L'ÉCOLIER
ou
RAOUL ET VICTOR
I
L'ORAGE.
Le temps était lourd, un tonnerre lointain annonçait l'orage. Assis sur un bano qu'il avait fait placer au pied d'un arbre à une très-petite distance de son parc, M. de Foligny du bout de sa canne creusait la terre avec un mouvement d'impa- ' lience contenue, maisqui se manifestait clairement sur son visage plus sévère encore que d'ordinaire. Près de lui sa fille Adrienne, les yeux timidement tournés tantôt sur son père, tantôt vers la campagne, semblait tourmentée d'une anxiété qu'elle . n'osait manifester. Tout d'un coup elle se lève précipitammont, et court vers deux hommes qu'elle voyait arriver de loin, s'arrête, regarde quelque temps, et revient s'asseoir tristement en disante demi-voix : a Ce ne sont pas eux. » Un sourire amer de mécontentement se peint sur le visage de M. de Foligny, et Adrienne baisse les yeux sans oser même regarder autour d'elle. En ce moment un coup de tonnerre assez fort se fait entendre : « Mon Dieu, » dit Adrienne en joignant les mains, « s'il allait pleuvoir 1 Mon père, » ajouta-t-elle vivement, « tâchez de vous appuyer sur moi ; je vous assure que je p JÎS vous soutenir jusqu'à la porte du parc. » Son père sourit plus doucement en la regardant, et lui dit : « Voilà une belle prétention. » Cependant il essaya de se soulever en.s'appuyant sur l'épaule de sa fille; mais les approches de l'orage avaient renouvelé les douleurs de sa goutte. Lorsqu'il voulut poser son pied à terre, la violence du mal lui fit serrer involontairement l'épaule d'Adrienne, au point de lui causer un léger tressaillement. M. de 'Foligny s'en aperçut et parut peiné de n'avoir pu surmonter ses souffrances.
Adrienne tourna vers lui un regard souriant pour qu'il ne crût pas lui avoir fait mal; mais le sourire ne fit que passer sur son visage, où se peignaient l'inquiétude et la tristesse. M. de Foligny se rassit en disant, c C'est impossible. » Il baisa sa