NUMÉRO 1758
3 4" ANNÉK
17 DÉCEMBRE 1910
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La Cigale et le Ministre.
Quand M 1' Maurice F aure fut nommé ministre de l'Instruction Publique, notre confrère Pascal Cros, du Petit Marseillais, se' souvenant que le nouveau Grand-maître de l'Université était avant tout félibre s'empressa de le féliciter.
11 le fit en vers, en vers provençaux, naturellement, — et comme le télégraphe, à la suite d'une campagne personnellement dirigée par Frédéric Mistral, considère le provençal comme une langue admise a la transmission, Pascal Cros envoya par ■dépêche son billet rimé au ministre. Il était ainsi conçu :
Quand toun amigo la Cigalo Degrunara mai sci roun-roun Aplaomlira, dins sa cansoun De ti veire aou daou de l'escalo.
Les jours se passèrent. Notre ami Pascal Cros ne recevait pas de réponse... Enfin, la poste lui remit un pli officiel... 11 l'ouvrit et trouva une carte •de visite portant ces mots :
MAURICE FAURE
Ministre de l'Instruction Publique.
Avec ses plus sincères remerciements.
A mai trahi!... Oh! République, voilà donc ce •que tu fais de tes ministres... Félibres avant le portefeuille ils oublient ce beau titre dès qu'ils possèdent l'Autre, le vrai, celui qui rapporte •60.000 francs l'an. ; Et ils répondent à un gracieux madrigal par la phrase banale qu'emploierait un charbonnier ou un .garçon coiffeur à l'adresse de ses clients.
« — Avec ses plus vifs remerciements »
■Peuchère !... S'il avait élé malin, voici ce que le .ministre aurait répondu à notre confrère :
Quand la Cigalo, nostro amigo Degrunara mai sa cansoun S'enganarié, din seï roun-roun S'eri plus aou daou de la bigo.
... Et tout le monde aurait applaudi S...
Rinkez-vous?
Depuis quelque temps on ne disait plus de quelqu'un qui ne paye pas au théâtre :
— Il resquille...
On employait cette formule plus élégante et plus moderne : . .
— Il rinke... '• Maintenant, hélas 1 les amateurs de place gratuites au théâtre ne resquillent ni ne rinkent--au moins complètement. — Un droit d'auteur de quarante centimes par place frappe les cartes de faveur... De sorte qu'on a vu des gens connus de toute éternité pour jouir du spectacle gratuit, sortir avec effort de la menue monnaie de leur poche et la déposer en grimaçant sur le contrôle...
Car, si riches qu'ils soient, ils font ce geste sans empressement.
— Quarante centimes, ce n'est pourtant pas beaucoup...
Mais le resquilleur est féroce .. •
— Ah! vous croyez .. Mais nous y allons tous les
soirs, nous, et ça fait seize sous par jour... C'est
toujours bon à garder, même quand on joue la Juive
avec Lucas"..'.
*
Les resquilleurs se vengent en criant contre les directeurs de Théâtre. Ils les rendent responsables de l'application de ce droit...
Les directeurs n'en peuvent cependant mais, il est impose et perçu par la Société des auteurs, — et cela dans toute la France, en commençant par Paris...
Les directeurs marseillais ont même essayé de protester. Ils ont été bien reçus par la Société des auteurs qui leur a répondu en substance ceci :
« — Votre réclamation nous surprend. Votre ville e:.t la seule .qui n'aurait pas dû la formuler. C'est ce'le dans:laquelle nos pièces rapportent-le moins, bien que les salles de spectacle soient toujours pleines. Mais il est entendu qu'à Marseille on . ne paye pas.au spectacle. Les. caftes de-faveur vous sont demandées avec une insistance exceptionnelle e), vous les accordez en abondance. Si nous mon-