consacrerons à ces deux oeuvres une de nos premières causeries de l'an prochain. Contentons-nous de dire que Madame de Pompadour est un admirable ouvrage, que les gravures en taille-douce, de M. Dujar-- din, sont de vraies merveilles, et que le texte des Goncourt est curieux, étrange, précieux, joli, capiteux. Ce livre est une oeuvre d'art,


412

LES ANNALES POLITIQUES ET LITTERAIRES

que l'éditeur a divinement enchâssé. Terminons par cet éloge notre chronique, et souhaitons que l'année qui vient soit riche, prospère, heureuse aux lettres, favorable aux arts, féconde en chefs-d'oeuvre !

A. B.

PROPOS DU DOCTEUR

LA TRANSFUSION ET LA CURE DE SANG

La transfusion du sang est une des plus belles conquêtes de la chirurgie et de la physiologie moderne, car ce n'est qu'après les beaux travaux de Brown-Sequard, de Behier, etc., qu'elle est entrée définitivement dans le domaine de la thérapeutique

Cette opération, pratiquée pour la première fois au dix-septième siècle en Angleterre, vers 1660, après l'admirable découverte de Harvey pour la circulation du sang, puis en Allemagne, fut faite la première fois en France, sur l'homme, par Denis et Emmerets, vers 1667, qui transfusèrent du sang de veau à l'homme malade; les résultats furent désastreux. Il se forma vite deux camps : les antitransfuseurs, à la tête desquels se trouvait le fameux Lamartinière, qui prétendait que c'était là une opération barbare sortie de la boutique de Satan, et les partisans de l'opération, à la tête desquels se trouvaient naturellement Denis et Emmerets, les deux promoteurs de l'opération, malgré un arrêté du Parlement qui empêchait l'opération sous les peines les plus graves. • Ce ne fut que longtemps après, vers 1820, qu'Harwood et Blundell en Angleterre, Prévost et Dumas à Genève, Dieffenbach en Allemagne, Brown-Sequard à Paris, et plus tard Behier, reprirent les expériences et obtinrent des résultats des plus satisfaiC'est

satisfaiC'est déjà, à cette époque, on connaissait mieux la composition du sang, et que l'on savait les différences qui existaient dans la composition du sang des diverses espèces animales

En effet, les insuccès sont d'autant plus grands et la mort plus rapide que la différence est grande entre les animaux sur lesquels on opère. Ainsi, le sang des mammifères transfusé aux oiseaux, et réciproquement, agit comme un véritable poison parce que le globule sanguin n'est pas le même dans l'une et l'autre espèce. L'un a une forme elliptique, tandis que l'autre est sphérique. C'est la, croyons nous, le point capital de l'insuccès, car les globules sont les véritables agents réparateurs du sang : Bischoff a fait des expériences tendant à attribuer les accidents à la coagulation de la fibrine, mais c'est là, ce nous semble, un point secondaire qui peut être évité par les précautions à employer pendant l'opération et par un bon

appareil.

Le manuel opératoire joue donc un rôle important dans le succès, puisque le moindre refroidissement amènerait la coagulation de la fibrine, qui serait alors injectée sous forme de caillots formant des noyaux d'embollie rapidement mortelle ; il faut encore veiller avec le plus grand soin à ne pas laisser pénétrer l'air dans les vaisseaux.

La transfusion doit donc se faire de veine à veine, c'est-à-dire que le sang, au sortir de la. veine servant de fourniture, doit passer sans changement de chaleur, dans la veine du malade et s'y mélanger de suite à la circulation.

On commence d'abord par faire une saignée ordinaire à une personne bien portante et qui a consenti à se soumettre à l'opération; le sang est reçu dans un petit entonnoir entouré d'eau chaude de 37 à 38 degrés, c'est-à-dire un peu au-dessus de la température ordinaire, et qui communique avec

une seringue également à la même température. Cette seringue, munie d'un tube et d'une canule qui pénètre dans la veine à transfuser, sert à laisser pénétrer le sang très lentement. Cette méthode a encore besoin de grands perfectionnements et n'a pas encore donné les grands résultats sur lesquels on comptait ; toutefois, nous pensons qu'elle peut rendre de grands services dans les cas de profonde anémie, et de syncope par hémorragie grave.

Mais si la transfusion par opération se fait rarement, il est une autre pratique très répandue depuis quelque temps, celle de faire une cure de sang, comme on fait une cure de raisins, de fraises ou de jambons.

Du reste, l'usage de boire du sang ne date pas de nos jours. Fos ancêtres les Gaulois ne se faisaient pas faute de boire du sang dans le crâne de leur ennemi vaincu, et Cicéron nous apprend que Catilina exigea de chaque conjuré qu'il bût, en signe de serment, une coupe pleine de sang.

Les Romains croyaient à la vertu du sang humain contre l'épilepsie, et Celse nous raconte que, lorsqu'un gladiateur était mourant dans l'arène, le peuple se ruait sur lui pour boire son sang tout fumant.

Le roi Louis XI espérait rafraîchir son sang et se guérir de sa scrofule en buvant le sang d'un jeune enfant que d'infâmes parents livraient ainsi à une mort certaine pour quelques écus d'or! Mlle de Sombreuil est sans doute la dernière qui ait bu du sang humain, et elle le faisait dans son immense tendresse pour sauver les jours d'un père adoré, et que des bourreaux ont, malgré le dévouement de la fille, conduit à l'échafaud ; mais allez donc attendrir le coeur des tigres !

Comme médicament, le sang de divers animaux a été utilisé dans la médecine populaire, sans qu'on en trouve une raison plausible : le sang frais de bouquetin était vanté contre la pleurésie, celui de la belette contre les écrouelles, celui du jeune bouc contre la gravelle, etc.

Comme aliment, le sang de porc est utilisé sous forme de boudin mélangé à des herbes aromatiques qui en relèvent le goût, mais il n'en constitue pas moins un mets très indigeste. Voltaire affirme qu'il trouvait parfait un verre de sang de jeune taureau, que les habitants de la Suisse mangent, du reste, sous le nom de fricassée, et cuit avec des assaisonnements plus ou moins épicés.

La cure de sang se fait à l'abattoir même, et se compose de deux parties bien distinctes : le bain et la boisson.

Le bain se prend rarement en entier ; ce sont surtout les bras et les jambes qu'on laisse tremper. Toutefois, dans certains cas, surtout chez les enfants, le bain total est ordonné. Le sang est alors reçu dans une baignoire entourée de fumier, afin qu'il puisse conserver sa chaleur le plus longtemps possible ; le malade reste immobile, de façon qu'en se coagulant le sang se prenne en masse, resserrant le corps comme dans un étau, et la constriction est souvent si grande que les malades se plaignent de douleurs de pression très violentes. Pour sortir de ce bain, il faut en quelque sorte découper le sang coagulé à l'aide d'un couteau tout autour du corps ; le patient se lève alors, s'enveloppe dans des peignoirs de flanelle, s'habille chaudement et prend un bain de propreté cinq ou six heures après; la durée d'un bain est en général d'une demi-heure.

Ces bains ont une action stimulante sur la peau ; ils conviennent dans les rhumatismes, les engorgements articulaires, les paralysies, l'anémie.

En boisson, le sang se prend à la dose d'un verre, qu'il faut boire rapidement pour qu'il ne se coagule pas, et tout chaud au sortir de l'artère, car il faut que ce soit du sang artériel pour qu'il soit digestif.

On le prescrit surtout dans la chloro-anémie ; aussi ne voit-on presque que des jeunes filles suivre ce traitement, auquel, du reste, elles s'habituent aisément, le sangayant tout à fait le goût douceâtre du lait.

On a essayé d'en faire prendre aux phtisiques sans'grand succès.

Dr HENRI PERRUSSEL.

ROBUR LE CONQUERANT

Les gens de Robur halaient joyeusement les filets, après que l'Albatros les avait promenés pendant plusieurs milles. Le Gascon François Tapage, hurlant de plaisir, justifiait bien son nom. Une heure de pêche suffit à remplir les viviers de l'aéronef, qui remonta vers le nord.

Pendant cette halte, Frycollin n'avait cessé de crier, de frapper aux parois de la cabine, de faire, en un mot, un insupportable vacarme.

— Ce maudit nègre ne se taira donc pas ! dit Robur , véritablement à bout de patience.

— Il me semble, monsieur, qu'il a bien le droit de se plaindre ! répondit Phil Evans.

— Oui, comme moi j'ai le droit d'épargner ce supplice à mes oreilles ! répliqua Robur.

— Ingénieur Robur !... dit Uncle Prudent, qui venait apparaître sur la plate-forme.

— Président du Weldon-Institute ?

Tous deux s'étaient avancés l'un vers l'autre. Ils se regardaient dans le blanc des yeux.

Puis Robur, haussant les épaules :

— A bout de corde ! dit-il.

Tout Turner avait compris. Frycolin fut tiré de sa cabine. »

Quels cris il poussa, lorsque le contremaître et un de ses camarades le saisirent et l'attachèrent dans une sorte de baille, à laquelle ils fixèrent solidement l'extrémité d'un câble.

C'était précisément un de ces câbles dont Uncle Prudent voulait faire l'usage que l'on sait.

Le nègre avait cru d'abord qu'il allait être pendu... Non! Il ne devait être que suspendu.

En effet, ce câble fut déroulé au dehors sur une longueur de cent pieds, et Frycollin se trouva balancé dans le vide.

Il pouvait crier à son aise maintenant. Mais, l'épouvante l'étreignant au larynx, il resta muet.

Uncle Prudent et Phil Evans avaient voulu s'opposer à cette exécution : ils furent repousses.

« C'est une infamie !... C'est une lâcheté! s'écria Uncle Prudent, qui était hors de lui.

— Vraiment ! répondit Robur.

— C'est un abus de la force contre lequel je protesterai autrement que par des paroles !

— Protestez !

— Je me vengerai, ingénieur Robur!

— Vengez-vous, président du WeldonInstitute !

— Et de vous et des vôtres ! »

Les gens de l'Albatros s'étaient rapprochés dans des dispositions peu bienveillantes. Robur leur fit signe de s'éloigner.

« Oui!... De vous et des vôtres!... reprit Uncle Prudent, que son collègue essayait en vain de calmer.

— Quand il vous plaira! répondit l'ingénieur.

— Et par tous les moyens possibles !

— Assez! dit alors Robur d'un ton menaçant, assez! Il y a d'autres câbles à bord! Taisez-vous, ou, sinon, tout comme le valet, le maître ! »

Uncle Prudent se tut, non par crainte, mais parce qu'il fut pris d'une telle suffocation que Phil Evans dut l'emmener dans sa cabine.

Cependant, depuis une heure, le temps

* (1) Voir les nos des 9. 16. 23. 30 octobre, 6, 13.50, 27 novembre, 4, 11 et 18 décembre.


LES ANNALES POLITIQUES ET LITTERAIRES

413

s'était singulièrement modifié. Il y avait des symptômes auxquels on ne pouvait se méprendre. Un orage menaçait. La saturation électrique de l'atmosphère était portée à un tel point que, vers deux heures et demie, Robur fut témoin d'un phénomène qu'il n'avait jamais observé.

Dans le nord, d'où venait l'orage, montaient des volutes de vapeurs quasi lumineuses, — ce qui était certainement dû à la variation de la charge électrique des diverses couches de nuages.

Le reflet de ces bandes faisait courir, à la surface de la mer, des myriades de lueurs, dont l'intensité devenait d'autant plus vive que le ciel commençait à s'assombrir.

L'Albatros et le météore ne devaient pas tarder à se rencontrer, puisqu'ils allaient l'un au-devant de l'autre.

Et Frycollin? Eh bien, Frycollin était toujours à la remorque, — et remorque est le mot juste, car le câble faisait un angle assez ouvert avec l'appareil lancé à une vitesse de cent kilomètres, ce qui laissait la baille quelque peu en arrière.

Que l'on juge de son épouvante, lorsque les éclairs commencèrent à sillonner l'espace autour de lui, tandis que le tonnerre roulait ses éclats dans les profondeurs du ciel.

Tout le personnel du bord s'occupait à manoeuvrer en vue de l'orage, soit pour s'élever plus haut que lui, soit pour le distancer en se lançant à travers les couches inférieures.

L'Albatros se trouvait alors à sa hauteur moyenne, — mille mètres environ, — quand éclata un coup de foudre d'une violence extrême. La rafale s'éleva soudain. En quelques secondes, les nuages en feu se précipitèrent sur l'aéronef.

Phil Evans vint alors intercéder en faveur de Frycollin et demander qu'on le ramenât à bord.

Mais Robur n'avait point attendu cette démarche. Ses ordres étaient donnés. Déjà on s'occupait de haler la corde sur la plateforme, quand, tout à coup, il se fit un ralentissement inexplicable des hélices suspensives.

Robur bondit vers le roufle central :

« Force!... Force!... cria-t-il au mécanicien. Il faut monter rapidement et plus haut que l'orage !

— Impossible, maître !

— Qu'y a-t-il '!

— Les courants sont troublés !... Il se fait des intermittences!... »

Et de fait, l'Albatros s'abaissait sensiblement.

Ainsi qu'il arrive pour les courants des fils télégraphiques pendant les orages, le fonctionnement électrique n'opérait plus qu'incomplètement dans les accumulateurs de l'aéronef. Mais, ce qui n'est qu'un inconvénient quand il s'agit de dépêches, ici, c'était un effroyable danger, c'était l'appareil précipité dans la mer, sans qu'on pût s'en rendre maître.

« Laisse descendre, cria Robur, et sortons de la zone électrique! Allons, enfants, du sang-froid! »

L'ingénieur était monté sur son banc de quart. Les hommes, à leur poste, se tenaient prêts à exécuter les ordres du maître.

L'Albatros, bien qu'il se fût abaissé de quelques centaines de pieds, était encore plongé dans le nuage, au milieu des éclairs qui se croisaient comme les pièces d'un feu d'artifice. C'était à croire qu'il allait être foudroyé. Les hélices se ralentissaient encore, et ce qui n'avait été jusque-là qu'une descente un peu rapide menaçait de devenir une chute.

Enfin, en moins d'une minute, il était manifeste qu'il serait arrivé au niveau de la mer. Une fois immergé, aucune puissance n'aurait pu l'arracher de cet abîme.

Soudain la nuée électrique apparut audessus de lui. L'Albatros n'était plus alors qu'à soixante pieds de la crête des lames. En deux ou trois secondes elles auraient noyé la plate-forme.

Mais Robur, saisissant l'instant propice,

se précipita vers le roufle central, il saisit les leviers de mise en train, il lança le courant des piles que ne neutralisait plus la tension électrique de l'atmosphère ambiante... En un instant, il eut rendu à ses hélices leur vitesse normale, arrêté la chute, maintenu l'Albatros à petite hauteur, pendant que ses propulseurs l'entraînaient hors de l'orage, qu'il ne tarda pas à dépasser.

Inutile de dire que Frycollin avait pris un bain forcé, — pendant quelques secondes seulement. Lorsqu'il fut ramené à bord, il était mouillé comme s'il eût plongé jusqu'au fond des mers. On le croira sans peine, il ne criait plus.

Le lendemain, 4 juillet, l'Albatros avait franchi la limite septentrionale de la Caspienne.

JULES VERNE. (A suivre.)

LES LIVRES DE LÀ SEMAINE

LIVRES D'ETRENNES PUBLICATIONS DE LA MAISON HACHETTE ET Ce

La Belgique, par Camille Lemonnier, 1 vol. in-4° illustré de 564 grav., 1 carte (50 fr.)

La Vertu en France, par Maxime du Camp, 1 vol. in-8° superbement illustré; broché 7 fr., relié 10 fr.

Histoire des Grecs, par Victor Duruy. — Tome II. — Le second volume de l'Histoire des Grecs, par Victor Duruy, comprend le récit des guerres médiques et le tableau de la civilisation athénienne au cinquième siècle. — 1 vol. in-8° illustré (30 fr.)

Bibliothèque des Merveilles

Le Pétrole, par M. W. de Fonvielle. — Les Papillons, par M. Maindron. — Ninive et Babylone, par M. Menant. — Les Merveilles de l'horlogerie, par MM. Portai et de Graffigny. (Chaque vol. 2 fr. 25).

Bibliothèque rose illustrée

Pour les enfants et les adolescents (Chaque vol. 2.25.) Pierre le Tors, par Mme Carpentier; Quand je serai grande, par Mlle Gouraud ; Violence et Bonté, par Mme de Stolz ; Parisiens et Montagnards, par Mme Z. Fleuriot ; Bernard, par G. Fath ; Petit Monstre et Poule mouillée, par Mme de Pitray ; les Saltimbanques, par M. Cazin.

Publications diverses

Scènes comiques, d'après les croquis du peintre anglais Coldecott; 1 album in-4° cart. 8 fr.

Le Tour du Monde, année 1887, 2 vol. in-4°, broché 25 fr., relié 32 fr.

Les Grandes Ecoles, par Rousselet, illustré, 1 vol., broché 7 fr;, relié 10 fr.

LIBRAIRIE CH. DELAGRAVE

Les Héritiers de Jeanne d'Arc, par F. Dillaye, grav. de Sandoz, grand roman historique, 1 volume broché 10 fr., relié 13 fr.

Le Petit Lord, touchante et curieuse histoire illustrée par Birch, 1 vol. broché 10 fr., relié 13 fr.

L'Histoire de l'école de Saint-Cyr, illustré de 52 phototypies par Jazet. broché 20 fr., relié 25 fr.

La St-Nicolas. année 1887, un beau vol. illustré, broché 18 fr., relié 22 fr.

Le Musée des Familles, année 1887, 1 volume illustré, broché 7 fr., relié 10 fr.

L'Afrique pittoresque , recueil de récits par Victor Tissot,l vol. illustré,broehé 5 fr., relié 7 f.50.

Le Tonkin, par Stéphane Dumoulin, 1 vol. illustré 7 fr., broché 5 fr., relié 7 fr. 50.

Un an à Alger, illustré, 1 vol. broché 3 fr. 90, relié 5 fr. 40.

L'Education du petit Pierrot, 3 fr.

Album in-4°, par GEOFFROY, 2 fr.

Le Petit Allas, 24 cartes et 50 pages de notices, 3 fr.

PUBLICATIONS DE LA LIBRAIRIE MASSON

La Photographie moderne, pratique et applications, par Albert Londe, avec figures dans le texte et planches spécimens de procédés de reproduction, 1 vol. broché 7 fr. 50, relié 10 fr.

Les Récréations scientifiques ou l'Enseignement par les jeux, la Physique sans appareils, la Chimie sans laboratoire, les Jeux et les Jouets, par Gaston Tissandier (5e édition entièrement refondue.Ouvrage couronné par l'Académie française.) I vol. broché 7 fr. 50, relié 10 fr.

PUBLICATIONS DE LA LIBRAIRIE P. DUCROCQ

L'Aventure de Paul Solange, par Emile Desbeaux, magnifiquement illustrée, comme les autres volumes de la collection, par Rochegrosse, Brun, Mouchot, avec gravure de Méaulle, 7 fr.

PUBLICATIONS DE LA LIBRAIRIE ILLUSTRÉE G. DECAUX

Les Mystères de la Science, par L. Figuier, 1 fort vol. illustré, nombr. grav., broché 20 fr., relié 25 fr.

La Physiologie Parisienne, par Albert Millaud, dessins de Caran d'Ache, 1 vol. broché 20 fr., relié 25 fr.

L'Enfance orageuse, de Crespinet Pinson, par Le Mouël, un album 10 fr.

PUBLICATIONS DE LA LIBRAIRIE MAME

Les Artères dit Globe, par Paul Bory, 1 vol. in-8° illustre, broché 5 fr. 50, relié 8 fr. 50.

L'Irlande, par Ganneron, 1 vol. illustré, broché 4 fr., relié 5 fr.

PUBLICATIONS DE LA LIBRAIRIE FIRMIN-DIDOT

Madame de Pompadour, par E. et J. de Goncourt, 1 vol. in-8°, 57 grav. par Dujardin, broché 30 fr., relié 40 fr.

Léon XIII, par Bernard O'Reilfy, 1 vol. in-8°, illustré, broché 15 fr., relié 20 fr.

OEuvres, de Valler Scott : Woodstock (dernier volume paru), 1 vol. illustré, broché 10 fr., relié 13 fr.

LES JEUX DU DIMANCHE

603. — Charade

Mon premier est chéri des peintres, des poètes, Mon second est aimé de certains animaux ; Avec mon tout on est à l'abri des tempêtes, Car mon tout préserve des vents et des eaux.

604. — Enigme Droit comme une perche, Il faut qu'on me cherche En tous les endroits Et tous les exploits... Je fuis la campagne, Habite Paris. Mais, sur la montagne, Je suis la brebis ; Sans craindre l'abîme, J'en atteins la cime. Sans quitter ces lieux, Je vais dans les cieux.

SOLUTIONS

599. — Cbarade Chercher.

600. — Enigme Son semblable.

TIRESIAS.

Adresser les solutions à TIRESIAS, à l'administration du Journal, 5, rue Coq-Héron.

ONT TROUVÉ :

Deux problèmes.

Blanche Baudu. — Deff Alko Zaya. — Eurêka, à Castelmoron.. — Un R. venant de la Mastre. — Marie et U gène. — Lord Hélier. — De Zamis. — Les 4 fils à papa. — A. B., à Pont d'Ain. — V.- E., 1er E. B. T. — Le bouque de Grrris-Souris,

— Reussicnne.— C. C.— L'an faon.—Une Rouennaise. — Famille Byrrh, de Rouen. — C. Tilcela.

— 1 vésulien. —; M. A. E. Franc 6.— 3 sauvages de l'Aveyron. — 1 K. nour gai. — E. O. Végétarien. — Ropert. — Guy Bollar. — Le père Spicace, à Bouilly. — 1 détesté. — Petit Chose. — 1 exilé, à la Roche. — 2 blondes rêveuses. — Lu-, ciole et Ver-luisant. — Jean et Jane. — M. Delbort.

— J. M. — Thé, lait, gras feu. — L. S., à Bordeaux. — Led O'Nienfle. — 7 so 6 son. — R„ à Barendreeht. — Sarclofavo. — Emmanuel Vila —


414 LES ANNALES POLITIQUES ET LITTÉRAIRES


TABLE ALPHABÉTIQUE DES MATIÈRES

JUILLET-DÉCEMBRE 1887

A

ACADÉMIE DE MÉDECINE. — Peter et Pasteur, 42. — Le surmenage, 73, 121. — Cas bizarres d'hypnotisme, 170. - Le mal imaginaire de la langue, 2(57. — La maladie du Kronprinz. — L'opération de la trachéotomie, 394.

ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS. — Un patriote inconnu.

ACADÉMIE DES SCIENCES. — Les souffrances des

décapités, 9. — La chaleur et la mort, 26. — L'empereur du Brésil, Cléopâtre, un fléau, 73. — Les marées,

les dangers de la glacé, 105. — La dernière éclipse, 121, 117. — Les trombes aux Etats-Unis, 153. — Le Congrès de Vienne, les pygmées, les pigeons voyageurs, 154. — Mollets blancs et mollets noirs, 185..— La culture du blé, 201. — Les remèdes du black-rot, 217. — Le vol de l'Oiseau, 234. — Remède à 1 asthme, 251. — Le cidre, la fausse rage, 267. — Statistique de la terre, 282. —Le système métrique, 330. — Un jardin illuminé, 346. — Nouveau traitement de la phtisie, 362. — L'homme il y à cent mille ans, 378.

ACADÉMIES (LES CINQ), séance annuelle, 286.

A la viande! épisode du siège, 331. MAURICE TALMEYR.

A l'église, 39 JULES LEMAITRE.

Amende honorable à la Terre, 375. FRANÇOIS FABIÉ.

Ami(l'), Mac Donald, 197 MAX O'RELL.

Amis de collège (les), 88 EUGÈNE LABICHE.

Anecdotes sur Gounod, 181.

Ascension (l') du « Horla, 124 X...

ASTRONOMIE. — L'éclipsé du 19 août, 58. CAMILLE FLAMMARION.

Authenticité des comédies de Shakespeare (l'), 357. Automne, 296 ARMAND SYLVESTRE.

B

Bague (la), 7 JACQUES NORMAND.

Ballade à la louange des roses, 248. THEODORE DE BANVILLE.

Ballade du roi de Thulé, 298 GOETHE.

Banque de France (les caves de la), 85.

Barbey d'Aurevilly, 115. ROBERT DE BONNIÈRES.

Bismark (le prince de) et Temperenr Guillaume, 270.

BLOWITZ. Black-rot (le), 106.

Bonheur (le), 233 GUY DE MAUPASSANT.

Bonvalot (le voyageur), ccc... HUGUES LE ROUX. Bretonne (la), 200 ; ANDRÉ THEURIET.

BULLETIN DE LA MÉNAGÈRE.— Foie de veau rôti, 32. — Potage à la gauloise. 48. — Boeuf à la flamande, 68. — Compote de prunes, 95. — Salade d'ananas, 128. — Flan de mirabelles, 144. — Caille aux petitspois,

petitspois, — Perdrix aux choux, 192.- Gigot dé chevreuil, 207. — Pâté de cailles, 239, — Lièvre à l'étouffée, 255. — Punch au lait, 287. — Pudding à l'italienne,

l'italienne, — Grives sautées, 367. — Gâteau nantais, 400.

C

Caro (M.), 57 : ROBERT DE BONNIÈRES.

Carrel (Armand), 67 JULES SIMON.

CAUSERIE MILITAIRE. — Essai de mobilisation, 140. — Les grandes manoeuvres, 220. ANTONIN PIERRIER.

CAUSERIE SCIENTIFIQUE. — L'antipyrine, nouvelles découvertes, conseils aux touristes, 93. — Les mangeurs de terre, 121. — L,e bateau électrique, un bateau sous-marin, 335.. HENRI DE PARVILLE,...

CAUSERIE THEATRALE. — Les noces de Bouchencoeur,23. — A la Comédie-Française, 56. — Les concours du Conservatoire, 103. — Don Sanche il Aragon, 183. — Reprises et débuts, 98. — Jacques Damour, Dégommé, 231. — Paris sans Paris, 263. — L'Artésienne, 296. — L'Abbé Constantin, 327. — La Souris, 360. — La Tosca, 361. — Beaucoup de bruit pour rien, 391.— Débuts de Mlle Legault et de Mlle Boyer, 392. JULES FAVRE.

Centenaires (statistiques des), 70.

Cerises (les), 344 ANDRÉ THEURIET.

Cervantes (A.), 280 LOUIS RATISBONNE.

C'est dimanche ! 263 CHARLES FOLEY.

C'est le chat, monologue, 314..... J. DE MARTHOLD.

Chanson du printemps (la), 199. ANDRÉ LEMOYNE.

Chanson du rouet (la), 298. GOETHE.

Chasse à l'Ours (une), 358... Comte LÉON TOLSTOI.

Chassepot du petit Jésus (le), 376. JEAN RICHEPIN.

Chats savants, 341.

Chêne de Gambetta (le), 293.

Chêne (le), 326 ED. PAILLERON.

Chien (le) du braconnipr, 250. HENRI DE LA MADELENE.

Cinq-centième (la) de Faust, 291. ALBERT DAYROLLES.

Cinquantenaire de la Société des Gens de lettres, 388.

Combat de coqs, 165.

Compiègne, 5........... LEFEBVRE SAINT-OGAN.

Conférence (une), 235... GL. TCHENG-KI TONG.

Congrès (à propos du), 372.

Contes de Noël, 407 ALPHONSE DAUDET.

CONSEILS PRATIQUES, - Recette par Peau de mélisse, 61. — Ratafia de cerises, 80. — Conservation des légumes, 96. — Boisson d'été, 127 — L'huile de foie de morue, 144.-Pastilles turques, 191.— Plantes médicinales, 207. —E ntretien des armes, 239. — Colleforte, 255. — Taches de boue, 287. — Raccommodage des porcelaines, 303. — Contre le rhume de cerveau, 351.— Peinture sursoie, 384.- La mousse de pommes, 400.

Coppée (une visite à François), 228,

Coup réservé (le), 104......... AURÉLIEN SCHOLL.

Cour de Berlin (la), 101. Un Attaché militaire.

Cour de l'empereur Guillaume (la), 22.

X. et VICTOR TISSOT.

Couronne (la) alpines, 3101. ARSÈNE HOUSSAYE. Crâne (un) sous une tempête, 201,218.

ABRAHAM DREYFUS.

Cri des animaux (le), 118.

Croquis parisiens, 147, 403..,.. VICTOR FOURNEL.

Cuvillier-Fleury, 283 ERNEST RENAN.

D

Dangers de l'alcool (les),365. HENRI DE PARVILLE. Danton intime, 163 ALBERT DAYROLLES.

Débuts de M. Edouard Pailleron (les), 345.

ANATOLE FRANCE.

Députés (les émoluments des), 69.

Dernière campagne, 70 L. DE TINSEAU.

Dernière feuille (la), 311. OLIVIER WENDELL HOLMES.

Deux statues, 172 Discours de JULES SIMON.

Diable (le), 85 GUY DE MAUPASSANT.

Diane enchanteresse (la), 23.. ARSÈNE HOUSSAYE.

Distributions de prix(les), 90 Discoure de M. HALEVY. .

Don Juan aux enfers,281. CHARLES BAUDELAIRE. Duel (le) à travers les âges, 109 VIATOR.

E

Écrevisses (les),72 JACQUES NORMAND

Ecriture secrète l'), 294.

En famille, 371 ANDRÉ THEURIET.

Enfumant, 103 JULES LEMAITRE.

Éphémérides astronomiques, 363 L. BARRÉ.

Épingle (l') sur la manche, 89.. GUSTAVE NADAUD. Éventail de la Patti (l'), 278.

Exécution de Pranzini, 148. Exposition de l'archevêché, 308.

F

Femme (la) du Condamné, 157... HENRI MONNIER.

Femmes du monde et la Cour d'assises (les), 41.

DE CORMÈNIN.

Ferry à la campagne (Jules), 132.

Fête nationale (la), 52.

Fêtes publiques à Paris (les) depuis cent ans, 45, 61,77. France et Pologne, 330..... JULES LA CROIX. Freycinct à la campagne, 105.

G

Général Le Flô (le), 348.. E.-M. DE VOGUÉ.

GÉOGRAPHIE. — Le Niagara, 14. — A travers l'empire de Siam, 91. — Un voyage à Kairouan, les mangeurs de verre, 153.— Les Achantis, leurs moeurs, 185. — L'alcoolisme des peuples sauvages, 313.

Gonzalès (Emmanuel), 266...... JULES CLARETIE.

Graphologie, 197, 389.

Gréard (Octave), 138 ALBERT DAYROLLES.

Gretchen, 329..... ERCKMANN CHATRIAN.

Grévy à la campagne, 116.

Grévy dans l'intimité (M.), 372.

Guillaume (le prince), 196.

Guillaume et Paris, 330 E. POTTIER.

Guillotine (la), 117.

H

Habitudes du tsar, 213.

Halévy (Ludovic), 179, 195, 211., JULES. CLARETTE. Halévy (Une visite à Ludovic), 213. ...

Homme de lettres (l'),391... HENRI DE: BORNIER.

Il aurait quarante ans, 362 GUSTAVE DROZ.

Inconnu (l'), 133 PAUL HERVEU.

Intérieur algérien, 39... JULES LEMAITRE.

Inventeur du timbre-poste (l'), 38.

Inventions et découvertes : Blonds et bruns, 9. - Le beurre, 10. — Le phosphore et la pensée, 26. — La force de l'homme et de la femme, 73, — Le biscuit, 186. — La rage en Bavière, 47. —Le télanlographe, 234. — Les habits en poils de renne, 251. — Le lait sans lait, 282. — Une nouvelle drague, 330. — Le lait et la scarlatine, 346. — Expérience audacieuse, 346. — La destruction des lapins, 362. — Un nouveau moyen de plâtrer les vins, 378. — Sciage des métaux à froid, 394.


J

Je hais l'activité, 168.. ALFRED POUSSIN.

Journal (le) de Fidus, 294 , FIDUS.

Journal (le) des Goneburt,278. E. et J: DE GONCOURT.

Journaux en Amérique (les), 261.

Jubilé de la reine Victoria (le), 4.

Jument (la) morte, 168 ALFRED POUSSIN.

L

Langage des gants (le), 246.

Lettre de M. Victorien Sardou (Une), 356.

, GEORGES PRICE.

LIVRES ET REVUES : Ivan l'imbécile, de Tolstoï, 12.

— Poésies d'Arsène Houssaye, 28. — A travers l'Irlande, 44. — Les salons d'hier et d'aujourd'hui, 58. — Madame Roland, 74. — Poésie de M. Jeantel et Mme de Montgommery, 92. — Mme de Lamartine, 107. — L'inconnu, de P. Hervieu, 123. — En rade, par M. Huysmans, 138. — Léon Gozlan, 155. — Un roman d'H. Rochofort, 171. — Zyte, par H. Malot, 186.

— A travers l'Ecosse, 202. — Napoléon et ses détracleurs, 219. — André Theuriet, 234. — Ivan Tourguenef, 252. — Au pays du Cant, 2683. — Le journal des Goncourt, 283. — George Sand. Guerre de femmes, par Ch. Foley, 299. — Les Cahiers de Coignet, 315. — Mensonges, par P. Bourget. — La Terre, par É. Zola, 347. — Livres d'étrennes : Albums de Boutet de Mouvel, Crafty, Mars, 363. — La Vie rustique, de A. Theuriet et Léon Lhermitte, 363. — Madame Chrysanthème, par M. Pierre Loti, 380. — Livres d'étrennes : Publications de la maison Quantin, 396.

— En Orient, sonnet de M. de Hérédia, 396. — Publications de la maison Jouaust et Sigaux, 397, 410. ADOLPHE BRISSON.

Louise Michel (Une visite à), 181.

Lui!!! monologue, 230 JACQUES NORMAND.

M

Madame Chrysanthème, 389 PIERRE LOTI.

Madrigaux, 100 Marquis DE CHAUVELIN.

Mangeurs (les) d'aiguilles, 188. HENRI DEPARVILLE.

Manteau de l'empereur (le), 312.

E. MARCO DE SAINT-HILAIRE.

Marguerite, 297 PAUL DE SAINT-VICTOR.

Matinée de printemps, 310 JULES TELLIER.

Matinée d'un ministre (la), 374 X.

Médaille (la), 8 FRANÇOIS COPPÉE.

Médaille (la), 229 ANDRÉ THEURIET.

Médecin de campagne (le), 3. G.. DE CHER-VILLEMédecine

CHER-VILLEMédecine l'hypnotisme (la), 137. CAMILLE FLAMMARION.

'Mémoire d'Aubanel (A la),23.... CLOVIS HUGUES.

'MÉMOIRE D'UN HOMME DE LETTRES : Le petit

Chose, 83. — Le comédien Lafontaine, 323.

ALPHONSE DAUDET.

Mémoires littéraires, 227, 243, 387.

CHARLES MONSELET.

Mensonges, fragment, 325 PAUL BOURGET.

Menuet, 136.. GUY DE MAUPASSANT.

Mère (la), 216 GUSTAVE DROZ.

MÉTÉOROLOGIE : Les orages, 105.

CAMILLE FLAMMARION.

Militaire chez l'habitant (le), 190... LOUISE D'ALQ.

Mirabeau, 40 VICTOR HUGO.

Moeurs de mon village (les), 393 CARNOT.

Mon chat (A), 343 . -JULES LEMAITREMonsienr

LEMAITREMonsienr ulhan, 406 PAUL DÉROULEDE.

Mort de Carrel (la), 72 LOUIS BLANC.

Mort de Troppmann (la),246. IVAN TOURGUENEFF.

Mort du Dauphin (la), 24.... ALPHONSE DAUDET.

Mort de Frascuelo, 340.

Mot (le) de Cambronne, 281. CUVILLIER-FLEURY.

Musset inconnu, 393 LOUIS RATISBONNE.

MUSIQUE : Les cafés-concerts, 7. — J. Pasdeloup,

119. — L'Opéra-Comique, 168.. — Débuts'à l'Opéra, 184. — Eden-Concert, 215. — Les Saturnales, 248. —

Opéra-Comique (réouverture), 280. — Le Centenaire do Don Juan, 311. — Le Roi maigre lui, 343. — Concerts Lamoureux : Mendelssohn, Beethoven, Wagner, 343. — Concerts du Châtelet : Le Paradis et la Péri, 344. — Le Caïd, 375. — Centenaire de Gluck, 376. — Histoire des concerts du Conservatoire, 376, — A l'Opéra-Comique, 406. ELY EDMOND GRIMARD.

N

Kapoléon, amateur de théâtre, 37.

Napoléon et ses détracteurs, 214, prince Napoléon.

NECROLOGIE. — Généraux le Noue, de Brauer et Richard, 37, — Caro, 33. — Général Pelissier. 84. — Pasdeloup. A. Duruy, 117. — Mme Le Ray, 196./— Viel-Castel, 245. — E. Gonzalès, Puget, Talien, Cuvillier-Fleury, 260, 277. — Jauréguiberry, 277. — M. de Saint-Hilaire, 308. — Jules Lacroix, H de Callias, E. Dréolle. 324. — Lord Lyons, 373. — Philippe Rousseau, 389.

Nickel (la monnaie de), 100.

Nid (le), 72 EUGÈNE MANUEL.

NOTES DE LA SEMAINE. — Le baron Sellière, 2. — L'affaire Pranzini, 18, 34. — Un concours, 50. — M. de Lesseps, 66. — L'histoire des Seize, 82. — La Vivisection, 98. — Les lycées de l'Etat, 114. — E Zola et ses disciples, 130. — Les moeurs do la Presse, 146. — Les Wagneriens, 62. — La république de Counani, 178. — Les Allemands, 194. — L'affaire Crouzet, 210. — La rentrée des classes, 226. — L'affaire Caffarel, 242. — Los scandales, 258. M. Wilson, 274. — Voyage à Nice, 290. — Une statue, 306. — Mme Limouzin, 252. — L'attitude de M. Grévy, 338. — Réflexions sur la crise présidentielle, 354. — Popularité et impopularité, 370. — L'assassinat de M. Jules Ferry, 386. — Edmond About, 402. FRANCISQUE SARCEY.

Notes sur Léon XIII, 20.

Notes sur Adlina Patti, 388.

Nouvelle neige et vieux souvenirs, 262.. ANDRE THEURIET.

Novembre, 298 ALPHONSE DAUDET.

O

OBSERVATOIRE : le dernier bolide, 10. OEillet blanc (l'), comédie, 378, 394, 409.

Octobre, 262 EMILE AUGIER.

Odorat (l') chez le chien, 157 J. ROMANES.

O nata mecum, 39 JULES LEMAITRE.

On dansera, monologue, 359. JACQUES NORMAND. Orages (les), 42 G. DE CHERVILLE

P

PAGES ÉTRANGÈRES. - La claque, Grassot, 381. — Rachel, la Ristori, 382. — Ernesta Rossi, de Moltke intime, 397.

Pailleron (Edouard), 35, 51 JULES CLARETIE.

Papillons bleus, 169 ANDRÉ THEURIET.

Paris célèbres (les), 101.

Patrie (la), 57 E. CARO

Pendant les manoeuvres, 190 LOUISE d'ALC-Q

PENSÉES CHOISIES. - Balzac, Joubert, J.-.T. Rousseau, Bacon, Stahl, Duemont, Chamfort. Eugène Sue, Mme de Staël, J. Simon, Alph, Karr, Proudhon, Bossuet, La Rochefoucauld, Pascal, Méry, Epictète, Montesquieu, Diderot, Charles Nodier, Octave Feuillet, 25,73,105, 152, 251, 267, 313, 377, 378.

Petit village (le), 184 EMILE ZOLA.

Petite Jeanne (la), 215 PHILIPPE GILLE.

Petite Marie, 55 GABRIEL VICAIRE.

Petite pluie, 10, 27, 43, 59,76. EDOURD PAILLERON.

Petites industries, 133.

Petits papiers (mes), 118 HECTOR PESSARD.

Philippe de Ségur,249.. BARON DE VIEL-CASTEL

Photographie de l'invisible (lai, 299. CAMILLE FLAMMARION

Pigeonnes (les), 166 JULES MARY.

Poète (le), de salon, 281 EDMOND TEXIER.

Pont des Arts (sur le), 405 PAUL ARÈNE

Premier soleil, 135..... GABRrEL VICAIRE.

Premier amour d'Alfred de Musset (le), 393. PAUL DEMUSSET.

Presque une fable, 183........ FRANÇOIS COPPÉE.

Propos du docteur. — L'asthme des foins, 13. — Exposition d'hygiène, 29. — La glycérine, 156. — Le gibier, 173. — Migrations d'hiver, 204. — Les raisins, le vin, 238. — Le cou, les cravates, 302. — Huîtres et coquillages, 349. — La transfusion et la cure du

sang; 412 D' HENRY PERRUSSEL.

Q

QUARANTE DE L'ACADÉMIE (les), (suite). — Léon Say, 89. — Gréard, 438.... ALBERT DAYROLLES.

Récit de Thoramène (le), 150 MÉRY.

Réforme de l'orthographe (la), 246.

Réforme de l'orthographe (la), 317. ARSENE DARMESTETER.

Renouveau (le) 168 ALFRED POUSSIN.

Renovare, 105 HENRY MURGER.

Résumé politique : le suffrage universel, .1. — La loi militaire, 17.— L'Etat de l'Europe, 344—Réouverture des Chambres, 49. — Le Métropolitain, 65. — Les discours ministériels, 81. — Affaires étrangères, 97. Politique intérieure, 113. — Le discours de M. Rouvier, 129. — L'essai de mobilisation, 145, 177. — Le rôle de M. Thiers, 101. — Le budget, 193, 209, 225. — L'affaire de Vaixaincourt, 241. — Les scandales, 257. — La commission d'enquête, 272. — M. Wilson, 289. — La situation, 305. — L'affaire Wilson, 321. — La chute du -ministère, 337. — Crise ministérielle, 33S. — Entrevue du tsar et de l'empereur d'Allemagne, 338 — Hésitations de M. Grévy, 353. — Candidats a la présidence, 353. — Elections législatives, 354.— Démission de M. Grévy. 369. — Election de M. Carnot, 369. — Le nouveau ministère, 385. — . Attentat contre M. Jules Ferry, 386. — Difficultés européennes ; Russie et Autriche, 386. — Situation intérieure, 401.

Revanche du mari (la), roman, 14, 30, 40, 61.77, 94,110, 125, 141, 157,173 A.NDRE THEURIET.

Revue de géographie, 14 X...

Rien des agences, nouvelle, 222.... L. DE TINSEAU.

Robur le Conquérant, roman, 236, 253, 269,284, 301, 318,

333,350, 366,382,397, 412.... JULES VERNE.

Roi et la reine de Serbie (le), 355 P. d'A...

Romantiques (les), 68 CHAMPFLEURY.

ROSARIO, 204 EMMANUEL GONZALÈS.

Rouvier à la campagne, 148.

Russes (les) enrobe de chambre, 309. THÉO-CRITT.

S

Sadi Carnot (M.), 370.

Salon de Mme de Staël (le), 56 E. CARO.

Say (Léon),89 ALBERT DAYROLLES.

Science et poésie (la), 90 FRANCOIS FABIE.

Séance annuelle de l'Académie française, 356. — Discours de M. Gaston Boissier, 364.

Secret (le) de ma tante Zéphyrine, 119.

EDOUARD PAILLERON.

Sérénade, 298 VICTOR HUGO.

Simon à la campagne (Jules), 132.

Société de Paris (la), 54 Comte PAUL VASILI.

Soie artificielle (la), 365.... HENRI 'DE PARVILLE.

Soixante ans, 261 ; DE FOUDRAS.

Solférino, 136 DE SONIS.

Souffrir, 168 ALFRED POUSSIN.

Sous-préfet aux champs (le,25. ALPHONSE DAUDET.

Stances à Madame du Châtelet, 186 VOLTAIRE.

Statistique de l'Académie, 118.

Statistique des ministères, 340.

Sully-Prud'homme (une visite à), 213.

Suite (les) d'une distraction, 154.... L. DE TINSEAU.

T

Talion (le), nouvelle, 188, 205. ERCKMANN-CHATRIAN.

Terre (la), 341 É. ZOLA.

Tobie Rayoud, guide au Mont-Blanc, 106,121.

PAUL HERVIEU.

Telstoï (une visite à), 33. Tombeau (le) do Napoléon, 229.

Toréador (le), 21 JOSEPH MONTET.

Tosca (à propos de la), 339 GEORGES PRICE.

Tunnel (le) sous la Manche, 166.

y

Usine Krupp (l'), 32.

V

Vacquerie (Auguste), 259, 275 LOUIS ULBACH.

Vendanges, 307 ANDRÉ THEURIET.

Vendetta (une), 182 GUY DE MAUPASSANT.

Versiculets, 167 JEAN RICHEPIN.

Vie au bord de la mer (la), 201. G. DE CHERVILLE.

Viel-Castel (le baron), 245 A. MÉZIÈRES.

Vin (le), 131 THÉODORE DE BANVILLE.

Vision (la) du juge de Colmar, 120.

ALPHONSE DAUDET.

Visite à Déjazet (une), 361.... VICTORIEN SARDOU. Visite au Sultan (une), 324. . ..

Pane.. — Imp. Dubuisson et Ce, rue Coq-Héron, 5. (PALLET, gérant).