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Titre : Le Matin : derniers télégrammes de la nuit

Éditeur : [s.n.] (Paris)

Date d'édition : 1906-01-13

Contributeur : Edwards, Alfred (1856-1914). Directeur de publication

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328123058

Notice du catalogue : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb328123058/date

Type : texte

Type : publication en série imprimée

Langue : français

Format : Nombre total de vues : 123753

Description : 13 janvier 1906

Description : 1906/01/13 (Numéro 7993).

Description : Collection numérique : Grande collecte d'archives. Femmes au travail

Description : Collection numérique : La Grande Collecte

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k567846h

Source : Bibliothèque nationale de France

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 29/04/2008

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LES MÉMOIRES DE M. DE NOHfNLOHf Lorsque, les atteintes de l'âge l'eur.ent obligé à quitter l'armée où l'éclat de son nom, autant que ses vertus militai'res, .lui' avait valu de parcourir une carrière brillante le général prince Kraft de Hohenlohe-IngelTingen entreprit, comme cela est dans l'usage, de mettre par écrit ses souvenirs. Il en avait de curieux. Il avait vu bien des choses et assisté à bien des événements. Ses mémoires offrent le double attrait de fanecdote et du document historique. Nul, peut-être, parmi les écrivains de l'Allemagne contemporaine, n'a mieux connu ni mieux étudié réplique qui va dû lendemain de Sadowa à la guerre de 1870. Une Allemagne imprévue surgit de ces pages, une Allemagne presque mystérieuse, patiente dans sa volonté, prudente, attentive, secrète, et comme ramassée sur elle-même, dans l'effort auquel elle se prépare depuis tant d'années..

C'est un officier prussien qui parle. Sa manière un peu brutalc, sa sécheresse de ton el un insupportable orgueil ,qui choque le goût et dépasse toute mesure révèlent la lourdeur allemande. Mais une documentation précise, le pittoresque et la variété des souvenirs prêtent, en revanche, à ces mémoires un évident Je crois, pour les lecteurs du Matin, Jdeyoir en détacher une page qui est de ^histoire et que nul ne lira sans sentir fremonkr en lui un peu de l'émotion du passé. .̃'

Pendant l'été de 1869, des exercices dé tir avaient lieu aux environs de Berlin, exercices basés sur les expériences les pius récentes et auxquels assistaient les (attachés militaires étrangers. Parmi ceux-ci se trouvait le colonel Stoffcl, l'attaché militaire de Franche.

« C'était, raconte le prince de Hohentohe, un camarade un peu rude, niais aimable et gai. Nos relations étaient intimes. Nous parlions franchement de choses dont des officiers appartenant à des pays différents évitent de s'entretenir à l'ordinaire. Notre tir et ses effets l'intéressaient beaucoup. Comme cibles, nous avions des figures de grandeurnaturelle. Elles avaient des tuniques bleues ̃jit des panialpnë rouges. J'éprouvais -un; (Certain malaise à voir Stoffel' constater qu'elles représentaient des soldats français. Un vieux règlement, d'après lequel ;les cibles ne devaient figurer que des soldats allemands, afin que les troupes rxe s'habituassent pas à faire de la politique pour leur propre compte, était iombé dans l'oubli. Je le fis.rétablir. » L'année suivante, au mois de juin 1870, Stoffel assista de nouveau aux exercices de tir. En nous approchant des cibles, j'aperçus une foule de zouaves jon-"chant la terre. Je fis punir sévèrement cet oubli d'un ordre donné l'année précédente et j'en fis immédiatement part à Stoffel. Mais l'impolitesse que, malgré moi, j'avais commise à l'égard d'un officier étranger me'fut extrêmement désagréable.

» Dans l'armée, au printemps de 1870, -la plupart ne croyaient pas à la guerre. Depuis que la question du Luxembourg ,et la conférence de Salzbourg de 1867 s'étaient terminées en queue de poisson, on tenait la paix pour assurée. Mais notre -roi veillait, et avec lui Bismarck, iRoon et Moltke, bien qu'ils eussent l'air 'de sommeiller. On faisait de grands préparatifs, mais dans un tel secret que nous tous, généraux de la troupe, n'en savions absolument rien. A cette époque, j'avais l'habitude de faire tous les jours une promenade à cheval au Thiergarten. 'J'y rencontrais généralement des officiers de l'état-major général. Ils se provenaient, comme moi,, en attendant l'heure des bureaux. Je constatais avec surprise que, de temps à autre, l'un d'entre eux disparaissait pour quelques 4emps au retour, il racontait avoir fait un voyage de plaisir. Tous ces voyages avaient pour but la France, mais rarement Paris. Les environs de Metz. de Nancy, de Belfort, de Verdun, de Ghâlions et de Dijon les avaient, disaient-ils, intéressés à. un tel point comme paysages qu'ils n'avaient pas eu le temps de pousseur plus loin. Je m'étonnais aussi de ivoir des officiers sans aucune fortune enjtreprendre de ces voyages d'agréme.ii.' ». Mais, comme ils ne m'en pariaient pas, je me gardais de questions indiscrètes.,

» Quelque temps après, exactement le i2 juillet 1870, j'eus avec le colonel Stoftel une conversation que je n'oublierai damais. Comme j'entrai au casino pour diner, je le rencontrai près du portail. 91 vint à moi'et me demanda s'il pouvait, pomme les fois précédentes, assister aux exercices de tir. Je fus surpris par le sans-gêne de cette demande, vu la situation politique du moment. Néanmoins, je n'en laissai rien paraître. Je lui réponidis que notre tir, étant exclusivement réservé aux recrues et ne comprenant que 'des exercices élémentaires, ne pouvait offrir aucun intérêt. J'ajoutai toutefois que dans" quinze jours ce serait plus intéressant et que je me réservais de l'inviter à ce moment. Quinze jours plus tard. Prussiens et Français se tiraient déjà dessus.

» Eh bien dit Stoffel, je viendrai dans quinze jours. Je veux voir comment vous allez nous tuer. (En français dans le texte.)

Je lui fis observer que ce n'était pas anoi qui avais commencé à parler'de cette triste éventualité, mais, puisqu'il en avait touché un mot, je pouvais au moins lui dire qu'au point de vue militaire et scientifique cette guerre serait intéressante au plus haut point.

» -Elle sera excessivement intéressante, répliqua Stoffel.

Il -Mais avouez qu'elle est inutile. » C'est la plus grande bêtise, s'écria Stoffel en se frappant le front, qu'on puisse imaginer C'est une chose que je ne conçois pas. Notre empereur est pourtant un homme calme et raisonnable, et Olfivier, lui aussi, est calme et raisonnable, et même un peu peureux. Et ils commettent des bêtises qui nous jetteront dans un gouffre. (Toute la conversation est en français dans le texte.) » Le pauvre Stoffel voyait clair. Il connaissait notre armée et l'armée française jusque dans leurs moindres détails, et savait que cette dernière succomberait. Il a envoyé rapports sur rapports à l'empereur, en le suppliant de ne pas risquer cette guerre. Ses lettres n'ont même pas été ouvertes. Lorsque Napoléon III partit pour l'armée, elles se trouvaient encore cachetées à Saint-Cloud. L'agitation de Stoffel grandissait de jour en jour. Le 15 juillet, au retour du roi, il avait littéralement perdu la tète. » Le soir de ce même jour, le roi revint à, Berlin. J'allai l'attendre au palais. » Il descendait rapidement de voiture, entra au palais, nous salua de la main et dit en respirant fortement

» Eh bien si l'enthousiasme du peuple est un bon signe, tout va bien. A la grâce de Dieu Ncuyi avons été atta- qués par surprise, comme par un chien enragé il s'agit maintenant de défendre notre peau. Je viens d'ordonner la mobilisation de toute l'armée, car j'ai été informé dans le courant de la journée que la mobilisation de l'armée française a été ordonnée ce matin, et nous ne pouvons pas reculer. »

Jean d'Orsay.

DE MIDI A MINUIT Les faits d'hier BsiFranoe et à l'étranger. Le conseil des ministres a fixé au mercredi 17 janvier la date de l'élection du président de la République.

Au Sénat, M. Fallières, en prenant possession du fauteuil présidentiel, a prononcé uu discours.

Clôture de la Bourse, soutenue 3 98 82 Extérieure, 91 35 Russe consolidé, 83 20 Turc, 91 Rio, 1,075 Rand Minets,

Ont été déclarés élus sans concurrents les députés anglais de Carliste (libéral). S wansea (libéral), ̃ Hartlepool (libéral), East Foxtetb (unioniste libre échangiste).

Le Reichstag a continue l'examen desil^p«?jefs d'impôts. Lc prince impérial allemand a dû 8'ainêr à la suite d'un refroidissement; la princesse est également souffrante. La police de Varsovie a arrété le comité de l'organisation révolutionnaire. La troupe a cerne la ville de Novorossik. Après quatre semaines d'interruption, les communications télégraphiques ont été rétablies avec le Caucase.

Le gouvernement italien a nommé M. Carlo Guala, sénateur, commissaire de l'Italie pour l'enquête administrative et financière qui doit être faite en Crète.

M. White, ambassadeur des Etats-Unis en Italie, et délégué américain à la conférence d'Algésiras, a quitté Naples pour Gibraltar. La Chambre belge a discuté les crédits pour les travaux maritimes et militaires d'Anvers.

Le mariage de l'infante Marie-Thérèse, sœur du roi Alphonse XIII, avec le prince de Bavière a été célébré à Madrid, en grande pompe. Le cardinal Sancha, archevêque, de Tolède, a béni l'nnion des deux époux. Djemal Bey, adjoint au ministère des travaux publics de Turquie, a été. nommé commissaire turc près la commission financière de Macédoine, en remplacement de Zia Bey. Une bande bulgare a été dispersée près de Strumitza; le chef Christo et deux comitadjis ont été tués. Les représentants à Constanlinople de la Belgique et de la Perse ont protesté contre l'arrestation d'un Arménien persan dans un hôtel belge.

Le général Oku et son état-major ont fait leur entrée triomphale à Tokio.

Le Tsong ii Yamen a réglé à la satisfaction de la France, la réclamation formulée en vue de l'indemnité pour le meurtre, de deux missionnaires et la destruction d'une mission Ba-Thang.

On mande de Téhéran que la peste a fait son apparition dans le Sèïstan.

PROPOS D' UN PARISIEN Tout passe. Le krach des sucres, la déconfiture. de M. Jaluzot, le suicide de M. Crouier, les cent millions perdus par lui sont déjà de l'histoire ancienne, comme les cent millions de Mme Ilumbért.

Pourtant, cent millions et cent millions font deux cents million, ce qui représente beaucoup d'argent. Mais, cette somme, nous apprendront les économistes, ayant simplement changé de poche, il est naturel que ceux qui ne l'ont plus dans la leur soient seuls à y penser encore.

Et c'est pourquoi le procès Jaluzot, rappelant ces souvenirs.a passé presque inaperçu. Il y, a, cependant, dans cette affaire, un point méritant d'attirer l'attention. Une des imputations dont a eu à répondre l'ancien gérant du Printemps est celle-ci « Création d'un rayon d'épargne et, par !a, infraction il la loi sur,les caisses d'épargne. M. Jaluaot a déclaré que ses intentions étaient pures.Philanthrope persécuté, le malheur Sont il est accablé, vient. a-t-il dit, de ce qu'il toujours pensé aux autres. Et c'est vrai. malheureusement pour les autres.

Son intention fut de faciliter l'épargne à ses employés. Il le proclame,-tout au moins. Peut-être est-on autorisé à se demander s'il ne rêvait pas, en outre, d'encourager ses clientes petites bourgeoises et cuisinières, il faire danser l'anse du panier au profit de ses combinaisons financières.

Mais la question n'est pas là. Le rayon d'épargne a fonctionné pendant une quinzaine d'années au vu et au su de tout le monde. Puisqu'il constituait une infraction à la loi. pourquoi la justice n'a-t-elle pas poursuivi d'office'dès le début, et'a-t-elle attendu pour le faire que les fonds des déposants eussent disparu ?

Ceux qui le savent ont de la chance. Il. IIarduin.

LA QUESTION MAROCAINE AVANT LAJiFÉRElE Au cours d'un entretien avec l'envoyé spécial du Matin » en Espagne, M. de Radowitz, délégué allemand à Algésiras, affirme que les intentions

de son gouvernement sont

pacifiques.

111..DE M. DE lUDOWlTZ

Délégué de l'Allemagjie à Algésiras,

[PAR DÉPÊCHE DE NOTRE ENVOYÉ SPÉCIAL] Madrid, 12 janvier.

Suivant des conversations que j'ai eues avec les divers ambassadeurs et ministries, ici, j'ai recueilli l'impression bien nette que, à la conférence, la France aura tous les pays avec elle et que l'Allemagne se trouvera seule avec le Maroc, et peut-être même le Maroc ne sera-t-il pas avec elle.

Mais l'Allemagne, m'assure M. de Radowitz, avec qui j'ai eu une intéressante conversation et qui. m'a parlé sur un ton et dans des termes des plus cordiaux, va

HISTOIRE D'UN CANOT AUTOMOBILE COMMENT LES DÉPÊCHES DU MATIN

On parle bien souvent en Europe des tours de force accomplis par l'industrie et le journalisme américains toute notre vie, on nous a émerveillés avec des histoires de chemins de fer créés en quelques mois, de yachts envoyés vers le pôle, d'usines où l'on commence à travailler à mesure que l'on construit les murs, etc.

Pourtant, en France même, on peut quelquefois faire aussi bien, sinon mieux. Nous en donnerons aujourd'hui un témoignage auquel le Matin a quelque peu collaboré.

L'autre jour, M. C.-L. Charley, l'industriel et sportsman bien connu, reçut un coup de téléphone, l'invitant à venir nous trouver. Cinq minutes après, M. Charley était dans les bureaux du Malin.

Le dialogue fut court et décisif.

Monsieur Charley, nous vous connaissons comme homme de prodigieuse ressource, osant tout et réussissant tout. Nous désirons que vous nous fassiez construire un canot automobile.

C'est, répondit M. Charley, la chose la' plus simple. Nous sommes aujourd'hui le 26 décembre (c'était, en effet, la date), nous pouvons l'avoir vers fin mai.

Il nous le faut vers fin décembre, répondîmes-nous doucement.

M. Charley bondit

Fin décembre 1

Teiiez. nous vous donnons six jours. --Mais je n'ai pas de coque 1

Vous en ferez une.

Mais je n'ai pas de moteur.

Vous en trouverez.

Il Le Matin veut il tout prix organiser, pendant la conférence d'Algésiras, un service de dépêches qui nous assure la rapidité et la sécurité absolues des informations.

Comme il faut compter, même en Espagne, avec l'embarras des lignes télégraphiques, nous avons décidé de faire partir nos dépêches par Gibraltar. Il y a entre Gibraltar et Londres quatre cébles nous sommes donc certain que nos télégrammes passeront. De Londres à Paris, ils chemineront :sur notre fit spécial. Nos lecteurs seront ainsi renseignés avant tous, suivant une habitude laquelle ils tiennent. 1 Seulement, il faut aller d'Allésiras à Gibraltar avec une vélocité extraordinaire. C'est sur vous que nous comptons. Il nous faut un canot 'automobile rendu à Algésiras, avant l'ouverture de la conférence.

• -• ̃ ̃ M' Charley Le canot«automobile "CHARLEY" qui portera les dépêches du ,MATIN d'Algésiras à Gibraltar

à la conférence avec les meilleures inten- tions à l'égard de la France, avec la meilleure volonté de s'entendre avec elle. Je reproduis une phrase du distingué diplomate allemand, qui a un intérêt spécial

La conf érence, m'a-t-il dit, n'a, après tout, pas tant d'importance pour trancher tas intérêts de nos deux pays au Maroc, car nous ne devons pas exagéter la valeur de ces intérêts mais elle a une importance supérieure en ce qu'elle purifie l'atmosphère entre l'Allemagne et la France, et qu'elle doit amener de bonnes et cordiales relations entre nous. C'est surtout à ce Point de vue que je me pLace, et c'est vers ce but que \e dirigerai surtout mes efforts. Quant à moi, je chercherai, dès l'ouverture de la conférence, ce que dans le langage diplomatique on appelle une « atmosphère favorable ».

J'ai dit à M. de Radowitz qu'en France ou apprécierait ses intentions, mais j'ai ajouté que le peuple français ne se contenterait plus de paroles et qu'il espérait que l'Allemagne et l'empereur, dont la générosité et les sentiments pacifiques Il() sont' pas contestés, prouveraient par des actes, Algésiras, qu'ils désiraient tellement des relations cordiales et amicales avec la France. '̃ J'ai dit aussi que, .selon certaines du-, pèches berlinoises aux journaux franrais, reproduites ici, l'Allemagne proposerait à la conférence la division du Ma- roc en secteurs, avec chaque secteur sous la police d'une puissance différente. J'ai ajouté que si vraiment l'Allemagne proposait cela, il serait inutile de quitter Madrid, car la conférence échouerait sûrement, toutes les grandes puissances méditerranéennes étant opposées à une pareille mesure.

M. de Radowitz m'a répondu que cette ncuvelle était fausse, l'Allemagne ne désirant pas faire une proposition semblable. M. de Radowitz est d'avis qu'il sera très facile de s'entendre sur toutes les questions économiques, financières, etc., et que, en ce qui concerne la question la plus épineuse, celle de la police, on cherchera et on trouvera, selon lui, une solution qui satisfera la France. J'enregistre ces paroles, en attendant la conférence. Hedeman.

Charley, commença, par lever les bras au ciel. Puis son beau tempérament reprit le dessus.

–/C'est entendu, dit-il, construire un canot automobile en six jours, c'est fou, stupide, invraisemblable, eh bien ce sera fait. Et cela a été fait. En six jours, les chantiers Pitre, accomplissant un tour de force, livrèrent une coque en six jours, on se procura à Vienne un moteur et un système de transmission qu'un envoyé spécial alla quérir et ramena en six jours, on ajusta le tout, on régla tous les détails du merveilleux mécanisme.

Le 2 janvier, à quatre heures du soir, le travail était achevé et le canot était mis à l'eau. A cinq heures du soir, il filait sur la Seine il toute allure. De puissants projecteurs suivaient le nouveau-né dans ses ébats vertigineux.

A six heures, on remontait à terre le C.-L.Charley, car c'est ainsi qu'il est baptisé surle-champ douze hommes le hissaient immédiatement sur un camion, attelé de six vigoureux percherons il onze heures du soir il arrivait il la gare de Bercy.

Là, grâce iL l'empressement, il l'activité du chef de gare, au concours aimable de l'administration du le précieux canot est. expédié.

A Marseille, il est attendu. L'inspecteur principal de la gare le fait déposer avec de louables précautions, M. Eslrine, agent général de la Peninsular and Oriental Line, surveille son embarquement sur le paquebot Arabia qui, venant de Bombay, se dirige vers Gibraltar.

Lundi dernier, on le débarquait en pleine mer, en face de Gibraltar, et hier nous recevions le cablogramme suivant Gibraltar, 12 janvier. Dépêche particulière du « Matin ». -Le Charley, qui avait pu, gràce à la complaisance des a2ctorités anglaises, se mettre à l'abri dans le port de guerre de Gibraltar, est entré aujourd'hui à Algésiras, battant pavillon français. Malgré la mer ltouleuse, notre canot s'est merveilleusement comporté et a couvert la distance de sept Icilowétres en un quart d'heure à peine. Après avoir salué au passage le Galilée, croiseur trançais arrivé avant-hier à Gibraltar, notre joli cruiser a filé droit sur le petit port d'Algésiras, où, la foule, accourue sur l'estacade, lui a fait un accueil des plus claaleureux. En ce moment, il se balance mollement dans la gracieuse baie espagnole, attendant l'heure prochaine de ses débuts. Pour commencer son service il portera cette dépëclve au télégraphe de Gibraltar.

LES LA PRÉSIDENCE

AU PAYS A Un envoyé spécial du 66 Matin a visité, à Aurillac, l'humble logis où naquit le président de la Chambre, et a recueilli les souvenirs

d'un témoin qui le vit naître.

La chambre où M. Doumer est né à Aurillac

M. Doumer n'a point de. clocher. Il n'a pas connu la douceur amollissante du refuge où se fanent les-objets que des mains mortes ont aimés, où de vieux parents s'affaiblissent lentement parmi des' choses anciennes, monotones et très connues. Il naquit à Aurillac. Ce fut, si je puis dire, par accident, car ses parents ne tirent que passer dans cette ville.

A quinze ans, il allait au cours de Becquerel, au Conservatoire des Arts-et-Métiers. Il fut reçu bachelier par ses propres moyens, avant d'avoir tiré au sort. On le. retrouver, à vinj|t ans, professeur de mathématiques au collège de Monde, où il vécut avec une farouche parcimonie. L'année suivante, il achetait, avec ses économies, une maison au bord du Lot et se mariait avec Mlle Ri-'chel, dont il avait connu le père aux cours du soir.

En 1878, le jeune Doumer était professeur à Remirèmont, où il resta deux ans puis, après avoir écrit au Courrier républicain, il prit la direction du Courrier de l'Aisne, que lui procura M. 1-lenri Martin, sénateur. Ici commence sa carrière politique. Il devient conseiUer municipal de Laon. En 1888, une vacance s'étant produite dans la représentation de l'Aisne, il est élu au scrutin de liste puis, en 1890, il est nommé député dans l'Yonne et réélu en 1893. Enfin, en 1895,

Mrae Valentine GARDE

Qui a vu naître M. Paul Doumer

il est ministre des finances sous le ministère Bourgeois. On sait le reste.

Je suis allé à Aurillac, où j'ai taché à me pencher sur un passé auquel peu de mémoires sont fidèles.

Les plus termes témoins de la prime enfance du président de la Chambre se trouvent sous les voûtes de l'église et à l'hôtel de ville deux registres. Sur l'un, l'inscription du baptême sur l'autre, la déclaration. de naissance. Sur ces actes se lisent des signatures maladroites. Ce sont des mains de tâcherons qui ont tracé là, lourdement, des arabesques auxquelles leurs doigts n'étaient pas assouplis.

Un vieux sacristain ouvrit pour moi, à l'église, un registre maltraité, où se lisaient ces lignes

Van mil hutt cent cinquante-sept et le 22 mars, est né, a été baptisé par nous, vicaire soussigné, François-Athanase Doumer, fils légitime de Jean Dovmer, emptoyé au chemin de fer, ,et de Victorine David, de cette paroisse. Parrain Athanase Ganeyal. Marraine Aimée Doumer, soeur du baptisé.

Signé Athanase Ganeval.

Bois, vicaire.

A la mairie, le prénom de François se change en celui de Joseph, ainsi qu'il apvert des livres de l'état "civil dont voici l'extrait

L'an mil huit cent cinquante-sept et le vingttrois mars, à quatre heures du sozr, par-devant nous, Emile Genèse, premier adjoint, en l'absence de Di. le maire, faisant les joaactions d'officier, de l'état civil de la ville d'Aurillac, cheflieu de préfecture du Cantal, a comparu la demoiselle Constance Larribe, âgée de trente-huit ans, accoucheuse, domicitiée de la ville d'Aurillac, laquelle nous a présenté un enfant du sexe masculin, né hier à trois heures du matin, dans la dertiettre conjugale, maison Delsol, tanneur, faubourg Saint-Marcel, légitime du sieur Jean Doumer; employé dans les chemins de fer, et absent à cent effet, et de dame Victorine-Fanie-Alexandrine David, ânée de trentequatre arts, sans profession, domiciliés à Aztrillac, auquel elle a déclaré vouloir donner1.es prénoms de Joscph-Atlianase.

Ces déclaration et présentation ont été faites en présence des sieurs Pierre Toulze, àgé de quarante-deux uns, et Joseph6 Barthelemy. âgé de, trente-quatre ans, tanneurs; domiciliés à Aurillac, lesquels, ainsi que le déclarant, ont signé avec nous le présent acte après que lecture leur a été faite.

M. Doumer naquit donc de la souche la plus humble et dans le décor le plus désolé.

J'ai visité la maison où il ouvrit pour la première fois les yeux. C'est dans la rie des Tanneurs, une des rues les plus méprisées par la « société » d'Aurillac, qu'elle dresse son architecture lamentable et brunlante. Un escalier en bois prenant sur la rue conduit à une sorte de baleon sur lequel s'ouvre la porte de tristes logements. Il règne lu, venant de la ruelle empuantie par l'odeur des peaux tannées,de l'eau croupie et des demeures misérables, une odeur offensainte. Au bout du balcon, une porte s'ouvre sur un lieu inquiétant. C'est ici que M. Doumer, vit le jour. Un couloir et une chambre. Quel couloir et quelle chambre L'accueil de la locataire présente est revêche: Pourtant, elle m'introduit. Une lucarne étroite, un grabat, une horloge, une table et dès chaises. Le mur lépreux couvre quelques vestiges d'un papier de tenture collé jadis. Et dan** un coin, seule beauté parmi ce désordre, un admirable chat angora s'étire. Sous ses paupières mi-closes sommeille 'un ennui. C'est tout. La laveuse auvergnate qui occupe ce taudis ne s'enorgueillit point de savoir qu'il deviendra peut-être historique. Elle ignore presque le nom de Doumer. D'ailleurs, l'oubli, je le disais tout a l'heure, a embrumé les souvenirs de chacun. Seules, de vieilles, très vieilles femmes, se souviennent encore du bébé qui naquit dans ce taudis.

Je fus vers l'une d'elles, Mmes Garde. Mme Valentine Garde compte soixante- dix-neuf années, dont cinquante-cinq se sont passées dans une maison voisine do celle où le président de la Chambre poussa son premier cri.

C'est là qu'elle me reçut dans un logis fort modeste.

Un peu troublée tout d'abord de se trouver en présence d'un inconnu, elle reprit sa bonne humeur dès que je lui eus exposé le but de ma démarche. Je dois à la vérité de dire qu'il lui parut étrangement comique. Elle se prit il rire longuement, la face toute ridée sous le bonnet noir oblong, bordé de dentelles blanches, qu'elle est seule à Aurillac à porter encore.

Puis elle m'assura carrément qu'il fallait que je fusse terriblement embarrassé de mes loisirs pour venir de si loin m'informer sur un si piètre sujet.

On prétend, me dit-elle avec un accent auvergnat un peu déconcertant, que le petit Doumer pourrait devenir président de la République. Et puis après On voit des choses si drôles à cette heure. Bien sûr, il ne serait point jadis devenu roi ou empereur, n'est-ce pas ?

Et comme je me récusais par un geste dubitatif elle reprit sur le ton du plus tran.quille dédain

Président de la République, c'est pos. sible.

Craignant sans doute de s'être compromise, elle corrigea aussitôt

D'ailleurs, quoique je ne les ai connus que pendant une quinzaine de mois, les Doumer m'ont semblé de fort braves gens. Je me souviens d'eux comme si c'était d'hier. » Le père Doumer était un petit homme ,très brun, aussi « large que haut n. » Comme il avait été terrassier, on l'avait engagé comme conducteur de travaux pour établir la voie du chemin de fer. Il dirigeait une équipe de six hommes, mais je ne crois pas qu'il gagnait bien gros. Deux francs ou deux francs cinquante par jour au plus. Il était installé ici depuis deux mois à peu près quand sa femme, une pâlotte, vint le rejoindre avec une petite fille de cinq à six ans. Elle accoucha quelques jours après d'un garçon. Parfois, obligée de sortir, elle me confiait le bébé. Il était mauvais en diable, monsieur, et quand je le faisais sauter sur mes genoux il faisait tout le temps crou ? crou et me,crachait à la, figure. Ça ne fait rien, je l'aimais bien tout de même. Vous savez, lorsqu'on est une jeune femme; on supporte tout des enfants.

» Quand la famille Doumer partit d'Aurillac, pour aller, m'a-t-on dit, dans un village près de Paris, qui s'appelle Montmort, ou Montmartre, je ne sais plus, cela me fit une peu de peine. Je commençais à m'attacher à eux. Mon mari les aida à faire leurs paquets. Même, comme ils n'avaient pas d'argent, nous leur avons racheté quelques bibelots Tenez, les rideaux de mon lit proviennent de là. »

Et la vieille femme désigne d'un doigt noueux deux pauvres rideaux de cretonne fi, carreaux blancs et bleus que seul un prodige de soins a pu conserver jusqu'ici. Je m'inclinai devant ces humbles reliques, et, comme je quittais Mme Garde, elle me dit avec conviction

C'est égal, je voudrais bien revoir ce mioche-là avec « de la barbe ».

Cest ainsi qu'en cette triste ville d'Aurillac le passage de l'obscure famille Doumer n'a laissé de traces qu'en la mémoire falote de rares personnes, au déclin de la vie.