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LA MÈRE SANS ENFANTS
Il était admirable, ce palais des bords français du lac de Genève, le Palais des Roses; tous les touristes qui se sont arrêtés à Evian et qui ont exploré le lac, depuis Villeneuve, ont eu devant ses jardins immenses, encombrés d'arbres merveilleux, dégringolant jusqu'à la rive, la même exclamation d'envie :
— Que je serais heureux dans une demeure pareille! Comme il doit y faire bon vivre, au milieu de ces fleurs, en cette superbe campagne, avec ce beau lac d'un bleu intense, la perspective de ces villas étagées dans leurs verdures et, au loin, la gigantesque ceinture des Alpes recouvertes de leur neige inviolée!
Le ciel était clair ; le lac aussi bleu que le ciel. Dans ce paysage do douceur et de calme, pas un nuage menaçant. Tout en haut du jardin, sur sa colline, le Palais des Roses... Il éclatait dans sa blancheur, attirant le regard, orgueilleux et triomphant de son luxe, parmi tant d'orgueils et parmi tant de luxe.
Et pourtant ce jour-là, un soir do la fin d'octobre 1850, la tristesse de l'intérieur contrastait singulièrement avec le décor merveilleux où elle s'encadrait. Dans le jardin, sous les arbres, sous les charmilles ombreuses et fraîches qui bordaient les vastes pelouses, personne...
Depuis quelques jours, la plupart des domestiques avaient été renvoyés. Seuls demeuraient les deux jardiniers qui, tous deux, célibataires, habitaient un pavillon isolé.
Personne dans les jardins; personne, -semble-t-il, dans le palais!