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Titre : Bulletin du Comité de l'art chrétien / (Diocèse de Nîmes)

Auteur : Comité de l'art chrétien (Nîmes). Auteur du texte

Éditeur : Imprimerie administrative et commerciale P. Jouve (Nîmes)

Date d'édition : 1890

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34459761z

Notice du catalogue : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb34459761z/date

Type : texte

Type : publication en série imprimée

Langue : français

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Description : 1890

Description : 1890 (T4,N28).

Description : Collection numérique : Fonds régional : Languedoc-Roussillon

Description : Collection numérique : Collections de Montpellier Méditerranée Métropole

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k5688747z

Source : Bibliothèque nationale de France

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 17/01/2011

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N° 28.

BULLETIN

DU

COMITÉ DE L'ART CHRÉTIEN

(DIOCÈSE DE NIMES )

SAINT BENEZET, PATRON DES INGENIEURS,

ET LES FRÈRES DU PONT

Au siècle dernier, Chezy, directeur de l'école des. ponts et chaussées , après son maître et ami Perronet, célébrait à Paris, chaque année , la Saint-Bénézet fête , disait-il, du patron des ingénieurs. De nos jours, un membre de l'Institut, autre ingénieur de mérite, dont les théories sur la torsion des prismes et l'élasticité des corps resteront classiques, M. de Saint-Venant eût voulu restaurer ce pieux et fraternel usage. A ce but tendait la patiente et consciencieuse étude entreprise par lui sur la véracité de la mission du pauvre petit berger du Villar (1). M. de Saint-Venant est mort en 1886 , laissant son manuscrit inachevé ; mais , interprètes fidèles d'un sentiment aussi chrétien, ses enfants ont publié, en une série de chapitres fort concluants, cette oeuvre posthume qui clôt dignement la liste des 167 publications scientifiques dues à la plume infatigable du maître.

(1) A. B. de St Venant : Saint Bénézet , patron des ingénieurs, Bourges, 1889, note L, p. 124.


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Après la question du passage du Rhône par Hannibal, il n'en est pas dans notre Midi qui ait préoccupé les érudits de tous les pays plus que celle de la construction du pont d'Avignon. Innombrables sont les livres dans lesquels ce fait a été étudié ; la question cependant reste à l'ordre du jour des sociétés savantes.

Tout d'abord certains auteurs contemporains pensèrent qu'on avait accepté, les yeux fermés, un récit légendaire des hagiographies des XVIe et XVIIe siècles. Ils s'évertuèrent à l'expliquer en tenant compte de la raison moderne plus que des pieux entraînements du XIIe siècle capables, bien certainement, d'entreprises extraordinaires. Dédaignant d'y voir une oeuvre de foi vive, sur l'indice de quelques marques de tacherons fort incertaines et la rencontre d'un mot dans une charte de deuxième main; quelques érudits en vinrent à considérer le pont de Saint-Bénézet comme un pont carolien , voire même romain. Cependant peu satisfaite de données sujettes à contradiction, la critique historique a relu les plus vieilles chroniques, pesant les témoignages entendus sur la mission du saint, de la bouche de ses contemporains, et relatés dans un document qui est, sinon l'original de l'enquête, au moins une copie écrite sur la fin du XIIIe siècle ; elle a cherché de nouvelles chartes dans les dépôts d'archives ; elle a revu les documents archéologiques. Ainsi étudiée, la question du pont d'Avignon sortira de la légende, si on apporte, dans la discussion des faits douteux, les renseignements désormais acquis sur deux constructions similaires et presque contemporaines : les ponts de Lyon et de Saint-Saturnin du Port. C'est l'étude que nous nous proposons ici, à propos du livre de M. de Saint-Venant, en tenant compte des travaux non moins sérieux de M. Lefort et de M. l'abbé Albanès, sur la mission de Saint Bénézet. Nous parlerons successivement des chroniqueurs, des chartes Avignonaise et Lyonnaise, enfin des documents archéologiques.


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Les Chroniqueurs.

1177 « En cette année, dit Robert d'Auxerre, vint à Avignon un adolescent nommé Benoit , se disant appelé de Dieu pour construire, en ce lieu, un pont sur le Rhône. On se moqua de lui à cause de son défaut de ressources pour une pareille oeuvre à laquelle la profondeur et la largeur de ce grand fleuve ôtaient tout espoir de possibilité, mais il insista cependant avec hardiesse et, au bout de peu de temps, les habitants de la ville incités par une manifestation de la volonté divine en faveur de sa parole entreprirent à l'envi cette oeuvre, malgré la difficulté passant toute mesure, et il construisit enfin un monument d'une étonnante somptuosité.

Pour couvrir ces dépenses, ce jeune homme, d'une vie saintement exemplaire , parcourut longtemps diverses provinces pour y recueillir les aumônes des fidèles , et l'on rapporte que sa mission fut appuyée par un grand nombre de miracles (1).»

Tel est le récit de frère Robert, d'abord chanoine d'Auxerre, ensuite prémontré de l'abbaye de S. Marien, dont la chronique, partant des temps anciens, va jusqu'en 1210 , année qui précéda sa mort. C'est donc le témoignage d'un contemporain rapportant un fait extraordinaire, sans doute , en raison de la pauvreté de l'initiateur d'une aussi grande entreprise ; mais le merveilleux n'y joue aucun rôle , l'inspiration que l'enfant dit avoir reçue du ciel et l'entraînement communiqué par lui aux Avignonais sont, au XIIme siècle, comme dans les deux siècles antérieurs, les incidents ordinaires des grandes réunions bénévoles d'ouvriers chrétiens s'empressant partout, auprès d'architectes improvisés, pour élever au Christ , à sa sainte Mère ou à un pieux serviteur de Dieu, ces étonnantes cathé(1)

cathé(1) serum temporum et historiam rerum in orbe gestorum continens, ab ejus origine usque ad annum a Christi ortu MCC; Trécis, 1607, in-4°, p. 84 et Troyes, 1609. Cette dernière édition contient la chronique continuée jusqu'en 1211. Voy. aussi Recueil des Hist.des Gaules, t. XII, p. 298.


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drales encore pleines de problèmes pour les ingénieurs de nos jours. Des hommes qui cherchaient l'expiation de leurs fautes ou des gages de salut éternel dans la collaboration aux plus pénibles entreprises ne devaient pas mettre en doute la mission providentielle du pâtre du Villard, quand l'autorité religieuse eut prononcé le Fiat.

Pour notre époque même , y a-t-il quelque chose de plus étonnant dans la mission de Bénézet que dans celle de la paysanne de Domremy, conduisant à la conquête de la France les vieux capitaines du comte de Ponthieu ? Sans sortir du mouvement essentiellement religieux qui nous occupe, peut-on dire que la construction du pont d'Avignon par les habitants d'une grande cité, à la demande d'un adolescent sans instruction et sans crédit, soit plus étonnante que la construction du pont de Saint-Saturnin , par les manants d'une bourgade de 500 âmes ayant pour toutes références l'autorisation à eux donnée par un pauvre, très pauvre moine bénédictin. Sans l'inspiration divine dont il parle lui-même (inspiratione divina inducti), le prieur de S. Pierre ne pouvait penser que, la permission seigneuriale accordée , s'élèverait sur le cours impétueux du grand fleuve un viaduc destiné à faire de son petit domaine , en même temps qu'un point stratégique envié de tous les belligérants dans la vallée du Rhône, l'entrepôt commercial le plus sûr qu'il y ait eu jamais, dans les siècles passés, sur les chemins de Languedoc en Dauphiné. Cependant, il en advint ainsi, grâce aux aumônes du monde catholique. Et ce ne fut pas à la sollicitation de quêteurs entourés du prestige d'un ordre religieux puissant , ni grâce aux recommandations de l'évêque et du podestat d'une république connue au loin ; à la seule demande de ces petits de la glèbe et du filet, les seigneurs féodaux qu'on nous peint sous des couleurs si sombres , les plus fiers paladins s'émeuvent du nord de la France aux limites méridionales de l'Italie. Ils délivrent aux frères du pont du Saint-Esprit les lettres de sauvegarde permettant d'aller sur eau et sur terre, dans toute l'étendue de leurs domaines, sans payer les droits de péage alors si fré-


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quents et si lourds, de quêter dans les fours et les moulins , rendez-vous journaliers du peuple des campagnes (1). Les évêques veulent que les curés des paroisses montent en chaire pour y lire les miracles accomplis à Saint-Saturnin, afin d'exciter les fidèles à faire des largesses à l'oeuvre du pont. Quand se présenteront les messagers de cette oeuvre, disent-ils, toute autre quête cessera dans la paroisse , s'y fit-elle par l'envoyé de l'évêque lui-même ; les églises interdites seront rouvertes dès leur arrivée, et les cloches aises à volées appelleront les paroissiens au Saint-Sacrifice (2).

Pareils privilèges n'étonnent pas, quand on sait que les Souverains-Pontifes assimilant aux croisades l'oeuvre des ponts , accordaient aux collaborateurs de l'entreprise les indulgences réservées aux visiteurs des Saints-Lieux (3).

Si on doutait encore, qu'on lise les sentences exécutoriales du concile de Bâle réglant le différent survenu au commencement du XVme siècle, entre les quêteurs du SaintEsprit, de Saint-Saturnin-du-Port, et les Frères du SaintEsprit de Saxe à Rome. Ce triple arrêt (4) maintient le privilège des quêteurs du pont d'aller, au delà des monts, deux arches crucifères d'étoffe rouge sur la poitrine, pour demander à tous les diocèses d'Italie des subsides annuels. Au signe distinctif ci-dessus s'ajoutait le titulum dont l'effet était d'autant plus entraînant qu'il rappelait d'une manière plus expresse l'oeuvre du pont. Aussi des quêteurs moins bien titrés essayaient-ils d'en limiter l'emploi.

Tel fut l'objet de la démarche faite auprès de l'Archevêque

de Lyon, durant le même concile de Bâle, par les Frères du

Saint-Esprit de Besançon. Ils sollicitaient Amédée de Talar

de réduire les quêteurs de Saint-Saturnin du-Port à se pré(1)

pré(1) Cartulaire de l'OEuvre des Eglise , Maison, Pont et Hôpitaux du Saint-Esprit, livre III. Nos LXII-LXXXV et autres. Mans.

(2) ibid. Nos LXXXVI et XCVI.

(3) Ibid livre II, bulles pontificales.

(4) ibid. livre III, LXXXVII.


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senter : « Pro guesta hospitalis Saint-Saturnini de Portu pontis S, Spiritus.. Et non avec leur vieil appel : Pro questa pontis et hospitalis S. Spiritus ville S. Saturnini de portu, uticensis diocesis. La différence paraîtrait aujourd'hui de mince importance. Les bisantins la trouvaient si considérable que l'évêque de Lyon ayant maintenu le titulum primitif de nos quêteurs, on les vit revenir devant le prélat sous prétexte que sa bonne foi avait été surprise. L'Archevêque confirma (1) sa première ordonnance comme il l'eut fait à propos des Frères du Saint-Esprit, de Lyon, dont l'appel était: " Pro questa pontis S. Spiritus rodani Lugdunensis.

Démonstration faite de la faveur extraordinaire dont jouissaient les constructeurs de ponts, nous revenons à la véracité même de la mission de Bénézet. Après Robert d'Auxerre, cinq chroniqueurs presque contemporains et dont le dernier vivait sous Saint-Louis, Pierre Coral (2) , Vincent de Beauvais (3), Martin le Polonais (4), le chanoine de Saint-Martin (5) et Guillaume de Nangis (6), rappellent le rôle de cet adolescent dans la construction du pont d'Avignon. Martin le Polonais rapporte même avoir lu sur le seuil de la chapelle du pont : « L'an 1177 , un enfant (puer) nommé Benoit a commencé ce pont. »

Si le plus récent de ces chroniqueurs, Guillaume de Nangis, confond dans une même date, et le commencement des travaux et l'éclipse de soleil arrivée en 1178, on pourrait croire que c'est le résultat d'une distraction, les deux événements ayant eu lieu, le même jour, à un an d'intervalle. Cette erreur se retrouvant ailleurs, on croit plus volontiers qu'il se fia au récit du chroniqueur Hélinand qui, mort daus le

(1) ibid LXXXVIII.

(2) Chronicon S. Martini Lemovicensis,

(8) Speculum hisioriale.

(4) Cité par Th. Raynaud, dans l'Antemurale.

(5) Recueil des Historiens des Gaules t. xx, p, 477. (Chronicon Turonense).

(6) ibid. p. 759.


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premier quart du XIIIme siècle, avait vu l'éclipse et semblait devoir en connaître la date. Chez celui-ci les erreurs de cette sorte ne sont pas rares : il en commet à propos de faits bien connus, tels que l'avènement de Louis VII et le couronnement de son fils.

Les commencements du pont d'Avignon remontent bien à 1177. Sur le jour, pas de contestation, c'est le 13 septembre. En souvenir de cet évènement, les habitants de Saint-Saturnin-du-Port posèrent la première pierre dû pont-Saint-Esprit, aux premières vêpres de ce jour, c'est à dire la veille des ides de septembre.

Au siècle dernier, la fête de Saint-Bénézet se célébrait à Pont-Saint-Esprit, comme à Avignon, le jour et la veille du dimanche de Pastor Bonus ; le 14 septembre, également dans la chapelle de Saint-Nicolas, sur le pont, on faisait mémoire du commencement des travaux du pont d'Avignon.

Les avignonais se rattachant , sans doute , à un ancien usage célèbrent le 12 septembre, la fêle de la porte du Rhône, la plus voisine du pont Saint-Bénézet (1).

Les Chartes.

I. — De l'avis de MM. Deloye, Lefort et Albanès, la charte avignonaise conservée aux archives de la ville date de la seconde moitié du XIIIe siècle pour ce qui est du manuscrit, mais de la première moitié, de l'an 1220 environ, pour le texte. Peut-être, comme le dit M, de S. Venant, ce document avait-il la destination d'être affiché et mis sous les yeux des fidèles afin de raviver le zèle de leurs dons pour l'entretien du pont et de son hôpital. Nous croirions plus volontiers que c'était là même une des lettres confiées par les recteurs aux messagers de l'oeuvre et portées par ceux-ci aux curés des paroisses lointaines qui, les lisaient ou les résumaient devant

(1) Voir notre Cartulaire, livre I, n° LII.


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leurs ouailles, comme il est dit dans certains documents de notre cartulaire (1). Ainsi s'explique facilement la finale : « Audistis , fratres charissimi, qualiter iste pons hedificatus est : unde omnes debitis esse participes hujus maximi beneficii. »

La première partie de la charte, s'arrêtant sur cette invitation à l'aumône, peut n'être que l'amplification littéraire d'un jeune moine des rives du Rhône dans laquelle, après coup, si on le veut encore , on aura introduit le membre de phrase qui semble une répétition et apporte dans le texte une erreur de comput. Cette historia dont les témoins, entendus dans l'enquête placée à la suite, ne rappellent point les faits principaux, tous préliminaires de la construction du pont d'Avignon, cette historia gardera le caractère d'une légende jusqu'à preuve du contraire. Mais si le fait le plus étonnant, le transport par Bénézet d'une pierre colostale, n'est pas prouvé, l'existence de ruines romaines dans la demeure du viguier pleinement admise de nos jours (2) rend vraisemblable le défi jeté à l'enfant par le premier magistrat de la cité. C'est une observation archéologique qu'on regrette de ne pas trouver dans le livre de M. de St Venant

La seconde partie de la charte, au dire du rédacteur luimême , contient l'acte d'information relatif au bienheureux Benoît : « In Jesu Christi nomine, incipit notatio beau Benedicti. » Les témoins qui déposent sur les miracles du saint ne sont pas des mythes mais des notables avignonais de la fin du XIIe siècle. M. l'abbé Albanès a retrouvé aux archives des Bouches-du-Rhône (B 209 et B 307) deux actes datés d'avril 1210 et de février 1215 , où cinq d'entre eux sont mentionnés, trois avec la qualité de consul.

Le récit de ces témoins touchant la construction du pont n'est point pour effaroucher les adversaires du surnaturel.

(1) Livre III? n° LXXXVI.

(2) Achard. Dict. hist. des rues et places publiques d'Avignon. Sequin 1857.


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Un seul, Guillaume Chautart parle de l'entreprise même et rappelle qu'il a vu le B. Benoit dire aux ouvriers quand ils venaient à manquer de pierre : « Allez creuser à tel endroit, et vous en trouverez. » M. de S. Venant fait observer que la grande gravure de 1603, par Matheus Greuter (Bible Nate) où sont reproduits les faits principaux de la vie du saint, ainsi

que les écrits de quelques historiens montrent un partie de

la population avignonaise croyant à la découverte de pierres toutes taillées. Il ajoute : mais aucun document ne l'explique.

l'explique.

C'est vrai, si on entend documents écrits ; mais en cette matière d'autres documents ont leur éloquence. Anticipant ici sur le chapitre que nous consacrons aux documents archéologiques,

archéologiques, rappellerons avec le regretté M. Canron que l'Hippodrome romain d'Avignon se développait entre la rue aujourd'hui connue sous le nom de S. Agricol et la porte appelée autrefois Ferruce (1). Non-seulement on peut en voir des restes considérables dans une cour du musée Calvet, mais à l'entrée de la rue de la Madeleine subsiste encore un beau vestige de cet Hippodrome (2) dont une extrémité touchait; au point où commence le pont. La gravure de 1603, en montre les arcades s'étendant de la porte voisine du bac qui fit place au pont, jusqu'à l'endroit désigné par M. Canron. Le bienheureux a parfaitement pû dire aux ouvriers : « Eatis ibi fodere et invenietis " ; Ce que la version provençale du XIVe siècle traduit : « Anas a qui foire et trobans peira. " Foïre est bien le mot qui convenait en l'occasion ; il signifie biner, remuer la surface de la terre avec une houe (3). Vraisemblablement sous une mince couche de terre les matériaux de l'hippodrome en ruine offraient aux ouvriers des pierres toutes taillées.

(1) Le pont Saint-Bénézet , dans le Bulletin Hist. et Archéol. de Vaucluse, Avignon, Seguin 1883, pag. 93..

(2) Achard, loc. citat. p. 152.

(3) D'après le Dict. Languedocien de S. Nimes, 1756, Foïre signifie labourer à la maigne ou marre (aissado).


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On verra plus loin que le témoignage de Guillaume Chautart trouve une confirmation nouvelle dans les substructions même du pont.

II. — Outre la charte d'Avignon, il est un autre document appelé désormais à jouer un grand rôle dans la monographie du pont Saint-Bénézet. Cet écrit dont nous avons , nousmême, suspecté l'authenticité, en 1875, à cause de sa forme insolite, contrecarrait l'opinion reçue jusqu'alors sur la date du pont de la Guillotière. De nouvelles recherches de M. Guigue (1), archiviste de la ville de Lyon, lui ayant fait découvrir dans l'obituarium lugdunensis ecclesie (p. 179) que vers 1180 ou 1182, l'archevêque Robert de Bellesme attestait la concession par les moines d'Ainay aux frères constructeurs du pont, de deux emplacements le long du Rhône pour y bâtir un hospice destiné à l'hébergement des voyageurs; le même auteur constatant encore sur l'inventaire des titres municipaux dit inventaire Chappe rédigé vers 1780, qu'il existait, à cette époque, une bulle de Lucius III en faveur du frère Etienne qui avait entrepris la fabrique du pont du Rhône, il devient évident que le pont de Lyon ne date pas du milieu du XIIIe siècle, comme on le croyait jusqu'à maintenant, mais que le commencement des travaux remonte à l'époque de l'achèvement du pont d'Avignon. Dès lors, Bénézet a pu en proposer l'établissement. Mais ces découvertes laissent à l'oeuvre son caractère essentiellement lyonnais. C'est à la demande des citoyens de Lyon que l'abbé et les moines d'Ainay font leur libéralité ; d'où la confirmation de l'avis émis par nous, il y a quinze ans, touchant l'indépendance absolue des confréries de constructeurs de ponts, les unes vis-à-vis des autres. Nous y reviendrons. De là aussi la confirmation de la mission de Bénézet, car si insolite que. soit la forme du document appelé la charte lyonnaise, si on persiste à y voir une

(1). Recherches sur l'origine du pont de la Guillotière et du grand Hôtel-Dieu. (Mém. de la Soc. hist. et lit. de Lyon, 1874-75, 201, et Recherches sur N.-D. de Lyon, Lyon, M. Scheuring, 1876. p. 22 et s.


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bulle pontificale, il tire des révélations de M. Guigue un argument de probabilité.

La charte lyonnaise est datée de la seconde année du règne d'Innocent IV, c'est-à-dire de 1245. Rappelant l'enfance du berger du Villard et sa descente à Avignon, en compagnie d'un ange qui lui indique le moyen d'y construire un pont, le narrateur rapporte l'évènement tel qu'on le voit dans la charte d'Avignon. A peine constate-t-on des différences de détails et non pas des contradictions. Puis , Bénézet va à Rome, obtient du pape des bulles invitant le peuple chrétien à lui faire des largesses et de retour en France, par Lyon , il y commence un pont, avec l'assentiment de l'église, de l'archevêque et de toute la province. Avant la mort du saint, le viaduc atteignit une partie de son développement. Cependant 63 ans après, l'appel du chef de la Chrétienté , présidant le concile de Lyon, devenait nécessaire pour l'achèvement du monument. Ce n'est point une bulle qu'il donne, à notre avis, si le document est bien authentique. Le S.-Père date du concile de Lyon, la deuxième année de son pontificat, l'appel fait aux archevêques, évêques, abbés, prieurs, prêtres et recteurs de la Sainte-Eglise, par les frères qui continuent le pont commencé sur le Rhône d'après la volonté divine. C'est là une nouvelle sorte des lettres confiées aux messagers de l'oeuvre et lues par l'Ordinaire, dans les églises paroissiales, afin d'y exciter les fidèles à l'aumône (1).

Les Documents archéologiques.

Pour déterminer l'âge d'un monument du moyen-âge, dont aucun document écrit n'indique l'origine, on a la taille des pierres et les marques de tâcherons qui sont les signes conventionnels employés par les ouvriers pour distinguer leur

(1) Antérieurement, par une bulle datée du 3 septembre 1209 et adressée aux archevêqnes et évêques de la chrétienté, Innocent III avait accordé des indulgences aux fidèles qui viendraient en aide au précepteur et aux frères du pont du Rhône.


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travail. A l'époque carolienne , l'usage était de se servir des lettres capitales romaines ; aux XIIIe et XIVe siècles, de dessins variés à l'infini : un triangle, un arc de cercle , un losange, un carré, une croix pâtée, gémée ou recroisetée, un marteau, un équerre et d'autres marques linéaires, d'apparence cabalistique (1) , mais qui n'avaient d'autre raison que celle de permettre aux ouvriers d'un même chantier de distinguer leur labeur de celui du voisin.

Les tailleurs de pierre de la Renaissance revinrent aux lettres ; ils employaient généralement les lettres onciales qu'ils avaient sous les yeux. De l'existence de capitales romaines, sur les constructions de cette dernière époque , déjà on pourrait en inférer que l'emploi de ces sortes de lettres ne fut jamais abandonné. On les rencontre quelquefois , en effet, au déclin du moyen âge.

Les lettres capitales romaines appartinssent-elles exclusivement à la période carolienne, leur présence sur des pierres du pont d'Avignon ne prouverait l'antiquité de ce pont que si on démontrait que ces blocs ne sont pas des matériaux de seconde main. Or, tandis que M. Canron publiait une réfutation toute historique de l'opinion nouvelle , réfutation que la disparition du Bulletin historique et archéologique de Vaucluse et la mort ne lui permirent pas d'achever (2) , nous le priâmes de profiter du jour des plus basses eaux qui se présenteraient dans l'année, pour faire un examen minutieux des vestiges du pont primitif de S. Bénézet.

Voici la réponse de notre ami ; elle vaudra un document, si elle n'est pas contestée.

« Avignon, 10 septembre 1884, « Jamais, de mémoire d'homme, on n'avait vu le Rhône aussi bas. Non seulement on pouvait aller à pied sec jusqu'au gros bloc du pont qui est dans le grand Rhône, mais encore,

(1) Les constructeurs de ponts au moyen-âge, Bruguier-Roure. Paris, Dumoulin, planche I (ter).

(2) Loc. cit. Avignon 1883.


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à l'aide d'une espèce de pontin qu'on avait jeté sur quelques filets d'eau, on pouvait passer jusqu'au second vestige de l'oeuvre des frères pontifes, le plus proche de la Barthelasse. Nous avons été plusieurs à faire ce pèlerinage,X., N., de P., A. Z. et moi...

« Lorsque le bateau cloche fonctionnait dans le bras d'Avignon, je me passai la fantaisie, un beau dimanche, d'examiner, un à un, les blocs des fondations du pont que la puissante machine arrachait successivement du lit du fleuve. Il y avait du monde sur les lieux ; on me demanda mon opinion sur l'âge et la provenance de ces pierres. Cela nécessita un examen minutieux; je m'y livrai, j'en rendis compte , séance tenante. J'eus l'heur d'avoir , sans m'en douter , pour auditeur, le préfet de Vaucluse qui, depuis lors, m'honore de coups de chapeau.

« Voici ce que je découvris : 1° des blocs énormes dont le grain et la coupe étaient semblables tant à ce qui reste, dans la cour du docteur Clément, de l'ancien théâtre romain, qu'aux matériaux de l'arcature, encore debout, de l'Hippodrome , à la descente de la Madeleine ; 2° des poudingues ou blocages formés de toutes sortes de pierres et de matériaux identiques pour leur composition à celui qui reste des anciens remparts du XIIe siècle à la jonction de la rue Saint-Charles avec la rue Galade ; 3° plusieurs boulets en pierre dure, dans le genre de ceux qu'on voit servant de bornes à quelques unes de nos rues avignonaises et dont on chargeait les balistes au moyenâge ; 4° de longs pans de mur, à moyen appareil, se tenant tout d'une pièce ; 5° quelques pierres de taille portant la trace informe de dessins, de festons, d'arabesques , etc. Je vis des pilotis aussi frais que si on les eût enfoncés, la veille, dans le fleuve ; beaucoup de blocs portaient intact le trou où l'on avait fiché les fers destinés à les soulever; quelques uns adhéraient encore aux crochets qui les reliaient à d'autres blocs ; les marques de tâcherons étaient très clair-semées. " Les mêmes bâtisses ont apparu à nos yeux, dans les massifs mis à sec par la baisse des eaux du grand Rhône. Il y a,


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entre autres, un mur tout d'une pièce, en moyen appareil, pour revêtement, et en blocage , pour corps : il est couché dans le gravier, tout près de la rive de Villeneuve ; au mois d'avril, lors de ma première inspection des ruines, il était encore sous les flots. Je n'ai, cette fois , point rencontré de pierre avec des ornements frustes ; mais j'ai trouvé sur le massif qui est entre le gros débris du grand Rhône et la Barthelasse , trois pierres creusées en coupe-. Ceci mérite une explication de ma part : vous devez vous souvenir d'avoir vu ressortant des bâtisses, au-dessus des gradins, tant aux arènes de Nimes qu'au théâtre d'Orange, des pierres percées d'un trou rond ; c'était là qu'on plantait les pieux supportant les velaria destinés à abriter les spectateurs contre le vent , le soleil ou la pluie. Après avoir passé par un nombre de trous proportionnés à leur longueur , ces pieux reposaient sur une pierre saillante taillée en coupe pu en cuvette, comme vous voudrez. Or , ce sont trois pierres taillées en coupe ou en cuvette que j'ai trouvées parmi les blocages massifs du pont Saint-Bénézet , dans la grande branche : deux sont très bien conservées, la troisième est à peine connaissable. Je vous laisse tirer la conclusion de ce qui précède. Il me semble que tout cela parle assez haut. . . . .......

De cet examen: des ruines du pont d'Avignon, il résulte que la théorie d'un pont romain est définitivement écartée. Si rien ne contredit précisément la théorie d'un pont carolien, puisque on a constaté partout que, dès les IIIe et IVe siècles de notre ère, les monuments romains situés en dehors des villes fournirent des matériaux pour la réfection hative des murailles opposées aux périodiques incursions des barbares , l'état des ruines subsistantes ne peut , non plus , être invoqué par les contradicteurs de la mission de S. Bénézet, Les matériaux reconnus par M. Canron sont, au contraire, la confirmation du témoignage de Guillaume Chautart : Vidit B. Benedictum qui dicebat opérariis quando non Habebant lapides : eatis ibi fodere et invenietis.


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Trop de documents établissent la mission du berger du Villard pour qu'on soit admis à torturer des textes de seconde main (1) dans l'espoir d'en tirer un mot laissant supposer un pont d'Avignon, antérieur au XIIe siècle.

En dépit des négations rationnalistes du XIXe siècle, les hommes des XIe, XIIe et XIIIe siècles resteront les grands bâtisseurs de cathédrales et de ponts. La folie de la croix, alors en grande vénération, explique les grandes assemblées ouvrières , comme les Croisades. Ceux qui demeuraient au foyer domestique , de même ceux qui s'en éloignaient, se préoccupaient peu de la lutte pour la vie, mais beaucoup de la fin dernière pour laquelle ils se croyaient mis au monde. Tous allaient à Dieu, pensant mériter qu'il les rappelât heureusement à Lui.

La mission de Saint Bénézet démontrée par le témoignage des contemporains, des chartes et des monuments, on peut enlever du récit des chroniqueurs le merveilleux qui choque, si fort notre époque. L'Evènement sera plus étonnant encore ; ainsi je le disais dans mon étude sur les constructeurs de ponts, au moyen-âge : « Enlevez en le surnaturel, vous n'aurez devant vous qu'un homme faible, moine ou laïque qui, en lutte contre les éléments et l'imperfection de la science, accomplit en très peu de temps, une oeuvre jugée

(1) On a parlé d'une charte du Cartulaire de l'abbaye SaintVictor-de-Marseille où parmi des donations faites à cette abbaye dans le territoire d'Avignon, sur le Rhône et sur la Durance, se trouvent les mots in ponte. Or cette charte introduite après coup dans le Cartalaire dé S Victor, de l'avis des éditeurs de l'ouvrage. MM. Guerard, Marion et Delisle, est qualifiée par eux en ces termes : " Exc carta sècunda manu exarata est. » Ce n'est point un originai mais une copie ou abondent les barbarismes et des dénominations locales contraires à celles en usage aux XIe et XIIe siècles. M. Canron en conclut que si l'acte est authentique, le texte en a éte faussé sciemment ou inconsciemment par le copiste écrivant in ponte pour in portu. Nous nous demandons, â notre tour, si ce ne serait pas in ponto (sic), mot que la Provence a bien pu conserver des Romains qui désignaient ainsi un bac.


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au-dessus des forces ordinaires par tous ses contemporains (1). "

Dans cette étude générale, toutes les opinions sur Saint Bénézet devaient trouver place ; aujourd'hui, il ne me suffit plus d'affirmer mon respect des traditions avignonaises, je m'en déclare le partisan avec l'érudit qui voulait rendre au petit berger du Vivarais le patronage du Corps des ingénieurs. Je profite de l'occasion qui m'est offerte, ici, de rectifier l'erreur dans laquelle j'étais tombé au sujet du pont de Lyon. L'avouerai-je encore, si je n'ai trouvé, nulle part, la preuve de la venue dés disciples de Bénézet à Saint-Saturnin-duPort, en 1308, à la veille de l'achèvement d'un travail qui avait duré déjà 43 ans , ce qui me parait un non sens , il n'est pas improbable que le bienheureux se rendant de Lyon à Avignon se soit reposé dans le prieuré de SaintPierre, étape ordinaire de tous les personnages du moyenâge descendus dans la vallée du Rhône. Arrivé sur les bords du fleuve, au récit de naufrages , épouvantail quotidien de tous ceux qui passaient du Languedoc en Dauphiné, il marqua peut-être l'emplacement d'un nouveau pont. Ainsi s'expliquerait la légende rappelée par Nicolas V dans sa bulle en faveur de l'OEuvre du Saint-Esprit ; ainsi s'affirmerait le titre de fondateur des ponts sur le Rhône donné à Saint Bénézet par des historiens du siècle dernier.

Ce patronnage admis, en voyant les OEuvres de Lyon (2) et de Saint-Saturnin-du-Port (3) garder un caractère local et mener, l'une et l'autre, l'entreprise à sa fin, avec des collaborateurs particuliers à chacune d'elles et qui ne connurent pas la perfection religieuse des disciples du pâtre du Villar, on doit reconnaître dans les constructeurs de ponts, au moyenâge, des associations pieuses, sorte de confréries paroissiales, bien que recrutées au loin ; ayant un type primordial, sans

(1) Paris, Dumoulin, p. 26 et dans le Bullet. Monumental, 1875, page 402.

(2) Guigue , loc. cit..

(3) Notre cartulaire,


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doute, mais qu'aucun lien de famille ne reliait entre elles. C'était, si on le veut, la génération spontanée d'hospitaliers bâtisseurs de ponts sous l'impression d'une impérieuse nécessité : celle de rétablir les voies de communication.

Aucune charte, aucun document ne parle des " frères-pontifes. » Le mot, je le répète ici, a été imaginé quand on voulut désigner sous un même nom tous ceux qui avaient si spontanément travaillé au rétablissement des communications entre les rives des fleuves (1). Les populations des XIIme et XIIIme siècles ne connurent que les « frères du pont, " Fratres pontis ou de ponte. Le midi eut ainsi les frères du pont de Bonpas, les frères du pont d'Avignon, les frères du pont ou confrères du Saint-Esprit de Lyon, les confrères du SaintEsprit de Blauzac, institués pour la construction du pont de Saint-Nicolas de Campagnac, et les frères du pont du SaintEsprit de Saint-Saturnin. La confrérie du Saint-Esprit de Chateauneuf-du-Rhône, près Montélimar, veillait, sans doute, à l'entretien d'un bac établi entre la ville épiscopale de Viviers et la bourgade embastillée de la rive gauche, pour relier deux voies antiques parallèles au grand fleuve.

Cette énumération faite à la réunion des sociétés savantes, à la Sorbonne, en 1888, on dut penser que c'étaient là des confréries séculières imitées de l'ordre des frères pontifes., car le compte-rendu de la séance du 23 mai, au Journal officiel, porte que les documents de mon cartulaire établissent le vrai caractère des sociétés connues sous le nom de frères du Saint-Esprit.

Telle n'était pas pensée. Les diverses confréries de bâtisseurs de ponts dont j'avais entretenu le Congrès n'avaient pas même la communauté du nom ; bien que les oeuvres hospitalières adoptassent alors, de préférence, le vocable du

(1) Paris, Dumoulin, p. 26 et dans le Bulletin Monumental, 1875, p. 2 et p. 226.


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Saint-Esprit (1) comme plus tard celui de Maison-Dieu ou Hôtel- Dieu, on ne saurait dire que toutes les oeuvres de ponts dans la vallée du Rhône et sur ses affluents aient donné lieu à la création de confréries du Saint-Esprit. D'autre part, les maisons de frères de ce nom n'avaient entre elles aucun lien ; on les voit aussi étrangères les unes aux autres, qu'aux frères dn pont de Bonpas; d'Avignon, de Lourmarin ou de Mirabeau. Il suffit de lire Héliot qui résume les auteurs des siècles derniers pour se convaincre que toutes ces confréries diverses furent comprises sous le nom de frères pontifes.

On ne le retrouvera , nulle part, cet institut que les historiens grandissent peu à peu et chez lequel les plus récents ont voulu voir un ordre religieux proprement dit soumis à un grand maître et à des commandeurs.

Outre les maisons désignées plus haut, on rencontrera encore , çà et là , des confréries modestes, instituées , sous l'empire d'un besoin local, sur un modèle primitif, encore ignoré , qui eut des imitateurs, sans doute , dans le berger Allucio, sur l'Arno ; dans Jean l'Hermite, sur l'Ebre ; dans l'archevêque de Santander, en Ecosse ; et dans les constructeurs d'Allemagne et de Suède.

On se fera une idée exacte de l'origine des frères du pont, en se rappelant que le moyen-âge ne fut pas seulement l'époque des grands rassemblements d'ouvriers bérévoles , mais: l'heure , également, ou à côté du servage originel existait le servage volontaire. Le pénitent se donna au service de l'oeuvre d'un pont, pour son établissement ou sa conservation, comme son devancier et son contemporain se donnaient au service d'une abbaye. A ces donats, les recteurs de chaque oeuvre imposèrent un règlement particulier. Tel notre plaquette, les vrais constructeurs du pont Saint-Esprit (2) , a montré le

(1) Pour ne parler que du Midi, le grand hôpital de Marseille, dont l'administration était l'une des branches les plus importantes du pouvoir municipal ; l'hôpital de Montpellier fondé et complété par Guy, qui passe pour le créateur des frères du SaintEsprit' dits de Montpellier, puis de Saxe à Rome.

(2) Angers, 1872, et Congrés archéologique de France 1872, page 344.


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caractère de la Confrérie instituée à Saint-Saturnin-du-Port ; de même nous représente les constructeurs et serviteurs du pont de la Guillotière , le livre de M. Guigue (1). Le savant archiviste eut pu conclure , sans crainte de se tromper, que les hospitaliers actuels de Lyon, frères et soeurs, sont un héritage de ce passé encore mal défini.

Si d'autres Confréries tendirent davantage à la perfection religieuse, elles le durent au sentiment particulier de leur fondateur. Les membres des unes et des autres ont droit, à titre égal, au nom qui fut également à tous : les frères du pont.

L. B.-R.

Pont-Saint-Esprit, le 15 octobre 1889.

(1) Recherches sur N.-D. de Lyon , origine du pont de la Guillotière et du grand Hôtel-Dieu, Lyon, Scheuring, 1876.


L'ECHANGE DE MONTPELLIER

CONTRE

la. Ville et la Baylivie de Sauve 1292-1293

Au mois de mars 1292-1293 (1) eut lieu entre Philippe-leBel et Bérenger, évêque de Maguelone, l'échange du fief de Montpellieret contre la ville et la baylivie de Sauve. Cette acquisition de Montpellieret par le roi de France est un fait capital dans les annales du Languedoc. Nos historiens en parlent ou du moins y font tous allusion. Germain lui consacre le second volume de son histoire dé la commune de" Montpellier. Presque toutes les pièces de nos archives méridionales , publiques ou privées, en font une mention expresse.

En cherchant des matériaux pour la monographie de Saint-Félix de Pallières, nous avons eu la bonne fortune de mettre la main sur trois documents inédits relatifs à cet échange de mars 1292-1293.

Ces documents sont d'assez bonnes copies, « deuement » compulsées sur leurs originaux, tirées du livre noir des » archives de la baronie de Sauve, à nous exhibé et ensuite » retiré par le garde dudit livre ; par nous Jacques Darvieu, » seigneur de Lacondamine, docteur ès-droits, commissaire » à ce depputé par la souveraine Cour des Comptes, aydes

(1) L'acte d'échange porte la date de mars 1292. Mais mars 1292 correspond presque en entier à mars 1293 du calendrier mo derne.


-345»

-345» finances de Montpellier, de laquelle commission il en » est par nous plus amplement faict mention dans notre » procès-verbail, en la présence de Me Etienne Salles, doc» teur et administrateur, habitant de la ville de Sauve, fai» sant pour les consuls et communauté de Saint-Félix de » Pallières, à ces fins par devant nous deuement appelés, » lesquelles copies avons trouvé estre conformes à leurs " originaux. Fait à Sauve et dans la maison de Me Jean ». Devèze, garde desdites archives, ce mercredy onziesme " febvrier mil six cens nouante neuf, heure de onze avant » midy, et nous sommes signés avec nostre greffier (1).

» Darvieux de Lacondamine, docteur et » commissaire, par mand. sieur Du» ranc, greffier. ».

En deux mots, voilà l'historique des documents que nous publions in-extenso, pour les amateurs, à la fin de ce petit travail. Pour ceux qui ne voudront pas prendre la peine de lire ce mauvais latin du moyen-âge, après avoir exposé la question et résumé l'acte d'échange lui-même (2) nous donnerons une analyse aussi fidèle que possible des trois pièces inédites. Malgré leurs imperfections, elles nous paraissent assez curieuses pour mériter d'être mises en lumière.

De Louis VI à Philippe-le-Bel (1108-4285), la France marche à grands pas dans les voies de l'unité nationale.

Poursuivant l'idée politique de ses prédécesseurs, Philippe IV dit le Bel (1285-1314), eut pour toute ambition d'agrandir le domaine royal et de fortifier l'autorité de la

(1) Nous devons ces copies, ainsi qu'une foule de parchemins très authentiques, au marquis de Dax d'Axat, héritier des ancien» chatelains de Saint-Félix de Pallières, qui les a mises très gracieusement à notre disposition. Nous lui offrons ici l'expression publique de notre reconnaissance.

(2) Déjà publié in-extenso. Ap. Germain. Hist. de la commune de Montpellier, t. II, 354.


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couronne. Il ne recula devant aucune difficulté, mais il se servit indifféremment de tous les moyens, bons ou mauvais. Son règne dont le caractère est éminemment fiscal, est une spoliation continuelle : spoliation des juifs, spoliation du Pape, spoliation des Templiers.

Voyons-le à l'oeuvre, mais hâtons-nous de dire que l'appréciation précédente convient encore mieux à l'ensemble de son règne qu'au fait particulier qui nous occupe. Dans l'échange de Montpellieret contre la ville et la baylivie de Sauve, Philippe-le-Bel se montre habile et non perfide.

Montpellier, l'héritière de Maguelone, passait déjà pour une ville savante. Son université devenait l'objet de la sollicitude des Papes. En 1289, Nicolas IV l'avait prise sous sa protection, confirmée, augmentée même en ajoutant à sa Faculté de médecine, une Faculté de droit canonique et une Faculté des arts.

Elle était, en outre, la ville la plus florissante de nos provinces méridionales. Elle était, selon le langage du vieux Gariel. (1), « la principale et comme le chef de tout le commerce et du trafic des mers, par ses alliances et par ses puissances, et par conséquent, la plus marchande du pays et la plus peuplée. » Ses facteurs non seulement fréquentaient les marchés de la France, de l'Espagne et de l'Italie, mais pénétraient jusque sur les côtes de l'Afrique et jusqu'au fond de l'Orient.

D'autre part, on le sait, la Provence ne fut réunie au domaine de la Couronne qu'en 1481. La seigneurie de Montpellier appartint à la maison d'Aragon (2) pendant cent quarante-cinq ans (1204-1349). Les rois de France, quoique suzerains en droit de presque tout le Midi, n'avaient de fait à leur disposition, sur la Méditerranée, que le petit port d'Ai(1)

d'Ai(1) — Idée de la ville de Montpellier, t. II, p. 59.

(2) Pierre II, roi d'Aragon (1196-1213) devint seigneur de Montpellier par son mariage avec la princesse Marie, fille et héritière des Guillems.— En 1276, cette seigneurie constitua le principal apanage de la branche cadette (rois de Majorque), qui la conserva jusqu'en 1349.


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guesmortes ; encore son périodique ensablement rendait-il ce port de moins en moins propre aux opérations marchandes. Enfin Montpellier, seul dans toute la province, relevait encore d'une domination étrangère. Ne pouvant annuler tout d'un coup cette domination, déjà saint Louis avait essayé de la primer par la ■reconnaissance de 1255 (1), et la déclaration de 1260 (2). Le temps devait achever l'oeuvre. La seigneurie de Montpellier couchée, pour ainsi dire en joue, par. Philippe-le-Bel (1293) fut atteinte mortellement par Philippe de Valois (18 av. 1349) et absorbée, assimilée par Charles V. (24 jan. 1380) (3).

A la fin du Xme siècle les évêques de Maguelone reçurent de deux nobles demoiselles (soeurs de Saint-Fulerand), d'après la tradition, la propriété pleine et entière des bourgs de Montpellier et de Montpellieret, mais ils ne tardèrent pas (990), à inféoder aux Guillems le bourg de Montpellier, tout en conservant pour eux-mêmes celui de Montpellieret.

La supériorité féodale des évêques de Maguelone vis à vis des seigneurs de Montpellier remonte donc à l'origine même de l'existence de ces derniers et ne cesse qu'avec l'acquisition de Montpellieret par Philippe-le-Bel (990-1293).

« Aussi, dit Germain (4) , les rois de France dans l'ap" plication de leur système d'agrandissement, visèrent-ils » d'abord à s'emparer de Montpellieret. Il devait leur être " facile ensuite, Dieu et les circonstances aidant, de s'in" troduire, au moyen du voisinage et du droit de suzerai(1)

suzerai(1) 15 avril 1255, sur les conseils de l'habile diplomate Gui Folcueis, l'évêque de Maguelone, Pierre de Conques, se soumit au joug royal.

(2) En 1260, le même Gui Folcueis amène le roi d'Aragon, Jayme Ier à se proclamer publiquement vassal de l'évêque de Maguelone pour la ville de Montpellier et le château de Lattes,

(3) Germain. — Hist. de la com. de Montp. t. II. passim.

(4) Hist. de la com. de Montp. t. II, 96, pass.


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» neté immédiate inhérent à ce fief, dans la seigneurie de » Montpellier. Philippe-le-Bel lui-même se serait vrai» semblablement montré moins jaloux d'acquérir Montpel» lieret, si, à la possession de ce bourg n'avait été attaché » un droit de suzeraineté capable d'exciter son ambition. »

Reconnaissons enfin que, sans être absolument désintéressé, en général, le dévoûment des évêques de Maguelone à la France favorisa singulièrement les vues politiques de nos rois. Placés entre les rois d'Aragon, héritiers des Guillems, et les riches et fiers bourgeois de Montpellier, les évêques de Maguelone, en butte à d'incessantes tracasseries, abreuvés de dégoûts, ne demandaient pas mieux que de pouvoir se décharger, moyennant compensation, d'un fardeau trop lourd pour leur faiblesse.

Tel fut particulièrement le cas de Bérenger de Frédol (1) qui gouverna l'église de Maguelone pendant trente-quatre ans, huit mois et trois jours (1262-1296).

Non-seulement cet évêque, dans le cours de son long épiscopat, fut en guerre avec les seigneurs de la maison d'Aragon, mais il eut à lutter contre les consuls et les officiers de justice de la commune de Montpellier. Ainsi le 19 juillet 1291, l'official de Maguelone, Bertrand Matthieu, fulmine contre Montpellier une sentence publique d'excommunication pour attentat à la liberté du clergé. Quelques mois auparavant, l'évêque de Maguelone avait déjà lancé une sentence analogue contre les consuls de Montpellier, parce que ceux-ci s'obstinaient à comprendre les ecclésiastiques dans la répartition de l'impôt.

Justement Philippe-le-Bel, dans ce temps-là, n'avait pas encore systématiquement déclaré la guerre à l'Eglise (2). Comme petit-fils de Saint Louis, il était, au contraire, l'objet

(1) Ne pas confondre l'évêque de Maguelone, Bérenger de Frédol, avec le cardinal son homonyme, compilateur du Sexte des Décrétales, ni avec le neveu de ce cardinal qui mourut cardinal lui-même et évêque de Porto en 1323.

(2) Germain. — Hist. de la com. de Montp. t. II, p. 112 pass.


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des sympathies cléricales. Bérenger de Frédol avait foi en lui; il se flatta que, si ses droits trop souvent méconnus étaient une fois remis aux mains du roi de France, il aurait enfin raison de ses adversaires (1).

Cette pensée le séduisit, et Philippe-le-Bel, qui l'attendait là, se garda bien n'y pas donner suite. Rien ne fut brusqué,

pourtant : Philippe le-Bel, en diplomate habile et sur d'arriver à son but, sut ménager les hésitations d'un vieillard indécis.

indécis.

Après bien ds pourparlers : " Dudum tractatum fuit inter

gentes noslras, » est-il dit dans le contrat d'échange, Bérenger

de Frédol se décida enfin , et envoya Adhemar de Cabreroles,

prévôt du Chapitre, Martin de Vabres, chanoine , procureur

du Chapitre, et Bertrand Matthieu, chanoine de Viviers, official

official Maguelone , pour traiter directement avec le roi, à

Paris.

Les délégués de l'Evêque sont persuadés que la seigneurie

de Montpellier est pour l'Église de Maguelone une source de

fréquents et perpétuels ennuis. A Montpellier, ne faut-il pas,

en effet, assurer l'ordre, organiser une police , subvenir enfin

à tous les frais d'une coûteuse administration? Et pourquoi ,

s'il vous plaît ? Pouf quels revenus, je vous le demande ? Et

proventus exinde obvenientes pro tanto tenues et exiles, quod modicam

modicam fere nullam utilitatem consequitur ex eis. Vraiment

Bérenger serait bien bon de conserver dans sa mense une

charge sionéreuse, alors surtout que le roi de France lui offre,

en compensation, des biens beaucoup plus utiles et d'un rapport

rapport assuré.. Et ca que assignantur eisdem sunt et

erunt valde eis utilia et Ecclesie predicte, absque onere sumptuum

sumptuum laborum.

Animés de pareilles dispositions , les délégués épiscopaux ne pouvaient manquer de s'entendre promptement avec les agents du roi. Munis de pleins pouvoirs, agissant au nom de

(1) Les rois d'Aragon et de Majorque, les représentants de la commune de Montpellier.


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leur Evêque et du Chapitre, ils transférèrent au roi de France, dans la personne de Philippe-le-Bel , tous les droits temporels des évêques de Maguelone , sur le fief de Montpellieret (1) , la seigneurie de Montpellier et la châtellenie de Lattes.

Il y eut bien, de leur part, quelques réserves : par exemple, que le roi ne pourrait ni aliéner ces droits , ni les transporter à personne ; qu'il laisserait l'Evêque exercer la justice in suam familiam infra domum suant episcopalem delinquentem ; que l'hospice épiscopal de Montpellier et certains moulins , avec jardin et prairie, ne seraient pas compris dans cet échange, mais feraient l'objet d'un contrat spécial : de valore ad valorem. Philippe n'eut garde de se montrer difficile ; il accepta sans ■récriminer, et obtint, pour prix de sa royale condescendance, que l'Evêque de Maguelone lui abandonnât , par un article exprès, toute juridiction sur les Juifs de Montpellier.

« Remarquons cette dernière clause, ajoute l'auteur déjà cité (2) ; elle caractérisera politique du monarque, Philippe , déjà pressé par le besoin d'argent, ne négligeait aucun moyen de s'en procurer..Or, il trouvait , dans les Juifs de Montpellier , matière à exploitation (3) ; car ils étaient riches , et il n'ignorait pas que, depuis des siècles, tous les pouvoirs les avaient successivement respectés. Il croyait devoir, en conséquence, se les réserver, certain d'en tirer d'autant plus que

(1) Il ne faut pas oublier que Montpellier se divisait, au moyenâge, en deux villes distinctes , séparées par la ligne continue des rues du Pila, S. Gély,de la Monnaie, de Sainte-Foy et de la Grand'- Rue. D'un côté, à l'Ouest, vers le Peyrou, était Montpellier, au roi de Majorque ; de l'autre, à l'Est, vers l'Esplanade , Montpellieret, fief de l'Evêque de Maguelonne, qui avait sa cour à la Sallel'Evêquè, dans la rue qui porte encore ce nom.

(2) Germain. Hist. de la comm. de Montpellier, t. II, 114, 39.

(3) En 1295, Philippe-le-Bel fit arrêter, par le sénéchal de Beaucaire et de Nimes, les Juifs les plus riches du pays, sans excepter ceux qui se trouvaient justiciables des prêtres. L'évêque de Nimes. réclama et obtint grâce pour les siens. L'évêque de Maguelonne ne put en faire autant, et pour cause ! Le roi de France prit, sans doute, sa revanche sur les Juifs de Montpellier.


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leurs fortunes avaient été moins atteintes jusque-là. Un pareil trait suffirait à peindre Philippe-le-Bel. »

En échange d'un si magnifique cadeau , le roi de France promettait à l'Évêque de Maguelonne cinq cents livres de rente' annuelle, en monnaie, melgorienne , à prendre : in terra nostra.

L'Evêque aurait, en outre , la haute et basse suzeraineté

sur la dite terre : Cum omnimoda jurisdictione ; le roi ne se réservait que le droit de Chevauchée : retentis tamen nobis exercitu et cavalcata et equis armatis , droit qu'il continuerait d'exercer sur cette terre, selon le mode, établi dans la sénéchaussée de Beaucaire.

... Ce n'est pas assez encore : Philippe-le-Bel, voulant se montrer aussi généreux que son royal cousin, laissait à l'Evêque, au Chapitre et aux chanoines de Maguelone : quoad cupas et leudas, uneimmunité en tout pareille à celle dont ils jouissaient y dans Montpellier, de là part du roi de Majorque.

De plus, ordre serait donné au recteur de Montpellier pour le Roi, d'ajouter à son serment, qu'il conserverait dans, leur intégrité.les droits de l'Evêque et du Chapitre de Maguelone.

Maguelone.

Enfin , grande recommandation aux futurs vassaux de l'Évêque, d'être, à son égard, aussi obéissants, aussi respectueux qu'ils l'ont toujours été et qu'ils le sont encore pour le roi de France.

Telles étaient les principales clauses de ce contrat. A n'en

considérer que les termes eux-mêmes, cet échange né paraît pas défavorable à Bérenger de Fédol et à ses successeurs. Ses droits semblent du moins tout à fait garantis. S'il donne, il reçoit une juste compensation. — Ita quod res quant ex permutatione habebit episcopus sit ejusdein valoris. Le texte est formel.

Il y avait donc dans toutes ces promesses de quoi tenter et séduire des hommes même plus avisés que les commissaires de Bérenger. Voilà pourquoi, séance tenante, le prévôt Adhémar, le procureur Martin de Vabres et l'official


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Bertrand Matthieu signèrent l'acte de cession de Montpellieret, avec tous ses droits, en faveur du sérénissime Philippe, roi des Français, par la grâce de Dieu.

Ils se firent même forts de le faire accepter tel quel par l'Evêque et par leurs collègues du Chapitre, — Promittimus efiam nos facturos et curaturos quod omnia et singula predicta, dictus Dnus Epus et Capitulum rata habebunt perpetuo, eaque approbabunt et ratifîcabunt expresse. -—Il fallait être bien sûr de ses commettants pour s'avancer ainsi et tenir un pareil langage !

Par leurs soins une copie de cet acte fut adressée au roi de Majorque, seigneur de Montpellier et de Lattes, ainsi qu'à tous les intéressés, avec ordre d'être pour le roi de France et ses successeurs ce qu'ils avaient été pour l'Evêque de Maguelone, c'est à dire de bons, loyaux et. fidèles serviteurs.

Le tout sous la réserve des droits du Pape, de l'Egliseromaine et; du métropolitain, l'Archevêque de Narbonne,

Fait et signé à Paris. —Mars 1292 (1293).

Voilà donc Philippe-le-Bel parvenu à son but. Un plein succès a couronné ses efforts, son triomphe est complet puisqu'il a été assez habile pour faire accepter en compensation, un revenu annuel de 500 livres à prendre sur une terre indéterminée.

Le vague de cette expression dissimulé sous des formules respectueuses n'avait pas été sans doute remarqué par les délégués épiscopaux et cependant c'était une porte toujours ouverte aux difficultés. Elles ne manquèrent pas ; elles vinrent nombreuses et à bref délai. Les légistes de Philippele-Bel avaient eu faison de Bérenger de Frédol ; c'est ce qui ressort très clairement de la lecture des pièces inédites que nous allons résumer.

Un des premiers actes de Pbilippe-le-Bel fut de prendre


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possession de sa diplomatique conquête. Il fallait là un homme ferme, intelligent et dévoué à la Couronne. Cet homme, le Roi le trouva en la personne du chevalier Guichard de Marziac qu'il nomma recteur de Montpellier.

Une fois, maître de la placé, Philippe-le-Bel songea au dédommagement promis à Bérenger, de Frédol, Que lui donnerait-on ? La terre d'un revenu annuel de 500 livres n'ayant pas été déterminée dans le contrat, son choix appartenait au roi de France ou à ses agents. Restait à savoir si l'offre conviendrait à l'Evêque. — Tonte la question était là !

Par ordre du Roi, le sénéchal de Beaucaire et de Nimes, le chevalier Alphonse de Rouvrai, proposa à Bérenger la partie royale de la ville d'Alais dont les revenus constituaient précisément une rente annuelle de 500 livres.

Bérenger refusa net et d'une manière telle sans doute qu'on n'osa plus en parler.

On se rabattit donc sur la ville et la baylivie de.Sauve (1). Nous croyrons intéresser en donnant ici un rapide aperçu des transformations successives de Sauve au point de vue administratif. Sans entrer dans la question si ardue de la viguerie perpétuelle de Sauve persistant à côté de la seigneurie, exemple unique dans notre région , (ainsi, en 1236, Guillaume Raymond était viguier perpétuel de Sauve alors que Pierre, Bermond en. était le seigneur) , nous dirons qu'à l'origine Sauve faisait partie de la viguerie de Sommières.

Détachée de Sommières au moins à la fin du XIIIme siècle, Sauve devint une viguerie ou baylivie indépendante gouvernée par un viguier (vicarius ou baylivius), espèce d'agent royal dont les principales: attributions étaient : .... mandare et congregare cavalcatas; cogere homines ire ad guer(1)

guer(1) fut d'abord du domaine royal ; Charles-le-Simple en fit donation en 898 à l'àrchévêqué de Narbonne pour en faire servir les revenus à la réparation de sa cathédrale. La seigneurie passa, plus tard à la fameuse famille d'Anduze à qui elle fut confisquée en 1259 pour complicité avec les Albigeois. — Goiffon. — Dict. top., stat. et Hist. de Nimes


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ram et dictos homines conducere... , homines criminosos caperé et condemnatos punire et justiciare... .

Enfin la baylivie prit le nom de baillage au milieu du XVIme siècle et fut administrée par uu bailli jusqu'au moment où Sauve devint un simple canton du district de SaintHippolyte (1790-1791).

La vigueriè de Sauve comprenait à partir de sa création les communautés suivantes : Sauve — Ceyrac — Aguzan — Conqueirac — Saint-Hippolyte — Pompignan —- Montolieu — La Cadière — Baussels — Cézas — Cros — Cambo

— Saint-Roman-de-Codière — Logrian — Puech-Flavard — Bragassargues — Galbiac — Quissac — Roque — Comiac — Brouzet — Liouc — Corconne — Saint-Pierre-de-Vaquières

— Saint-Félix-de-Pallières — Saint-Martin-de-Sossenac. Quoad ressortum, tuillam et cavalcatam, la viguerie comprenait encore : Ferrières et son mandement — Claret — Sauteyrargues — Saint-Martin-de-Londres — La Roqueeinier — Pégueiroles et Buèges avec son mandement — Lauret— Alairac.

Les métairies et maisons seules de : Bévieures — Paillas

— de Lou Capouladou— des Figuières — de Frouzet - de Mascla — Conque — Uglats — Montblose.

Les châteaux et forteresses suivantes — Sauve — Roqueeinier — Pégueiroles et Buèges — Claret— Mirabel — Montolieu —Roquefourcade — Roquette de Conqueirac — SaintMartin-de-Londres — Saint-Roman — Corconne — Roquehaute ou Roucaute (1).

Occupé ailleurs ou froissé du refus de la ville d'Alais, le sénéchal de Beaucaire, Alphonse de Rouvrai, remit cette affaire entre les mains du Recteur de Montpellieret, Guichard de Marziac.

Plus patient ou plus adroit, ce dernier fut sur le point de

(1) Nous devons ces détails sur la viguerie de Sauve et ce tableau tout à fait inédit à M. A. Bardon, receveur de l'Enregistrement, à Nimes, dont l'érudition n'est égalée que par son obligeance et son exquise amabilité.


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réussir. Au nom du Sénéchal, il offrit à l'Evêque la ville et la baylivie de Sauve pour lui constituer là fente promise. Il avait fait dresser la liste des redevances et des revenus que le roi percevait sur ce pays avec assez d'habileté, pour que Bérenger de FredoI parut céder jusqu'à plus amples informations. La joie du Recteur fut de courte durée ; Bèrenger chargea son procureur Étienne d'Orthoux de vérifier le rapport du chevalier de Marziac sur les revenus de Sauve. Et le 20 août 1293, maître Étienne d'Orthoux instrumenta en ces termes :

« L'an de l'Incarnation 1293 , etc. Me Etienne d'Orthoux, procureur de l'Évêque de Maguelone au chevalier G. de, Marziac représéntant ici le sénéchal de Beaucaire et de Nimes :

1°Pour les censives de la terre de Sauve, évaluées par vous comme étant d'un rapport annuel de vingt-six livres — si ita est, congruam assïsiam reputamus.

2° Pour la Cour royale.-- Idem --- Cent livres !

Ce chiffre est exagéré, attendu que le roi n'en a jamais tiré plus' de cinquante livres ; encore: ce revenu était-il absorbé par les frais divers.

3° Pour les lods (1).- Idem- Cinquante livres !- Refusé,

parce que jamais , en l'espace, les lods n'ont figuré dans le revenu annuel d'une terre.

4° Pour....,..... ici le texte est altéré,.... mais également refusé — Cum sit exactio personalis et in eorum potestate etiam recedere vel remanere quando volent.

5° Pour cinquante-huit àlbergues (2), de chevaliers — Cent seize sous (3)— Haec bona est, si ita est. 6° Pour soixante et quatorze mas, sur lesquels le roi a lé. droit d'entrée et de sortie, selon le mode suivant : « Si une

(1) Redevance que le seigneur percevait sur le prix d'un héritage vendu dans sa seigneurie.

(2) Droits de gîte que le suzerain réclamait dé ses vassaux, de; temps à autre pour faire acte d'autorité.

(3) La livre valait vingt sous, et le sou douze deniers.


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femme sort du mas pour se marier ailleurs, elle doit quinze sous, pour sa sortie ; — si au contraire une femme étrangère entre comme belle-fille, dans n'importe quel mas. Dnus Rex habet ad voluntatem suam.

En tout, quinze livrés! — Refusé—- Rien de moins assuré que ce revenu ; d'ailleurs, il n'est pas vraisemblable qu'il y ait tant de mariages sur la terre de Sauve.

7° Sequitur de Blado — Pour cent quarante-deux sétiers de froment à quatre sous le sétier (1), Total vingt-huit livres et huit sous ! Refusé — Il y a là une exagération de douze deniers par sétier (2) si cm s'en tient au prix courant de la baylivie.

8° Pour soixante et treize sétiers de seigle, à trois sous le sétier , dix livres et dix-neuf sous ! — Refusé, c'est six deniers de trop par sétier.

9° Pour deux cent soixante-cinq sétiers d'avoine à deux sous et six deniers — Refusé pour le même motif — six deniers de.trop par sétier.

10° Pour trente-trois sétiers d'orge, à deux sous le sétier— Soit soixante-six sous —-Refusé toujours pour la même raison,

11° Pour quatre cents sétiers de mescla, à trois sous le sétier.— Total,— soixante livrés —Refusé parce que c'est encore un excès de six deniers par sétier.

12° Pour trente sétiers de millet à deux sous le sétier — soit trois livres ou soixante sous — Refusé —six deniers de trop par sétier.

(!) En 1302, d'après un acte du prieuré de S. Baudile, le sétier de blé ne valait dans Nimes que deux deniers et le sétier d'orge, qu'un denier.

En 1322, d'après Ménard, le froment valait dans nos pays, quatre sous le sétief ; l'orge deux sous ; les légumes, trois sous ; le muid de vin, trente sous ; la canne d'huile, quatre sous ; une poule, quinze deniers; un chapon, deux sous ; une charge de bois à brûler, huit deniers, etc.

(2) D'après la supputation de Géraud (Paris sous Philippe-le-Bel) page 560-39 , une somme d'argent quelconque, prise à la fin du XIIIe siècle , doit être à peu près quintuplée , si l'on veut avoir sa valeur réelle.


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13° Pour vingt sétiers de légumes,: à quatre sous le sétier ! —- Total : quatre livres. — Exagéré et inadmissible.

14° Pour quatre cent cinquante sétiers de sel, à huit deniers le sétier.- Total : quinze livres. — Reçu, pourvu que......:

Cestaria sintcerta et censualia.

15° Pour quarante moutons, à cinq sous le mouton (1). - Soit: dix livres : Hanc admittimus , si certa sit pecunia.

16° Pour vingt-deux porcs , à dix sous chacun.— Total : onze livres. —C'est, bon : modo certa sit pecunia.

17° Pour dix mesures de vin, à vingt sous la mesure..— Total : dix livres. — Admis, avec la même réserve, 18° Pour quarante poules, à six deniers la poule. —Total : vingt sous : Hanc admittimus si sint censuales. 19° De même, le.fief de Claret ; qui appartient à Pierre de Ganges, et le fief qui est aux enfants de Guillaume de Claret, et celui de là Roque-einier, qui est à Frédol de la Roque-einier, valent , d'après vous, cinquante livres de rente par an. (Quorum feudorum proprietas in pretio estimatur quinque mille libras.

20° Et le fief de Corconne, qui est à Pons Rey, porté par lui à cinq livres (de revenu annuel), et celui de Jean Béraud, dans la paroisse de Saint-Hippolyte, évalué par lui cinquante livres, et celui de B. Dumas , dans la paroisse de Lauret , quatre-vingts livres, et celui de Bertrand Fabre, dans la paroisse de Saint-Hippolyte, ainsi qu'un autre, dans la vallée de Pompignan, estimés par lui trente livres. Tous ces fiefs rapportent au roi, toujours d'après vous, une rente annuelle de dix livres.

Or, nous refusons ces deux derniers articles (19 et 20) ; car ils ne sont conformes ni à la justice, ni à la vérité. :

Voilà pourquoi, moi Étienne d'Orthoux, parlant ici au nom de mon évêque, je proteste énergiquemeht contre votre offre,

(1) En 1345, le sou tournois, équivalait à 87 centimes d'aujourd'hui, et le denier de là même monnaie , à un peu plus de 7 centimes; mais entre 1293 et 1345 , se trouve le règne de Philippe-leBel, avec ses nombreuses altérations monétaires qui, imitées par ses successeurs, devaient introduire une si funeste confusion':dans toutes les transactions sociales. 3


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dans son ensemble comme dans ses détails. Je déclare que je suis prêt à recevoir, pour mon évêque congruentem assisiarm et in locis congruis et honorabilibus quingentarum librarum annui redditus cum mero et mixto imperio.

A cette protestation, le chevalier de Marziac répondit qu'il était disposé à faire la preuve des chiffres avancés par lui, dans son rapport. Il ajouta que si l'évêque de Maguelone n'était pas satisfait de ses calculs, il n'y aurait qu'à s'en remettre à des experts nommés par le sénéchal.

Sur ce, Me Étienne d'Orthoux protesta de nouveau, au nom de Bérenger de Frédol, et devant les témoins : Dieudonné de Bociacis, chanoine de Bèziers, Hugon, d'Alais, damoiseau, et Bernard de Ferrières, notaire épiscopal, qui rédigea l'acte, à Montpellier , le 20 août 1293, en l'église de Sainte-Foy (1).

Après ce second refus-, l'affaire menaçait de traîner en longueur. Il fallait cependant à tout prix éviter un conflit direct entre l'évêque et le roi. D'ailleurs , Philippe-le-Bel n'aurait pas manqué , au moins pour la forme, de donner tort à ses agents. Aussi, le chevalier de Marziac fut-il tout heureux et tout aise de repasser la cause à son supérieur le sénéchal.

Force fut donc à celui-ci de s'en occuper une seconde fois. Les pourparlers entre lui et Bérenger de Frédol durèrent; environ deux mois.

Enfin, le 1er octobre 1293, Alphonse de Rouvrai vint en personne trouver l'évêque à Grandmont (apud Grandem Montem, in Comitatu Melgoriî), et lui parla à peu près ainsi: " Révérend Père et seigneur,vous ne l'ignorez pas,je suis chargé, par le roi Philippe, mon illustre maître, de vous constituer, sur son domaine, une rente annuelle de cinq cents livres,; de

(1) Annexe de la paroisse Saint-Denis , de Montpellier, située dans là rue qui porte ce nom de Sainte-Foy , détruite en 1562, et remplacée par la chapelle des Pénitents-Blancs qui, en la rebâtissant, en ont conservé la vieille façade.


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Vous livrer en même temps le droit de haute et de basse justice, la juridiction du fief et en général tous les avantages appartenant à la couronne sur la terre qui sera choisie dans ce but ; et cela, pour vous dédommager justement de la cession de Montpellieret, faite par vous au roi de France, ainsi que de l'abandon de la haute suzeraineté que vous avez sur le roi de Majorque pour Montpellier et la châtellenie de Lattes.

«Je vous ai offert, soit par moi, soit par mes agents, de constituer cette rente sur la partie royale de la ville d'Alais. Vous ayez refusé. Désireux de remplir, pour ce qui me concerne, l'ordre du roi, ainsi que ses promesses, je vous ai offert plusieurs fois, directement, ou par l'intermédiaire de mes officiers, en particulier, par le chevalier de Marziac, la ville et la baylivie de Sauve, avec tous les droits et revenus qui y sont attachés.

« Au moment même où le rapport du chevalier de Marziac vous a été présenté, vous l'avez pris en considération.

" Ce qui ne vous a pas empêché, quelques jours après , de lui répondre , par votre procureur Étienne d'Orthoux, que vous ne pouviez accepter nos propositions.

«J'ai commandé alors aux nobles hommes, le chevalier Guichard, le seigneur Guidon de Caprérii, chevalier-châtelain de Beaucaire , le seigneur Rostaing de Pujaut, chevalier, viguier de Bellegarde, et Guillaume de Nogaret , docteur-èslois, d'expertiser la ville et la baylivie de Sauve, de s'entendre enfin avec un grand nombre : d'hommes versés dans le droit, pour faire une enquête sur la cause en litige.

«L'enquête terminée, du rapport de mes quatre, délégués, il résulte que le chevalier de Marziac, de bonne foi, ignorant la valeur réelle des choses , s'est trompé, par exemple, en n'estimant qu'à 100 livres tournois le revenu annuel de la justice dans la ville et la balyvie de Sauve.

«J'affirme que ce revenu est de deux cent cinquante livres par an. Quelques uns , il est vrai, le réduisent à trois mille sous (150 livres).


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" Ne voulant rien surfaire, mais plutôt prendre une juste moyenne, moi Alphonse de Rouvrai, sénéchal de Beaucaire et de Nimes, je soutiens que ce revenu est de deux cents livres par an, et je suis prêt à en faire la preuve.

« Cependant, pour un bien de paix, et pour en finir, quoique le chevalier de Marziac vous ait offert les choses au-dessous de leur valeur, je tiens pour bonne son offre, et je la ratifié.

« Je vous livrerai donc la ville et la baylivie de Sauve, qui vous assureront une rente annuelle et perpétuelle de cinq cents livres. S'il y a un excédent, il sera pour la couronne ; si, au contraire, un jour ou l'autre, vous ne trouviez pas votre compte, nous soumettrons la difficulté à l'arbitrage d'hommes probes et compétents.

« Et maintenant je suis tout disposé à passer contrat avec vous et à terminer cette affaire, si vous le jugez à propos. »

Étaient présents à cette entrevue : le prévôt Adhémar , Bernard de Vissec, archidiacre (1) , Bérenger d'Aumélas, sacristain , Henri de Cabriac, chanoine de Maguelone, Oudard Choulet, chevalier, châtelain de Sommières , Raymond de Melgueil, chevalier , R. de Frédol, chanoine de Narbonne, docteur ès-lois , Bertrand Matthieu, Ch. de Viviers, officiai de Maguelone, Bernard ou Rénald de Mèze, viguier de Béziers ; Pierre de Crosoles, bourgeois de Montpellier et plurium aliorum.., enfin Jean de Barneville, notaire public du Roi, en la sénéchaussée de Beaucaire.

On le voit, Guillaume de Nogaret avait passé par là. Le futur chancelier de Philippe-le-Bel poursuivait ainsi sa brillante carrière et ses coups d'essai étaient des coups de maître.

Mais Bérenger de Frédol ne se rendit pas tont dé suite. Se défiant, non sans quelque raison, de la belle logique du sénéchal et surtout de l'impartialité de ses experts, il pré(1)

pré(1) même qui en 1296, à la mort de Bérenger de Frédol, fut élu évêque de Maguelone, mais si ignorant, si. incapable que Boniface VIII se trouva dans la nécessité de lui refuser ses bulles. Il avait été nommé par le Chapitre de Maguelone.


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féra s'en rapporter à l'arbitrage d'un de ses collègues, à Pierre de la Chapelle, évêque de Carcassonne (1), un des prélats les plus influents et les plus actifs de ce temps-là. En somme le roi était trop enchanté de ses acquisitions pour se montrer hostile à l'évêque de Maguelone. Il avait, en outre, une très grande confiance en Pierre de la Chapelle gagné depuis longtemps à la cause française. Peut-être même trouvait-il que ses agents avaient dépassé ses instructions et fait un peu trop de zèle ? Quoiqu'il en soit , l'évêque de Carcassonne fut chargé par Philippe le Bel d'asseoir la rente sur une base nouvelle.

Pierre de la Chapelle (2) se mit résolument à l'oeuvre. Avec l'aide et le concours des sénéchaux de Beaucaire et de Carcassonne , il examina toutes les pièces du dossier, puis se regardant comme judex (3) ordinator vel etiam exequutor, il assigna à son collègue de Maguelone , d'abord la ville et la baylivie de Sauve, avec tous ses droits, revenus et avantages, mais seulement pro valore trecentorum sexaginta librarum melgorensium annui redditus.

Il manquait encore cent quarante livres. Aussi un peu plus lard, de 1294 à 1301, l'évêque de Carcassonne assigna à celui de Maguelone, la châtellenie de Durfort avec tout son baillage qui comprenait au moins : Monoblet, Fressac , Vibrac, Saint-Martin — et celle de Sainte-Croix de Fontanès, pour-une rente annuelle de quatre-vingt livres et dix sous. —■ Enfin les cinquante-neuf livres et dix sous qui restaient pour arriver aux cinq cents livres promises furent prises sur la châtellenie de Poussan.

Bérenger de Frédol était mort en 1296, sans avoir pu régler cette importante affaire ; ce fut son successeur Gaucelin de la Garde qui eut la satisfaction de terminer le diffé(1)

diffé(1) — Séries praesulum Magalonensium, t. 1, p. 416, sq.

(2) De" Carcassonne, il monta sur le siège de Toulouse. Il devint cardinal du titre de Saint-Vital.

(2) Gariel — Séries praesulum Magalonensium, t. I. 421.


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rend d'une manière définitive et même assez avantageuse pour' l'église de Maguelone.

A partir de ce jour, on voit les évêques de Maguelone ajouter, non sans quelque fierté, à leur titre de comte de Melgueil et de Montferrand, celui de baron de Sauve, seigneur de la Marquerose, de Durfort et de Brissac.

Tout en admettant le principe d'un nouvel arbitrage, les agents de Philippe-le-Bel n'en considéraient pas moins l'acceptation de la baylivie de Sauve par Bérenger de Frédol comme à peu près certaine. Aussi procédèrent-ils, sans délai, à la reconnaissance des fiefs qui ressortaient de cette baylivie. Nous trouvons, en effet, dans le troisième document iuédit la lettre suivante.

« Alphonse de Rouvrai, chevalier, sénéchal de Beaucaire et de Nimes, aux nobles hommes et discrets seigneurs Guichard de Marziac, recteur pour le Roi de la, ville de Montpellier ; Guidon de Caprerii, châtelain viguier de Beaucaire ; Rostaing de Pujaut, chevalier, viguier de Bellegarde ; Messire Guillaume de Nogaret, professeur ès-lois, salut et amitié sincère à vous ainsi qu'à tous les vôtres !

Nous vous mandons de vous rendre en personne à Sauve pour y recevoir, au nom du Roi notre maître, la reconnaissance de tous les fiefs, arrière-fiefs et tous autres appartetenant, n'importe à quel titre, à notre seigneur Roi, dans la baylivie de Sauve et son ressort.

Ordonnons et enjoignons à tous les intéressés, à peiné de perdre leurs biens et leurs droits, de vous obéir sur ce point comme à nous-même.

Fait à Nimes, le 12 janvier 1293 (1294). » Rostaing de Pujaut et Guillaume de Nogaret étant absents, le chevalier de Marziac et Guidon de Caprerii se rendirent seuls à Sauve:

Au jour et à l'heure fixée par leurs lettres de convocation, en l'église Saint-Pierre de Sauve, comparurent successivement les possesseurs de fiefs relevant de la couronne dans la baylivie de Sauve,


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Nous n'en avons pas la liste complète mais nous pouvons affirmer que la procédure fut longue, (du mois de février au mois d'août 1294, pour le moins) et les commissaires du sénéchal durent plus d'une fois revenir à la charge.

Voici d'abord M° Jean Glaubert, faisant pour le révérendissime Guillaume.... abbé de Saint-Guilhem-du-Désert, qui rend hommage et prête sermeni de fidélité :

1° Pour le monastère de Saint-Guilhem-dn-Désert ;

2° Pour les droits temporels que l'abbé a sur Saint-Martin-de-Londres.

Et au mois de juillet, le mercredi, après la fête de SainteMadeleine , c'est Bernard de Montolieu qui se déclare l'homme du Roi et lui prête foi et hommage.

Puis viennent Etienne, de Massillargues (1), damoiseau ; Guillaume Arnaud,damoiseau de Saint-Félix de Pallières ; Gaucelin de Roqueforcade (Saint-Hippolyte) et Bertrand de Cisterna, de Baussels qui, sous la foi du serment, reconnaissent qu'ils sont les ; hommes du Roi, et lui doivent le service militaire.

Fait à Sauve, en présence des agents royaux et devant toute la petite noblesse de la baylivie,— juillet 1294.

« Ainsi s'accomplit la substitution du roi de France à l'évêque de Maguelone dans la juridiction immédiate d'une portion de Montpellier. Le roi de France, nonobstant l'acquisition de Montpellieret , n'est pas encore seigneur de Montpellier. Mais il est en voie de le devenir. En 1349 , Philippe de Valois, complétant l'oeuvre de Philippe-le-Bel, enlèvera le reste de la cité à la maison d'Aragon (2). »

(1) Massillargues, — Marcilhanicae— en 1384, est une commune annexée à la paroisse d'Anduze ; on y compte 27 catholiques et 483 protestants jusqu'au XVIme siècle, ce fut le centre d'une paroisse, du titre de Saint-Marcel, qui disparut à ce moment et ne fut plus reconstituée. (Goiffon. — Dict. top, hist. de Nimes),

(2) Germain,— Hist, de la com. de Montp. t. II, 120.


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PIÈCES JUSTIFICATIVES

lre Pièce

Requisitio et responsio facta per magistrum Stephanum de Ortolis procuratorem Domini Berengarii Epî Magalonensis Domino Guichardo de Marciziaco militi gerenti vice Domini senescalli Bellicadri super assisiam fiendam pro excambio et permutatione Montispessulini.

Anno Dominicac Incarnationis millesimo ducentesimo nonagesimo tertio, scilicet tertiodecimo Kalendas Septembris Dnô Philippo francorum rege regnante et Dnô Berengario Dei gratia Magajon Epô praesidente, magister Stephanus de Ortolis procurator et nomine Procuratoris Reverendi in Christo patris Dnî Berengarii Dei gratia Magalonensis Epî praedicti, constitutus in praesentia nobilis viri Dnî Guichardi de Marciziaco. militis gerentis vice in hac parte ut dicebatur nobilis viri Dnî Alphoncii de Roueyreio militis senescalli Bellicadri, lecta per eumdem magistrum Stephanum nomine quo supra in vulgari eidem Dnô Guichardo, quadam scriptura in quadam papiri cedula contenta usque ad locum ubi dicit : Ego magis- . ter Stephanus, et caetera — Cujus scripturae tenor talis est.— Primo de censibus, in denariis viginti et sex libras.— Si ita est, congfuam assisiam reputamus. — Pro curia Centum libras -— Istam assisiam non reputamus neque justam neque aequam, cum nunquam Dnô Regi voluerit quinquaginta libras, et multo minue valeret si ad ejus manus veniret et nihilominus illud quod haberet opporteret expendere in officialibus curiae et pro defensione jurisdictionis praedictae — Pro laudimiis rerum quae sub certo censu vel servitio tenentur a Dnô Rege, quinquaginta libras, praetèr feuda honorata.— Item non reputamus aequam nec justam cum Dnûs Rexillis quibus habebat similes assisias facere, non consuevit in aliis aliquid pro laudimiis computare, nec generaliter in terra, laudimia pro annuis redditibus computantur ; nec tenor litterae contractus hoc patitur, cûm dictus Dnûs rex Dnô Epô teneatur quinquaginta libras annui redditus assignare, probamus

centum solidorum Istam omnino rationibus

supradictis, cum etiam in jurisdictione. , ad istam


.305 . .

respondeturidem qub supra. ./ . .1 -'-.',-.■ . Pro. . . .-■ , . . > /Et non ssquâm reputamus, cum sit exactio perspnâlis et in éorum potèstaté etiam recedere yel remanêre quftndo volent, — Pro quinquaginta octo libras albergïis militum nisi Dnûs yRex voluerit eas: recapere seu comédere quod est in ejus vpluntate — centum sexdeeim solidôrum — Haec bon a. est, -si ita est —- Pro septuaginta quatuorfmansis in quibus Dnûs : Rex habet intraturas et exituras sub tâii conditione et consue-, tiidine ; videlicet quod quando aliqua mulier exit cum vif o de manso suo solvit pro exitu quinque solidos, et quando âliqua mulier intfat cum viro in quolibet manso, Dnûs Rex habet ad voluntatem suam,— quindecini libras ; àd hanç respondetur quod non est admittenda cum non fuit certi redditus née possit annui reputari nec est verisimile quod tôt celebfentur matrimonia, quôd ad prâsdictas quarititates perveniri possit. ;' Sequituf de blado.vPro septem viginti duobus cestariis frumenti ;. cestafium quatuor splidis ; viginti octù libfis et yd.ecem et noveni solidis : Hic est excessus in quolibet cestàrio «de duodecim çlenariis secundiim terras communem existimationem.-^Proseptuaginta tribus cestariis siliginis, cestarium très solidos, decem libris et deçem et/novem solidis -— Hic est excessus sex denariorum in quolibet cestàrio — Pro ducentis sexagirita quinque cestària dé avenaj sextarium duos solidos et sex denarios : triginta. très libras et duos solidPs et: sex denafios —- Hic est excessus sex dènariofùmin qûor libet cestàrio —- Pro triginta tribus cestariis ordii, Cêstarios duos solidos, sexaginta sex solidos — Hic est excessus sex denariorum in quolibet cestàrio ^— Pro quatuor centum cestariis de mescla, cestarium tf es solidos —-sexaginta libras //— et hic est excessus sex denariprumJin quplibetcestàrio ---- Pro triginta cestariis de milio, cestarium duos solidos, sexa'ginta solidps—-;et hiç excessus in sex denariis in quolibet cêstario , -— Pro viginti cestariis de legumine, cestarium quatuor solidos — quatuor libras— hic extendit in duodecim denariis quodlibét cestarium '— Pro quàdringentis quinqûagenta cestariis de sale ; cestarium octo denariis,—quindecim ■ .-.'libras; ut cestària sint cefta et censualiâ admittenda est—- Pro quadraginta mùtonibus, pro quolibet quinque solidos, ~décem libras -=- Hanc admittimus si cértasit pecùnia—- Pro viginti duobus porcis, pro quolibet decem-solidos, undecim libras — reddetûr ut supra prôximé..;.-— Pro decem mpdiis vini, pro quolibet modio viginti solidos — decem libf as — Hanc admittimus si modia sint cérta et censualiâ — Pro quadraginta gallinis, pro quâlibet sex denarios, viginti solidos Hanc admittimus si sunt censuales.

...!"-." Item feudum Castri de Glarcto quod pertinet Petro .de Àgantico, etillud quod pertinet ad libefos cujusdam: Guillelmi de Glaretb|iet feudum castri de Rupé aynefia, quod peftinet


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ad Ffedolum de Rupeayneria, valent in extimatione quinquaginta. libras annui redditus, quorum feudorum proprietàs in . pretio extimatur quinque mille; libras.

Item feudum Castri dé Gorcona quod pertinet ad Pontium Régis , quod: extimatur per eum-quinque- libras, et feudum quod habet Joannes Beraudi in parochia S4i Hyppolitiyquod extimatur per eum quinquaginta libras, et feudum quod habet B. de Manso in parochia de Laureto quod extimatur per éùm quatuor viginti libras,et feudum quod habet Bertrandus Fàbfi in parochia SK, Hyppoliti et quod habet in valle Pompiriiani quod extimatur per eum triginta libras, valent in extimatione Dnô Régi annui redditus decem libras, quae feuda tenentur a Dnô rege sine aliquo servitio — Istas duas non admittimus taitquam injustas et non aequas.

Idem magister Stephanus de Ortolis praedicto DnôEpô et ejus nomine dixit et respondit, protestatus fuit, requisivit dictum Dnùm Guichardum per haec verba. —Ego magister Stephanus de Ortolis, procurator et nomine procuratoris R. P. Dnî Epî Magalô , constitntus coram vobis nobili vîro Dnô Guichardo de Marziaco, milite,- gerente vice in hac parte ut assertus nobilis viri Dnî Alphontii Roueyrais militis senescalli Bellicadri et Nemausi ad oblationem quam nupef fecisti eidem Dnô Epô super assisia facienda et in scriptis reddidisti ratioae et occasione permutationis Montispessûlani et Latarum ; Respondeo ut supra in praesenti cedula et in fine articulbrum per Vos redditorum continetur, protèstàhs ut supra et bfferens nomine dicti Epî congruentem assisiam recipere et in locis congfuis et honbrabilibus quingentarum librarum annui redditus cum mèro et mixto imperio Epô fieri postulo et requiro de quibus et super quibus réquisiyefunt infra scriptum notarium per nie fieri publicum instrumentum in praesentia et testimonio Dnî Deodati de Bociacis canpnici Biterensis —Hugpuis Amissi, domicelli et mei notàrii infra scripti,

Ad quae respondit incontinenti, dictus Dnûs Guichardus, et obtulit dictum Dnum Senescallum esse paratum facére et assidere assisiam quingentarum librarum prout superiùs in scriptura praecedenti continetur, quae alias est ut dixit , eidem Dnô Epô oblata, dixit tamen quod-si praedicta assisia nimium excédât -vel minus congrue sit fixata, paratus est eam facere redigi ad aequalitatem congruam et décentem per extimatores a dicto Dnô Senescalle super iis deput&tos ; obtulit etiam dictum Senescallum facere et complere dictàm assisiam dicto Dnô Epô in locis honorabilibus et congiuis juxta formam contractas permutationis praedictae, et incpntihénti dictus M. Stephanus respondit et protestatus fuit et requisivit ut supra. •■-'■"■■:'.

Âçta fuêruntliaec omnia, et singula praedicta apud Môntem»


367

pessulanum, in praesentia et testimonio dicti Dnî Deodati Bpciacis et Hugonis Amissitestium praediclorura et mei Bernardi de Ferreriis publici pracdicli Dnî Epî Magalon notarii qui requisitus hq.ec scripsi et signo meo signavi.

2° Pièce.

Tfactatus factus inter Dnûm Senescallum Bellicadri et Ne-

Ne- pro Dno Rege franciae et Dnûm Epûm Magalôn, de

:.-/'-.assisia ficnda pro excambio et permutatione de parte villae

Montispessulani, vocata Montispessulanetus cum bailivia

. Salvii.

In nomine Palris et Filii et Spiritus San'cti. Arnen. — No/y.erinl

No/y.erinl praescns publicum instrumenlum visuri quod ;anno Dnicae Incarnationis millesimo ducenlesimo nonagesimo tertio Kalcndarum octobris, Dnô Philippo rege francorum fegnante, nobilis vir Dnûs Alphontius de Roueyraio miles,

ysènescallus, Adiens R. Palrem in Christo Dnûm Berengafium Dei gratia Magalonensem Epùm specialiter propler infra scripta, dixit et proposuil quod cum Dnûs rex notter

; et ipse Dnûs senescallus pro ipso assidere debebat Dnô Epô

: memoralo, quingentas libras annui redditus cum omni jurisdictione alla et bassa in terra ipsius Dnî Régis, jurisdictionem tamen feudi et aliis ad Dnûm Regem ibidem spectantiybus.

spectantiybus. communem lerrae exlimationem proborum virorum ârbitrio computandi , ex causa permutationis inter ipsum Dnûm Regem et procuratores dicti Dnî Epî et capituli Ma^ailonensis factae de parte villae Montispessulani quae Montispessulanetus vocatur et jure superiorilalis etfeodagii partis alterius villae Montispessulani ad illuslrem Dnûm Regem

yMajorïcarum et Montispessulani Dominum pertinents, et Castri de Lalis quae dictus Dnûs Rex Majoricarum in fen:dum tenebat à Dnô Epô supradicto prout in'strumento seu litteris ipsius permutationis plenius noscetur contineri —

yïpseque Dnûs Senescallus juxta mandatum regium tam per se quam per alios obtulit Dnô Epô memorato, parlem villae

\Alësti cum redditibus et aliis juribus ad Dnûm Regem per/tinentibus,

per/tinentibus, adhuc offerat per ipsum Dnûm Epûm habendam et lenendam ])ro assisia dictarum quingentarum librarum turonensium quousque linalis assisia et perpétua facta sit de proedictis ipsi Dnô Epô in locis congruis et vicinis ipsi

;Dnô Epô prout conventum extitit inter Dnûm Regem et procuratores praedictos, sicut in litteris regiis pleuius conlinetiir. Ipsoque Dnô Epô récusante oblationem praedictam reci-


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père, ipse Dnûs Senescallus voleus adimplere ex parte Dnî Régis dictas permutationis contractum, et promissa, ei obtulerit pluries tam per se quam per alios dicto Dnô Epô finalem assisiam supradictam, et speciajiter Dnûs Guichardus dé Marziaco miles et Rector Montispessulani pro Dnô Rege. nostro, nuper nomine ipsius Dnî senescalli, obtulerit dicto Dnô Epô pfô finali assisia supradictam villam et bailiviam Salvii cum bimïi juridictione,'fendis, quibusdam redditibus et proventibus et aliis certis juribus ad certam extimationem a positis nominatis expressis et expecificatis ipso Dnô Epô prout in instrumento pubhco ipsius oblationis clarius continetur; dicfusque Dnûs Epûs; licet tempore ipsius oblationis dicti Dnî Guichardi, deliberationem retinuit, finaliter tamen per procur'atprem suum responderit dicto Dnô Guichardo, nec super extimationem rerum, perdictum Dnûm Guichardum oblatarum, cpncordaverunt cum eodem. — Ipse Domi' nus senescallus de communi extimatione ferum ipsarum volëns'plenius informari, fecil inquiri per nobiles virps, dictum Dnùm Guichafdum, Dnûm Guidonem Caprerii, militem, castellanum Bellicadri, Dnûm Rostagnum de Podio-alto-militem, vi.carium Bellegardiae et per Dnûm Guillelmum de. Nogareto , legum doctorem ad praedictam extimationem faciendam praedictorum, ut eorum arbitrio fieret assisia supradicta in praesentia dicti Dnî Epî sptcialiter Constitutos , qui inquisiverunt de praedictis , cum multis prôbis viris juratis, clericis scilicet et praelatis etiam nobilibus et aliis probis vifis, ets rèlatione eidem Dnô Senescallo facta, informatiorieni: ipsius^ ipse Dnûs Senescallus invenit ex rèlatione dictorum quatuor proborum virorum, pretium et extimationem annùi redditus, redditus rerum per dictum Dnûm Guichardum in oblationé. praedicta et specialiter super jurisdictionem villas et. bayliviae de Salvio quam dictus Dnûs Guichardus, bona fide et ignoï'ans de valore ipsius posuerat in pretio centum libràriim turonènsium annui redditus'quam juridictionem cum majoribus et junioribus justitiis et ejus exitibus prout débet dicto Dnô assideri. — Idem Dnûs Senescallus invenit ex informalione praedicta et ex rèlatione dictorum quatuof pfobofum virpfum valere dncentum et quinquagnita libras annui redditus,cûmaliqui très mille holidos annui redditus extimant eam valere. ■—■ Ipse vero Dnûs senescallus nolens ponere éam jurisdictionem ad majus pretium vel ad minus sêd jîotius ad médiocre, eam ponit et paratum' se offert in assisia trâdère et computare ad pretium ducentarum librarum turonènsium annui redditus jurisdictionem eamdém ; qua're ipse Dnûs senescallus rata habens per dictum Dnûm Guichardum oblata dictô Dnô Epô praefer pretium jurisdictionem praedictam obtulit eidem Dnô Epô... et ultra juxta communem extimationem terfae, licèt aliqui ex eis cum quibus lextitit iiiqui-


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situm extimant eamdem valere ducenlum libras annui redditus, pro assisia ûnali et perpétua diclarum quingentarum li' brarum annui redditus villam Salvii et bailiviam ipsius cum jurisdictione, feudis, redditibus, provenlibus et aliis juribus et locis oblalis per dictum Dnûm Guicharclum et specificatis ; jurisdictionem tamenipsam ponens idem Dnûs senescallus et compulans ad prelium et valorem ducentarum librarum annui redditus, offerens idem Dnûs senescallus dicto Duo Epo se " paratum assisiam praediclam facere et tradere de praesenli dicto Dnô Epô, salvis et retentis exercitu et cavalcala et aliis quae juxta dictae permutationis conlractum debent remanere Dnô nostro Régi : ita tamen quod quatenus praedicta ad doniinum noslrum Regem pertinentia in terra praedicta excedunt summam quingentarum librarum turonensium annui redditus juxta extimationem praedictam ; id excédons ipsam summam Dnô Régi debeal remanere vel de dicta assisia recedere arbilrio _]>roborum virorum, et si forte dictus Dnûs Epûs putal praedicta per cum oblâta non suffiçere. ad complementum dictae assisiao perpeluae et linalis prout débet dicto Dnô Epô lieri cl compleri, obtulit idem Dnûs senescallus praefato Dnô Epô se paratum, juxta communem extimationem terrae et patriac istius proborum viroruin arbitrio facere et complere assisiam supradictam et supplere eidem Dnô Epô si quid proborum virorum arbitrio inveniatur supplendum. Obtulit eliam Dnô Epô se paratum traclalum super praemissis subire cum eo et ejus consilio , si ipsi Dnô Epo expédions videatur, iuter eos de praediclis, traclatus, et se paratum facere et complere dicto Dno Epo quidquid pro Dno Rege ipsi Dno Epo faciendum sil vel complendum, arbitrio proborum virorum.

Acta sunt haec apud Grandem Montera prope Montempessullanum, in Comilalu Melgorii, in praisenlia et lestimonio venerabilium et nobilium virorum, videlicet Dnorûm Ademarii de Cabrerolis praepositi, Bernardi de Viridisiccoarchidiaconi, et Berengarii de Omelalio, sacrist3D, Henrici de Cabriaco canonici Magalon,necnon Dnorûm Oudardi Ghoulct mililis caslellani Sùmidrii, RaymundideMelgorio militis,R. Fredoli canonici Narbonensis et Iegum docloris , Berlrandi Malhei canonici Vivarensis et officiarii Magalonensis , — Bernardi de Misiaco vicarii Bilerensis, Pétri de Crosolis Burgensis Montispessulani et plurium al iorum , ac mei Joannisde Barnevillis publicinot. Dnî Régis in senescallia Bellicadri et Nemausi qui, de mandato praedicti Dnî senescalli, praesens publicum inslrumentum scripsi et meo signo signavi.


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3° Pièce

: Anno Domini millesimo ducentesimp nonagesimo tertib/ét diê lûna proxima pbst....... Dnô Philippo Rege Francorum

régnante, vehérûntapud Salve nobiles viri..—. de MarziacP, miles, rector villae Montispessulani pro Dnô Rege et Guido: Gàpf ef ii, vicafius Beliicadri pro recipiendis recognitibnibus Dnî tibstri Régis,nomine dé hiis..-...... causa tenentur à dicto

Dnô nostroRëge , infra bailiviam Salvii et ejus ressortUm, juxta......... eis factam per nobilem virum Dnûm Àlphontium

de Rouveir;aiovmilitem senescallum Bellicadri etNemausi ëjusdem commissibnis constatper quandam patentem litteram dicti Dnî senescalli et ejus sig'illo a dorso sigillatam cujus ténor talis est :—Alphontius de Roueîraio miles, senescallus Bellicadri et Nemausi viris nobilibus."....;... . et discrelis Driis

Guichardo de MarziacoRèctori villae Montispessulani pro Dnô nostfb Rège ,' Guidbne Cabrerii castellano et viçarip Bellicadri ët,|Rostagnb de Podio alto vicario Beilsegardaé mi■ liti et Dnô Gûillelmo deNogareto, legum professori, salutëm , et diléctiphëm sincefam vobjs et vestrum cuilibet corilinget ; mandàmus quatenus personaliter accedatis apûd Salve., ë't.recipiatis, nomine Dnî nostri Régis, recognilïones omnium, feudbrum retroféudorum ne non omnium alipfum quae qubçumqué modo tèhentur à Dnô nostr'o Rege infra bailiviam Salvii et ejus ressPrfum, mandantibus et praecipientibus cmnibus quorum intërest, quatenus , sub pena illorum quae tenënt a dicto Dnô nbstfo Rege, vobis et vestrum --cuilibet super proedictis et pertihentibus ad praedicta tanqùam nbbis pareânt et attendant—.— Datum Nemausi, pridie tdus Januafii , anno Dnî millesimo ducentesimo nonagesimo tertio.. .. Qui praedicti

Dnî propter absentiam nobilium et discretorum virorum Dnorûm Rostaghide Podio alto, militis, et Guillelmi de Nbgareto doctoris lëgûm , dictam diem prorogàyerunt usque" in diem crastinum, quo crastino cum praedicti Dnî Rostagnûs de Podio alto elGuillelmus de Nogareto adhuc ad dictum locûni non venissent, praedicti Dnî processerunt ad recipiendas recognitiones infra scriptas a personis infra scriptis sic citatis ex parte curioe Dnî nostri Régis ad prâedietam diem et Ibcum coram ipsis Dnîs ad fecipiènda omnia illa quae ex quocumque modo et causa tenentur a Dnô no'stroRege Sub p'e'na praedictprum quae tenent Dnô nostro Rege, prout dé dicta citatîone constat prout dieitur, tam per litteras dictae cUriae quam per nuntios et procùratores curioe praedictae.

Post haec comparuerunt coram praedictis Dnîs Guichardo et Guidone, Dnus Joannes/Giaubertus sancti .Guillelmi de De-


371

serto nomine procuratoris et ut procuratorR. in Christo patris Dnî Guillelmi abbatis sancti Guillelmi deDeserloprout.de dicta procnratione fecit fidem quoddara inslrumentum publiciim cujus ténor lalis est.— Qui dictus Guillhelmus Gaubertus nomine quo supra, primo recepto jurarnento ab eodem a praedictis de vcrilale dicenda, et, injunclo eidem per dictos Pnôs nomine Dnî nostri Régis et principis, dicloDnô abbati, sub poena omnium quae lenel a dicto Dnô nostro Rege, dictus Dnus abbas quae bene et fidcliter teneat omnia quae dictus Dnus abbas tenet a dicto Dnô Rege Franciae et nomine quo supra infra bailiviam et ejns rëssortum, confessus fuit et recognovit praedictis Dnîs Guichardo de Marziaco et Guidoni Gapreriis stipulantibus et recipientibus pro dicto Dnô Rege, dictum Dnûm àbbatem pro dicto monasterio sancti Guillelmi

i de Deserto, in feudum tenere a dicto Dnô Rege et nomine ipsius Dnî Régis et jus temporale et quod habet vel habere débet seu visus est. habere in villa saficti Martini de Londris et in ejus pertinentes, exceptis illis quae Bernardus de Bruguèria prior condam dictae villae émit ab Stephano et Guillélmo de Monte Arnaudo. — Rcquisitus per dictos Dnôs

yqUod ibi habet Rex, et dixit quod Dnus Rex habet ibi lalliam et cavalcatam in hominibus habilanlibus in dicta villa et in ejus pertinentes quod recognovit praedictis Dnîs.......

sàlvo jure in omnibus et per omnia Dnî nostri Régis. Actum apud Salve infra ecclesiam sancti Pétri de Salvio monacho dalfbniasco (?) in praesentia et testimonio rogalorum infra

"scriptorum, videlicet Dnî procuratoris et bajuli Salvii maygistri

maygistri Fabri notarii senioris Dominus Guillclmus de Bouevra '/ jurisperilus, Datraci Castelandi, Guichardi militi,

yPbntio Rege Dnô de Corcona et plurium aliornm et me Mathei Loberie notarii publici Dnî nostri Régis, qui rogatus ab eisdem Dnîs et per dictum procuratorem praedicta sçripsi.

E°dem anno et die mercurii post festum bealae Maria? Magdalenâe Dnus Bernardus de Montussanicis miles comparens

coram praedictis Dnîs Régis... prius sacramenlo ab

éodem et injunclo sibi per dictos Dnôs sub pena omnium quae tenet a Dnô Rege et quod curia Dnî Régis posset ab eodem exigere, quod bene et fideliter recognoscat omnia, quae tenet.a Dnô Rege, qui dixit et respondit quod non tenet aliquod a Dnô nostro Rege aliquo modo quod ipse sciât in bâilivia Salvii seu ejus ressorlo ; dixit tamen quod ipse homo

(1) Montezorgues. — Moniussanicss — en 1277. Ménard, i, pr. p. 107. Hameau du territoire de Sainl-Jean-du-Gard, était autrefois le centre d'un prieuré, du litre de Notre-Dame, dont l'église à disparu. —Goiffon. —Dict. top. hist. de Nimes.


372 ..

Régis Dnî est et in ejus distfictu et in suo regnb, et contrit buit in equis armatis qui fiunt Dnô Régi in bailivia Salvii, juxta qualitatem et quantitatem bonorum suorum, prout alii nobiles faciunt in tota bailivia Salvii ; recognoscens se teneri et debere facere sacramentum fidelitatis Dnô Régi dum fuerit requisitus, salvo et retenlo Dnî Régis in omnibus jure suo. — Actum in Ecclesia. ■.— Testibus magislro Bernardô Fabri festiori notario. Joanne Dalfano, Rbstagno de Duroforti, Pontio Régis, Dnus Girardus bajulus Salvii et Stephanus

nuncius curiae Dnî Régis et

Item Stephanus de Marcilianicis domicellus ' idem et per omnia recognovit quam dictus Dnus Bernardus de Montulanicis. — Actum et testibus ut supra, retento et salvo Dnî Régis jure suo.

Item eodem modo Guillhermus Arnaudi, sancti Felicis de> Paleria, domicellus, juramento injuncto sibi, recognovit idem quod dictus Bernardus de Montussanicis miles, salvo jure Dnî Régis. Actum et testibus ut supra.

Gaucelinus de Rocafurcada domicellus, juratus et injuncto sibi ut aliis, dixit et recognovit dictis Dnîs ut supra dixit et a dictis Dnîs se tenere a Dnô Rege duo casalia quae sûnt apud Rupem furcadem sub dominio Dnî B.egis et sub censu duarum perdicum, quae casalia acceptant pretio quinquaginta solidorum a curia Dnî Régis prout dixit contineri in quodam instrumento i'nde facto manu magistri Pétri de Campo-Novo notario ; dixit etiàm et recognovit quod ipse contribuit in equis armatis, ut nobiles, juxta quantitatem Lonorum suorum et tenetur facere sacramentum fidelitatis Dnô Régi, negando aliqua alia tenere a Dnô Rege, iii bailivia Salvii, qnae sciât.-—Actum et testibus dominis bajulo, magistro Bèrnardo etPetro.... notariis Joanne-Fredole de Roca. — Pontio de Rocafurcada.

Bertrandus de Cisterna parochia de Baucellis,'juratus et injuricto sibi ut aliis, dixit se non tenere aliquid aliquo modo a Dnô Rege, in dicta bailivia, nisi quod contribuit in equis armatis pro liiis que habet in baylivia et facit sacramentum fidelitatis, Salvo jure Dnîs Régis. ■—Actum et testibus ut supra (1).

L'abbé E. DonAND ,

Curé de Monoblet..

(!) Le lecteur voudra bien, remarquer que ce ne sont que des copiés informes que nous publions. Peut-être les originaux- sontils à Paris au trésor des Chartres,liasse Maguelônne ou Montpellier.


LES DÉBUTS DE LA RÉFORME

-A' 'NIM-ESyv;

D'A. F R ES. r> ES :±> O ÔTJ »* É 3Nr*T S / I 3YJÊ DITS

/L'histoire particulière et privée du peuple français es* loin d'être aussi avancée que son histoire générale et politique. Tandis que ce qu'on est convenu d'appeler l'histoire bataille n'offre guère d'inconnus, ce qui peut être désigné , sous lé nom de démographie historique se trouve à l'état embfyonnaire. Des divers chapitres qui doivent en former le ■■eadrej aucun n'est achevé et le moins imparfait présente encore force desiderata.

L'importance et l'utilité de cette étude ont beau être mieux comprises que par le passé, rares sonlleshistoriens qui tiennent à honneur de concourir à son avancement. La plupart ont des préoccupations d'un autre genre et, faute de temps ou de recherches suffisantes,' se bornent à marcher sur lèstraces de Ieufs devanciers. >'

y 'La vie privée de tous les jours offre cependant le plus haut etle plus vif intérêt. Pour les hommes de notre temps, elle a, même plus d'attraits que le récit des batailles, la conclusion des traités et la portée de leurs clauses qui constituent l'his-- tbife officielle', enseignée dans tous les pays. Loin de moi la pensée de nier l'utilité de cette dernière, mais ne pourrait-':.-: elle recevoir une addition et accorder une place à la vieintimë/ de nps ancêtres, à ce coin réservé et, si l'on veut, inférieur, pu; suivant l'expression de M. Siméon LUCE, la hauteur même y du: point de vue de l'historien ne lui permet pas de plonger le/ regard.

/: Ces, idées de l'auteur de « la France pendant la guerre de Cent-Ans » je les partage de tous points ; aussi depuis une4

une4 . .'■-.


374 .

douzaine d'années ai-je employé mes rares loisirs à leur 'donner un concours bénévole et tout à fait désintéressée Au lieu de regarder le peuple comme chose négligeable, tous mes travaux ont tendu à le faire revivre, à lui restituer la place à laquelle il a droit. Au risqué -d'être; accusé de minutie,; j'ài^ avec passion, ressuscité ses moeurs, ses habitudes, sa manière de vivre, faisant pour les nimois ce qui devrait être fait pour divers points de la France.

L'époque étudiée vient à son tour ajouter à l'intérêt de cet ouvrage. Il s'agit, non d'une péribdepaisible, mais d'une période profondément troublée où toutes 1 les passions sont mises à nu. Quant à son objet, il traité d'un objet peu connu, les débuts de la Réforme. Tour à tour il expose les procédures auxquelles donnèrent lieu lès luthériens, la propagande à laquelle se livrèrent les régents dans la cité, les maîtres d'école dans les villages ; il fait assistéf aux délibérations du chapitre ainsi qu'à celles du présidial et'..initie aux sentiments individuels des chanoines et dès magistrats. En un mot, il s'en tient au prologue du drame et s'arrête à dessein-àl'année: où les réformés en appellent aux armes.

Les pièces inédites, qui forment la substance de cet ouvrage, ont pour but de donner satisfaction à une légitime curiosité et pour fin d'éclairer une époque assez mal çbnnùe. Dans cette publication, l'ordre chronologique a été généralement suivi. Afin d'éviter les répétitions; il n'a été dérogea cette règle qu'en ce qui touche les premières notes. ■

Ces documents, quelle que soit leur origine — ils sont empruntés les uns aux registres du présidial, les autres aux délibérations du chapitre, aux minutes: de quelques notaires, etc., etc.— ont été copiés avec soin et en général reproduits dans leur teneur littérale. Quand il y a eu doute sur la lecture d'un mot, il a été suivi d'un point d'interrogation ; quand il y a eu un passage résumé ou supprimé, il en a été fait mention expfésse ; enfin quand la chose a été possible, les acteurs ou comparses ont été'-'l'objet- dé courtes notices. Cette tâche, qui a demandé le plus de temps à l'éditeur,n'a


375

pas été faite en pure perte. Elle a montré le rôle de certains particuliers dans la propagation de la Réforme ; elle a permis de suivre la marche de celle-ci en quelque sorte pas à pas.

La méditation des documents originaux est encore plus instructive : elle est, on peut le dire, féconde en enseignements de toute sorte. Quoiqu'ils puissent fournir matière à force commentaires, la plupart du temps, par excès d'impartialité et non par indifférence religieuse, il a été laissé toute liberté d'appréciation. Quand les faits parlent d'euxmêmes, il est sage de savoir s'abstenir. Pour le lecteur intelligent, les documents originaux constituent l'histoire vraie, la vivante image du passé.; tout le reste n'est que pur verbiage ou superfétation.

Le grand nombre de pièces recueillies, l'étendue de quelques-unes imposaient également cette réserve. Il ne faut pas l'oublier : tandis que Ménard n'a connu que quatre ou cinq documents se référant à cette période, il m'a été donné d'en recueillir une soixantaine au moins. Assurément, il n'y avait pas là excès ou embarras de richesses, mais il en découlait pour l'éditeur l'obligation de s'effacer. Cette conduite, personne ne la blâmera, tandis que tout le monde lui saurait mauvais gré d'avoir substitué sa prose à celle des témoins et d'avoir, de propos délibéré, mis la lumière sous le boisseau .

f

COUIl SPIRITUELLE OU OFFICIALISÉ. RELIGIEUSES DE SAINTSAUVEUR. INFRACTIONS AU REPOS DOMINICAL.

A chaque évêché était adjoint une cour spirituelle ou ecclésiastique qui comptait un nombre variable dd membres. Les membres de fondation étaient \'officiai qui devait être prêtre, docteur ouau moins licencié en théologie et en droitcanon; le procureur fiscal ou promoteur qui remplissait les fonctions.


. , ... 3,5(6,-

du ministère public ; le.vicairepu inquisiteur qui instruisait les causes ; le notaire apostolique qui tenait le greffe et enfin les juges qui variaient suivant les affaires et qui étaient communément des avocats à la cour du Sénéchal. La présidence de cette cour où l'élément laïque prédominait, incombait le plus souvent à l'official ou à ses lieutenants : d'où le nom d'officialité; tantôt à un simple prêtre, tantôt même à un avocat. Ainsi l'avocat Antoine de LIBBA préside à plusieurs re^ prises, en 1523, les audiences de cette cour.

Bien modifiées depuis sa création, les attributions de cette cour s'étendaient encore aux premières années du xv.tf?B siècle à la religipn, aux monitoires, aux affaires cpncernant les ecclésiastiques, aux injures et aux créances de minime importance. Quant à ses décisions, en ce qui concerne Nimes et le diocèse, elles ne sont connues que par quatre registres et encore les derniers qui par leur millésime seraient particulièrement intéressants, se réduisent simplement à des noms et à des dates. Combien il est regrettable que le scribe se soit borné à ces indications et n'ait pas imité la conduite de ses devanciers. En dépit de la multiplicité des abréviations et à travers le mauvais latin,'mis en usagé, on eut trouvé là les matériaux d'une précieuse enquête. On eut pu tout au moins, par un examen comparé, faire ressortir , année par année, l'évolution qui se faisait dans les esprits.

Cette investigation n'a pas été cependant sans résultat.'Si elle n'a pas permis de connaître toutes les affaires soumises à; l'a cour dans les derniers jours de son existence (1), ni de démontrer mathématiquement la diminution des causés (2),

(1) Le dernier registre qui s'arrête au 25 août 1559 (G. 946) est, malgré-son origine officielle, une image infidèle de la réalité. Par exemple, dans le mémento d'un avocat qui a été trouvé au greffe de la cour, il est relaté une quarantaine de causes qui manquent dans le document officiel.

(2) Le coup de mort des tribunaux ecclésiastiques est la^fameuse qrdonnance de Yillers.-Cotterets (août 1539,1 dite la Guillelmine,_Aa nom de son auteur, le chancelier Guillaume Poyet. Les sacrifices, faits en 1553 par le "clergé, pour revenir à ce qui existait auparavant, ne paraissent avoir, rien changé à la situation, eh ce qui touche notre cité en particulier.


377

au fur et à mesure des progrés de la Réforme, elle a mis sous les yeux trois procès , qui peuvent ' en être considérés comme des indices, comme des signes avant-coureurs. Le premier a, en particulier, une importance capitale et, n'était son irrécusable authenticité, semble antidaté d'une trentaine d'années. Derrière les plaidoiries successives de l'avocat, un fait saute aux yeux, c'est la résistance des religieuses de Saint-Sauveur aux injonctions des supérieurs ecclésiastiques.

Ce procès, qui occupe plusieurs séances de l'année 1525, n'a pas que ce seul intérêt : il témoigne encore des efforts du clergé pour réformer les abus qui s'étaient introduits avec le temps et ramener les religieuses à l'observation stricte de la règle de saint Benoît. Enfin il fourmille de détails sur la topographie des lieux , précieux à consulter pour celui qui voudrait écrire l'histoire de celle abbaye (1).

« Comparuit Dominus Arnaudus DE CRUCE (2), vice domini procuratoris fiscalis (Jean de Mezerac, avocat) , (3) qui dixit quod in slatulis produclis in causa presenti, sunt aiiqua statuta laudabilia et alia non maxime, illa que venient contra lenorcm juris que debent refformari et maxime, in hoc ubi dicitur quod abatissa et moniales possunl vivere in foro, quia debent manere sub clausura et sic débet dictum stalutumrevocari et refformari. Etiam dixit quod in dicta ecclesia débet fieri in allum, unatribuna ubi possunt slare dicte moniales, adeo ut populus, qui ibidem incedit , non possit cum dictis monialibus eommunicare et colloqui.

Pariler dixit quod débet refformari monasterium et claus([)

claus([) l'abbé Goiffon, vicaire-général de Nimes, en a tracé un précieux résumé dans son excellente monographie de la paroisse Saint-Charles.

(2) Arnaud Delacroix, avocat, était fils de Jean, licencié eu droit, et d'Antonie Baron et'parlant frère de Robert Delacroix, prévôt de la Calhédrale, vicaire et officiai de l'évêque. Il mourut en novembre 1515 et fut remplacé, comme avocat du Chapitre, par Guillaume Calvièro et Tannequin Raymond, licenciés ez droits.

(3) Jean de Mezerac, avocat, Sr delà Bastide, avait épousé Jearine Andron qui était veuve en 1535.


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Ira illius taliter quod populus, qui incedit âd. dicta m eeçlésiam, non possit intrare infra cfaustrUm et sellulâs dictarum monalium, quod débet fieri sumptibus ipsius abbatisse, queplures peccunias habuit a mpniliabus que ingressè: fuere religionem, rèqùirens eidem abbatisse et cetefis mbhialibus inhibere ne habeant exire a claustra dicti monaslerii, pec aliquem intrare permittunt infra dictum mbnasterium sine licencia domini Nemausensis Episcopi ant ejus Vicarii.

Et talibus dixit et conclusit pro ut in ejus litigato supra facto continetur, petiehs jus et justiciam sibi fieri et minis- - trari quod quidem ligitajum implicavit in presència partis.

Ex adverso comparait Do. ROVERIË (1) cum eadem domina abbatisse qui dixit quod per tenorem arresti prolati in euria suprema Parlamenti Tholosioe fuit dictum quod reffprmatio dictarum monialium fieret vocatis officiafiis Regiis piresentis Senescalliè, si opus esset, etqupad dictant fefformatipném fieri petitam dixit quod tune episcopus in pfesenti Dibeesi Nemausi eisdem abbatisse et monialibus dédit nornïam vivendi sicut in ipsis statutis supra productis Continetur, que norma tune poterat observari multis fationibus et primo quod eo tempbre erânt in dicto monasterip Quatuor donaii (2) qui residebant infra dictum monâsterium etilli dessefviebânt et agebant negpcia illius et pmnia emplUmenta implicabuntur ad utilitatemipsius monastefii : nunc vefbipse mbnialesnec/monasterii nihil reeepit et tantum habent jus patronatùs ad conférendi. Ëtiam que erant plures blancherie (3) per longuni Rùpperiae Fontis Nemausi ex quibus plura recipiebant corn-:

(1) Gabriel Rovérié, seigr de Cabrières, avait épousé Gérpmine Brunet, de laquelle il eut Jean, Antoine et Bauzile, avocats comme leur père. Il était depuis plusieurs années syndic de l'abbaye.

(2) On appelait Donati ceux qui,, sans faire de profession /religieuse se donnaient à Dieu et au couvent durant toute leur vie, moyennant la nourriture, l'entretien et le vêtement. Ils ne prétendaient à. aucun gage ni salaire et promettaient de servir fidèlement le. couvent en toute honnêteté et obéissance.

(3) A cette époque il y avait, tout près de l'abbaye, des blancheriés où'tanneries de cuirs qui auxvr 3 siècle, avaient été reportées: aux Calquières,


. 379 ■'.

moda; nu'n'ç-'yéro éxpremissis ntiliâ recipiunt emolumenta.' Et exinde de tempbré : ipsius Domini Nemausensis Episcopi fuit dictum distinguendo tempora quod nulla administratio bbnorum ipsius monasterii pertineret eidem abbatisse; Et quamvis capitulum capitulosum contrarium tenere voluerit, tamen non fuit acceptatum in presenti regno Francie nëc aliis pluribus pfovinciis etiamque ità fuit consuëtum fieri ; que consùetudp est is.té, ëfïicaçie qucd potest defogare constitutipnibus regalibus et papalibus et sic fuit visum quod reformatio non potuit nec potest fieri propter diminutionem nature que non est Ha: robusta pro ut antiquis témporibus et sic ipsam Refformationôm pâti non posse,, Confitetur tàmen quod Dominus Nemausensis Episcopus seu ejus vicearius, est superior ipsarum mbnialium, exceptis insermoiiiis ecclesie et aliis;disciplinis claustra'tibus. Et si ipsa abbatissa gravaverit in aliquo moniales, possunt appellare' ad eumdem Dominum Nemaùsënsem Episcopum seu ejus Viccarium tâmqûam sùperiorem.. Ipsa vero abbatissa potest dare, et ita consuevit, licenciant moniâlibus accidendi per villam vël alias se abséntare a monasterip. Et si ex causa ligittima ipsàabbatissa velit se absentare a dicto monasterio, tenetur licenciam petere eidem domino Nemausensi Episcopo seu ejus Viccarip. Et sic in magnis causis est superior non autem in aliis, requirens quod super hiis habeatur coùsilium cum duobus ant tribus rélig;iosis prdinis sancti Benedicti in jure peritis, Et respectu peccuniâfum quas dictus procùfator dixit eamdèm abbatissam habuisse, negavit ipsas peccunias babuisse, ex causa quam dedùcit ipse procurator. Et si aliquas habuëfit serviré façtu deillis multas feparationes, tam in presenti monasterio quam in sâncto Pàulo (1) , membrum dependens ' a domina abbasia. Quo yerp ad-chorum fieripetitum per dictum procuratorem dixit qnpd débet fieri etiam cum clausura

y.(l') Saint-Paul-lès-Beaucaire. Il fut acquis , en 1589 , par Pierre: Bompar, avocat duroi, sous la redevance de vingt sous pour le droit d'albergue, et dé trois cents livrés''pour l'inféddàtion. Lettres pa, tentes de Henri IV, portant-ratification de l'acte d'inféodation 1594 [Arch. dép.,B..10% . ;-


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condecenti, caniere vero videlicet infirmaria sacristiaria et vestaria non debent deppopulari quia ex causa necessaria "fuere ibidem constructa; quo>vero ad dormiloria et reffectoria consensit quod si quid fuerit superfluum refformetur, dicens praepterea quoddomus abbatialis est distincta a monasterio et etiam domus negociationis in qua rémanent servitores ipsius abbatisse et abbatissa in abbatia adeo ut possit dare regimen et administrationem negociis ipsius monasterii quia ipsa abbatissa habet juridictionem. Pro qua exercenda habet judicem, viguerium, notarios et alios justicie ministros. Et alias dixit prout inlitigato supra per eum tradito quod implicavit, petiens jus et justiciam sibi fieri et ministrari.

D°. DECRUCE, replicando, dixit quod si aliquis amicus vel consanguineus monialium vellet alloqui cum ipsis hoc potest facere presenti abbatissa et aliis du'abus monialibus; sed quando ipsa abbatissa intendit se absentare a dicto monasterio débet licenciam petere eidem D. nemausensi Episcopo seu ejus Viccario ; et respectu clansuras dixit quod est eadem régula pro aliis monialibus sancte Clarsei (1) qui rémanent clause et débet fieri alia porta a parte Fontis et juxta pis§fr rium adeb ut intrantes non possent intrare per capitulum,

D°. ROVERIE dixit quod si fiât alia porta erit potius diffbf» matio quam refformatio ; quod non débet fieri.

Ibidem comparait Dnus Tristanus de BRUEYS (2), procurator regius, qui dixit pro procuratore regio quod arrestum fuit latum, ipso Regii procuratore porsequente etiam a principio cause littere missive eidem domino nemausensi Episcopo fuere directe ad hoc ut ipsa abbatissa et religiose essent refformate ; et quia Ecclesia non differt glaudium , spectat

(1) A l'inverse du monastère de Saint-Sauveur, le couvent de Sainte-Claire observa strictement la règle monacale. Jusqu'à son dernier jour, il conserva son caractère et resta fidèle à la réformation faite par l'autorité ecclésiastique. Il avait alors pour abbesse Françoise Meresse, et comptait neuf soeurs de choeur (Arnaud Noyre, 1526, f. 54).

(2) Tristan de Brueys était avocat et non procureur du roi. C'est une erreur du scribe. Il était le fils cadet de Pierre Brueys , qui avaitété également avocat du roi,


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principiet Dno Senescalli Religionempreservare in ejus statu et quoad Refformationem dixit quod Capitulum et constitutio Bonifacii ligat et aslringit moniales ad vivendum eo modo quo in ipsa constitucione continetur nec débet Episcopus impediri in relformatione cum sit speculalorin Religiosos.Ymo Papa prohibet expresse quod Episcopus non impediatur in Refformatione illorum et quoad staluta producta dixit quod ea que contra legem fiunt, non débet dici lex sed corruptela, requirens, nomine procuratoris regii, quod lex data pereumdem Bonifacium Papam quoad Rcligiosos, tam super clausura quam alimenlis prestandis , observetur juxta illius formam et tenorem et quoad domum dixit quod domus negociationis est necessaria et débet essesemotaa domo abbatiali et a clauslro, nec potest ipsa abbatissa, minusque moniales, colloquium habere cum aliquibus etiam parentibuz nisi de licencia domini Nemausensis Episcopi vel ejus Viccarii, nisi hoc esset in casibus necessariis et tune adhibilis aliis duabus monialibus in quibus jus salis providit , requirens in omnibus juxta juris formam procedi.

D'° Roverie dixit quod relligio ipsa est fundala sub Régula beati Benedicti , ponens in facto quod a tanto lempore citra quod hominis memoria in contrarium non existil, ipsa abbatissa est in possessione et saisyna habendi juridictionem in claustro quoad regulares disciplinas et licencias concedendi etiam ex disposilione juris et est notorium quod ille conslituliones Bonifacii non sunl admisse in regno , nec secundum illisadjudicarisolet,conscencicns clausurediclarummonialium juxta tenorem ipsorum statutorum.

D°. Viccarius de super deductis per partes cunctis visis in consilio ad ordinandum adprimam assignavilassignando partibus ad ponendi causam hujusmodi in consilio ad diem crastinam hora prima et, ut commodius in causa ipsa possit ordinari, appunctavit quod loca visitentur.

Et hiis gestis -visilavil quamdam pprtam existentem secus cimeteriumet ipsa visitata, habitaque deliberalum cum Dpmi-


382 nis Raymondo de Belloloco (l;),Stephano Vincentii (2):etaliis ibidem stantibus, fuit dictum quod dicta porta débet claudi cum lapidibus et seméntp ne itâ facilius habéatuf intrbytus ad,dictum capitulum. ,'

Etiam fuit yisitataalia porta ipsius monastepii que est prope primam portain reguiarem et introytum clâustri et fuit ibidem conelusum quod dicta.porta diebusVigiliarum et déyptionum.claudetuf cum porta fustea, dum populus veriiet ad visîtandam ëcclesiam etporfas illius. "'.:,-.

Similiter fuît visitata coquina infrâ quam feligibsenon ihgrediuntur sed perfenestram quamdam corespondentem feffectbrib fecipiuntiir alimenta. '.■-.:.

Etiam fuëre visitàte certe domuncule existenles infra éeptà ipsius monasterii et fuitvisum quod ipse domuncule , excepta infirmaria, de nihilo opéràntur : ymp debent demolliri.

"Hiis gestis idem Dnus viccarius accessit ad domum abbâtialem qui est supra duos arcus et fuit ibidem dictum et advisatum quod caméra ipsius supra dictos archus débet démôliri cum sit minus propinqua domui negotiationis.

Et tum dictus dominus Viccarius, mediojuramento intefrpgavit dictam Dpm, abbatissam; se tenùèrit clâusuram juxta tenorem Statutorum productorum in bujusmodi procëssu : qui respondit qubd ipsam clausuram lenuit et non incessit extra nisi per très auf quatuor vices.

Interrogatâ in qua domo facil ejus habitacionem ; que respondit quod in domo negociationis ad pertractandum negotia ipsiuSyreligibnis. Et in caméra abbatisse a quinquaginta arinis citrà eàrum fecerunt habitacionem. Petiens et percipîens premissascribi idem dominus Vicarius per menotarium [Mathoeum Fazënderii.] (Arch. dép. G, 945, f. 28 à 30).

Les jugés de la cour, qui sont les avocats Jean Bbetier, ; Illaire Bruchet, Georges Baron, Jean Aymès, Louis Forniëf,: Guigo de Ruomis et de Trois Eymines père et fils, se montrent encore plus rigides que le clergé. Un d'eux ne se cbii(1)

cbii(1) dé Beamlièu, chanoine.

(2) Etienne Vincent, chanoine,


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lente pas du rétablissement de la clôture, in statu condecenti, voté à l'unanimité : il veut encore qu'une seule porte soit conservée, et qu'elle ne puisse, être ouverte qu'avec le concours de l'Evêque et des consuls, et que les fermiers et hommes d'affaires ne puissent s'entretenir avec l'abbesse qu'en présence du confesseur de la communauté. [Loc. cit. f. 31).

La lutte n'est pas cependant finie. Au nom de l'abbesse, le syndic recourt à tous les moyens dilatoires : il ne s'incline que devant une ordonnance rendue le 15 janvier 1525 (26) par REVKRENDO IN CRISTO PÂTRE MICIÏAEL, c'est à dire par l'Evêque en personne. On ne sait si, comme le réclamait le procureur fiscal, l'abbesse fut expulsée ; tout ce qui peut être ajouté c'est qu'en cette année-là elle disparaît et cède la place àGuillaumelte de RISPE (1).

Les autres procès ont une moindre importance ; aussi leur exposé sera aussi succinct que possible. L'un a trait au recteur des écoles de Meyrueis (loc. cit. f. 60,14 novembre 1525) ; l'autre à un infracteur du repos dominical. Tout se borne pour le premier à justifier au précenteur de la Cathédrale Guido de RISPE de l'autorisation qui lui a été donnée pour régir les écoles : quant au second, dénoncé par le capitaine de la ville, Arnaud DELABORDE, il est frappé sévèrement et est condamné à faire amende honorable à l'église, à genoux, un flambeau allumé à la main. Ce procès (loc. cit. f. 304,23mai 1526), rapproché de la procuration du prévôt de la Cathédrale qui se trouve en tête du registre, constitue une curieuse peinture de moeurs. On y voit énumérées les diverses infractions du repos dominical et des fêtes commandées par l'Eglise (2). Les coupables ne sont pas seulement les travailleurs de terre qui fossoienl la vigne, les charretiers qui transportent les marchandises par chemins, il y a encore les désoeuvrés qui, au

(d) Elle mourut en 1569 à Lédenon où elle s'était retirée et partant fut abbesse durant quarante quatre années.

(2) « Labores exercendo. unum et alias mercantias publiée quadrigando, ludis inhonestis et probibitis etiam cum divina celebrantur officia publiée ludendo , tabernas, talia loca inhonesta frcquendo in quo plurima alia crimina commit tcndo, »


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lieu d'assister à l'office divin, fréquentent les tavefnes, boivent et jouent aux dés (1). En d'autres termes, il y a là un aperçu de la situation pfésente. Les pratiques religieuses sont suivies avec moins de zèle et l'irréligion , qui était inconnue dans les années précédentes, commence à gagner dû terrain.

Il

CORPORATIONS. CONFRÉRIE DE SAINT-LOUIS. CONFRERIE

DE SAINT-YVES. CONFRÉRIE DE SAINT-JACQUES.

Gomme au moyen-âge, la société tput entière, depuis le laboureur jusqu'au magistrat, était groupée en confréries portant le nom de patrons divers , mais si l'organisation est restée au fond la même, les membres participants n'ont plus le zèle et l'ardeur de leurs devanciers. Pour une confrérie qui remplit ses devoirs et emprunte pour remplacer sa vieille bannière (2), que d'autres dont la conduite laisse à désirer. Avant le coup de mort officiel, beaucoup ne battent que d'une aile. On voit des membres qui pour acquitter leur cotisation se font tirer l'oreille ; on en voit d'autres qui, oubliant l'esprit de charité qui a présidé à leur création, emploient leurs fonds à banqueter, à rire et boire ensemble.

Toutes les confréries, hâtons-nous dé le dire, n'ont pas eu

(1) La multiplicité croissante de ces infractions motiva en.1546 une ordonnance royale. C'est en vertu de celle-ci que Jean Yallat fut emprisonné. (Y. not. vin, pièce 8).

(2) Le 14 août 1541^ Mes Vienne Deydier; chef de mestier, Jehan Guiran et Jacques Mosnier, fustiers de Nismes, lesquels sachants et advertis ainsi que ont dit que iceulx Guiran, Mosnier et Bernard Bro estaient tenus à MB Jehan Maure, marchant de Nismes, en là somme de six livres tournois pour reste de vendilion d'une bannière de damas j aulne pour leur mestier et pource qn'ils n'auroient argent pour payer ladite somme : à cetle causé ont dit avoir bailhé f ëqueste à M. le viguier pour vendre ung coudre dudit mestier : ce que a esté appoincté par ledit viguier au pied de la requéste. Et pour ce que ledit Bro, qui a ledit coudre en son pouvoir, doubtë qu'à ladvehir les autres gens du mestier ne le méstent en procès pour raison dudit coudre :;: a cette fin les sus-nommés se portent caution et le garantissent indemne... (Arnaud Noyre. f. 465).


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semblable fin. S'il en est dont les biens, rattachés à l'hôpital des Chevaliers, ont concouru à donner, à tous les pauvres sans distinction, les secours réservés aux membres de la corporation qui se trouvaient momentanément dans le-besoin, il en est dont l'existence n'est plus aujourd'hui qu'un simple souvenir historique. Que d'autres en décrivent les diverses phases ; pour le moment, tout mon apport se borne à quelques exemples destinés à faire connaître les déviations présentées par deux des confréries les plus importantes.

I. Les avocats, qui étaient presque aussi nombreux que de nos jours —.on en recevait une dizaine par an — payaient lors de leur réception, un droit fixe affecté à l'entretien de la .chapelle Saint-Yves, Vadvocal des advocals, et s'engageaient à verser chaque année une cotisation destinée à la Confrérie de Saint-Louis (1). Autant que les documents permettent yd'en juger, la première contribution est payée sans sourciller ; mais il n'en est pas de même pour la seconde. Est-ce lassitude ? est-ce tiédeur ? je constate simplement le fait ; je ne cherche pas à l'expliquer.

« Le XMII octobre MVXXXVII, M° Jacques BONATJDI (2) , .avec ■ Fr. Pierre (blanc), syndic du couvent des Fraires Jàcopins de ladite cité, a dit comment il a requis Me Mathieu FAZENDIER (3), procureur des advocats de la présente cour-et confrairie de Saint-Loys, qu'il heusl à payer ce que luy est deu, pour raison du service que ledit a faict durant peste année, ce que toutes foys a récusé faire. Par quoy a re■'quist icelluy M0 Fazendier cslre coutrainct et compéllé, par

(1) CeLte confrérie dont on n'a pu retrouver l'acte de fondation, devait remontera plusieurs siècles, puisque l'ancien fonds de notre •sénéchaussée possédait un livre en parchemin, contenant les statuts et privilèges, écrits en lettres gothiques.

(2) 11 était grandcmenl lié avec l'avocat du roi et à ce que nous ""apprend ce dernier « alloit à l'esbat avecque luy. » (Y. pour plus

de détails Une ville au temps jadis. Nimes, 1884. in-8°, p. 123.

(3) Mathieu Fazendier étui! le fils aîné d'aulre Mathieu, procureur du palais et greffier de l'omcialilé, et de Catherine Deydicr.

y 11- épousa j9 février 1540 (il) Arnaud Noyre, f. 45). Helips Davin, fille de Jean, avocat, et nièce de Arnaud Davin, avocat. Il en eut ; Jeanne, mariée à l'avocat François Rossel, juge de Sonimières.


38ë

toutes'voyes dêues et raisonnables, à luy payer, tout inçôtttinent et sans delay, tout ce que luy est deu, pour raison de ce que dessus, s

e Au contraire, ledit M* Fazendier a dit qu'il a faict plusieurs diligences de estre payé-dé messieurs les âultres advocats delà présente Cour de ce qu'ils lui doivent comme procureur de ladite confrairie et combien aussi qu'il en ayt bailhé aullf es foys requeste en la présenté: Cour et ayt esté appbinctë que Iesditz.advocatz seroiènt contraincts a le payer tout incontinent et sans delay, sur peyne de patrôcine, de privation rapporter et austres prouffets et émoluments dé ladite Cour ; mais ce nonobstant, il en y a plusieurs qui hont: vblu ni veulentpayer. Par quoy a requist lesdits advocatz ;qui restent à payer, estrë contraincts par toutes voyes deues et raisonnables et arfestation de leurs personnes dans l'auditoire jusques à ce qu'ils auront satisfaict a ladite ordonnance, offrant, ce faict, payer audit syndic des Jacopins ce que luy est deu. J>

a Monditsieur le commis (lieutenant particulier) a appoincté et ordonné que lordonnance sur ce donnée sortira son plain et entier effet et à ycelle obtempérant seront contrainctz lesdits avocatz qui n'ont payé par privation de patrôcine, rapù pourter en la présente Court, distribution d'icelluy et aussi arrestations de leurs personnes, commectantTexequution de ladite ordonnance à l'huyssier delà présente Court. » (Cour du sénéchal, fol. 7).

On ne sait si devant ces menaces, lés avocats se libérèrent:-;-.-. mais le 18 août 1539 , la question revient sur le tapis.' Dans l'intervalle, le cas s'est singulièrement aggravé , car toutes les catégories : officiers^ conseillers dé la cour, avocats, pro"» cureurs et notaires, comptent des retardataires, sinon des délinquants.

« Me Tristan de BRUEYS (1) , advocat du Roy et prieur de

(1) Tristan était le fils cadet de Pierre Brueys, avocat du roi et de Pierrette, fille de Estève Fabre, contrôleur de la trésorerie dé Nimes. 11 eut de Marguerite Delacroix: i° Robert qui eûtla survivance de sa charge et l'a exercée en fait une vingtaine d'années ; 3° Denis qui, après avoir été conseiller au rprésidial, -devint à la


387 vv;. ■ '

là confraifèrie de S. Loys>& âitqu'ily a plusieurs officiers , conseillers, advocats/procureurs et notaires de la présente court qui: n'ont volu ni veulent payer à ladite confrairefie.Par quoy a requis qu'ils soient contrainctz et compellés à .payer etiam per decretationibus audiëntié ? et autres voyés déûés et raisonnables.

« Me de FONTIBUS (l),prieurde là ctiriirzyrleàeSainct-Yves, a faict semblable réquisitipn contre les advocatz de la présente court qui n'ont volu payer ladite confrayrie. » ' '■'.'"

« M. le lieutenant (de Rochempre) a enjoint à tous les officiers, conseillers, advocats, procureurs , notaires de la présente court de payer ce qu'ils ont este cothisés, tant à la confrayrie de St-Loys que de S t-Yves sur peyne contre ceulx qui seront reffusants ou redevables d'en payer le double , et de cent solz esmënde, laquelle sera employée au Service deladite confrayrie, enjoignant en oultre auxdits officiers, conseillers, advocats, procureurs et notaires soy trouvef dimanche prochain, veilhe de St-Loys , et lundi , feste dudit sainçt, aux heures tant de vespres que la messe , comme il est de bpnne coutume. »

II. La cônfrériede St-Jacques,dont notre distingué etsavànt archiviste,M. Bondurànd, a fait connaître les statuts (2), paie sans maugréer sa redevance annuelle, mais elle l'emploie à un usage non prévu par les règlements. Elle semble mettre en pratique le vieux dicton: « Charité bien ordonnée commence par soy^mesme. » Desbn ancienne organisation, rien ne reste.

mort de X. Robert, juge criminel ; J3° Antoine qui succéda à son frère comme conseiller et enfin Guy^ prieur dé Pouls. Il: testa le 20 septembre 1562 (Sabatier, fol. 106) et paraît être mort le lendemain. — Les deux fils aînés avaient été émancipés en 1552. (E, 294, f, 91): ..y.'

(1) Jacques de Fontibus s'appelait Roux en réalité et avaitadopté ce nom latin, parce qu'il était originaire de Fons. Il avait épousé en 1539 Tiphainé Barrière et mourut en 1547 laissant Jean qui fut garde des sceaux au présidial, Pierre qui devint général en la cour des Aides de Montpellier et Bernardine qui épousa Lois de Villages, seigneur de Bernis. — Avocat très occupé, il avait acquis une belle fortune dans l'exercice de sa profession.

(2) Mémoires de l'Académie de iWmes 1883,.p. 63.


- Aux prieurs, aux conseiller:s,(l),ont succédé de gais cpmpà? gnons de plaisir, qui, sous couleur de confrérie, s'assemblent pour banqueter et usent de conversations prohibées tant par ordonnances que par arrêts du Parlement. Assurément , ce n'est point là qu'il, faut chercher les Nimois qui ont écrit à Genève, le 14 juillet 1547 , que les lettres de Calvin étaient plus douces que le miel « dulciores nielle et favo » (2) ; mais là ne se rencontrent pas non plus les càthpjiques ardents, animés de l'esprit de charité et de l'amour de la famille

Cet état de choses ne saurait subsister plus longtemps. A la requête du procureur du roi, le sjmdic de la confrérie est traduit devant la cour. Il a beau plaider la cause de ces bons vivants, on ne l'écoute pas et à peine de la prison et de cinq cent livres d'amende toutes assembléessontinterdites. Quant à la; confrérie, elle n'est autorisée à vivre qu'à la conditipn de revenirâ ses articles primitifs. Elle devra cpntinuer et entretenir le service divin ; elle devra faire et distribuer des aumônes aux nécessiteux (3)...La confrérie se garda bien d'appe(1)

d'appe(1) 15 octobre 1514 elle a pour prieurs Béranger Volontat, consul, Gounin Flamén, marchand, etJean Mercier, bouclier, et pour conseillers Jacques du Yray, marchand, Pierre Saunier, boucher. Jacques Johannas, chapelier. fEtienue Pinholis, f. 231).

(2) Calvini Opéra, édit. Reuss, t; xn. p. 5A9. lettre n° 923. Cette lettre d'une orthographe latine singulière n'est ps-s d'un lettré, mais elle est curieuse, en ce qu'elle établit qu'il y avait à cette époque une petite église évangélique constituée à Nimes. et à Uzès. Arnaud Alizot, Bertrand Bach, Jean Morëllet, Claude Baduelet quelques antres furent les premiers adhérents de l'église nimoise. Quant à là lettre, elle paraît avoir été écrite par un notaire et autant qu'il est permis de l'affirmer par Jacques Ursy. Ce qui porte à le supposer, c'est que la plupart des affiliés donnent leur confiance à ce notaire et figurent dans ses registres.

(3) Registre de la.cour du sénéchal à la date du 20 mars 1548 (15.49) f: 188, Primitivement les fonds dé la confrérie servaient à assister les pèlerins qui serendaient à Saint-Jacques de Gompos'

Gompos'

A la date dû 9 juillet 1548, il a été relevé le testament dîune nimoise qui part pour Saint-Jacques de Gompostelle (E, 347, f. 113). Tout son intérêt est là ; suivant toute probabilité, il est lé dernier acte qui soit semblablement motiv.é:Â la datedd2i novembre -1550 if a été relevé le mariage de deux individus qui désirent aller à Sàïnt-jBcques: de Compostélle et à Notre-Dame de Mbntsarràt. Ils se marient pour éviter « les dangiers qui pourroient'venir eii chemin. » (E,462, f. 351).


...;■•.■; 'Ï;.;3g9;--,'y.y^;'

lèf de ce jugement ; elle préféra;se: dissoudre. On est du mbins porté à le supposer ; car c'est la* dernière fois qu'il est parlé dé cette association. :-'' '",-'■■:-'■

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RÔtÉ DES MAITRES D'ÉCOLE. — EXCOMMUNICATION D'iMBERT y; ,;yPBCOLET. — DISCUSSION DES RECTEURS. —■ RÈGLEMENT

; DÉ L'UNIVERSITÉ.

:Les maîtres d'école, qui portaient à cette époque le nom de recteurs, étaient, en dépit de ce titre pompeux, dans une situation on ne peut plus précaire. Ils avaient beau exercer une dés plus nobles professions, on les traitait comme s'ils faisaient le pire des métiers; ils avaient beau rendre les plus léfieuxservices, personne ne leur accordait la légitime considération qui leur était due.

■".-;;.:■ La rétribution scolaire se ressentait de cet état de choses, e4-jà Nimes , comme à Sauve et Alais, chaque élève devait payer deux sous par mois, — et encore, quelque modique qu'elle fût, elle n'était pas toujours intégralement versée. S'il yavaitdes parents qui se faisaient tirer l'oreille, ou ne se libéraient qu'en vieux écus ou monnaies dépréciées , il s'en tf buvait d'assez peu délicats pour jurer qu'ils ne devaient rien.

y Devant ce serment, force était au juge de s'incliner ; aussi, le plus souvent, par humanité , prenait-il pour prétexte la modicité de la somme pour esquiver cette formalité (1).

. ■';"-■ (1). Le registre del'officialité s qui va d'octobre 1522 à septembre 1523, a fourni ces litiges, si curieux pour l'histoire intime de l'enseignement,avec une telle abondance que force a été d'en différer la reproduction. Il suffira d'ajouter que, sauf l'hôte qui jure ne rien dévoir au carme Patiens de PRA.TO , les récalcitrants appartiennent à la.;bourgeoisie, au barreau et même à la noblesse. Grâce à la sentence de l'official , ils finissent, il est vrai, par s'exécuter. Il n'y a ... d'exception que pour Pierre Andron, qui dit, pour sa défense, que

Ïiûisque Antoine FLORENT a reçu certain harnais de la municipaitëj.et en particulier un « brassclum, JS il n'est pas tenu de le payer 3'autant que ses enfants sont sous la tutelle du bachelier (Manuale cùriie spiritualis, 29 novembre 1522, f. 61). Il semble avoir obtenu ■ gain de cause ; car c'est la seule et dernière fois qu'il est parlé de cette singulière affaire. 5


390,

Tous ces malheureux , qui gagnaient tout juste de quoi ne pas mourir de -faim, tous.ces déshérités, qui souffraient de l'ingratitude des parents et des écoliers, appelaient de toutes leurs forces une réforme sociale et un meilleur traitement. Ils ont eu l'une et l'autre au xixe.siècle ; mais en attendant , ils ont été l'objet du panégyrique le plus complet et le plus enthousiaste. C'est au point qu'un dictionnaire de pédagogie, publié l'année dernière, a reproduit, avec complaisance, les divers passages que Martin Luther a consacrés au magister. Il est peu probable que cet éloge ait été connu de tous les intéressés , mais il n'en est pas moins certain que c'est surtout parmi les personnes de cette profession que la Réforme a recueilli les plus ardentes sympathies, et recruté ses plus vaillants et fidèles propagateurs.

Tous les recteurs des écoles de Nimes ne sont pas cependant entrés dans cette voie. La vérité est que, sur une vingtaine de noms qui ont été relevés de 1521 à 1539, il s'en trouve'tout au plus.quelques.uns qui aient donné lieu à suspicion. Jacques BURDEY (1), qui exerça en l'année scolaire 1528-1529 , est le premier sur lequel il y a doute , et eneorexe doute n'est pas absolument légitimé. Il n'en est pas de même d'Imbert PECOLET, qui, contrairement à ses pareils, est resté en fonctions durant 1 cinq années. Rien n'a transpiré du caractère de son enseignement : on sait seulement qu'à la suite d'une absence de deux années, il revint en 1537,,complètement métamorphosé. Ce qui n'était qu'à l'état d'indice était devenu très accusé, et vu sa résistance aux injonctions ecclésiastiques, il fallut recourir à la grande excommunication.

Voici le passage qui en fait foi et qui par malheur se réduit à un fragment. Il pu ressort que le lundi XXII octobre 1537, Pecolet aurait été appelle au Conseil de la couf du sénéchal, et que là, il aurait raconté que la veille , « jour de dimanche ,

(i) Le registre municipal lé désigne sous le nom de Me Jacques. J'ai trouvé son nom patronymique dans un acte où il figure avec un de ses collègues , Alexandre ANTHOINE (E. 121 , f. 413). . L'engagement pour tous ces maîtres d'école est invariablement d'une année. ~ ■ '


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il se seroît présenté pour" ouïr lagrand'messe. Il luy fusl desfendu (entrer) expressément par le curé de l'esglise Noslre Dame in pallô publique (sic) de la dite esglise. Dict que yer, après disner, après qu'il heust leu l'Evangille , environ heure dé vespres , par ? ung ? de ses escolicrs , il fusl advcrli que l'on l'avoil dernièrement excommunié inpallo publico de l'esiglise, pour ce qu'il n'avoilvouleu obéir auxdiles inhibitions à luy faicles par leditlieulenanl et officiai. i>

« Laquelle rssponce ainsi faicle par ledit MeImberlPecolet, maistre des escolles, préallablement aurions heu advis et desliberation, ensemble avec Messieurs le commis, prevosl, tresaurier, advocat et procureur du Roy , à icclluy Me Ymbert a esté commandé l'arrest à tenir à l'Evesché (1), suyvant la signification faicte par ledit vicaire. Lequel Monsieur le vicaire a prins icelluy M0 Ymberl en sa charge et admené avesques luy et Jehan B.OIÎERT, juge des crimes, conscilher en ladite Court — escripvant moy Pierre de Fabrica, notaire-roj'al. » :[Àrchive$ du Palais, U., division 20, f. 6),

: Antérieure à celle qui a été publiée par Ménard (l. iv, preuves Lxxxrv, p. 134), cette pièce l'éclairé d'une façon on ne peut' plus précise. Elle établit d'une façon pertinente que Pecolet (2) avait encore les dehors du catholicisme, puisqu'il se présentait à la Cathédrale pour ouïr lagrand'messe, etélait loin de faire étalage de ses opinions religieuses , puisque sa défense s'ingénie à ne jias y faire la moindre allusion. L'officiàl l'accusait, il est vrai, d'hérésie ; mais en admettant que

y (1) La prison de l'Évéché , qui se trouvait alors à l'endroit occupé, de nos jours par la chapelle particulière de Monseigneur , était assez convenablement aménagée, puisque un magistrat , voulant traiter avec humanité un prisonnier malade, veut la lui donner pour résidence jusqu'à son entier rétablissement. Le piquant est qu'il s'agit d'un réformé, et que le magistral eslGuillaume Roques, un des chefs futurs duparti. Partant, il y a là la preuve que ce n'était point un affreux cachot, un véritable oarcere duro.

y : (2) Le premier numéro de Nemausa contient, sur Pecolet, une étude très soignée de M. Maruéjols , à laquelle seront renvoyées les personnes désireuses de plus de détails. Le but de ces notes tfèstpàs d'épuiser la matière, mais simplement de mettre sous les yeux quelques documents inédits.


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l'accusation fut fondée, rien, dans les paroles del'inculpé,-n'y: donnait créance; aussi, au lieu de. partager le sort de ceux qu'il avait initiés aux idées nouvelles, était-il traité, avec égards et s'en tirait-il avec de simples arrêts à l'Évêché.

Comment le procès fut-il conduit ? Comment se termina» t-il ? Il peut seulement être affirmé que Pecolet ne figure pas sur le rôle fait peu après des prisonniers du château. Tout donc porte à croire que , loin de Subir «les terribles châtiments dont on frappait les hérétiques,» il fut assez habile pour démontrer sa non-culpabilité, ou bien qu'il mit à profit la demi-liberté dont il jouissait, pour se dérober par la fuite à l'accusation dont il était l'objet. On sait, en effet, qu'il se retira à Genève, et qu'après quelques mois de séjour, il se rendit, vers le mi^ lieu de septembre 1538, à l'Université de Lausanne, où il aurait été le premier professeur d'hébreu (1).

Revenons maintenant à Nimês, que nousavons oublié au mi-? lieu de cette digression.

La question du remplacement de Pecolet est agitée trois jours après la misé aux arrêts de celui-ci ; car, quoi qu'on ait prétendu, nos ancêtres n'ont pas eu, à un moindre degré que leurs descendants , souci de l'instruction de la jeunesse. En vertu de prérogatives séculaires, l'Église ^représentée par le vicaire de l'Evêque, se préoccupe de combler le vide ; mais il se heurte à la résistance des consuls qui, depuis une vingtaine d'années, prétendent avoir le monopole du choix et delà présentation des maîtres d'école. Les prétentions respectives des parties sont de côté et d'autre soutenues avec opiniâtreté, et le débat, bien que se passant en pleine cour du sénéchal, offre de la vivacité et de l'animation. Le consul -, en pafticulier, revendique les prérogatives, les privilèges dé là municipalité , cPmme s'il s'agissait d'un intérêt persbnnel. Ilabeau être débouté dé sa demande par le jugè-inâge Gaillard dé Montcalm,il ne s'avpue pas vaincu et persiste quand même en

(1) M. Hermingard, auquel nous avons emprunté ce qui-a-trait à l'Université de Lausanne, nous apprend que l'èx-recteur dès écoles de 'Mines était originaire dé Béziers {Çorrespbnddnce des 'réforma* teiïrà français, ±812, t. iv, p. 459et463).


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sa manière de voir. Jamais on n'avait vu pareille opiniâtreté, -pareille résistance à l'autorité ecclésiastique. Il y a là un indice de la situation des esprits.

« Le XXV octobre 1537 , Me Robert DELACROIX (1) , prévbst en l'esglisé Cathédrale, vicaire-général et officiai pour

; Mr l'Ev. de Nismes, adict que pour raison de ce que maistre Imbert PECOLET , maistre des escolles de la présente cité, estôit détenu en I'arrest en la maison épiscopalle pour certains

; cas à luy imposés, et desquels disoit feslre prévenu, plusieurs

: éseolliers de la présente ville et estrangiers estoient venus plaindre à luy comme vicaire dudit Monsieur de Nymes, de y pourvoir d'ung aullre maistre, à ces fins que les dits enfans ne perdissent leur temps, mesmemenl lesdits estrangiers qu'es..toyent

qu'es..toyent de loing pays pour ouyr et apràndre auxdiles escolles, ce que il n'a voulu fere, combien que à luy appartienne comme vicaire et officiai dudit sieur de y pourvoir , sans en communiquer et fere assavoir- à Monsieur le seneschal ou son lieutenant, requérant que à ses fins les consuls de la présente ville et cité soyent appelles.

y lllec a comparu Me Jehan LAKSARDI (2), notaire, tiers consul

(1) Robert Delacroix, qui fut prévôt de la Cathédrale durant trente-sept ans, était un homme de grand savoir et de résolution. Il était fils de Jacques Delacroix, licencié ez-Iois, et d'Anlonie Barron, qui teste en 1516 (E. 124, f. 16), et partant frère d'Arnaud, licencié et avocat renommé, et de Bernard, grand archidiacre de Saint-Gilles. I) mourut à un âge avancé, le 13 mai 1543, et eut pour successeur, non un homme de valeur, mais un enfant do douze à treize ans. Le Chapitre plaida contrôle choix du roi François I°r; mais comme il avait affaire à forte partie, il finit par accepter François DE L'ESTRAKGE.

y La non-résidence do l'Evêque, le peu d'autorité accordée à ce prévôt ont, remarquons-le en passant, amoindri l'autorité ecclésiastique et grandcinentservi la cause de la Réforme.

(2) Il fut consul en 1537-38, en 1515-46 et en 1554. Il avait épousé Joffriiie Ferrand, soeur du médecin Jacques Ferrand, et mourut Vers 156G, laissant : i° Pierre, qui fut bourgeois ; 2° Jacques, dont on ignore la destinée; 3° Tiphaine, épouse Bertrand de Nismes; 4° Mathieu, qui fut marchand.

: Celle résistance est d'autant plus remarquable que ce eonsul était catholique fervent. En effet, en 1545, J, Lansard est viguier de Campagnes, Signan, Cabanon et Puechmejan, domaines appartenant au Chapitre et l'était encore douze ans après.


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de lad. ville, tant pour luy que les aultres consuls sescompaignons absens, occupés en la maison de ville pour les afferes de la diocèse, lequel par l'organe de M0 GEVAULDAN (1), licencié, commissere dudit dipcèse, a dict qu'il y avpit certaine cause pendant et future assignatipn en ladite cpurt de Paris pour raison des libertés , preheminences et prérogatives es» quelles d'ancienneté ont esté lesdits consuls : c'est dénommer et porter ung maistre d'escolles ; entre les consuls impétfans d'une part et sire Guy de RISPE (2), chanoyne et presenteur de ladite esglise, opposant d'aultre , et suyvant leursditeS libertés, ils y avoient ppurveu avec leur conseil extraordinaire de la personne dudit M° Ymberl, a presant détenu par ledit sieur Evesque ou sondit vicaire comme dict est :

Lequel avoit balhé pour adjoint ad Imbert, Me Gaspard CAIHAS (sic) homme de bien, ydoine et souffisant, lequel ce pendant peult exercer ladite chargé que avoit ledit maistre Imbert jusqiies à ce que sera cogneu présantement ou aultrement ledit Me Imbert estre coulpable des cas à luy imposés, auquel cas offrent y pourvoir de aultre avec ledit M0 Gaspard si besoing est, comme de fere lesdits consuls sont en possession, soy déclairant'cependant qu'ils n'entendent aulcunement.de empêcher M. le prévost comme vicaire et aussi la ecurt de mondit sieur le seneschal comme commissaire,joinct audit evesque, que icelluy Me Ymbert ne soit pugny des cas à

(1) Fils de Pierre, licencié ez-lois, et deBéatrix de.Godel , petitfils d'autre Jean, qui était notaire à Nimes, dans les dernières années du xvc siècle , Jean Gevauldan épousa, vers 1534, Antonie, fille de Gofred Richier, docteur en médecine, et de Marthe Roverié, soeur du seigneur de Cabrières. A l'exemple de son beau-frère, Honoré Richier, il acquit, en 1538, un office de conseiller-rapporteur àla cour du.sénéchal, et mourut dans les derniers jours de l'année 1544, laissant sept enfants. Le conseil de famille, assemblé le 15 janvier 1544 (45) devant le juge-mage , établit que la magistrature n'était pas une profession lucrative et que les parents savent, en ce temps, remplir leurs devoirs. Trois dès pupilles sont confiés à des collatéraux, et notamment Honoré,'qui succédera à son oncle et parrain, le conseiller Honoré Richier. La scène est touchante; aussi, ya-t-illieu de regretter de ne pouvoir en donner le récit in-extenso (Poreau, notaire, fol. 18).

(2) Originaire de Tàrascon, le précepteur était âgé. A sa mort, arrivée vers 1550, il fut remplacé par Jean du Caylar, chanoine.


. ..".■■-3.95v; '" " luy imposés, protestant contre M. le prevostde turber lesdits, quand vouldroit empêcher lesdits consuls en leurs dites délibérations plus a plàin mëntipnnées dans leurs lettres de maintenue.

Mondit SF le Prévost a dit que c'està luy comme vicaire de M. de Nymes de pourvoir "d'ung. maistre d'escolle^ non point les consuls, attendu mesmement les grands erreurs qui courent de secte luthérienne.

Ledit assesseur ; dict que c'est aux*dits consuls de y pourvoir quant à.la nomination et présentation : -après' avoir pressente le maistre d'escplles, au presenteur de ladite église le mettre en possession des escolles au cas qu'il ne-Sefoit admis, receu, institué par ledit presenteur & sine tamen causa

. et delictï présentait » et qu'il n'y à lieu de adjuger les conclusions requises par mondit'siéur lepréyost ; car ce seroit décider toutellement-la mandé principalle, pandant en yostre

; court.. Toutesfoys offrent lesdits consuls ce pendant et par manière de provision pendant ledit procès et sauf du doumage de droict des parties, présenter audit M., de Nismes ou son vicaire ou presenteur ledit Me Gaspard Gayaf (sic) pour lire et régir lesdites escolles.

MM. Tristan de BRJJEYS et Raymond de BURINO (1), advocat et procureur du Roy Ont requis que, pouf ce que së-'àgist.- du bien de la charge publiçquë, que non obstant les chouses dessous dites, soit pourveu -aux dites escolles de maistres souffisants etydoynes « Sine, tamen prejudicio juris cerlum de future cognitionis. ». . ;- " •'

Mondit sieur le juge mage a enjoinct audit Me Jehan Lansardi, consul, :eten sa.personne aux aiihres.consuls ses Compagnons sur peyne de XXV marcs d'argent au Roy noStrè sire applicqués, que dans demain par tout le jour ayènt à

'(!-) Raymond dé Burino, dont Ménard ne parle pas, paraît avoir' exercé les fonctions de procureur de 1525,(acte de-Bonety, étude de Me Grill,) à 1544, année de sa mort. Il laissait, avec une veuve Françoise Pelegrin, neuf enfants dont .un posthume (J. Ménard 1576 f. 250). A cette date, de Cette nombreuse famille, il ne restait que Philibert, de Burino Sgr de Peras (Yivaraisj et Madeleine de Burino, épouse Guillaume d'Airebaudoùze, Sgr du Gesti


396, pourvoir aux dites escolles d'ung maistre souffisant et ydpine aux fins susdites.

Ledit Me Lansardi, consul a dict qu'il n'y cpnsentpit, attendu que faire ce pourtoit préjudice à leurs dites libertés

prééminences et facultés comme consuls ; ains a persisté.

{Reg. in fol. f. 15.)

Malgré ce veto, qui est encore plus accentué dans une pièce reproduite par Ménard (t. iv preuves 134 et seq.~), Gaspart Gaiart qui, à ce que nous apprend M. Bardon, était originaire de Saint-Maurin au diocèse d'Agen, [Les écoles à Mais sous Vancien régime 1889, p. 25) fut autorisé à exercer l'année suivante (Arch. mun. KK 2 f. 220). Ce nouveau recteur ne paraît pas avoir fait merveille : non seulement il ne fit pas oublier Imbert Pecolet, mais encore une plainte de son collègue, le prêtre Alexandre ANTHOINE, apprend qu'il laissa à désirer et ne recruta pas un grand concours d'élèves. C'est à ce point de vue particulier que la pièce suivante offre quelque intérêt; car la discipline alléguée pour la défense de sa conduite est un argument sans grande portée.

«L'an MVXXXIX et le XXVI; avril, Me Alexandre Anthoine (1) prestre et co-récteur des escolles de la cyté de Nymes a exposé à Messieurs les consuls que en hayne de ce que les escolliers ou aulcungs d'eulx viennent ouyr quelques leçons dudit Alexandre que de peu de temps et jours a acommencé de lire au pourchas desdits escoliers et n'ont volu ouïr les leçons que list M0 Jehan Carausse (2) intendant auxdites escolles et Me Gaspard aussi co-recteur desdites escolles, a desfendu l'escolle auxdits escolliers.

Par quoy a protesté que si ledit Gaspart vient à chasser lesdits escolliers desdites escolles desquels leur vient le proffit, il n'entend point de payer—ledit Me Jehan Carausse ne

({) Me Alexandre Anthoyne, prêtre, « en considération de plusieurs bons et agréables services que Antoine Deydier, escuyer, luy a faits» lui donne le 12 janvier 1551 (52) certaines terres et maisons qu'il a acquises au lieu dé Rodilhan (F. 292, f. 365).

(2) Aucun renseignement n'a été relevé sur ce prédécesseur de Baduel,


397

luy sert de rien — si les escolliers s'en vont ou ne le veullent ouyr —■ demandant sa protestation estre escriple.

Messieurs les consulz luy ont respondu qu'ils feroient appeler lesdits MeE Gaspart et Jehan.

Le XXVII dudit moys, par devant les consuls et en la présence desdits Mes Gaspart et Jehan, a faict semblable ledit Alexandre, lesquels Gaspart et Jehan ont dict que ung nommé Bessonis et ung autre demeurant chez Saunerii se sont insurgés contre luy {sic), par quoy leur a desfendu l'escolle si ne voulaient obéyr. [Arch. mun. FF. 12 f. 183.)

. C'est là le dernier incident dont les registres aient conservé traces, mais il y aurait erreur d'en conclure que tout a pris fin. Le feu, pour ne pas être apparent, n'en couve pas moins sous la cendre et lance de temps à autre quelques étincelles. L'Université, créée en 1539, renouvella les craintes qu'avaient fait naître les derniers recteurs des écoles et un beau jour le Chapitre qui avait permis à quelques uns de sesjeunes membres de suivre les cours, retira formellement cette autorisation. II donne pour prétexte que les chanoines n'ont pas besoin d'acquérir des grades universitaires, mais au fond il redoute que cette fréquentation n'amène plus de mal que de bien (1), car il sait de source certaine que les deux principaux régents ont une foi chancelante (2).

Ces craintes ne sauraient être taxées d'exagérées : elles n'ont, au contraire, que trop de fondement. Passe encore si

(1) A la date dul4nov. 1547 Mas Robert Telin, Honorât Eyrargues, Jacques Cridon et Antoine Petit, chanoines, disent que si on « veult leur bailher ung maistre pour la grammaire, ils bailleront chacun d'eux ung teston chacun moys. (Registre n° 51 f. 116) A la date du 5 mai 1548 (id. f. 137) le chanoine Guillaume Barralis demande qu'on lui baille argent pour continuer ses études. Le Chapitre décide de le pourvoir de maître de grammaire, mais il n'entend pas l'en fournir hors la maison ; car autrement il en faudrait fournir à M0 J. Suau et à une douzaine d'autres « mesmement que gens d'esglise ne peuvent et ne doibvent estudier aux loix civiles. »

(2) Allusion à Claude Baduel et à Guillaume Bigot. Ce dernier avait occupé à Tubingue la chaire de philosophie (1535) V. Hermingard (Correspondance des réformateurs français t.rv, p. 267),


398;

elles n'avaient d'autre origine^: que l'arf et dû,..Parlement-de. Toulouse qui donne en cette année (1547) ordre de faire remettre, devers le greffe de la cour du sénéchal tous, les livres de l'Ecriture sainte translatés dulatin en français par les luthériens; car on pourrait croire qu'elles procèdent d'unéxçès dé sollicitude ; mais il y a à une date ultérieure. (14 sept, 1548) un arrêt des Grands jours du Puyqui ne saurait être semblablement interprêté ; car il vise spécialement le collège, et. Université de Nimes et incrimine d'hérésieun de ses professeurs. Les consuls soutiennent bien .que nul lie prête à; suspicion, que c'est là une calomnie tout à fait gratuite ;' leur dire est, en somme, par pure bonté d'âme (1) et ils n'auraient garde d'en, mettre la main au feu.

Le règlement du Collège, dressé à quelques jours d'intervalle,' est moins sujet à caution. Assurément il n'a pas. man-. dat de répondre à la question posée par un magistrat de la cour; mais il laisse entendre la; réponse par, les précautions minutieuses qu'ilédicte. De là la nécessité d'en donner tout au moins un: extrait, renvoyant pour les détails à l'article■,. publié dans la Revue du Midi (septembre188Q).,-.

« Inhibitions et desfance aux principal, régents, pédagogues et aultres de ne tenir aulcungs livrés de la : Saincte E.scriptufe translatés en vulgaire ou aultres réprouvez et d'aùcteurs répf ouyez et de lire, déclairer ou interpréter en public ou en privé la Saincte Eseripture, dompmatiser ou aultrëment malverser quant à icelle, instruire ou indUyrë leurs disciples ou aultres à auleune doctrine ou aultre chose contraire, pu dévoyant de la saincte foy et constitutions de notre saincte mère lyEglise sur les peynes de droict contenues aux arrests; sur ce donnés et desfences aultres foys sur ce faictes et aultres

(1) Cette imperturbable assurance des consuls est contredite par tout ce que l'on sait. Ainsi Baduel dont ils ont pris la défense, avait à cette époque échangé plusieurs lettres avec Calvin, Aujour. dUiui on ne connaît pas moins de, vingt une lettrés écrites de 1541 à 1550 et il est probable, que plusieurs se sont égarées; Il est d'autant moins nécessaire d'insister sur ce point que dans son intéressante étude sur Claude Baduel, M; 'oi.vrE.is, s'est complu à en fournir la démonstration,, '


' -399" ;■'■■'

arbitraires, leur enjoignant sur mesmes peynes de intrbduîre leurs escolliers et disciples et les instruire au divin service et observation de la saincte foy catnolique et constitution: de nostre; saincte mère l'Église et ferepourter aux jeunes enfants et aultres dudit collège leurs heures admonestant les dire, sans pourter en public autres livres de la Saincte Eseripture, mesme des trahsduietz en vulgaire, suyyànt les prphibitipns et desfences sur ce faictes...- Inhibition et desfence à tous habitans de la présenté ville, qui lougeront en leurs maisons régents , et escolliers, de permettre qu'ils tiennent -en .'leurs.- dites maisons aulcungs desdits livres.reprouvés,y lisent ou interprètent la Saincte Eseripture, faisans convénticules et domatizans, avoir et tenir en leurs dites maisons aulcunes armes prohibées et desfendues par les édiets duRoy, sur peine d'estre pugnis comme recellateur et fauteur desdits delictz et aultres peines arbitraires [Arch. du Palais, division U, année 1548-49, f. 120;)

Que ces injonctions aient été spontanées ou suggérées par l'arrêt du Parlement de Toulouse, elles n'en restent pas moins remarquables et attestent l'impprtance du rôle qui, en ce temps, était.'attribuée en fait d'hérésie aux maîtres de l'enseignement. L'arrêt du XXI avril 1539 le dit expressément. « Par inquisitions et procédures faictes contre aulcuns prévenus de la secte luthérienne est appareu aulcuns maistres d'escolles, soubs umbre et moyen de; lire et interpréter les Epistres Saitict Paul en leurs dites escolles, avoir donné occasion et induction à plusieurs de adérer à la dite secte et icelle ensuyyre dogmâtyzer et divulguer au grand scandale • de la saincte fôy catholique. » En conséquence,'prohibition : « à tous maistres d'escolles et aultres ne lire ni interpfêter publicquement lesdictës Epistres Sainôt-Paul ou aultres lieux de la Saincte Eseripture : ne aussi faire obtenir dispulations publicqués de la Saincte Eseripture etfpy catholique,sur peine de prison et aultre arbitraire, sinest tant seulement ezuniversitez approuvées (1). »

(1) Arrêt oité par le Formulaire de Nimes, imprimé en 1542, p. 109,


409

Importée par les étudiants allemands qui, suivant les us et coutumes, voyageaient d'université eh université, la Réforme s'est transmise aux humanistes que leur admiratipn ppur l'antiquité avait rendus à moitié payens et aux maîtres d'école qui, en qualité de précepteurs des enfants de famille, suivaient les leçons données à leurs élèves. C'est ce qui explique pourquoi les premières recrues de la Réforme ont été parmi les lettfés et les grands; c'est ce qui explique aussi pourquoi « les séminatëurs de ceste infection sont à ce induitz et persuadés par plusieurs gros personnages , qui secrettement les recellent, supportent et favorisent en leurs faulces doctrines, leur aydant et subvenant de leurs biens et places seurettés et occultes, esquelles ilz retirent leurs sectateurs pour les instruire esditz erreurs et infections (1). »

Les petits, qui devaient être les futurs soldats des grands, ont été initiés par les magisters. L'école, qui a été de tout temps un moyen commode et sur d'insinuer doucement les idées nouvelles, a été mise maintes fois à prpfit etle nouveau maître qui, à l'aide d'un abaissement de salaire, avait remplacé le maître précédent, s'est donné dans maints villages le rôle de prédicant ou tout au moins de catéchiste. Dans les Gévennes et en particulier à St-Jean de Gardonnenque, il a enseigné le catéchisme de Calvin ; il a, à l'occasion, prêché dans le cimetière et préparé la voie au ministre. S'il y a des maîtres d'école qui ont fait office de prédicant, il se trouve aussi des ministres qui se sont fait accepter comme maîtres d'écoles. On ne sait si tous promettaient de ne recevoir argent qu'après résultat; mais il est certain que MeBefnard ARNALDI, de SaintGilles, acquitta les dettes du maître d'école avec les gagée du ministre de « la parole de Dieu (2). »

(A suivre). Docteur A. PUECrL

Page 378, ligne 21, ajoutez après monasterio : « quatuor vicarii. «

(1) Edit dn roi donné le 24 juin 1539 loc. cit. p. 112.

(2) Duchamp Contrats non perpétuels, 27 septembre 1560, f. 40.


Mi.

PROGÈS-YERBA.UX DES RÉtJNÏONS

Dtl COMITE DE L'ART CHRETIEN

. N° 114, ~ Se'ànçe du 2 juillet 1889*y-*-; Présidence de M. le chanoine Gpiffbn, vice-président; VAprès

VAprès du prbcès-vef bal dé là précédente séance, M. Goiffon lit une monogfajïhie sur la jjafpisse dé Rbdilhan,

; N» 115. —Séance du 5 novembre 1889. — Présidence de M. Goiffon, vicaire-général, vice-président.

M. le Président fait part à la Société de la mort de M. Azaïs et rend un hommage mérité à cet ancien membre , qui fut un moment l'un des plus actifs du Comité. Tous les membres présents s'associent aux regrets ainsi exprimés et décident qu'il en sera fait mention au procès-verbal.

M. l'abbé E. Durand , curé de Monoblet, fait lecture d'un naempire archéologique sur l'église de Saint-Félix de Pallièrès.

M. le docteur Puech commence la lecture de son travail sur les débuts de la Réforme à Nimes. La suite est réservée pour la prochaine séance.

NIMES. — IMPRIMERIE BERVAIS-BÈDOT