272 I.IVIIK II. — CAUSES ET ('('MUTIONS.
ne peut pas être mesuréo avec la môme précision, mais on sait assez combien elle a été rapide pendant co temps.
On pourrait multiplier les preuves. Les classes de la population fournissent au suicide un contingent proportionné à leur degré do civilisation. Partout, ce sont les professions libérales qui sont le plus frappées et l'agriculture qui est le plus épargnée. Il en est de mémo des sexes. La femme est moins mêlée quo l'homme au mouvement civilisateur; elle y participe moins et en retire moins do profit; elle rappelle davantage certains traits des natures primitives ('); aussi so tue-t-elle environ quatre fois moins que l'homme.
Mais, objectera-t-on, si la marche ascensionnelle des suicides indique quo le malheur progresse sur certains points, no pourrait-il passe faire qu'en mémo temps le bonheur augmentât sur d'autres? Dans ce cas, cet accroissement do bénéfices suffirait peut-être à compenser les déficits subis ailleurs. C'est ainsi que, dans certaines sociétés, le nombre des pauvres augmente sans que la fortune publique diminue. Elle est seulement concentrée en un plus petit nombre domains.
Mais cette hypothèse elle-même n'est guère plus favorable à notre civilisation. Car, à supposer que de telles compensations existassent, on n'en pourrait rien conclure sinon que le bonheur moyen est resté à peu prés slationnaire. Ou bien, s'il avait augmenté, ce serait seulement de très petites quantités qui, étant sans rapport avec la grandeur de l'effort qu'a coûté le progrès, ne pourraient pas en rendre compte. Mais l'hypothèse môme est sans fondement.
En effet, quand on dit d'une société qu'elle est plus ou moins heureuse qu'une autre, c'est du bonheur moyen qu'on entend parler, c'est-à-dire de celui don» jouit la moyenne des membres de celte société. Comme Ms sont placés dans des conditions d'existence similaires en tant qu'ils sont soumis à l'action d'un
(•) Tarde, Criminalité comparée, 18.