236 LA PEAU DE CHAGRIN.
mélancolie à laquelle il paraissait ôlre en proie était exprimée par l'attitude maladive de son corps affaissé; elle était peinte sur son front, sur son visage pâle comme une fleur étiolée. Une sorte de grâce efféminée et les bizarreries particulières aux malades riches distinguaient sa personne. Ses mains, semblables à celles d'une jolie femme, avaient une blancheur molle et délicate. Ses cheveux blonds, devenus rares, se bouclaient autour de ses tempes par une coquetterie recherchée. Une calotte grecque, entraînée par un gland trop lourd pour le léger cachemire dont elle était faite, pendait sur un côté de sa tête. Il avait laissé tomber à ses pieds le couteau de malachite enrichi d'or dont il s'était servi pour couper les feuillets d'un livre. Sur ses genoux était le bec d'ambre d'un magnifique houka de l'Inde dont les spirales émaillées gisaient comme un serpent dans sa chambre, et il oubliait d'en sucer les frais parfums. Cependant la faiblesse générale de son jeune corps était démentie par des yeux bleus où toute la vie semblait s'être retirée, où brillait un sentiment extraordinaire qui saisissait tout d'abord. Ce regard faisait mal à voir. Les uns pouvaient y lire du désespoir; d'autres, y deviner un combat intérieur, aussi terrible qu'un remords. C'était le coup d'oeil profond de l'impuissant qui refoule ses désirs au fond de son coeur, ou celui de l'avare jouissant par la pensée de tous les jilaisirs que son argent pourrait lui procurer, et s'y refusant pour ne pas amoindrir son trésor; ou le regard du Prométhée enchaîné, de Napoléon déchu qui apprend à l'Elysée, en 1813, la faute stratégiquecom-