LA PEAU DE CHAGRIN. 275
haquet dont la facile structure nous étonne et nous confond ! Le savant modeste sourit en disant à ses admirateurs: — Qu'ai-je donc créé ? Rien. L'homme n'invente pas une force, il la dirige , et la science consiste à imiter la nature.
Raphaël surprit le mécanicien planté sur ses deux jambes, comme un pendu tombé droit sous sa potence. Planchette examinait une bille d'agate qui roulait sur un cadran solaire, en attendant qu'elle s'y arrêtât. Le pauvre homme n'était ni décoré, ni pensionné, car il ne savait pas enluminer ses calculs. Heureux de vivre à l'affût d'une découverte, il ne pensait ni à la gloire, ni au monde, ni à luimême , et vivait dans la science pour la science.
— Cela est indéfinissable, s'écria-t-il. — Ah! monsieur, reprit-il en apercevant Raphaël, je suis votre serviteur. Comment va la maman ? Allez voir ma femme.
— J'aurais cependant pu vivre ainsi ! pensa Raphaël qui tira le savant de sa rêverie en lui demandant le moyen d'agir sur le talisman qu'il lui présenta.
Dussiez-vous rire de ma crédulité, monsieur, dit le marquis en terminant, je ne vous cacherai rien. Cette Peau me semble posséder une force de résistance contre laquelle rien ne peut prévaloir.
— Monsieur, dit-il, les gens du monde traitent toujours la Science assez cavalièrement ; tous nous disent à peu près ce qu'un incroyable disait à Lalande en lui amenant des dames après I'éelipse : « Ayez la bonté de recommencer. » Quel effet voulez-vous produire? La Mécanique a pour but