283 L'ESPAGNE ET NAPOLÉON
Entraînés par le vent cl soutenus par le courant ils essuyèrent le feu des canons, mais à cause de la rapidité de leur course, puis de l'obscurité survenue, on n'eut pas à déplorer d'autre perte. A la nuit la chaloupe touchait un bas-fond de la côte andalousc. Le débarquement s'opérait immédiatement. Tous étaient sauvés (I).— Et s'agcnouillunl pour remercier Dieu du succès de leur extraordinaire tentative, dans la joie de la délivrance, ils gagnèrent les postes français, stupéfaits de leur arrivée (2).
Ces coups de vent déquinoxe de printemps sont terribles. Ils jetèrent (mars 1810) à la côte occupée par les Français 3 vaisseaux de guerre, une frégate et l'd bâtiments marchands, toul chargés et en partance. Les Espagnols eurent le temps de mettre le feu aux navires échoués, les baleaux marchands furent pris par nous et les nombreuses marchandises distribuées entre les soldats (îi). — Ces divers événements ranimaient les courages, el les poussèrent à l'extrême quand le bruit courut que les Espagnols allaient envoyer aux colonies leurs prisonniers. L'évasion immédiate fut résolue. Le 15 mai 1810, à 8 heures du soir, le cable de la Vieille-Castillc est coupé, la garde désarmée à Pimproviste. « Sauvons-nous ou vendons chèrement notre vie» est le cri général. La marée entraîne d'abord le bâtiment loin des chaloupes lancées à sa poursuite. Tout à coup le vent cesse, le ponton s'arrête. Angoisse affreuse. Une bourrasque nouvelle s'élève ; la marche reprend. On est sauvé. Les bons nageurs se mettent à l'eau. — Les boulets espagnols ont traversé le ponton. Il y a bien quelques noyés, mais on parvient au rivage. — Une foule d'officiers sont accourus sur la rive pour faire accueil aux
(1) Germain BAPST, Le maréchal Canrobert. Souvenirs d'un siècle, I, p. 343.
(2) Mémoires de l'amiral Grivel, p. 222.
(3) Lettre du duc de Bcllunc au duc de Dalmatie, 10 mars 1810. Archives de la Guerre, nos 213 et 261.