CHAPITRE TRENTE-DEUXIÈME. 371
ses yeux, regardait alternativement ses deux amis, avec une expression de tristesse qui partait du fond de l'ame. Je n'ai jamais Vu de physionomie plus tragique. Celait le naturel de Mllc Mars, et la sombre mélancolie de Talmâ. Un moment, cette pantomime admirable a été interrompue par l'émotion de l'assemblée. Tout à coup, l'un des deux rivaux, impétueux et terrible, a levé son bâton sur l'autre, avec un geste formidable : on eût dit qu'il fallait renverser à ses pieds. Miss Kelly, après avoir fait de vains efforts pour le désarmer, le'regarde aveeun triste sourire, saisit doucement son bâton, et lui dit : « Tu ne veux pas m'ainiger, j'en suis sûre ; donne-moi ce bâton; donne, que je me soutienne; j'en ai besoin. Tu me le donnes?.. » Et le furieux est désarmé. « Ah !... s'écrie miss Kelly avec un accent plein de charme, vous ne vous battrez pas! » Le sourire reparaît sur ses lèvres, il semble qu'elle vienne de remporter une grande victoire. Toutes les émotions de son coeur se peignent rapidement sur sa noble et belle figure ; l'illusion ne peut aller plus loin.
En général, il m'a semblé que les acteurs étaient beaucoup plus pénétrés de leur rôle que les nôtres. On ne les voit point apporter sur la scène ces distractions qui les empêchent de prendre une part active a la marche de la pièce ; ils savent