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à venir cette force morale qui n'existe qu'autant qu'elle repose sur un principe consacré et sur une autorité incontestable. »
La proposition était habile ; car le Président de la République était bien certain, en demandant le rétablissement du suffrage universel, de diviser l'Assemblée et par suite de l'affaiblir. En effet le parti républicain, devait accueillir avec empressement ce retour à la constitution ; tandis que la majorité persisterait à maintenir une loi dirigée surtout contre l'ambition du chef du pouvoir exécutif. Malheureusement la situation faite à la gauche était telle qu'elle ne pouvait peser dans l'un des plateaux de la balance que pour donner la victoire à la présidence ou à la coalition parlementaire, personnifiée par le général Changarnier.
Dans ce conflit, l'avantage était évidemment du côté de la présidence, qui s'appuyait sur les innombrables pétitions par lesquelles on réclamait l'abrogation de la loi du 31 mai.
Les bonapartistes avaient donc à craindre que la gauche républicaine, disposée à se prononcer pour celui des deux partis rivaux qui lui inspirerait le moins d'ombrage et à le renverser ensuite, ne crût que Louis-Napoléon était plus fortement armé que l'Assemblée nationale. Ainsi s'expliquaient ces déférences que le chef du pouvoir exécutif parut avoir jusqu'au dernier moment pour l'autorité législative même au plus fort de la lutte. Les républicains en furent la dupe en ce sens qu'ils attribuèrent à la majorité antirépublicaine, protégée par la constitution, plus de puissance et de vitalité qu'au chef du pouvoir exécutif. Cette erreur devait amener leur perte.
Néanmoins les républicains virent dans le rétablissement du suffrage universel un hommage rendu au peuple souverain, ne pouvant concevoir qu'il fût dans la pensée du Président de la Républiqne de se servir de ce même suffrage pour établir une dictature impériale. Au surplus, ils espéraient encore que la majorité de l'Assemblée nationale, cédant à la pression de l'opinion publique revenant de son égarement momentané, et rendant ainsi hommage aux institutions républicaines qu'elle avait constamment combattues, n'oserait pas maintenir la loi de méfiance