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Titre : Les Annales politiques et littéraires : revue populaire paraissant le dimanche / dir. Adolphe Brisson

Éditeur : [s.n.] (Paris)

Date d'édition : 1887-12-04

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34429261z

Notice du catalogue : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb34429261z/date

Type : texte

Type : publication en série imprimée

Langue : français

Format : Nombre total de vues : 42932

Description : 04 décembre 1887

Description : 1887/12/04 (A5,T9,N232).

Description : Collection numérique : Arts de la marionnette

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k5706194z

Source : Bibliothèque nationale de France, département Collections numérisées, 2009-34518

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 01/12/2010

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LES ANNALES POLITIQUES ET LITTERAIRES

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intermédiaire qui juge froidement les situations. Ce qu'il y a de délicat, de fin et d'original, c'est cette étude si curieuse du caractère d'un homme de quarante ans, qui n'a pas encore aimé profondément ; c'est l'analyse détaillée d'un coeur mis à nu sous nos yeux ; ce sont les étapes suivies par les sentiments que Max éprouve successivement pour Marthe : d'abord, l'indifférence qu'on a pour une enfant insignifiante à qui l'on frappe doucement sur la joue ; puis la taquinerie, la petite fille se prenant au sérieux, la raillerie cruelle, le revirement, la curiosité, l'étonnement, le ravissement devant cette enfant qui se révèle femme digne, aimante, naïve, désintéressée.

Il nous semble que c'était là le sujet qu'il fallait creuser plus profondément. La comédie devait se jouer entre quatre personnages : Mme de Moisand, Clotilde, Marthe et Max. L'auteur n'aurait point dû faire voyager Clotilde quand nous avions tant besoin pour notre plaisir de sa présence. La lutte devait exister, à leur insu, entre la femme de trente ans et l'ingénue de dix-sept ans. Voilà l'intérêt. Je sais bien que la pièce ainsi restreinte devenait difficile. Mais M. Pailleron est un maître. Que m'importent Herminie et Pépa, qui ralentissent l'action sans influer sur le dénouement ? Les scènes, où elles paraissent sont absolument superflues ; elles sont jolies en elles-mêmes, abondent en mots très heureux ; les deux caractères sont très habilement tracés ; mais c'est une autre pièce dans la pièce. Ajoutez que les scènes d'Herminie et de Pépa se suivent avec une symétrie fatigante où le métier se fait trop sentir.

M. Pailleron, faut-il le dire? nous a montré aussi dans Max de Simiers un original dont l'éducation laisse fort à désirer. Je sais bien qu'il est troublé et seul quand la lettre écrite à Marthe tombe de l'album, mais je demande franchement à l'auteur si un homme de bonne compagnie se fût permis de violer le secret d' une lettre. Et, quand il s'adresse à Clotilde, Max n'use vraiment point assez de ménagements : il n'y a pas d'affolement qui explique un tel oubli des convenances. Il était donc si peu épris de Clotilde pour oublier si vite qu'il lui a fait la cour ? Il est donc aveugle au point de ne pas s'apercevoir qu'il parle à une femme du monde, jeune et jolie, qui n'est et ne peut être ni une institutrice ni un camarade ? M. Worms n'est ni assez jeune ni assez élégant aux deux premiers actes ; mais, au troisième, il a transporté la salle par la franchise de son jeu, l'émotion de sa voix et l'emportement de sa passion.

Mlle Bartet n'a qu'une scène : elle la joue avec sa distinction parfaite et sa voix pleine de larmes.

Ce n'est point de la faute de Mme Samary si son rôle est tout en dehors : elle y apporte une gaieté bruyante.

Mme Broizat a rencontré, dans le rôle d'Herminie, une des plus belles créations de sa carrière; il est impossible d'être plus précieuse et plus « façonnière » comme disait Molière, d'être médisante avec plus d'amertume.

Mme Céline Montaland a été excellente dans le rôle effacé et un peu naïf de Mme de Moisand.

Quant à Mlle Reichemberg, c'est la grâce, le naturel, la finesse, la tendresse, la naïveté mêmes. Quel jeu sobre et sûr! Quelle perfection !

La nouvelle comédie de M. Pailleron a

obtenu un succès relatif. Certains ont cependant reconnu sa touche délicate. M. Pailleron n'en a pas moins fait oeuvre d'artiste. Il s'est souvenu qu'il était de l'Académie française. La Souris est écrite avec esprit, élégance et une rare propriété. Son confrère, M. Sardou, vient de donner à la Porte-Saint-Martin, La Tosca, drame en six tableaux, pour les représentations de Mme Sarah Bernhardt. Est-ce une oeuvre littéraire ou une exhibition de décors pittoresques, un prétexte à une mise en scène riche et nombreuse ? On est bien forcé, en dépit qu'on en ait, d'avouer que c'est un grand spectacle, merveilleusement agencé par M. Duquesnel et peint par de véritables artistes. L'auteur de Patrie et de la Haine y a sa part de collaboration, mais il ne vient qu'après le metteur en scène et les décorateurs.

A Rome, en 1800, le baron Scarpia était préfet de police. C'était un sbire qui n'y allait point de main morte. Prévenu qu'un jeune peintre, Mario Cavaradossi, avait donné asile à un conspirateur républicain, Scarpia fait mettre à la torture l'artiste qui hurle de douleur, mais ne trahit pas son secret. L'auteur, heureusement, n'a point mis cette horreur sous nos yeux. C'est de la coulisse que l'on entend les cris du patient. La Tosca, cantatrice célèbre, était la maîtresse de Mario. Elle se trouve là pendant le supplice infligé à son amant. Scarpia lui demande le nom du réfugié; elle le sait ; qu'elle le dise, et les souffrances de Mario cessent aussitôt ! Tosca, n'écoutant que son amour, laisse tomber de ses lèvres le nom du malheureux. Les policiers courent à la retraite indiquée, ils ne rapportent qu'un cadavre : le républicain, se sachant découvert, s'est empoisonné.

Colère de Scarpia qui n'a point sa victime vivante. Mario est en son pouvoir, il le fera périr. Mais la vue de la belle Tosca le rend fou, il voudrait posséder cette femme; elle le déteste, il y a de quoi; le sacripant trouverait un plaisir ineffable à imposer sa brutale passion à la maîtresse de son prisonnier. Il lui offre un honteux marché : « Sois à moi, lui dit-il dans un accès de lubricité, et ton amant est sauvé ! Je simule une fusillade, il feint de tomber. Les soldats se retirent, et, avec ce sauf-conduit, lui et toi vous quittez l'Italie. » Elle accepte. Scarpia donne alors l'ordre convenu. Mais La Tosca, apercevant un couteau sur la table s'en empare et tue le traître. Elle court à la prison. Scarpia n'avait point ordonné une fusillade simulée, mais une exécution véritable. La pauvre femme embrasse le cadavre et se jette dans le Tibre.

Franchement on croirait cela signé de Dennery, de Busnach ou même de Joseph Bouchardy. Il n'y a pas l'ombre d'art dans ce mélodrame noir comme un four.

Le succès est assuré cependant. Nos réserves et nos critiques n'y feront rien. MM. Duquesnel et Sardou le savent bien. Ils ont le meilleur atout dans leur jeu. Ils ont Sarah Bernhardt. Soyons juste pour Pierre Berton qui joue un monstre de scélératesse dépassant tout ce que l'imagination peut rêver de fantastique dans l'atroce et le cruel, et qui a eu le rare talent de n'y point être ridicule. Plaignons Dumény qui, dans la comédie, se faisait de jour en jour goûter davantage par son naturel exquis et sa distinction

distinction d'homme du monde, et que les lauriers de Fabrègues ou de Chelles ont empêché de dormir. Mais couvrons Sarah Bernhardt de fleurs; la salle entière l'a rappelée jusqu'à quatre fois, et la voix manque de termes pour louer, comme ils le méritent, sa pantomime, ses gestes, ses attitudes, ses cris, la vie et la puissance enfin qu' elle a su donner à cette pièce vulgaire, sans intrigue, sans caractères, sans moeurs.

JULES FAVRE.

PAGES OUBLIÉES

On a lu plus haut la lettre que M. Victorien Sardou vient d'adresser à notre collaborateur Georges Price. Il y rappelle l'affection qu'il avait vouée à Déjazet. M. Sardou a raconté quelque part sa première visite à l'illustre comédienne. La page est charmante, et nous ne saurions trouver une meilleure occasion de la citer :

UNE VISITE A DÉJAZET

C'était bien chanceux, mais je jouais mon va-tout !

Depuis quatre ans que la Taverne était tombée, j'avais frappé inutilement à tant de portes ! J'étais excédé de démarches inutiles, d espoirs trahis, et enfin, à bout de patience, je pris donc la lettre que l'on m'offrait pour Déjazet, et je partis pour Seine-Port!

Que de réflexions ne fis-je pas le long de la route ! L'étrange démarche, après tout ! Et que je m'abusais peu sur le succès de mon entreprise ! Ce chemin-là, combien d'autres et dans la même intention l'avaient dû faire avant moi, sans autre effet que de se rendre importuns ! Pourquoi serais-je plus heureux ?

.... A Cesson, où l'on descend, pas d'omnibus. Mais, renseignements pris, j'en avais pour trois quarts d'heure à peine d'une marche facile, à travers les bois. D'ailleurs, temps radieux!... Un soleil!... J'ai gardé le souvenir de ce soleil-là, le premier qui ait lui sur ma route.

... Aux premières maisons du village, deux paysannes, qui s'en allaient leurs paniers sur la tête, me saluèrent comme une connaissance. Plus loin, un gros chien, étendu près d'une fontaine, vint amicalement me lécher la main. Un enfant m'indiqua la demeure de Déjazet. Cette grille là-bas, sur la place... Et Dieu sait avec quels battements de coeur je sonnai ! Personne ne vint, et je m'aperçus que la grille n'était pas fermée. Tout semblaits ouvrir devant moi, comme au coup de baguette d'une fée. Une servante à tête blonde me cria de loin en souriant (elle aussi) :

— Entrez dans le salon, je vais prévenir madame, qui est au jardin.

J'entrai dans ce salon, que l'émotion ne m'empêcha pas de regarder très curieusement. Cette maison, je le savais, avait appartenu jadis à Bosio, puis à la marquise de la Corte, et, à la place d'honneur, un grand tableau représentait l'Amour sous les traits de Jules Janin ! J'examinais ce bon mobilier de l'empire, ces fauteuils en velours d'Utrecht et les tasses jaunes sur les guéridons à galerie de cuivre, quand une porte s'ouvrit derrière moi. Je me dis : « C'est elle ! » Et, ramassant tout mon courage pour lui débiter le petit discours prépare sur la route, je me retournai. Je vis que c'était Elle, en effet, et je demeurai coi, la bouche ouverte et muet comme un poisson.

Elle avait les mains pleines de plâtre, c'est là ce qui me désorientait. Je ne m'étais pas attendu à cela. Elle vit ma stupeur et me dit en riant :

— Pardon, j'étais occupée à réparer un mur !

Balbutiant je ne sais quoi, je remis ma lettre qui fit un merveilleux effet. La glace rompue, je ne sais pas trop ce que je dis... Il paraît pourtant que je ne fus pas trop gauche. Je présentai assez heureusement mon Candide (car c'était un Gandide en cinq actes) en