et moral est apparu, Légèrement teinté de libertinage et de rationalisme. Inutile d'insister. La Renaissance, le XVII0,. et .XVIÏI" se nourriront de cette riche et humaine substance., "' ; Nous quittons même, l'amoureux de; Guillaume de Lprpis.-.ftn ; proie à la mélancolie romantique. Pauvre sentimental, il k, cependant nettoyé ses ongles pour plaire à la'belle puçelle, :il,,a lavé ses dents, en bon élève d'Ovide. La: cruelle créature,-J,ui résiste et le coeur de notre héros saigne comme celui d'un Musset. C'est clans ce pitoyable état que Guillaume de Lorris le confiera à son confrère Jean de Meung. Les dures leçons commencent ! .,.-,-.
Car le second est plus didactique, moins poétique. Il est plus docte, mais aussi moins naïf. De là, quelques discours ennuyeux, •du pédantisme. Soyons indulgents, l'oeuvre est grande, riche, solide, elle exige le respect. . ;
: Jean de Meung n'aime guère la courtoisie de son prédécesseur et il le blâme de n'avoir pas su conduire ce sacripant d'amoureux par tous lès chemins difficiles qui conduisent! au •bonheur". Jean de Meung se met donc au travail et s'impose- atu : héros, grâce â ses lectures, à Ciceron, Tite-Live, Horace et les autres, en laissant la nette impression qu'un Montaigne naîtra de tout ce fatras. Puis c'est le coup-de grâce porté aux héros bretons par les discours psychologiques de 'Dame :Raison, Ami et la vieille proxénète qui font défiler toute une série de personnages qui, plus tard, se nommeront le Tartuffe, l'Avare et la suite. Le redoutable Jean de Meung a soif de victimes : des capitalistes aux gourgandines, des despotes aux plébéiens, le massacre est complet. Ne croyez pas que les coups soient donnés lourdement. « Clopinel » • est habile et perspicace. Plus psychologue que le Dante, il est aussi plus païen que Ronsard.
Intellectuel, il déteste l'amour courtois. Il le dit tout net : il n'aime pas la femme. Quant à l'homme, seuls, l'instinct sexuel ou le souci de procréer le rendent ariioureux. Guillaume de Lorris idéalisait, Jean de Meung matérialise. Le premier dispensait la fraîcheur et la douceur, en s'exprimant élégamment, presque « sensuellement », le second, étalant 1 sa science, mais aimant les idées, clame sa colère de révolutionnaire avec un franc-parler que n'aurait pas renié l'ami Rabelais. Cet antagonisme forme un tout admirable.
De temps à autre, Jean de Meung rêve, lui aussi, à l'agreste . couche, sous les arbres, où « pour le plaisir, sans plus, les amoureux s'accolent et se baisent», mais l'enivrement est court. Un beau corps de femme ne trouble pas ce misogyne boiteux. « L'infâme ribaude » est pourfendue, malicieusement, férocement. Cependant, quelles belles pages sur la femme, l'amant, le mari'cocu et le mariage. Le tout émâillé de savoureux conseils ovidiens. «Si vous ne pouvez pleurer, prenez de votre salive, ou du jus d'oignon, ou d'ail ou de tout autre ingrédient pour en mouiller vos paupières». Six-siècles plus tard,, le beau Rodopbe, ô Flaubert, pour faire croire à des larmes, laissait tomber Quelques gouttes d'eau sur les lettres qu'il envoyait à l'ardente Emma.
Je l'ai dit plus haut : l'amour, avec de Meung, perd sa grâce et sa pureté. Jouissance animale, enseigne-t-il, attisée sans cesse
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