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Titre : Des pertes séminales involontaires. Tome 1,Partie 2 / par M. Lallemand,...

Auteur : Lallemand, François (1790-1854). Auteur du texte

Éditeur : Béchet jeune (Paris)

Date d'édition : 1836-1842

Sujet : Organes génitaux mâles -- Maladies

Notice d'ensemble : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb30723135n

Type : monographie imprimée

Langue : français

Format : 3 vol. (681, 550, 553 p.) ; in-8

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k5672147r

Source : Bibliothèque nationale de France, département Sciences et techniques, 8-TD121-15 (1)

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 21/07/2009

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DES

PERTES SÉMINALES

INVOLONTAIRES; PAR M. LALLEMAND,

Professeur à la Faculté de Médecine de Montpellier.

SUITE.

PARIS.

ECHET JT% libraire de la Faculté île Médecine,

rucE DE L'ÉCOLE DE MÉDECINE, 4.

MONTPELLIER,

L. CASTEL, LIBRAIRE,

GIUSD'HUE , 32.

SEVALLE, LIBRAIRE,

A LA. CHAND'RUE.

1838.



313

CHAPITRE VI.

ABCS.

J'appelle abus tout usage anormal d'une chose, abusus. Relativement aux organes de la génération, j'entends par abus, toute action irrégulière, anticipée, etc., qui ne -peut avoir pour résultat la propagation de l'espèce. ,

Il y a sans doute bien des liaisons .entre ces abus et les excès vénériens, mais la nature de ce travail exige que je les examine séparément.

On s'est beaucoup occupé de ce triste sujet depuis un demi-siècle. Sans parler des observations de Levis , Sydenham, Boërhaave, Zimmèrman, Van-Swieten, Campe, Saltzman, Oest, Gottlieb-Wogel, etc., il a paru plusieurs traités spéciaux, parmi lesquels on remarque d'abord l'Onania , ouvrage anonyme peu important, publié en Angleterre, h'Onanisme de Tissot venu presque en même temps, produisit une grande sensation, fat beaucoup loué-, beaucoup critiqué, et non sans raison. Sous le point de Tue scientifique, c'est une mauvaise compilation, sans choix, de vieilles autorités, de théories erronées ou hasardées , d'observations tronquées, souvent mal choisies ou insignifiantes, et d'erreurs graves, surtout en thérapeutique; le tout en style fort incorrect et souvent déclamatoire : aussi n'a-t-il pas eu grand succès parmi les sayans et les praticiens. Mais ceux qui ont reproché à

2t


314

Tissot d'avoir exagéré la vérité, d'avoir manqué le but et même d'avoir fait plus de mal que de bien, ceux-là, certes, ont été bien injustes, ou ils ont parlé de ce qu'ils ne connaissaient pas. Pour moi, j'ai vu plusieurs fois la même fureur, les mêmes misères suivies de la mort, et les nombreuses confidences que j'ai reçues de ceux qui s'étaient corrigés, me font croire qu'aucun livre de ce genre n'a été plus utile à la jeunesse.

Les Lettres, sur le danger de l'onanisme , par le D1'. Doussin Dubrèuil, et le Traité de la Chiromanie (1), par le D1'. Teraube, publiés plus tard, sont purgés des vieilleries scientifiques de Tissot, mais ils contiennent peu de faits nouveaux. Enfin le Dr. Deslandes vient de traiter le même sujet sur un plan plus vaste , dans un ouvrage ayant pour titre : De l'Onanisme (2) et des autres abus vénériens. ' - ■

(1) Chiromanie, ne peut s'appliquer qu'à la passion assouvie à l'aide de la main ; mais les autres abus ne sont pas Tnoins dangereux et doivent en être rapprochés. Si le mol peut être employé dans un cas déterminé ,. il ne vaut rien comme litre d'un livre qui doit lraiter.de tous ces égaremens.

(2) Les mots 'onania, onanisme, vice d'Ùnan, crivM d'Onan , etc., sont consacrés par l'usage, et l'on sent vivement le besoin de synonymes en écrivant.sur un pareil sujet : cependant, il me répugnera toujours d'employer dès "expressions que je sais fondées sur une erreur. Ônan n'étàu pas un masturbateur : je m'en suis assuré en remontante ta source. .-■.■'.' ':;.:. .''.''-,.'.•- ..■*■-■■:'■' ■ '•■■■:'-^-?;

Pour bien comprendre le passage qui a donné lieu â celle


31S

Ce traité, supérieur à tous ceux qui l'ont précédé, est écrit avec un goût soutenu, rempli de recherches

opinion , il faut le rapprocher des lois, des moeurs et dés coutumes qui s'y rattachent , au lieu d'en séparer quelques mots, comme on Ta fait : voici ce qui se passait chez les Juifs.

Quand l'aîné d'une famille mourait sans enfans, sa veuve ne pouvait épouser que le frère le plus âgé du défunt, ou son plus proche parent. L'aîné des enfans provenant de ce mariage portait le nom du mari, afin que ce nom ne fût pas rayé d'Israël. Si la veuve éprouvait un refus , elle devait se. placer à la porte de la ville, y convoquer les anciens de la tribu, et leur dire : « Le frère de mon marine veut pas perpétuer le nom de son frère, ni m'accepter pour épouse. » S'il persistait dans son refus, la veuve devait s'approcher de lui, lui arracher sa chaussure , lui cracher à la figure , et lui dire : « Ainsi soit fait à l'homme qui refuse d'édifier la maison de son frère. «Enfin, désormais on l'appelait, par mépris, le déchaussé. ( Beutè'onome, chap. 25 , versets 5, 6 , 7,8, 9 ; Ruth, chap. 3 et 4. )

Voici maintenant l'application de ces lois, de ces usages , à l'histoire d'Onan. Son père Judas avait eu trois enfans : Er, l'aîné, avait épousé Thamar, et était mort sans héritier. {.Genèse, chap. 38. )

Alors Judas dit à Onan : « Épousé la veuve de ton frère et donne-lui de la postérité. » Mais Onan sachant que ces enfans ne lui appartiendraient pas, lorsqu'il pénétrait chez la femme de son frère , répandait sa semense par terre, afin de ne pas créer de la postérité à son frère. ( V. 8 et 9. ) - Ce passage ne jieut recevoir deux interprétations. Quoique


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consciencieuses et de discussions impartiales. Je dirai plus : si j'avais du traiter les mêmes questions et les envisager de même, je me serais contenté de renvoyer à l'ouvrage duD1'. Deslandes, au lieu d'écrire ce chapitre. Mais c'est surtout l'influence des abus génitaux sur la production des pertes séminales involontaires qui doit m'occuper, car cette première partie de mon travail est essentiellement consacrée à la recherche des causes de cette maladie : je l'ai dit en commençant, mais j'ai cru devoir

le français ne puisse être aussi clair que le latin, introiens m ùxorèm fratris sui, il est évident que l'action d'Onan n'avait rien de commun avec la masturbation. Il avait cédé au voeu de son père et de la loi, pour, ne pas s'exposer aux humilia-^ tions qui auraient suivi son refus. Mais il était devenu 'l'aîné par la mort de son frère : la loi lui permettait d'avoir d'autres femmes (Deutéronome ,.chap. 21 ). Il pouvait en obtenir un fils qui eût hérité de son nom et des biens de toute la' famille. On vient de voir jusqu'à quel point les Hébreux portaient l'amour de la race, le culte de la primogénilure : il n'est donc pas étonnant qu'Onan se soit peu soucié d'avoir un fils qui eût porté le nom de son frère, qui eût hérité de ses biens et formé une autre lignée; Ainsi, ronconçoit'pourquoij fout en remplissant ses devoirs conjugaux, Onan. agissait de manière à ne pas se causer de préjudice. . * "'"'•':'

Tous les jours, des époux, fort scrupuleux, en font autant, soit pour ne pas augmenter leur famille au-delà de leurs moyens, soit à cause des dangers qu'une grossesse ferait courir à leur femme. Il n'y aurait donc que les motifs d'Onan qu'on pourrait blâmer. Mais l'acte, en lui-même, n'a rien dé eomniun avec la masturbation, , , . ■;


-■ 317.....

le répéter avant d'aller plus loin, parce que des lecteurs superficiels paraissent ne pas l'avoir "remarqué.

J'ai terminé le chapitre précédent par quelques exemples de pollutions diurnes dues à la présence des ascarides dans le rectum ; je commencerai celui-ci par des faits analogues qui se rattachent cependant à la masturbation.

A 45 ans, masturbation spontanée, continuée jusqu'à 20 ;_ pollutions nocturnes et diurnes ; altération croissante de la santé jusqu'à sg ans; érections fréquentes, prolongées; douleurs à la marge de l'anus, etc. — Cautérisation sans succès. — Ascarides : vermifuges. Guérison rapide.

Monsieur R**, étudiant en médecine, jouit d'une bonne santé dans son enfance. A15 ans, il fut tourmenté par des érections fréquentes et prolongées. Un soir, voulant faire cesser le prurit dont l'extrémité dé la verge était le siège, il largulà vivement entre les deux mains et fut surpris de la sensation voluptueuse que ce mouvement provoquait : il le répéta et ne fut pas moins étonné de l'évacuation qui en résulta. Quelques jours après, les mêmes causes lui rappelèrent le souvenir de ces sensations et ramenèrent.


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les mêmes manoeuvres. Il y revint ensuite plus fréquemment, en prit l'habitude ou plutôt la passion, au point de s'y livrer huit à dix fois par jour pendant deux ans et demi. Sa santé s'altéra peu à peu d'une manière si grave, qu'un de ses amis en soupçonna la cause et lui découvrit les dangers de sa situation. Malgré les craintes qu'il éprou-, vait, il ne put cependant se corriger immédiatement ; ce ne fut quepeu à peu qu'il y parvint complètement, à l'âge de 20 ans. Mais il lui survint des pollutions nocturnes qui se répétèrent deux ou trois fois toutes les nuits. Elles diminuèrent par la suite, mais sans cesser entièrement, et il s'y joignit des pertes séminales pendant la défécation et l'émission des urines. Aussi la santé s'altéra-t-elle de plus en plus pendant neuf ans , malgré la continence la plus absolue, le régime le plus sévère, et l'usagé des mlmansj, des toniques et des antispasmodiques les plus variés; enfin , il devint incapable de tout travail intellectuel. Le Professeur Chomel, qui lui donna des soins en dernier lieu, regardant la maladie comme purement nerveuse, lui conseilla de retourner dans sa famille, et lui remit une consultation dans laquelle se trouvent indiqués l'exercice, les distractions, et autres moyens préconisés contre 17M/- ' pochondrie. Mais il n'en obtint pas la moindre amélioration. L'année suivante, 1857, il vint à Montpellier, âgé de 29 ans, dans l'état suivant :

Maigreur excessive ; pâleur de la face; air stupjde et embarrassé ; intelligence obtuse ; impossibilité de suivre un raisonnement, de rassembler deux idées sur les matières les plus simples; perte de la mémoire; céphalalgie constante rapportée au front et aux tempes , exaspérée


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par la moindre contention d'esprit, accompagnée alors de trernblemens nerveux et d'un état complet d'idiotisme ; sommeil interrompu, non réparateur ; disposition continuelle à l'assoupissement ; congestions fréquentes vers la tête, surtout la nuit ; bruit violent dans les oreilles , semblable à celui d'une cascade ; vertiges , étourdissemens' qui font craindre sans cesse une attaque d'apoplexie: timidité poussée jusqu'à la poltronnerie la plus ridicule ; terreurs paniques , même pendant le jour : caractère sombre, taciturne, inquiet, irascible : horreur du moindre brait et de toute société ; passion pour les promenades solitaires; besoin irrésistible de changer de place ; faiblesse extrême ; sueur abondante au moindre mouvement : coryza presque constant ; aversion pour toutes les odeurs : toux fréquente, sèche et très-opiniâtre; douleurs a la base de la poitrine, dans la région du coeur, le long de la colonne vertébrale , et surtout dans la région des lombes : appétit vorace; tiraillemens d'estomac ; digestions laborieuses; flatuosités abondantes : grincemens de dents pendant la niât ; douleur brillante à la pointe de la langue ; douleurs lancinantes dans les intestins, surtout dans le reétum : constipation opiniâtre, alternant avec de fréquentes et fortes diarrhées : selles toujours glaireuses, quelquefois teintes àe sang ; -douleurs périodiques, à la marge de l'anus, au périnée, à la verge , remontant jusque dans les testicules : urines abondantes , très-fréquemment rendues, promptement décomposées , contenant habituellement un dépôt blanchâtre, épais, très-copieux ; pertes séminales pendant la défécation, même lorsque la diarrhée remplace la constipation; érections fréquentes, prolongées,


520 importunes, le jour aussi bien que la nuit; obsession continuelle d'idées erotiques et d'images lascives.

Ayant sondé le malade je trouvai le canal très-sensible surtout vers le col de la vessie, et je pensai que les pollutions nocturnes et diurnes étaient entretenues par un état, d'irritation dû à la masturbation. En conséquence, je proposai la cautérisation.

Elle fut pratiquée le lendemain, et produisit ses effets immédiats ordinaires ; mais ses effets curatifs ne se manifestèrent pas comme je m'y attendais. J'engageai alors le malade, à examiner ses matières fécales avec plus d'attention. Quelques jours après, il m'apporta une douzaine à'ascarides qu'il venait de recueillir après une selle abondante.

Je lui conseillai les lavemens copieux d'eau froide, d'eau salée , de tanaisie : mais ces moyens ne produisi-, renf qu'un effet momentané, probablement parce que les ascarides rémontaient trop haut. Ce fut le proto-chloruré dé mercure qui les fit disparaître sans retour. Depuis ce moment les pollutions diurnes ont cessé complètement, les pollutions nocturnes sont devenues de plus en. plus rares, et le rétablissement a marché de la manière là plus rapide. M. R** a repris ses études avec ardeur, et depuis long-temps, toutes ses fonctions s'exécutent parfaitement. ;

II est évident maintenant que c'est la présence des ascarides dans le rectum qui a provoqué la masturbation et


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entretenu les pertes séminales involontaires. J'aurais pu le soupçonner dès le premier jour que je vis le malade , car tous les détails que je viens de rapporter étaient çon-- tenus dans les notes très-étendues qu'il m'avait remises; mais il y régnait un tel désordre et tant d'obscurité," que je ne pus d'abord débrouiller ce cahos : ses réponses étaient encore plus vagues et plus décousues ; ce qui se conçoit d'après l'état déplorable de ses fonctions intellectuelles : ensorte quejefus seulement frappé de là violence etde la durée des abus génitaux. Mais, quand je vis le peu de succès de la cautérisation, et que je relus ces notes, je fis plus d'attention à la manière dont la masturbation s'était développée, et je remarquai plusieurs symptômes auxquels je n'avais pas attaché d'importance, tels que les cjrincemens de dents, la douleur brûlante de la pointe de la langue , celle du rectum et de la marge de l'anus; les selles toujours glaireuses , quelquefois sanguinolentes , et surtout la fréquence et la durée des érections, la ténacité des idées erotiques. ...:■'.

Quand la constipation est opiniâtre, il est rare que les selles contiennent une telle quantité de mucosité. Cette circonstance seule suffirait pour faire soupçonner que le rectum est irrité par des ascarides. Mais, ce qui est plus caractéristique encore, ' c'est l'importunité des érections. Lorsque les pertes séminales sont provoquées par toute autre cause, que par des vers, les érections diminuent à mesure que la maladie s'aggrave ; elles déviennent fugaces , incomplètes, et finissent même par disparaître complètement. Quand elles persistent avec cette énergie et cette opiniâtreté, malgré le dépérissement profond et général


,322

dans lequel ces évacuations excessives ont jeté l'économie , ii faut bien qu'elles soient provoquées, entretenues par autre chose que par l'action du sperme , et je ne vois que l'irritation causée par les ascarides qui puisse produire cet effet. C'est, au reste , ce qui s'accorde parfaitement avec ce que j'ai dit de leur influence sur les organes de la génération.

52. .

Masturbation à s5 ans; altération pi-ofonde de la santé; vésicatoires ; pollutions nocturnes , etc. Cautérisation ; douches, etc., sans succès. — Ascarides : vermifuges. Giiérison très-prompte.

Simon G***, vigneron, petit, sanguin, fortement constitué , né de parens sains , était arrivé jusqu'à 15 ans sans éprouver la moindre indisposition. A cette époque, gardant des chèvres avec d'autres enfans , il fut conduit par leur exemple à la masturbation. Il n'en résulta d'abord aucune émission séminale ; mais , au bout d'un mois environ ,. ces manoeuvres provoquèrent l'issue de quelques gouttes de sang, avec ardeur au bout de la verge, doideùrs dans lés testicules. Peu de temps après parurent des lassitudes générales , un sentiment de pesanteur dans tout le corps, et des sueurs froides. Le sperme ne se montra que beaucoup plus tard : pendant cinq mois il resta très-liquide, et son passage ne provoqua presque aucun plaisir.


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.". A peine Simon G**-s'était-il livré depuis quelques semaines à ces tristes jouissances, qu'il éprouva des élancemens dans l'estomac, des bouffées de chaleur à la figure, et du froid aux pieds,. A16 ans, il se joignit à ces symptômes des douleurs et des fourmillemens le long de la colonne vertébrale ; puis, des crampes très-fortes dans les membres , et une faiblesse extrême des jambes.

A17 ans, il se manifesta des battemens préàpités du coeur, surtout après la masturbation. Les selles devinrent rares, dures, difficiles, douloureuses , un peu sanguinolentes. Elles furent suivies de lassitudes spontanées et de douleurs dans les épaules; de digestions pénibles , accompagnées d'aigreur ; de flatuosités et d'un redoublement dans les palpitations. Le sommeil cessa d'être profond et réparateur.

A18 ans, il survint des congestions ;vers la tête , avec chaleur et injection de la face ; elles se renouvelaient ordinairement cinq à six fois par jour : la poitrine était brûlante, la respiration gênée, comme si la gorge eût été comprimée : de fréquentes envies de vomir se répétèrent pendant six mois.

A19 ans, la masturbation fut poussée au point de reproduire les éjaculalions sanguines. La. faiblesse devint si grande, que le travail et la marche ne purent être supportés sans de fréquentes interruptions. L'usage du vin , même avec modération , augmentait constamment la faiblesse et les autres accidens. (Vésicatoires aux bras; sangsues à l'épitjaslrc, au cou, aux épaules; sirop de mûres, etc.)

A 20 ans , peu de temps après l'application de ces vésicatoires, parurent pour la première fois des pollutions


.324

nocturnes , précédées de rêves lascifs, accompagnées de plaisir, mais suivies de crampes aux mollets, de pincemens à l'estomac et de douleurs contusives dans tous les membres. Depuis lors, elles devinrent presque quoti-; diennes , et se reproduisirent même plusieurs fois dans la même nuit.

C'est alors que l'augmentation des accidens fit appeler un médecin. Simon G** lui avoua la cause de ses maux, promit de se corriger , et tint parole. Le traitement consista en sangsues au cou; bains aromatiques , environ deux ■cents; sirop de quinquina; frictions camphrées sur le cou, le dos et les membres ; lit extrêmement dur, etc. . Après avoir usé pendant dix-huit mois de ces divers moyens, sans en éprouver le moindre avantage, G** cessa tout traitement, et finit par venir à l'Hôpital St-Éloi de Montpellier, le 14 février.

Il avait alors 22 ans, et son extérieur annonçaitlaforce et la santé ; son embonpoint était bien conservé, sa figure pleine et fortement colorée. Cependant il était triste, faible, découragé: en un mot, son état n'avait pas changé d'une manière appréciable depuis deux ans qu'il avait renoncé à la masturbation. D'unautre côté, ses pollutions; nocturnes avaient été quelquefois suspendues pendant sis jours et même plus, sans qu'il se sentît mieux. Cette dernière . circonstance me fit penser qu'il existait en même temps des pollutions diurnes. En effet, la constipation était souvent trèsropiniâtre ; les matières fécales dures et accu" mulées dans le rectum, n'étaient expulsées, qu'avec effort et douleur ; du sperme s'échappait alors en plus ou moins grande quantité. Le besoin d'uriner était quelquefois


325 fréquent, impérieux, etréveillait le malade .quatre ou cinq fois dans la nuit ; les dernières gouttes étaient épaisses, visqueuses et suivies d'une matièreplus consistante encore, qui s'arrêtait à l'ouverture du gland. Les urines contenaient un dépôt abondant, épais , blanchâtre ^floconneux , semblable à celui que laisse précipiter une forte décoction d'orge. La membrane muqueuse de l'urètre était fort sensible , surtout vers la prostate, et la sondé se trouvait arrêtée par la contraction spasmodique du col de la vessie.

Ces symptômes ayant été constatés pendant sept à huit jours, je pratiquai, le 22 février, une cautérisation depuis le col de la vessie jusqu'à la portion membraneuse de l'urètre. Lelendemain,ilsuryintdeuxpollutions nocturnes qui furent très-douloureuses ; deux autres eurent lieu le troisième jour], et elles se renouvelèrent à deux ou trois jours d'intervalle. Malgré l'emploi. des bains, des lavemens, des douches fraîches, des émulsions camphrées, de la thridace et de la morphine , les pollutions nocturnes revinrent chaque deux ou trois jours ; les urines changèrent peu de caractère; on n'observa pas d'amélioration dans les symptômes généraux. Le sommeil resta fort agité, peu réparateur; ilfut toujours interrompu par des érections fatigantes et un prurit incommode de l'extrémité de la verge. Enfin, un jour, le malade m'apprit que, en examinant ses matières fécales , il y avait remarqué plusieurs petits vers, pointus par les deux bouts, de 5 à 6 lignes de longueur, etc. Il était évident que des ascarides existaient habituellement dans le rectum, et qu'il fallait, avant tout, les expulser. . ... ,


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En conséquence, je prescrivis du mercure doux à là dose de 4 , 6 et 8 grains , et des laveméns de tanaisié; A partir de ce moment, l'état dû malade s'améliora d'une" manière rapide: les pollutions nocturnes cessèrent ; les urines devinrent transparentes ; enfin, tous les symptômes 7 locaux et généraux disparurent, et Simon G** partit dé 1 l'hôpital, le Ie 1' avril, complètement rétabli (1).

L&mastxubaiion, provoquée par demauvaisexeinples, avait produit, dès le début, une altération grave de la santé; A deux époques, cette passion avait été portée au point d'amener des éjaculations sanguines; les testicules étaient douloureux, le canal extrêmement sensible : l'application de plusieurs vésicatoires avait été suivie de la première apparition des pollutions nocturnes : il semblait dès-lors, inutile de chercher ailleurs la cause des pertes séminales qui épuisaient le malade. Le résultat aprouvé, cependant, qu'elles étaient entretenues par la présence des ascarides dans le rectum , puisque leur expulsion a été suivie d'un changement subit, et bientôt d'une guérison complète ; tandis qu'aucun autre traitement n'avait produit là moindre amélioration. Ce fait doit montrer aux praticiens, combien il est important d'étudier toutes les causes qui

(1) Cette observation a été recueillie avecle plus grand soin par le docteur Ramirez de Hidalgo, mon élève particulier.


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peuvent contribuer à provoquer ou à entretenir les pertes séminales involontaires.

Je dis provoquer ou entretenir, parce que les ascarides ne semblent pas avoir contribué aux premiers accidens. En effet, c'est par de mauvais exemples que Simon G** a été conduit à la masturbation, et non par une espèce de priapisme, comme dans les cas où cette habitude est due à la présence des vers. D'un autre côté, les premières pollutions nocturnes se s'ont montrées après l'application des vésicatoires ,-et j'aurai d'autres occasions de montrer des. effets semblables, qui s'expliquent, du reste, très-bien par l'absorption des cantharides.

Il est donc probable que les ascarides ne se sont développés que plus tard, et peut-être même par suite du dérangement survenu dans la digestion. Comme ils n'étaient pas en grand nombre, il est probable qu'ils n'auraient pas produit des effets aussi fâcheux, si les organes spermatiques n'avaient été déjà fatigués, irrités par des causes antérieures. Je crois cependant que, dans l'état des choses, leur présence eût suffi pour entretenir les pollutions nocturnes et diurnes.

En réfléchissant à quelques-uns des phénomènes qui accompagnaient ces pertes séminales ,. j'aurais pu soupçonner plus tôt l'existence des ascarides : ainsi, les èrections étaient fréquentes , prolongées , impo7-lunes , ce qui né s'observe pas chez les malades épuisés parles pollutions ordinaires; le prurit incommode qui existait habituellement au bout de la verge, eût aussi pu me mettre sur la voie.


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' 55. ;:: ■ :.;.

Masturbation dès l'âge de -io ans; pertes séminales provoquées par l'équitation ;"pollutions nocturnes, puisdiurnés,; érections importunes; selles liquidés et muqueuses; ardeur à l'anus. — Cautérisation: amélioration stationnaire pendant 3 mois, malgré tous les traitemens. — Ascarides; vermifuges. Guèrison prompte.

Alexandre A**, d'une taille moyenne, d'une constitution sèche , né de cultivateurs robustes , entraîné par F exemple de ses camarades, contracta, vers l'âge dé 10 ans, l'habitude de la masturbation, et, pendant un an, s'y livra deux ou trois fois par jour, sans observer aucune émission séminale. De 17 à 18 ans, fréquentation desfemmes; de 18 à 20 , retour aux premières habitudes.

Dès-lors, lassitudes générales ; faiblesse des jambes; essoufflement, menace de suffocation à la suite du moindre exercice ; diminution de l'appétit; trouble dès digestions; pertes séminales très-abondantes, provoquées constamment par le trot du'cheval, sans érection complète, mais non sans quelque sentiment de plaisir. Plustard, palpitations tumultueuses et prolongées pour la moindre cause ; rhumes fréquens, toux presque habituelle; crachement de sang assez abondantpour inspirer de vives inquiétudes. Alors, Alexandre A** confia sa position à un praticien, qui lui ouvrit les yeux sur la cause première de tous ses maux.

Cependant il crut devoir les combattre par une saignée


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et par l'application de 20 sangsues h l'épigastre. Ces évacuations sanguines , comme il était facile de le prévoir, furent suivies d'une prostration profonde, prolongée , et n'amenèrent aucun soulagement. ._

Alexandre A** se corrigea pour toujours, mais des pollutions nocturnes ne tardèrent pas à se manifester : d'abord très-fréquentes , elles ne revinrent ensuite que deux ou trois fois par semaine, et enfin deux ou trois fois par mois. Cependant les palpitations, l'essoufflement, les douleurs de poitrine, le trouble des digestions , etc. , ne firent qu'augmenter. Il s'y joignit des bouffées de chaleur à la figure ; des douleurs de reins qui remontaient, en fourmillant, le long delà colonne vertébrale, et se distribuaient aux épaules «t aux bras; des crampes fréquentes dans les membres, et un refroidissement continuel des extrémités ; une faiblesse excessive des jambes, et un besoin fréauent d'uriner et d'aller à la selle. Autrefois grand fumeur, le malade ne put plus supporter l'odeur du tabac ; il renonça aussi à la musique qu'il avait beaucoup aimée; il prit le monde en aversion, surtout les femmes ; timide, inquiet, distrait, sans cesse occupé de sa maladie, il devint impropre à tout,' tomba dans le désespoir, et fut souvent sur le point de céder aux idées de suicide qui l'obsédaient malgré lui.

C'est dans cet état qu'il vint me consulter, dans lé mois d'octobre 1836, à l'âge de 21 ans. Je soupçonnai bientôt que des pollutions diurnes avaient pris la place des pollutions nocturnes ; et les détails minutieux dans lesquels entra le malade, me confirmèrent pleinement dans celte opinion. Chaque fois qu'il allait à la selle , il rendait par

22


350

la verge une quantité plus ou moins abondante d'une matière visqueuse , dont les caractères étaient ceux du sperme mal élaboré. Il est bon de remarquer que ces selles se répétaient trois ou quatre fois par jour ; qu'elles étaient liquides, mêlées d'une grande quantité de mucus,'et laissaient une vive ardeur dans le rectum. Les urines étaient habituellement troubles , épaisses, infectes : .après leur émission, il restait, à l'ouverture du méat, une matière épaisse, gluante, qui laissait des marques sur le linge. Je dois noter aussi une circonstance à-laquelle je n'ai pas d'abord attaché assez d'importance : lé malade se plaignait d'être tourmenté, le jour et la nuit, par des érections incomplètes, mais très-fréquentes.

'Après avoir constaté, pendant quelques jours, la présence du sperme dans les urines , je pratiquai la cautérisation de la portion prostatique de l'urètre. (Bains; lavemens.; boissons adoucissantes; régime végétal et lacté .)-

Quinze jours après, il existait une amélioration sensible dans presque tous les symptômes : mais elle ne fit pas de progrès ultérieurs malgré l'usage de l'eau deSpa, du lait glacé, etc. Les selles étaient toujours liquides> mêlées à, des mucosités semblables à de l'eau de savon épaisse.

Cet état stationnaire, vraiment désespérant, dura pendant trois mois, et j'avoue que ce n'était pas sans quelque impatience que je voyais revenir ce malade tous les jours dans le même état, avec.la même ténacité, lorsque j'appris enfin, à force de questions, qu'il avait quelquefois remarqué dans ses selles de petits vers blancs, pointus, etç-, c'est-à-dire, des-ascarides.

En. quelques jours il en fut débarrassé par des lave-


531 mens avec l'infusion de santoline blanchâtre (santolina incana); et, dès ce moment, son rétablissement suivit la marche la plus rapide. L'amour du travail lui est bientôt revenu : il s'est adonné à l'étude de la pharmacie avec ardeur et facilité (1).

Yoilà donc un nouveau cas bien remarquable, dans lequel les pertes séminales involontaires étaient entretenues par des ascarides , quoique tout semblât indiquer que la masturbation était la seule cause de la maladie.

L'importunité des érections, la nature des selles, l'ardeur de l'anus, etc., auraient dû sans doute me faire soupçonner la présence de ces vers dans le rectum. Mais la masturbation avait été provoquée par de mauvais exemples ; elle expliquait suffisamment la production des pertes séminales, et je ne pensai pas à remonter plus haut. C'est pour évitera d'autres la même faute , que je signale les circonstances qui auraient dû me mettre sur lavoie.

J'ai reçu.récemment une consultation d'un de mes anciens élèves, pour des pollutions diurnes très-graves et très-anciennes, qui avaient résisté aux traitemens les plus variés. Elles étaient attribuées à la masturbation , et les

(1) Observation recueillie par le docteur Ramirez de Hidalso.


. 552 aveux du malade justifiaient bien cette opinion. Cependant, un passage de sa lettre m'a convaincu qu'on s'était' trompé, du moins sous un rapport. -

Après avoir parlé des prétendues hémorrlwïdes qui irritaient la marge de l'anus, le malade ajoutait : « La douleur et les démangeaisons que j'y ressens sont telles , que j'introduis souvent avec violence le doigt jusque dans le rectum, et j'en ai retiré plusieurs fois des ascarides. » Cette circonstance, jusqu'alors négligée, me fit penser que c'étaient ces ascarides qui entretenaient les pertes séminales, si elles n'en étaient pas la cause première, et c'est sur cette donnée que j'établis les indications. Ce fait me paraît de même nature que les précédens.

Quoi qu'il en soit, il faut bien se rappeler que des pollutions peuvent être'entretenues, chez les plus grands masturbateurs, par l'action des ascarides, lors même que ces vers n'ont pas provoqué ces manoeuvres : il faut donc apporter beaucoup d'attention aux symptômes qui peuvent déceler leur présence. Je dois avouer cependant que, d'autres fois, je me suis trop hâté de croire les pertes séminalesprovoquées ou entretenues par ces animaux, sur ce que les malades en avaient observé quelquefois, en petit nombre, dans leurs matières fécales. Alors , l'insuccès des vermifuges les plus variés m'a prouvé que les ascarides . n'avaient pas eu l'importance que je leur avais attribuée.

Il faut donc se garder de conclure trop précipitamment sur les premières apparences. Aucune maladie n'exige plus de recherches et de tâtonnemens que le diagnostic et le traitement de ces cas compliqués.


533

•N° 54. "

Masturbation dès l'âge de 8 ans : à -iz, émission très-fréquente d'urine : à -a&, impossibilité du coït; pollutions nocturnes, puis diurnes: à 28 ans, cautérisation .- guérison prompte et complète.

M. D**, de Philadelphie, d'une constitution très-robuste, étant au collège à l'âge de 8 ans, s'y livra à la masturbation. Le premier effet qu'il en éprouva, fut un besoin fréquent d'uriner. A12 ans, il en était tellement tourmenté, qu'il était quelquefois obligé d'y céder jusqu'à quinze fois dans une heure. Avant d'entrer dans une maison, il avait toujours soin d'uriner plusieurs fois coup sur coup, et, malgré cette précaution , il ne tardait pas à éprouver bientôt de nouvelles inquiétudes : il lui semblait que la vessie ne se vidait jamais complètement, et la plus petite quantité d'urine provoquait de nouvelles contractions. Cette susceptibilité des organes urinaires diminua de temps en temps après la puberté, mais elle n'a jamais cessé complètement, malgré les nombreux moyens qui ont été employés à plusieurs reprises.

A 16 ans , il espéra renoncer à la masturbation en fréquentant des filles publiques ; mais il se trouva plusieurs fois complètement impuissant, et la honte le ramena vers ses anciennes habitudes. Plus tard, il fit de nouveaux efforts pour s'en affranchir; mais il eut des pollutions nocturnes qui lui firent souvent perdre cou-


354

rage. Enfin , après bien des rechutes , il parvint à se corriger complètement, sans voir reparaître les pollutions nocturnes. Cependant sa santé, loin de se rétablir, ne fit que s'altérer de plus en plus ; les érections devinrent moins fréquentes, moins prolongées, incomplètes : elles cessèrent même peu à peu, ainsi que tout désir vénérien.

A 28 ans, l'état des urines, leur fréquente expulsion, les douleurs vagues du périnée, des testicules, etc., firent penser à l'existence d'une pierre ; mais le cathétérisme n'indiqua qu'une excessive sensibilité de l'urètre, surtout

vers le col de la vessie.

i.

Quelque temps après , son médecin lui mit entre les mains la première partie de mon ouvrage, qu'il venait de recevoir, et lui conseilla d'aller à Montpellier. Voici quelques passages d'une note qu'il me remit en arrivant, au commencement de mai 1857 :

« Je suis faible, chancelant, très-impressionnable au froid, je m'enrhume très-facilement et j'éprouve des douleurs vagues par tout le corps. Ma peau est sèche, ma mémoire fugitive; mes digestions sont laborieuses, mes extrémités toujours glacées, mes bourses pendantes, mes testicules roaus et très-sensibles ; j'y éprouve souvent une sensation lourde et douloureuse, comme s'ils étaient fortement comprimés : le sperme qu'ils sécrètent est clair, aqueux, sans odeur, si j'en juge d'après les dernières évacuations nocturnes que j'ai observées. Du reste, j'ai constaté sur moi-même la vérité dé ce que vous dites du diabètes, spermatique, de la liaison des symptômes urinaires et séminaux, de l'expulsion du sperme avec les dernières


555

gouttes d'urine, etc. Chez moi ces dernières gouttes ne sont rendues qu'avec effort; elles sont gommeuses, et déterminent vers l'anus un chatouillement qui retentit à l'orifice du gland. J'ai toujours pensé que cette sensation annonçait le passage du sperme à travers le canal. J'ai souvent la diarrhée , d'autres fois, je suis très-constipé, et mes selles sont douloureuses : je ne rends pourtant pas souvent du sperme en allant à la selle, etc. »

Je constatai, pendant plusieurs jours, la présence habituelle du sperme dans les urines : le cathétérisme me fit reconnaître, comme au praticien de Philadelphie * une excessive sensibilité de l'urètre, surtout vers la prostate, qui était un peu tuméfiée. Il s'écoula près d'une cuillerée de sang dès que j'eus retiré la sonde. Ces circonstances ne pouvaient me laisser le moindre doute sur l'état de la membrane muqueuse au voisinage des canaux éjaculateurs. En conséquence, je pratiquai immédiatement une cautérisation depuis le col de la vessie jusqu'à la portion membraneuse de l'urètre.

Vingt jours après , M. D** partitpour l'Italie, Quand il repassa par Montpellier, trois mois plus tard , il était complètement guéri : aucune perte séminale involontaire n'avait reparu ; ses urines étaient transparentes ; il pouvait les retenir 7 à 8 heures; leur expulsion avait lieu sans effort, et n'était accompagnée d'aucune sensation remarquable. Enfin , l'impuissance, qui datait d'environ doîtseans , avait été remplacée par une virilité jusqu'alors inconnue à M. D**: il s'en était même assuré plus souvent que la prudence ne le comportait. Cependant sa guérison «e s'était pas un instant démentie. Je n'ai pas besoin


.556 de dire que son physique et son moral avaient participé à celte régénération.

J'ai eu souvent l'occasion de faire remarquer l'étroite liaison qui unit les organes spermatiques et urinaires ; j'ai fait voir qu'il n'y avait pas de cause de spermâtorrhée qui n'agît, plus ou moins, sur la vessie et sur les reins: la masturbation nous offrira de nombreux exemples dé cette association. Mais celui-ci est un des plus remarquables, car l'irritation des voies urinaires s'est développée très-promplement ; elle s'est manifestée par des symptômes très-prononcés; elle a existé seule pendant plusieurs e.r.sées. En effet, ce malheureux n'avait pas plus de huit ans, lorqu'il se livra pour la première fois à ses funestes manoeuvres : à cette époque, il n'y avait que les organes urinaires qui fussent eh activité ; eux seuls pouvaient donc être troublés dans leurs fonctions : aussi, les symptômes qui se manifestèrent, furent-ils bornés pendant long-temps au système urinaire.

Ce n'est pas seulement par leur intensité que ces symptômes ont été remarquables ; leurs caractères indiquent encore qu'ils dépendaient d'une inflammation chronique, ou du moins d'une vive irritation ; et l'on conçoit que cet état a dû se propager aussi dans la direction des organes spermatiques. Enfin, l'augmentation de sécrétion des reins, l'extrême susceptibilité de la vessie peuvent


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donner une idée bien nette de ce qui devait se passer du côté des organes spermatiques, à l'époque de la puberté*

Dès que les testicules ont commencé à entrer en fonction, ils ont éprouvé la même influence que les reins ; les vésicules séminales se sont trouvées dans les mêmes conditions que la vessie : en d'autres termes, le sperme a été sécrété en grande abondance, il a peu séjourné dans ses réservoirs: incomplètement élaboré, il n'a pu exercer sur l'appareil éreclile son influence ordinaiçe : aussi, à 16 ans, le coït était-il déjà impossible. Cette impuissance, à cet âge, suffirait pour prouver qu'il existait déjà des pollutions diurnes, quoique le malade ne s'en soit aperçu que beaucoup plus tard.

Il put cependant, continuer à se livrer à la masturbation, parce qu'elle n'exigeait pas une,virilité aussi complète que l'accomplissement du coït. C'est là une des causes qui s'opposent le plus puissamment à ce que les masturbateurs renoncent à leur funeste passion.

Plus tard, des pollutions nocturnes , survenant après quelques jours de sagesse, ébranlèrent aussi la résolution du malade. Cet accident est beaucoup moins grave que le premier , mais beaucoup plus commun , et l'on conçoit combien il est difficile à ces malheureux d'éviter les effets de ces influences réciproques.

Enfin, le malade s'est corrigé ; ses pollutions nocturnes ont disparu : cependant sa santé, loin de s'améliorer, s'est altérée de plus en plus. C'est que sa sagesse tardive ne tenait pas à la puissance de sa volonté, mais bien à l'affaiblissement de ses organes génitaux : c'est que la disparition de ses pollutions nocturnes n'était pas due à l'emploi


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desmédicamens, des sangsues, des ceintures, etc., mais à l'augmentation des pollutions diurnes, dont il n'eut connaissance que beaucoup plus tard. Ces erreurs, bien communes, sont d'autant plus funestes qu'elles sont partagées par la" plupart des praticiens.

Ici" l'irritation du canal était très-prononcée ; aussi.la cautérisation a-t-elle produit un effet prompt et décisif.

55.

Masturbation depuis l'âge de 43 ans: à 48, incontinence d'urine ; pollutions nocturnes ; catarrhe vésical ; pertes séminales pendant la défécation, etc. : à 23 ans, cautérisation de la vessie et de la prostate. Guërison. Rechuté an bout d'un an : même traitement; même résultat.

Casimir T*\ d'Avignon, d'une petite taille, mais d'une bonne constitution , se livra depuis l'âge de 13 ans à la masturbation. A 18 ans, il eut une incontinence d'urine, et' des pertes séminales pendant l'émission des matières fécales. S'étant corrigé, il put retenir ses urines une heure ou deux , et remplir un emploi dans un bureau; ' mais les pertes séminales éprouvèrent moins d'amélioration, et il s'y joignit des pollutions nocturnes. Sa santé se détériora peu à peu ; ses digestions devinrent incomplètes , s'accompagnèrent de flatuosités ; ses forces diminuèrent ; enfin, cinq ans après , âgé de 25 ans -, il vint à Montpellier dans l'état suivant :

Face très-pâle et même jaune ; maigreur extrême ;


559

céphalalgie violente, fixée vers la partie antérieure de la iète, surtout après un peu de fatigue , soit à la marche, soit au travail de bureau : lassitudes dans les jambes, surtout depuis trois semaines : douleurs presque continuelles dans les reins et le bas-ventre ; douleurs plus vives et plus fixes au côté droit de la poitrine, qui font craindre au malade et à ses parens une affection des poumons, un commencement de phlhisie pulmonaire : émission trèsfréquente des urines; après chaque repas, retour de ce besoin jusqu'à cinq à six fois dans une demi-heure; sommeil très-souvent interrompu par la même cause; premier jet de l'urine se faisant toujours attendre quelque temps et exigeant beaucoup d'efforts, surtout la nuit ; redoublement des maux de reins par le séjour au lit; douleurs continuelles dans la vessie, augmentées depuis six mois , accompagnées souvent d'élancemens dans l'urètre, à la base de la verge et le long des cordons spermatiques ; sensibilité des testicules au moindre contact : constipation habituelle, devenue plus opiniâtre depuis six mois ; expulsion des matières fécales constamment accompagnée de pertes séminales plus ou moins abondantes, quelquefois excessives : pollutions nocturnes une ou deux fois par. mois, sans rêves erotiques, sans plaisir ni aucune sensation qui puisseles faire soupçonner: sensibilité excessive du canal, surtout à mesure que la sonde approche de la prostate : urines très-abondantes, se décomposant promptement, rendant une odeur infecte, laissant déposer une grande quantité de matière épaisse, trouble, jaunâtre, souvent mêlée de mucosités glaireuses qui s'attachent au fond du vase.


340

Le 31 mars 1856, je cautérisai la surface de la vessie et de la prostate. Cette opération ne présenta rien de particulier sous aucun rapport. Pendant huit jours, le malade prit des bains, des lavemens , des boissons abondantes. Les urines devinrent moins fréquentes , plus limpides, enfin fout-à-fait transparentes.

Au bout de 15 jours, Casimir T** repartit pour .Avignon en bateau, pour éviter l'influence de la voiture sur les parties cautérisées.

Un mois après il m'écrivit : 1° qu'il n'avait plus observé de pertes séminales depuis la cautérisation ; 2° que sa constipation avait cessé spontanément ; 5° qu'il n'éprouvait plus aucune douleur dans la vessie ; 4° qu'il urinait plus facilement, avec plus de force et beaucoup moins souvent. Enfin il ajoutait : « Je n'éprouve plus de lassitudes dans les jambes, plus de douleurs dans les reins: celles du bas-ventre et du côté droit de la poitrine ont presque entièrement disparu : mes nuits sont excellentes. >

Au printemps de 1837 , Casimir T*" revint à Montpellier avec des symptômes semblables à ceux dont il avait été guéri l'année précédente, mais beaucoup moins graves. Il attribuait sa rechute à divers refroidissemens éprouvés coup sûr coup vers la fin de l'hiver.

La cautérisation eut le même succès que la première fois.

Ici, comme dans le cas précédent, la masturbation seule a pu produire l'affection des organes urinaires et


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spermatiques , puisque le malade n'a jamais eu de rapport avec aucune femme, et ne s'est jamais livré à aucun autre genre d'excès. Mais ce n'est pas seulement une irritation qui s'est développée chez lui, c'est une véritable inflammation de la vessie , et peut-être des reins-, si l'on en juge par la douleur qu'il ressentait dans cette région. '•'.',

Je ne reviendrai pas sur k coïncidence fréquente des deux maladies ; mais je saisirai cette,occasion pour faire remarquer combien le catarrhe chronique de la vessie jette d'obscurité sur l'un des principaux symptômes des pertes séminales involontaires.

Ce malade avait des pollutions nocturnes, rares à la vérité, mais remarquables par l'absence des rêves erotiques , de tout plaisir et même de toute sensation : une quantité plus ou moins considérable de sperme était rendue à chaque expulsion des matières fécales ; cet accident était si patent, que ce jeune homme l'avait remarqué, d'une manière à peu près constante, depuis cinq ans, avant que personne lui en parlât. Mais rendait-il aussi du sperme avec ses urines ? Je n'éprouve aucun doute à cet égard , d'après ce que j'ai observé chez tous ceux qui étaient sujets à des pollutions nocturnes entièrement passives, et à des évacuations spermatiques habituelles pendant la défécation. Certes je n'ai point regardé comme de la semence le dépôt de matière épaisse, souvent mêlé de glaires, etc., qui se formait dans les urines à mesure qu'elles se refroidissaient : je sais fort bien que ces matières sont fournies par la membrane muqueuse de la vessie et par les follicules prostatiques ; que le sperme ne présente


542

pas ces caractères quand il existe seul dans les urines: mais c'est sur l'ensemble des symptômes , et non sur un seul, qu'il faut juger une maladie, et les cas obscurs doivent être élucidés par ceux dans lesquels les mêmes phV nomènes sont évidens.

Ceci a plus d'importance qu'on ne pourrait le croire, à cause de la fréquente coïncidence des affections de la vessie avec les pollutions diurnes : le sperme existe trèsrarement seul dans les urines : il s'en faut de beaucoup qu'il conserve alors les caractères qu'on lui connaît dans l'état de santé parfaite. Il ne faut donc pas croire qu'il soit souvent facile de constater sa présence à l'aide de réactifs chimiques ou de recherches microscopiques. Une faut pas non plus s'imaginer que ces caractères soient indispensables au diagnostic de la spermatorrhée : ces illusions ne peuvent entrer que dans l'esprit de ceux qui n'ont pas observé de cas graves et compliqués.

Je désire vivement qu'on découvre un réactif assez délicat pour déceler la présence des moindres atomes de sperme dans les urines les plus chargées d'autres matériaux; je fais des voeux pour que les observations microscopiques deviennent assez faciles , assez sûres pour permettre de reconnaître les débris d'animalcules spermatiques au milieu du pus, du mucus vésical et des glaires prostatiques : mais en attendant faut-il nier la maladie? Faut-il s'abstenir de la combattre par les moyens dont l'expérience démontre l'efficacité ? Je voudrais que tous les cas de spermatorrhée fussent parfaitement simples, et toujours faciles à constater: mais si la prostate, la vessie et même les reins participent souvent à l'affection


. .345

des organes spermatiques, si cette coïncidence est le résultat des connexions anatomiques et physiologiques qui existent entre ces parties, il faut bien s'y résigner.

Quoi qu'il en soit, il existait d'autres émissions involontaires de semence dont il importe d'apprécier le caractère.

J'ai dit que les pollutions nocturnes avaient lieu sans . rêves, sans plaisir, sans aucune sensation ; que là constipation avait augmenté les pertes séminales, etc. Tenaientelles donc au relâchement, à l'atonie des canaux éjaculateurs, suivant des idées généralement admises?

Ces pertes séminales se sont manifestées en même temps que l'incontinence d'urine. On pourrait dire que l'incontinence était due au relâchement du col de la vessie. Mais lorsque le malade est venu me trouver, il avait un catarrhe chronique dont les caractères n'avaient rien d'équivoque ; il urinait encore très-souvent, très-abondamment; ses urines étaient alors telles qu'il les avait toujours vues. II est donc évident que l'incontinence d'urine ne tenait pas au relâchement du sphincter de la vessie, mais à la susceptibilité de la membrane muqueuse. D'un autre côté l'urètre avait acquis une sensibilité excessive, surtout vers la prostate: le malade y éprouvait souvent des élancemens, ainsi qu'à la base de la verge et le long des cordons spermatiques ; les testicules étaient très-sensibles , etc. Ainsi la cause de rincontinence d'urine et des pertes séminales était la même; les deux maladies ont débuté en même temps; les phénomènes observés de part et d'autre étaient toutà-fait analogues. Pourquoi supposerait-on que les pertes séminales tenaient à un état de relâchement, lorsqu'on a la certitude que l'incontinence d'urine était due à


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l'inflammation chronique de la vessie ? N'aurait-on pas aussi attribué cette incontinence à un état de relâche„ment, si les urines n'avaient été semblables à celles des affections câtarrhales?

Concluons de tout ceci, 1° que les organes spermatiques et urinaires étaient dans le même état ; 2° que les testicules sécrétaient plus de sperme , comme les reins plus d'urine, parce qu'ils étaient irrités ; 5° que la susceptibilité des vésicules séminales était augmentée comme celle de la vessie : 4° enfin, que la constipation survenue dans les derniers temps , était plutôt' l'effet que la cause delà maladie.

Les résultats de la cautérisation viennent encore à l'appui de ces rapprochemens. Elle a porté sur la vessie et sur la portion prostatique de l'urètre : elle a fait cesser en même temps et complètement les deux ordres de symptômes. Ainsi les urines sont devenues transparentes , moins abondantes ; elles ont été rendues trèsrarement , avec force et facilité ; les douleurs de la vessie se sont dissipées , ainsi que celles des reins. Pendant ce temps, les pertes séminales ont disparu, et, chose digne de remarque, la constipation a cessé spontanément. La cautérisation a donc produit le même effet sur là portion de l'urètre qui reçoit les canaux éjaculateurs, que sur la membrane muqueuse de la vessie. Les deux maladies , dues à la même cause première, étaient donc entretenues par le même état pathologique des membranes muqueuses vésicale et prostatique.

Je dois faire remarquer aussi avec quelle promptitude ont disparu les douleurs vagues de l'abdomen et celles


545

qui s'étaient fixées sur le côté droit de la poitrine. Ces symptômes nerveux , très-communs chez les malades tourmentés de pollutions , en imposent souvent aux plushabiles praticiens , comme on le verra dans les observations suivantes.

La rechute survenue vers la fin de l'hiver , confirme ce que j'ai fait observer plusieurs fois touchant les fâcheux effets du froid dans les affections des organes génito-urinaires. Il est remarquable que les deux ordres de symptômes urinaires'et spermatiques ont reparu enmême temps , quoique moins intenses que la première fois. Du reste, le prompt succès de la cautérisation dans cette rechute , prouve encore l'efficacité de ce moyen.

56.

Masturbation ; pollutions nocturnes ; palpitations, étouffetrwns simulant une maladie du coeur ; saignées répétées ; -augmentation des symptômes. Bains sulfureux: amélioration rapide. ' * ■

M. D**, d'un tempérament nerveux, d'un caractère ardent et inquiet, contracta au collège l'habitude de la masturbation : il s'ensuivit une fièvre grave qui faillit l'enlever ; bientôtaprès, une extinction de voix , et plus tard, des rhumatismes fréquens, des douleurs dans la poitrine, des espèces de suffocations, un essoufflement habituel et des palpitations violentes, que le moindre exercice augmentait.

23


546 ,

A 19 ans, il renonça sans retour à ses habitudes ; mais il éprouva des pollutions nocturnes qui devinrent déplus en plus fréquentes et faciles; On lui appliqua un cautère à la jambe gauche. L'hiver suivant, les palpitations et l'essoufflement augmentèrent ; les jambes s'infiltrèrent. On pratiqua de fréquentes saignées : on donna l'oxymel scillitique , du vin blanc sec pour boisson. Au retour de la belle saison , il y eut un peu d'amélioration , qu'on ne manqua pas d'attribuer au traitement.

Au mois de janvier suivant, les mêmes symptômes s'exaspérèrent de nouveau , et furent combattus par de nouvelles saignées et par une diète sévère. Depuis cette époque, le malade resta excessivement maigre, et les pollutions nocturnes augmentèrent, ainsi que les étouffemens et les palpitations : ces symptômes furent encore combattus par trois nouvelles saignées.

Le malade avait 25 ans, lorsqu'il vint à Montpellier. Une exploration minutieuse de sa poitrine me prouva que ses poumons étaientparfaitement libres, et que lesbattemens du coeur n'avaient pas plus de force et d'étendue qu'à l'ordinaire. Cependant, malgré sa maigreur squelettique , malgré sa faiblesse excessive et l'infiltration de ses jambes , il n'était préoccupé que de la prétendue pléthore, à laquelle ses médecins avaient toujours attribué ses étouffemens et ses palpitations ; et j'eus beaucoup de peine à le prémunir contre le désir de nouvelles évacuations sanguines.

Des bains sulfureux artificiels donnèrent du ton aux organes génitaux, en même temps qu'ils diminuèrent leur excessive sensibilité. Les pollutions nocturnes de-


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vinrent moins fréquentes : l'appétit reparut ; les digestions s'opérèrent avec plus d'énergie. Au bout d'un mois, j'envoyai le malade aux eaux sulfureuses des Pyrénées , où il acheva de se rétablir.

Celte observation présente un des cas les plus simples de pollutions nocturnes provoquées par la masturbation ; mais elle est remarquable par la prédominance des palpitations et des étouffemens sur les autres symptômes , et surtout par les graves erreurs de diagnostic et de traitement qui en ont été la conséquence. .

57.

4 4i ans, masturbation poussée jusqu'au sang, mais bientôt abandonnée ; pendant 4 ans, dépérissement toujours croissant; symptômes de phthisie laryngée et de gastrite chronique; prostration excessive. — Cautérisation. Rétablissement très-prompt.

Je dois l'observation remarquable qu'on va lire, à l'amitié du Dv Daniel, de Cette (1 ).

- (1) Depuis la publication de la lre partie de cet ouvrage , j'ai reçu des D 1' Baumaire, de Lyon, Plaîndoux, de Nismes, labat, de Paris, et de plusieurs praticiens que je n'ai pas


548

t Le 26 mai 1836, je fus appelé près du boulanger F*", âgé de 22 ans; il était.au lit, dans l'état suivant : abattement moral porté jusqu'au dégoût de la vie ; prostration des forces; anémie extrême ; lèvres flétries et décolorées; pâleur remarquable ; yeux enfoncés dans leur orbite ; regard terne et sans expression ; maigreur squelettique ; peau chaude et sèche ; pouls misérable ; voix rauque et tellement éteinte, qu'on peut à peine saisir, en approchant l'oreille, quelques mots rares et difficilement articulés ; toux continuelle qui ne laisse aucun repos ; douleurs vagues et générales plus prononcées vers la région des reins et sur les côtés de la poitrine ; susceptibilité extrême de l'estomac ; vomissement provoqué par tout aliment solide ou liquide.

» Je crus d'abord reconnaître chez ce malade une phlhisie laryngée, compliquée de gastrite chronique; mais l'exploration de la poitrine et de l'abdomen ne confirma pas celle première idée : l'épigastre n'était pas sensible à la pression ; la respiration était libre presque partout ; seulement, sous les fausses côtes gauches, la percussion rendait un son obscur et le malade y ressentait une vive douleur.

l'honneur de connaître personnellement, une trentaine d'observations pleines d'intérêt, mais qui se rattachentpour la plupart à des questions que j'ai déjà traitées, et sur lesquelles, par conséquent, je ne puis revenir. Je n'en conserve pas moins une vive reconnaissance pour ceux de mes confrèies dont je ne puis utiliser maintenant les matériaux.


549

» Son état de faiblesse ne permettait pas l'emploi des évacuations sanguines : la pleuro-pneumonie ne paraissait ni très-intense ni très-étendue. Je me contentai donc d'appliquer un large vésicatoire sur le point douloureux ; je prescrivis ensuite un grain d'émétique en lavage et une diète absolue. La douleur du côté disparut. Deux jours après, l'estomac supporta le lait coupé avec l'eau d'orge.

» Cependant rien ne me rendait raison du dépérissement effrayant dans lequel le malade se trouvait depuis long-temps , de l'extinction presque absolue de sa voix, du ton rauque qu'elle avait pris, de la toux habituelle, etc. Les parens attribuaient ces symptômes à une phthisie héréditaire et me citaient plusieurs membres de la même famille dont la mort avait été due à cette maladie : ces faits militaient en faveur de leur opinion ; niais l'examen minutieux et réitéré de la poitrine m'empêchait de la ,partager.D'unautre côté, les symptômes étaient on ne peut *î>as plus graves , et je ne trouvais , dans aucun viscère, de lésion capable de les expliquer. J'étais encore dans cette pénible incertitude , lorsque je lus votre ouvrage sur les pertes séminales involontaires

» Je me hâtai d'interroger le malade sur sa vie passée ; voici ce qu'il m'apprit avec beaucoup de peine et d'une voix mourante :

»A l7àns, il s'était livré à la masturbation avec une telle furéi|ir que, plusieurs fois, il avaitrendudu sperme aqueux e- pelé de sang pur. Effrayé par cet accident, il se corrigea complètement. Mais, après une quinzaine de jours de


350

sagesse, il remarqua dans ses urines un dépôt de matière épaisse, floconneuse, gagnant la partie inférieure du vase. Il n'y attacha jamais d'importance ; mais, pendant quatre ans, il a constamment observé lé même dépôt. Il diminuait quelquefois, après des jours de loisir, mais sans disparaître entièrement. C'était surtout lorsque le malade avait beaucoup fatigué de son métier de boulanger, qu'il voyait, le lendemain, cette matière plus abondante que de coutume. Il observa aussi que les dernières gouttes d'urine étaient les plus épaisses, et qu'une petite quantité de-cette matière visqueuse restait ordinairement à l'ouverture du gland. Des douleurs assez aiguës et très-fréquentes se faisaient ressentir du côtédesreins et des parois de la poitrine; elles duraientdedeuxàcinqjours. Au bout d'une année, la voix devint rauque et faible; le malade pouvait à peine se faire' entendre. Les érections disparurent complètement", ainsi que tout désir vénérien. Arrivé à 21 ans , il tomba dans un tel état de faiblesse, qu'il fut obligé de renoncer à tout travail. Bientôt la toux, qui n'avait jamais cessé, augmenta beaucoup , et depuis ce moment il ne quitta plus son lit.

» J'examinai les urines et je les trouvai dans l'état indiqué par le malade ; il y avait au fond du vase un nuage épais, floconneux, semblable au dépôt que laisse précipiter une forte décoction d'orge : j'estimai la quantité de cette matière à une once. Je remarquai que les testicules étaient mous et les bourses flasques et pendantes. Je me crus dès-lors sur la bonne voie, et je conçus l'espoir de sauver cet infortuné : je lui proposai la cautérisation de la portion prostatique du canal, sui-


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vant votre méthode ; il s'y décida facilement, et je la pratiquai le lendemain 30 mai.

» L'effet en fut si rapide, que , pour me servir de la comparaison populaire, -mais pleine de justesse, employée par les parens du malade, il revint comme une lampe prête à s'éteindre, à laquelle on donne de l'huile.

» Le lendemain, le sommeil fut déjà meilleur. Le troisième jour, on remarqua dans la voix un changement sensible : des érections se manifestèrent dans la nuit. Le quatrième jour, le malade put se lever ; on lui donna quelques alimèns légers qui furent bien digérés : les douleurs vagues et générales disparurent. Enfin, vous avez pu juger par vous-même avec quelle rapidité les forces s'étaient réparées , puisque le 8 juin , neuvième jour de la cautérisation , le jeune F***, ayant su que vous étiez à Cette , est venu vous trouver au moment où vous alliez monter en voiture. Vous avez pu remarquer aussi quelle était l'expression de sa joie !

» Un régime analeptique et l'usage des bains de mer ont bientôt achevé le rétablissement. »

Le Dr Daniel avait joint à cette observation une note fort détaillée, rédigée par le malade lui-même. Je ne l'ai pas rapportée, parce qu'elle n'eût rien appris de nouveau. D'ailleurs, j'ai vu F*** plusieurs fois, et j'ai pu m'assurer de l'exactitude des faits.


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:'■•- Lé jeune F*** s'était livré à la masturbation, jusqu'à ne plus rendre-que du sperme aqueux, mêlé de sang pur. Les vésicules séminales étaient donc dans un état pathologique , lorsqu'il s'est corrigé. Quinze jours après, il remarqua dans ses urines un dépôt qu'il n'avait pas observé auparavant, et qui n'a plus disparu depuis. Pendant quatre ans, il ne lui est pas arrivé de revenir à ses habitudes : il n'a pas été tourmenté de pollutions nocturnes, et cependant son dépérissement n'a pas cessé défaire des progrès. A peine la cautérisation a-t-elle été pratiquée, que le malade est sorti de cet état déplorable pour entrer en convalescence. Est-il besoin d'analyses chimiques, d'observations microscopiques, pour affirmer que cette matière mêlée aux urines était du sperme ? N'est-il pas évident que la continence absolue de ce malade, pendant quatre ans, a été due au défaut de sollicitation de la part des organes génitaux ; que l'absence de pollutions nocturnes et de toute érection tenait à- l'existence de pollutions diurnes méconnues , quoique remarquées par le malade? Peut-on expliquer autrement son dépérissement toujours croissant et sa résurrection subite ? Mais c'est trop insister sur une semblable question.

Chaque fois que le malade s'était fatigué plus que de coutume, le dépôt en question était plus considérable le lendemain. Ceci peut paraître en contradiction avec les bons effets que d'autres retirent de la marche et des exercices auxquels ils se livrent spontanément ; mais tout dépend de l'état des forces et de la somme qu'on en dépense. La fatigue est aussi nuisible que l'exercice- est salutaire. .


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■N° 58.

Masturbation dès l'âge de 8 ans, répétée jusqu'à 20 fois par jour :-' pollutions nocturnes ; impuissance complète ; profonde hypochondrie ; symptômes d'affection de poitrine. Cautérisation : guérison prompte.

C** , d'un tempérament sanguin et d'une constitution des plus robustes , étant au collège, à l'âge de huit ans , y contracta l'habitude de la masturbation, et s'y livra bientôt avec une véritable fureur, car il recommença souvent jusqu'à vingt fois dans un jour. Quoique, à cette époque, aucune évacuation séminale n'ait pu avoir lieu , il est difficile de croire à l'exactitude d'une pareille assertion. Je dois faire observer cependant que le malade n'a jamais varié à cet égard, soit dans ses notes, soit dans ses réponses ou ses conversations avec les élèves. Quoiqu'il en soit, à 15 ans, sa santé ne paraissait pas avoir souffert. A cette époque, il contracta une blennorrhagie qu'il garda près de six mois, et qui le fit revenir à ses anciennes habitudes : jusqu'à l'âge de 21 ans, il s'y livra encore trois ou quatre foispar jour.

Envoyé à Aigue-mortes comme douanier, il y fit une maîtresse et se corrigea momentanément. Quelques mois après , il fut pris d'accès de fièvre intermittente qui furent guéris par le quinquina, mais qui se renouvelèrent à plusieurs reprises. Il s'aperçut alors d'une diminution dans ses désirs vénériens , et rompit avec sa maîtresse.


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Mais il lui survint bientôt des pollutions nocturnes, qui se reproduisirent presque tous les jours pendant quatre mois. Dans le principe, elles étaient précédées de rêves lascifs , accompagnées d'érections fortes et d'un vif sentiment de plaisir ; mais elles devinrent ensuite de plus en plus rares et tout-à-fait passives. Il voulut alors renouer ses anciennes liaisons , mais il se trouva complètement impuissant. Cet échec le fit renoncer absolument aiu femmes, et revenir encore à la masturbation, pour prévenir le retour des pollutions nocturnes.

A 23 ans, sa santé s'altéra, ses désirs diminuèrent, et il renonça définitivement à des manoeuvres qui ne lui procuraient plus aucun plaisir , qui étaient même accompagnées d'une certaine douleur.

Dès-lors, diminution de l'appétit ; digestions laborieuses , incomplètes ; douleurs sourdes depuis l'occiput jusqu'au coccyx, ainsi que sur les côtés de la poitrine ; craintes de la phthisie pulmonaire ; hypochondrie; dégoût de la vie , augmenté encore par les preuves répétées de son impuissance absolue ; aversion pour toutes les femmes, ainsi que pour le vin, la danse et les plaisirs qu'il avait le plus recherchés ; amour de la solitude ; insomnie la nuit, somnolence habituelle le jour ; sensibilité excessive de la peau; pollutions nocturnes sans érections; émissions de sperme provoquées par le moindre frottement pour nettoyer le gland, malgré l'état de flaccidité du pénis ( Traitement antiphlogistique, adoucissant et déiivatif, dirigé contre l'affection de poitrine). Point d'amélioration.

Il est bon de noter que ce malade désirait la mort sans vouloir cependant se la donner ; ce qui n'est pas rare


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dans les cas de cette nature : il s'exposait en conséquence à tous les orages, dans l'espoir d'être frappé de la foudre ou de contracter une maladie mortelle ; il traversait les étangs ayant de l'eaù jusqu'à la poitrine, et gardait ses vêtemens le reste de la journée : il aurait aussi voulu avoir un duel et se faire tuer, mais ses camarades le regardaient comme un malade imaginaire, ou comme un fou.

En avril 1857, il est entré à l'hôpital St-Éloi, per. suadé qu'il était phthisique. Voici les symptômes qui furent observés alors : constipation habituelle; pertes séminales fréquentes pendant les efforts de la défécation ; immédiatement après l'émission des urines , précipitation au fond du vase d'une grande quantité de petites granulations d'un quart de ligne de diamètre, et de quelques filamens alongés ; après le refroidissement, nuage abondant et léger au milieu des urines ; empâtement comme gommeuxde la chemise, par les dernières gouttes d'urine; figure très-colorée ; congestions cérébrales matin et soir , après les repas : du reste, aucun signe matériel de maladie du coeur, des poumons ou du larynx, même aux endroits correspondans aux points douloureux.

Le 15 mai, cautérisation de la portion prostatique du canal. Le 21 mai, urines transparentes, rendues sans douleur. Le 2 juin, douches ascendantes fraîches, continuées pendant quelques jours. Le 15 juin , guérison ; sortie de l'hôpital.


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Il faut que les organes génitaux de C" aient été doués d'une puissance bien extraordinaire, pour avoir résisté si long-temps à tant de causes d'altération ! Cependant la fonction a fini par être complètement anéantie dans l'âge de la plus grande virilité. L'énergie exceptionnelle qui retarde l'explosion des désordres, favorise aussi de plus grands abus.

Ce malheureux a rencontré presque tous les obstacles qui s'opposent le plus puissamment à l'amendement des masturbateurs. Renfermé d'abord dans le foyer même de la contagion, il contracta ensuite une blennorrhagie au sortir du collège ; plus tard, la faiblesse des érections mit obstacle à l'accomplissement du coït ; enfin des pollutions nocturnes remplacèrent les émissions volontaires, dès qu'elles furent suspendues pendant quelques jours. Qu'on ajoute à tous ces écueils une impulsion énergique de la part des organes génitaux , et l'on concevra facilement comment ce malade aété ramené si souvent à des habitudes qu'il voulait abandonner.

Comme tant d'autres , il a cru qu'il maîtrisait enfin sa passion , parce qu'elle n'était plus provoquée ; il a cru qu'il était hors de danger, parce que les pollutions nocturnes ne reparaissaient plus. Cependant, sa santé, loin de s'améliorer, s'est altérée de plus en plus : c'est qu'un mal plus grave était la cause de tous ces changemens, sans que le malade s'en doutât.

Du reste, les symptômes ont suivi la même marche que dans la plupart des cas de cette nature. C'est aux pollutions diurnes qu'il faut attribuer les premières marques de faiblesse qui se sont manifestées dans l'acte de la génération.


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On ne saurait ajouter trop d'importance à ces changement, quand ils surviennent à la fleur de l'âge et sans cause apparente.

Le seul phénomène qui ait pu faire croire à uneaffection pulmonaire , c'est la persévérance des douleurs dans les parois de la poitrine, et l'on n'y aurait probablement pas attaché d'importance , si plusieurs parens dû malade n'étaient morts de phthisie pulmonaire. Les congestions cérébrales qui avaient lieu après chaque repas, étaient bien plus remarquables, et personne n'en a tenu compte, parce qu'aucun membre de la famille n'était mort d'apoplexie. Il importe, sans doute , de ne pas négliger ces renseignemens ; mais il faut aussi se tenir en garde contre les préventions qui peuvent en résulter.

IN° 59.

Masturbation de 42 à 22 ans: mélancolie ; penchant ÇLU suicide; altération profonde de la constitution ; monomanie ; pollutions diurnes inaperçues. Cautérisation : guêrison complète.

Au commencement d'avril 1856, M. Emile G** me fut adressé par le Dr Cauvière, de Marseille , et conduit par sa mère. Il avait 25 ans, et s'était fait remarquer dans ses premières études : à 21 ans , il avait été reçu avocat d'une manière brillante. Sa taille était voûtée. Sa charpente osseuse annonçait une forte constitution, mais ses membres étaient maigres et ses muscles mous. Son système pileux était noir et épais, mais sa peau était


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décolorée et sa figure sans expression ; ses yeux noirs étaient ternes et fixés vers la terre ; sa voix faible et voilée se faisait à peine entendre : tout décelait en lui une excessive timidité. Ses membres inférieurs étaient dans un mouvement perpétuel.

Au premier coup d'oeil je vis à qui j'avais affaire', et la consultation du D 1' Esquirol me confirma bientôt dans mes conjectures. Je priai le malade de recueillir et de mettre en ordre ses souvenirs : voici la note qu'il me remit quelques jours après.

« A12 ans, j'eus le malheur de contracter, au collège, une mauvaise habitude. Je terminai mes études à 17. Â 19 , pendant que j'étudiais le droit à Paris , je remarquai déjà du changement dans mon caractère : ce fat d'abord, mais graduellement, un dégoût de toutes choses, un ennui profond et universel. Jusqu'alors je n'avais aperçu que le côté brillant de la vie ; dès cette époque, je n'ai plus vu que le côté sombre. Bientôt des idées de suicide vinrent, pour la première fois, troubler et épouvanter mon imagination. Cet état moral dura pendant un an.

» Alors, d'autres idées remplacèrent celles de suicide. Je me crus ridicule; il me semblait que l'expression de ma physionomie et mes manières provoquaient une insultante gaieté. Cette idée prenant tous les jours de nouvelles forces, plusieurs fois dans la rue, et même dans un appartement, avec des.parens, des amis , j'ai entendu des injures qui s'adressaient certainement à moi ; j'en ai encore la conviction. Enfin, mon état empirant, j'ai cru que tout le monde m'insultait, et je le crois encore; si l'on crache,


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si l'on se mouche , si l'on tousse , si l'on rit, si L'on met la main ou un mouchoir devant la figure , j'éprouve la sensation la plus pénible. Tantôt cette sensation provoque chez moi la colère , tantôt un abattement profond qui se manifeste par des larmes involontaires. Je ne regarde personne ; mes yeux ne se fixent sur aucun objet. Concentré dans mes idées, je suis indifférent à tout le reste. Ce sont là bien évidemment des signes d'imbécillité.

«J'avoue bien que j'ai pu avoir, que j'ai eu même des hallucinations; mais je suis bien persuadé que ces idées ne sont pas,sans fondement : je suis toujours convaincu que l'expression de mon visage, surtout de mes regards, a quelque chose d'étrange ; qu'on' lit sur mes traits les craintes qui m'agitent, les idées qui me tourmentent, et qu'on abuse de cette malheureuse faiblesse d'esprit, dont on devrait plutôt avoir pitié. Aussi je cherche la solitude ; la société me fait mal.

» Je sens comme un poids dans la tête , une espèce de pression du cerveau , et en même temps de l'irritation : je suis faible , découragé ; je me sens vieilli ; j'éprouve un état de somnolence et de torpeur continuel ; tout exercice me fatigue et je ne puis rester en place. Depuis quelques mois , j'éprouve plutôt de l'abattement que de l'irritation ; je ne suis plus tenté, de chercher querelle à ceux qui m'insultent : au reste, il ne m'est arrivé qu'une fois de céder à cette tentation. Depuis cinq ans, l'ennui ne m'a pas quitté : rien ne me fait plaisir ; tout me pèse et me gêne : je suis craintif, timide, embarrassé, incapable d'agir et de parler. L'esprit de la vie s'est retiré de moi.

'Depuis deux ans, j'ai commencé à m'observerdeplus


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en plus ; depuis neuf mois, j'ai renoncé complètement à ma funeste habitude, et cependant mon état empire tous les jours. »

Cette note donne une idée bien claire de la cause, de la marche et de la nature des symptômes prédominans ; mais le style du malade forme un contraste remarquable avec l'aridité de sa conversation et la gaucherie de son extérieur. C'est qu'il était seul quand il écrivait, et qu'il y_a mis du temps/ tandis que, dans le monde, il se sentait écrasé par la pensée accablante qui le suivait partout. Je ferai remarquer aussi qu'il ne dit pas un mot de ses mauvaises digestions, de sa constipation opiniâtre, de l'absence complète des érections et des désirs vénériens, quoiqu'il éprouvât tous ces Symptômes d'une manière trèsprononcée. Mais tout cela n'était rien pour lui ; une seule idée l'absorbait : c'était la conviction qu'il était un sujet de mépris et de risée pour tout ce qui l'approchait; et cette pensée était alimentée par le sentiment de son im- ' puissance et par la honte de la cause qui l'avait amenée.

Voici ce que contenait de plus remarquable la consultation du D 1" Esquirol.

« Le médecin soussigné, etc., elc. , ne peut méconnaître une hypochondrie qui persiste depuis trois ans. "H est évident que cette affection nerveuse est produite par la mauvaise habitude à laquelle lé malade s'est livré depuis, l'âge de la puberté, et à laquelle il n'a complètement renoncé que depuis sept mois. Cette maladie persiste' avec d'autant plus d'opiniâtreté , que la causé qui l'a produite a agi plus long-temps et plus profondément sur le système nerveux et l'a prodigieusement affaibli. >


. 561

Le D 1' Esquirol - attribue l'insuccès des moyens employés, à la mauvaise saison, à l'indocilité du malade, qui vit dans l'engourdissement, dans la torpeur physique et morale, et à la faiblesse de sa mère, qui se laisse subjuguer par le spectacle de douleur s vraies ou fausses, ou exagérées.

Les moyens qu'il conseille, sont ceux qui sont recommandés contre Y hypochondrie : toniques , antispasmodiques , sangsues à l'anus , liberté du ventre ,.voyages , distractions, bains sulfureux, bains de mer, etc. En terminant, le D1 Esquirol résumé ainsi son opinion :

« Je dois répéter ce que j'ai dit en commençant : L'innervation affaiblie est la cause immédiate de la maladie : tout ce qui peut fortifier le système nerveux doit être utile. y>

Je voyais bien, dans la masturbation, la cause première du dérangement physique et moral appelé hypochondrie; mais, depuis neuf mois, le malade y avait complètement renoncé, et son état empirait au lieu de s'améliorer. Il fallait donc qu'il fût entretenu par une autre cause. Le malade avait eu, depuis cette époque, une ou deux poilu-. tions nocturnes chaque mois ; mais ces rares évacuations ne pouvaient s'opposer à son rétablissement. Je dus donc supposer des pollutions diurnes. En effet, les urines contenaient habituellement un dépôt abondant, floconneux , semblable à une décoction d'orge très-épaisse : elles se décomposaient très-promptement et rendaient une odeur infecte. Après chaque selle, l'extrémité du gland était enduite d'une humeur gluante et visqueuse , semblable à de l'eau de-gomme fort épaisse.

Ces circonstances me confirmèrent dans l'idée que des pertes séminales, jusqu'alors inaperçues , s'opposaient

24


562 .

seules au rétablissement. L'émission fréquente des urines, la Sensibilité des cordons, des testicules et surtout de la

. membrane muqueuse urétrale , enfin la rougeur du méat urinaire, me firent attribuer ces évacuations à une irritation des organes spermatiques, plutôt qu'à un état de relâchement.

Cependant, le malade refusant de se soumettre à la

. cautérisation, je lui conseillai le lait glacé coupé avec l'eau de Spa, les lotions froides et autres moyens préconisés par Wichmann et S,e-Marie ; mais il s'en trouva bientôt plus irrité : tous les symptômes augmentèrent ; les urines devinrent de plus en plus épaisses, et finirent par présenter un dépôt glaireux adhérent au fond du vase. Enfin, le 23 avril, le malade consentit à la cautérisation. Je la fis porter principalement sur le col de la vessie et sur la portion prostatique de l'urètre : elle ne présenta rien de particulier, si ce n'est que l'inflammation ne fut complètement dissipée qu'au bout de trois semaines. J'attribue cette ténacité au mauvais temps qui régna pendant toute cette époque. Du reste, je ne prescrivis que deux ou trois bains par semaine, quelques lavemens tièdes et des boissons adoucissantes.

Au bout d'un mois, le malade prit plaisir à sortir^ à s'occuper de jardinage ; il se sentit plus de forces et fit des courses plus longues ; il put travailler davantage sans être fatigué ; il eut aussi des pollutions nocturnes précédées de rêves erotiques et accompagnées d'un vif plaisir. Il en fut d'abord effrayé ; mais il se rassura , quand il vit qu'il n'en était pas incommodé.

Il y avait plus d'un mois que je ne l'avais vu, lorsqu'il


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entra chez moi tout bouleversé : » Je suis un misérable , me dit-il, je ne guérirai jamais ; malgré tous mes efforts, je viens de retomber..... » Je le blâmai, bien entendu; mais jeme hâtai de lui montrer que, s'il avait succombé, c'était parce qu'il avait recouvré son ancienne virilité; qu'il fallait seulement en faire un meilleur usage.....

Madame G** vint bientôt me parler de projets de mariage pour son fils , qu'elle voyait exposé à d'autres dangers...... .Mais il me fut facile de lui faire entendre

qu'une pareille détermination exigeait des preuves plus prolongées d'un rétablissement complet et définitif.

Il y a maintenant plus d'un an, que toutes les fonctions s'exécutent d'une manière régulière et même énergique.

Monsieur G** a repris sa gaieté, son assurance, sa position dans la société. Je dois faire observer ici, que les bains ûèdes très-prolôngés et souvent répétés ont beaucoup contribué à hâter le rétablissement.

Peu de temps après avoir écrit ceci, j'ai reçu communication du mariage de M. G** : il y a six mois qu'il est consommé, et la guérison ne s'est pas un instant démentie.

Je n'ai pas besoin de montrer que, la masturbation peut, seule, avoir provoqué les pollutions diurnes et les symptômes généraux qui en ont été la conséquence; que la cautérisation doit avoir, seule, les honneurs de la guérison, quoique ses effets eufatifs n'aient commencé à se manifester qu'au bout d'un mois : mais je dois insister


564 , -

sur l'état des organes génitaux qui provoquait ces perles séminales involontaires, parce qu'on les attribue trop généralement à la faiblesse, au relâchement des tissus.

On a vu que tous les toniques conseillés par le Dr Esquirol avaient été sans efficacité ; j'ai décrit lés symptômes qui m'avaient fait croire à une vive irritation de la portion prostatique de l'urètre ; je n'ai pas dissimulé les Jfâcheux effets produits par l'eau de Spa, les boissons glacées , les .lotions froides, etc. : ce n'est donc pas en provoquant le resserrement de l'orifice des canaux éjaculateurs que la cautérisation a guéri, mais en détruisant la phlogose chronique de la membrane mUqueuse ; et ce qui le prouve encore, c'est l'heureux effet des bains tièdes pendant la convalescence.

"Ici encore un symptôme prédominant a concentré sur lui seul toute l'attention des praticiens ; et, dès-lors, ils n'ont plus vu dans cette maladie qu'une hypochondrie, une monomanie,, Une hallucination, persistant après la cessation de la cause qui l'avait fait naître, et devant, par conséquent, être traitée comme une affection idiopathique. J'ai fait voir, cependant, .que toutes les fonctions avaient été plus ou moins altérées. Je dois même ajouter que la digestion fut la dernière à se rétablir complètement. •

Ces illusions sont si communes, si variées et si graves, que je ne puis trop les signaler à l'attention des praticiens.

Le D 1' Esquirol a très-bien vu que cette vêsanie était due à la masturbation ;' que le système nerveux était faible, impressionnable, etc. ; mais il a méconnu la véritable cause qui entretenait cet état du cerveau. Lorsque la masturbation n'a pas produit de pertes séminales


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involontaires, le rétablissement suit de bien près la cessation de l'habitude qui avait détruit la santé : au bout de huit jours, les malades éprouvent déjà une amélioration très-remarquable, et bientôt ils ne sont plus reconnaissablés , quel que soit le degré de faiblesse où ils étaient tombés. Cependant, quand le Dr Esquirol écrivait sa consultation, il y avait déjà sept mois que la conduite de M. G** était irréprochable, et quand je le vis, deux mois après, son état avait encore empiré, sans qu'il fût revenu à ses habitudes : il fallait donc que les symptômes fussent entretenus par des pollutions diurnes.

Les urines contenaient trop de mucus et de matière prostatique, pour qu'aucune analyse chimique, aucune recherche microscopique eût pu permettre de constater la présence du sperme ; mais les résultats de la cautérisation sont bien aussi concluans.

Dès que les effets curaûfs se sont fait sentir, le malade s'est livré spontanément à des exercices variés : il a recherché de lui-même les distractions qu'on lui avait en vain recommandées auparavant; bientôt il a pris goût au spectacle, à la société; en un mot, il a fait, sans y être excité, ce qu'on n'avait jamais pu obtenir de lui, parce que ses besoins, ses idées ont changé, à mesure que ses fonctions se sont rétablies.

C'est bien en vain que vous direz à celui que vous appelez hypochondriaque : Amusez-vous, prenez des distractions , recherchez la société , des conversations agréables, etc.; tant que vous n'aurez pas détruit la cause de son malaise, de ses chagrins, de ses préoccupations, il ne pourra profiter de vos conseils. Comment voulez-


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tous que, accablé par lemoindre exercice, il se livre à la promenade, au jardinage, etc. ? Comment voulez-vous qu'il recherche la société ,. lorsque la présence d'une femme l'intimide et lui rappelle tous ses maux ? qu'il aime la conversation, quand il en perd le fil à toutmoment; quand sa mémoire l'abandonne ; quand il sent sa nullité? Vous voulez qu'il se livre à la joie, aux plaisirs; mais en est-il pour lui? Le bonheur des autres n'estil pas son plus grand supplice? Parce qu'il est dans l'impossibilité de suivre vos conseils, vous l'accusez d'y mettre de la mauvaise volonté ; vous voulez qu'on l'y contraigne !, Tarissez la source de ses maux, vous le verrez bientôt changer de caractère et de conduite, pour reprendre ses goûts et ses habitudes ordinaires.

Vous ne tarderez même pas à être embarrassé de ses idées erotiques, et la question du mariage vous sera posée : question grave sous tous les rapports, et sur laquelle le rigoriste le plus scrupuleux ne pourrait se prononcer sans avoir des élémens suffisans de convia tion ; car il ne s'agit plus seulement du rétablissement du malade , il s'agit aussi de-son bonheur ou de son malheur futur ; il; s'agit surtout de l'avenir définitif de l'être innocent qui doit être associé à son sort. La morale exige donc qu'on ne se prononce qu'après une épreuve suffisamment prolongée, faite , autant que possible, dans les conditions qui se rapprochent le plus de celles 4u mariage.


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W 60.

Abus provoqués par le décubitus sur le ventre ; effets d'une lecture erotique; empire de l'habitude; altération des fonçtiom intellectuelles et morales ; impuissance; irritation chronique de la vessie ; pollutions nocturnes et diurnes. Cautérisation : guérison prompte.

Eugène C*% d'un tempérament lymphatico-sanguin, était, à 7 ans, un des enfans les plus robustes et les plus hardis de son âge. Mais, à cette époque, il devint victime de l'habitude qu'on lui avait laissé contracter, de dormir couché sur le ventre. Dans cette position , les organes génitaux s'échauffèrent pendant le sommeil ; la verge entra en érection, quoiqu'il n'existât encore aucun signe de puberté ; sa pression contre le lit provoqua des titillations, des frottemens, qui amenèrent des abus aussi funestes que ceux de la masturbation. .

C'est bien cette position seule qui provoqua la découverte de ces fatales jouissances , puisque ce malheureux était encore dans l'ignorance la plus complète de tout ce qui concerne les rapports sexuels, et qu'il n'avait reçu aucun mauvais exemple. Bien plus, il était naturellement si pudique et si réservé , qu'il ne s'est jamais permis, et n'a jamais pu souffrir , à aucune époque, le moindre attouchement manuel. La première impression a donc été purement instinctive et accidentelle; mais elle n'en est pas moins devenue la cause d'une habitude


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qui s'est transformée en passion irrésistible., sans jamais changer de nature.

De 9 à 11 ans , le caractère devint inquiet et sauvage: cependant les fonctions intellectuelles et les forces physiques n'avaient pas encore souffert ; Eugène C** put suivre ses camarades dans'leurs études, et s'en faire redouter dans les fréquentes querelles qu'il avait avec' eux. Mais, de 11 à 13 ans, s'étant livré à sa passion plusieurs fois chaque nuit, il devint paresseux, timide, faible ; il resta en arrière de ses condisciples ; il fut à son tour provoqué, et se trouva constamment vaincu. Il rompit dès-lors avec tout le monde, et ne chercha que la solitude. ,

■A-14 ans, ses habitudes furent entravées par l'arrivée d'un de ses frères qu'on fit coucher avec lui, et il se rétablit complètement. Mais livré à lui-même, au bout de trois mois, il retomba bientôt plus mal que jamais.

A15 ans, une admonition, qu'il reçut en pleine classe » d'un de ses professeurs, lui ouvrit les yeux : il s'observa pendant huit mois, reprit des forces , changea de caractère , et regagna le temps perdu. Il fit même , à la fin de l'année, une composition si remarquable, qu'on supposa qu'elle avait été copiée. C'est pourquoi, dans une autre épreuve qui eut lieu pour les prix, il fut isolé et surveillé avec soin. Malheureusement, dans cet intervalle, les oeuvres de Pironet les contes de Lafontaine, étant tombés sous sa main, avaient incendié son imagination; il .était revenu à sa passion avec une espèce de fureur, et se trouvait alors dans un état plus fâcheux que jamais. Il passa donc tout le temps accordé pour la composition,


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dans une espèce de fermentation fébrile, sans pouvoir rien produire. Cet échec faillit le faire périr de honte et de rage.

Plus tard, la lecture de Tissot lui donna la ferme résolution de se corriger ; mais l'habitude était devenue si puissante, qu'elle exerçait son empire pendant le sommeil, "sans qu'il en eût la moindre conscience , ou du moins avant que sa volonté fût assez forte pour s'y opposer.

Il imagina divers moyens mécaniques pour empêcher les mouvemens involontaires qui ramenaient toujours ' le décubitus sur le ventre. Mais, dans ses rêves, il était ordinairement poussé à se débarrasser de ses entraves , par quelque circonstance qui naissait probablement du sentiment de gêne qu'il éprouvait, et il se. trouvait libre avant d'avoir pu se réveiller complètement. Souvent même, il se leva poursuivi par d'affreux cauchemars, et il lui arriva plusieurs accidens graves.

Peu à peu cependant l'habitude fut maîtrisée ; mais il survint des pollutions nocturnes très-fréquentes, qui firent perdre tout le fruit qu'aurait pu produire ce changement. -

A 1,7 ans , le malade vint à Montpellier pour se faire recevoir bachelier ès-lettres ; mais l'état de ses fonctions ' intellectuelles s'y opposa. D'ailleurs, sur dix heures qu'il passait à son bureau, il en employait neuf au moins à penser à ses maux et aux divers moyens de suicide qu'il pouvait employer pour y mettre un terme.

Il voulut cependant se rapprocher des femmes ; mais il se trouva complètement impuissant. L'attente d'un rendez-vous le jetait dans une agitation inexprimable ;


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mais l'impudeur de certaines femmes lui inspirait du dégoût, la réserve des autres le glaçait, ou bien leur tendresse redoublait ses appréhensions de ne pouvoir y répondre.

L'équitation lui fit beaucoup de mal, et les divers toniques ouexcitans qu'il employa, aggravèrent encore sa position.

Je ne rapporterai pas ici les dérangemens fonctionnels, les douleurs variées, les aberrations intellectuelles et morales, ^ps bizarreries de caractère, dont le détail, bien que curieux , me mènerait trop loin ; mais je dois faire' remarquer qu'il avait une irritation chronique de la vessie, dont la véritable cause lui était restée inconnue, et des pollutions diurnes, qu'il ne soupçonnait même pas , quoiqu'elles fussent beaucoup plus graves que ses pollutions nocturnes, devenues très-rares depuis un an.

Vers la fin de novembre 1836 , je pratiquai une cautérisation au col de la vessie et à la portion prostatique de l'urètre. Quinze jours après, le malade était presque rétabli, et il ne tarda pas à retourner dans son pays, où sa guérison* s'est promptement consolidée.

Aujourd'hui M. C** étudie la médecine avec beaucoup d'ardeur. Il a très-bien passé ses examens de bachelier ès-lettres et de bachelier ès-sciences. Il travaille avec facilité, avec plaisir et pendant long-temps sans fatigue. Son caractère est gai, ouvert et bienveillant; on voit qu'il est non - seulement bien portant , mais encore heureux.


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Cette observation (1) est bien propre à faire comprendre l'importance des moindres circonstances qui environnent l'enfance et la puberté, l'influence profonde que la plus légère négligence peut avoir sur le reste de la vie. '

61.

Idées sexuelles à 8 ans; abus ci 43; conséquences funestes ; longue série de maladies jusqu'à 3z ; pollutions nocturnes et diurnes. Cautérisation: amélioration tardive, mais progressive.

M. A**, d'un tempérament lymphatique et d'une intelligence très-précoce, fut tourmenté par des vers dans les premières années de sa vie. Vers l'âge de huit ans , on le laissa coucher avec sa bonne pendant quelque temps : il trouva du plaisir à se presser contre elle, sans savoir pourquoi, et remarqua , sans en rien dire, des formes qu'il n'avait jamais vues. Cela fit travailler son imagination ardente, et le jeta dans une espèce de mélancolie, dont on ne soupçonna jamais la cause.

A13 ans, une jeune fille de 18 se servit plusieurs fois de lui pour tromper ses désirs , «ans permettre aucune intromission , mais seulement des frottemens extérieurs.

(1) Elle'a été recueillie avec un grandsoin, parlé D'Ràmirez de Hidalgo , mon secrétaire.


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Peu de temps après , il fut envoyé au collège, où ces souvenirs funestes le suivirent : il en repaissait continuellement son imagination, et la nuit, il se remettait, autant que possible, dans les mêmes positions pour reproduire les mêmes frottemens. C'est ainsi qu'il contracta une habitude aussi pernicieuse que la masturbation, quoiqu'il se soit toujours abstenu de faire usage de ses mains. Sa santé s'en ressentit même avant qu'il eût remarqué aucune émission spermatique. Son accroissement s'arrêta , sa vue s'affaiblit , ainsi que sa mémoire et son -intelligence. Voici un résumé des nombreux accidens qu'il éprouva par la suite :

A 17 ans, pertes séminales pétulant la défécation; diminution des érections et des désirs vénériens , ainsi que des abus génitaux.

A 19 ans, gastrite chronique; céphalalgie; douleurs dans les hypochondres ; pollutions nocturnes. ( Diète lactée pendant un an ; bains ; lavemens; exercice à la campagne. ) Diminution des abus : rétablissement dans le courant de l'année suivante. *

A 22 ans , gastro- entérite chronique, suivie bientôt iïinflammation delà vessie. (Saignées; sangsues; bains, etc.). -Passage à l'état de catarrlie chronique. Rétablissement au bout de deux ans.

Peu à peu, retour des anciennes habitudes et des pollutions nocturnes : nouveau dérangement de la santé.

A 25 ans, nouvelle inflammation chronique des organes digestifs et de la vessie , combattue par les adoucissans et le régime le plus sévère.

A, 28 ans, retour de la santé et de l'embonpoint,


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mais non du sommeil, qui reste lourd, incomplet, souvent interrompu.

A 50 ans, perturbation, fréquente des digestions ; alternatives de constipation et de dévoiement; pollutions nocturnes et diurnes ; étourdissemens portés au point de causer une chute dans la rue. (Sangsues à l'anus souvent répétées ; émolliens; antispasmodiques; régime sévère.) Rétablissement très-lent.

, Pendant ces treize années de souffrances,- entremêlées de quelques instans de santé , le malade a souvent tenté de profiter du moindre retour de virilité pour renoncer à sa funeste habitude, en se rapprochant des femmes ; mais la crainte d'un échec ou d'une maladie, l'insuffisance des érections et la promptitude de l'éjaculation, s'opposèrent toujours à l'accomplissement de l'acte vénérien, qui se trouva chaque fois réduit à ces rapprochemens extérieurs dont le souvenir le poursuivait partout. D'un autre côté, quand sa raison avait triomphé de ses penchans pendant quelques jours , la puissance de l'habitude reprenait le dessus durant le sommeil, et reproduisait les mêmes actes, sans la participation de la volonté. Enfin, lorsqu'il multipliait les précautions , une pollution nocturne finissait par avoir lieu, de quelque manière qu'il fût couché , et ramenait subitement la faiblesse , la céphalalgie, les dérangemens d'estomac, le refroidissement des membres inférieurs, etc.

A mesure que les émissions volontaires devinrent plus-rares, les pollutions nocturnes augmentèrent de fréquence : elles furent d'abord précédées de rêves erotiques, accompagnées d'érection complète et de plaisir ; mais


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elles finirent peu à peu par avoir lieu sans érection ,,sans aucune espèce de sensation.

Ces pollutions nocturnes diminuèrent ensuite; mais les pertes séminales provoquées par la défécation devinrent habituelles , quoique très-variables pour la quantité. Enfin, il s'y joignit, pendant L'émission des urines, des pertes séminales qui varièrent aussi, mais qui finirent par s'établir d'une manière à peu près permanente.

On a conseillé contre ces pollutions, des lotions froides, la glace à l'intérieur , des bains de rivière; etc. Mais ces moyens irritèrent la vessie et ramenèrent l'affection catarrhale. La médecine homoeopathiqué fut employée, pendant cinq mois, sans effet appréciable. Les voyagesà: pied, surtout dans les montagnes, ont seuls fait du.bien:-, ils étaient même devenus nécessaires ; mais une fatigue excessive augmentait toujours les pollutions nocturnes.

Le malade vint à Montpellier, dans le mois de février 1836. Il était alors âgé de 32 ans, et présentait les symptômes suivans t

Figure triste, inquiète et timide; jambes, faibles; besoin continuel de mouvement ; sentiment d'un froid glacial aux cuisses , au bas-ventre et aux organes génitaux ; estomac très-capricieux ; digestions laborieuses, accompagnées de flatuosités ; mémoire fugace ; aversion pour la société et désespoir dans l'isolement ; alternatives d'attendrissement et de sécheresse de sentiment ; égoïsme prédominant et irrésistible ; libertinage dépensées qui contraste avec l'impuissance des agens d'exécution ; faiblesse de la volonté augmentant pendant la nuit,. au point que le malade n'ose plus compter sur lui-même dès qu'il est


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dans l'obscurité ; rêves effrayans ; sommeil agité , non réparateur ; besoin fréquent d'uriner, surtout pendant la nuit; urines troubles , floconneuses, sédimenteuses, trèsvariables , mais habituellement d'une odeur infecte ; organes génitaux peu développés ; verge grêle et courte, prépuce fort long, testicules petits.

Après quelques jours d'examen, je cautérisai la vessie et la portion prostatique du canal. Cette opération fut suivie d'une inflammation un peu plus intense et plus prolongée qu'à l'ordinaire, ce que j'attribue à l'influence delà mauvaise saison. Quoi qu'il en soit, des pluies abondantes et continuelles empêchant le malade de se livrer à son besoin de mouvement, il devint sombre, impatient, et tomba dans une nostalgie tellement désespérante , que je dus le laisser partir aussitôt qu'il fut en état de supporter la voiture. .

N'ayant pas reçu de ses nouvelles, j'augurais mal du succès de la cautérisation, lorsque , passant par Lyon, quelques mois après, je fus abordé par M. A***, que j'eus de la peine à reconnaître, tant sa figure annonçait la joie et la santé. Il m'apprit alors qu'il était survenu, depuis son retour , une amélioration lente et insensible, mais continue. Les pertes séminales qu'il éprouvait pendant la défécation, avaient fini par disparaître; ses urines étaient devenues transparentes ; elles étaient expulsées moins souvent et avec beaucoup plus de force; les pollutions nocturnes étaient plus rares et les érections plus énergiques.


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■* Les actes exercés sur les organes génitaux ont eu le même caractère que dans l'observation précédente ; ils ont encore produit les mêmes résultats que la masturbation. Cette ressemblance justifie le parti que j'ai pris de ranger tous ces abus dans la même catégorie.

On voit par cette observation que les idées génésiques peuvent précéder de long-temps le développement des organes sexuels , et que les désirs vénériens peuvent être hors de toute proportion avec le développement et l'énergie de ces organes.

On a dû remarquer l'influence exercée par une funeste liaison sur les abus auxquels le malade s'est ensuite livré. C'est le souvenir de ces jouissances irrégulières et prématurées qui, obsédant sans cesse "son imagination, a déterminé la nature de sesdérèglemens et la fréquence de ses rechutes. L'habitude, une fois contractée, a finipar maîtriser la volonté, et même par y suppléer, en provoquant les mêmes actes pendant le sommeil. Cette puissance de l'habitude s'est manifestée exactement de la même manière dans le cas précédent.

A 17 ans , le malade avait déjà constaté qu'il rendait du sperme en allant à la selle : il avait donc déjà des pollutions diurnes : il ne lésa pas bien observées, parce qu'il n'en connaissait ni les caractères ni l'importance; mais c'est évidemment à ces pertes involontaires qu'il faut attribuer la faiblesse constante des-érections depuis cette époque, l'impossibilité du coït qui .en était la conséquence et qui empêchait le malade de renoncer au seul plaisir qu'il pût se procurer : de là aussi la longue série de maux auxquels il a été sujet depuis.cette époque.


o/ /

Je ne m'arrêterai pas à ces étourdissemens fréquens, suivis quelquefois de chute, et combattus par des évacuations sanguines : on doit, maintenant savoir à quoi s'en tenir sur ces prétendues menaces d'apoplexie, qui causent tant d'erreurs de diagnostic. Quant aux gastrites, aux gastroentérites aiguës ou chroniques, aux gastralgies, aux diarrkèes suivies de constipation, etc., qui se sont succédé pendant quinze ans , j'ai déjà fait remarquer combien ces symptômes étaient communs dans les spermatorrhées, et j'ai dit qu'il fallait surtout les attribuer à la tendance qu'ont ces malades à manger beaucoup pour réparer leurs forces, et au besoin qu'ils éprouvent ensuite défavoriser leurs digestions par des stimulans. Chaque fois que ces açcidens se manifestaient, le malade était mis à un tégime sévère ; il renonçait à ses habitudes et se rétablissait-.. lentement: mais le retour des forces ramenait bientôt les mêmes abus et de nouveaux açcidens, jusqu'à ce que l'augmentation des pollutions diurnes eût amené une sagesse forcée et la continuité des symptômes les plus graves.

Ces.pertes étaient-elles dues à un état d'atonie? On serait tenté de le croire en pensant à l'exiguïté des organes génitaux, à la faiblesse habituelle des érections, etc.; mais la cystite aiguë, les catarrhes chroniques de la vessie indiquent. assez dans quel état devaient se trouver les canaux éjaculateurs et les vésicules séminales. Cette irritation est encore confirmée par le mauvais succès de la glace, des lotions froides, des bains de rivière, etc.

Les effets curatifs de la cautérisation ont tardé si longtemps à se manifester, que je n'y comptais plus ; cepen25

cepen25


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dant aucun autre traitement n'ayant été employé depuis, c'est évidemment à cette opération qu'il faut attribuer l'amélioration extraordinaire.que j'ai constatée quelques* mois après. J'ai fait remarquer la même circonstance chez M. Emile G** ( Voyex N° .59.) ; et.comme ces deux malades ont été opérés à la même époque, j'ai pensé que la prolongation des phénomènes inflammatoires devait être attribuée aux variations subites de l'atmosphère et aux pluies abondantes qui ont rendu cette saison très-pénible, même pour ceux qui se portaient bien.

Quoi qu'il en soit, de semblables relards ne sont pas rares, et je m'empresse d'autant plus à les signaler, que j'ai vu avec peine un assez grand nombre de malades affectés de pertes séminales involontaires, qui avaient été cautérisés quatre ou cinq fois, même plus , dans l'espace d'un mois. Je regrette beaucoup de ne pouvoir aborder cette matière, avant d'avoir terminé ce qui regarde les causes et les symptômes de la spermatorrhée; mais, en attendant, je dois faire observer aux praticiens disposés à adopter la cautérisation , que ses effets immédiats et ses résultats consécutifs sont non-seulement bien distincts, mais encore tout-à-fait opposés. L'inflammation qui en est la suite nécessaire, ne peut être accompagnée d'aucune amélioration: elle produit même souvent une augmentation des pertes séminales et des symptômes généraux qui en sont la conséquence ; ce n'est que quand elle est entièrement dissipée, que les tissus peuvent revenir sur eux-mêmes et reprendre leur sensibilité habituelle, .leurs fonctions normales : c'est alors seulement que les effets curatifs peuvent se faire sentir. Cette période de


579 résolution ne commence guère avant le 12mc jour. Elle peut être relardée par une foule de circonstances, et marcher plus ou moins lentement. Ce n'est donc, quelquefois, qu'au bout de deux ou trois mois, qu'on peut juger définitivement des résultats qu'on a obtenus. En provoquant une nouvelle inflammation aiguë avant que la première soit passée, on renouvelle les inconvéniens immédiats de la cautérisation en se privant de ses avantages consécutifs. Si l'on avait lu avec quelque attention les observations que j'ai publiées, on aurait remarqué que je n'avais jamais procédé à une nouvelle cautérisation qu'après plusieurs mois de- repos. J'ai même eu soin de prémunir les praticiens contre les sollicitations importunes des malades, qui, ayant obtenu une amélioration notable, sont impatiens d'en finir par une nouvelle opération. . ......

Je dois aussi profiter de cette occasion, pour blâmer ceux qui cautérisent comme s'ils avaient à détruire un rétrécissement calleux. IJ ne s'agit pas ici de produire une perte de substance, mais de modifier les tissus malades , autant par l'inflammation aigUë qu'on détermine, que par la destruction des surfaces fongueuses. Quand on dépasse ces limites, on n'ajoute rien à l'efficacité delà cautérisation , et l'on prolonge inutilement la durée de la période inflammatoire.

Je suis fâché de jeter en passant des réflexions que je serai obligé de développer plus tard; mais j'ai cru qu'il importaif'de signaler de suite des erreurs aussi dangereuses.


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ÏN° 62.

A 46 ans, masturbation ; à 24, compression du gland pendant l'éjaculation ; sentiment de déchirure ; douleur cuisante ; écoulement frès-variable ; pertes séminales pendant la défécation et l'émission des urines; influence de ces évacuations sur les digestions et réciproquement ; catarrhe chronique de la vessie. Cautérisation : guérison après plusieurs rechutes.

M. G**, d'un tempérament sanguin, d'une constitution très-robuste, contracta, vers l'âge de 16 ans, l'habitude de la masturbation. L'année suivante, il ressentit des douleurs et des tiraillemens dans l'estomac, de l'oppression, de la gêne dans la respiration.

A 21 ans , il résolut de vaincre sa passion ; mais, au bout de quelques jours, il y fut ramené par de violentes érections. Dans cette lutte entre sa volonté et ses habitudes , il comprima fortement le gland pour s'opposer à rêjaculation ; au même instant, il éprouva une espèce de déchirement dans l'intérieur du canal, suivi d'une douleur cuisante qui se reproduisit très-souvent par la suite. Le lendemain , après une érection , il sentit le gland trèshumide , et trouva l'ouverture remplie d'une matière visqueuse semblable à de l'eau gommée très-épaisse^

Depuis lors, cet écoulement a toujours persisté, variant seulement un peu d'aspect et de quantité, suivant les circonstances : les érections sont devenues moins énergiques; la sensation produite par l'éjaculation s'est affai-


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blie progressivement : en même temps, les fonctions de l'estomac se sont dérangées de plus en plus, et de fréquentes indigestions ont eu Heu.

Au bout de deux ans, cet écoulement augmenta subitement après un excès de coït, et prit le caractère blennorrhagique. Traité par les adoucissemens et le copahu, il revint, au bout de trois mois, à son premier état : seulement il resta plus abondant et s'exaspéra davantage, après le plus léger écart de régime ou la moindre, idée lascive. Les érections devinrent moins fréquentes, moins énergiques ; enfin elles restèrent tout-à-fait incomplètes. D'un autre côté, les digestions furent encore plus irrégulières, s'accompagnèrent d'aigreurs, de flatuosités, de constipation fréquenté, et les efforts de la défécation provoquèrent l'expulsion d'une quantité plus ou moins grande de sperme. Ces açcidens redoublèrent tous les ans au printemps. ( Sangsues à l'épigastre ; injections dans le canal avec l'eau de rose, le laudanum, etc. ; bains froids, généraux ou locaux ; lotions sur le périnée et le scrotum avec l'eau vinaigrée froide, avec le laudanum, etc. ; régime lacté; boissons tantôt émollientes, tantôt toniques ou excitantes. ) Aucun de ces moyens ne procura la moindre amélioration. L'exercice et les distractions amenèrent seulement quelque soulagement momentané.

A 28 ans, le malade ayant mangé après son dîné des massepains aux amandes, se donna une indigestion plus grave que les précédentes, qui dura trois jours. Cet accident fut suivi d'une exaspération effrayante de tous les symptômes : l'appétit persista , mais les alimens, en arrivant dans l'estomac , produisaient la sensation d'un corps


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étranger en contact avec une plaie. La constipation devint habituelle , opiniâtre, et ne céda ni aux purgatifs ni aux lavemens ; seulement elle alterna quelquefois avec la diarrhée. Les pertes séminales, dues aux efforts de la défécation, furent plus abondantes et plus fréquentes ; elles eurent lieu pendant la diarrhée aussi bien que pendant la constipation, et finirent par accompagner l'expulsion même des lavemens, dont l'usage réitéré était indispensable. Les urines devinrent troubles, épaisses; fétides; leur expulsion fut fréquente, quelquefois même involontaire, toujours peu énergique et embarrassée, accompagnée d'un sentiment douloureux à la racine de la verge et dans la vessie ; les dernières gouttes étaient épaisses, visqueuses, et s'arrêtaient dans le canal comme de l'amidon ou de l'eau de gomme très-épaisse. La faiblesse des érections et la promptitude des éjaculations rendirent l'accomplissement du coït impossible. Les testicules étaient souvent très-sensibles, ainsi que les cordons spermatiques. Du reste , douleur habituelle ; roideur et tiraillement dans les lombes, dans les jambes et dans les cuisses, aux tempes, à la surface dû crâne, dans l'abdomen et surtout à l'épigastre ; sensibilité excessive des yeux, faiblesse de la vue ; impossibilité d'une lecture prolongée; météorisme habituel dé l'estomac et des intestins ; maigreur excessive; profonde hypochondrie; sommeil léger , troublé, peu réparateur.

C'est dans cet état que le malade vint à Montpellier, le 19 avril 1826 , âgé de trente ans. Je passai plusieurs jours à l'observer, à rectifier bu éclaircir plusieurs rènseignemens vagues ou contradictoires. Je trouvai constam*


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ment ses urines bourbeuses et fétides, contenant un sédiment terreux et briqùeté, adhérent aux parois du vase, un dépôt épais et floconneux qui gagnait la partie inférieure ; un nuage trouble et léger occupait la partie supérieure; la surface était tapissée par une pellicule mince et irisée comme une lame de mica. Je remarquai aussi que l'ouverture du méat était d'un rouge-violacé, et que la membrane muqueuse de l'urètre était d'une vive sensibilité, surtout vers le col de la vessie^

Lé 2 mai, je pratiquai une cautérisation rapide à la surface de la vessie; je m'arrêtai un peu plus en passant sur la portion inférieure de la prostate , et je fermai l'instrument avant d'arriver au bulbe de l'urètre.

Cette opération produisit ses effets ordinaires, c'est-àdire,tous les symptômes d'une inflammation aiguë, mais modérée, qui diminua sous l'influence des bains, des lavemens, des boissons adoucissantes et du régime lacté. Cinq jours après, il n'y avait plus de sang dans les urines: au bout de quinze, elles étaient rendues sans douleur et avec une grande énergie : un mois après, elles étaient tout-à-fait transparentes. En même temps, les organes , digestifs reprirent de l'énergie, et le malade put bientôt manger de tout sans être incommodé. Les selles devinrent plus faciles , plus régulières ; les pertes séminales quiles accompagnaient, diminuèrent ; les forces revinrent dans les jambes et permirent de longues courses ; le sommeil fut profond et réparateur.

C'est dans cet état de convalescence que M. G" quitta Montpellier, vers le milieu de juin , six semaines après la cautérisation.


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Cinq mois après, je reçus une lettre de M. G**, dans laquelle il m'apprenait ' que son rétablissement s'était complété peu à peu : les pertes séminales qui revenaient encore quelquefois pendant les efforts de la défécation, avaient fini par disparaître complètement. En un mot, sa santé était parfaite depuis trois mois, lorsque, au milieu d'octobre, il mangea pendant deux jours une énorme quantité dé raisins, dont quelques-uns n'étaient pas bien mûrs : il en résulta une grave indigestion, à la suite de laquelle son estomac se dérangea de nouveau ; ses urines redevinrent troubles ; les pertes séminales reparurent pendant la défécation, et, chose bien remarquable, il éprouva dans le canal une sensation "comparable à celle qu'avait produite la cautérisation.

A peine remis de, cette rechute, il se donna uneseconde indigestion plus grave encore que la première, et qui eut les mêmes résultats. C'est sous l'influence de cette seconde rechute, qu'il m'écrivait pour me demander des conseils.

Enfin , quatre mois plus tard, je reçus de M. G** une nouvelle lettre, dans laquelle il m'apprenait qu'avant d'avoir reçu ma réponse, il était déjà rétabli : mais, oubliant le passé , il s'était donné une nouvelle indigestion , qui avait eU des résultats analogues, quoique moins fâcheux et moins durables. Cette rechute fut encore.suivie . d'une autre moins grave, et qui eut une influence semblable , mais moins prolongée, sur les organes génitaux.

On pense bien que j'insistai sur le régime : je conseillai, ' déplus, l'usage des eaux sulfureuses des Pyrénées, dont la saison approchait.

Depuis douze ans, je n'ai plus reçu de nouvelles de


■ 585

M. G**, ce qui me fait supposer que son rétablissement a été définitif et complet.

Cette observation, importante sous beaucoup de rapports, peut donner une idée des dangers auxquels s'exposent les imprudens, qui, dans un but quelconque, exercent des compressions sur le canal pendant la convulsion éjaculatoire. Je dis dan* un but quelconque, parce que,de semblables efforts ont été employés dans l'espoir d'empêcher une pollution nocturne, et que des açcidens semblables en ont été la suite.

Il s'est opéré dans ce moment une espèce de déchirement dans le canal, accompagné u'une vive douleur, et le lendemain, il s'est établi un écoulement muqueux qui a duré près de dix ans.

Le malade et les divers médecins qui lui ont donné des soins, regardaient cette matière comme spermatique, parce qu'elle augmentait à la moindre pensée erotique , parce que la virilité avait toujours été en diminuant depuis cette époque , en même temps que se manifestaient les symptômes généraux qui accompagnent les pertes séminales involontaires. Mais les circonstances qui ont précédé cet écoulement, auraient dû suffire pour indiquer qu'il venait des follicules muqueux enflammés ou du moins irrités par suite de la rupture de quelque point du canal. Est-il étonnant, d'après cela, que toute excitation des organes génitaux augmentât cette sécrétion ?


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Le caractère blennorrhagique qu'elle a pris, pendant quelque temps, prouve encore mieux cjue ce n'était,pas du sperme.

Le changement survenu, 'peu à peu, dans les fonctions génitales et dans la santé, s'explique par l'apparition de véritables pertes séminales, pendant la défécation et l'émission des urines , et l'on conçoit facilement pourquoi ces pollutions diurnes ont succédé à cette inflammation chronique de l'urètre , quand on sait avec quelle facilité elle s'étend de la surface prostatique aux tissus voisins.

C'est en vertu de cette disposition, que les organes urinaires ont aussi présenté des symptômes bien prononcés d'inflammation chronique; et ce qui est arrivé de ce côté, peut donner une idée de ce qui se passait dans les organes spermatiques.

Il faut conclure de tout ceci que l'écoulement habituel du canal n'était qu'une blennorrhée ordinaire, et que l'impuissance et le dérangement de la santé doivent être attribués exclusivement aux pertes séminales qui avaient lieu pendant la défécation et l'expulsion des urines.

J'ai attaché quelque importance à éclaircir ce fait, parce que les blennorr liées sont très-souvent compliquées de pollutions diurnes, et que cette coïncidence fréquente a jeté la plus grande confusion parmi les opinions émises sur cette matière, depuis qu'Arétée a parlé d'un écoulement continu de sperme. J'examinerai plus tard cette question si Simple et cependant si embrouillée aujourd'hui : en attendant je profiterai des occasions qui se présenteront, pour faire voir que les symptômes attribués à ces écoulemens continus, étaient dûs à de véritables


:'.: .:■.-: '■ . ' 587,

pertes séminales qui avaient lieu pendant la défécation et l'émission des urinés ;

Un autre résultat de cette facile extension de l'inflammation prostatique aux membranes muqueuses voisines, à été Faffection chronique de la vessie et peut-être même des reins : je n'en fais mention ici, que pour montrer combien toutes ces complications rendent le diagnostic des pollutions diurnes difficile. Les urines contenaient un dépôt terreux abondant ; elles étaient recouvertes d'une pellicule irisée; leur transparence était troublée par une grande quantité de mucosités ; un dépôt plus épais gagnait la partie inférieure : les sels étaient dûs à l'irritation des reins; la vessie et la prostate fournissaient leur part des autres matériaux ; mais, s'y trouvait-il du sperme ? C'est, je crois, ce qu'aucune analyse chimique, aucune recherche microscopique n'aurait pu décider.

Cependant, les dernières gouttes d'urine qui sortaient du canal, avaient la consistance visqueuse de l'amidon ou de l'eau de gomme, et cette matière ne.pouvait être que du sperme.

Il est fâcheux que ces cas compliqués soient les plus communs et les plus graves. Mais, qu'importe au praticien l'existence d'une blennorrhée, le mélange du mucus vésical, du fluide prostatique et dedifférens sels urinaires ? Ce n'est pas sur un seul caractère qu'il jugera de la maladie, mais, sur l'ensemble. Le plus important dans ces cas embarrassans, c'est de bien comprendre la cause et l'enchaînement de ces complications, afin d'arriver à la guérison. Heureusement, le même traitement convient à toutes, parce crue toutes dépendent de la môme


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cause. Ici, par exemple, la cautérisation a fait cesser à la fois la blennorrhée , l'affection chronique de la vessie et les pollutions diurnes, maladies qui duraient depuis neuf à dix ans.

Je ferai remarquer en passant, que ses effets curaûfs, ne se sont manifestés qu'au bout d'un mois ; qu'ils ont suivi une marche lente , mais progressive, et qu'ils n'ont été complets qu'au bout de trois mois : ce qui justifie le reproche que j'ai adressé aux praticiens impatiens qui cautérisent coup sur coup , sans attendre les résultats de < la première opération.

Une des circonstances le plus remarquables de celte observation, c'est l'influence fâcheuse exercée par les pertes séminales sur les fonctions digestives, et l'effet désastreux que le trouble des digestions a toujours produit sur les organes génitaux.

C'est l'estomac qui a souffert le premier de la masturbation , et, depuis, c'est encore lui qui s'est montré le plus affecté par la spermatorrhée. D'un autre côté, une violente indigestion de massepains exaspéra beaucoup les pertes séminales ; enfin , plus tard , quand la guérison ; paraissait solidement établie, quatre indigestions furent suivies d'autant de rechutes plus où moins graves, de pollutions diurnes, avec irritation de la Tessie, douleurs dans le canal, comparables à celles de la cautérisation. Mais je reviendrai sur cette espèce de solidarité des organes génitaux et digestifs, quand je m'occuperai des symptômes et du traitement des pertes séminales involontaires.


389

65.

Masturbation ; blennorrhée; pollutions nocturnes et diurnes ; catarrhevêsical; leucorrhée anale. Bains sulfureux: amélioration remarquable.

M. G", tanneur , d'une constitution robuste, adonné de bonne heure à la masturbation , vit bientôt sa santé s'altérer. A 18 ans, il lui survint un suintement habituel d'une matière épaisse, filante et visqueuse, tantôt transparente , tantôt blanchâtre , augmentant après les érections , et même après des pensées erotiques ou le moindre écart de régime. En même temps, affaiblissement du système musculaire et des facultés intellectuelles ; trouble des digestions ; catarrlie vêsical; sensibilité excessive des organes génitaux ; éjaculation très-prompte, provoquée souvent par les approches d'une femme, ou seulement par des rapports beaucoup moins intimes : ainsi, en février 1823, G**, se baignant dans une petite rivière, eut une pollution à la vue d'une paysanne qui traversait un petit bois voisin. Entraîné par ses camarades, il vit cependant des filles, et se livra souvent à des excès de boisson.

A 20 ans, ayant contracté la gale, il prit des bains sulfureux, se refroidit les'pieds dans la neige ," eut une fièvre violente, accompagnée de délire et de rétention d'urine, qui exigea l'emploi de la sonde. Depuis l3ette époque , augmentation de tous les symptômes et surtout du catarrhe vêsical; urines troubles, bourbeuses et fétides;


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pesanteur au périnée ; leucorrhée anale ; selles variables, souvent douloureuses et accompagnées de glaires ; constipation fréquente ; douleurs dans la région de la vessie, le long des cordons spermatiques et dans les testicules; pollutions nocturnes fréquentes ; pertes séminales pendant les efforts de la défécation ; dernières gouttes d'urine épaisses comme de l'eau de gomme concentrée; érections rares et incomplètes; profonde mélancolie, dégoût de la vie; penchant au suicide , arrêté seulement par des idées religieuses ; digestions pénibles , accompagnées de flaluosités ; - faiblesse extrême , surtout des jambes ; station vacillante ; gêne dans la respiration ; palpitations et étouffemens, augmentés par le moindre mouvement : physionomie triste, abattue ; teint plombé ; regard timide ; yeux cayes .et cernés; peau sèche, terreuse, couverte de plaquessales et dures ; maigreur squelettique. ' -

Cet état varia peu jusqu'en 1828, où le malade yint à Montpellier, âgé de 27 ans. Les bains sulfureux, la térébenthine, le régime lacté,, furent les moyens quilui .firent le plus de bien. Les pollutions nocturnes et di)irnes avaient cessé, et toutes les fonctions avaient beaucoup gagné, lorsque M. G** partit pour prendre les eaux sulfureuses des Pyrénées. L'écoulement continu du canal avait beaucoup diminué, mais les urines étaient encore trèsvariables.

Le malade et les médecins qu'il a consultés, regardaient l'écoulement habituel du canal comme spennatiatie,


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et ils se fondaient sur son aspect, sur son apparition, avant qu'il y ait eu aucun rapport sexuel, et surtout, sur les changemens survenus dans la santé. Mais le simple ■ aspect ne permet pas de distinguer le mucus fourni par les follicules du canal, d'un sperme mal élaboré; lesécoùlemens provoqués par la masturbation sont plus communs qu'on ne le pense , et lé malade avait une grande disposition aux affections des membranes muqueuses;» puisque, indépendamment du catarrhe chronique de la vessie , il avait une leucorrhée anale. Quant au dérangement de la santé, il avait déjà commencé sous l'influence de la masturbation , et, s'il fit de grands progrès par fa suite, il faut s'en prendre aux pertes séminales, qui étaient provoquées par la simple vue d'une femme , et se renouvelaient dans la nuit, pendant l'expulsion des , matières fécales et des dernières gouttes d'urine.

Il y avait donc simplement coïncidence d'une blennorrhèe avec des pollutions nocturnes et diurnes , de même qu'il y avait catarrhe vêsical et même anal; mais le liquide qui s'écoulait d'une manière continue par le Canal, n'était pas du sperme. .

Ceux qui ont admis ces écoulemens de sperme, ont été trompés par des faits analogues à celui-ci et au précédent. Ces cas sont communs , ainsi que je l'ai déjà fait remarquer , à cause de la facilité avec laquelle les affections de la portion prostatique de l'urètre s'étendent aux membranes muqueuses voisines. Je ne crains pas de répéter cette vérité , parce qu'elle est féconde en applications, et jette une vive lumière sur les difficultés de diagnostic quo font naître ces complications.


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L'état général du derme et l'écoulement qui avait lieu par l'anus, m'ont fait penser qu'il existait chez ce malade une disposition générale qu'il fallait combattre avant tout: c'est ce qui m'a fait suspendre l'emploi de la cautérisation ; elle n'aurait pu avoir aucune influence sur le rectum et encore moins sur la peau. J'y aurais eu récours plus tard, si les eaux sulfureuses n'avaient pas eu le succès, que j'en attendais.

§ I. — A cette occasion je rappellerai le fait analogue publié par Henri Van-Hers, en 1645(1).

L'héritier d'une grande famille couchait, dès l'âge dedix ans, avec des jeunes filles qui exerçaient sur lui des attouchemens lascifs et répétés. Ses organes génitaux perdirent bientôt leur énergie, et, «16 ans, l'impuissance était complète. Après avoir consulté bien des médecins inutilement, il vint, à 19 ans, trouver Van-Hers. En examinant les parties génitales, celui-ci remarqua que le plus léger attouchement provoquait l'issue d'une matière séminale semblable à du petit-lait, sans érection, sans aucune sensation, ni pensée voluptueuse. Cette excrétion avait lieu le jour comme la nuit, se renouvelait chaque fois qu'il prenait le bout de la verge pour uriner, ou qu'elle était soumise au moindre frottement; de sorte qu'il y était exposé en changeant de chemise, etc.

Van-Hers a-t-il cru que le sperme s'écoulait d'une manière continue ; ou bien, a-t-il voulu dire que cette évacuation avait lieu aussi bien le jour que la nuit, sous

(1) Henrico ab Heer Tungro , Observ. med. oppido rarai.


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l'influence dé la cause la plus légère ? C'est-ce que je n'examinerai pas, attendu que cette observation , trop souvent citée, est tout-à-fait incomplète, malgré sa longueur. Mais je ferai remarquer que, dans les deux cas précédens , la même susceptibilité des organes spermatiques était évidemment due à un état inflammatoire, et que les pertes séminales fréquentes qui en étaient là conséquence , expliquent suffisamment l'impuissance. Si VanHers ne dit pas un mot des efforts de la défécation , de l'état dès urines , c'est que Wichmann n'avait pas rappelé l'attention des praticiens sur ces deux ordres de symptômes, si bien décrits cependant par Hippocrate.

§ II. — Je rapprocherai encore de ces observations celle de l'horloger dont parle Tissot, pag. 21. Jeté par la masturbation dans l'état le plus déplorable, le malade se corrigea, mais trop tard, dit-il ; « le mal avait déjà fait tant de progrès, qu'il ne pouvait être guéri; et lesparties génitales étaient devenues si irritables et si faibles, qu'il n'était plus besoin d'un nouvel acte de la part de cet infortuné , pour faire épancher la semence. L'irritation . la plus légère procurait sur-le-champ une érection imparfaite, qui était immédiatement suivie d'une évacuation de cette liqueur qui augmentait journellement sa faiblesse. »

Tissot, appelé quelques semaines^ avant la mort du malade , a décrit avec beaucoup de force et de vérité les misères auxquelles il le trouva en proie ; mais il dit seulement que le flux de la semence était continuel, sans entrer dans aucun autre détail.

S'il existait un écoulement continu par l'urètre, ce

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n'est pas à lui qu'il faut attribuer la mort, mais aux pertes séminales qui avaient lieu sous l'influencé de la pluslégère excitation dés organes génitaux, et sans doute pendant la défécation et l'expulsion des urines. Si Tissot n'a pas parlé de ces deux circonstances.'," c'est qu'il n'en soupçonnait pas même l'importance. Il faut bien le dire, Tissot a complètement méconnu les véritables caractères des pollutions diurnes. Dans tout le cours de son ouvragé, il ne parle que de gonorrhée simple ou vraie, et il entend par là, comme Arétée, Galien, etc., un écoulement de semence sans érection, une perte continue, comme, celle de" la liqueur prostatique, ainsi qu'il a pris soin dé l'expliquer dans sa XII.me section.

§ ÏII. — Chopart (1) rapporte l'histoire d'un jeune homme de 22 ans, qui, s'étant livré à la masturbation dès sa tendre jeunesse , éprouvait les symptômes ordinaires

qu'on observe chez ces malades L'idée du plaisir et un

léger attouchement suffisaient pour provoquer l'émission de la semence : cette émission fréquente avait peu de force et.la liqueur était claire, et presque inodore. Le malade éprouvait aussi un suintement continuel de sérosité blancluître et muqueuse par l'urètre; ce suintement, ajoute Chopart, ne pouvait être vèrolique:, puisque ce jeune homme n'avait jamais eu commerce avec aucune femme. Enfin il urinait souvent, avec peu de force, et ne vidait jamais complètement sa vessie.

Chopart a bien remarqué que ce suintement continuel

. (1) Maladies des voies urinaires, tom. II, pag.-30.


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n'avait rien de commun avec la blennorrhagie ; mais il l'a soigneusement distingué des véritables émissions de semence, provoquées par des causes faciles à apprécier : ce suintement n'est pour lui qu'une sérosité blanchâtre et muqueuse; il ne lui attribue aucune influence sur l'état général du malade ; mais Chopart était un observateur exact etpleirï de jugement.

Qn peut remarquer aussi dans sa description , les rapports intimes qui existaient entre les symptômes urinaires et spermatiques. Il en résulte que la vessie et les vésicules séminales étaient également impressionnables, et cette susceptibilité , évidemment due à la même cause que le suintement de l'urètre, prouve que toutes ces surfaces, muqueuses étaient dans le même état d'irritation. La prostate , située au centre de ces tissus, avait éprouvé la même influence , puisque le malade ne pouvait jamais vider complètement sa vessie : en effet, cette difficulté ne pouvait provenir que d'un gonflement de la prostate.

On voit que la répétition de manoeuvres brutales peut agir comme le virus blennorrhagique, et étendre, comme lui, ses effets de proche en proche.

Il est facile de concevoir pourquoi ces phénomènes sont si intimement liés , et par cela même, souvent réunis : leur comparaison peut jeter une vive lumière sur beaucoup de points obscurs ; mais il ne faut pas les confondre, car ils peuvent exister isolément, et, dès-lors, produire des résultats bien différens- C'est ainsi que des catarrhes chroniques de la vessie, desblennorrhées, etc. , peuvent exister pendant un temps infini, sans compromettre la santé, quoique provoqués par la masturbation, ou par des


596 ,*

excès vénériens ; tandis que les symptômes les plus graves ne tardent pas à se manifester, quand il s'y joint des pollutions diurnes.

J'ai insisté sur ces sûihtemehs continus dû" canal, à cause des discussions auxquelles ils ont donné lieu, et de la défa-: veuf qui en est résultée pour l'étude des véritables pertes séminales involontaires. Il est évident, en effet, que le sperme enfermé dans des réservoirs distincts, ne peut s'écouler d'une manière continue comme le prodm^es follicules muqueux. Cet argument anatomique devait suffire pour arrêter tous les observateurs sévères, et les disposer à douter des autres assertions émises par les auteurs qui défendaient cette erreur. Les faits qui pouvaient éclairer cette question embrouillée, méritaient donc une attention particulière.

rv° 64.

Tempérament lymphatique : hernie congéniale, suivie d'atrophie du testicule ; masturbation de 4j ans à 20 ; pertes séminales provoquées par la crainte ; symptômes de paraplégie ; congestions cérébrales ; irritation de la vessie et de l'iCrèlre; pollutions nocturnes et diurnes. Cautérisation: guérison prompte et complète.

Michel K**, Polonais, d'un tempérament lymphatique très-prononcé , naquit avec une hernie inguinale du éôté gauche : elle guérit par l'emploi des bandages. ; mais il en résulta l'atrophie du testicule correspondant II eut aussi


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des engelures jusqu'à l'époque de la puberté. A17 ans, il contracta l'habitude de la masturbation, s'y Uvra presque tous les jours, et même deux ou trois fois par jour. A20 ans, il éprouva dans les jambes delà faiblesse, accompagnée de tremblement ; des douleurs aux genoux -, aux lombes, etc.

Un jour , étant en retard pour se rendre au collège et craignant une réprimande sévère, il se mit à courir ; mais il fut bientôt obligé de s'arrêter, éprouvant toutes les sensations que produit ïéjaculation. Elle eut lieu, en effet; quoique la verge ne fut pas en érection : il éprouva dans ce moment une espèce de défaillance qui le força de s'appuyer contre un mur, jusqu'à ce que l'émission fût terminée : elle fut très-copieuse. Cet accident se reproduisit deux fois depuis , toujours provoqué par la crainte. Le malade pense que, dès cette époque, il avait déjà des pollutions diurnes, quoiqu'il ne s'en soit aperçu qu'après avoir été interrogé à ce sujet, et je crois qu'il ne se trompe pas ; car, quoiqu'il eût presque renoncé à ses habitudes , il éprouva, dès-lors, des douleurs et de l'oppression dans la poitrine, de l'essoufflement, etc., qui le firent regarder comme phthisique. ( Application réitérée de sangsues, de pommade stibiée, etc., sur la poitrine. ) Sa santé s'altéra de plus en plus , et ce fut pour en chercher la cause qu'il étudia la médecine.

L'année suivante, la révolution de Pologne éclata : Michel K** prit du service dans l'armée. Pendant la campagne, il eut des pollutions nocturnes fréquentes, et remamua-que le jet de l'urine était faible , que les dernièces %ou($fesJNaient plus épaisses et séjournaient long-


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temps dans le canal; il perdit tout désir vénérien et se trouva complètement impuissant près des femmes.

Arrivé en France à 23 ans:, il vit ses digestions se déranger ; ce qui fut attribué à l'usage du vin. Sa maladie fut regardée comme une gastrite chronique, et traitée par les sangsues, les cataplasmes , etc. L'année suivante, la marche devint chancelante, par suite de l'extrême faiblesse des membres inférieurs, surtout du côté gauche. (Cautère à la jambe et à la cuisse gauches ; pilules de Dower; frictions aromatiques, etc.) Augmentation lente de tous les symptômes.

Enfin, dans le mois de décembre 1856, Michel K", âgé ne 27 ans, vint me consulter dans l'état suivant :

Cessation des pollutions nocturnes depuis deux ans; maigreur excessive ; prostation générale ; perte de-l'appétit';-'digestions lentes, laborieuses, accompagnées dé ■ flatuôsités, d'injection vive de la face, d'étoûrdissëméns, de vertiges et de maux de tête ;■ constipation opiniâtre qui dure habituellement cinq ou six jours ; pertes séminales pendant les efforts de la défécation ; sommeil très-court, plutôt fatiguant que réparateur ; tintemens d'oreille redoublant au lit ; douleurs vagues, contribuant encore à l'insomnie et forçant le malade à se promener une grande partie de la nuit ; chaleur brûlante de la tête contrastant avec le froid des extrémités ; diminution Considérable des fonctions intellectuelles ; perte de la mémoire; irascibilité extrême ; absence de toute relation, même avec d'anciens amis, des compagnons d'exil ; besoin de la solitude ; timidité excessive, et cependant désir d'un duel, clans l'espoir d'être tué; flaccidité des parties géni-


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taies ; absence complète d'érection et de désirs vénériens'; sensibilité excessive de l'urètre au contact de la sonde; urines troubles, floconneuses, contenant un dépôt semblable à celui d'une forte décoction d'orge.

Parmi les détails contenus dans le mémoire du malade, il en est que je ne dois pas abréger : je vais les transcrire, textuellement :

« Mes urines sont abondantes , et je suis forcé de les rendre très-souvent ; les dernières gouttes sont toujours filantes et visqueuses. Le jet n'est pas continu ; il est sus- . pendu de temps en temps par des contractions spasmodiques de l'urètre, en sorte que je suis obligé de m'arrêler chaque fois, avant de recommencer à uriner. Le méat est toujours humide et rouge. J'éprouve, depuis deux semaines, une sensation qui ressemble à celle de la sortie du sperme ;, je sens de temps en temps , à l'intérieur, de petits mouvemens spasmodiques, qui doivent être dûs aux contractions des vésicules séminales, car, en examinant la verge un instant après , je trouve toujours le méat rempli d'une abondante humidité visqueuse. Cette sensation se fait sentir surtout quand je suis assis : elle m'empêche de rester en place.

» Dernièrement, en passant mon cinquième examen, j'achevais ma question, quand j'entendis sonner l'heure qui m'annonçait qu'il fallait remettre ma copie. La seule pensée que j'étais en retard , m'oçcasiona de suite une pollution très-copieuse, accompagnée de sensation voluptueuse , mais non d'érection. »

Après quelques jours d'examen, le 10 décembre 1856,' je cautérisai depuis le col de la vessie jusqu'au bulbe de


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l'urètre. Voici comment le malade s'exprime sur les suites de celte opération :

« A partir du 20 décembre, jusqu'à aujourd'hui .6 janvier, j'ai senti dans toute mon économie une amélioration qui va tous les jours en augmentant d'une manière sensible. Les urines sont presque toujours aussi limpides que de l'eau de fontaine. Le premier bienfait de la cautérisation fut la cessation des envies fréquentes d'uriner. Ensuite mes digestions se firent mieux. Aujourd'hui je mange de tout indistinctement ; je ne sens plus de pesanteur ni de douleur à l'estomac; l'épigastre n'est plus sensible à la pression. Je n'éprouve plus , dans le ventre, cette fennentation qui accompagnait les digestions et me tourmentait, surtout'la nuit. Enfin , les symptômes de gastrite chronufue ont entièrement disparu ; la constipation a également cessé. Les érections sont revenues; elles sont complètes et durables. Le méat urinairé est sec et d'une couleur naturelle. J'ai eu.trois pollutions nocturnes depuis la cautérisation ; la première le dixième jour, la dernière, hier, vingt-cinquième jour; toutes avec énergie et vive sensation de plaisir, quoiqu'elles aient eu lieu , comme autrefois, pendant les rêves les plus effrayons, au moment où je croyais ma vie en danger: mais , ce qui m'étonne le plus , c'est qu'elles ne m'ont nullement affaibli. »

J'ai vu souvent Michel K", depuis qu'il m'a remis ces notes : sa voix a repris tout son éclat ; ses forces musculaires sont revenues, et il rit avec ses amis de sa misanthropie passée..


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Ici, comme dans tant d'autres cas de cette nature , on a combattu les divers symptômes qui ont prédominé, comme autant de maladies distinctes : phthisie pulmonaire, gastrite chronique, commencement de paralysie, etc.; on aurait pu y joindre une disposition à P apoplexie, une hypochondrie bien prononcée ; et tout cela a disparu quelques jours après la cautérisation.

Ce malade , d'un tempérament éminemment lymphatique, était né avec une hernie qui avait amené l'atrophie du testicule ; il avait été tourmenté d'engelures jusqu'à la puberté : les organes génitaux étaient donc doués de peu d'énergie. D'un autre côté; la première perte séminale remarquable a été provoquée par une crainte trèsYive ; le même accident s'est renouvelé plusieurs fois dans des circonstances analogues, et les pollutions nocturnes avaient ordinairement lieu pendant les rêves les pluseffrayans. En voilà plus qu'il n'en faut pour attribuer les pollutions diurnes à la faiblesse des organes génitaux, au relâchement des canaux éjaculateurs.

Cependant l'émission très-fréquente des urines prouve qu'il existait une grande irritation de là vessie : le cathétérisme provoqua de très-vives douleurs : le méat urinaire était constamment humide et rouge : le canal était donc , comme la vessie, très-fortement irrité. Le phénomène remarquable qui accompagnait l'émission des urines, ne peut d'ailleurs laisser aucun doute à cet égard. Le passage d'une certaine quantité d'urine provoquait des contractions spasmodiques assez puissantes- pour s'opposer aux efforts de la vessie; ce n'est que quand ce spasme avait cessé, que le jet pouvait reprendre son cours,


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jusqu'à ce que de nouvelles contractions, provoquées de nouveau par le contact de l'urine, missent encore ..obstacle à son passage : ces phénomènes indiquent une susceptibilité bien extraordinaire de l'urètre.

Cet état de la membrane muqueuse vésicale et urétrale, n'était-il pas partagé par celle qui tapisse les organes spermatiques? La liaison qui existe entre toutes ces parties suffirait pour le faire supposer ; mais les détails dans lesquels le malade est entré relativement aux contractions spasmodiques des vésicules séminales et à leurs effets, ne permettent pas d'en douter : ses remarques méritent d'autant plusde confiance, qu'il était médecin et que son intérêt personnel lui avait fait étudier spécialement l'anatomie , les fonctions et les maladies de ces organes. Ces contractions spasmodiques dépendaient donc delà même cause que celles de la vessie, c'est-à-dire, de l'irritation de là membrane muqueuse des vésicules séminales ; elles devaient amener les mêmes résultats, c'est-à-dire, l'expulsion fréquente, irrésistible du liquide contenu dans les réservoirs affectés.

L'irritation étaitdonc la cause principale, prédominante de tous les symptômes. C'est même, probablement, pour cette raison, que la cautérisation a produit des effets si prompts et si énergiques.

Ces contractions spasmodiques des vésicules séminales, si bien appréciées par ce jeune médecin , sont plus com" munes qu'on ne pourrait le croire ; mais peu de malades sont assez instruits 'pour y attacher de l'importance et pour en rendre compte.


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§ I. — Ces observations peu nombreuses , mais circonstanciées et variées, suffisent pour donner une idée des principaux abus dont les organes génitaux peuvent avoir à souffrir, et de la manière dont ces actes amènent des pertes séminales involontaires plus ou moins graves, plus oUmoins rebelles. ■'.-.-

De toutes les causes capables de produire ce fâcheux résultat, il n'en est pas dont on se soit plus occupé depuis un demi-siècle ; il n'en est pas de plus commune aujourd'hui, ni de mieux connue. C'est pour cela même que je me suis dispensé de multiplier les exemples particuliers , bien certain que je serais facilement compris dans tout ce qui me restait à dire à ce sujet.

Je ne devrais peut être m'occuper ici que de la manière dont ces abus agissent pour produire la spermatorrhée, puisque c'est l'objet spécial de ce chapitre ; mais tout se tient dans l'enchaînement compliqué des 'circonstances qui se rattachent à ce sujet : il faut, malgré soi, remonter de proche en proche jusqu'aux causes mêmes de ces égaremens , si l'on veut parvenir à les éviter, ou du moins à diminuer leur danger ; et c'est ici surtout qu'il est important de prévenir le mal, car il est quelquefois sans remède', et le plus souvent il laisse des traces profondes pour le reste de la vie. Il n'y a peut-être pas de question plus importante pour la famille et pour la société.

Peu de praticiens, je crois, ont possédé plus de maté^ riaux sur ce sujet : je me permettrai donc de revenir sur tout ce que je croirai utile, et je ne craindrai pas de prendre les choses d'un peu haut.

Pour suivre l'ordre le plus logique dans l'examen des


404 faits multipliés que j'ai à signaler, je m'occuperai d'abord des causes de ces abus.

§ II. Causes inhérentes à l'homme. —La première,la plus importante de toutes les causes capables de provoquer l'abus des organes de la génération, c'est l'organisation même de l'homme.

Chez la plupart des animaux, le mâle n'est excité à la copulation que par la présence de la femelle f et cela seulement, tant qu'elle est dans les conditions nécessaires à la fécondation : ce moment passé, ils vivent ensemble, comme s'ils étaient du même sexe. C'est ordinairement l'odeur émanée des organes sexuels de la femelle, pendant le fut, qui éveille le sens génital du mâle; mais, quelle qu'en soit la eaUse, son action est peu prolongée, et bientôt tout rentre dans le calme le plus complet.

Combien il s'en faut que les choses se passent ainsi chez l'homme ! Dépuis que les testicules acquièrent leur entier développement, jusqu'à ce qu'ils se flétrissent par les progrès de l'âge, la sécrétion dusperme a toujours lieu: elle peut augmenter ou diminuer, par l'excitation ou le repos des organes, mais elle n'est jamais complètement suspendue, tant que les tissus conservent leur intégrité. Cette vérité bien connue, bien importante , a cependant été beaucoup trop négligée : il est facile d'en faire ici l'application.

La configuration des membres supérieurs doit exercer aussi une grande influence sur les égaremens de l'espèce humaine. Plusieurs animaux peuvent se livrer à la copulation dans toutes les saisons de l'année : leur sperme


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est toujours propre à la fécondation ; on y trouve constamment des animalcules spermatiques'..: parmi eux, le coq et le pigeon jouissent même d'dneplus grande: faculté; prolifique que l'homme; mais il.lëur'.esl impossible'dé\ provoquef des évacuations sans le. secours d'une femelle., Aussi là privation la plus prolongée m'a^l-eUé jamais été' suivie chez ces biseaux d'aucun acte qu'on .puisse assimiler à la masturbation. Lé D 1' Montègre (1) dit avoir vu, un grand nombre de fois, des paoUs s'accoupler avec des femelles de canard. Je ne doute pas que, dans l'état de captivité, de semblables rapprochémens n'aient lieu entre des espèces aussi éloignées ; mais, si la fécondation est impossible, l'accouplement ne diffère guère de celui qui s'opère dans les circonstances normales : ces aberrations sont donc très-bornées.

Beaucoup de mammifères ont des testicules et des tissus érectiles plus volumineux que ceux de l'homme, un cervelet proportionnellement plus développé : parmi eux, le taureau, le cheval, le bélier, etc., montrent, pendant le rut, une puissance prolifique bien supérieure à la sienne ; ils sont sollicités à la copulation avec plus d'énergie, comme l'indique l'audace qu'ils montrent dans certaines circonstances. Cependant, au plus naut degré de fureur erotique, ils ne suppléent pas ordinairement à la femelle qui leur manque, par des actes désordonnés : mais ce qui les en empêche, c'est certainement leur conformation ; car ils tentent souvent de le faire, et plusieurs même y parviennent.

(1) Diction, des Se. médic, art. Continence.


. . '. " 406

J'ai vu dans le haras de Tarbês , un baudet vigoureux qu'on était obligé de, surveiller de très-près, quand son ardeur n'était pas employée à la production des mulets : il plaçait les pieds de devant sur le bord de sa mangeoire, et rapprochait ensuite le train de derrière jusqu'à ce que le pénis pût être embrassé par les membres antérieurs. Le D 1' Montègre (1) rapporte un fait semblable , relatif à un cheval andalou qui existait, de son temps, à l'Ecole vétérinaire d'Alfort. Tout le monde peut avoir remarqué des émissions abondantes de sperme chez des étalons,', chez des mulets, etc., qui avaient été entretenus dans une érection prolongée par le voisinage d'une femelle en rut.

On sait que les chiens enfermés pendant l'époque de l'accouplement, sont fort importuns pour les personnes qui les approchent. On connaît les açcidens qui sont arrivés à plusieurs petites filles. J'en ai vu un, dans une circonstance semblable, saillir une brebis en chaleur. Il n'est pas rare qu'ils s'adressent à d'autres chiens.

L'un des éléphans de la ménagerie, mort il y a 20 ans, se procurait des éjaculations fréquentes et abondantes, à l'aide de certains mouvemens qu'il savait imprimer à sa masse. On a même pensé que cette habitude avait contribué à sa fin prématurée.

La conformation de l'ours a déjà quelque chose de celle de l'homme : on voit souvent, pendant le rut, ceux du Jardin des plantes porter brusquement leurs pattes à leuçs parties génitales -, les abandonner après quelques

(1) Article cité.


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secousses, pour recommencer bientôt. Si ces manoeuvres n'ont pas ordinairement d'autres résultats , ce n'est pas l'impulsion qui manque. Au reste , j'ai vu l'un d'eux , Martin, fort connu alors, dans un de ces momens de fureur, étendu comme dans l'accouplement, le ventre surla pierre, s'agiter convulsivement jusqu'à ce que tout mouvement eût cessé brusquement, pour faire place à une espèce d'anéantissement général qui dura long-temps..

Enfin, le singe est l'animal qui se rapproche le plus de l'homme par sa conformation, et l'on sait avec quelle rage il se livre à la masturbation.

A ces dispositions physiologiques, plus prononcées chez l'homme que chez aucun animal, il faut joindre l'influence accidentelle des causés pathologiques. J'ai déjà parlé des ascarides, des érections qu'ils provoquent, et des mauvaises habitudes qui en sont la suite. Les affections dartreuses qui se portent à là verge et surtout au prépuce , peuvent produire les mêmes effets, comme on le verra plus tard. Je montrerai aussi que l'accumulation de la matière sébacée entre le prépuce et le gland, exerce la même influence. L'irritation du cervelet peut amener également de bien graves abus, que je dois me contenter de signaler ici.

Il est même dès rapports entre les organes de la génération et des maladies éloignées, que rien n'aurait pu faire deviner. Le Dr Dësportes a signalé(1) une espèce d'angine qui est souvent précédée d'un grand développement des

(1) Revue médicale, août 1828.


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désirs vénériens, et par conséquent d'une disposition à toutes sortes d'abus.

La phthisie pulmonaire coïncide souvent avec une grande lubricité. Reaucoup de praticiens ont pensé, d'après cela, que cette maladie disposait à l'excitation des organes génitaux; mais je crois qu'ils ont pris souvent l'effet d'une vie désordonnée-pour la cause même des abus ou des excès auxquels les malades s'étaient livrés. D'autres, au contraire , surtout le Dr Terràube (1), ont cru que la masturbation pouvait amener le priapisme et le satyriasis ; mais il est évident qu'ils ont pris la cause pour l'effet. Tous les abus génitaux produisent un résultat opposé, et l'on conçoit que le priapisme^ le satyriasis,' quelle qu'en soit la cause, ne sauraient durer long-temps sans provoquer des attouchemens, dont il est facile de prévoir les suites.

Il faut donc en convenir franchement, l'homme porté en lui-même le premier germe de ses égaremens.

Je serais fâché de diminuer en rien le juste sentiment d'aversion qu'ils inspirent, sentiment que la société doit soigneusement entretenir dans l'intérêt de sa conservalion. Mais la justice ne permet pas de confondre le malheureux avec le coupable. D'ailleurs, la vérité doit passer avant tout : elle est toujours utile, et pour la bien voir ; il faut oser la regarder en face. C'est pour •l'avoir méconnue qu'on a créé des institutions incompatibles avec la nature de l'homme, qu'on est tombé dans des exagérations dont

(1) Chiromanie, 109.


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je montrerai plus tard les dangers , non-seulement pour l'individu, mais encore pour l'ordre social.

Dans tout ce qui me reste à dire sur ce triste sujet, je continuerai à exposer, aussi clairement qu'Urne sera possible, sans exagération, comme sans arriére-pensée, ce que j'ai observé sans prévention ; il en résultera , j'espère, un enseignement plus profitable que les décla mations auxquelles on s'est trop souvent livré.

§. III. Causes extérieures. —Je m'arrêterai spécialement à celles qui agissent avant la puberté, parce qu'on s'en est trop peu occupé jusqu'à présent.

Les parens les plus attentifs, les plus éclairés , se croient dispensés de surveiller les actions de leurs enfans, relativement aux organes génitaux , jusqu'à ce qu'ils aient remarqué quelques signes qui annoncent leur prochaine évolution : il est même peu de médecins qui soient disposés à soupçonner de mauvaises habitudes avant cette époque. C'est une erreur contre laquelle il importé d'être en garde : une foule de causes peuvent faire naître, beaucoup plus tôt, des abus, d'autant plus dangereux qu'on les soupçonne moins; le berceau du nourrisson n'en est pas même exempt.

Un malheureux enfant, encore à la mamelle, faillit être victime de la stupidité de sa nourrice. Elle avait remarqué que divers attouchemens des parties génitales calmaient ses cris, et provoquaient le sommeil plus facilement que toute autre chose j elle y revint, elle les varia, sans remarquer que ce repos était précédé de mouvemens spasmodiques ; ils augmentèrent, ils prirent le caractère convulsif :

-27


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l'enfant dépérit rapidement, et devint plus difficile à calmer. Je crus d'abord à des vers , à la dentition , etc. Mais ayant remarqué certains gestes, j'examinai les parties génitales , et je trouvai la verge en érection. Il ne me fut pas difficile de tout apprendre, car cette imprudente nourrice n'avait pas cru mal faire : il lui semblait que, à cet âge, elle pouvait chatouiller ces parties comme le menton. On dut la renvoyer, car sa présence suffisait pour rappeler à cet enfant des sensations dont il s'était déjà fait une habitude. Il fallut même du temps et de la surveillance, pour effacer entièrement ces premières impressions. Cependant , le rétablissement fut ensuite très-prompt.

Le D 1' Deslandes rapporte deux observations analogues, l'une de M 1' Riett (pag. 427 ), et l'autre du Dr Andrieux (pag. 516), que je me borne à indiquer en ce moment. . J'ai entendu le Professeur Halle , dans son cours d'hygiène, rapporter divers faits de même nature, et le vénérable Chaussier m'en a raconté plusieurs autres. Tous deux les regardaient comme moins rares qu'on ne serait porté à le croire : je pense de même , parce que de semblables manoeuvres appaisent très-prompternent les enfans, et que les nourrices désirent avant tout se débarrasser des cris qui les importunent : elles sont loin, d'ailleurs, de se douter des conséquences de leur conduite.

C'est sans doute ainsi qu'il faut expliquer lé cas de cet enfant traité par le Dr Goupil ( Voy. Deslandes, pag. 172 j, qui revint de nourrice, à l'âge de 18 mois, avec l'habitude de la masturbation ; habitude qui lui valut plus tard des accès épileptiformes , etc., et dont il fut assez difficile de le corriger, vers l'âge de quatre ans. Je ferai remarquer


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toutefois que les symptômes spasmodiques disparurent bientôt après.

Plus tard, les enfans sont exposés aux mêmes dangers de la part deleurs bonnes ; et ce n'est pas alors d'ignorance seulement qu'on peut les accuser. lien est qui, emportées par la fougue de leur tempérament, et redoutant les suites de liaisons plus sérieuses, ne rougissent pas de corrompre, à leur profit, les garçons qui leur sont confiés, et cela dès la première enfance. C'est ainsi qu'ont été pervertis, dès l'âge de cinq ou six ans, plusieurs des malades dont j'ai reçu les confidences. Lors même que ces jouissances prématurées cessent par hasard, ou par suite d'une surveillanceréclairée, elles laissent dans les organes une excitation factice , qui proyoque d'autres abus , et le reste de l'existence est compromis. Ce que Rabelais raconte de la première éducation de Gargantua, des plaisanteries de ses bonnes , de leurs caresses , etc., n'est pas une de ces fictions sous lesquelles il se plaît souvent à cacher quelque vérité hardie; c'est malheureusement l'expression un peu crue, mais fidèle, de ce qui arrive trop souvent aux enfans qu'une imprévoyance aveugle abandonne, sans surveillance, à des mains mercenaires.

On conçoit que les dangers-de ces rapports augmentent avec le développement des organes. L'observation de Henri Van-Hers que j'ai citée, page 592, donne une idée frappante des conséquences qui peuvent en résulter pour . le rgste de la vie. Les exemples de cette nature sont assez nombreux pour que je me dispense de les citer, et l'on doit peu s'en étonner, si l'on pense que ces filles de service vivent dans le célibat, qu'elles sont bien nourries et


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fatiguent peu, qu'une grossesse peut les perdre pour toujours, et que leur éducation est peu relevée.

Mais, ce qui est plus difficile à concevoir, ce qui est pourtant certain , c'est que plusieurs de mes malades avaient été pervertis par leurs valets et même par leurs précepteurs; et je ne suis pas le seul qui ait reçu de pareilles révélations : presque tous ceux qui-ont écrit sur ce sujet, en citent des exemples.

Au reste, ce ne sont pas seulement les domestiques des deux sexes qu'il importe de surveiller. Le Dr Rrachet, dans un mémoire sur les Convulsions des enfans , rapporte l'histoire de l'un d'entre eux qui avait appris ces manoeuvres , à l'âge de cinq ans, par un de ses cousins.

Il continua pendant quatre ans à s'y livrer, sans que personne s'en doutât : il dépérit peu à peu; il éprouva bientôt des mouvemens spasmodiques des membres et de la face, et finit par avoir des accès épileptiformes. Les symptômes augmentèrent jusqu'au moment où l'on en découvrit la cause, et il fallut une année de surveillance assidue pour vaincre cette funeste passion.

J'ai rapporté l'observation d'un de mes malades qu'une jeune fille de 18 ans avait fait servir à ses déréglemens (N° 61 ), et l'on a vu quel empire irrésistible ce souvenir avait exercé sur le reste de sa vie. D'autres avaient été exploités par de grandes demoiselles, par des veuves, par des femmes éloignées de leur mari, long-temps avant qu'aucun signe de puberté se fût manifesté.

J'ai passé rapidement sur tous ces faits , parce qu'ils n'avaient besoin que d'être rappelés. Mais il est une cause de désordres plus commune et beaucoup moins connue,


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sur laquelle je dois m'arrêter pour plus d'un motif ; je veux parler de la précocité de certains enfans, sous le rapport des idées génésiques.

En général, elles se développent en même temps et dans les mêmes rapports que les organes de la génération : c'est ce qui a fait croire que l'impulsion vers l'autre sexe, et toutes les pensées qui s'y rattachent, y avaient toujours leur point de départ. Mais il arrive souvent que l'instinct génital se manifeste avant la puberté, et même dans la plus tendre enfance. On trouvera dans cet ouvrage assez de preuves de l'influence des parties sexuelles sur les idées erotiques, pour que j'insiste sur des faits d'un autre genre, aussi remarquables sous divers points de vue , et qui ont été peu étudiésou trop négligés par les phrénologisles.

Quand on observe avec attention les enfans, il est facile de s'assurer qu'il en est beaucoup qui éprouvent, long-temps avant la puberté , une attraction instinctive vers l'autre sexe, un désir de s'en approcher, une curiosité inquiète de ce qui le caractérise. Cela est surtout remarquable chez les garçons, dont les allures sont plus franches , plus faciles à apprécier : c'est d'eux seuls, d'ailleurs, que j'ai à m'occuper en ce moment, et surtout de ceux qui se montrent les plus précoces.

Il est évident qu'ils traitent bien différemment une femme et un homme ; qu'ils cherchent en elle les attributs de son sexe, quoiqu'ils n'en aient pas une idée nette. C'est un mystère qui les préoccupe et dont la solution les tourmente sans cesse. On les voit continuellement lutiner leurs bonnes, les femmes de chambre, tout ce qui porte un jupon : on rit ordinairement de ces enfantillages ;


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mais, si l'on y regardait de près, on reconnaîtrait, par des signes non équivoques, que l'instinct génital est éveillé. On en voit se pencher doucement derrière une femme qui travaille à la terre ; s'approcher d'une échelle sur laquelle une autre est perchée ; rester en contemplation sous un balcon , pour voir une jambe qui s'avance ; se glisser furtivement dans une chambre pour assister à la toilette d'une soeur , ou bien l'épier pendant son sommeil. Ils ne savent pas ce qu'ils cherchent ; mais une impulsion secrète les pousse avec persévérance, éveille et guide leur intelligence : ils finiront par découvrir , quelque chose, et ils y parviendront d'autant plus facilement , qu'on se défie moins d'eux. Leurs idées sont vagues, mais toutes les sensations qui s'y attachent sont très-vives, et laissent, dans leur jeune imagination, une impression profonde, ineffaçable, dont la mémoire se conserve encore avec un netteté parfaite dans l'âge mûr cl même jusque dans la vieillesse.

J'ai pu juger de la puissance de ces souvenirs et des ravages qu'ils avaient faits, par les détails minutieux dans lesquels sont entrés beaucoup de mes malades, sur des circonstances de cette nature qui dataient de trente ou quarante ans, et qui n'avaient eu que trop d'influence sur le reste de leur vie.

L'un d'eux avait failli périr, à l'âge de six ans", pour avoir contemplé, avec trop d'affection, les jambes nues d'une blanchisseuse : il s'était tellement approché du bord de la rivière, pour voir un peu plus haut, que la terre s'était éboulée sous ses pieds; et il était si petit qu'il se serait noyé, si cette femme n'était venue à son secours.


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Il avait 45 ans quand il me donnait ces détails ; sa santé était détériorée par des pollutions diurnes, dues à la masturbation , et le souvenir de ces jambes nues y avait contribué plus que toute autre cause, en faisant travailler son imagination.

Un autre, à l'âge de 7 ans, ayant été conduit à un bain de rivière , avec sa mère et quelques amies, remarqua très-bien, malgré leurs peignoirs et toutes les précautions qu'elles prirent, des, formes différentes de celles de l'homme ; et quand il fut sur les genoux d'une de ces dames, il sentit un plaisir inexprimable à presser ses épaules contre des saillies qu'il avait remarquées, et dont il appréciait la fermeté avec un vif sentiment de plaisir : " les sensations qu'il éprouva, se décelèrent même par des signes si évidens, qu'on jugea convenable de ne plus l'exposer à de nouvelles observations : mais celles qu'il avait faites, ne sortirent jamais de sa mémoire; son imagination s'en^empara plus tard, pour s'en repaître et alimenter des plaisirs solitaires qui ruinèrent sa santé.

D'autres avaient surpris une femme endormie dans une position un peu hasardée ; ou bien, ils avaient aperçu le sein débraillé d'une nourrice ou d'une cuisinière, etc., et ces apparitions si insignifiantes, en apparence, avaient été pour eux le sujet de conjectures sans fin , jusqu'à ce qu'un autre hasard leur eût fait trouver des jouissances perfides, que ces rêveries sont venues alimenter. Mais écoutons Rousseau qui s'est étudié si bien ; qui a si bien rendu compté de ses observations. Voici comment il s'exprime dans le premier livre de ses Confessions :' '

«Comme MUe Lambercier avait pour nous l'affection


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d'une mère, elle en avait aussi l'autorité , et la portait quelquefois jusqu'à nous infliger la punition- des enfans -, quand nous l'avions méritée. Assez long-temps elle s'en tint à la menace, et cette menace d'un châtiment tout nouveau pour moi me semblait très-effrayante ; mais, après l'exécution, je la trouvai moins terrible à l'épreuve que l'attente ne l'avait été : et ce qu'il y a de plus bizarre, est que le châtiment m'affectionna davantage encore à celle qui me l'avait imposé. Il fallait même toute la vérité - de cette affection et toute ma douceur naturelle, pour m'empêcher de chercher le retour du même traitement, en le méritant ; car j'avais trouvé dans la douleur, dans la honte même, un mélange de sensualité qui m'avait laissé plus de désir que de crainte de l'éprouver de rechef de la même main. Il est vrai que, comme il se mêlait sans doute à cela quelque instinct précoce du sexe, le même châtiment, reçu de son frère, ne m'eût pas du tout paru

plaisant...... . .Cette récidive, que j'éloignais sans la

craindre, arriva sans qu'il y eût de ma faute , c'est-àJ dire de ma volonté, et j'en profitai, je puis dire, en sûreté de conscience. Mais cette seconde fois fut aussi la dernière ; car Mlle Lambercier, s'étant sans doute aperçue à quelque signe que ce châtiment n'allait pas au but, déclara qu elle y renonçait.... et j'eus désormais l'honneur, dont je me serais bien passé, d'être traité par elle en grand garçon.

» Qui croirait que ce châtiment d'enfant, reçu à huit ans par la main d'une fille de trente, a décidé de mes goûts; de mes désirs, de mes passions, de moi pour le reste de ma vie ? Tourmenté long-temps sans savoir de quoi,


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je dévorais d'un oeil ardent les belles personnes ; mon imagination me les rappelait sans cesse, uniquement pour les mettre en oeuvre à ma mode et en faire autant de demoiselles Lambercier.

«Même après l'âge nubile, ce goût bizarre -, toujourspersislant, fut porté jusqu'à la dépravation, jusqu'à la folie.

iMon ancien goût d'enfant, au lieu de s'évanouir, s'associa tellement à l'autre, que je ne pus jamais l'écarter des désirs allumés par mes sens ; et cette folie, jointe à ma timidité naturelle, m'a toujours rendu très-peu entreprenant près des femmes, faute d'oser tout dire ou de pouvoir tout faire, l'espèce de jouissance dont l'autre n'était pour moi que le dernier terme, ne pouvant être usurpée par celui qui la désire , ni devinée par celle qui peut l'accorder. J'ai ainsi passé ma vie à convoiter et à me taire auprès des personnes que j'aimais le plus. N'osant jamais déclarer mon goût, je l'amusais du moins par des rapports qui m'en

conservaient l'idée On conçoit que cette manière

de faire l'amour n'amène pas de progrès bien rapides, et n'est pas fort dangereuse à la vertu de celles qui en sont l'objet. J'ai donc fort peu possédé, mais je n'ai pas laissé de jouir beaucoup à ma manière, c'est-à-dire, par l'imagination

«On peut juger de ce qu'ont pu me coûter de semblables aveux, sur ce que, dans tout le cours de ma vie, emporté quelquefois près de celles que j'aimais par les fureurs d'une passion qui m'ôtait la faculté de voir, d'entendre, hors de sens, et saisi d'un tremblement convulsif dans tout mon corps, jamais je n'ai pu prendre sur.moi de leur déclarer ma folie, et d'implorer d'elles,


418 dans la plus intime familiarité, la seule faveur qui manquait aux autres. Cela ne m'est jamais arrivé qu'une fois dans l'enfance

» J'avais avec une petite MUe Goton des tête-à-tête .

assez courts, mais assez vifs, dans lesquels elle daignait faire la maîtresse d'école, et c'était tout : mais ce tout, qui en effet était tout pour moi, me paraissait le bonheur suprême »

J'ai cité Rousseau un peu longuement, parce que personne n'a mieux rendu de semblables détails -, et qu'ils montrent parfaitement la ténacité de ces premières impressions.

En lisant ensuite ce qu'il dit dans le troisième livre, de ce dangereux supplément qui trompe la nature, qui permet de disposer de tout le sexe sans avoir besoin de son aveu, etc., on voit que ces souvenirs ont dû se représenter à sa mémoire dans ses égaremens solitaires, qu'il n'avait pas encore su vaincre à trente ans, et dont il ne parlé jamais qu'avec ménagement. L'on comprend que ce châtiment d'enfant ait décidé de ses goûts, de ses désirs, de ses passions, ■de lui pour le reste de sa vie.

J'ai sous les yeux une foule de confessions du même genre, qui mériteraient la même publicité, si elles étaient

présentées avec le même prestige Il est cependant un

cas que je ne puis me dispenser de rapporter tout entier.

M. D*, fils d'un médecin distingué , étant âgé de cinq à six ans, se trouvait, un jour d'été, chez une.couturière qui demeurait dans la maison de son père : elle crut pouvoir sans inconvénient se mettre à son aise devant cet enfant et s'étendit sur son lit presque sans vêtement. Mais


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le petit D* avait suivi tous ses mouvemens, étudié toutes ses formes avec avidité -, il se glissa près d'elle comme pour dormir aussi ; mais il devint tellement hardi dans ses gestes , qu'après en avoir ri quelque temps, elle fut obligée de le mettre à la porte. Cette jeune fille n'avait été qu'imprudente, et ne le fut qu'une fois ; mais le petit D* garda profondément le souvenir de tout ce qu'il avait observé : à tel point que, lorsqu'il me consulta, quarante ans après, il n'en avait pas oublié la moindre circonstance.

La préoccupation continuelle de ces images n'eut pas de conséquences immédiates ; mais, à huit ans, là circonstance la plus insignifiante fit tourner ses souvenirs à sa perte. Etant monté sur un de ces porte-manteaux mobiles dont on se sert pour brosser les habits, il se laissa glisser le long.de la tige qui en supporte la barre transversale, et ce frottement lui fit éprouver une sensation agréable dans les parties génitales. Il se hâta deremonter à lamêmeplace et d'en redescendre de la même manière, jusqu'à ce que la répétition et la variété de ces évolutions lui eussent procuré des jouissances dont il était loin de prévoir les suites. Cette fatale découverte, combinée avec les souvenirs qui l'obsédaient, donna lieu aux abus les plus bizarres, et plus tard, à là masturbation la plus forcenée.

Je ne le suivrai pas dans le récit de toutes les misères qui furent la conséquence de celte funeste passion ; il me suffira de faire connaître les moyens extraordinaires auxquels il fut obligé d'avoir recours pour s'y soustraire.

Il couchait sur le lit le plus dur ; sans chemise , pour éviter tout frottement ; couvert d'un simple drap soutenu par un cerceau ; ayant les bras relevés et croisés sous la


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tête : un domestique passait la nuit à son chevet, avec ordre de le réveiller s'irchangeait de position. En se levant, il se mettait sur la peau une cotte de mailles du poids de vingt-deux livres, semblable à celles que portaient les anciens chevaliers, avec cette seule différence qu'elle n'avait pas de manches ; elle était armée inférieurement d'un bassin d'argent, destiné à recevoir les organes génitaux, et pourvue de quatre ouvertures , deux pour les bras et deux pour les cuisses. Cette cotte de mailles était fendue en avant pour laisser passer le corps : après quoi l'ouverture était fermée par le moyen d'une forte chaîne passant dans des oeillets comme un lacet ; un cadenas était ensuite engagé dans le dernier anneau de cette chaîne : après l'avoir fermé, le domestique en prenait la clef et ne devait la lui remettre sous aucun prétexte. Garanties par le bassin d'argent, les parties génitales étaient complètement séquestrées ; une petite ouverture existait seulement à.la partie inférieure, pour l'écoulement des urines. Par surcroît de précaution le malade avait fait souder en dedans quatre pointes d'aiguilles , sur la ligne médiane, afin de s'opposer directement à toute érection.

Il avait travaillé long-temps, pour porter successivement cet appareil au point de ne lui permettre aucune infraction; et, depuis neuf ou dix ans, il n'avait pas osé ( y renoncer , malgré les inflammations fréquentes que les frotlemens de ce bassin avaient déterminées dans les testicules, les cordons et les parties voisines. Plusieurs fois,. il avait limé son cadenas , dont il eût rougi de demander la clef, et souvent il frappait, comme un furieux, sur l'appareil qui s'opposait à ses brutalités. Malgré toutes


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ces précautions , l'état physique et moral était des plus déplorables , ce qui m'a fait penser qu'il existait des pollutions diurnes. Mais comment en acquérir la preuve? Comment entreprendre un traitement sans suspendre le moyen de répression ?

On peut juger maintenant si j'avais raison d'insister sur des détails qui ont peut-être paru puérils au premier abord.

Je dois faire remarquer que, dans tous les cas dont je viens de parler, il s'agissait d'enfans de cinq à six ans , huit ans tout au plus , qui n'ont donné des signes de puberté que plusieurs années plus tard, et qui n'ont été initiés directement par personne. C'est donc spontanément que les idées sexuelles se sont développées chez eux, plusieurs années avant l'évolution des organes génitaux.

Je montrerai plus tard que la même précocité s'observe aussi chez un grand nombre d'enfans de l'autre sexe : pour le moment, je me contenterai de rappeler une observation duD 1' Parent-du-Chatelet (1) , remarquable sous plusieurs rapports. Il s'agit d'une petite fille qui, depuis l'âge de 4 ans, se livrait habituellement aux plus grands déréglemens, -avec des petits garçons de 10 à 12 ans. Elle avait cependant été élevée par son aïeule, femme respectable et pleine de religion. Je supprime ici les détails qui ont été constatés par une enquête juridique. J'ai seulement voulu montrer que cette petite fille était dans

(1) Annales d'Hygiène publique et de Médecine légale, tom. VIT, !« partie, 1832, pag. 173.


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les conditions les plus favorables pour échapper à de pareilles passions ; qu'elle a perverti des garçons qui avaient deux ou trois fois son âge ; enfin, que ces rapports journaliers ont eu lieu pendant quatre ans , sans qu'aucune indiscrétion ait pu les faire soupçonner.

Il résulte de tous ces faits une conséquence scientifique importante; c'est que , chez un grand nombre d'enfans, l'instinct génésique se manifeste avec une grande énergie, plusieurs années avant que l'évolution des organes génitaux ait commencé.

On doit en tirer aussi cette conséquence pratique non moins importante , qu'il ne faut pas attendre les approches de la puberté, pour entourer les enfans de la circonspection la plus pudique, et se méfier de leur curiosité.

Reaucoup de parens sont, sur ce dernier point, d'une insouciance inconcevable-: ils laissent jouer ensemble des enfans des deux sexes dans le plus grand pêle-mêle, pendant des heures entières, sans la moindre surveillance, pourvu qu'ils soient à l'abri, de tout accident, et que leur tapage ne puisse importuner. Dans le nombre de ces enfans , il est difficile qu'il ne s'en trouve pas un plus instruit que les autres ; et, en supposant qu'aucun d'eux n'ait de questions où de révélations à faire, il est difficile qu'ils jouent long-temps en pleine liberté sans que l'un d'eux fasse quelque découverte, et alors, vous pouvez compter qu'elle se répandra avec la rapidité dé l'éclair et le mystère le plus impénétrable. . La confiance de bien des parens dans l'ignorance de leurs enfans, leur fait aussi commettre d'autres imprudences dans les témoignages d'affection qu'ils se donnent


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devant eux. Souvent la même chambre, la même alcôve renferme les lits des uns et des autres : il n'est pas au pouvoir de tous d'éviter cet inconvénient, mais tous doivent être bien persuadés que le sommeil des enfans n'est pas toujours aussi réel, aussi profond qu'ils pourraient le croire.

Mais il suffit d'indiquer ces faits, pour que chacun en tire les conséquences : je me hâte d'aborder une question dont la gravité a été sentie par tous ceux qui ont écrit sur la masturbation , je veux parler des maisons d'éducation.

Si j'en juge par ma propre observation, sur dix masturbateurs dont la santé s'est altérée immédiatement ou consécutivement, on peut en compter neuf qui se sont perdus au collège ou dans un pensionnat. Tout ce que j'ai lu dans les auteurs, m'a convaincu que cette proportion n'était pas exagérée. L'enfant élevé dans le sein de sa famille, est entouré de causes capables d'éveiller sa curiosité , ses désirs ; mais elles agissent isolément, accidentellement ; elles ne produisent un effet profond que sur les imaginations ardentes : mille distractions peuvent, en détourner l'influence. Au collège ces causes n'existent pas, mais il y en a d'autres : elles sont moins nombreuses, moins variées, mais elles agissent d'une manière bien plus active et plus continue ; leurs effets sont directs et presque inévitables. L'enfant trouve en arrivant un foyer de contagion qui s'étend bientôt jusqu'à lui ; car le mal y est établi d'une manière endémique, et se transmet, sans interruption , des anciens aux nouveaux venus. Si quelques individus privilégiés échappent d'abord à ces initiations perfides, ce sont ceux qui n'y éprouvent encore


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aucun plaisir ; mais leur temps viendra plus lard. Quand les sens parleront, les mêmes objets se représenteront

alors à là mémoire sous un jour moins dégoûtant

Je n'entrerai dans aucun détail, quoique j'aie reçu des révélations bien multipliées , bien circonstanciées. Comment pourrais-je Reproduire ce que ces malades osaient à peine me confier en tête à tête et pressés par l'intérêt puissant de leur conservation? L'un d'eux me disait encore, il y a quelques jours, sans vouloir s'expliquer davantage : « Sachez seulement que les infâmes ouvrages du marquis de Sadde ne sont que des églogues auprès de ce que j'ai vu; » D'après tout ce qui m'est revenu des sources les plus directes et les plus variées , je ne crains pas d'affirmer que , nulle part, on ne se procure aussi facilement de mauvais livres , que nulle part ils ne circulent avec plus d'impudence et "de sécurité ; que la cause du mal n'est pas seulement dans les élèves., mais encore dans les domestiques et les surveillans ; que les; abus ne

se bornent pas toujours' à la masturbation ; qu'ils ne

se propagent pas seulement par l'exemple et la séduction, mais qu'ils s'imposent même quelquefois par la menace et la violence. Et qu'on ne croie pas que je ne parle ici que de faits rares, exceptionnels, ou que je me les exagère : je n'ai pas connu cette vie d'immobilité recluse, et j'en bénis souvent la prudence paternelle ; mais je parle sur des preuves multipliées et concordantes. D'ailleurs, tous ceux qui se sont occupésde ce triste sujet, rapportent des faits semblables. Le D 1' Téraube surtout en parle très-longuement : il n'y a rien d'exagéré dans tout ce qu'il en dit, et c'est la meilleure partie de son ouvrage!


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Je ne voudrais pas cependant qu'on se trompât sur le fond de ma pensée. Je suis loin de méconnaître les avantages immenses de l'éducation publique : je sais que la réunion d'un grand nombre d'enfans excite l'émulation , forme rapidement les caractères, habitue de bonne heure à n'estimer chacun que ce qu'il vaut, favorise aussi l'intimité de ces amitiés qui durent toute la vie : je ne connais pas dé condition plus favorable pour former des hommes dans un but commun, pour les imprégner de bonne heure de mâles vertus et de passions généreuses. Si des institutions larges et fortes savaient développer toutes les dispositions physiques , intellectuelles et morales , dont le germe existe dans ces corps et dans ces cerveaux tout neufs, quel immense parti n'en tirerait-on pas au profit de chaque individu et de la société ! •

Mais de quoi s'occupe-t-on aujourd'hui dans les collèges? De bourrer toutes ces pauvres têtes de grec et de latin , sans s'informer des dispositions individuelles. Comment s'y prend-on? On commence par leur mettre entre les mains un rudiment, de tous les livres le plus sec, le plus abrutissant ! On leur fait entrer dans la mémoire des règles et des exceptions, dont il leur est impossible de saisir les applications , faute de matériaux préalables ; règles et exceptions que ne comprennent pas, le plus souvent, ceux qui sont chargés de les leur expliquer, car il n'y a pas d'autre explication à en donner que celle-ci : C'est ainsi parce que c'est ainsi (1).

(1) Ceux qui sont chargés de l'ingrate fonction d'engeigner le rudiment, croient en général très-fermement que les Grecs

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C'est en vain que Rabelais s'est moqué des pédagogues de son temps , qu'il a fait toucher au doigt les vices de leur ennuyeuse routine, qu'il leur a opposé les avantages d'une méthode rationnelle, propre à développer à la fois le corps et l'esprit, en faisant succéder l'exercice à l'étude; à former le jugement, en procédant de la pratique à la théorie, sans jamais perdre de vue l'application utile. C'est en vain que Montaigne est venu justifier la vérité de ces critiques, la profondeur de ces vues , non-seulement par ses écrits, mais encore par son propre exemple. C'est en vain que cet admirable plan d'éducation , si complètement développé par Rabelais , a été commenté et justement exalté par un homme que la révolution de

elles Romains ont pensé, ont parlé, ont écrit d'après des lois établies d'avance, et conçues selon le génie de notre langue. A cette occasion, je disais un jour à l'un des plus anciens dans le métier , puisqu'il enseigne la syntaxe depuis 35 ans : « Ainsi donc, Cicéron rencontrant un que dans une phrase, le retranchait pour se conformer à la règle du que retranchée » Il se recueillit un instant, sourit dédaigneusement, et me répondit : « Mauvaise plaisanterie I Vous savez bien qu'il ne pouvait pas le retrancher ; rqais il s'arrangeait de manière à tourner sa phrase autrement. » Ainsi, sa routine invétérée ne lui permettait pas de concevoir Cicéron autrement que lui-même , pensant en français et s'exprimant en latin. Je n'ai pas besoin de dire que je parle seulement des intelligences professorales les plus étroites; mais ce sont précisément celles-là qui sont chargées d'enseigner les premiers élémens.


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juillet a mis pendant long-temps à la tête de l'instruction publique (1).

Rien n'est changé à cet égard : on sacrifie encore sept ou huit ans à l'étude des langues anciennes, et c'est toujours par les règles qu'on commence. La moindre faute contre le rudiment est punie d'une de ces peines qui semblent avoir été inventées pour tuer l'imagination et le jugement : on fait écrire cent fois , trois ou quatre cents fois la même phrase , le même mot à un pauvre enfant qu'on cloue ainsi sur son banc, dans les courts instans qu'il eût pu donner au mouvement. A-t-il eu le malheur d'être bruyant ou espiègle, de questionner ou de raisonner, de laisser percer de l'impatience ou de l'ennui, on se hâte de comprimer ces premiers symptômes d'insurrection en l'envoyant en prison.

Que va-t-il faire dans la solitude et l'inaction forcées auxquelles on le condamne? Comment se dédommagera-t-il de tous ses ennuis? Obligé de se replier sur luimême avec ses souvenirs et son imagination, il reviendra, malgré lui, sur des-confidences qui ne lui avaient peut-être inspiré que du dégoût ; il se rappellera des remarques fugitives, long-temps oubliées. Ce qui n'avait laissé dans sa mémoire qu'une impression insignifiante ou même pénible, se représente alors à son imagination désoeuvrée sous de nouvelles couleurs ; elle s'en repaît, faute de mieux. Mais s'il n'est pas seul?.... C'est peut-être bien pis encore. Pense-t-on que des enfans enfermés ensemble,

(1) Voy. Guizot, Annalesd'éducation , tom.II,pag. 323.


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vont charmer leurs ennuis en parlant de morale ou de religion, ou bien de thèmes et de versions ? Pour peu qu'on réfléchisse aux résultats inévitables d'une pareille réclusion à cet âge, on concevra facilement que peu d'innocences puissent y résister ; que cette punition soit bientôt méprisée , et même désirée , provoquée par ceux qui l'avaient le plus redoutée , et presque toujours par les mêmes individus en même temps. Cette seule circonstance ne devrait-elle pas suffire pour ouvrir les yeux?

Les Confessions de J.-J. Rousseau et sa puissante éloquence , ont fait disparaître de nos écoles un châtiment ignoble et dangereux : c'est un progrès dont il faut tenir compte ; mais la prison de nos collèges a des conséquences beaucoup plus graves ; aucune surveillance ne saurait les faire disparaître : Quis custodiet ipsos. custodes ? II faut donc y renoncer entièrement.

Mais, comment suppléer aux pensums, à la prison? En faisant aimer l'étude par des méthodes plus naturelles, plus rapides et moins rebutantes, qui fassent travailler à la fois la mémoire, l'imagination et le jugement ; en accordant plus d'importance aux exercices du corps ; en laissant plus de liberté à la manifestation des" diverses dispositions individuelles ; en renonçant à la prétention ridicule de faire de tous les enfans des littérateurs , des orateurs , des érudits ; en distinguant soigneusement ce qui est indispensable à tous, de ce qui ne peut être utile qu'à un très-petit nombre.

Quand chacun suivra la direction qui lui convient, la plus grande punition sera d'être privé d'une leçon et


429 livré à la risée .de ses camarades. On n'en connaissait pas d'autre dans les écoles centrales, et ce sont elles qui ont produit la plupart des hommes dont la France s'honore aujourd'hui : on y punissait un élève indocile ou paresseux, comme on envoyait sur les derrières des armées républicaines un régiment qui avait faibli devant l'ennemi, jusqu'à ce qu'il eût obtenu la faveur de se montrer avec éclat. Cette punition produisait le même effet sur les enfans qui n'étaient pas dépourvus de sentiment et de capacité. Il est vrai qu'elle échouait chez les autres ; mais alors était-ce un malheur pour eux, pour leurs parens, pour la société?

Quand, à force de temps, de peineâ et de sacrifices, vous avez farci vos élèves de grec et de latin ; quand vous leur avez enseigné la logique qui ne s'apprend pas, et la philosophie qui ne peut s'apprendre dans les collèges, vous les renvoyez dans leur famille, le cerveau plein de mots ronflans et de suffisance, le corps exténué par l'inaction et de funestes habitudes : que font-ils alors?

Ces fils de bons cultivateurs ou d'honnêtes artisans se résignent-ils à continuer les travaux de leurs pères, à suivre quelque entreprise utile ? Ils en savent beaucoup trop pour descendre si bas ; ils manquent d'ailleurs de la force et du courage nécessaires. Les uns étudient la médecine, d'autres le barreau , etc., croyant qu'il suffit de le vouloir pour devenir observateur judicieux , avocat éloquent. Parmi le petit nombre de ceux qui travaillent avec conscience, il y en a peut-être un sur cent qui se distingue; quelques-uns parviennent au terme de leurs études dans cet état d'honnête médiocrité qui leur


450 permet d'être reçus. Que deviennent tous les autres ? Ils vont grossir cette masse flottante de jeunes lettrés sans vocation distincte, qui n'ont pu réussir dans aucune carrière , et se croient propres à tout ; qui vendent leur indépendance contre une place quelconque, dans une administration quelconque ; solliciteurs éternels, acharnés, qui restent cramponnés aux plus minces emplois , par besoin, par vanité , par espoir d'avancement.

C'est pour assouvir cette rage de places, lèpre morale de notre époque, que tous les gouvernemens, depuis trente ans, n'ont cessé de créer des administrations, des fonctions nouvelles, et d'augmenter tous les jours le nombre de leurs employés , croyant augmenter ainsi leurs créatures : comme si une ambition satisfaite ne laissait , pas vingt ambitieux déçus, prêts à ruer contre le pouvoir qui tombe, pour obtenir les faveurs de celui qui s'élève ! C'est ainsi que s'est grossie successivement cette immense armée civile, improductive , dévorante , dangereuse pour l'autorité, ruineuse pour les pays, difficile à satisfaire, plus difficile encore à réduire, qui sera désormais un obstacle effrayant à toute économie.

Tel est le résultat de l'éducation classique de nos collèges. On peut répondre maintenant à la question que je posais tout-à-l'heure. — Quel inconvénient y aurait-il à ce qu'un enfant incapable , ou seulement médiocre, renonçât aux langues mortes , avant d'avoir vu Homère et Juvénal? Quel inconvénient y aurait-il pour lui, pour ses parens , pour son pays , à ce qu'il n'allât pas grossir la foule des postulans à quelque place de surnuméraire dans les droits-réunis , dans les douanes, etc. ?


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Quant aux sujets heureusement organisés, qu'on se contente d'entretenir l'émulation entre eux par la concurrence et la justice ; qu'on n'use pas leur énergie et leur activité par des pensums abrutissans ; qu'on ne compromette pas leur santé par une immobilité désespérante , et leur innocence par des réclusions dangereuses; que la société les protège ensuite, selon leur capacité , selon leurs oeuvres : elle en tirera tout ce qu'elle pouvait en attendre, et ne sera plus tourmentée par tant de médiocrités vaniteuses.

Mais il ne suffirait pas d'une amélioration , d'un changement complet dans les méthodes d'enseignement, pour détruire le vice contagieux qui infecte les maisons d'éducation, malgré la surveillance la plus active, la plus éclairée.

Une immobilité trop absolue, une contention d'esprit trop prolongée , nuisent à tout âge , et surtout dans l'enfance, qui a tant besoin de mouvement et de variété: v quand les exercices n'auraient pas d'autre but, ils mériteraient d'occuper une place très-importante dans tout système d'éducation ; mais ils doivent être envisagés sous un rapport bien autrement grave.

Rien au monde ne saurait empêcher les organes génitaux qui s'éveillent, de réagir sur toute l'économie , de provoquer des sensations et des idées nouvelles : il est impossible d'empêcher l'attention de se concentrer sur le sens nouveau qui est devenu la cause de cette révolution, . le foyer central de cette vie nouvelle; impossible d'enchaîner l'imagination si active à cet âge, de lui interdire la préoccupation constante de ces impressions, de ces pensées mystérieuses. La moindre cause peut alors faire


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naître une découverte fatale, en supposant qu'elle ne soit pas transmise directement. Comment l'empêcher, ou du moins, comment en prévenir les suites? L'étude ne saurait être ici d'aucun secours, et même l'immobilité prolongée sur un siège , de quelque nature qu'il soit, ne fait qu'échauffer des organes déjà trop excités. Les yeux pourront regarder le livre, les oreilles entendre la parole du maître ; mais qui pourra empêcher l'imagination de travailler ? La nuit, ce sera bien pis encore ; aucune surveillance ne saurait l'arrêter, ni même l'apercevoir. Il n'existe qu'un moyen assez puissant pour la maîtriser, ou lui faire diversion ; c'est l'exercice musculaire poussé jusqu'à la fatigue : lui seul peut amortir la susceptibilité des nouveaux organes qui agitent l'économie ; employer au développement du corps les matériaux qu'ils appellent, et procurer un sommeil prompt, profond, réparateur.

Dans l'état actuel de notre société, on ne s'occupe que de l'intelligence ', parce que c'est elle qui gouverne le monde : on la cultive en serre-chaude pour en obtenir des fruits précoces, mais sans saveur , et l'on ne s'inquiète pas de ce que deviendra la plante étiolée et rabougrie qui s'épuise à les produire.'

Je conçois que la beauté des formes ne nous passionne pas comme les Grecs et les Romains ; que la force physique ne soit plus aussi importante qu'à l'époque de la chevalerie. Mais la santé est indispensable dans tous les temps, dans toutes les conditions de la vie ; sans elle, aucun travail intellectuel ne peut être long-temps pro, longé , et, sans travail assidu, opiniâtre, les intelligences les plus favorisées n'ont jamais rien produit de durable.


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Je sais bien qu'on accorde quelques instans de récréation dans l'intervalle des classes ; je sais qu'on a suspendu quelques bouts de corde, dans quelques cours pour engager les élèves à y grimper, mais on n'accorde pas aux exercices du corps le tiers du temps nécessaire ; encore est-il mal employé : ces jeux, abandonnés aux caprices de chaque individu, n'ont rien qui ressemble à un véritable système d'éducation physique. Il faudrait que les exercices fussent multipliés et variés, qu'ils fussent combinés d'une manière méthodique et régulière, afin que toutes les parties du corps y prissent part successivement. Il faudrait qu'ils fussent obligatoires; d'autant plus que ce sont précisément ceux qui montrent le plus de répugnance à s'y livrer, qu'il faut soupçonner de mauvaises habitudes ; et c'est à eux surtout que ces exercices sont nécessaires , lors même que ces soupçons ne seraient pas fondés. Il faudrait qu'on y excitât par l'émulation ; et pour la faire naître, il suffirait qu'on y attachât la moindre importance. A cet âge tous les exercices plaisent ;. le dédain avec lequel on les envisage, ne suffit pas pour empêcher les enfans de s'y livrer avec ardeur, dès qu'un instant de liberté se présente : que serait-ce donc si l'on frappait du même mépris l'inertie musculaire et la paresse intellectuelle, lamaladresse et l'ignorance?

On sait jusqu'à quel point les athlètes portaient la continence : elle était cependant tout-à-fait volontaire ; c'était l'amour-propre qui la leur imposait. Roussel, l'Hercule du Nord, observait la même réserve, pour les mêmes motifs. Le même mobile produirait donc aujourd'hui le même effet qu'autrefois, s'il était mis en jeu ; car les


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passions humaines sont les mêmes dans tous les temps : il ne s'agit que de savoir en tirer parti.

L'adresse acquise dans tous ces exercices ne trouveraitelle pas son application dans les situations les plus graves de la vie, et même dans les occupations les plus journalières ? Ne serait-il pas facile,. d'ailleurs, d'utiliser encore plus directement ces exercices, en établissant dans les collèges des ateliers pour la menuiserie , la serrurerie,' le tour, etc.? Pourquoi ne profiterait-on pas des promenades de congé pour donnef aux élèves des notions claires et pratiques de botanique, de minéralogie, de géologie et même d'entomologie , d'après les objets même trouvés sur les lieux ? Combien d'idées fausses ne pourrait-on pas rectifiera chaque p1 as? Quel attrait ne donnerait-on pas à ces excursions, aujourd'hui si monotones ? Avec quelle rapidité ne pourrait-on pas fixer dans ces jeunes têtes , des connaissances positives sur tous ces objets, si l'on en donnait la démonstration immédiate, si l'on en faisait sentir l'utilité par des applications? Alors, on ne verrait plus à la fin de leurs études, de grands enfans, étrangers à tout ce qui les entoure , à tout ce qui doit les intéresser tôt ou tard ; ils auraient autre chose que dès mots dans la tête : leur curiosité serait excitée par des objets variés ; leur imagination, sans cesse occupée, aurait moins de "tendance à se repaître de pensées dangereuses. Tout est neuf à cet âge ; il est si avide de sensations nouvelles, si curieux de connaître, que les sujets d'enseignemens sont inépuisables.

Mais, pour espérer de semblables améliorations, il faudrait une réforme complète dans le système univer-


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sitaire; il faudrait en revenir aux principes émis par les assemblées législatives qui ont présidé à notre immortelle révolution ; principes fondamentaux, si bien compris par la Convention , si bien développés par ces géansque des pygmées ont accusés de n'avoir su que démolir! Il faudrait fonder les bases d'une éducation nationale sur les devoirs du pays envers les citoyens, afin de tirer de toutes les dispositions physiques, intellectuelles et morales , le plus grand avantage possible pour la prospérité de la société, pour le bonheur de chaque individu.

Mais, que peut-on attendre d'une institution qui marche aujourd'hui dans une direction diamétralement opposée au but de sa Création ?

L'université, fondée par Charlemagne pour favoriser l'enseignement, prit sous sa puissante protection tous ceux qui voulaient se livrer à l'étude. Ses privilèges furent encore augmentés par la suite dans la même

intention protectrice .Napoléon l'a rétablie : mais le

despotisme desséche tout ce qu'il touche ! Il l'a rétablie pour en faire un monopole, et l'exploiter dans l'intérêt de son pouvoir. Ceux qui sont venus après lui, se sont bien gardés d'y rien changer. Seulement ils ont rendu l'université de plus en plus fiscale ; son principal souci maintenant est défaire rentrer au trésor le plus d'argent possible : il est vrai que ses inspecteurs ont les yeux ouverts sur les moindres pensionnats; mais c'est pour en vérifier exactement les registres ; c'est pouf qu'aucun élève ne puisse échapper à la rétribution universitaire !

Qu'on me pardonne d'avoir laissé un libre cours aux sentimens qui m'agitaient eh relisant les accusations por-


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lées par tant de victimes. Tout se tient dans un pareil sujet : il s'agit, d'ailleurs, des intérêts les plus chers de la famille et de la société.

Ici se présente une question d'une autre nature, mais "d'un égal intérêt.

Quelle a été l'influence des progrès de la civilisation sur les abus relatifs aux organes de la génération ?

Cette question, très-grave et très-complexe , a souvent été tranchée bien légèrement ; et cependant, pour s'en faire une idée nette, il faut l'enyisager sans prévention sous toutes ses faces, et distinguer soigneusement des choses qu'on a toujours confondues : c'est ce que je yais essayer de faire, parce que, au fond de cette discussion, qui semble purement spéculative ; se trouvent des faits et des applications d'une grande importance pratique.

La masturbation paraît n'avoir jamais produit dans l'antiquité des ravages semblables à ceux qui ont été signalés dans ces derniers temps. Il n'en est pas question dans la Bible , car j'ai fait voir que la conduite d'Onan avec la femme de son frère,, n'avait pas le moindre rapport avec ce vice ; et cependant, on y trouve des choses plus scandaleuses que la masturbation ; elles y sont racontées très au long et dans des termes bien crus. Ce n'est donc pas par discrétion que les auteurs sacrés se sont abstenus d'en parler. Les Grecs ne nous ont rien laissé sur cette passion, eux qui ont traité légèrement et même avec indulgence, Une infamie bien plus dégoûtante. Hippocrate a parfaitement décrit les pollutions diurnes qui surviennent aux nouveaux mariés et aux libertins, vsoyàpus r.«l fàolàyms ; mais, ni là ni ailleurs, il ne dit un mot des maslurbateurs.


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Suétone, Perse, Juvénal ne nous ont rien caché de toutes les turpitudes des moeurs romaines , mais ils n'ont pas signalé celle-là. De leur côté, G-alien, Celse, etc., gardent le même silence. Ce n'est guère que depuis un siècle qu'on a commencé à publier des observations isolées sur ses funestes effets : peu à peu elles se sont multipliées ; plus tard des brochures ont paru, des monographies enfin sont, venues de plus en plus étendues.

La masturbation paraît donc affecter spécialement les sociétés modernes, et ses ravages semblent aller toujours croissant.

Il est vrai que ce vice, essentiellement dissimulé, a pu rester caché pendant des siècles, comme ont été méconnues tant d'autres causes de symptômes qu'on a pris pour des maladies essentielles; et l'on peut supposer qu'il est arrivé, dans cette circonstance, ce qu'on a remarqué toutes les fois qu'une cause de phénomènes pathologiques a été découverte ou mieux appréciée : le mal a toujours paru se multipber avec les observateurs dont il fixait l'attention. Il ne faut donc pas se hâter de prononcer d'après le silence des auteurs anciens. Mais d'autres considérations viennent appuyer cette première donnée.

Chez les Grecs et chez les Romains , la gymnastique jouait un rôle immense dans l'éducation ; la beauté des formes avait une espèce de culte ; enfin les besoins génitaux pouvaient être satisfaits de toute autre manière. Or, la masturbation est incompatible avec la force, avec la grâce et l'adresse; elle ne se développe qu'à défaut d'autres jouissances : elle n'a donc pas dû faire alors de nombreuses victimes.


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Lorsque le christianisme vint épurer les moeurs dissolues des vainqueurs du monde, la'continence des néophytes fut soutenue par un enthousiasme ardent, par une foi inébranlable, qui leur firentbraver les tortures et mépriser la mort : la passion la plus égoïste, la plus dégradante, ne pouvait approcher d'hommes qui se vouaient spontanément à toutes les persécutions pour propager leur croyance.

Bientôt après , arrivèrent les nombreuses invasions des barbares, les temps de la chevalerie et le régime de la féodaUté ; c'est-à-dire, la guerre sous toutes ses formes , le règne de la force et du courage. Chacun devait alors pourvoir par lui-même à sa défense, à son salut. Lorsqu'un peu d'ordre se fut établi au milieu de tous ces bouleversemens, le pouvoir resta aux hommes bardés de fer, dont l'éducation commencée dès l'enfance, était plus rude que celle des athlètes.

Dès que ce régime de violence etde dévastation s'adoucit, les révoltes des communes commencèrent : dans cette lutte des opprimés contre les oppresseurs ,-la force et l'énergie n'étaient pas moins nécessaires que dans les guerres de voisin à voisin.

Enfin, lorsque l'aristocratie, décimée par Richelieu, fut abâtardie par Louis XIV, elle trouva dans la cour une grande facilité de moeurs, couverte d'un léger vernis de galanterie. Louis XV et le régent donnèrent ensuite l'exemple de la débauche la plus effrénée : de la cour ,elle descendit de proche en proche et infecta toute la société. Dans cet état de dissolution générale, les rapports sexuels étaient trop faciles pour laisser beaucoup de chances au. développement de passions solitaires.


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Tout concourt donc à faire penser que la masturbation n'a jamais causé tant de ravages que de nos jours.

On voudra bien remarquer qu'il s'agit seulement dans tout ceci, des masturbateurs dont la santé s'est altérée plus ou moins profondément. Quant à ceux qui n'en ont pas souffert, il a dû en'exister beaucoup dans tous les temps ; mais les documens nous manquent à leur égard, et je n'ai pas à m'en occuper. C'est dans ce sens purement pathologique, qu'il faut entendre tout ce que je viens de dire des ravages de la masturbation ; et, sous ce rapport, je crois qu'on a eu raison de regarder cette passion comme un fléau des temps modernes. Mais faut-il en accuser la civifisation , comme l'ont fait les auteurs qui se sont occupés de ce sujet, et surtout le D 1' Teraube?

Comment la civilisation pourrait-elle produire cet effet? Est-ce en favorisant le développement de l'intelligence , la dissémination des lumières ? Mais, s'il est incontestable que la masturbation entraîne la diminution de l'intelligence , de la mémoire, etc., il n'est pas moins démontré que la prédominance des plus nobles facultés de l'homme est la plus sûre garantie qu'il puisse, trouver contre des penchans honteux : tout le monde sait que, parmi les masturbateurs, il n'y en a,pas de plus effrénés , de plus incorrigibles, que ceux dont l'intelligence est bornée. On peut citer comme exemples incontestables , les idiots de naissance, les crétins , les hydrocéphales qui parviennent jusqu'à la puberté. Descendus au niveau des singes pour la raison et la volonté, ils ne peuvent pas davantage maîtriser leurs mauvais penchans. Tout le monde étant d'accord sur ce point, je n'insisterai pas.davantage.-


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Serait-ce en favorisant le luxe et l'accumulation d'un grand nombre d'individus dans les villes? Je sais que c'est le grand argument de tous ceux qui ont accusé la civilisation des ravages de la chiromanie ; c'est surtout celui du Dr Teraube. Séduits par l'éloquence paradoxale de Rousseau, ces auteurs opposent encore, avec la plus grande confiance, l'innocence des moeurs champêtres h la corruption des grandes villes. Pour ne. pas répondre à des déclamations vagues par des dénégations sans preuves, je .citerai des faits consignés dans les annales de l'art, en choisissant ceux qui se rattachent directement à la question.

Chopart, dans son Traité des maladies des voies urinaires (t. II, p. 102), récapitule les exemples de pierresvésicales qui avaient pour noyau un corps étranger. Si l'on fait abstraction des bouts de sonde , de bougie, etc., qui ont été introduits dans le seul but de procurer l'écoulement des urines , on verra que les autres cas , dans lesquels l'intention ne pouvait être douteuse , ont presque tous été observés chez des paysans. Témoin ce jardinier taillé par Pouteau ( N° IV ) ; cet homme de la campagne opéré par Deschamps ( Obs. VI ) ; ce jeune paysan qui s'introduisit dans l'urètre , d'après le conseil d'un berger, une grosse aiguille à coudre (Obs. XIII) ; cet autre qui « étant assis auprès d'un cep de vigne, prit un petit bâton de sarment pour se polluer et provoquer l'éjaculation de la semence (p. 118 ) » ; ce laboureur chez lequel Morgagni trouva un calcul développé autour d'une épingle (p. 1-12) ; ce berger de Narbonne auquel le D 1' Sernin fit l'extraction d'une pierre développée autour d'un morceau de baguette, introduit dans l'urètre pour provoquer


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des jouissances que les plus horribles moyens ne pouvaient plus produire.

D'un autre côté> Morgagni rapporte (1) un grand nombre d'exemples d'accidens observés chez la femme , après l'introduction dans l'urètre de divers corps étrangers. Ce n'est pas,ici le lieu d'examiner ces faits; mais je veux faire remarquer que presque toutes ces femmes étaient de jeunes paysannes. Frappé lui-même de cette circonstance, le Professeur de Padoue l'attribue kl'ignorance, où étaient ces paysannes, dès dangers auxquels elles s'exposaient par de semblables manoeuvres. Je ne crois pas qu'on puisse supposer plus de connaissances anatomiques chez les jeûnes personnes des grandes villes ; mais cette explication ne prouve pas l'innocence de celles des campagnes. Au reste , Morgagni lui-même est bien loin d'y croire; car il demande à ceux qui admettent que ces corps étrangers ont été avalés , comment tant d'épingles , d'aiguilles, de cure-oreilles, etc. , se donnent rendez-vous dans la vessie ; comment les étuis aussi peuvent y arriver. Il croit même ces cas plus communs qu'on ne pense, à cause du silence obstiné que gardent ces malades , et de la difficulté qu'on éprouve d'obtenir l'ouverture des corps , quand elles succombent.

Je pourrais joindre à ces faits beaucoup d'observations analogues, qui ont été pubbiées depuis; mais il semblerait que je les ai choisies , tandis que les recherches de Chopart et de Morgagni, ayant été faites dans un tout autre

(1) De sed. et caus. morb. , epist. 42, §. 25 , 26 et 27.

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442 but, doivent inspirer la plus grande confiance dans les rapprochemens que j'en ai tirés. Ils suffisent d'ailleurs pour prouver que leségaremens des sens ne sont ni plus rares, ni moins extraordinaires dans les campagnes que dans les grandes villes. Je dirai plus : de toutes les causes de ces aberrations , la plus pernicieuse est l'isolement.

De tout temps, les poètes , les philosophes, les romanciers ont pris les bergers pour type de leurs utopies morales ; la vie pastorale leur a toujours semblé la plus voisine de l'âge d'or : c'est encore une de ces illusions, dont la ténacité montre comment les hommes de cabinet observent la nature. Jamais, en effet, prédilection ne. tomba plus malheureusement ; car il n'y a- peut-être pas de dépravation pareille à celle des bergers.

Ceux qui ont tant vanté leur innocence, ne les ont donc jamais surpris dans leurs amusemens favoris ? Ils n'ont donc jamais fait causer ceux qui leur ont servi de guide dans quelque excursion ? Ils n'ont donc jamais interrogé ceux qui viennent dans les hôpitaux, exténués par les abus les plus effrénés? S'ils l'avaient fait sans prévention , avec patience, voici ce qu'ils auraient appris.

Quand des troupeaux sont gardés par des enfans des deux sexes , les découvertes se font rapidement, et des rapports intimes s'établissent, bien avant la puberté. Lorsque plusieurs bergers sont habituellement ensemble, les désordres ne sont pas moindres : les plus jeunes sont bientôt pervertis par l'exemple- des autres, et l'oisiveté' donne à leur passion un haut degré d'intensité et d'impudence. Mon ami Dunal, Doyen de laFaculté des sciences, dans une herborisation aux Céyennes/, surprit un jour,


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au milieu d'un bois, cinq ou six jeunes bergers assis en rond, se livrant à leurs infamies en face les uns des autres. A peine sa présence inopinée put-elle les empêcher de continuer , et ils témoignèrent plus de contrariété d'avoir été dérangés , que de honte d'avoir été surpris. Le plus âgé de ces misérables était à peine pubère !

On croira peut-être que ceux qui vivent tout-à-fait isolés, pendant une grande partie de l'année , sont préservés de ces égaremens. Erreur complète. Ce sont, au contraire, les plus dépravés, les plus incorrigibles : c'est parmi eux qu'il faut chercher des exemples horribles , incroyables , comme celui de Gabriel Galien, qui en vint au point de se fendre successivement tout le canal avec un mauvais couteau, pour se procurer de nouvelles jouissances, et finit par introduire dans la portion que le périnée ne lui avait pas permis de couper, un bout de baguette qu'il laissa tomber dans la vessie........

A côté de cette"observation bien connue, on peut placer celle de la bergère, que le D-' Alibert traita longtemps à l'hôpital St.-Louis (1). Vivant aussi tout-à-fait isolée, elle se cachait dans les broussailles et les endroits les plus retirés, pour y assouvir sonpenchant irrésistible. Ses excès furent portés au point d'amener l'idiotie, et une susceptibilité nerveuse dont la nymphomanie offre peu d'exemples. Il fallut la renvoyer après avoir inutilement essayé tous les moyens coërcitifs. Jamais peut-être , dans les deux sexes , la brutalité n'a été poussée aussi loin que

(1) Dict. des'Sciences méd. , tom. XXXVI, p. 382.


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chez ces deux êtres dégoûtans éloignés du luxe et de h corruption des grandes villes.

Si l'on consulte les annales de la science , on pourra . facilement s'assurer que les exemples les plus remarquables de ces honteux égaremens , ont toujours été fournis par dés individus qui vivaient dans la solitude et l'oisiveté.

Si l'on objectait que la corruption des temps modernes s'est étendue jusqu'aufond des valléeslesplus solitaires, il serait facile de démontrer que les moeurs des anciens pasteurs n'étaient pas plus pures. Qu'on ouvre Théocrite, ce modèle élégant des poètes rustiques, et l'on y trouvera des détails que je n'ose même indiquer : il faut les chercher dans le texte original, car les traducteurs se sont probablement trouvés dans l'impossibilité de les faire passer dans notre langue. Il suffit de dire que la femme n'est presque jamais pour rien dans les passions de ces bergers, dans leurs jalousies , dans leurs brouillefies et leurs raccoinmodemens; elle y a moins départ que la chèvre ! Virgile est un peu plus retenu ; cependant il ne craint pas d'indiquer assez clairement les mêmes turpitudes. Il est important de remarquer que tous deux en parlent sans dégoût, sans colère, comme d'une chose connue ; qu'ils ont écrit pour faire aimer la vie champêtre , et non pour amuser les loisirs de quelque débauché. Il faut donc regarder ces peintures comme l'expression fidèle des moeurs pastorales de cette époque.

En les dépouillant du vernis d'antiquité qui les pro,tège,

pro,tège, voit que ces moeurs étaient pires encore que

celles des bergers de nos jours, puisqu'elles admettaient

la sodomie et la bestialité , sans scandaliser personne.


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Ge n'est donc pas la civilisation moderne qu'il faut accuser.. . Ce qui a causé l'illusion de tous ceux qui ont écrit sur la masturbation, c'est qu'ils n'ont vu que ce vice, sans s'inquiéter des autres. La thèse ainsi posée était facile à défendre avec avantage. Mais la véritable question est celle-ci : Nos moeurs sont-elles plus dépravées que celles des anàens, que celles des peuples modernes dont la civilisation est moins avancée ? Les faits historiques que je viens de passer en revue, suffiraientpour terminer cette discussion, ramenée.à son véritable point de vue.

Je ne rappellerai pas l'histoire de Sodome et de Gomorrhe, ni les détails étonnans qu'on trouve en cent endroits de la Bible. Quiconque les médite sans prévention , sera peu disposé à regretter l'ignorance patriarcale et la moralité du peuple élu. Le même vice a infecté toute l'antiquité païenne , avec une impudeur qu'il nous est impossible de concevoir aujourd'hui. Les plus graves philosophes, les hommes les plus éminens, les plus révérés en ont parlé sans émotion ; quelques-uns même ont examiné ses avantages dans la discipline mifitaire , dans les biens de l'amitié , dans les rapports du maître au disciple, etc. On sait quel rôle important ont joué les courtisanes d'Athènes, deCorinthe, etc. ; combien les rapports sexuels étaient favorisés par les institutions publiques, et même par les croyances religieuses. On connaît le culte du Phallus, lès mystères de la bonne déesse , etc., dans les plus beaux temps de la Grèce et dé Rome. Qui pourrait désirer de voir aujourd'hui de pareils débordemens reparaître au mibieu de notre société? Qu'avonsnous donc à envier aux moeurs des anciens ?


446Quant

446Quant peuples que nous connaissons le mieux aujourd'hui, s'il m'était possible de les passer en revue, il me serait facile de démontrer que la pureté de leurs moeurs est en raison directe de l'aisance , des lumières et de la liberté dont ils jouissent.

Si l'on veut se réfugier dans ce qu'on est convenu d'appeler l'état de nature, je me contenterai de renvoyer ses partisans à la Bibliothèque des voyages. Ils y verront le peu d'importance que les hordes les plus sauvages attachent aux rapports sexuels ; quelle est l'abjection. de leurs femmes ; en quoi consiste leur vertu, le trafic qu'on en fait; ce que vaut près d'elles un anneau de cuivre, un collier de verroterie et surtout un morceau de miroir. Je leur demanderai ensuite s'ils voudraient réellement nous ramènera ces moeurs primitives, en supposant qu'ils Je pussent ; si la société peut rien désirer de semblable.

II résulte de tous ces faits , observés sur des masses immenses , danstous les temps, dans tous les pays, que l'homme adulte est entraîné vers l'autre sexe par des besoins impérieux , continus, inévitables, et par uirinstinct aveugle, mais sûr, qui devance même souvent ses besoins ; que sa conformation lui permet d'abuser facilement des organes destinés à la propagation , quand il lui est impossible de les employer à cette fonction : de sorte que ses impulsions, comprimées d'un, côté, tendent à faire explosion d'un autre.

Le christianisme est parvenu à extirper le vice le plus infâme de l'antiquité : grâces lui soient rendues ! En répandant une morale plus sévère, il a éveillé dans les deux sexes de nobles sentimens; il en à épuré les


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passions ; la société doit lui en tenir compte. Mais il ne suffit pas de prêcher anathême contre la chair, pour faire disparaître l'aiguillon de la chair.

Des maladies contagieuses sont venues entourer de dangers les rapports sexuels les plus grossiers , les plus pressans; mais, en admettant que ces dangers puissent être un préservatif contre la débauche là plus crapuleuse, la crainte ne change rien, ne peut rien changer à l'organisation de l'homme : si ses impulsions rencontrent partout des obstacles insurmontables, il ne peut empêcher la révolte de ses sens ; s'il est repoussé de toutes parts, il est bientôt forcé de se replier sur lui-même.

Il fallait aborder tous ces faits franchement et comparativement , pour avoir une idée nette de tout ce qui a rapport aux abus dont les organes génitaux peuvent être la cause ; pour bien comprendre toutes les difficultés que présente la solution de la grave question relative à la masturbation. Il ne suffit pas de flétrir ce vice , ni même d'en montrer les dangers ; il faut y trouver des remèdes qui ne fassent pas perdre à la société les améliorations qu'elle a gagnées. -

On peut, sans doute, tirer de puissans secours d'une surveillance assidue, de la culture de l'intelligence., ainsi que des principes moraux et religieux ; mais que peuvent ces moyens contre des pratiques si faciles à dissimuler et qui sont toujours à la disposition de celui qui veut les employer? Il faut donc faire plus; il faut, autant que possible, en ôter le désir par des occupations variées et surtout par la fatigue du corps.

Les effets d'un exercice régulier , habituel, énergique,


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sont si puissans et si méconnus, que je ne saurais trop insister sur la nécessité de réhabiliter l'éducation gymnastique , dont on fait si peu de cas depuis l'invention des armes à feu.

La continence volontaire des athlètes, opposée à la dépravation presque inévitable des bergers, devrait suffire pour ouvrir les yeux; mais ce qui prouve d'une manière péremptoire que l'inaction et l'oisiveté sont les véritables causes des ravages que la masturbation exerce parmi ces bergers , c'est qu'elle fait peu de victimes chez les cultivateurs, qui vivent à peu près dans les mêmes conditions, mais dont les forces sont employées aux plus rudes travaux. Je ferai la même observation par rapport aux ouvriers des grandes villes, qui se livrent de bonne heure à des métiers pénibles. Je ne prétends pas que ces fatigues les mettent complètement à l'abri de mauvaises habitudes ; mais ils ne peuvent s'y livreravec passion,avec continuité , comme les enfans de classes moins laborieuses. Tout concourt donc à démontrer l'importance des exercices du corps, non-seulement comme le moyen le plus sûr de fortifier la santé , de développer la puissance musculaire, la beauté des formes , l'adresse des mouvemens; mais surtout comme le préservatif le plus puissant et le plus moral qu'on puisse employer contre la mas. turbation. "

Je suis tellement pénétré de cette vérité que, s'il dépendait de moi, aucun établissement d'instruction ne pourrait s'ouvrir sans posséder un système.gymnastique complet : celte mesure serait peut-être encore plus utile aux pensionnats de demoiselles, comme le prouve le


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nombre des jeunes personnes qui remplissent les établissemens orthopédiques; elles y sont partout dans la proportion des cinq sixièmes. . : '

Je ne dis rien des séminaires, quoique je n'ignore pas ce qui s'y passe. Mais comment proposer des institutions gymnastiques dans ces maisons? D'ailleurs, qu'importe à la société la direction que donnent à leurs besoins des hommes qui se condamnent au célibat?

§. IV. Nature des abus. — Quoiqu'il me tarde de sortir de ce sujet, je ne puis me dispenser d'entrer dans quelques détails sur divers actes dont les organes génitaux peuvent éprouver la fâcheuse influence : je laisserai de côté tout ce qui ne pourrait avoir aucune application pratique de quelque importance. .

On a déjà pu voir (N°. 62 ) à quels dangers s'exposent ceux qui compriment l'urètre pendant l'éjaculation, pour s'opposer à la sortie du sperme. Chez ce malade , Une déchirure s'opéra probablement dans la membrane muqueuse, puisqu'il ressentit, au même instant, une vive douleur, et vit paraître, le lendemain, un écoulement qui persista jusqu'au moment de la cautérisation. Vinrent ensuite des pertes séminales involontaires, des symptômes graves et multipliés , sur lesquels je ne dois pas revenir ici. Ce fut derrière le gland que ce malade exerça la compression, et l'on conçoit comment la distension brusque et énergique du canal a pu amener une déchirure de la membrane muqueuse ; mais les choses ne se passent pas toujours ainsi. - Voici ce que m'écrivait un de mes malades :


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« A 14 ans , je me livrai à la masturbation trois ou quatre fois par semaine, et quelquefois à plusieurs reprises dans un jour. Pour prévenir l'émission de la semence, je serrais fortement la racine de la verge. En effet, je ne voyais rien s'échapper dans le moment; ce qui me rassurait : mais je remarquai plus tard que le sperme sortait avec l'urine, la première fois que je la rendais. Je pris ces précautions pendant deux années environ »

Des pollutions diurnes ne tardèrent pas à se manifester, et provoquèrent des symptômes de plus en plus graves. Le reste de cette observation ne contient rien qu'on ne rencontre dans tous les cas de pertes séminales involontaires : ce que j'ai voulu faire remarquer ici, c'est que la compression était exercée au niveau de l'orifice des canaux èjaculateurs ; c'est que le malade a cru pendant long-temps que ses manoeuvres n'étaient suivies d'aucune perte séminale, et qu'il a cependant fini par constater le contraire. "

Foùmier elBégin rapportentun exemple semblable(l). Il s'agit d'un jeune homme qui, au moment de l'éjaculàtion , comprimait lesparties les plus reculées del'urètre* de manière à ne pas laisser sortir une goutte de sperme. Cependant les suites furent les mêmes que dans les cas ordinaires. Malgré cette précaution, les. forces diminuèrent , et la maigreur fit des progrès aussi rapides que si l'évacuation séminale eût été complète.

(1) Dict. des Se. me'd., art. Masturbation, pag. 123'.-


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Voici un fait plus remarquable : je laisserai le malade en exposer les détails.

«Je suis âgé de 52 ans et j'ai des pollutions nocturnes depuis 14 : quant aux pertes que j'éprouve en allant à la selle, elles datent de dix ans. La cause de ces pollutions ne peut être rapportée à la masturbation , puisque je ne m'y suis pas livré 1 vingt fois dans ma vie. Elles sont plutôt dues à la lecture des ouvrages licencieux ; car elles ont débuté bientôt après.

»Dans le principe, l'éjaculation était précédée de rêves, accompagnée de fortes érections, de sensations plus ou moins vives , et le sperme était lancé avec force. Je ne vous dirai pas tout ce que j'ai entrepris, tout ce que j'ai supporté pour m'en débarrasser : j'ai conservé, pendant des nuits entières, la verge trempée dans l'eau ou comprimée entre deux morceaux de bois faits exprès ; j'ai essayé de ne pas dormir, parce que quand j'y parvenais je n'avais pas de pollution , et le .lendemain j'étais plus fort; mais, au bout de quelques, jours, le sommeil l'emportait ; je réussissais bien quelquefois à m'éveiller assez à temps pour prévenir la catastrophe de mes rêves, mais le plus souvent il était trop tard ; alors , pour empêcher la perte, ou pour la rendre moins abondante, je comprimais fortement la base de la verge : mais il paraît que ces compressions ont beaucoup fatigué ces parties , sans empêcher ou diminuer la perte , qui avait lieu en dedans, comme je m'en suis assuré souvent en examinant mes urines. Depuis cette époque, les pollutions n'ont plus été précédées de rêves ; les sensations ont disparu, en sorte qu'il m'a été impossible de me réveiller; les érections ont


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diminué et même cessé presque complètement. Depuis trois ans, il est rare qu'elles accompagnent les pollutions: quand cela arrive ,'je suis moins fatigue.

»I1 est «ne chose que je n'ai pu concevoir, et qui vous paraîtra sans doute absurde, puisqu'on m'en a démontré l'impossibilité physique : c'est que j'éprouve des pollutions sans érection, sans sensation, et sans que la semence sorte par le canal de l'urètre. J'ai toujours pensé qu'elle se portait dans la vessie par un mouvement rétrograde, et qu'elle allait se mêler, aux urines, puisque le lendemain matin j'y trouve beaucoup de petits globules, un nuage et quelques filamens, comme quand j'empêchais autrefois l'éjaculation , par la compression de la racine de la verge•':. tandis que mes urines ne contiennent rien du tout dans la journée, ni lelendemain matin, quand je n'ai pas eu de ces pollutions. Au reste, je les reconnais parfaitement en m'éveillant, quoique mon linge ne soit pas taché par la sueur qui me couvre la figure, par la fatigué que j'éprouve dans tous les membres, par le mal de tête et les éblouissemens , le cercle noir qui entoure les yeux........

»J'ai employé lès lotions et les applications glacées, les lavemens froids , etc., avec quelque succès. Pendant quelque temps, les pollutions étaient plus rares et accompagnées d'érection, de sensation ; mais bientôt elles revenaient comme auparavant, et n'avaient plus lieu au dehors. Ce sont toujours ces pollutions intérieures qui sont les plus accablantes.

» Toutes les fois que je puis passer une nuit sans dormir, mes urines sont transparentes le matin, et je me sens fort : après plusieurs nuits sans sommeil, j'ai ordinai-


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rement une pollution énergique qui me fatigue peu, mais bientôt elles reviennent sans érection, sans évacuation extérieure , et alors je suis chaque fois anéanti en m'éveillant........

Je conçois que les médecins n'aient pu croire à des pollutions sam évacuation extérieure, puisqu'ils ont déjà bien de la peine à admettre que le sperme puisse, s'échap-; per sans plaisir; je conçois encore "mieux, que le ma-, lade ait gardé sa conviction , malgré les argumens les plus savans : il m'eût suffi, pour la partager, de rapprocher les circonstances caractéristiques qu'il a si bien et si souvent constatées. Mais les faits qu'on vient de lire, et surtout ceux que je rapporterai dans le chapitre suivant, ne me laissent aucun doute à cet égard : il est évident pour moi, que ce malade avait réellement des pollutions intérieures, sans aucune évacuation apparente ; c'est-à-dire, que le sperme était alors reçu dans la vessie et ne sortait qu'avec les urines , comme quand il était autrefois arrêté par la compression du périnée.

Cette compression était exercée au devant des canaux éjaculateurs ; elle a été très-souvent répétée : il est donc très-probable que c'est la répétition fréquente de ces manoeuvres, quia fini par amener la déviation spontanée du sperme dans la vessie ; d'autant plus que le malade n'a pas tardé à s'apercevoir qu'elles fatiguaient le canal. C'est une question sur laquelle j'aurai l'occasion de revenir.

Quoi qu'il en soit, toutes ces manoeuvres ne différaient guère des moyens mécaniques conseillés par quelques médecins pour empêcher les pollutions nocturnes : on


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peut juger par là du peu deconfiance qu'on doit avoir dans ces instrumens , et des inconvéniens qu'ils présentent.

On a dû remarquer que les dangers étaient à peu près les mêmes , quel que fût d'ailleurs le siège de la compression : seulement, quand il s'est trouvé assez d'espace au-devant des canaux éjaculateurs pour loger tout le sperme , il s'est écoulé en totalité, dès que le canal est devenu libre : quand la compression a été exercée immédiatement au-devant de l'orifice des canaux éjaculateurs, le sperme s'est trouvé refoulé du côté de la vessie; ily a pénétré, du moins en très-grande partie; de sorte qu'il a été facile de croire que la perte séminale était empêchée ou beaucoup diminuée, ce qui a fait naître une sécurité funeste.

J'aurais à peine indiqué cette erreur, tant elle est évidente, si je ne l'avais retrouvée dans un ouvrage dont j'ai souvent fait l'éloge. Le Dr Deslandes pense , avec raison , que le danger de ces abus ne réside pas exclusivement dans la perte de la liqueur séminale ; mais l'un des argumens dont il s'appuie, manque certainement . d'exactitude. «Il est constant, dit-il, page 340, que des individus qui avaient porté l'art de l'onanisme jusqu'à se procurer les jouissances de cet acte, sans perdre de semence, ont fini, comme d'autres , par voir leur santé se détruire et leur constitution se détériorer. » Dans ce passage le Dl Deslandes fait allusion à l'observation de MM. Fournier et Bégin , qu'il rapporte à l'appui de son opinioifc Or, chez le malade en question ( Voyez pag. 450), il est vrai que la santé s'est altérée , comme dans tous les cas de cette nature ; mais il n'est pas exact de dire que c'était


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sans perte de semence : elle n'était pas apparente au dehors, dans le moment même; mais elle avait certainement lieu dans la vessie, comme dans tous les exemples que je viens de rapporter. Rien n'autorise donc à conclure que la destruction de la santé , chez ces malades, ait été due à l'ébranlement nerveux.

Je saisirai cette occasion pour signaler une autre erreur qui s'est glissée dans le même ouvrage , et qui a rapport au même sujet. Je crois que re D 1' Deslandes se trompe quand il attribue (pag. 289 ) à des intentions lubriques, les applications déficelles, de lacets , etc., autour de la verge. Ce n'est pas ordinairement un délire erotique qui pousse à ces imprudences, mais le vif désir d'empêcher des pollutions nocturnes opiniâtres. C'est l'explication qu'en donnent les patiens; et je la trouve plausible, car les accidens ne sont produits que par le gonflement de la verge, ce qui prouve qu'elle n'était pas en érection quand ces applications ont été faites.

Les réflexions du Dr Deslandes lui ont probablement été suggérées par le fait qui les précède, et que voici : « Un jeune homme se présenta à la clinique de l'HôtelDieu, portant une bobèche de chandelier, au devant de laquelle le gland s'était énormément tuméfié. Aucun effort n'ayant pu détacher ce corps étranger, il fallut, avec de fortes pinces , en briser d'abord le pavillon qui était situé en arrière ; on fut ensuite obligé de limer la portion cylindrique qui environnait immédiatement le pénis. » Toutes ces circonstances sont très-exactes ; mais , je dois ajouter que, ayant été chargé par Dupuytren d'interroger le patient et de prendre un croquis des parties,


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j'ai appris qu'il était épuisé par des pollutions nocturnes , et que c'était pour les prévenir qu'il avait, en se couchant, introduit sa verge dans cette bobèche dé chandelier. J'ai dû le croire, par la raison toute simple que sa verge n'eût jamais pu passer par ce conduit de cuivre, si elle n'eût été dans un état complet de flaccidité.

Je reviens aux aberrations qui m'ont été avouées par assez d'autres malades.

L'un d'eux m'apprit qu'à l'époque de la puberté , se suspendant un jour par les bras , il avait éprouvé une érection prompte et énergique , accompagnée de plaisir, et que, dans ses efforts pour soulever son corps, il avait déterminé une abondante émission de sperme ; c'était la première. Le lendemain il répéta les mêmes mouvemens et observa exactement les mêmes phénomènes. Depuis lors, il ne connut pas d'autre plaisir. D'après Iesprincipes qui lui avaient été inculqués de bonne heure, il se serait cru déshonoré s'il avait eu des relations avec une femme, ou s'il s'était permis le moindre attouchement sur luimême ; mais sa conscience était tranquille relativement à ces exercices, parce .qu'ils ne lui avaient pas été défendus. Il continua donc à se suspendre aux meubles, aux portes , etc. , sans cependant mettre personne dans sa confidence , et tomba, peu à peu, dans l'état de faiblesse et de dépérissement auquel arrivent les masturbateurs les plus effrénés. Enfin, toute suspension devint impossible par excès de faiblesse, et les émissions volontaires cessèrent ; mais elles furent bientôt remplacées par des pollutions nocturnes, qui furent d'autant plus difficiles à guérir, que les organes génitaux y étaient plus disposés,


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Voici quelques passages d'un mémoire qui vient de m'être adressé :

t Doué d'un tempérament trop précoce, j'en abusai dès l'âge de 8 ou 9 ans pour me Livrer à la masturbation, ou plutôt à des manoeuvres plus nuisibles encore. C'est par la compression de la verge contre mes cuisses ou contre le siège sur lequel j'étais assis , que je provoquais ces déplorables jouissances, suivies ordinairement de l'écoulement de quelques gouttes d'un liquide visqueux . et transparent. Ce manège, que je répétais plusieurs fois par jour, dura jusqu'à l'âge de 16 ans, époque à laquelle je m'arrêtai complètement, épouvanté par le sang que je vis sortir plusieurs fois , presque pur. Depuis ce temps je n'ai plus recherché que des plaisirs naturels, mais il m'a toujours été impossible d'obtenir, prés d'aucune femme, une érection complète : cet état, attribué à la faiblesse, n'a été combattu jusqu'à présent que par des toniques , des excitans , et même des irritans de toute espèce, qui m'ont fait beaucoup de mal. Je dois en dire

autant des bains de rivière et des lotions froides.. >

J'ai vu un officier supérieur qui était tombé dans le même état, par suite de manoeuvres semblables. Seulement , c'était contre le pied d'une table qu'il avait éprouvé ses premières sensations , à l'âge de dix ans, en faisant ses devoirs, et il avait continué, pendant plusieurs années, > à employer le même moyen. J'ai dit, pag. 418, ce qui était arrivé à un autre enfant qui se laissait glisser le long d'une tige de bois, et l'influence déplorable que cette circonstance avait exercée sur le reste de sa vie.

J'ai vu d'autres malades chez lesquels l'équitation avait

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provoqué la première perte séminale. L'un d'eux faillît se tuer en pressant convulsivement les flancs de sa monture , tandis qu'il tirait à lui la bride. Il n'en a pas moins recommencé, et cet événement est devenu la cause de la dépravation de ses goûts. Je rapporterai plus tard l'obser^ vatiOn remarquable d'un autre malade qui n'a guère connu d'autre plaisir que celui-là, et que l'impuissance avait frappé dans l'âge delà plus grande virilité. L'extrême susceptibilité dont jouissent les organes génitaux à l'époque de leur évolution, doit engager à ne pas faire commencer l'exercice du cheval aux approches de la puberté, côinme on le fait ordinairement. H faudrait s'y prendre quelques années plus tôt, ou attendre plus tard.

J'ai déjà parlé du danger de laisser les énfans dormir sur le ventre (Voyez 60); je dois ajouter ici que plusieurs de mes malades ont contracté de cette manière les habitudes qui ont ruiné leur santé. Indépendamment des inconvéniens de ce dècubitûs pour la respiration, 'la digestion, etc., il favorise les érections; le moindre frotté1ment éveille des sensations nouvelles , et l'on marche vite quand on est une fois en pareille voie. Quelquefois ce sont des souvenirs qui font choisir cette position : j'en ai rapporté un exemple remarquable (Voy. N° 61).'D'aUtrës fois ce sont des scrupules inspirés dé bonne heure par une sage prévoyance, mais que la violence des impulsions a fini par éluder. J'ai entendu dire à un de mes maladies | qu'il serait mort plutôt que de se souiller par le moindre attouchement; et cependant, depuis cinq à six ans, il avait rarement passé une nuit, sans travailler à sa perte en se couchant sur le ventre.


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Je ne parlerai"pas des autres moyens par lesquels d'au' très ont cru concilier l'instinct génital avec les principes religieux ou moraux qui leur avaient été inculqués dès l'enfance. Je ferai remarquer seulement que, s'ils ont trompé leur conscience, ils n'ont pas conservé leur santé : ce qui confirme encore ce que j'ai dit dé l'insuffisance de ces principes quand ils ne sont pas secondés par des fatigues corporelles.

Mais il ne suffit pas toujours de s'abstenir de toute action directe, matérielle, sur les organes de là génération, pour les préserver de graves désordres. Une excitation purement nerveuse, éveillée par d'autres sens, ou provoquée directement par des pensées erotiques, peut amener les mêmes résultats que les manoeuvres les plus brutales , s'il en résulte des érections trop prolongées, trop répétées. — En voici quelques exemples :

Un étudiant de 22 ans, né en Suisse, d'un tempérament sanguin et d'une force athlétique , est tombé dans l'impuissance la plus complète, pour avoir passé , pendant un an, une partie des nuits en tête à tête avec sa maîtresse : il l'avait constamment respectée, et ne s'était livré â aucune pratique solitaire : mais les érections violentes et prolongées qui résultaient de ces rapports intimes,, se renouvelaient dans le jour sous l'influence des souvenirs de la nuit; ces érections fatigantes amenèrent des pollutions nocturnes fréquentes et abondantes'. L'absence rompit ces contacts dangereux, mais non pas toute relation. Les pollutions diminuèrent peu à peu, cessèrent même complètement, ce qui n'empêcha pas ce candide jeune homme de tomber dans le même état


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d'impuissance que le plus grand masturbateur, tout^n conservant les apparences de la force et de la santé. Il me fut facile de découvrir la cause de cette absence de virifité en examinant ses urines, et en l'engageant à s'observer quand il allait à la selle ; mais la guérison de ces pollutions diurnes ne fut complète qu'au bout" de deux ans.

J'ai observé un cas semblable chez un autre jeune homme, qui passa successivement d'un état depriapisme habituel à l'impuissance la plus absolue, sans autre cause que ^excitation constante des organes génitaux par une violente passion, quoiqu'elle n'ait donné lieu à aucun excès d'aucune espèce. Je rapporterai, plus tard, un autre fait de même nature. Enfin, j'ai donné des soins à un officier anglais, âgé de 35 ans , qui partit de Calcutta plein de vigueur et arriva à Londres complètement impuissant, après avoir éprouvé, pendant deux mois, des érections presque continuelles : elles étaient provoquées par la présence d'une jeune veuve fort coquette, mais encore plus froide , qui semblait se complaire à exciter sa passion, sans jamais lui accorder la moindre faveur. Cet état, toutà-fait opposé à celui qui avait précédé, durait depuis plus de deux ans, et n'avait été interrompu par aucun signe de virilité. Il est presque inutile d'ajouter qu'il était entretenu par des pertes séminales involontaires.

J'ai rapporté tout-à-1'heure, page 451 , une observation dans laquelle on a pu remarquer que les pollutions nocturnes avaient été provoquées par la, lecture d'ouvrages licencieux. J'ai sousles yeux bien d'autres exemples de ce genre ; mais ils ne sont pas accompagnés de


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circonstances assez importantes pour mériter une mention spéciale. J'en conclurai seulement que, chez certains individus très-impressionnables, la lecture d'ouvrages erotiques , la vue d'images voluptueuses , les conversations lascives ; en un mot, toutes les sensations propres à provoquer, à entretenir l'excitation des organes spermatiques, peuvent produire les mêmes effets que des abus ou des excès matériels, lors même que la volonté est assez puissante pour empêcher les pensées de conduire aux actes. D'ailleurs , il en résulte toujours une sécrétion plus abondante de sperme, des érections importunes, fatigantes, une irritation de l'urètre, de la prostate, etc., qui favorisent le développement de pollutions nocturnes, puis diurnes, aussi graves et peut-être plus difficiles à arrêter que les autres, parce qu'il est impossible d'agir directement sur la mémoire, sur l'imagination , etc.

Il ne suffit donc pas de prévenir toute action matérielle sur les organes génitaux, il faudrait encore empêcher toute excitation erotique provenant des sens, toute concentration de la pensée sur des sujets lascifs. Malheureusement, les faveurs de la fortune sont réparties dé manière à permettre à une foule d'êtres inutiles de vivre dans le désoeuvrement le plus absolu, sans encourir le blâme de personne, parce qu'ils ne demandent rien a personne. Le seul remède que je connaisse à cette inaction corruptrice , en attendant que l'oisiveté du riche soit flétrie par la société comme la mendicité du pauvre, c'est encore la fatigue journalière du corps à l'aide d'exercices variés.

Effets. — Les effets produits par les divers abus dont


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il vient d'être question, varient suivant les âges, les individus et les divers organes de l'économie. Examinés sous ces divers points de vue, ils pourraient fournir matière à des considérations étendues et importantes; mais je dois négliger ici tout ce qui est déjà bien connu, tout ce que je serai obligé d'exposer ailleurs.

J'ai insisté, d'une manière spéciale, sur les causes qui peuvent provoquer de mauvaises habitudes bien long-temps avant la puberté; je dois m'arrêter aussi sur leurs effets pendant cette période de la vie.

On a toujours confondu les symptômes produits parla masturbation chez l'enfant et chez 1 adulte : cependant, ils présentent quelques traits distinctifs, qui leur donnent une physionomie particulière ; d'ailleurs on a tiré de cette ressemblance des conséquences qu'il importe d'examiner.

Quelque jeunes qu'ils soient, ces enfans maigrissent, pâlissent ; ils deviennent difficiles , hargneux, colères ; leur sommeil est court, agité, interrompu ; ils tombent dans le marasme le plus complet ; ils peuvent même finir par succomber, si l'on ne parvient à les arracher à leur funeste passion. Les exemples de semblables terminaisons sont assez connus pour que je m'abstienne de les citer.

Des symptômes analogues se manifestent chez, l'adulte ; ils suivent à peu près la même marche, et peuvent avoir la même fin. Mais, dans l'enfance, il s'y joint des accidens nerveux plus ou moins graves , qu'on ne retrouvé pas chez ceux qui ont débuté après la puberté, ou qu'on n'observe pas du moins au même degré : ce sont des contractions spasmodiques, des mouvemens convulsifs partiels ou généraux ; c'est l'éclampsie, l'épilepsie et une


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espèce de paralysie accompagnée de contracture des membres. On a pu remarquer ces phénomènes spasmodiques chez tous les enfans dont j'ai eu occasion de parler, et les auteurs sont pleins de faits semblables.

Quant à la contracture des membres , elle a été bien étudiée par leD 1' Guersent(l), et ce praticien judicieuxfait remarquer, avec raison, qu'elle affecte surtout les enfans grêles, chétifs , nerveux, qui sont agacés par des habitudes vicieuses. Un de ceux dont il parle, n'avait pas plus de cinq ans lorsqu'il fut pris tout-à-coup de contracture des membres inférieurs. Tous les organes étaient en bon état; il n'existait aucune déviation de la colonne vertébrale ; seulement les muscles des extrémités inférieures étaient dans un état de rigidité permanente, plus prononcé dans les adducteurs , car les genoux étaient constamment croisés. On pouvait étendre et fléchir les jambes du malade ; mais il lui était impossible de les fléchir quand elles étaient étendues, ou de les étendre quand elles étaient fléchies. Cet état avait résisté à tous lés moyens, lorsqu'une rougeole se manifesta : dès ce moment, la contracture des extrémités inférieures se dissipa et ne reparut plus. ,

Voici un fait du même genre, mais plus remarquable encore sous certains rapports :

En 1824, une femme du peuple m'apporta son fils, âgé de 8 ans , privé depuis plusieurs mois de l'usage de ses membres inférieurs : il les tenait constamment fléchis,

(1) Gazette médicale , février 1832.


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rapprochés, et tous les muscles en étaient contractés. La face était très-pâle , le corps d'une maigreur excessif e, l'intelligence fort altérée. La masturbation, cause de tous ces désordres , n'avait été remarquée par la mère que depuis quelques semaines, et tout ce qu'elle avait pu imaginer pour s'y opposer, n'avait produit aucun effet. Elle se décida donc à le faire recevoir dans mon service à l'hôpital.

Je ne tardai pas à m'apercevoir qu'il faut peu compter sur les gilets de force et autres moyens analogues , quand ils sont employés par des infirmiers : en conséquence, je me décidai à introduire, jusque dans la vessie, une sonde de gomme élastique, que je fixai de manière à empêcher le'malade de la retirer. Sa présence détermina l'inflammation de l'urètre, comme je l'avais désiré : alors je la retirai pour la replacer quand l'écoulement eut disparu. J'entretins ainsi, pendant quinze jours, un état habituel de phlogosé, qui rendait l'attouchement de ces parties assez douloureux pour en inspirer l'aversion.

Ce moyen eut un succès/plus prompt et plus décisif que je n'avais osé l'espérer. Au bout de huit jours , les membres inférieurs'avaient déjà repris assez de force et de mobilité pour permettre à cet enfant de sortir seul de son lit ; quinze jours après, il courait gaiement dans toute la maison. Je le remis alors à sa mère , en le menaçant d'employer le même moyen s'il récidivait. Il paraît que le souvenir de la douleur l'a emporté sur tous les autres ; car sa santé n'a plus été altérée, et l'accroissement a suivi sa marche ordinaire.


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J'ai employé depuis le même moyen, avec le même succès, dans des cas analogues , et je le crois plus sûr que tous les autres, lorsqu'on ne peut compter sur la volonté du malade , ou sur la vigilance assidue de ceux qui sont chargés de sa surveillance. Je pense même que, chez les enfans, il mérite la préférence, car il laisse dans la mémoire des impressions propres à détruire l'empire de l'habitude ; comme on voit certains ivrognes dégoûtés du vin pour toujours , après en avoir bu dans lequel on avait mêlé quelques gouttes d'acide sulfuriqûe, ou d'autres substances propres à lui donner un goût détestable.

Chez quelques enfans dont le prépuce était trop étroit ou d'une longueur excessive, j'ai commencé par en opérer l'excision, afin d'empêcher l'accumulation de la matière sébacée à la surface du gland. L'âcreté que cette matière acquiert par un séjour trop prolongé, provoque des érections qu'il faut prévenir; car, très-souvent, ce sont elles qui amènent des attouchemens spontanés et la découverte de funestes jouissances. Quelquefois même la seule influence de cette matière suffit pour déterminer des spérmatorrhées très-graves, comme j'en rapporterai plusieurs exemples remarquables. D'ailleurs , la plaie qui résulte de cette opération, a déjà l'avantage d'empêcher , d'une manière sûre , toute manoeuvre de la part de ces enfans. J'ai vu plusieurs fois la circoncision et la menace de la sonde suffire pour rompre le pouvoir de l'habitude. Je crois donc que, dans tous les cas où l'on ne peut pas compter sur la volonté des malades , c'est par l'excision du prépuce qu'il faut commencer, d'autant plus que celte opération ne peut avoir aucun inconvénient : on


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est toujours le maître d'employer la sonde si ce premier moyen n'a pas suffi.

. Le D 1' Deslandes parle (page 158) de scarifications pratiquées , dans le même but, sur la peau de la verge ; mais elles n'ont pas eu le succès qu'on en attendait. J'ignore si ces scarifications ont réussi dans des circonstances plus favorables ; toutefois elles "me paraissent moins sûres que la circoncision et la sonde. .

Je reviens aux symptômes observés chez ces enfans. Ils n'avaient jamais éprouvé d'évacuations spermatiques : cependant ils étaient tombés dans le marasme ; quelquesuns même ont succombé. Ces effets, rapprochés de ceux qu'on observe chez la femme dans des circonstances analogues, ont conduit quelques auteurs à ne tenir aucun compte dés pertes séminales produites plus tard parles mêmes actes. Ils .n'ont attribué l'affaibblssément qui suit toute excrétion abondante de sperme , qu'à l'ébranlement nerveux, épileptiforme, qui les accompagne ordinairement. Quelques-uns même ont été jusqu'à regarder comme une rêverie de l'Ivumorisme, l'importance attachée à la liqueur séminale. Il importe donc d'examiner avec attention les faits qui ont conduit à ces opinions.

Les accidens observés avant la puberté,, ne peuvent évidemment être attribués qu'à l'influence du système nerveux : les mêmes sensations accompagnant, plus tard, les émissions volontaires de sperme, il est naturel d'admettre que le système nerveux joue alors le même rôle que dans l'enfance; qu'il a la même part dans la faiblesse qui suit ces actes. Je reconnais très-volontiers l'importance de cette dépense nerveuse, de quelque manière


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qu'on la conçoive : je suppose même que son action sur l'économie soit aussi importante que dans le premier âge, ce qui n'est pas exact, comme je le montrerai plus tard ; il n'en faut pas moins tenir compte de la perte séminale qui s'y ajoute, et qui en modifie beaucoup le caractère et les conséquences.

J'ai déjà fait remarquer que, dans l'enfance, les symptômes produits par les abus génitaux avaient un caractère spasmodique, qu'on ne leur trouve pas chez les malades affectés de pollutions diurnes. Ce caractère lient sans doute à la prédominance du système nerveux, qui rend les enfans impressionnables. Mais cette excessive sensibilité explique- aussi la grande influence de ces manoeuvres sur leur économie. Le Dr Deslandes rapporte (page 462 ) une observation qui prouve que toute action du même genre peut produire les mêmes effets à cet âge. « Un observateur très-digne de foi, M. le Dr Mirambeau, m'a communiqué le fait d'un enfant qui se procurait des sensations analogues, en se tiraillant le nomlnil. Sa santé se détériora d'une manière remarquable par suite de cette singulière habitude, qui avait un tel empire sur lui, qu'on fut contraint d'employer des moyens coërcitifs pour la faire cesser. Il est à noter cependant que , sauf les sensations dont il vient d'être parlé , ce malade n'offrait ni érection, ni aucun autre phénomène clans les parties génératrices, qui ressemblât à ceux de l'acte vénérien. » Ainsi les organes de la génération n'étaient pour rien dans les sensations éprouvées par cet enfant : la titillation répétée d'une partie très- sensible a produit le même dépérissement que la masturbation.


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On sait, par les débats d'une cause criminelle récente, que la mort même a été causée par le chatouillement prolongé de la plante des pieds. La perturbation nerveuse qui est le résultat de ces attouchemens , peut donc être portée au point d'anéantir la vie. Qu'on juge par là de l'influence que doivent avoir les secousses convulsives, multipliées, que des êtres impressionnables se procurent, en agissant sur les organes les plus sensibles de l'économie.

Ainsi, toute perte exagérée de semence, même lors qu'elle n'est accompagnée d'aucune sensation, est suivie d'un affaiblissement remarquable qui peut aller aussi jusqu'à causer la mort : j'en ai rapporté des exemples au commencement de cet ouvrage.

Il y a donc là deux causes bien distinctes de perturbation et d'affaissement : elles agissent en même temps, toutes les fois que les pertes séminales s'opèrent sous l'empire de la volonté. Il n'est pas étonnant que les symptômes produits par ces deux causes se ressemblent, puisqu'elles affaiblissent également l'économie : seulement l'action de la première sur le système nerveux est directe, immédiate ; aussi les symptômes qui en résultent , ont-ils un caractère plus spasmodique. Il est facile de confondre l'action de ces deux causes, quand elles agissent simultanément; mais je viens de montrer qu'on peut les observer d'une manière parfaitement isolée, et voici ce qui prouve qu'on ne doit pas les confondre.

Toutes les fois qu'on parvient à maîtriser entièrement là passion de ces enfans, on peut être certain d'obtenir leur rétablissement, et même d'une manière prompte. On a dû remarquer avec quelle facilité les symptômes


469^ les plus graves ont disparu chez tous ceux dont j'ai eu l'occasion de parler. Le Dr Deslandes a été frappé de la rapidité de ces changemens ; car il a eu soin de faire remarquer combien sont puissantes à cet âge les ressources de la nature. Je ne prétends pas que le tort fait à la nutrition pendant le développement du corps, soit facile à réparer; mais il est constant que les accidens disparaissent bientôt, et que toutes les fonctions ne tardent pas à se rétablir. Pour le dire en passant, ces observations doivent modifier beaucoup l'assertion de ceux qui regardent l'enfance comme l'époque de la vie où ces abus sont plus dangereux , à cause de la nutrition dont le corps a besoin , de la susceptibilité du système nerveux , etc. Si les effets sont prompts et graves , ils cessent aussi trèspromptement dès que la cause est éloignée, et le rétablissement est certain : malheureusement il s'en faut de beaucoup que les choses se passent toujours de même après la puberté.

Ce que je viens de dire des enfans, peut s'appliquer aux femmes : il est facile de s'en convaincre, en compulsant les observations d'excision du clitoris chez les nymphomanes. 11 fallait que l'état de ces malheureuses fût bien déplorable, pour qu'on eût recours à ce moyen extrême; cependant toutes se sont rétablies très-promptement.

Pourquoi, dans ces deux séries de faits, laguérison est-elle certaine et le rétablissement rapide, dès qu'on parvient à maîtriser cette funeste passion? C'est que toute cause d'affaiblissement cesse aussitôt d'agir sur l'économie. Pourquoi beaucoup d'hommes continuent-ils à dé-


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périr, après qu'ils se sont complètement corrigés? C'est qu'il leur est survenu des pollutions diurnes, plus débilitantes encore que les abus dont elles sont le résultat.

A cette occasion , je ferai remarquer une contradiction dans laquelle sont tombés tous ceux qui ont écrit sur la masturbation ; contradiction que je ne leur reproche pas, car elle est fondée sur des faits, mais qui a besoin duplication. Tous ces auteurs rapportent des exemples nombreux d'adultes, arrivés au dernier degré de marasme., qui se sont pourtant rétablis très-promptement, dès qu'ils ont renoncé à leurs habitudes ; tandis que d'autres ont continué à mener la vie la plus déplorable , bien qu'ils se soient corrigés depuis plus long-temps et d'une manière plus absolue, car je-parle d'individus qui s'étaient éloignés des femmes : j'ajouterai même qu'ils n'éprouvaient pas de pollutions nocturnes.

Ces faits, en apparence contradictoires, font dire à ces auteurs dans certains endroits , que les masturbateurs se* rétablissent promptemenf dès qu'ils se sont corrigés , et ailleurs, que ce rétablissement est quelquefois difficile-et même impossible, quoi qu'on fasse ; et ils attribuent ce; défaut d'amélioration, à l'altération profonde de l'économie, du système nerveux, etc., quoique beaucoup de ceux dont ils rapportent la guérison , aient été dans un état pire. ...->-

«Ce qui n'est pas moins remarquable que la rapidité de l'amaigrissement, dit le D1 Deslandes (page 106), : c'est la facilité avec laquelle l'embonpoint renaît chez la plupart des masturbateurs, quand ils se font trêve en suspendant leurs manoeuvres. Toutefois , il est des indi-


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vidus qui restent, toute leur vie, grêles et desséchés, par suite de l'abus qu'ils ont fait d'eux-mêmes pendant leur jeunesse.-» Ailleurs (page 125) il fait observer que les palpitations, lés étouffemens survivent quelquefois pendant de longues années à l'onanisme. « Malheureusement, dit-il encore un peu plus loin (page 153), la simple cessation de l'onanisme ne suffit pas toujours pour que les traces de son passage parviennent à s'effacer complètement. » Ainsi le Dr Deslandes a constaté, comme ses prédécesseurs; qu'il existait de grandes différences parmi les masturbateurs corrigés; mais il n'en a pas même cherché l'explication.

Cependant il ne s'agit de rien moins que de savoir pourquoi les uns guérissent plus ou moins pf omptement, plus ou moins complètement ; tandis que les autres continuent à languir et à souffrir pendant le reste de leur vie. Il suffit d'examiner les symptômes éprouvés par ces derniers , pour reconnaître la cause qui s'est opposée à leur guèrison ; car ces symptômes sont ceux que produisent les pollutions diurnes.

Mais si l'on se demande ensuite, pourquoi les uns sont restés sous le poids de pollutions diurnes, tandis que d'autres eh ont été exempts > on finit par s'apercevoir qu'on a été dupe d'une illusion, en confondant- des individus 1 qui ne se ressemblaient pas.

En effet,. les uns ont triomphéde leur mauvaise habitude par la force de leur volonté ; lès. autres y ont renoncé par impuissance. Les premiers ont résisté à leurs désirs quand ils étaient encore très-vifs ; il leur a fallu beaucoup d'énergie morale , beaucoup dé persévérance, pour en triompher ; les autres se sont ralentis à mesure qu'ils ont


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été moins sollicités, et la diminution progressive de leurs érections était due à des pollutions diurnes inaperçues. , Ces derniers se font illusion sur la cause de leur changement de conduite, au point de s'en attribuer tout le mérite; ils s'étonnent du peu d'amélioration qu'ils en ont retiré ; quelques-uns même font à leur médecin une objection assez embarrassante. « C'est justement, disent-ils, depuis que j'ai renoncé à mes habitudes , que ma santé s'est altérée de plus en plus. » Ce fait, rigoureusement vrai, étant exposé de bonne foi et justifié par des détails circonstanciés, détourne les praticiens de la véritable cause des symptômes qu'ils observent. Quelques-uns de ces malades trompés par ce qu'ils ont entendu dire de la puissance des plus mauvaises habitudes, finissent même par se persuader que celle-là leur était devenue nécessaire , et ne tardent pas à céder à la première tentation.

Tous ces faits, embarrassans au premier coup-d'oeil, sont pourtant bien faciles à concevoir, pour peu qu'on y réfléchisse.

Dans le principe, les organes génitaux sont sains; la constitution est intacte ; il n'y a de pertes séminales que celles qui sont provoquées par la volonté : l'intégrité des digestions permet une prompte réparation. Mais, dès que l'irritation s'est emparée des organes spermatiques, une abondante quantité de sperme s'échappe tous les jours, plusieurs fois par jour, sans que le malade s'en doute ; les digestions se dérangent ; les érections diminuent, ainsi que les sensations voluptueuses , parce que le sperme est moins élaboré; les provocations dangereuses s'affaiblissent donc peu à peu, et le malade renonce


. ■ . 473 facilement à des habitudes qui ne lui inspirent plus que du dégoût. Alors il se croit sage ; il s'étonne que sa santé s'altère de plus en plus , parce qu'il ignore qu'il perd plus 1 desperme en un jour, par des évacuations imperceptibles, mais souvent répétées , qu'il n'en rendait autrefois d'une manière patente ; enfin, parce qu'il ne tient pas compte de la difficulté qu'éprouve alors l'économie affaiblie à réparer ces pertes multipliées.

Il ne faut donc pas confondre ceux que la virilité abandonne, avec ceux que leur volonté fait triompher : on ne doit donc pas être surpris de voir le changement de conduite des uns et des autres suivi de phénomènes différens et même opposés.

Pour faire comprendre les caractères distinctifs de ces deux positions, j'ai dû en présenter les traits les plus saillans ; mais on conçoit qu'il existe une foule de nuances dont je n'ai pu parler. Il y a , par exemple , des individus chez lesquels les deux ordres de phénomènes se présentent successivement, d'une manière fort distincte, à des époques peu éloignées. Tel est le malade dont parle le Dr Ûeslandes (page 120). S'étant corrigé une première fois, il vit sa santé délabrée se rétablir très-promptement. Mais, ayant repris des forces et étant revenu à ses anciennes habitudes , il retomba dans le même état qu'auparavant. Il s'arrêta de nouveau, et n'obtint de ce changement tardif aucune amélioration. Cette différence de résultats dans des circonstances semblables et chez le même individu, ne peut s'expliquer que par l'apparition de pollutions diurnes à la suite de nouvelles fatigues des organes spermatiques. Il suffit au reste de lire avec attention

31


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la description des symptômes éprouvés par ce malade, depuis cette seconde époque, pour né pas conserver le moindre doute à-cet égard ; car ces symptômes sont précisément ceux que produisent les pollutions diurnes.

On peut voir, dans l'observation 57me, la confirmation la plus claire et la plus complète de cette explication bien simple : le malade s'est rétabli deux fois, après avoir maîtrisé sa passion; mais, la troisième fois, il n'y a renoncé que par dégoût, et sa santé n'a fait que dépérir de plus en plus, jusqu'à ce que la cautérisation est venue arrêter les pollutions diurnes.

Je pourrais multiplier les citations de cette nature : mais ceci suffit pour faire comprendre tous les cas analogues. Je signalerai seulement ici quelques-uns des obstacles qui s'opposent à l'exécution des bonnes intentions conçues par beaucoup de masturbateurs.

Après quelques jours de continence absolue, achetée par une foule de précautions , ils éprouvent souvent des pollutions nocturnes, d'autant plus fréquentes et plus abondantes, que les organes spermatiques ont été plus irrités, et ils sont presque toujours plus affectés de ces pertes involontaires , que de celles qu'ils se procuraient auparavant. Au lieu de les combattre par des moyens convenables, ou après en avoir employé quelques-uns sans succès, ils croient pouvoir diminuer le mal en cherchant à remplacer ces pertes involontaires par d'autres moins fréquentes , et retombent ainsi dans leurs habitudes, en augmentant encore l'irritation des organes spermatiques. Bientôt ce sont des pollutions diurnes qui les ruinent; mais, comme ils ne s'en aperçoivent pas, ils


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se félicitent de la disparition progressive de leurs pollutions nocturnes. Cependant leur santé se détériore tous les jours davafltage : alors ils n'y comprennent plus rien, et finissent par croire qu'ils se sont trompés sur la véritable cause de leurs maux.

Là fréquentation des femmes a été généralement conseillée en pareil cas , et avec raison, car les exemples de succès ne manquent pas; mais il en est de ce moyen comme de tous les autres ; il faut d'abord qu'il puisse être employé, et dans ce cas on doit encore distinguer les circonstances dans lesquelles il peut être avantageux ou nuisible.

Beaucoup de mes malades avaient tenté cette épreuve, et s'étaient trouvés dans l'impossibilité absolue de la pousser jusqu'au bout : ils s'en prenaient au dégoût que leur avaient causé les femmes auxquelles ils avaient dû s'adresser , à la crainte de compromettre leur santé, etc., ce qui se conçoit très-facilement ; d'autres femmes leur avaient inspiré du respect ou dès scrupules de conscience ; ils avaient redouté une grossesse ou la possibilité d'un scandale : la hardiesse des unes les avait offusqués, la réserve des autres les avait glacés : restait le mariage , mais ils en prévoyaient trop les conséquences fâcheuses...

Les nombreuses confidences de ce genre que j'ai

reçues, m'ont paru pleines de vérité ; toutefois, en entrant dans des détails plus intimes , je suis toujours arrivé à reconnaître qu'il y avait eu impuissance plus ou moins avouée, et qu'elle était le résultat de pollutions diurnes , dont les malades n'avaient reconnu l'importance que plus tard. ''■■'•


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Quanta ceux qui ont pu accompbir leur dessein, ils avaient éprouvé une exaspération notable des accidens.

Il est vrai que je n'ai pas été consulta par ceux qui s'en étaient bien trouvés , et j'avoue que le nombre doit en être grand ; mais je n'ai pas à m'en occuper.

D'où vient encore ici la différence des résultats observés chez des individus placés dans les mêmes circonstances apparentes? De ce que les uns avaient des pollutions diurnes, entretenues par une irritation des organes spermatiques, tandis que les autres en étaient exempts.

Tous les auteurs regardent la masturbation comme une des causes les plus communes de l'hypochondrie; cependant aucun n'a expliqué jusqu'à présent, d'une manière satisfaisante, pourquoi cet état persiste avec tarit d'opiniâtreté, quoique les malades se soient corrigés depuis bien long-temps.

S'il ne s'agissait, comme on l'a dit, que d'un affaiblissement de l'économie, d'un trouble dans les fonctions du système nerveux, comment les traitemens les plus variés, les voyages, les exercices, les distractions de toute espèce ne produiraient-ils aucun effet? Dans tous les cas de cette nature qu'il m'a été donné d'observer avec soin, j'ai toujours vu les symptômes d'hypochondrie entretenus par des pollutions, dont la plupart de ces malades ne se doutaient pas : les fonctions intellectuelles et morales se sont améliorées avec les digestions, le sommeil, etc., à mesure que ces pollutions diminuaient, et le rétablissement a été complet, toutes les fois que ces pertes n'ont plus reparu.

J'ai rapporté ( N° 59 ) un cas de ce genre très-remar-


477 . ,

quable, à cause de la monomanie singulière qui accompagnait l'hypochondrie , et du succès rapide de la cautérisation. Cet exemple suffit pour donner une idée des autres. -

Beaucoup d'auteurs ont fait remarquer l'indifférence et même l'àversiôn des masturbateurs pour les femmes. Ce sentiment est, en effet,. très-commun chez ceux qui ont poussé fort loin leurs déréglemens ; mais je ne crois pas qu'il tienne, comme on l'a prétendu, à la longue habitude des plaisirs solitaires ; du moins je puis assignera cette aversion une cause plus directe : je veux parler de l'impuissance relative dans laquelle tombent ces malades. Je dis relative, parce qu'ils éprouvent bien des érections suffisantes pour se livrer encore à leur passion, mais elles sont beaucoup trop incomplètes pour qu'ils osent s'exposer à une honte certaine; et ce qui prouve'que c'est bien cette crainte qui domine chez eux, c'est qu'ils ne manifestent ces sentimens pour les femmes, qu'après avoir éprouvé plusieurs catastrophes , dont le souvenir les poursuit partout; c'est qu'ils changent complètement de manière de voir, quand on parvient à détruire les pollutions diurnes qui entretenaient cette impuissance relative et ces craintes fondées.

Tenipéramens, etc. Les effets des abus génitaux varient beaucoup par leur intensité et par leurs caractères , suivant les individus. Il en est qui résistent pendant fort long-temps à la masturbation la plus effrénée, tandis que d'autres sont très-promptement indisposés. J'ai vu à cet égard les plus grandes oppositions et toutes les nuances intermédiaires.


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Les tempéramens paraissent avoir peu de part à cette inégalité de résistance. La force ou la faiblesse de la constitution n'en a pas autant qu'on pourrait l'imaginer. La puissance très-inégale des organes génitaux peut seule en donner, Une explication satisfaisante. Comme j'aurai les mêmes observations à faire à l'occasion des excès vénériens, j'y renvoie pour éviter les répétitions.

Idiosyncrasies. Ghez le même individu, tous les organes ne sont pas non plus également affectés par les mêmes abus, comme le prouve Ja prédominance fréquente de certains symptômes, qui donne à l'ensemble une physionomie particulière et conduit bien souvent aux erreurs les plus graves de diagnostic et de traitement, ainsi que j'ai eu soin de le faire remarquer , toutes les fois que l'occasion s'en est présentée. Cette prédominance qui s'observe dans tous les cas où une cause générale agit sur toute l'économie, tient à l'inégalité de développement ou d'activité qui existe toujours entre quelques organes, J'aurai la même remarque à faire à l'occasion de toutes les pertes séminales exagérées, quelle qu'en soit la cause ; ainsi je ne m'y arrêterai pas en ce moment. J'examinerai seulement l'action directe, immédiate des abus en question, sur les organes même qui en sont les agens, afin de faire comprendre comment il en résulte des, pollutions nocturnes et diurnes.

Êcoulemens. Les blennorrhées chez les masturbateurs sont plus communes qu'on ne pense ; j'en ai rapporté plusieurs exemples (Nos 61, 62. §.1,2, 3 ) à cause des circonstances importantes qui s'y rattachaient. Je vais donner un résumé de ceux qui n'offraient pas d'autre intérêt.


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Chez la plupart de ces malades , la matière était peu abondante, visqueuse, presque transparente ou peu colorée; elle différait àpeine du fluide prostatique ordinaire ; mais, chez un assez grand nombre d'autres , l'écoulement était abondant, plus ou moins coloré , accompagné de douleur dans lé canal ; surtout en urinant : plusieurs ont éprouvé tous les symptômes d'une blennorrhagie "contagieuse; d'autres ont vu reparaître les mêmes accidens à deux ou trois reprises ; il en est un qui en a été repris jusqu'à cinq fois , toujours parla même cause : il est bien remarquable que, chez ces derniers, il existait une sorte d'intermittence dans les habitudes; après avoir été modérées et même suspendues pendant un temps plus ou moins long, elles revenaient avec une espèce de fureur dont les malades n'étaient plus les maîtres, et c'est à la suite de ces recrudescences que survenaient ces écoulemens. ". Deux autres , à la suite de blennorrhées semblables, ont vu le canal se resserrer dans un point, comme à la suite d'une urétrite contagieuse ; l'un de ces fétrécissemèns était fort étroit, et sa guérison fut difficile à obtenir.

Je dois faire observer que je parle seulement de malades qui n'avaient jamais eu de rapport avec aucune femme ; que je fais abstraction de ceux qui avaient des affections cutanées, auxquelles la membrane muqueuse de l'urètre pouvait participer; enfin , que treize d'entre eux n'étaient pas encore pubères, n'avaient jamais rendu de sperme, quand ces écoulemens leur sont survenus.

Les auteurs contiennent aussi beaucoup d'exemples de ces écoulemens provoqués par la masturbation. J'en ai déjà rapporté plusieurs : en voici quelques autres.


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Le D1 Terâube dit, pag. 107, avoir connu un jeune homme qui, au bout d'un an, ne pouvait plus s'abandonner à ses brutales manoeuvres, sans éprouver un écoulement qui le faisait beaucoup souffrir. Le D1'Deslandes parle (pag. 292) de cas du même genre, et les croit plus communs qu'on ne pense , parce que leur peu d'importance a été cause qu'on ne les a pas publiés. C'est aussi mon opinion. Il a cependant conservé l'observation d'un jeune masturbateur qui avait un écoulement semblable, depuis plus de six mois , sans avoir jamais vu de femmes de sa vie. « Aussi Closs n'hésite-t-il pas à regarder cette blennorrhagie comme un résultat de là masturbation, dont le malade avait contracté l'habitude, même avant la puberté (pag. 293).» . ' '

Ces écoulemens n'ayant été provoqués par aucun virus, par aucune disposition constitutionnelle, ne peuvent être attribués qu'à la masturbation. La plupart s'étant manifestés avant la puberté, il est évident aussi qu'ils ne pouvaient être de nature spermatique.

Je ne reviendrai pas sur la fréquente coïncidence de ces blennorrhées avec les pertes séminales provoquées par la défécation et l'émission des urines ; sur l'erreur qui en est résultée quant à l'admission d'une gonnorrhêe simple ou vraie, d'un écoulement continude sperme, etc. (1): j'aurai d'ailleurs à revenir sur cette question, quand je m'occuperai des symptômes de la spermatorrhée : ce que j'ai voulu constater ici, c'est que la masturbation peut

(1) Voyez Observ. 62, §-1,2 , 5.


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produire des urétrites aussi intenses que la blennorrhagie contagieuse.

Prosiaùte. Plusieurs de mes malades avaient eu des rétentions d'urine plus ou moins prolongées, à la suite d'abus effroyables ; il en est même qu'il a fallu sonder : enfin , chez l'un d'eux , il s'en est suivi une suppuration qui s'est fait jour par le périnée, et dont il s'est ressenti toute sa vie.

Cystite. J'ai rapporté plusieurs exemples d'inflammation aiguë ou chronique de la vessie, dont la masturbation avait été la seule cause (1).

Emissions de sang;D'autres malades ont poussé leur fureur jusqu'à ne plus rendre que du sang pur , ou du sperme mêlé de sang. Les auteurs sont pleins défaits semblables. Tissot parle d'un jeune garçon qui finit par ne plus rendre que du sang, dont la sortie fut suivie d'une douleur excessive et d'une inflammation, de tous les organes de la génération. Le D 1' Dalàudeterie a rapporté (2) l'histoire d'un jeune masturbateur, chez lequel les érections étaient douloureuses, de peu de durée. Dans les éjaculations provoquées manuellement, il ne rendait plus, au lieu de sperme, que du sang à demi caillé, noirâtre ou jaunâtre ; il en sortait quelquefois jusqu'à une cuillerée. Ces éjacu-- lations étaient toujours accompagnées de douleurs. ' Le berger dont j'ai déjà parlé , d'après Chopart, était dans le même cas. Le D 1' Deslandes cite aussi des exem(1)

exem(1) surtout les Observ. 54 et 55.

(2) Journ. de me'cl., cHr. etph., 1813, t. XXVII, p. 367.


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pies analogues. Tous ces faits prouvent que l'état pathologique de l'urètre avait fini par s'étendre à la membrane muqueuse des vésicules séminales.

D'autres malades ont éprouvé des pissemens de sang plus ou moins graves : plusieurs ont eu des irritations delà vessie et des reins, caractérisées par une sécrétion abondante d'urine sanguinolente, par un besoin continu de les évacuer : quelquefois même leur expulsion était involontaire. Le D 1' Deslandes dit avoir observé plus d'une fois l'incontinence d'urine chez des jeunes masturbateurs (pag. 296). :■''■

Ainsi, l'inflammation ou l'irritation, provoquée parla masturbation, peut remonter, comme la blennorrhagie, de proche en proche, jusqu'à l'organe sécréteur de l'urine! Il est facile de concevoir que cette influence ne doit pas seulement s'étendre dans ce sens.

Orchites. Plusieurs de mes malades avaient éprouvé de véritables inflammations aiguës des testicules, à lasuite de manoeuvres répétées avec une espèce de fureur. Quelques-uns même ont dû être traités avec énergie, par des sangsues, des bains répétés , etc. 1, et l'un d'eux n'était pas encore pubère quand cet accident lui arriva. Il est possible que , dans certains cas, des circonstances accès 1 soires aient aidé au développement de ces inflammations; mais les malades eux-mêmes ne les attribuaient qu'à la masturbation. D'autres, moins affectés, ont ressenti pourtant de vives douleurs dans les testicules et les cordons spermatiques, et ces douleurs étaient ordinairement accompagnées de gonflement plus ou moins prononcé de ces parties, ou d'engorgement de l'épididyme.


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D'autres y éprouvaient une tension pénible ; il leur semblait que les testicules étaient comprimés comme dans un étau, ou serrés par une main de fer. Chez un grand nombre , le moindre contact était insupportable ; chez plusieurs autres, le poids des testicules causait des tiraillemens très-douloureux. Dans tous ces cas, les malades étaient forcés de les soutenir par un suspensoire, et même de les garantir avec du coton ou de la peau de cygne.

Tous les ouvrages qui traitent de ce sujet, sont pleins d'observations semblables ; elles seraient encore plus nombreuses, si l'on avait attaché à ces symptômes toute l'importance qu'ils méritent. Voici quelques-unes des plus remarquables.

Un des malades, dont le Dr Doussin-Dubreuil a cité rhistoire(l), « éprouvait de vives douleurs dans les testicules, à tel point que le droit était considérablement remonté, avec tous les signes de l'inflammation. » ITétait obligé de porter ses bourses dans un sac : il éprouvait souvent des rétentions d'urine, etc. Le D1 Brodie rapporte aussi (2) l'observation d'un masturbateur effréné qui éprouva de violentes douleurs dans le testicule gauche , sans avoir reçu de coup, ni éprouvé de blennorrhagie. Ce testicule se tuméfia d'abord et finit par s'atrophier plus tard.

Le D1 Deslandes remarque aussi que « beaucoup de masturbateurs éprouvent dans les testicules une sensibilité fort incommode, ou des douleurs plus ou moins vives qui se prolongent le long du cordon ( page 541 ).. »

(1) Lettres sur les dangers de l'onanisme , pag. 64.

(2) The London med. and phys. Journal, october 1826.


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Ces accidens, que j'ai dû considérer isolément, marchent presque toujours ensemble, formant des espèces de groupes très-variablés, qui présentent une physionomie particulière, suivant la prédominance de l'un des symptômes. Quelquefois les malades ne parlent que d'un seul, parce qu'un seul les a frappés ; mais , quand on les interroge avec patience, on ne tarde pas à constater qu'ils en ont réellement éprouvé beaucoup d'autres, qui leur paraissaient insignifians à côté du plus grave.

Il est à remarquer aussi que les pollutions diurnes suivent ordinairement de très-près l'apparition de ces symptômes ; que les malades sont toujours très-long-temps ' avant de s'en douter , et quelquefois ne s'en aperçoivent que quand on leur apprend à observer ces pertes séminales.

Pour peu qu'on réfléchisse à la production de ces phénomènes morbides et à leur enchaînement, on sera frappé de la ressemblance des effets produits par ces manoeuvres forcenées avec ceux de la blennorrhagie. Si l'on se rappelle les ouvertures de cadavres que j'ai rapportées au commencement de cet ouvrage, et les altérations de tissu dont le scalpel a pu suivre toutes les nuances jusqu'aux dernières ramifications des organes génito-urinaires , on comprendra facilement comment l'inflammation s'est propagée de la membrane muqueuse de l'urètre à la prostate, et de ce point central a remonté jusqu'aux reins par la vessie et les uretères , jusqu'aux testicules par les conduits éjaculateurs, les vésicules séminales et les canaux déférens. Je sais bien que ces symptômes n'ont pas toujours présenté des caractères franchement inflammatoires ; mais


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ils ont indiqué du moins une irritation plus ou moins vive de ces parties. Je sais bien aussi que ces cas sont les plus rares ; mais ils permettent de comprendre ceux dans lesquels il n'existe qu'une excitation exagérée, anormale de ces tissus,, et confirment tout ce que j'ai dit de l'influence exercée par les canaux excréteurs sur les glandes auxquelles ils appartiennent.

Il doit être facile maintenant de se faire une idée nette de ce qui se passe dans tous les cas de cette nature), à quelques nuances près.

Les testicules sécrètent une quantité de sperme plus grande : il est par conséquent moins bien élaboré. Les vésicules séminales supportent plus difficilement sa présence , parce qu'elles partagent l'état des tissus entre lesquels elles se trouvent placées. Elles se contractent d'autant plus facilement qu'elles sont plus impressionnables. De là, des pollutions nocturnes de plus en plus difficiles à éviter, et bientôt des pollutions diurnes de plus en plus fréquentes et abondantes ; c'est-à-dire, une disposition toujours plus grande des vésicules séminales à se contracter convulsivement pour expulser le sperme.

D'un autre côté celui-ci, déjà mal élaboré par les testicules , séjournant moins dans ses réservoirs, devient dé plus en plus aqueux : à mesure qu'il perd de ses caractères physiologiques , il perd aussi de ses propriétés normales : il devient donc moins apte à produire ses effets sur les vésicules séminales; les érections deviennent moins énergiques, moins durables; puis incomplètes, capricieuses, fugaces; enfin, dans les cas les plus graves, elles disparaissent complètement.


. 486

De là l'embarras , la timidité de ces malheureux près des femmes, la crainte qu'ils éprouvent de se trouver en position de laisser paraître leur impuissance ; de là aussi leur indifférence, leur aversion même pour le sexe, et la difficulté toujours croissante qui s'oppose à leur changement d'habitude.

Voilà comment ces abus provoquent des symptômes dont on ne comprend pas la cause, parce qu'ils persistent quoique les malades se soient corrigés depuis longtemps. Voilà pourquoi ceux-là continuent à dépérir, tandis que d'autres se rétablissent dès qu'ils ont renoncé à leur passion. Voilà pourquoi les toniques, les aphrodisiaques, les bains froids, les boissons glacées produisent chez eux des effets si opposés à ceux qu'on en attend.

Il y a sans doute des cas dans lesquels les organes spermatiques sont affaiblis , relâchés : j'en rapporterai plus tard de nombreux exemples; mais on verra que cet état lient à une disposition primitive, et surtout au défaut d'exercice normal des organes, plutôt qu'aux abus dont il est ici question. Lorsque ces derniers produisent seuls des pollutions diurnes, c'est en développant dans les organes spermatiques un état de phlogose plus ou moins prononcée, plus ou moins opiniâtre. L'ignorance de cette importante vérité a fait commettre bien des erreurs, et des erreurs bien funestes : c'est pourquoi je n'ai pas craint d'insister sur tout ce qui pouvait servira sa démonstration.

Les faits que je viens de passer en revue, permettent aussi d'expliquer les contradictions qu'on rencontre dans les auteurs, relativement à l'influence de la masturbation


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sur la sensibilité des organes de la génération. La plupart prétendent que cette sensibilité augmente beaucoup chez les masturbateurs ; d'autres affirment qu'elle diminue ; il en est qui citent des faits opposés en apparence , et restent incertains entre les deux opinions ; enfin, quelquesuns se contredisent eux-mêmes dans différens endroits de leurs ouvrages.

Cette incohérence vient de ce qu'ils ont confondu des choses parfaitement distinctes et même opposées : les uns ont jugé de la sensibilité des parties génitales , par la diminution des sensations voluptueuses; les autres par l'accélération de l'éjaculation, par la susceptibilité qu'acquièrent toutes ces parties , les douleurs dont elles sont souvent le siège. Or , les différences qu'observe le même individu dans la vivacité du plaisir, tiennent essentiellement au degré d'élaboration qu'a subi le sperme dans les vésicules séminales; mais la masturbation, et surtout les pollutions qui en sont la suite, s'opposent à ce séjour prolongé du sperme : en sorte que , plus l'irritation accroît la sensibilité pathologique , plus le sperme est promptement expulsé, plus il est aqueux, plus aussi ^ la sensation physiologique qu'il détermine s'affaiblit.

C'est donc bien à tort qu'on a confondu deux ordres de phénomènes qui marchent en sens opposé. La distinction bien simple que je viens d'établir, permet seule de comprendre comment la vivacité du plaisir peut diminuer à mesure que la susceptibilité des organes augmente.

On a dit avec raison que la masturbation était le vice le plus dangereux, parce qu'il était le plus difficile à prévenir, à constater, à combattre; parce qu'il n'exi-


488 geait aucun concours, etc. Je dois ajouter, d'après les faits dont il vient d'être question, que l'irritation provoquée par ces manoeuvres brutales , amène plus facilement des pertes séminales involontaires; que l'apparition des pollutions nocturnes, chez ceux qui tentent de se corriger, les ramène souvent à leurs anciennes habitudes; enfin, que la diminution de la virilité , loin de favoriser l'amendement de ces malheureux, l'entrave quelquefois, en mettant obstacle à leurs rapports avec les femmes, sans les empêcher de se livrer à leurs manoeuvres solitaires.

L'enchaînement fatal de ces dernières circonstances est la cause la plus irrésistible des maux qui attendent ceux qui se laissent entraîner dans ce cercle vicieux.


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CHAPITRE VII.

- -: EXCES.

Je regarde comme excès en fait d'actes.vénériens (1), l'usage poussé au-delà des besoins réels. Cette expKcation peut sembler inutile en ce moment; mais on verra qu'il est plus difficile et plus important qu'on ne pense, de savoir précisément ce qui constitue un excès-, à quels signes on peut le reconnaître, etc. D'ailleurs il est toujours bon de s'entendre. .

N°. 65.

Tempérament nerveux. A su ans, excès conjugaux pendant iS mois; dérangemens progressifs de la santé: symptômes de gastrite et de maladie du coeur; évacuations sanguines répétées ; pollutions nocturnes, puis diurnes. Diète lactée, etc. Acupuncture: guérison complète.

Étant à Paris , en 1822, je fus appelé en consultation avec Dupuytren , Broussais et Récamier, pour un jeune

(1) Le D'Deslandes ,' dans tout le cours de son ouvrage, entend par acte vénérien, tout exercice des organes de la

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homme qu'on croyait affecté de maladie du coeur compliquée de gastro-entérite. On ne fut pas bien d'accord sur l'importance qu'il fallait attacher aux deux ordres de symptômes ; mais les indications paraissant les mêmes, on convint d'un traitement et d'un régime dont je fus chargé de surveiller l'exécution. Avant de procéder à de nouvelles applications de sangsues dont le malade s'était toujours mal trouvé, je l'examinai, je le questionnai à plusieurs reprises , et mes opinions changèrent avec les confidences que j'en reçus. Voici le fait.

Monsieur E. B** était petit, maigre, très-brun, d'un tempérament nerveux , d'un caractère ardent et ferme. Né de parens robustes, il avait été élevé, d'après les idées de Rousseau, s'était livré de bonne heure à de rudes exercices, ,à des voyages, avait bravé l'intempérie des saisons, et, par celte vie active , il avait échappé à toute mauvaise habitude , à tout commerce avec les femmes.

A 21 ans, il épousa une jeune personne charmante dont il était éperdument amoureux, et pendant 18 mois,

génération accompagné de plaisir. Cette extension du sens étymologique a le grave inconvénient de jeter continuellement de la confusion dans l'esprit du lecteur. Il serait à désirer , sans doute , qu'il existât un mot qui permît d'indiquer , d'une manière générale , tout emploi normal ou anormal de ces organes; mais il.vaudrait mieux le créer que d'appeler acte vénérien , la masturbation, la sodomie, la bestialité ; car il rie peut y avoir rien de vénérien • dans les actes auxquels Vénus , c'est-à-dire la femme , ne prend aucune part.


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il usa des droits conjugaux, quatre à cinq fois par jour. A la fin , le coït était devenu tellement habituel chez lui, qu'il s'y livrait pendant son sommeil, et ne se réveillait souvent qu'au dénouement.

Dans le principe, toutes ses fonctions avaient pris une plus grande activité ; il se sentait plus gai, plus dispos ; son appétit surtout avait augmenté d'une manière remarquable. Mais, par la suite, cette excitation diminua peu à peu, et fit place à un état contraire. Son sommeil fut court et peu réparateur ; il éprouva de la somnolence dans le jour, et de fréquentes distractions : les digestions se dérangèrent, l'embonpoint diminua, ainsi que l'activité intellectuelle et la puissance musculaire : le "caractère devint inquiet, impatient, irascible.

Une grossesse étant survenue, ces premiers accidens se dissipèrent. Ils reparurent quelques mois après l'accouchement, et augmentèrent dès-lors d'une manière rapide. L'usage d'alimens succulens et abondàns -, au lieu de réparer les forces, provoqua des digestions laborieuses ; les boissons excitantes, prises dans l'intention d'aider le travail de l'estomac, ne firent que l'irriter ; de véritables indigestions amenèrent des symptômes de gastrite , qu'on combattit par des sangsues à L'épigastre et à l'anus. Une constipation opiniâtre se manifesta, et ne fut plus remplacée que par une diarrhée qui devint de plus en plus fréquente. Alors se manifestèrent des étouffemens, des palpitations, qui firent croire à une-maladie de coeur, et provoquèrent de nouvelles évacuationsisanguines.En même temps, les désirs vénériens s'affaiblirent dans la même proportion. Les érections diminuèrent ; l'éjaculation s'opéra


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de plus en plus rapidement, et ne provoqua presque plus - de sensation. Aussi le coït fut-il éloigné de plusieurs jours, et même d'une ou deux semaines.

Une seconde grossesse amena quelques mois de repos absolu ; cette fois, cependant, le malade ne se rétablit pas. Des pollutions nocturnes étant survenues, il les regarda comme un effet de la continence ; mais le coït, quoique rare, augmenta la faiblesse : les pollutions nocturnes diminuèrent, disparurent même complètement; ce qui n'empêcha pas les palpitations d'augmenter, ainsi que le trouble des digestions.

Le rapprochement de ces circonstances détourna sa pensée de la véritable cause des accidens. Il attribua l'inertie des parties génitales à la faiblesse générale de l'économie, qu'il croyait due aux sangsues et à la diète. En conséquence , il s'abstint de parler de ses relations conjugales, et les médecins , sachant qu'elles avaient entièrement cessé , n'en demandèrent pas davantage.

Enfin, les symptômes augmentèrent au point qu'il prit le parti de venir à Paris. Il était âgé de 25 ans / souffrait depuis trois ,. et présentait les symptômes suivans :

Maigreur et pâleur extrêmes ; sensibilité excessive à 1 epigastre ; distension habituelle de l'abdomen par des gaz ; langue légèrement rouge sur les bords et vers la pointe; anorexie ; digestion des substances animales impossible, celle des végétaux difficile, accompagnée de flatuosités et de bouffées de chaleur à la figure ; constipation opiniâtre , alternant avec la diarrhée ; coliques venteuses , souvent très-alarmantes , revenant par accès variables, sans cause appréciable.


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Ces coliques commençaient par une distension rapide de l'estomac, accompagnée de contractions spasmodiques du cardia et des gros intestins, d'un refoulement du diaphragme aveCîinenace de suffocation : alors les palpitations redoublaient ainsi que l'anxiété précordiale ; une congestion brusque s'opérait vers la tête; les frissons étaient remplacés par une chaleur brûlante, suivie d'une sueur abondante : après un temps variable , une détente soudaine avait lieu, et bientôt l'expulsion d'une grande quantité de gaz, par en haut et par en bas, amenait un affaissement notable de l'abdomen et un soulagement subit : la prostration générale qui succédait à ces attaques, était proportionnée à leur intensité et à leur durée.

Voici ce qui se passait du côté de la circulation : palpitations habituelles , augmentées par le moindre mouvement, par toute impression physique ou morale un peu vive, et surtout par le travail de la digestion ; battemens du coeur précipités, irréguliers, mais pas plus forts, pas plus étendus que dans l'état normal ; point de bruit de râpe ni de soufflet ; pouls petit et misérable.

Du reste, faiblesse générale ; lassitudes spontanées, surtout dans les jambes et les lombes ; diminution de la mémoire ; tendance à l'assoupissement; impatience pour la moindre cause; sommeil léger, agité, non réparateur; sensibilité excessive au froid et à l'humidité.

Ces symptômes avaient été observés par tous.les praticiens consultés jusqu'alors. Voici ceux qu'ils n'avaient pas remarqués : pendant l'expulsion des,matières fécales, issue par l'urètre d'une matière épaisse, visqueuse, onctueuse, légèrement opaque ; émission des urines fréquente, en


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petite quantité chaque fois et avec peu d'énergie; dernières gouttes épaisses et visqueuses ; après le refroidissement , urines troubles, fétides, laissant déposer un sédiment floconneux , épais , blanchâtre ; sentiment de lassitude au périnée ; douleurs dans les cordons spermatiques et les testicules ; contractions spasmodiques entre les sphincters de l'anus et le col de la vessie.

En comparant ces circonstances au tableau de la consomption dorsale d'Hippocrate et aux symptômes de pollution diurne décrits par Wichmann et Ste-Marie, je n'hésitai pas à regarder les perles séminales involontaires comme la cause de tous les accidens.

Je conseillai en conséquence le lait glacé , coupé avec l'eau de chaux, ou l'eau de Spa ; quelques végétaux pour tout aliment; des lotions froides sur le périnée, matin et soir, avant et après la défécation ; une vie agricole toute matérielle ; des exercices courts et répétés.

Quand je revis le malade l'année suivante , je trouvai que ces moyens avaient produit une légère amélioration; mais elle ne faisait plus de progrès depuis long-temps.

Je me déterminai en conséquence à tenter de l'acupuncture, et je la pratiquai à l'aide de deux longues aiguilles que j'introduisis vers la partie moyenne du périnée , de manière à traverser, la prostate dans la direction des vaisseaux éjaculateurs. *

A partir de ce moment, les pollutions diurnes cessèrent presque subitement ; quelques pollutions nocturnes se montrèrent ensuite, mais accompagnées de rêves, d'érections énergiques et de plaisir : les désirs erotiques se réveillèrent, les besoins devinrent impérieux, la con-


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tinence cessa , et le rétablissement marcha rapidement.

Depuis 16 ans , M1 B** jouit de toute la plénitude de ses fonctions, et s'il ne les exerce plus comme autrefois, c'est que l'expérience du passé le rend circonspect.

. Je n'ai pas besoin de dire que les symptômes de gastrite et d'affection du coeur se sont dissipés avec les pollutions diurnes.

Le vif intérêt que je portais à ce malade , m'a seul fait découvrir , à force de patience et de questions, ce qui avait échappé aux célèbres praticiens que j'ai cités ; car mon attention n'avait pas encore été fixée sur une maladie que j'étais loin de croire si commune et susceptible d'une telle gravité. Mais ce fait m'a vivement frappé : je dois même dire que c'est lui qui m'a ouvert les yeux sur la cause d'une foule de symptômes de même nature, que j'ai bientôt rencontrés chez d'autres malades ; c'est lui qui m'a mis sur la voie des recherches que je publie en ce moment.

Ici, pas la moindre complication. Les premiers rapports sexuels commencent tout-à-coup, à 21 ans ; la constitution est éminemment robuste, et les organes génitaux ont été préservés de tout abus : aussi l'orgasme qui s'en empare, porte-t-illeur activité au plus haut degré ; aussi toute l'économie reçoit-elle une vive excitation de cette ère nouvelle de plaisir et de bonheur : pendant quelque temps toutes les fonctions s'exécutent avec plus d'énergie, les pertes sontpromptementréparées, et la santé se montre dans toute sa vigueur. Comment alors soupçonner un


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danger? Le passé ne semblait-ilpas répondre de l'avenir? Èst-il facile d'ailleurs de s'arrêter quand les sens parlent si énergiquement,. quand les séductions sont inévitables, quand l'amour propre même est enjeu? L'habitude seule : aurait suffi pour entretenir ces excès , puisque son influence allait jusqu'à suppléer à la volonté.

Une grossesse fit diparaître les premiers accidens, parce qu'ils n'étaient encore produits que par les excès vénériens. Une seconde n'a pas eu le même résultat, parce qu'il s'était déjà développé des pollutions diurnes. Leurs effets locaux et généraux, les erreurs qui en ont été la suite, n'ont pas besoin de commentaire.

Le régime lacté et l'exercice ont produit une légère amélioration, mais d'une manière extrêmement lente ; et, depuis long-temps elle avait cessé de faire des progrès, quand j'ai revu le malade l'année suivante. Il n'en a pas été de même de l'acupuncture : son action a été subite et ses résultats durables. Ce qui m'a porté à l'essayer, c'est le caractère des sensations éprouvées au périnée ; ce sont les contractions spasmodiques rapportées entre l'anus et la vessie, c'est-à-dire , probablement dans les vésicules séminales. Il m'a semblé que ces symptômes étaient purement nerveux , que l'habitude devait entrer pour beaucoup dans leur persistance; car la puissance de l'habitude s'était manifestée d'une manière bien évidente pendant le sommeil. Le succès a justifié mes prévisions, et la promptitude des effets ne peut s'expliquer que par la perturbation apportée dans le système nerveux de ces parties.

Un pareil résultat devait me faire concevoir de grandes espérances de l'acupuncture pour la guérison des pertes


497 séminales involontaires. Cependant , ce moyen ne m'a réussi que dans un petit nombre de cas. En comparant ces faits entre eux, j'en ai bientôt trouvé la raison. La plupart des pollutions diurnes sont entretenues par un. état d'inflammation chronique ou de vive irritation, contre lequel l'action des aiguilles est impuissante. Elle ne peut guère avoir une influencé durable sur l'atonie des canaux éjaculateurs : restent donc les cas où il n'existe qu'un état purement nerveux, une habitude spasmodique, et ce sont les moins fréquens. Il faut y joindre cependant ceux dans lesquels ce désordre nerveux persiste après la destruction de l'irritation ; mais ils sont encore plus rares.

§. I. —J'ai sous les yeux le mémoire d'un professeur de collège qui se maria fort jeune pour éviter le libertinage , après avoir résisté à la tentation des mauvaises habitudes, et succomba, comme le malade précédent, à des désirs immodérés, dont sa santé ne tarda pas à se ressentir. Il prit des alimens succulens pour réparer ses forces, et des boissons excitantes pour favoriser ses digestions. Une gastrite en fut le résultat ; elle fut traitée par les sangsues, les bains et un régime végétal. Un séjour de deux mois dans les montagnes le rétablit; mais, de retour près de sa-jeune épouse, il retomba dans le même état. La constipation survint; lès fonctions intellectuelles s'affaiblirent. Trois fois encore il obtint une grande amélioration pendant les vacances, qu'il passait loin de sa femme ; mais des pollutions nocturnes survinrent ; il fut forcé de renoncer au professorat, etc.


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On voit que cette observation ressemble beaucoup à la précédente ; seulement ici les symptômes prédominans se partagèrent entre la tête et l'estomac.

Les excès conjugaux sont dignes d'intérêt sous tous les rapports , car ils se rattachent au lien fondamental de la société; et ceux qui y sont le plus exposés, sont précisément les époux les plus jeunes, les moins expérimentés, les plus passionnés , ceux dont la conduite antérieure a été la plus régulière : cependant ces cas sont si communs, ils ont été si bien résumés par Hïppocrate, que je ne crois pas nécessaire d'en rapporter d'autres exemples.

66.

Constitution robuste. Excès vénériens jusqu'à s4 ans : inflammation chronique de la vessie; pollutions nocturnes et diurnes. Cautérisation : guérison complète.

Le D1 D**, petit, brun, robuste, d'un caractère gai, rechercha les femmes avec passion dès qu'il fut libre de ses actions. Il eut, pendant long-temps, plusieurs intrigues à la fois , et se livra souvent à de grands excès. Il les poussa plusieurs fois jusqu'à ne rendre que du sang. Sa santé s'altéra ; ses désirs diminuèrent et finirent par disparaître complètement. Malgré sa continence absolue, il


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vit sa position s'aggraver de plus en plus pendant quinze mois. C'est alors qu'il vint me consulter, en ri 852; il était âgé de 25 ans, et offrait les symptômes suivans :

Maigreur excessive; face pâle et triste; yeux cernés et caves ; voix faible ; émission des urines répétée vingt à trente fois par jour , accompagnée d'ardeur, d'élanceniens au col de la vessie; jet mince, faible, embarrassé; dernières gouttes d'urine expulsées avec peine , provoquant des contractions spasmodiques de la vessie et l'expulsion d'une matière épaisse, visqueuse, qui s'arrête au méat, et ne sort que par l'expression du canal ; urines abondantes, troubles, quelquefois sanguinolentes,. d'autres foisjumenteuses, se décomposant toujours promptement, exhalant une odeur infecte , et contenant un dépôt abondant de matière épaisse et floconneuse ; sentiment de pesanteur vers le rectum et la marge de l'anus ; contraction spasmodique des sphincters ; constipation habituelle, opiniâtre , malgré l'usage réitéré des lavemens ; défécation pénible etmêmè douloureuse, provoquant l'expulsion par l'urètre d'une quantité plus ou moins considérable de matière semblable à celle des pollutions nocturnes, entraînée quelquefois par un jet d'urine , mais toujours facile à reconnaître quand la vessie est préalablement vidée ; efforts pour rendre des vents produisant quelquefois une évacuation semblable, mais moins abondante ; pollutions nocturnes, fréquentes dans le principe, rares depuis quelques mois ; douleurs dans les cordons spermatiques et les testicules , diminuant par l'usage d'un suspensoire ; digestions laborieuses , accompagnées de flatuosités , d'aigreurs , de bouffées de chaleur à la figure ; diminution de la mé-


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moire' ; travail intellectuel difficile , provoquant de la céphalalgie, des étourdissemens, des tintemens d'oreille ; besoin de mouvement, contrastant avec la faiblesse des jambes ; sommeil léger, souvent interrompu par le besoin d'uriner ; lassitude plus grande le matin que le soir : cathétérisme très-douloureux ; sensibilité excessive et contraction spasmodique du col de la vessie.

D'après la réunion de ces symptômes , je proposai au Dr D" la cautérisation. Il en avait étudié les effets à l'hôpital et s'y était décidé d'avance. Je promenai rapidement le nitrate d'argent sur le col de la vessie, et plus lentement à la surface de la prostate. La douleur fut trèsvive, mais diminua -promptement. Du reste, les effets immédiats ne présentèrent rien de particulier. Des bains prolongés, desboissons abondantes, deslavemensrépétés, suffirent pour calmer l'inflammation.

Depuis cette époque, j'avais complètement perdu de vue le D 1" D**, lorsque je le rencontrai chez mon libraire, au moment où je faisais imprimer la première partie de cet ouvrage : il était tellement changé, que je lui parlai pendant quelque temps avant de pouvoir le reconnaître. Sa figure était très-colorée, sa voix forte et sonore; il avait pris un embonpoint, rare à 27 ans. Son rétablissement avait été lent, mais progressif et complet, sans qu'il eût rien fait depuis la cautérisation. Il supportait parfaitement le froid et l'humidité ,■ auxquels il avait été trèssensible , et toutes ses fonctions, sans exception, s'opéraient comme avant sa maladie. ,


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L'affection des voies urinaires accompagnait celle des organes spermatiques , et les vésicules séminales étaient probablement dans un état analogue à celui de la vessie. En effet, les excès avaient été poussés plusieurs fois jusqu a n'amener que du sang : une sensibilité excessive existait dans la région prostatique ;' les cordons spermatiques et les testicules étaient le siège de fréquentes douleurs.-L'irritation a donc passé par les conduits éjaculateurs et les vésicules séminales, avant d'arriver aux testicules.

C'est à cette irritation qu'il faut attribuer les pollutions nocturnes, puis diurnes. La constipation a sans doute favorisé les pertes séminales qui avaient lieu pendant la défécation; mais elle était due elle-même à l'irritation de la région prostatique , comme l'indiquent la contraction spasmodique des sphincters et le sentiment de pesanteur éprouvé du côté du rectum et à la marge de l'anus. Au reste, ce qui prouve bien que tous ces symptômes tenaient à la même cause, c'est qu'ils ont tous cédé à la cautérisation.

. " 67.

Tempérament sanguin. Excès fréquens de 48 à 2-i- ans-: hématurie; éjaculations sanguinolentes; cystite chronique ;

■ pollutions nocturnes et diurnes. Cautérisation : guérison complète au bout de 3 semaines.

M. 1' B**, commis voyageur , d'une taille élevée., d'un tempérament sanguin , athlétique, d'un caractère insou-


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ciant et léger, fit de grands excès avec les femmes depuis l'âge de 18 ans, sans remarquer d'altération dans sa.santé. A 24 ans , ayant répété le coït jusqu'à dix fois dans une nuit -, comme cela lui était arrivé souvent, il eut une hématurie qui se dissipa le lendemain. Quelques jours après, ayant revu la même femme, il éprouva de la douleur au moment de l'éjaculation, et le sperme fut mêlé de sang.

Monsieur B** s'observa pendant quelque temps ; mais, comptant sur sa vigueur, il fit de nouveaux excès qui amenèrent les mêmes résultats. Après plusieurs rechutes, suivies de repos plus longs , des symptômes de cystite se manifestèrent. Il s'y joignit de la douleur dans les cordons spermatiques et les testicules : ces derniers se tuméfièrent plusieurs fois alternativement. Des sangsues, dés bains, etc., calmèrent ces accidens, sans les faire disparaître complètement.

Depuis lors, la continence fut observée scrupuleusement ; mais il survint des pollutions, d'abord fréquentes, quelquefois douloureuses et sanguinolentes, ensuite plus rares, presque sans érection , et sans aucune sensation de peine ou de plaisir. Enfin, elles furent remplacées par des pollutions diurnes qui achevèrent d'épuiser ses forces. Il y avait 18 mois que cet état s'aggravait, lorsque le malade, âgé de 26 ans, vint à Montpellier dans l'état suivant:

Pesanteur dans la vessie ; envie continuelle d'uriner ; émission répétée toutes les demi-heures au moins pendant le jour , toutes les heures pendant la nuit ; jet de l'urine faible et embarrassé, provoquant de la douleur au col delà vessie; dernières gouttes épaisses et vis-


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queuses; après le refroidissement, urines troubles, fétides , déposant un nuage'abondant, épais et floconneux , quelquefois même puriforme; sensation pénible au périnée et vers la racine de la verge; tiraillanens dans les cordons spermatiques ; -contraction spasmodique des sphincters : constipation opiniâtre ; émission abondante de sperme pendant les efforts de la défécation, malgré les lavemens, les douches, les laxatifs, etc. ; une ou deux pollutions nocturnes par semaine, presque passives; érections nulles dans le jour, rares et incomplètes pendant la nuit; aversion pour les femmes ; anorexie ; digestions laborieuses; dégoût du vin et des viandes ; sommeil troublé, non réparateur ; somnolence habituelle ; hypochondrie ; irascibilité ; faiblesse générale , malgré le développement remarquable du système musculaire ; lassitudes spontanées ; pesanteur habituelle dans les lombes : cathétérisme provoquant de vives douleurs, des contractions spasmodiques du canal et surtout du col de la vessie.

L'inutilité des évacuations sanguines , des émolliens , des opiacés, du camphre, etc., me fit recourir immédiatement à la cautérisation.

Je parcourus rapidement la face inférieure delà vessie , en m'arrêtant un peu plus au col, et je ne fermai l'instrument qu'au niveau du bulbe de l'urètre.

La douleur fut très-vive et ne diminua que le second jour. Les urines restèrent sanguinolentes pendant six jours, et leur émission fut très-fréquente , presque involontaire. ( 50 sangsues au périnée et aux aines ; bains prolongés ; tisanes abondantes ; lait ; bouillons pour toute nourriture. )


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Au bout de huit jours, les urines devinrent plus claires, et furent gardées plus long-temps. Aubout de quinze, elles avaient repris leur couleur êtleur transparence normales; elles n'étaient plus rendues que quatre ou cinq fois par jour, et deux fois dans la nuit ; elles sortaient avec force par un jet plein et continu, sans provoquer de douleur.

D'un autre côté, la contraction spasmodique des sphincters de l'anus se dissipa peu à peu ; la constipation cessa; les pertes séminales disparurent rapidement; les érections reprirent leur ancienne énergie et les idées vénériennes leur cours ordinaire. Au bout de trois semaines, le rétablissement était complet sous tous les.rapports.

Ce malade n'était venu me consulter que pour son inflammation de vessie, et n'avait jamais parlé à ses médecins que de cette maladie. Cependant les organes spermatiques étaient aussi affectés que les voies urinaires ; ils l'étaient de la même manière et par la même cause. Si le malade eut des hématuries à la suite de ses excès,' il rendit aussi du sang avec le sperme , non-seulement dans l'acte vénérien , mais encore dans ses pollutions nocturnes : les cordons testiculaires étaient douloureux ; les testicules avaient été tuméfiés plusieurs fois. L'inflammation s'était donc étendue aussi dans cette direction.

C'est à cet état des organes spermatiques qu'il faut attribuer les pollutions nocturnes et diurnes ; car la constipation était un des effets de la maladie , plutôt que la cause des pertes séminales qui avaient lieu pendant la


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défécation (Voy. le cas précédent). Aussi cette constipation a-t-elle cessé, en même temps que tous les autres symptômes , après la cautérisation , sans qu'on s'en occupât.

Les urines contenaient-elles du sperme? C'est probable, si l'on en juge d'après la consistance des dernières gouttes qui tombaient du canal ; mais aucune analyse chimique, aucune recherche microscopique n'aurait pu, je crois , en retrouver des traces. Au reste, peu importe, puisqu'il existait d'autres pertes séminales, puisque l'impuissance* qui en était le résultat, a disparu avec la cystite chronique , etc.

On a dû remarquer combien les idées du malade, par rapport aux femmes , ont changé dès que la guérison a fait des progrès.

IV 68.

A 3g ans, excès vénériens pendant A mois : assoupissemens ; congestions vers la tête, affaiblissement général et progressif, attribués à une affection cérébrale ou cérébro-spinale : traitement antiphlogistiques et dérivatifs multipliés et énergiques : pollutions nocturnes et diurnes méconnues.

Monsieur S**, d'un tempérament sanguin, d'un caractère ardent et disposé à l'emportement, d'une force remarquable, surtout du côté droit, fut dominé de bonne heure par la passion des affaires. Depuis 14 ans jusqu'à

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30, il travailla 16 heures par jour et quelquefois 18. Lancé dans des entreprises hasardeuses, il vit trois fois sa fortune complètement détruite, et parvint toujours à la rétablir. Cependant en 4816, âgé de 59 ans, il se dégoûta de cette vie agitée, acheta des propriétés, vécut à la campagne , et porta dans ses occupations agricoles la même activité que dans ses affaires,

Pendant la quatrième année de cette nouvelle existence* il vit son sommeil diminuer .éprouva de la somnolence dans le jour, et de ^fréquens étourdissemens. L'année suivante, lès assoupissemens devinrent plus répétés, plus prolongés ; la face fut souvent très-injectée, le sommeil agité et peu réparateur ; la main gauche parut s'affaiblir. (Saignée de 20 onces; deux, jour s après, 1S sangsues à l'anus. )

Dès-lors, ces symptômes n'ont pas cessé de faire des progrès, malgré l'emploi réitéré des saignées, des sangsues à l'anus ou derrière les oreilles, des ventouses scarifiées, -des purgatifs, des vêsicatoires, des pédiluves sinapisés, des cautères, des moxas le long de la colonne vertébrale , des frictions alcalines , épispastiquës, émétisées, etc.; malgré lès eaUx d'Aix en Savoie, celles de Leuck en Suisse, de Pouzzoles et d'ïschià en Italie.

Les congestions cérébrales se rapprochèrent ; le côté droit s'affaiblit plus tard que le gauche, mais dans la même proportion ; tous les mouvemens furent entravés par une espèce de roideur accompagnée d'un tremblement involontaire, semblable à celui qui affecte lès doreurs surmétaux ; la station perdit sasolidité, et là progression ne fut plus possible qu'avec le secours d'un aide.


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Dans son lit même , le malade ne put changer seul.de position; il fallut qu'on le retournât de temps en temps , quand il était fatigué, ce qui interrompait son sommeil, d'ailleurs fort léger. Sa langue s'embarrassa aussi ; l'articulation des sons devint lente, pénible, peu distincte. La mémoire etl'intelligence s'affaiblirent comme les mouvemens. Le caractère devint déplus en plus impatient et irascible. Les moindres impressions de toute nature furent vivement ressenties : le récit d'une bonne action, d'un trait de courage, de reconnaissance, etc., faisait couler des torrens de larmes ; la plus simple plaisanterie excitait un rire prolongé, involontaire ; souvent même les deux impressions faisant explosion à la fois, donnaient à la physionomie quelque chose de niais d'autant plus remarquable, qu'une salive abondante sortait alors de la bouche entrouverte.

Les selles devinrent irrégulières; la constipation ne cessa que sous l'influence des purgatifs, et souvent elle fut remplacée par la diarrhée. Des hémorrhoïdes volumineuses se développèrent, suivant le désir des médecins, et rendirent quelquefois abondamment, sans qu'il en résultât le moindre soulagement. Enfin, des douleurs vagues, parcourant tous les membres , entravèrent encore les mouvemens.

Tel était l'état du malade, lorsqu'il vint à Montpellier, âgé de 45 ans, et traité , depuis quatre , par les moyens les plus énergiques.

J'appris par les consultations de Dupuytren, Marjolin -, Boyer, Leroux , et dp plusieurs médecins distingués de Bruxelles, de Genève et d'Italie, que la maladie avait


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toujours été regardée comme une affection cérébrale ou cérébro-spinale, provoquée par un travail forcé , par de fréquentes émotions morales, et favorisée par une disposition héréditaire, plusieurs de ses parens étant morts ■ d'apoplexie. Seulement, quelques-uns de ces praticiens regardaient la maladie comme une simple irritation, d'autres comme une inflammation chronique ; quelquesuns admettaient une lésion organique de l'hémisphère droit du cerveau, parce que l'affaiblissement avait commencé par le bras gauche , et avait toujours été plus prononcé de ce côté que de l'autre.

Un journal de plus de 60 pages, commencé par le malade et continué par son fils, contenait une foule de détails favorables à ces opinions.

Cependant, l'ensemble des symptômes, leur marche, l'aspect de la physionomie me laissèrent quelques doutes, J'examinai les urines, et je les trouvai troubles, fétides; elles contenaient dans leur partie inférieure un dépôt épais, blanchâtre, semblable à celui que fournit, en se refroidissant, une décoction d'orge concentrée. Je donnai dès-lors une nouvelle direction à mes questions. Voici ce que le malade m'apprit, après avoir éloigné son fils.

Il ne s'était pas adonné à la masturbation, n'avait commis aucun excès vénérien, tant qu'il avait été absorbé par ses affaires commerciales ou par ses travaux agricoles ; mais, à 59 ans, n'ayant plus d'occupation sérieuse, il était devenu amoureux, et toute l'ardeur de son caractère s'était concentrée dans cette passion tardive. Pendant quatre mois il s'était livré au coït, trois ou quatre fois chaque nuit.


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C'est à partir de cette époque, qu'il éprouva des étourdissemens, des chaleurs à la figure , des assoupissemens fréquens, surtout après ses repas, puis des congestions vers la tête, et un commencement d'affaibUssement du côté gauche, qui firent recourir aux saignées générales et locales. Ses désirs vénériens diminuèrent, cessèrent même tout-à-fait, ce qu'il attribua au dérangement de sa santé ; et comme elle ne s'améKora pas, après qu'il eut cessé ses relations, il pensa qu'elles n'avaient été pour rien dans ce qu'il éprouvait. Il avait de fréquentes pollutions nocturnes, mais il les regardait comme un effet de la continence. D'ailleurs , aucun médecin ne lui avait adressé de questions à cet égard.

Ces évacuations, accompagnées dans le principe d'érections complètes, de rêves erotiques et de plaisir , avaient pris un caractère de plus en plus passif. A l'époque où je vis le malade, elles s'opéraient sans aucune sensation et certainement sans la moindre érection ; car le sperme se trouvait tantôt sur l'une des cuisses ou à l'une des régions inguinales, tantôt au milieu des poils de la base de la verge, suivant la position que le corps avait au moment de l'émission. J'ai constaté le fait plusieurs fois à l'instant du réveil, et j'ai trouvé le sperme liquide ou sec, suivant le temps qui s'était écoulé depuis sa sortie. Dans le premier état, il était séreux, transparent, inodore , semblable à une légère solution de gomme; dans le second, il formait à la surface des parties, une lame mince et luisante, comme la pellicule albumineuse que laissent après eux les limaçons. Dans tous les cas, il en restait une grande partie à l'intérieur du prépuce et de l'urètre.


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Le malade avait bien remarqué ces émissions ; mais depuis long-temps elles ne ressemblaient plus en rien à ses premières pollutions nocturnes : le fluide aqueux qui s'échappait sans érection, sans la moindre sensation, n'avait plus aucun des caractères du sperme qu'il avait observé dans le principe : d'ailleurs il rendait par le canal Une matière visqueuse tout-à-fait semblable , chaque fois qu'il allait à la selle, ou qu'il expulsait les dernières gouttes d'urine ; en conséquence, il n'avait pas attaché d'importance à ces évacuations.

Le rapprochement de toutes ces circonstances me fit penser, au contraire, qu'il avait des pertes séminales assez fréquentes , assez abondantes, pour constituer un véritable diabètes spermalique. Malheureusement je n'obtins aucune amélioration durable de la cautérisation, des lotions froides, des boissons à la glace, de l'eau de chaux, de l'eau de Spa, des opiacés, des ferrugineux, des dérivatifs, etc.

J'ai cependant cru devoir rapporter cette observation avec détail, afin de faire apprécier les circonstances qui ont causé l'erreur des praticiens les plus célèbres , et de constater jusqu'à quel point le sperme peut perdre ses caractères ordinaires.

J'avoue que les faits, présentés comme ils l'ont été constamment, devaient faire croire à une affection cérébrale chronique ; mais l'erreur devient évidente, quand on sait que les premiers accidens se sont manifestés après


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les seuls excès vénériens que le malade eût commis dans sa vie; on comprend la somnolence, les étourdissemens , les congestions cérébrales, quand on a vu ces mêmes symptômes accompagner toutes les pollutions graves. Si la santé ne s'est pas rétablie après que les rapports avec cette maîtresse ont été rompus, c'est que cette rupture n'a été amenée que par l'impuissance , et l'impuissance à cet âge , après ces excès , ne peut être attribuée qu'à des pertes séminales inaperçues. Quant à la faiblesse plus grande du côté gauche, elle tenait à la prédominance du côté droit.

J'ai dit que ce fait était remarquable par les changemens qui s'étaient opérés dans le sperme, parce que je n'ai jamais rencontré de circonstances plus propres à démontrer jusqu'à quel point cette altération peut aller. Je ne parle pas du fluide visqueux qui était rendu pendant la défécation ou l'expulsion des dernières gouttes d'urine ; on pourrait contester sa nature : mais celui qui s'échappait pendant la nuit, ne pouvait être du mucus ni du fluide prostatique, quoiqu'il en eût toutes les apparences. Ces évacuations n'avaient pas lieu toutes les nuits; elles ne s'opéraient pas d'une manière lente et continue, mais subitement, en une seule fois, presque toujours vers le matin, et le malade se trouvait inondé d'un moment à l'autre, sans en être prévenu par aucune sensation. Cette matière ne pouvait donc être que du sperme aqueux, tel que l'a décrit Hippocrate dans son tableau de la consomption dorsale.

Voici un cas dans lequel il est plus difficilede suivre la liaison de la cause première avec ses effets éloignés.


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69.

Excès anciens ; profonde hypochondrie ; pollutions nocturnes et diurnes. Cautérisation, eaux d'Aix en Savoie : guérison.

Monsieur B**, négociant, âgé de 48 ans , marié depuis .4.5,, tomba peu à peu dans la tristesse et l'ennui. Son caractère s'aigrit, devint taciturne et taquin : il s'inquiéta de tout, quoique tout fût prospère autour de lui ; querella sans cesse, malgré les attentions assidues dont il était l'objet.

Disposé à pleurer sans savoir pourquoi, il ne pensait plus qu'à la mort, et souvent il l'appelait de tous ses voeux. Sa figure était triste et pâle ; son regard sans expression ; ses digestions laborieuses ; son sommeil court et léger ; sa faiblesse physique et morale toujours croissante. Il se promenait souvent, mais il se fatiguait vite. Il éprouvait de l'essoufflement, des palpitations , de la suffocation , des vertiges, des lintemens d'oreille, etc., qui lui faisaient craindre une attaque d'apoplexie, une maladie du coeur , une hydropisie de poitrine , etc.

Enfin, il perdit souvent la mémoire et fit plusieurs chutes. On cessa dès-lors de le regarder comme un malade imaginaire; mais on ne put que très-difficilement le déterminer à recevoir les secours de l'art, tant il désirait la mort.

Après plusieurs jours d'examen, je restai convaincu


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que cette profonde hypochondrie tenait à des pertes séminales involontaires. En effet, le malade avait des pollutions nocturnes qui revenaient tous les cinq ou six jours, sans aucune sensation; il rendait du sperme en allant à la selle, pour peu qu'il fût constipé; enfin, ses urines contenaient un sédiment abondant, semblable à celui que laisse déposer une_ forte décoction d'orge, et les dernières gouttes qui tombaient du canal, étaient épaisses comme de l'eau de gomme.

La cause de cette spermatorrhée n'était pas aussi facile à saisir, car il n'y avait eu ni mauvaises habitudes , ni Mennorrhagie, ni dartres : les matières fécales ne contenaient pas d'ascarides. Le malade ne s'était livré à des excès vénériens, que dans les premiers temps de son mariage, et depuis plusieurs années il ne répétait l'acte qu'une fois par mois , plutôt par devoir que par besoin. La transition avait été tellement insensible, qu'il l'attribuait aux progrès de l'âge ; d'autant plus qu'il avait toujours montré peu d'ardeur pour les femmes.

L'eau de Spa, les boissons glacées, les lotions froides, etc., n'ayant amené aucune amélioration sensible, je me décidai à pratiquer une cautérisation à la portion prostatique de l'urètre. Dix jours après , le malade avait déjà plus d'activité, plus de force et de courage. A partir de ce moment, ses idées changèrent, ainsi que son caractère. Les eaux d'Aix en Savoie achevèrent le rétablissement.

Depuislors,M. B** se trouve danslemêmc état qu'avant le dérangement de sa santé. Son hypochondrie a si complètement disparu, qu'il est le premier à s'en moquer quand il me rencontre.


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Cette observation est si simple, qu'elle peut se passer de commentaires. Je ferai remarquer seulement, que tout est relatif en fait d'excès, et que Monsieur B** avait dépassé, sans s'en douter, les limites de ses faibles besoins, aussi bien que les malades dont j'ai parlé jusqu'à présent.

70.

Excès vénériens; pollutions diurnes. Cautérisation, etc. guérison.

Voici une observation que j'ai retrouvée dans une brochure duD.r Clément (1). Ce que j'ai à dire sur le fond, m'empêche de toucher à la forme.

« M*** , maire d'un village de l'Aveyron, âgé

de 27 ans, d'un tempérament sanguin , s'abandonna de bonne heure à toute la fougue de sa passion pour les femmes. Au bout de trois à quatre ans, il sentit son ardeur vénérienne diminuer , ses forces s'éclipser. Il se surprenait pensif et mélancolique. Il ressentait promptement le besoin de se reposer, lorsqu'il entreprenait une promenade. L'appétit manquait souvent. Ses urines lui

(1) De la spermalorrhée , etc. Montpellier , 1835 , p- 88.


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parurent bourbeuses, se décomposant promptement, déposant de petits grains blanchâtres imitant-la semoule.

iUne mucosité filante avec persévérance, claire, coulant continuellement, rappelant l'odeur du sperme, empesant la chemise, lui fit penser qu'il avait une perte de semence, ou une gonorrliée véritable. Son médecin ne lui laissa pas de doute sur la réalité de ses prévisions, et lui conseilla d'aller consulter M. Lallemand, qui reconnut en lui tous les symptômes d'une hypochondrie profonde, d'unephthisie menaçante, qu'il attribua de suite à la cause que nous avons énoncée. Il le cautérisa d'après la méthode énoncée, lui prescrivit, au bout de cinq jours, les bains sulfureux et l'usage de la glace.

» Ce jeune homme est reparti parfaitement guéri, ayant recouvré son ardeur première, au point qu'il craignait de ne pouvoir se contenir et de retomber dans de nouveaux excès : ce sont ses propres paroles. »

Le D.r Clément a cru pouvoir faire imprimer les notes qu'il avait recueillies en suivant ma pratique» tant à l'hôpital qu'en ville.... Malheureusement son travail s'est ressenti du fâcheux état de sa santé. N'ayant retrouvé aucune note sur le fait que je viens de rapporter , j'ai dû le laisser tel que le D». 1 Clément l'avait présenté ; mais je n'ai certainement pas regardé comme du sperme l'écoulement continuel dont il parle ; je n'ai pas cru à une gonorrhêe véritable. Cette opinion a pu être celle du malade,


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celle de son médecin, celle du D.r Clément, mais je suis bien sûr de ne pas l'avoir partagée. Ce que j'ai dû regarder comme du sperme, c'était le dépôt dans les urines de petits grains blanchâtres imitant la semoule. C'est à celte perte séminale que j'ai certainement attribué tous les accidens.

Je suis bien certain aussi de n'avoir pas prescrit des bains sulfureux et l'usage de la glace, cinq jours après la cautérisation, parce que cela ne m'est jamais arrivé. Il y a beaucoup trop d'irritation alors, pour que de pareils moyens puissent réussir. Il faut laisser passer quinze jours au moins avant d'y songer.

Au reste, cette observation est si incomplète, que je n'en aurais pas même fait mention, si je n'avais cru devoir rectifier ces assertions.

Dans la même brochure, le D.r Clément a cité deux autres observations de moi ( Nos 8 et 9 ), dans lesquelles il me prête la même opinion , relativement à ce qu'il appelle gonorrhêe vraie.

J'ai déjà examiné la première ( Voyez N° 62 ) : je vais bientôt rapporter la seconde. Dans l'une et l'autre, la blennorrhée était accompagnée des pertes séminales pendant la défécation et l'expulsion des urines, et c'est à elles seules que j'ai attribué l'altération de la santé.

A cette occasion je dois ajouter que le D.r Clément rapporte encore, dans la même brochure, deux observations très-courtes de lui , et qu'il intitule également : Spermatorrhêe continue. Dans la première ( Obs. 5), il est question d'un officier qui, après avoir pris pendant longtemps le remède de Leroy, eut une faiblesse extrême,


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un écoulement spermatique, qui augmentait sensiblement lors des efforts pour aller à la selle. Dans la seconde (Obs. 6), il existait des pollutions diurnes et nocturnes.

Ces faits, tout tronqués qu'ils sont, confirment donc ce que j'ai déjà dit à l'occasion de ces écoulemens continus. Quand ils sont accompagnés d'une altération de la santé, c'est qu'il existe en même temps de véritables pertes séminales, qui ont lieu d'une manière subite et intermittente, comme cela s'observe pour tout liquide renfermé dans une cavité contractile.

Dans tous les faits que je viens de rapporter, la cause première des pollutions a toujours été la même ; les excès ont pu être plus ou moins graves, mais ils ont agi seuls : il n'a pas été nécessaire de tenir compte des influences antérieures ou concomitantes, capables d'aggraver le danger ; en sorte qu'il a été facile d'apprécier nettement les effets des excès vénériens. Mais les cas simples sont rares dans la pratique. Une foule de circonstances peut donner de la gravité aux relations sexuelles les moins fréquentes. Il importe de bien apprécier tout ce qui peut agir d'une manière fâcheuse sur l'acte en lui-même , et sur ses conséquences. C'est ce que je vais essayer de faire comprendre par des faits variés.

J'ai montré, au commencement de cet ouvrage , avec quelle facilité la blennorrhagie s'étendait de l'urètre aux


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organes spermatiques et urinaires. Cet état de phlogose, après avoir diminué beaucoup , peut persister d'une manière inaperçue, ou laisser dans les tissus un état d'injection, une disposition prochaine à de nouveaux accidens , et l'acte vénérien est bien propre à les réveiller. Je vais en rapporter quelques exemples.

71.

Trois blennorrhagies : hypochondrie ; penchant au suicide; rétablissement : mariage quelques mois après ; changementdans le moral ; altération des digestions ; constipation ; agitation; insomnie; accès de fureur: symptômes d'aliénation mentale ; impuissance ; pollutions nocturnes et diurnes. Cautérisation ; amélioration rapide. Rapprochement conjugaux ; rechute.

Monsieur N**, d'un tempérament sanguin et d'une constitution robuste, fut exempt de toute maladie pendant son enfance, acquit une taille élevée et une force peu commune. Il se livra tard et rarement à la masturbation , fit peu d'excès avec les femmes, mais compromit souvent sa santé. A 20 ans, il contracta une blennorrhagie, qui disparut au bout d'un mois par l'usage du Copahu. Il en eut une autre à 25 ans, qui fut traitée comme la première et guérit en six semaines. Enfin , à 50 ans, un troisième écoulement, combattu par les mêmes moyens, céda dans le même espace de temps.


A partir de celte dernière époque , il éprouva de fréquens besoins d'uriner et ne rendit qu'une très-petite quantité d'uriné à la fois ; ses digestions se dérangèrent ; il survint de la constipation ; les désirs vénériens diminuèrent ; le sommeil fut pénible et agité ; le caractère, autrefois très-gai et même trop facile , changea complètement.

Peu à peu M. 1' N** se détacha de ses amis les plus intimes ; il rechercha la solitude et se complut dans les idées les plus tristes ; il ne lut que les ouvrages les plus sombres, parmi lesquels les Nuits de Young eurent la préférence. Enfin, il fut poursuivi par un penchant continuel et presque irrésistible au suicide. Son père s'en étant aperçu, le conduisit à Paris, en Suisse, etc., dans l'espoir de le distraire ; mais, lorsqu'il passait sur unpont, devant un lac, ou dans quelque endroit escarpé, il éprouvait, malgré lui, le.désir de se précipiter dans le gouffre qui réveillait ses idées de suicide.

Cependant tous ces symptômes se dissipèrent insensiblement. Au bout de six mois, M.r N** reprit ses fonctions de notaire , conservant seulement parfois un air un peu rêveur. II se maria dix-huit mois après, à l'âge de 32 ans.

Les rapports conjugaux eurent lieu deux fois par jour pendant quelque temps, toujours d'une manière trèsrapide. Au bout de trois mois, M.r N** éprouva un grand besoin de mouvement, d'agitation , de changement. Il montrait par momens une gaité extraordinaire, mais la plus légère contrariété le mettait dans une colère terrible. Ses actions et ses discours avaient quelque chose de bi-


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zarre et d'inconvenant. Lui-même le sentait et se disait souvent tout haut « C'est absurde ! Je perds la tête ! Je deviens fou! »

Une grossesse, suivie de péritonite, amena une longue suspension dans les rapports conjugaux , et une amélioration notable dans la marche de la maladie. Après quelques rapprochemens assez rares , les digestions se dérangèrent de nouveau ; la constipation revint et se montra de plus en plus opiniâtre. Une seconde grossesse produisit les mêmes résultats. Mais, après de nouveaux rapprochemens , un malaise indéfinissable s'empara de l'abdomen, habituellement distendu : de temps en temps le malade y éprouvait des crampes, accompagnées de spasmes, de resserremens dans la poitrine, d'étouffemens, de palpitations; Il lui semblait qu'il allait étouffer (1) ; sa tête était en feu, sa figure rouge et injectée ; son imagination s'exaltait; il se croyait perdu et le répétait sans cesse. Il se tordait, se roulait, poussait des cris, déchirait sa chemise, ses draps, et l'on avait beaucoup de peine à le fixer pour l'empêcher de se faire du mal et de briser tout ce qui se trouvait à sa portée. Des frictions sur les membres et sur l'abdomen, des corps chauds, paraissaient favoriser la solution de ces accès. Quand ils étaient passés , le malade répandait des larmes abondantes et s'enfermait long-temps chez lui, sans vouloir voir personne. Ces attaques devinrent de jour en jour plus fréquentes et plus violentes ; elles se renouvelèrent même plusieurs fois par jour.

(1) Voyez Obs. 6.5.


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Un changement remarquable s'opéra aussi dans les fonctions intellectuelles : la mémoire , la conception diminuèrent notablement. Le malade fut obligé de vendre son étude, tant ses idées, autrefois claires et précises , étaient décousues. Son écriture avait subi la même altération que son style ; elle était illisible. Il négligea la musique qu'il aimait beaucoup ; d'ailleurs sa voix avait perdu son éclat et sa justesse.

Ordinairement taciturne, il était quelquefois d'une loquacité extraordinaire ; ses discours étaient sans suite. Mécontent de tout, sans savoir pourquoi, il se'livrait sans motifs aux plus violens emportemens : un jour il tua sa chienne à la chasse; un autre jour il brisa son fusil ; puis ce fut sa montre , sa flûte, sa guitare. D'autres fois il revenait chez lui sans chapeau, avec ses habits en lambeaux.

Privé de sommeil ,'il-se levait à tout moment pour se promènera grands pas et presque nu. Si on le retenait au lit, il demandait à chaque instant l'heure qu'il était ; il s'agitait, se roulait comme un furieux, se plaignait d'étouffemens, et répétait qu'il était perdu, qu'il allait mourir , etc. Plus d'une fois, dans ces accès,il lui est arrivé de frapper sa mère , qu'il aimait cependant beaucoup.

Ces observations parurent caractériser une véritable aliénation mentale. On pratiqua des saignées ; on appliqua des sangsues à l'épigastre et à l'anus : toutes ces évacuations sanguines produisirent toujours plus de mal que de bien.- Les lavemens ne purent vaincre la constipation; cinq à six ne suffisaient pas toujours pour débarrasser l'intestin.

La mère du malade s'élant aperçue que ses draps et

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ses chemises étaient tachés de matière séminale , quelquefois sanguinolente, lui reprocha de négliger sa femme pour se livrer à des plaisirs honteux. Celte inculpation le révolta : cependant son attention ayant été fixée sur ce sujet, il rémarqua qu'il avait des pollutions nocturnes assez fréquentes et même abondantes , dont il ne s'était jamais aperçu , parce qu'elles avaient lieu sans érection, sans plaisir , et même sans aucune sensation appréciable. C'est alors seulement qu'il en fit part à son médecin.

Cette révélation tardive mit bientôt celui-ci sur la voie de la véritable cause de tous les symptômes. Il constata de plus l'existence de pertes séminales pendant la défécation et l'émission des urines : il pensa que c'était le cas d'employer la cautérisation , et décida les parens à conduire le malade à Montpellier.

Je trouvai les urines troubles, contenant un dépôt considérable de matière blanchâtre, composée presque entièrement de granulations demi-transparentes, semblables à des grains de semoule ou de riz.

Je n'ai pas eu l'occasion de constater les pertes séminales qui avaient lieu pendant la défécation , suivant le rapport du médecin ; mais les pollutions nocturnes revenaient presque toutes les nuits ; elles étaient' très-abondantes , quelquefois mêlées de stries de sang.

Il était donc évident que le médecin ne s'était pas trompé sur la cause première de tous les symptômes , et je pensai qu'il avait également bien compris l'indication.

Le 30 décembre, je pratiquai une cautérisation ordinaire, depuis le col de la vessie, jusqu'à la portion membraneuse de l'urètre.


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Pendant cinq jours , urines sanguinolentes , augmentation de l'agitation et des autres accidens. Du sixième au quinzième jour , diminution rapide des symptômes ; selles plus faciles; urines plus transparentes; sommeil plus profond. Depuis lors , plus de lavemens ; selles quotidiennes et molles ; appétit vorace ; digestions promptes ; sommeil déplus en plus prolongé : le malade , impatient, de gagner son lit, se couche tous les jours plusiôt, et se lève plus tard ; il semble plongé dans une espèce de narcotisme qui dure quelquefois depuis six heures du soir, jusqu'à dix ou onze heures du matin. Cependant, peu à peu ce besoin de dormir diminue ; le malade se lève plus matin, court tout le jour, fait sa partie le soir, lit haut et distinctement ; il adresse à sa femme des lettres pleines de sens et de sentiment; son écriture est ferme et régulière; son caractère est redevenu doux et facile; son embonpoint augmente rapidement; il va au spectacle , en société ; il retrouve les airs et les paroles de ses chants favoris ; il est tourmenté de désirs vénériens.

Enfin, six semaines après la cautérisation, toutes les fonctions étaient rétablies : rien n'avait reparu dans les urines ; les pollutions nocturnes ne s'étaient plus montrées; il n'y avait plus d'apparence de pertes séminales pendant la défécation. Le malade partit le 12 février.

J'ai laissé cette observation (1) telle que je l'avais rédigée ; mais je dois faire connaître ce qui est arrivé depuis.

(1) Les notes ont été recueillies , avec autant de détail que de précision , par le D 1' Ramirez de Hidalgo.


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Je redoutais le retour de M.r N" près de sa jeune femme ; cependant, je dus céder à l'impatience des parens, en leur expliquant bien clairement le motif de -mes craintes. M.rN** promit la plus grande réserve ; sa mère , une surveillance assidue.... Pendant les premiers jours, la sévérité fut exemplaire de la part de tout le monde ; mais on se relâcha bientôt, et Ton finit par ne plus observer les jeunes époux.

Au bout de deux mois, le caractère de M/ N** changea de nouveau. Les pollutions nocturnes reparurent avec la plupart des anciens symptômes. Trois mois après, le malade était de nouveau à Montpellier.

Il avait conservé, depuis la cautérisation, des selles faciles et régulières, un bon sommeil, beaucoup d'appétit et des digestions régulières ; il faisait tous les jours de longues courses à pied. Son état était donc loin de présenter la même gravité que la première fois : cependant les pollutions nocturnes se répétaient encore trois ou quatre fois par semaine, et elles étaient trèsrabondantes ; les fonctions intellectuelles avaient beaucoup diminué; enfin la parole était gênée par un bégaiement trèsprononcé»

Je pratiquai une seconde cautérisation ; mais elle n'eut pas le même succès que la première, et ses effets ne furent pas aussi durables. L'époque des eaux étant arrivée, je conseillai celles d'Aix en Savoie, tant en bains qu'en douches, etc. J'ai su depuis qu'elles avaient été employées sans succès, et que l'intelligence avait continué à s'affaiblir de plus en plus.


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Pour me dispenser de tout commentaire sûr cette observation , déjà bien longue , j'engagerai ceux qui en désirent une explication bien claire, à revoir l'histoire de M.r de S***, que j'ai publiée au commencement dé cet ouvrage (N° 1 ). Ils y retrouveront la même cause première, les mêmes effets produits par le mariage, lamême série de symptômes. Enfin, l'ouverture du corps leur permettra de comprendre pourquoi M.r N** n'a pu se relever de sa dernière rechute.

■■NV-72.

Constitution athlétique ; vigueur extraordinaire des organes génito-urinaires. A 48 ans , blennorrhagie ; à 3j .mariage -.deux écoulemens non contagieux ; pollutions nocturnes et diurnes ; impuissance.

Monsieur L**, d'une force athlétique, d'une constitution à l'épreuve des plus rudes fatigues et des saisons les plus rigoureuses, eut, dès l'âge de six ans, des érections fréquentes. Après la puberté, elles devinrent de plus en plus prolongées et énergiques, et ressemblèrent souvent à une espèce de priapisme. Il pouvait, dans ces momens, déchirer un mouchoir de soie ou de batiste, sans faire plier sa verge. ïl retenait long-temps ses urines y et lès projetait à de très-grandes distancés. Cependant, ses idées erotiques n'étant pas proportionnées à cette vigueur èxtra-r ordinaire des organes génito-urinaires j il ne se livra pas


526 à la masturbation et ne fit pas d'excès avec les femmes : l'ôjaculation se faisait même attendre très-long-temps, et il pouvait la relarder indéfiniment par la seule puissance de sa volonté.

A 18 ans, il eut une blennorrhagie qui fut traitée avec beaucoup de soin parle D 1' Cullerier.

A 29 ans s sa santé se dérangea peu à peu et ne reprit plus son ancienne vigueur.

A 37 ans, il se maria. L'année suivante , il lui survint un écoulementabondant. Un an après, il en eut un autre qui fut accompagné de vives douleurs dans le canal, de chaleur brûlante, d'un besoin fréquent d'uriner et de douleurs dans les testicules. Depuis lors, faiblesse et rareté des érections ', imperfection du coït ; êjaculation précipitée; pollutions nocturnes fréquentes , sans érection ni plaisir, et bientôt pollutions diurnes ; altération rapide de la constitution ; vertiges ; congestions continuelles vers la tête ; bouffées de chaleur à la figure ; affaiblissement de la vue , de la mémoire et de l'intelligence ; trouble dans les digestions ; insomnie ; lassitudes spontanées au réveil; douleurs dans l'urètre, dans les cordons spermatiques ; gonflement fréquent des testicules, etc.

J'ai extrait ce qu'on vient de lire , d'une consultation qui m'avait été adressée par mon ami le.Dr Bailly ( de Blois). La mort prématurée de ce modeste savant ne m'a pas permis de savoir ce qu'était devenu son malade ; mais le fait m'a paru intéressant par la vigueur extraordinaire


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des organes génito-urinaires avant la blennorrhagie , et par leur faiblesse non moins remarquable après le mariage. Il y a dans les phénomènes observés à ces deux époques, l'opposition la plus frappante. L'impuissance ne pouvait pas être attribuée aux progrès de l'âge, puisque le malade n'avait pas 40 ans. Les pollutions n'étaient même pas dues à un état de faiblesse; car la vessie ,l'urètre, les testicules, les cordons spermatiques étaient le siège de symptômes qui annonçaient une inflammation chronique, ou du moins une vive irritation.

Quelle a été la cause première de cet étatdephlogose, et par suite, de ces pollutions? Je n'en vois pas d'autre que la blennorrhagie contractée 19 ans auparavant.

Si le canal n'avait pas conservé une susceptibilité extraordinaire , comment serait-il devenu le siège d'un écoulement abondant peu de temps après le mariage, et d'un autre plus fort et plus douloureux l'année suivante ? Je suis même convaincu qu'il existait des pollutions diurnes long-temps avant cette époque; car la santé s'était altérée depuis-8 ans , sans cause apparente.

J'ai sous les yeux sept observations analogues aux deux précédentes ; je ne les rapporterai cependant pas en détail, parce qu'elles sont moins caractéristiques, et que j'ai déjà parlé ailleurs de l'influence des blennorrhagies sur les organes spermatiques. Voici seulement ce que tous ces malades ont présenté de plus remarquable.

Après avoir éprouvé un ou plusieurs écoulemens, d'une


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guérison plus ou moins facile, ils ont conservé une santé prospère, tant qu'ils n'ont pas contracté de liaisons durables. Chez quelques-uns, ces liaisons ont été rompues plusieurs fois par le dérangement de leur santé : elle s'est rétablie par une continence prolongée ; mais il a suffi de quelques actes trop rapprochés pour ramener un écoulement plus oU moins opiniâtre.

Après avoir mené pendant un certain temps une vie régulière; après avoir observé une continence plus ou moins complète, plus ou moins prolongée , ils se sont crus dans un état assez favorable pour contracter un mariage ; mais, après un temps plus ou moins long, leur santé s'est altérée, quoiqu'ils n'aient cru commettre aucun excès. Peu à peu, les actes ont été moins répétés, trèsprécipités , puis enfin tout-à-fait impossibles.

Chez tous, cette impuissance était le résultat de pollutions diurnes, précédées quelquefois de pollutions nocturnes. La diminution de la virilité avait été attribuée à l'altération même de la santé, au régime, aux traitemens employés pour combattre une gastrite, une irritation de poitrine, des palpitations, des congestions cérébrales, ou bien une maladie commençante de la moelle épinière, suivant que tel ou tel symptôme avait prédominé. Nonseulement ces malades ignoraient que leur état tenait à des pollutions diurnes ; mais encore il m'a été très-difficile de leur en faire comprendre la cause, parce qu'ils avaient cru être fort modérés dans leurs rapports conjugaux. .■'■''■.

Si l'on rapproche ces observations des précédentes, et de celles que j'ai rapportées dans le second chapitre de


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cet ouvrage; si l'on se rappelle les douleurs, les gonflemens que ces malades ont éprouvés dans les cordons, dans les testicules, quand ils n'ont pas eu de véritables orchites à la suite de ces blennorrhagies, on comprendra facilement comment ces inflammations peuvent laisser, dans la membrane muqueuse des organes génitaux, une susceptibilité particulière qui n'attend qu'une occasion pour se réveiller; comment des rapprochemens sexuels un peufréquens peuvent rappeler, dans ces tissus, une irritation que les mêmes actes n'auraient pas provoquée avant que ces organes eussent été affectés; comment, enfin , ces tissus n'étant plus dans les mêmes conditions , le même individu ne doit pas raisonner d'après ce qu'il a pu faire auparavant, pour savoir s'il commet un excès, ou s'il est encore dans les limites de ses besoins réels.

On conçoit aussi pourquoi c'est après le mariage que se sont manifestés les symptômes les plus graves et les plus opiniâtres.

J'ai déjà fait voir que la masturbation pouvait agir sur les organes spermatiques , comme les blennorrhagies jles plus contagieuses : je vais montrer maintenant qu'elle peut, dans les mêmes circonstances , amener des résultats consécutifs tout-à-fait semblables.


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■N°. 73.

Constitution athlétique. Masturbation à 4y ans; altération profonde de la santé jusqu'à 26 ans. Mariage ; rétablissement prompt. Trois ans après , rechute lente malgré la cessation du coït ; pertes séminales pendant l'expulsion des matières fécales et des urines ; hypochondrie ; inflammation des organes génito-urinaires. Cautérisation : guérison prompte et complète.

Monsieur C*\ arpenteur, d'un tempérament sanguin cl d'une charpente athlétique, se livra, depuis l'âge de 17 ans, à la masturbation avec tant de fureur, qu'il fut pris de vomissemens de sang, devint extrêmement faible, pâle, jaune, et d'une maigreur squelettique. A 20 ans, cette maigreur excessive le fit réformer, après trois ajournemens, malgré sa grande taille et le volume de son système osseux. Pendant six ans, la même cause continuant d'agir, sa santé fut aussi mauvaise. Alors il se maria.

Pendant deux ans, il se livra au coït à peu près tous les jours, et très-souvent deux fois par jour. Cependant, sa santé s'améliora d'une manière rapide , et sa constitution vigoureuse prit toute l'énergie et le développement dont elle était susceptible.

Dans le courant de la troisième année, il s'aperçut qu'il avait besoin de s'observer, et peu à peu sa santé se dé-


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rangea de nouveau. II remarqua plus tard, qu'en allant à la selle il rendait du sperme en petite quantité , mais facile à reconnaître. Bientôt il en perdit davantage, et sa santé s'altéra de plus en plus.

Enfin, il survint une constipation opiniâtre, quirendit ces pertes plus abondantes encore ; elles étaient accompagnées d'une légère sensation qui n'avait rien de désagréable , et même, sans les tristes pensées que ce chatouillement provoquait, le malade y eût trouvé quelque plaisir.

Il éprouvait au scrotum et au périnée une démangeaison irrésistible, quoiqu'il n'y existât aucune apparence de dartre ; il y ressentait continuellement une espèce de fourmillement incommode qui s'étendait vers la vessie ainsi qu'à la racine de la verge. Ses digestions étaient mauvaises , troublées par une grande quantité de vents ; son estomac ne supportait que les alimens les plus légers et en petite quantité. Son sommeil était court, fatigant, troublé par des rêves affreux ; son réveil était accompagné de lassitude spontanée , de brisement général, de découragement absolu ; le reste du jour ses idées étaient sombres, tristes, remplies de souvenirs affligeans, ou de prévisions sinistres ; il était mécontent de tout, et présentait, en un mot, les caractères les plus frappans de ce qu'on est convenu d'appeler hijpochondrie.

Il avait un besoin continuel de marcher , de changer de place : cette disposition s'accordait avec son état d'arpenteur ; mais il se fatiguait facilement, s'embrouillait dans ses opérations , perdait la mémoire, et terminait difficilement les calculs les plus simples.

Lorsqu'il vint à Montpellier, au commencement d'août


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1824, il était retombé dans le même état à peu près qu'au moment où il avait été réformé. Il y avait cependant plus d'un an qu'il s'était entièrement abstenu du coït, parce que les érections et les désirs vénériens avaient presque disparu. La verge était grosse et longue, mais molle ; le gland, rouge et volumineux, avait son orifice très-injecté et d'une excessive sensibilité ; le scrotum était flasque et très-alongé ; les testicules, d'un volume assez remarquable; manquaient de consistance : un sac de peau de daim soutenait ces parties, et surtout les protégeait contre tout frottement.

Les urines étaient rendues fréquemment et avec difficulté ; le premier jet ne s'échappait qu'après de longs efforts; les dernières gouttes provoquaient des contractions spasmodiques de la vessie et des parties voisines; elles étaient épaisses , visqueuses, et tombaient comme une solution d'eau de gomme : il semblait au malade qu'il restait toujours dans la vessie quelque chose qui provoquait des efforts d'expulsion. Les urines, habituellement rouges et d'une odeur fétide , laissaient prompte: ment déposer un nuage épais , floconneux , abondant, qui s'accompagnait quelquefois de matière glaireuse, comme dû blanc d'oeuf.

Je pensai que ces dépôts contenaient à la fois du sperme , du mucus vésical, du fluide prostatique, et que leur présence dans les urines était due à une inflammation chronique de la membrane muqueuse qui tapisse la prostate, le col de la vessie et les parties voisines.

Au reste, les pertes séminales provoquées par les efforts de la défécation étaient plus abondantes que jamais: elles


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auraient suffi pour expliquer l'état du malade. Je lui proposai la cautérisation comme le moyen le plus sûr de changer l'état des tissus affectés. .:

Il s'y décida bientôt ; et ce que j'observai pendant le cathétérisme, me prouva que je ne m'étais pas trompé sur la cause de la maladie. Le canal avait acquis une telle susceptibilité, que le malade ne pouvait se décider à y laisser introduire une sonde. Il s'agita convulsivement dès qu'elle pénétra dans le méat. Son introduction fut aussi retardée par des contractions spasmddiques du canal, qui se reproduisaient chaque fois qu'elle pénétrait de quelques lignes; Ces contractions étaient si énergiques, qu'elles m'auraient fait croire à l'existence d'autant d'obstacles mécaniques, si elles n'avaient cédé au bout de quelques instans. Lorsque la sonde approcha du col de la vessie , l'agitation du malade redoubla tellement que je fus obligé de me rendre à ses instances, et de remettre l'opération à un autre jour. Tout son corps était "couvert d'une sueur abondante. Il rendit ensuite une assez grande quantité de sang. (Bains; lavemens ; boissom adoucissantes ; régime sévère. )

Trois jours après ,18 août, la même sonde fut introduite avec moins de difficulté. Les urines ayant été complètement évacuées , je cautérisai la partie de la vessie la plus voisine du col, la prostate et la portion membraneuse de l'urètre. Cette cautérisation fut rapide et ne causa pas plus de douleur que l'introduction delà sonde. Seulement elle produisit, vers la marge de l'anus et dans le rectum, une espèce de pmcement très-vif.

Peu de temps après l'opération , le malade éprouva


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dans tout le système génito-urinaire, un sentiment de vigueur qui s'accrut à mesure que la douleur se dissipa. La constipation cessa d'elle-même. Les urines reprirent peu à peu leur couleur et leur transparence. Au bout de treize jours, Je malade fut obligé de retourner dans son

paysCe voyage, d'une vingtaine de lieues , n'eut pas autant d'inconvéniens que je l'avais craint. Deux mois après, je reçus une lettre de M.r C**, dans laquelle il m'annonçait qu'il était complètement rétabli, qu'il avait repris ses forces et le libre exercice de toutes ses fonctions.

Ce malade n'a pas mis plus de modération dans ses premiers rapports conjugaux, que dans ses mauvaises habitudes ; cependant le mariage a produit une amélioration subite dans sa constitution délabrée. Ce changement, qui s'est maintenu pendant trois ans, peut donner une idée de la différence énorme qui existe entre les effets du coït et ceux de la masturbation.

Pourquoi cet heureux résultat ne s'est-il pas maintenu? Parce que les actes ont dépassé les besoins réels ; parce que les organes avaient été fatigués auparavant par des abus graves et prolongés. Ce fait doit déjà faire près-* sentir combien est compliquée la question importante du mariage dans les cas de cette nature. J'en rapporterai bientôt plusieurs autres, qui feront peut-être réfléchir ceux qui conseillent si légèrement un engagement si grave comme remède à la masturbation.


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Existait-il du sperme dans les urines ? L'abondance du mucus vésical et des glaires prostatiques ne permettait pas de résoudre directement cette question; mais les dernières gouttes qui sortaient du canal étaient visqueuses comme de l'eau de gomme, et des pertes séminales abondantes avaient lieu pendant la défécation. Dans les cas de cette nature, il est évident qu'une inflammation chronique s'étend de la surface prostatique aux tissus voisins : la cautérisation offre un moyen sûr de faire disparaître à la fois tous les symptômes qui en dépendent. Qu'il y ait ou non du sperme dans les urines, l'indication est toujours la même.

J'ai signalé plus d'une fois les rapports qui existent entre le col de la vessie et l'anus : ce malade en a offert une preuve bien remarquable. Au moment de la cautérisation, il s'est plaint d'un pincement très-vif dans le rectum et à la marge de l'anus. A mesure que l'inflammation s'est dissipée, laconstrictionspasmodique des sphincters a diminué, et la constipation a disparu spontanément.


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W 74.

Tempérament sanguin. Masturbation de 44- à 48 ans; ma-. riage à 4 g ; amélioration immédiate : plus tard , altération de la santé ; hypochondrie ; penchant au suicide. Symptômes de, gastrite chronique , combattus pendant 6 ans par les sangsues , les vésicatoires , etc. ; pollutions ■ nocturnes et diurnes ; émission fréquente et abondante d'urine. Cautérisation : guérison prompte et complète.

Monsieur C*V d'un tempérament sanguin et d'une constitution robuste, avait déjà cinq pieds six pouces à 14 ans, et promettait d'être d'une force prodigieuse. Alors il entra au collège, y contracta bientôt l'habitude de la masturbation, et ne s'en corrigea qu'à 18 ans, parla lecture de Tissot. L'année suivante il se maria, quoique très-maigre encore et très-faible. Il reprit peu à peu des forces et de l'activité , conduisit avec ardeur ses travaux agricoles, entreprit de nombreuses innovations , et se livra surtout à des spéculations variées. Il eut deux enfans très-robustes dans les premières années de son mariage.

Cependant, au milieu de toutes ces causes de satisfaction, son caractère changea peu à peu; sa gaieté, son activité diminuèrent, ainsi que ses forces et son appétit. Il eut des rapports moins fréquens avec sa femme, quoique son amour propre en souffrit beaucoup.

11 éprouva des pollutions nocturnes, rares d'abord,


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ensuite plus rapprochées. Son estomac se dérangea. Il eut de la constipation ; ses matières fécales furent souvent sanguinolentes ; dans les grands efforts que nécessitait leur expulsion, il rendit, par la verge, une quantité considérable de matière épaisse , blanchâtre , à laquelle il reconnut tous les caractères du sperme le mieux élaboré. Alors il devint insouciant, paresseux, timide ; il négligea ses affaires les plus importantes et même l'exploitation de sa ferme. Il sentit diminuer son affection pour sa femme et pour ses enfans. Enfin , il tomba dans l'hypochondrie la plus profonde, et ne s'occupa plus que de sa santé.

Pendant six ans, on le traita pour une gastrite chronique; on multiplia les applications de sangsues, de vèsicàtoires, de cautères ; on l'envoya aux eaux de Vichy, etc. Il parla de ses pertes séminales à tous les praticiens qu'il consulta ; mais ils les attribuèrent à sa gastrite, à sa continence, bien qu'il affirmât qu'elles étaient la cause première de ce qu'il éprouvait. Enfin, à 55 ans , il me fut adressé par un jeune médecin de ses amis , dans l'état suivant :

Face pâle ; chairs molles ; air triste ; voix faible ; amour de la solitude ; penchant au suicide, balancé par le sentiment de la paternité, mais exaspéré par la lecture des Nuits de Young; débilité musculaire, malgré le volume des membres ; timidité excessive ; digestions laborieuses accompagnées de renvois acides et de flatuosités ; abdomen météorisé; douleur et tension à l'épigastre, ainsi que dans les hypochondres ; langue pâle ; bouche pâteuse ; constipation opiniâtre, malgré l'usage habituel et immodéré des lavemens ; perles séminales pendant la défé^

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cation; micturition répétée quinze à vingt fois par jour ; jet faible, embarrassé ; urines abondantes, habituellement pâles et transparentes, contenant cependant quelquefois un dépôt floconneux ; pollutions nocturnes fréquentes, inévitables si le décubitus a lieu sur le dos : de là, l'habitude contractée depuis long-temps d'appliquer, en se couchant, un gros morceau de bois le long delà colonne vertébrale, et de le fixer par des liens noués autour du corps ; organes génitaux bien développés, mais flasques ; orifice du méat très-injecté ; urètre excessivement sensible ; démangeaison habituelle à la marge de l'anus ; constriction spasmodique des sphincters; cependant, pas d'ascarides dans les matières fécales.

Cathétérisme excessivement douloureux. Cautérisation depuis le col de la vessie jusque vers le bulbe de l'urètre. Effet immédiat ordinaire. Au bout de huit jours, cessation de l'inflammation ; érections fortes et prolongées, sans pollutions ; retour de l'appétit ; amélioration des digestions ; diminution de la constipation ; sommeil profond et plus prolongé ; augmentation des forces ; émission des urines moins fréquente.

Au bout de quinze jours , érections importunes dans la journée, presque continuelles durant la nuit ; rêves lascifs très-variés ; cependant, pas de pollutions depuis la cautérisation. Rétablissement rapide. Préoccupations erotiques continuelles. Disparition de la constipation. Retour aux idées d'affaires et d'intérêt. Nostalgie.

Départ le vingt-deuxième jour.

Quatre mois après, M.r C** m'écrivit pour me demander s'il devait se rendre aux eaux thermales que je lui


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avais conseillées, et qu'il ne croyait pas nécessaires , attendu que sa santé était parfaitement rétablie.

Cette observation ne diffère de la précédente que par des nuances insignifiantes ; aussi me contenterai-je de faire remarquer la ténacité avec laquelle on a combattu cette prétendue gastrite. Il est difficile de se faire une idée des tortures que ce malheureux eut à supporter pendant six ans, et de la variété des moyens qui ont été mis en usage pour la combattre. Ceux qui ont fait le plus de mal sont les évacuations sanguines , qui augmentaient la débilité, et les vésicatoires, dont les cantharides irritaient les organes génito-urinaires.

75.

Constitution délicate. Masturbation de 40 à 48 ans. Excès vénériens à 4g ans ; pollutions diurnes : amélioration par les antiphlogistiques et la continence : mariage à 24 ans. Six mois après, rechute suivie bientôt d'une autre ; mauvais effets des vésicatoires. Cautérisation : guérison.

Monsieur G** vint me consulter pour sa poitrine , au commencement de juillet 1835 : se croyant atteint de phthisie pulmonaire , il me pria d'explorer avec soin les organes de la respiration. Cependant, l'auscultation la plus minutieuse né me fit découvrir qu'un léger râle mu-


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queux, résultant d'un catarrhe chronique des bronches. D'un autre côté, le faciès du malade, sa voix faible et timide, son air triste et embarrassé m'engagèrent à lui adresser quelques questions sur ses fonctions génitales, et je m'assurai bientôt que la cause première de tous les symptômes résidait dans . des pollutions diurnes qui n'avaient pas même été soupçonnées.

Monsieur G** était d'nne stature petite et grêle , d'un tempérament nerveux très-prononcé. Issu de parens valétudinaires , il eut toujours une santé très-délicate. Il se livra, dès l'âge de 10 ans, à la masturbation ; de 15 à 18 , il y revint à peu près tous les jours. Ensuite il fréquenta les filles publiques, et perdit ses premières habitudes.

A 19 ans, il eut une maîtresse à laquelle il s'efforça de donner des preuves réitérées de son amour, sans cependant accomplir l'acte plus d'une fois par jour. Ces simulacres imprudens amenèrent bientôt de la chaleur et de la rougeur à l'orifice du gland, de l'ardeur pendant l'émission des urines ; enfin , la défécation provoqua l'expulsion, par la verge, d'une matière blanchâtre, visqueuse, plus ou moins abondante, suivant le degré de constipation. Un charlatan lui fit subir un traitement anti-vénérien, qui aggrava sa position. Un pharmacien lui donna le rob de Laffecteur., et plus tard, le bicarbonate de soude pour dissiper le sédiment rouge que laissaient déposer les urines. Les testicules augmentèrent de volume et devinrent douloureux,

Alors, un médecin fut appelé et prescrivit des sangsues, des bains, des lavemens, etc. Sous l'influence de ce Irai-


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tement àntiphlogistique et d'une continence absolue, la santé s'améliora peu à peu : elle parut assez bien rétablie l'année suivante, pour que M.r G** pût se marier.

Éclairé par l'expérience du passé, il fut très-circonspect avec sa femme, quoiqu'il n'eût que 21 ans. Dès le principe il ne répéta le Coït que tous les deux ou trois jours , et peu à peu il mit une et deux semaines d'intervalle.

Cependant, au bout de six mois, les digestions devinrent difficiles ; les forces diminuèrent de jour en jour ; les urines furent rendues fréquemment, en grande quantité ; elles se troublèrent et se décomposèrent promptement. Ces symptômes de catarrhe vésical firent prescrire de nouveau le bicarbonate de soude, les bains et la continence absolue. Le malade se trouva mieux au bout de quelques mois ; mais de nouvelles cohabitations , quoique très-rares , produisirent une nouvelle rechute. La poitrine devint douloureuse, la toux fréquente, l'expectoration assez abondante ; quelques crachats furent même m ôlés de sang.

L'application de plusieurs vésicatoires ne fit qu'exaspérer là faiblesse et l'état général du malade. Sa voix devint grêle et voilée , sa tête pesante , sa mémoire infidèle , son intelligence obtuse. Il négligea ses affaires, sa femme et ses enfans ; il tomba dans l'hypochondrie et le dégoût de la vie. Son appétit, autrefois vorace , disparut peu à peu; ses digestions furent accompagnées de coliques , de flatuosités , de douleur et de pesanteur à l'épigastre : la constipation ne cessa que pour être remplacée par un dévoiement momentané.

Du reste, douleurs dans les lombes et les cuisses ; pe-


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santeur au périnée ; ardeur dans l'urètre; testicules pendans, soutenus par un suspensoire ; cordons spermatiques légèrement variqueux, verge flasque et retirée vers le pubis; érections très-rares, incomplètes et peu durables ; coït imposable depuis deux ans, quoique le malade n'en ait que vingt-cinq ; pertes séminales pendant la défécation et l'émission des dernières gouttes d'urine ; catarrhe chronique de la vessie ; cathétérisme très-douloureux.

Je cautérisai rapidement la partie inférieure de la vessie, ainsi que le col ; j'insistai un peu plus à la surface de la prostate , et je fermai l'instrument au niveau du bulbe.

Les effets immédiats et consécutifs de la cautérisation ne différèrent pas de ceux qu'on observe ordinairement. Au bout de douze jours, les urines étaient transparentes; la constipation avait cessé, ainsi que les pertes séminales involontaires. Le malade partit le vingtième jour.

Ici l'on doit tenir compte non-seulement de la masturbation , comme dans les cas précédens , maiï%ncore du tempérament nerveux et de la. constitution délicate du malade : aussi, à 19 ans , un seul acte, répété tous les jours, produisit-il bientôt des effets désastreux, et la preuve que cet acte seul était un excès pour ce jeune homme, c'est qu'il ne pouvait pas toujours l'accomplir. Il n'a pas cru que ces simulacres fussent dangereux, parce qu'ils n'étaient pas suivis d'émission séminale ; mais cette difficulté même eût dû l'avertir qu'il dépassait


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les limites de ses besoins réels ; que ces érections provoquées artificiellement, souvent répétées et long-temps prolongées, devaient nécessairement amener la fatigue et l'irritation des parties.

Ce qui s'est passé après le mariage est encore plus frappant. A 21 ans, il était difficile de mettre plus de • réservedans les rapports conjugaux. Cependant, aûbout de six mois, une rechute grave avaitdéjà lieu, etla marche de la maladie fut plutôt enrayée par la continence que par le traitement. Les premiers rapports qui suivirent ce rétablissement , quoique très-rares , déterminèrent encore une rechute : cette fois, le repos des organes malades ne produisit plus aucune amélioration, parce que des pollutions diurnes s'étaient établies. •

Il faut tenir compte aussi de l'influence des vésicatoires. C'est à partir de leur application, que les symptômes s'aggravèrent de la manière la plus rapide. J'ai déjà signalé de pareils effets, et j'aurai l'occasion d'y revenu- ; ils montrent le danger des cantharides dans ces maladies , même en application sur la peau.

On doit en conclure aussi que ces pollutions n'étaient pas dues au relâchement, à l'atonie des conduits éjaculateurs, comme on serait tenté de le croire si l'on n'avait égard qu'à la constitution du malade. Les résultats obtenus deux fois des antiphlogistiques et des émolliens, viennent encore à l'appui de cette remarque; elle est d'ailleurs confirmée par l'inflammation chronique de la vessie et de l'urètre.


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W 76.

Tempérament nerveux ; santé délicate. Masturbation précoce ; après quelques rapports sexuels .écoulement ; orchite; pollutions nocturnes ; impuissance absolue. Injections avec le nitrate d'argent sans succès. Cautérisation : guérison rapide et complète.

Monsieur S**, docteur en médecine, petit, grêle, d'une constitution sèche, d'un tempérament nerveux, né de parens très-impressionnables, fut sujet dans son enfance à des affections nerveuses. Pubère à 12 ans, adonné à la masturbation long-temps avant, il continua de s'y livrer jusqu'à 16. A celte époque, il eut des liaisons avec une femme d'une conduite équivoque. Après quelques semaines de ces rapports journaliers , il survint un écoulement abondant, qui fut complètement négligé pendant long-temps. Plus tard, le malade prit de la tisane de chiendent, quelques pilules dont il ignore la composition, et suivit un régime sévère.

De retour au collège, il ressentit, après les récréations, delà douleur dans le testicule droit. Quelques jours après, à la suite d'une longue promenade, il eut une inflammation aiguë de cet organe, accompagnée de vives douleurs, qui remontaient le long du cordon spennalique jusque dans le bassin, et d'un gonflement considérable du


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canal déférent. Le repos, des bains, des cataplasmes, des boissons apéritives et quelques frictions mercurielles firent disparaître promptement cette orchite.

L'année suivante , une vive douleur se manifesta dans les mêmes parties, avec tiraillement pénible du cordon. L'usage d'un suspensoiré diminua ces symptômes ; mais l'épididyme acquit peu à peu le double de son volume et n'a guère diminué depuis ; le canal déférent resta plus . sensible ; l'urètre aussi conserva une susceptibilité extraordinaire : depuis lors, des pincemens, des spasmes douloureux vers la prostate, ont toujours accompagné l'expulsion des dernières gouttes d'urine. L'acte vénérien a constamment aussi laissé dans ces parties un sentiment de pesanteur et de chaleur assez prolongé.

Avant cet écoulement, des pollutions nocturnes s'étaient déjà manifestées ; elles devinrent ensuite beaucoup plus fréquentes : peu à peu elles finirent par s'accomplir sans rêve, sans érection, sans aucune espèce de sensation. Pendant deux ans, les érections devinrent de plus en plus rares, incomplètes et passagères.. Auprès des femmes qu'il aimait léplus, lorsque rien ne s'opposait à ses désirs, le malade ne pouvait tirer de la torpeur la plus absolue les organes obligés de la fonction ; ils n'éprouvaient pas le moindre changement, ils restaient morts , suivant les expressions employées par lui dans le mémoire que j'ai sous les yeux.

Il n'opposa pendant long-temps à ces pollutions que des moyens hygiéniques, et contre son attente il remarqua qu'un lit trop dur les déterminait infailliblement; qu'elles redoublaient constamment après toute espèce


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de fatigue , surtout après les marches forcées, dont il essaya souvent d'après le conseil de Tissot. Il se trouva fort mal aussi des bains de rivière. Ces remarques lui firent penser avec raison, que ses pollutions étaient dues à un état d'irritation.

Tous les organes de l'économie s'étaient affaiblis successivement et à peu près également ; toutes les fonctions s'exécutaient avec lenteur, avec peine ; le sommeil était troublé , peu réparateur ; le caractère sombre, impatient. La moindre occupation sérieuse provoquait bientôt de la céphalalgie et le besoin de changer de place; tout exercice amenait de la fatigue et du dégoût ; les yeux étaient fort sensibles et très-faibles.

Le 22 février 1856 , le malade pratiqua une injection dans lé canal avec une dissolution d'un quart de grain de nitrate d'argent dans une once d'eau : la moitié environ pénétra dans la vessie et'y séjourna pendant deux heures. Douleurs vives, nuit agitée , pollution. Le 25, seconde injection un peu plus forte; mêmes phénomènes. Le 2 mars , nouvelle pollution. Le 6, urines infectes, sanguinolentes , épaisses , déposant abondamment, provoquant de vives douleurs pendant leur émission. (50 sangsues à l'hypogastre, suivies d'un bain de deux heures, pendant lequel le sang coule abondamment; cataplasmes émolliens.) ' Diminution des symptômes de cystite ; amélioration dans les érections. Le 24 mars, nouvelle pollution. Depuis lors, retour des pollutions nocturnes comme auparavant ; impuissance absolue.

C'est dans cet état que le malade vint me consulter à 25 ans. Ses urines contenaient un dépôt blanchâtre et


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abondant, d'apparence spermatique ; ce qui me fit penser qu'il avait en même temps des pollutions diurnes.

Au commencement de juillet 1856 , je pratiquai une cautérisation , depuis le col de la vessie jusqu'au bulbe de l'urètre ; elle produisit ses effets ordinaires. Quinze jours après, toute inflammation s'était dissipée spontanément, et le rétablissement avait commencé. Voici comment le D.r S** termine son mémoire :

«Depuis cinq mois mes pollutions nocturnes ont disparu, du moins je n'en ai plus que tous les dix ou.quinze jours ; ce qui me paraît inévitable, attendu la continence que j'ai observée jusqu'à présent. Mes urines sont parfaitement transparentes ; mon moral est relevé ; je travaille avec plaisir, long-temps et sans fatigue. Enfin, il y a quelques jours, étant à la campagne, j'ai passé quatre heures dans un état d'érection complète, et je n'ai pas eU de pollution pendant la nuit. J'estime que c'est la meilleure preuve d'une guérison absolue et définitive.»

Je dois ajouter que la guérison, loin de se démentir , s'est consolidée de plus en plus depuis deux ans, par la fréquentation des femmes.

J'ai conservé tous les détails de cette observation, parce que le malade était parfaitement en état de rendre compte de ses sensations et de ses opinions ; il en est cependant qui ont besoin d'être examinées.

Il me disait vrai sans doute, lorsqu'il affirmait qu'il ne s'était pas livré plus souvent à la masturbation que la


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plupart de ses camarades ; mais il avait commencé longtemps avant la puberté, et sa constitution était éminemment délicate. Il prétendait aussi n'avoir pas fait d'excès dans ses premiers rapports amoureux ; mais ses organes irritables étaient déjà fatigués par ces abus précoces. Il faut tenir compte de toutes ces circonstances, pour comprendre les effets désastreux produits par des rapports si peu multipliés et sitôt rompus.

On a pu remarquer qu'un lit dur, des bains de rivière, des marches forcées, dont tous les auteurs vantent les avantages, ont produit un effet contraire à celui qu'en attendait ce jeune médecin. Il s'est très-bien rendu compte de cette différence, en pensant que ses pollutions n'étaient pas dues à un état d'atonie, quoiqu'elles eussent lieu sans érection, sans aucune sensation.

Rien n'est plus évident que la manière dont l'inflammation s'est étendue, de la membrane muqueuse de l'urètre aux organes spermatiques ; et le spasme douloureux qui a persisté vers la prostate, la sensibilité habituelle de l'.urètre et du canal déférent ; l'engorgement de l'épididyme, etc., indiquent bien clairement que ces pollutions étaient entretenues par un état habituel d'irritation.

Il est remarquable que les injections avec le nitrate d'argent aient causé beaucoup de douleur et provoqué une cystite, sans procurer d'amélioration durable ; tandis qu'une seule cautérisation , portant à sec sur les tissus malades, les a profondément modifiés, sans pourtant causer le moindre accident.


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Tempérament lymphatique. Masturbation ; excès vénériens ; blennorrhagie ; altération de toutes les fonctions ; perte de l'intelligence; profonde hypochondrie ; pollutions nocturnes sans évacuation apparente ; pertes séminales pendant la défécation et l'expulsion des urines. Cautérisation : guérison prompte et complète.

Je dois l'observation suivante au D.r Franc, agrégé à la Faculté de Montpellier.

«Monsieur L. W**, Polonais, étudiant en Médecine , d'un tempérament lymphatique , fut tourmenté dans son enfance par des vers, éprouva de fréquens engorgemens glanduleux, diverses éruptions cutanées, etc. Cependant , à force de soins, sa santé s'améliora peu à peu. A 15 ans , elle était parfaite, lorsque de mauvais exemples lui firent contracter l'habitude de la masturbation. Deux ans après , la lecture de l'ouvrage de Tissot produisit sur son imagination une telle impression, qu'il se corrigea.|Sa santé se rétablit, malgré l'apparition de pollutions nocturnes presque quotidiennes. . » En 1854 , étant à Toulouse, il eut des relations qui l'entraînèrent à de fréquens excès vénériens. Quelque temps après, il conçut une passion qui ne fut pas suivie de rapports aussi intimes , mais qui agit puissamment sur son


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imagination. Les pollutions nocturnes revinrent alors trois ou quatre fois chaque nuit. Au bout de trois mois, la maigreur était excessive, la faiblesse générale, la mélancolie profonde. L'usage des eaux de Bagnères-de-Luchon pendant un mois , produisit une amélioration notable.

»De nouvelles relations amenèrent unie nouvelle rechute , quoiqu'elles ne fussent pas suivies d'excès vénériens aussi fréquens que l'année précédente. Il y renonça de nouveau, revint quelquefois à la masturbation, et finit par contracter une blennorrhagie, qui fut guérie par les antiphlogistiques.

i Depuis cette époque, la santé ne s'est plus rétablie. Les pollutions nocturnes s'éloignèrent de plus en plus ; mais elles s'accomplirent sans laisser aucune trace de perte séminale. Le malade éprouvait les mêmes sensations pendant le sommeil, les mêmes symptômes au réveil et durant le reste du jour, ce qui l'avertissait du retour de ses pollutions , quoiqu'il n'observât pas la moindre tache à son linge. La constipation s'établit d'une manière opiniâtre; et les efforts de la défécation amenèrent l'expulsion par l'urètre d'une matière blanchâtre, quelquefois liquide, d'autres fois en grumeaux, toujours visqueuse et abondante. Le besoin d'uriner devint de plus en plus fréquent et impérieux ; il s'accompagna d'une vive ardeur au col de la vessie : les dernières gouttes s'échappèrent du canal difficilement , en entraînant une matière filante et visqueuse. Les urines se décomposèrent promptement, et continrent habituellement du mucus en suspension et un dépôt abondant, composé de granulations blanchâtres, semblables à du riz en décoction, qui se rassemblait au fond du vase.


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»Le malade, sans se rendre bien compte de ces phénomènes, remarqua cependant que, depuis leur apparition, toutes ses fonctions s'altéraient davantage de jour en jour. Dès-lors, plus d'érections, ni de désirs vénériens ; teinte jaunâtre de la peau ; maigreur excessive ;. yeux caves et ternes ; fades triste et sombre ; digestions très-laborieuses , accompagnées d'un grand dégagement de gaz ; tympanite habituelle ; développement de deux hernies inguinales, à la suite d'accès prolongés d'éternuement ; palpitations fréquentes ; étouffemens ; oppression de poitrine ; perte presque complète des fonctions intellectuelles ; hypochondrie portée au dernier degré.

»On n'aurait qu'une faible idée de ces derniers symptômes , si je ne reproduisais quelques-uns des détails dans lesquels le malade est entré à cet égard.

ïDoué d'une grande facilité pour l'étude et d'un caractère très-gai, aimant passionnément la musique, la danse, la société , il devint incapable dé tout travail, et rompit avec les plus dévoués de ses altais. Il passait tout son temps en courses solitaires dans les environs de Montpellier. Pour être plus sûr de ne rencontrer personne , il ne sortait que la nuit ; errant à l'aventure, il ne rentrait que quand l'aurore amenait quelque mouvement autour de lui.

»I1 avait choisi pour retraite une chambre très-obscure , entourée de hautes murailles , et ne recevant de jour que par la partie supérieure d'une étroite fenêtre, d'où il ne pouvait apercevoir qu'un point du ciel : il y attachait ses regards et restait là des heures entières, immobile, absorbé par les plus tristes pensées ; elles se


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succédaient dans son esprit sans la moindre liaison et revenaient malgré lui. S'il prenait un livre, il lisait successivement tous les mots d'une page ; mais il lui était impossible d'y fixer son attention et d'en saisir le sens. Une force irrésistible le ramenait toujours à la préoccupation vague de-sa santé.

«Il était dans cet état déplorable depuis près de deux ans, lorsqu'il vint me trouver au commencement de février 1857.

'» Je lui pratiquai une cautérisation ordinaire, depuis la portion de la vessie la plus voisine du col, jusque vers le bulbe de l'urètre. Quelques bains suffirent pour calmer l'inflammation. Le cinquième jour , les urines cessèrent d'être sanguinolentes. Dans la nuit suivante, il survint une pollution abondante, accompagnée d'érection. Le dixième jour, les urines étaient parfaitement transparentes.

«Peu à peu toutes les fonctions se rétablirent ; la constipation cessa spontanément, ainsi que les pertes séminales qui avaient lieu pendant la défécation. Le moral changea complètement. M. 1' L. W** se hâta de quitter sa sombre cellule, pour mener une vie toute nouvelle.

«Depuis un an, la guérison n'a fait que se consolider de plus en plus par la fréquentation modérée des femmes, s


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C'est la blennorrhagie qui a porté la dernière atteinte aux organes génitaux ; mais la masturbation et les excès vénériens avaient déjà plusieurs fois altéré la santé, primitivement délicate. Il faut même tenir compte de la vive passion qui s'empara du malade, quoiqu'elle n'ait pas été satisfaite. Cette excitation cérébrale doit avoir agi d'une manière bien puissante sur les organes spermatiques,; puisque les pollutions nocturnes se répétèrent trois ou quatre fois chaque nuit.

Ainsi, les causes prédisposantes et déterminantes les plus propres àproduire des pertes séminales involontaires, avaient agi depuis l'enfance chez ce malheureux jeune homme; sa santé, souvent altérée, était tombée dans le dépérissement le plus profond, Cependant une seule cautérisation a suffi pour faire cesser l'inflammation chronique delà vessie et la constipation, aussi bien que les pertes séminales involontaires : toutes les fonctions se sont ensuite rétablies sans le secours d'aucun autre moyen.

Les symptômes n'ont pas été moins remarquables. Jamais peut-être l'hypochondrie, la misanthropie n'ont été portées plus loin; cependant personne n'y paraissait moins disposé par caractère : il est aussi bien peu d'exemples d'un retour plus prompt et plus complet aux idées riantes, au goût des plaisirs et de la société, qui avaient prédominé jusqu'à l'apparition des pollutions diurnes. Je vois souvent M.r L. W** à l'hôpital : si je ne connaissais son histoire, j'aurais peine à croire que son intelligence et son moral aient été dans un état aussi déplorable.

Quant aux pollutions nocturnes qui avaient lieu sans

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554 évacuation apparente de sperme, j'ai déjà fait connaître un exemple semblable. (Voy.uag. 451.) J'earapporterai bientôt deux autres qui né sont pas moins remarquables. (Voyez les Nos 82 et 85.) Je reviendrai alors sur ce sujet. En attendant, je ferai remarquer que ce changement dans l'émission du sperme n'a eu lieu qu'à la suite de la blennorrhagie; ce qui doit faire supposer que cette inflammation avait amené quelque déviation de l'orifice des canaux éjaculateurs , hypothèse confirmée par d'autres faits.

N 78.

Tempérament sanguin ; constitution athlétique. Masturbation depuis l'enfance jusqu'à 25 ans ; pollutions nocturnes ; mauvais effets du coït ; pollutions diurnes ; affaiblissement général. Cautérisation: amélioration rapide.

Monsieur L*, d'un tempérament sanguin , d'une constitution athlétique , se livra, dès son enfance, à la masturbation, et n'y renonça complètement qu'à 25 ans. Il maigrit beaucoup et s'affaiblit dans la même proportion ; mais on attribua ce changement à la rapidité de son accroissement, parce que, à 16 ans, il avait déjà cinq pieds dix pouces. A l'école polytechnique, fatigué par un travail excessif, il fut pris de pollutions noc, turnes presque quotidiennes, que le moindre contact déterminait. Il en sortit exténué -, pâle, d'une maigreur


M V V

ooo

et d'une faiblesse extrêmes , surtout dans les cuisses et dans les lombes, où il ressentait de vives douleurs.

Il se rétablit un peu sous l'influence d'une vie plus active. Pour rompre avec ses habitudes et faire cesser ses pollutions, il fréquenta les femmes, mais très-rarement et sans plaisir : l'émission fut toujours précipitée et la sensation fort obscure.

Il remarqua plusieurs fois que ces liaisons aggravaient sa position, et chaque fois il les rompit. Mais alors ses pollutions nocturnes augmentaient; il s'y joignait même des pollutions diurnes : il revenait ensuite aux femmes , et ne s'en trouvait pas mieux. Un service très-actif et trèspénible parut lui faire du bien dans certains momens, et dans d'autres le fatiguer excessivement. Il essaya de manger beaucoup pour réparer ses forces ; mais ses digestions devinrent laborieuses et se dérangèrent complètement. L'abstinence du vin et de toute liqueur fermentée produisit seule une amélioration durable. Voici dans quel état il vint à Montpellier, en septembre 1856, âgé de 50 ans, après avoir observé une continence absolue depuis plus d'un an :

Apparence de la force et de la santé ; système musculaire très-développé , maïs flasque et sans énergie ; profonde hypochondrie ; amour de la solitude ; dégoût de la vie ; perte de la mémoire ; inaptitude au travail ; sommeil pénible , troublé par des rêves affreux ; pollutions nocturnes , trois bu quatre fois par semaine ; céphalalgie au réveil; lassitudes spontanées ; digestions laborieuses, accompagnées de flatùôsités ; selles molles, faciles, et cependant pertes séminales plus ou moins abondantes


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pendant la défécation ; émission des urines fréquente, suivie d'ardeur dans le canal, et même de douleur à la racine de la verge, surtout après les pollutions nocturnes; dernières gouttes épaisses , visqueuses , arrêtées au méat, tombant comme de l'eau de gomme, et empesant la chemise ; urines troubles, fétides, contenant un dépôt abondant de matière épaisse, blanchâtre et floconneuse ; pesanteur au périnée; commencement d'hémorrhoïdes ; érections rares la nuit, nulles dans le jour ; organes génitaux proportionnés à la stature colossale du malade, mais flasques ; orifice du méat rouge et injecté ; testicules pendans et très-sensibles : cathétérisme douloureux.

Cautérisation au col de la vessie et à la surface de la prostate. .

Douze jours après, cessation des pollutions nocturnes ; diminution progressive des pertes séminales pendant la défécation, ainsi que du dépôt urineux. Amélioration rapide au physique et au moral. Départ au bout de vingt jours.

Au printemps suivant, ce malade est venu de nouveau me trouver. Il n'avait rien gagné depuis son départ; mais il n'avait perdu aucune des améliorations produites par la cautérisation. L'irritation du canal et de la vessie avait complètement disparu. Les urines pouvaient être retenues comme en santé; elles restaient transparentes et sans dépôt. Les érections étaient très-énergiques la nuit; mais les pollutions nocturnes revenaient encore fréquemment, et une constipation un peu forte amenait l'émission d'une petite quantité de sperme.

L'état d'indolence des organes génito-urinaires me fitv


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penser que les eaux thermales des Pyrénées suffiraient pour achever la guérison ; elles ont produit l'effet que j'en attendais.

Cette observation diffère des précédentes, en ce que le malade n'a éprouvé aucune amélioration, même temporaire , du commerce des femmes ; ce qui tient probablement à ce que l'irritation des organes génitaux était déjà trop prononcée, quand ce moyen a été conseillé.

M.rL** croyait n'avoir jamais fait d'excès, parce qu'il se comparait à ses camarades, moins fortement charpentés que lui ; cependant il était obligé de rompre toutes ses liaisons au bout de quelque temps, parce qu'il s'en trouvait mal : tout est donc relatif à l'état des organes génitaux. C'est probablement à ces interruptions fréquentes et prolongées qu'il a dû de ne pas tomber dans un état aussi déplorable que ceux qui étaient mariés ; n'étant retenu par aucune considération, il échappait au danger dès qu'il sentait sa position s'aggraver.

Je dois rapporter ici quelques passages d'un mémoire qui m'a été adressé par un autre officier du même corps.

«J'ai commencé, à l'âge de 11 ans, à me livrer à la masturbation , et n'ai cessé complètement qu'à 23. Entre 13 et 18, je m'y suis abandonné avec fureur; quelquefois jusqu'à dix ou onze fois par jour , sans jamais m'abstenir plus de quatre ou cinq jours. Je ne puis évaluer les excès de ces cinq années à moins de 3,650, en prenant h


558 moyenne. Je néglige tout ce qui a précédé ou suivi, comme irrégulier et ne pouvant être soumis au calcul...!

»A 20 ans, je remarquai que je rendais du sperme en allant à la selle, pour peu que je fusse constipé , et je l'étais souvent. De 20 à 24, j'éprouvai des douleurs dans la poitrine, surtout vers le sternum ; j'eus une hydropisie du péricarde annoncée par des étouffemens et des palpitations.

J>Malgré mon aversion pour les filles, j'y eus recours en 1835, huit fois dans l'espace de 11 mois, et je m'en suis toujours mal trouvé ; chaque fois ma vue s'est affaiblie subitement.. ».

Si des actes vénériens aussi rares ont produit de si fâcheux effets, c'est que des abus épouvantables avaient amené des pertes séminales involontaires de plus en plus graves.

Ces faits montrent à la fois , jusqu'à quel point la masturbation peut détériorer les organes génitaux les plus énergiques, à l'époque de leur plus grande puissance , et la nécessité de tenir compte de l'état actuel des parties, pour bien apprécier les effets de l'acte vénérien.


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79.

Masturbation de 4j à 20 ans; effets remarquables de toute perte séminale, surtout du coït, sur le cerveau ; pollutions diurnes méconnues ; congestions cérébrales combattues, pendant 27 ans,par les saignées, les sangsues, les dérivatifs, etc.

Monsieur N**, professeur de philosophie, d'une petite stature., mais d'une constitution robuste , se livra à la masturbation, depuis 17 ans jusqu'à 20 ans. Sa santé s'étant alors altérée, il se corrigea, sans obtenir d'amélioration durable ; son état empira même progressivement jusqu'à 48 ans, sans changer cependant de caractère.

Dans toutes les consultations qui eurent lieu pendant ces 27 années, les symptômes signalés en première ligne sont toujours de fréquentes congestions vers la tête, et une extrême susceptibilité aux changemens atmosphériques. Dans la première de ces consultations, il est dit que le malade, âgé de 21 ans, est pléthorique , a le cou gros et court, qu'il est né d'un père dont la mort a été causée par un dépôt dans la tête, etc.

Les traitemens ont consisté en fréquentes saignées, applications répétées de sangsues à l'anus ou au cou, purgatifs, pédiluves, sinapismes, cautères multipliés, etc.

Tous ces moyens ont été employés dans l'intention


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de s'opposer aux fréquentes congestions cérébrales, aux menaces continuelles d'apoplexie; mais aucun n'a eu de succès durable.

Je n'ai pas insisté sur ces renseignemens, parce que les symptômes ont subi très-peu de variations pendant ces 27 années , et que j'ai trouvé dans les notes rédigées par le malade des détails plus importans, dont ses médecins n'ont pas fait mention. Je vais donc le laisser parler.

«Mon mal de tête a commencé pendant que jeme livrais à la masturbation. Il m'est arrivé souvent, au moment de l'éjaculation, de sentir derrière le cou un mouvement de rétraction dans un nerf. J'ai aussi quelquefois éprouvé immédiatement après l'acte vénérien, un mouvement violent et instantané dans l'épine du dos , qui me forçait à me courber malgré moi

» En 1820, j'appfiquai au bras un vésicatoire, que je fis suppurer pendant vingt jours , et qui me fit beaucoup de mal; car il augmenta ma faiblesse intellectuelle

»Si je me couche sur un lit mou, et qu'en dormant je reste quelque temps sur le dos , je suis sûr d'éprouver une pollution nocturne : elle arrive aussi facilement lorsque j'ai la tête très-basse. J'ai cependant passé quinze jours sans en éprouver. Il y a quatre ans, j'en avais plusieurs par semaine , et quelquefois deux ou trois dans une nuit. Ma tête était alors très^-affaiblie : ces évacuations étaient ordinairement fort abondantes.

» Je n'ai jamais usé du coït plus de huit ou neuf fois par an, et j'ai toujours éprouvé, immédiatement après, des tiraillemens dans les nerfs, des soubresauts dans les tendons, suivis de lassitude, d'accablement et surtout de stupidité,


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qui duraient plusieurs jours. Depuis 12 ans, j'ai mis quatre ou cinq mois d'intervalle entre chaque acte ; et cependant, le lendemain, ma tête était complètement prise. Je ressemblais à un idiot pendant quinze ou vingt jours ; il me semblait que mon cerveau était comme enchaîné.

«Tout mon mal est aujourd'hui dans la tête. J'éprouve dans le cerveau un mouvement continuel, un sentiment' de tension, d'irritation , qui varie suivant les moindres changemens de l'atmosphère ; parle vent du midi, je suis tout étourdi, comme hébété, je sens des espèces de petites cordes qui semblent se relâcher ou se tendre à l'excès ; la masse entière du cerveau me paraît dans un état d'affaissement ou de spasme ; j'y éprouve du gonflement. La moindre fraîcheur à la tête me donne la sensation d'un glaçon. La constipation, à laquelle je suis très-sujet, nuit également à mes idées ; si je passe deux jours sans aller à la selle, mes facultés sont comme suspendues. Le temps sec, un exercice modéré, une transpiration abondante ont toujours fait du bien à ma tête. Mon visage est habituellement très-rouge, et j'y ressens souvent une sorte d'inflammation. La digestion, la moindre impression morale, la lecture la plus insignifiante augmentent la congestion et me donnent des étourdissemens, des cblouissemens , des linlemens d'oreille »

A. l'époque où je vis ce malade , 4825, je n'avais pas encore observé beaucoup de cas analogues ; mais le caractère de ces congestions habituelles , leur ancienneté,. leur persévérance, la bizarrerie des symptômes concomitans, la cause première de leur apparition , tout cela différait tellement des affections cérébrales dont je m'occupais ,


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que je ne pus partager l'opinion de tous les praticiens consultés avant moi. ,

D'un autre côté , le malade avaitcomplétement renoncé à la masturbation, dès l'apparition des premiers accidens; il n'avait certainement pas abusé du coït. Depuis plusieurs années, ses pollutions nocturnes ne revenaient plus qu'une fois ou deux par mois, et la sécrétion du sperme est bien autrement abondante à cet âge. Je soupçonnai donc des pollutions diurnes : le malade me confirma dans cette opinion, dès qu'il fut mis sur la voie.

Depuis long-temps, en effet, il avait remarqué qu'il rendait par le canal une matière visqueuse, semblable à du sperme , toutes les fois qu'il était obligé de faire de grands efforts pour aller à la selle, et il était très-souvent constipé. Ses urines étaient fort abondantes et rendues très-fréquemment ; les dernières gouttes étaient épaisses, sortaient lentement et restaient en partie dans le canal.

Pendant un mois , j'ai suivi avec attention les variations qui survenaient dans les urines, et j'ai constamment remarqué que, plus le temps était humide, plus elles étaient troubles, fétides , remplies de dépôt. Ces changemens m'expliquèrent l'effet produit sur les fonctions cérébrales par une atmosphère chargée d'eau.

II existait donc des pollutions diurnes, et probablement elles avaient déjà heu en 1810, puisqu'un vésicatoire augmenta beaucoup la faiblesse intellectuelle ; ce qui ne peut s'expliquer que par l'action des cantharides, les cautères n'ayant jamais produit le même effet.

Ne connaissant pas encore toutes les ressources que j'aurais pu trouver dans la cautérisation, j'employai tous


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les moyens conseillés en pareil cas; j'y ajoutai plus tard les bains sulfureux artificiels : le malade en éprouva une amélioration si évidente, qu'il se hâta de se rendre à Barèges , dès que la saison le lui permit. Malheureusement je n'ai plus eu de ses nouvelles.

Ce malade avait-il hérité d'une disposition particulière aux affections cérébrales? C'est ce qu'il serait difficile de décider ; mais ce qui est évident, c'est l'influence directe et puissante que toute espèce de perte séminale a toujours exercée sur le cerveau.

Lorsque cette action s'est manifestée a la suite de la masturbation , du coït ou des pollutions nocturnes, elle a pu être facilement appréciée par un homme très-intelligent, habitué à s'observer; mais, lorsque les mêmes effets ont été produits par les pollutions diurnes, il n'en a pas trouvé la véritable cause, parce que ces pertes séminales n'étaient pas apparentes comme les autres. Il était cependant bien naturel de penser que ces symptômes étaient toujours dûs a la même cause, puisqu'ils ne changeaient pas de caractère; seulement, au lieu d'être intermittens, comme les pertes accidentelles qui les provoquaient , ils devenaient de plus en plus continus, à mesure que les pollutions diurnes remplaçaient les évacuations patentes, volontaires ou involontaires.

L'existence de ces pollutions diurnes peut seule expliquer comment un homme , d'une grande intelligence , était jeté dans un état d'idiotisme prolongé par des actes


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vénériens éloignés de plusieurs mois ; pourquoi un Yésicatoire, un état de constipation, etc., produisaient les mêmes effets.

En résumé, la maladie fut méconnue pendant 27 ans , et son symptôme prédominant a toujours été combattu par les moyens les plus propres à l'aggraver.

J'ai montré comment la blennorrhagie et la masturbation pouvaient laisser dans les organes spermatiques une irritation, ou, si l'on veut, une susceptibilité particulière , facile à exaspérer par le coït ; il en résulte que la puissance virile diffère beaucoup , non-seulement, d'un individu à un autre, mais encore chez le même individu, à des époques très-rapprochées.

Indépendamment de ces modifications, antérieures à l'acte, les organes génitaux peuvent en éprouver momentanément d'autres aussi fâcheuses. Je vais indiquer, par quelques exemples, les principales causes qui rendent alors le coït dangereux.


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80.

Masturbation ; excès vénériens ; équitation prolongée ; blennorrhée ; pollutions nocturnes et diurnes. Deux cautérisations; rétablissement. Excès prématurés ; rechute. Nouvelle cautérisation : guérison.

Monsieur T*, d'une constitution robuste, d'un tempérament bilioso-sanguin, contracta au collège l'habitude de la masturbation. A 15 ans, il y renonça, mais ce fut pour se livrer avec excès aux plaisirs vénériens. Cependant, sa santé n'éprouva pas d'altération notable, jusqu'au moment où il fut obligé de passer à cheval presque toutes ses journées , et quelquefois une partie des nuits.

Après quelques mois de ce nouveau genre de vie , il éprouva de la pesanteur et de la chaleur au périnée, des battemens et des élancemens à la marge de l'anus ; il lui Vint des hémorrhoïdes. Son ardeur pour les femmes diminua peu à peu, finit même par se changer en aversion. Il devint triste, taciturne, irritable ; toutes ses fonctions se troublèrent successivement ; il se sentit appesanti, nonchalant , faible au physique comme au moral, et ne se plut que dans la solitude. Enfin, il vint à Montpellier étudier la médecine.

Un professeur qu'il consulta, le crut affecté de gastrite, puis d'entérite chronique, et finit par le regarder comme


566 hypochondriaque. C'est dans cet état qu'il vint me trouver, à l'âge de 25 ans.

Il éprouvait de la pesanteur et de la douleur vers le col de la vessie; ses urines n'étaient expulsées qu'avec lenteur et difficulté ; elles ne tardaient pas à se troubler et à se décomposer ; elles laissaient déposer un nuage blanchâtre, épais et floconneux. Un suintement de matière visqueuse, filante et transparente avait habituellement lieu par le canal ; il augmentait après les repas , après les pollutions nocturnes, ou tout exercice à pied, à cheval, en voiture, et même après toute excitation morale un peu vive. Quant aux pollutions nocturnes, elles étaient très-fréquentes , et depuis long-temps elles avaient heu sans . érection, sans plaisir, sans aucune espèce de sensation. Des pertes séminales avaient aussi lieu de temps en temps, pendant les efforts de la défécation. Du reste, sensation de brisement le long de la colonne vertébrale ; douleurs permanentes dans la région lombaire ; digestions laborieuses, souvent incomplètes, accompagnées de pesanteur, de flatuosités ; sommeil agité, peu réparateur ; songes effrayans, etc.

Deux cautérisations que je pratiquai, à six mois d'intervalle , sur la portion prostatique de l'urètre, firent disparaître complètement le suintement habituel du canal, ainsi que les pollutions diurnes, et rendirent les pollutions nocturnes de plus en plus rares; l'embonpoint revint promptement, et le malade reprit toute sa vigueur et son activité premières.

Malheureusement le retour des fonctions génitales ramena des érections importunes, des désirs vénériens


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pressans , auxquels M. 1' T* céda trop tôt et sans ménagement. Une rechute gravefut la suite de cette imprudence, et nécessita une nouvelle cautérisation qui produisit les mêmes résultats que les précédentes , mais avec plus de lenteur. Cependant j'ai su depuis que le rétablissement n'avait été entravé par aucun nouvel accident.

Il faut tenir compte de la masturbation et des excès vénériens qui ont précédé l'exercice immodéré du cheval; cependant, c'est bien certainement cette fatigue excessive qui a déterminé l'apparition de la blennorrhée , ainsi que des pollutions nocturnes et diurnes.

Le mode d'action deTéquitation sur les organes génitaux est trop facile à comprendre, pour avoir besoin d'explication; mais il est important à remarquer, parce qu'il explique les avantages ou les inconvéniens de cet exercice chez les malades affectés de pertes séminales involontaires , suivant qu'elles sont dues à un état d'atonie ou de phlogose.

L'excitation provoquée par l'exercice du cheval, doit aussi être signalée comme cause d'illusion et de danger. Les signes de virilité qu'elle provoque , sont trop souvent pris pour des besoins réels ; ou bien, ils sont mis à profit pour simuler une vigueur de parade. Quand bien même ces besoins existeraient, ils ne devraient pas être satisfaits dans le moment où les organes génitaux sont dans un état de fatigue et d'irritation, puisque l'acte luimême tend à produire ces deux effets. Aussi la réunion


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de ces deux circonstances produit-elle bien souvent des urètrifes plus ou moins intenses, plus où moins prolongées , d'où résultent des écoulemens qu'on prend tantôt pour des blennorrhagies contagieuses, tantôt pour des pertes séminales, suivant l'aspect qu'ils présentent et la nature des symptômes qui les accompagnent. Comme les mêmes causes agissent en même temps sur le canal et sur lés organes spermatiques, comme d'ailleurs toute inflammation de l'urètre s'étend facilement du côté des testicules, le plus souvent ces urétrites sont accompagnées ou suivies d'orchites ; ce qui explique aussi pourquoi il survient très - fréquemment des pollutions nocturnes et diurnes.

Pour peu que cette coïncidence se prolonge, il est trèsfacile de prendre ces écoulemens continus du canal pour du véritable sperme , parce qu'ils se réduisent à un suintement muqueux et prostatique, en même temps que le sperme, rendu pendant la défécation et l'émission des urines , perd les caractères qui lui sont propres ; en sorte que les deux fluides tendent de plus en plus à se ressembler.

Je ne serais pas rerénu sur cette erreur que j'ai déjà signalée plusieurs fois, si le D.r Clément, en publiant cette observation (1 ), ne l'eût intitulée: Spermatorrhée continue, et s'il n'eût regardé comme du sperme la matière qui s'écoulait par le canal d'une manière continue. C'était aussi l'opinion du malade; et les résultats dû traitement ont dû augmenter encore leur conviction, puisque la santé s'est

(1) De la Spermatorrhée, etc. ; 9.mc Ôbsërv.


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rétablie après la disparition de cet écoulement. Mais il existait aussi des pollutions nocturnes et diurnes, que la cautérisation a fait cesser en même temps quei l'écoulement.

Il n'y avait donc ici, comme dans tous les cas de cette nature, que coïncidence dé l'irritation du canal avec celle des organes spermatiques ; coïncidence très-commune, très-facile à expliquer, ainsi que l'influence de la cautérisation sur la surface prostatique et sur l'orifice des conduits éjaculateùrs.

La rechute éprouvée par ce malade mérite aussi quelque attention, à causé des difficultés que présente la convalescence des pertes séminales involontaires.

A mesure que la guérison avance, le sperme est retenu plus long-temps ; mieux élaboré, il provoque des érections plus fréquentes, plus énergiques , plus prolongées. Il arrive un moment où elles sont importunes , fatigantes et même nuisibles : d'ailleurs» la sécrétion continue dans les testicules ; lès vésicules séminales n'ont qu'une capacité déterminée ; il faut donc que des évacuations aient lieu : si l'on s'oppose toujours â ce qu'elles s'opèrent d'une manière normale, on ùe verra jamais cesser les pollutions qu'il s'agit de guérir. Enfin, l'exercice modéré des organes est le meilleur fortifiant qui puisse leur convenir.

Le retour de la fonction est donc utile , indispensable â la consolidation du rétablissement. La difficulté consiste, pour le praticien, à saisir l'opportunité; pour le malade, à ne pas dépasser les strictes limites du besoin le plus impérieux. Malheureusement il n'arrive que trop souvent alors, ce qu'on voit tous les jours après tant

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d'autres maladies, après une gastrite par exemple ; le moment vient d'accorder quelques alimens, une diète plus prolongée rappellerait l'irritation de l'estomac ; mais le convalescent consulte plus son appétit que ses forces digestives, et se donne une indigestion dont les suites sont plus redoutables que la première maladie. On avait cependant la facilité de surveiller les repas, de choisir les alimens, de couper les morceaux ! Dans les cas qui nous occupent, rien de semblable n'est possible.

Il est remarquable , toutefois, que la cautérisation a suffi de nouveau pour faire disparaître les suites de cette rechute ; ce qui prouve la puissance de ce moyen.

81.

Tempérament nerveux ; masturbation; excès de coït,; équitation

équitation constipation opiniâtre ; dérangement de la

santé; délire aigu ; aliénation mentale ; impuissance ; hy>

hy> ; penchant au suicide, etc. ; pollutions diurnes.

Cautérisation : guérison prompte.

Un de mes anciens élèves , le D.r Lubet-Barbon, de Mont-de-Marsan, m'a communiqué une observation analogue à la précédente. C'est le malade lui-même qui a écrit son histoire avec un soin minutieux ; j'en extrairai les circonstances les plus remarquables.

Monsieur L**, capitaine de cavalerie, d'un tempérament neryeux, d'un caractère ardent et plein d'imagination, contracta au collège l'habitude de la masturbation :


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sa santé n'en fut cependant pas altérée.; Place dans les gardes d'honneur à 17 ans, il connut peu de femmes , eu égard à sa vie agitée ; mais il se livra souvent à des excès vénériens irréguliers. De 20 à25 ans, il lui est arrivé ; dans plus d'une occasion , de répéter le coït dix à douze fois dans une nuit, sans en être incommodé.

Pendant la campagne d'Espagne , de 1825 à 1825 , il éprouva une constipation opiniâtre , qui dura quelquefois douze jours ; ses selles devinrent sanguinolentes, douloureuses , etc. Dès ce moment, trouble des digestions ; amaigrissement rapide ; diminution du sommeil ; accès fréquens de somnambulisme , ou du moins agitation extrême pendant la nuit, avec loquacité ; dans le jour , paresse, torpeur, somnolence. (Diète lactée ;pédiluv es sinapisés; compresses froides sur la tête. ) Après quelques mois de repos dans une garnison de l'Alsace, rétablissement.

En 1852 , nouvelles fatigues comme of/icier-inslructeur ; nouvelle altération de la santé.

En 1854, après un service très-pénible,'fièvre cérébrale très-grave , accompagnée de. délire, d'une sensibilité extraordinaire de tous les sens, dé disposition au suicide, de mouvemens convulsifs , entremêlés d'accablement. (Application souvent répétée de sangsues au cou; bains; glace sur la tête ; moxas, etc.)

A cet état aigu succéda une divagation habituelle ; l'affection prit tous les caractères de la folie. Le malade fut transporté à l'hôpital militaire de Toulouse, et de là, placé dans l'établissement du D.r Délaye, destiné au traitement des aliénés. Quelque temps après, éruption de nombreux furoncles ; idées plus nettes ; retour du sommeil et de la


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raison ; mais faiblesse extrême, surtout des jambes; maigreur excessive ; constipation habituelle ; disparition des érections et des désirs vénériens. Sous l'influence des eaux de Barèges, amélioration générale.

En octobre 1854, le malade reprit ses fonctions d'instructeur, et passa une partie du jour à cheval. Bientôt après, il devint triste, abattu, découragé ; il prit la société en aversion , surtout celle des femmes, et rompit avec tout le monde, même avec ses meilleurs amis, pour vivre dans la solitude. Il sentait ses- torts, il déplorait le changement de son caractère ; mais il ne pouvait maîtriser son humeur sombre.

Plus tard, il perdit tout-à-fait le sommeil, éprouva de frêquens étourdissemens, de violentes congestions vers la tête. Alors, malgré sa répugnance, il se laissa saigner, appliquer des sangsues à l'anus, etc. ; mais ces évacuations sanguines empirèrent encore sa position. Il fut obligé de cesser tout service , de renoncer à toute occupation sérieuse. Sa tête était toujours bridante, tandis que ses pieds restaient glacés. Ne pouvant rester au lit, il passât les nuits à se promener, ou s'assoupissait un instant sur une chaise. Tantôt il parlait beaucoup et malgré lui; tantôt il passait plusieurs jours sans prononcer un seul mot. Poursuivi sans cesse par des idées de suicide, il fut un jour sur le point d'y céder , et n'y échappa qu'en jetant ses rasoirs par la fenêtre; une autre fois, il fut obligé de se débarrasser de ses pistolets. Enfin il éprouva de violentes palpitations, des étouffemens frêquens et passagers , qui firent croire à un anévrysme du coeur.

L'usage modéré du coït lui ayant été conseillé, il en


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essaya, lorsqu'il se crut dans des dispositions favorables ; mais le mauvais effet qu'il en éprouva, l'empêcha de renouveler ses épreuves : il n'y avait d'ailleurs trouvé aucun plaisir ; l'érection avait été incomplète et Féjaculation précipitée. Ses digestions s'altérèrent de plus en plus ; ses vertiges s'accompagnèrent de bourdonnemens et de tintemens dans les oreilles ; ses jambes devinrent si faibles, qu'il put à peine sortir de chez lui. (Sêton à la nuque.)

En 1855 , il passa quatre mois dans un village, près de Bagnères-de-Bigorre , vivant de laitage et de légumes , se livrant à de fréquentes excursions , dans lesquelles il se trouva toujours, bien de l'exercice à pied ou en voiture, très-mal au contraire de l'usage du cheval, auquel il fut même obligé dé renoncer tout-à-fait. Je ne puis m'empêcher de citer ici un passage, qui me paraît propre à faire connaître son état moral.

* Plus d'une fois, dit-il, la nuit vint me surprendre au milieu des sites lès plus sauvages, abymé que j'étais dans une profonde mélancolie, dont je ne pouvais me rendre compte, n'éprouvant d'autre bonheur que celui d'être seul, éloigné de tout contact humain ; me détournant souvent de ma route pour éviter une rencontre, au risque de m'égarer en prenant un autre chemin; regrettant toujours d'être obligé de me retrouver bientôt parmi les hommes. Assis au bord d'une cascade, ou sur le sommet de quelque mont élevé , d'où mes regards embrassaient un immense horizon, j'ai senti maintes fois des ruisseaux de larmes inonder mes joues pendant des heures entières, et cela involontairement, sans aucun motif. J'éprouvais un bienêtre indicible de ces vagues sensations ; elles me tiraient


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de mon état habituel, de ce malaise indéfinissable entre la vie et la mort, entre la raison et le délire....... *

Je regrette de ne pouvoir rapporter une foule de passages qui rappellent involontairement J. J. Rousseau, surtout lorsque le malade se plaint de la perfidie des hommes, de leurs trames odieuses, de leurs noires et injustes persécutions, après avoir montré combien sa longue maladie ayait dû exercer la patience de ses chefs et de ses amis : mais je dois me hâter d'arriver à la conclusion.

Monsieur L*, de retour à son régiment, perdit bientôt le peu de santé qu'il avait regagné dans sa retraite. Forcé de demander son congé, quoiqu'il n'eût que 40 ans, il vint se retirer à Mont-de-Marsan, où le D.r Lubet-Barbon fut frappé de son état physique et moral, qui s'était encore aggravé. Quelques questions, relatives aux fonctions des organes génitaux,.mirentbientôt ce médecin sur la voie de la véritable cause de la maladie; quelques jours d'observation lui permirent de constater l'existence de pertes séminales^ habituelles et abondantes', pendant la défécation et l'émission des urines.

Le 20 mai 1855, le D. 1 Lubet-Barbon pratiqua une cautérisation superficielle, depuis le col de la vessie jusqu'à la portion membraneuse de l'urètre. Les résultats immédiats et consécutifs ne différèrent pas de ceux que j'ai Si souvent mentionnés. Peu à peu toutes les fonctions se rétablirent spontanément, et le capitaine L** partit deux mois après pour les bains de mer ,;d'où il écrivit que son état était aussi satisfaisant qu'il pouvait le désirer,, et que tous les symptômes avaient entièrement disparu.


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Depuis quand duraient ces pollutions diurnes? C'est ce qu'il est impossible d'affirmer , puisque le malade ne se doutait pas de leur existence; mais il est probable qu'elles remontaient à la campagne de 1825, époque du premier dérangement de sa santé.

Quel rôle ces pertes séminales ont-elles joué dans la production de ce délire aigu, de cette aliénation mentale qui lui a succédé ? C'est ce qu'on peut déjà présumer par quelques-unes des observations précédentes ; c'est ce qu'on appréciera mieux encore quand j'en aurai rapporté beaucoup d'autres semblables.

Quelle part a pris l'équitation dans la production de ces pollutions nocturnes? Il est facile d'en juger, quand on se rappelle que le premier dérangement de la santé est survenu pendant la campagne d'Espagne; quand on voit chaque rechute se manifester toujours à la suite de quelque nouvelle fatigue, soit dans le service, soit dans l'instruction des cavaliers. Il y a surtout un fait qui ne peut laisser aucun doute dans l'esprit, M,r L*, dans sa retraite près de Bagnères, fit souvent à cheval une partie de ses excursions, et chaque fois il en a éprouvé une agitation extraordinaire, une exaspération de tous ses maux, quoique l'exercice à pied et même en voiture lui ait toujours fait du bien ; enfin il a été forcé d'y renoncer entièrement. Cependant il aimait les chevaux; il servait dans la cavalerie depuis l'âge de 17 ans. Il faut donc que les inconvéniens de cet exercice l'aient bien frappé.

Sans doute il faut tenir compte de la masturbation et des excès vénériens. Ils ont dû préparer l'irritation des organes spermatiques ; mais toutes les circonstances de


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cette observation indiquent que la fatigue de ces parties, par l'exercice du cheval, y a plus contribué que le reste. Je n'insisterai pas sur les effets de la cautérisation ; il en résulte assez évidemment que tous les symptômes dépendaient des pollutions diurnes.

82.

Tempérament lymphatique : masturbation précoce et prolongée ; équitation ; coït rare ; urétrite ; inflammation répétée des testicules ; émission fréquente des urines ; pertes séminales pendant la défécation ; éjaculation imparfaite. Deux cautérisations : guérison complète.

Berthelot, âgé de 25 ans , d'un tempérament lymphatique, né de cultivateurs robustes et aisés , jouit d'une santé parfaite pendant son enfance. De 10 à 14 ans, il se livra souvent à la masturbation avec d'autres enfans de son village, quoiqu'il n'éprouvât que peu de plaisir et ne rendît pas de matière séminale. Plus tard, il s'y abandonna deux et trois fois par jour. Cependant, sa santé ne fut pas sensiblement altérée.

A 21 ans, il entra dans un régiment de cavalerie. Dans le mois d'août 1855 , il eut le choléra, et fut envoyé dans son pays en convalescence. Il chassa beaucoup, surtout à cheval, fit de longues courses dans le voisinage, presque toujours à cheval, et se rétablit complètement.


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En novembre 1855, il eut des rapports avec une femme, une fois ou deux par jour. Le cinquième jour, il éprouva des douleurs très-vives dans le canal pendant l'émission des urines. Il crut d'abord avoir été trompé ; mais aucun écoulement apparent ne vint confirmer ses appréhensions. Rassuré par quelques jours d'observation , il reprit l'usage du cheval avec une nouvelle ardeur, et se contenta seulement de s'abstenir de toute liqueur spiritueuse.

Vers le milieu de décembre , B" remarqua, en allant à la selle, qu'il rendait par la verge une quantité considérable de liquide visqueux , blanchâtre , semblable à du sperme. Il n était pas constipé, ses matières étaient molles ; cependant, il était obligé de faire des efforts considérables pour les rendre. En même temps, les envies d'uriner devinrent plus fréquentes ; plus impérieuses ; elles se renouvelèrent huit à dix fois par jour et quatre ou cinq fois dans la nuit.

Le 6 janvier, après une équitation prolongée, il ressentit de la douleur le long du cordon spermatique gauche : elle s'étendit bientôt à l'épididyme et au testicule correspondant; ils triplèrent de volume en quelques jours. (20 sangsues sur le trajet du cordon ; cataplasmes émolliens; tisane de graine de lin mirée. )

L'inflammation disparut promptement, mais l'épididyme conserva long-temps le volume d'un oeuf de pigeon. Le malade porta un suspensoire, reprit ses courses à cheval, et se livra de nouveau à la masturbation. Ce fut alors qu'il remarqua dans l'éjaculation un changement extraordinaire. Il ne vit plus sortir du canal que quelques


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gouttes de sperme, bien qu'il éprouvât à l'intérieur une espèce de bouillonnement annonçant une évacuation bien plus abondante. Elle ayait lieu en effet ; mais la plus grande partie du sperme restait dans le canal, et n'en sortait qu'après l'érection; encore le malade était-il obligé d'en favoriser la sortie par la pression de l'urètre.

Depuis cette époque , le même phénomène s'est toujours reproduit dans les mêmes circonstances ; et, lorsque des pollutions nocturnes sont survenues, la plus grande partie du sperme restait également dans le canal, jusqu'au moment du réveil. Au reste, les pertes séminales pen^ dant les efforts de la défécation , et le besoin fréquent d'uriner persistèrent. La santé s'altéra de nouveau ; et, lorsque le malade quitta son pays, il était aussi maigre, aussi faible, que quand il y était venu pour se rétablir des suites du choléra. '

Après quelques jours d'un service actif, nouvel engorgement du testicule gauche, dissipé par le repos et des cataplas ■' mes émolliens. Depuis lors, retour du même accident chaque fois que l'équitation se prolonge plusieurs heures. Après une course à cheval de Béziers à Carcassonne, inflammation aiguë du cordon spermatique droit, del'épididyme, et puis dû testicule correspondant (25 sangsues; cataplasmes ; bains ; frictions mercurielles sur les cuisses et sur le scrotum.) Résolution de l'engorgement testiculaire ; persistance de celui de l'épididyme et du cordon.

Plus tard , douleurs dans la poitrine ; étouffemens ; indispositions répétées; enfin, entrée à l'hôpital de Montpellier , le 6 août 1856, dans l'état suivant :

Face pâle et triste ; système musculaire assez dévc-


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loppé , mais sans force ;. tristesse et apathie ; digestions pénibles, accompagnées de renvois acides et de flatuosités ; selles molles et mal élaborées ; cependant, efforts considérables pendant la défécation ; alors, pertes séminales abondantes ; micturilion, douze ou quinze fois par jour, avec douleur et embarras dans le canal; dernières gouttes épaisses et visqueuses ; urines abondantes et troubles , contenant un dépôt dense, blanchâtre, d'un pouce d'épaisseur ; testicules pendans ; épididymes engorgés ; cordons spermatiques légèrement variqueux; sentiment de pesanteur et de malaise dans ces parties, augmenté par une station prolongée.

Cautérisation delà portion prostatique de l'urètre, par mon collègue le Professeur Serre. Diminution des efforts de défécation, et de la quantité de sperme expulsée chaque fois; émission dés urines moins fréquente, moins douloureuse; amélioration des digestions et des dispositions morales.

C'est dans cet état que je trouvai le malade, lorsque je pris le service de l'hôpital, un mois après la cautérisation. L'amélioration notable qu'elle avait déjà produite , me fit espérer qu'elle suffirait pour amener le rétablissement complet. Je me contentai donc de prescrire des douches ascendantes fraîches tous les deux jours.

Quelque temps après , ayant introduit une sonde dans le canal, j'éprouvai un léger obstacle au-devant du col de la vessie : un peu avant d'y pénétrer , le bec de la sonde fut soulevé par une espèce de bride , qui produisit en passant un petit soubresaut.

Dans toute autre occasion , je n'aurais probablement


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pas attaché d'importance à cette sensation; mais le siège de cette dureté vers l'orifice des vaisseaux éjaculateurs, me fit multiplier les questions. C'est alors seulement que le malade entra dans les détails les plus précis sur les changemens qu'il avait observés dans l'éjaculation, depuis l'époque dont j'ai parlé. Le rapprochement de ces circonstances me fit laisser la sonde à demeure pendant une heure , et je répétai cette application tous les huit jours.

Les douches ascendantes parurent donner plus de force au rectum, et les sondes plus de liberté, plus de ton au canal. Les pertes séminales diminuèrent. Il y eut amélioration notable de toutes les fonctions. Cependant, le 15 octobre, une selle laborieuse fut de nouveau accompagnée de l'évacuation d'une assez grande quantité de sperme. Le même accident se renouvela le 19. Le besoin d'uriner était encore fréquent, et les urines n'avaient pas repris toute leur transparence.

Le 21 octobre, je me décidai à pratiquer une nouvelle cautérisation à la surface de la prostate, et je fis en sorte qu'elle portât spécialement en avant des conduits éjaculateurs, sur la partie membraneuse de l'urètre. (Bains; lavcmens ;boissons adoucissantes ; êmulsions camphrées, etc.)

Cette seconde cautérisation acheva ce que la première avait commencé. La défécation se fit avec énergie et facilité. Les pertes séminales qui l'accompagnaient, cessèrent complètement. Les urines devinrent tout-àrfait transparentes , et furent rendues seulement trois ou quatre fois par jour, avec force et sans douleur. Quelques pollutions nocturnes très-abondantes reparurent, mais à des inter-


581' valles de dix ou quinze jours ; elles furent toujours précé-? dées de rêves erotiques et accompagnées d'un vif plaisir? l'évacuation du sperme se fit très-librement et complètement : rien ne séjourna plus dans le canal.

Le 6 décembre, B** sortit de l'hôpital entièrement guéri, depuis plus d'un mois. Je lui conseillai cependant de demander à servir dans l'infanterie, et je lui délivrai un certificat en conséquence (1).

Berthelot était lymphatique ; il avait déjà contracté dans son village de mauvaises habitudes, quatre ans avant la puberté. Il faut donc tenir compte de son tempérament, et de l'influence que sa brutale passion a dû exercer sur ses organes génitaux ; mais la cause déterminante de sa maladie est bien évidente.

Le coït n'a été répété que six fois dans quatre jours ; mais ce jeune homme passait toutes ses journées à cheval. Depuis lors, l'équitation a toujours aggravé les accidens, ou provoque de nouvelles rechutes. C'est donc à la fatigue du périnée qu'il faut attribuer l'urétrite, ainsi que les différentes orchites qui se sont succédé depuis.

Ce n'est pas en exposant les testicules à des froissemens , comme on pourrait le croire, que l'exercice du cheval a provoqué leur inflammation ; car elle a com(1)

com(1) observation a été recueilie par le D.r Ramirez de Hidalgo.


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mencé par le canal déférent, s'est étendue à l'épididyme, avant d'envahir le corps de la glande, et la résolution a toujours suivi une marché inverse. C'est donc la fatigue du périnée qui, en exaspérant l'inflammation, a favorisé son extension aux surfaces muqueuses voisines. Ce qui le prouve , c'est qu'elle ne s'est pas seulement étendue du côté des testicules, ' puisqu'elle a fait les mêmes progrès du côté des reins. -

Les vésicules séminales ont donc partagé l'état de la vessie, et présenté les mêmes phénomènes. Elles sont placées entre les canaux éjaculateurs et les testicules, comme la vessie entre l'urètre et les reins. Ce qui se passait dans la cavité urinaire, n'était que l'expression en grand de ce qui avait lieu dans les réservoirs du sperme.

L'influence de cette phlogose s'est même étendue aux sphincters de l'anus, puisque l'expulsion de matières fécales très-molles exigeait tant d'efforts.

J'ai rapporté (pag.451) un exemple dé pollutions nocturnes, qui avaient lieu sans aucune évacuation exté-. rieure, parce que toute la liqueur séminale était reçue dans la vessie, d'où elle s'échappait ensuite avec les urines. Ce dérangement était survenu à là suite de compressions exercées sur le périnée pour prévenir l'éjaculation. La même déviation du sperme, pendant des pollutions nocturnes, s?est manifestée chez un autre malade (N° 77 ), à la suite d'une blennorrhagie. Berthelota éprouvé quelque chose de semblable; mais, chez lui, toutes les circonstances relatives à cette perturbation ont été bien plus évidentes.'

Il ne pouvait y avoir de doute sur les remarques faites


585 par le malade pendant la masturbation. Il éprouvait toujours la même sensation voluptueuse ; mais elle était accompagnée d'un bouillonnement intérieur, et il ne voyait sortir, pour le moment, que deux ou trois gouttes de sperme. Après ses pollutions nocturnes, il trouvait également, à son réveil, le sperme encore retenu dans le canal. Ce sont là des phénomènes faciles à constater, et ils l'ont été un grand nombre de fois.

J'ai vu souvent des rétrécissemens du canal, très-longs ou très-étroits,.produire des effets analogues; mais, chez Berthelot, une sonde n° 12 arrivait facilement jusque dans la vessie : il fallait donc que l'orifice des canaux éjaculateurs eût été dévié par quelque cicatrice développée au voisinage du veru montamm. Son existence fut rendue incontestable par le soubresaut du bec de la. sonde avant d'entrer dans la vessie, et il ne peut y avoir eu de prévention à cet égard, puisque j'ai éprouvé cette sensation avant de connaître les remarques faites par le malade; c'est même à cette occasion qu'il les a rapportées.

D'un autre côté, l'existence de cette cicatrice en cet endroit indique bien clairement que l'urétrite avait son siège principal vers l'orifice des canaux éjaculateurs. On conçoit dès-lors comment la fatigue du périnée par l'équitation a dû contribuer à son développement, à ses recrudescences ; comment cette inflammation s'est étendue si souvent aux testicules ; comment il en est résulté si promptement des pertes séminales involontaires.

J'ai montré ailleurs (N°44) comment l'exercice du cheval pouvait amener des pollutions diurnes très-graves, en agissant sur la marge de l'anus de manière à proyo-


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quer une constipation opiniâtre. J'ai dit aussi ( p. 457 ) comment il pouvait avoir de grands inconyéniens à l'époque de la puberté , en provoquant immédiatement des évacuations accidentelles ou de funestes habitudes.

Si l'on rapproche les faits que j'ai rapportés à cette occasion, des trois observations qu'on vient de lire, on concevra facilement que l'excitation des organes sperma: tiques par l'équitation peut devenir funeste: 1° en provoquant une constipation opiniâtre ; 2° en simulant des besoins factices qui poussent à des excès ; 5° en rendant irrîtans des actes intempestifs ; 4° en augmentant l'irritation , quand elle a déjà été développée par des excès récens.

Je ne prétends pas que l'équitation produise ordinairement ces fâcheux effets ; mais il est important de savoir comment et dans quelles circonstances elle peut les provoquer ; quelle influence elle peut avoir sur la production des pertes séminales involontaires.

Tout ce que je viens de dire est applicable aux autres exercices qui agissent de la même manière sur les organes génitaux , et dont l'action , quoique moins énergique, peut être long-temps prolongée.

Tout le monde sait l'effet que produit un voyage un peu long dans la yoiture la mieux suspendue. L'échauffement qu'éprouvent toutes les parties sur lesquelles porte le poids du corps, et l'ébranlement continuel qui leur est communiqué, excitent des érections importunes qui sont ordinairement suivies de fatigue et d'irritation. L'afflux prolongé du sang suffit souvent pour rappeler des écoulemens passés depuis long-temps. J'ai


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o

été consulté bien des fois pour des cas de cette nature. Il est beaucoup d'individus qui ne peuvent passer plusieurs jours en voiture sans avoir une légère blennorrhée.

Je sais bien que ces effets ne sont pas également prononcés chez tous les hommes ; mais tous éprouvent une excitation artificielle contre laquelle il importe d'être en garde, parce qu'elle provoque des désirs qu'on prend facilement pour des besoins réels, et qu'au retour d'un voyage on est disposé à se dédommager de l'absence , ou à donner des preuves d'une continence prolongée. Il y a certainement dans ces circonstances des écueils plus sérieux qu'on ne pense, et j'ai dû les signaler en passant.

J'ai déjà montré que l'action des boissons alcooliques sur les organes génito-urinaires, pouvait provoquer directement des pertes séminales involontaires. ( Voyez N° 46.)

Je vais maintenant rapporter quelques observations, propres à faire comprendre l'influence qu'elles exercent sur l'acte vénérien.

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N°83.

Tempérament lymphatico-sanguin. A 22 ans, coït dans un état voisin de l'ivresse ; blennorrhée ; pertes séminales pendant la défécation; perturbation dansTéjaculâtion ; bride en devant du col de la vessie ; etc. Cautérisation : guérison.

Gros, soldat au 52e, âgé de 25 ans, d'un tempérament lymphatico-sanguin , jouissait d'un e parfaite santé, lorsque, en 1855, à la suite d'une ribote, il alla chez une fille publique avec trois de ses camarades. Son état d'ivresse ne lui permit pas d'avoir une idée nette de ce qu'il éprouva; mais il se rappela que l'acte lui avait paru très-long, et plutôt pénible qu'agréable. Immédiatement après, il ressentit de la, douleur dans le bassin : elle s'étendit bientôt aux testicules et n'a jamais complètement disparu. Dès le lendemain, il se manifesta Un écoulement urétral assez clair, qui devint bientôt verdâtre, varia beaucoup depuis, cessa plusieurs fois, mais seulement pendant quelques jours.

Cet échauffement, pour me servir de l'expression du malade , lui fit observer ce qui se passait à l'ouverture du gland pendant la défécation : il vit alors s'échapper du canal quelques gouttes d'une liqueur filante et visqueuse comme du blanc d'oeuf ; puis une grande quantité de matière épaisse et blanchâtre, semblable au sperme


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ordinaire. Cette évacuation a toujours persisté depuis ; elle a seulement varié suivant les efforts nécessaires à la défécation. Il n'y a cependant jamais eu de constipation ; les selles n'ont jamais été dures, ni volumineuses.

Depuis lors , le malade s'étant livré à la masturbation, éprouva les mêmes sensations qu'autrefois ; seulement, au moment de l'éjaculation, il sentit un bouillonnement à la racine du canal, et ne vit rien paraître au dehors ; ce ne fut qu'après l'érection que le sperme s'écoula peu à peu en bavant. Il observa toujours les mêmes phénomènes dans les mêmes circonstances ; quelquefois , au bout d'une demi-heure, il restait encore du sperme dans le canal. Lorsqu'il survint des pollutions nocturnes, la plus grande partie du sperme séjourna dans le canal jusqu'au moment du réveil.

Pendant dix-huit mois, Gros ne fit absolument rien : plus tard, il prit de la tisane de patience et de chiendent, de l'eau ferrée , des pilules mercurielles, d'énormes doses de poivre cubèbe et de potion de Chopar ; il fit des injections de toute espèce, usa de tous les astringens conseillés en pareil cas , le tout sans la moindre amélioration. Enfin il vint à l'hôpital de Montpellier, à la fin d'août 1856.

Je dois noter ici, que le malade avait eu plusieurs fois des rapports avec différentes femmes , sans leur communiquer aucune maladie , et que ses trois compagnons de débauche, qui avaient été exposés aux mêmes chances que lui, n'ont cependant rien éprouvé.

Lorsque je vis le malade, l'écoulement urétral et les pertes séminales provoquées par la défécation persistaient au même degré ; les urines, rendues très-fréquemmenjt,


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étaient souvent troublées par un nuage abondant et léger. Cependant, les fonctions s'exécutaient assez régulièrement ; l'embonpoint s'était conservé ; seulement les chairs étaient molles , les idées tristes , les sons faibles et voilés ; des douleurs habituelles existaient, depuis deux ans, dans les articulations, dans les aines , le long des cordons spermatiques et aux testicules ; enfin, les yeux étaient sensibles à l'impression de la lumière et affectés d'un picotement désagréable.

L'introduction d'une sonde dans le canal provoqua de vives douleurs ; elle fut arrêtée un instant au devant du col de la vessie par une petite bride, qui lui fit éprouver en passant un soubresaut très-facile à apprécier. Je retirai plusieurs fois la sonde jusqu'au devant de cette bride , je l'abaissai ensuite lentement, et je sentis chaque fois une secousse, un peu avant de pénétrer dans la vessie.

Le 7 octobre, cautérisation de la surface prostatique et surtout de la partie membraneuse du canal ; douleurs vives et prolongées; urines abondantes et sanguinolentes. (Bains ; lavemens ; boissons émoll. ;,émuls. camphrées, etc.).

L'inflammation ne disparut complètement qu'au bout de trois semaines ; mais, à partir de ce moment, l'écoulement diminua très-rapidement et disparut bientôt après. Les efforts qui avaient lieu pendant la défécation, cessèrent beaucoup plus tôt, aussi bien que les pertes séminales qui les accompagnaient. Les douleurs des aines, des cordons spermatiques et des testicules s'appaisèrent, ainsi que les sensations éprouvées dans les yeux.

Enfin, lorsque Gros sortit de l'hôpital, il était débarrassé de tous les symptômes appréciables qu'il éprouvait


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avant d'y entrer : il ne put donner aucun renseignement relativement à l'éjaculation, attendu qu'il avait renoncé à la masturbation ; mais il m'a promis de venir me trouver ou de m'écrire , s'il remarquait, pendant le coït ou les pollutions nocturnes, quelque chose de semblable au trouble fonctionnel dont j'ai parlé.

Depuis lors , je n'ai pas eu de ses nouvelles (1).

Ce malade était à l'hôpital en même temps que celui qui fait le sujet de l'observation précédente. Je les avais placés dans des lits voisins, afin de les mieux comparer. Leur histoire méritait aussi d'être rapprochée. Tous deux militaires et de même âge, ils ont éprouvé les mêmes pertes séminales, la même perturbation dans l'éjaculation, à la suite d'une urètrite non contagieuse ; le bee de la sonde faisait éprouver la même sensation avant de pénétrer dans la vessie ; enfin, le même traitement les a guéris tous les deux.

Je ne reviendrai pas sûr ce que j'ai dit-de cette cicatrice située vers l'orifice des canaux éjaculateurs, et de la déviation qui en a été la suite. D'ailleurs , cette dyspermatie n'étant pas toujours accompagnée de pertes séminales involontaires, doit être envisagée séparément. J'y reviendrai donc quand je m'occuperai spécialement des obstacles à la fécondation. Je ferai seulement remarquer, en attendant, que le moyen le plus simple et le plus

(1) Cette observation a été recueillie par le D.r Hidalgo.


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sûr de ramener en avant l'orifice des canaux éjaculateurs ', c'est de pratiquer une cautérisation énergique au devant du veru montanum. Voilà pourquoi, chez ces' deux malades , j'ai cautérisé plus particulièrement la portion membraneuse de l'urètre (1).

Chez Gros, un seul acte vénérien a donné lieu à tous les accidens: suivant l'acception reçue, on ne peut pas dire qu'il y ait eu excès ; mais cet acte n'était pas sollicité par un besoin réel. Il eut lieu d'une manière laborieuse , dans les circonstances les plus propres à prolonger sa durée, etpendant que la membrane muqueuse des organes

(1) Au moment où l'on composait cette feuille , j'ai revu via négociant que j'avais cautérisé, deux ans auparavant, pour un cas analogue. Il avait aussi un suintement habituel du canal, qui augmentait pour la moindre cause ; des pollutions nocturnes et diurnes peu graves ; il éprouvait la même perturbation dans l'éjaculation ; sa santé n'était pas profondément altérée. Le coït avait lieu , quoique très-rarement; mais , depuis neuf ans qu'il était marié, il n'avait pas eu d'enfans. Je pratiquai la cautérisation comme dans les deux cas précéden-s. Je ne pus en connaître les résultats , parce que des affaires urgentes forcèrent le malade à quitter Montpellier, douze jours après. Sa visite avait pour but de m'apprendre qu'il était parfaitement guéri, et que sa femme était devenue enceinte trois mois après son retour. Je regrette d'avoir détruit les notes relatives à ce fait curieux , dont je n'espérais pas connaître la fin ; mais je me rappelle que la cause première de tous les symptômes remontait à une blennorrhagie , guérie quelques mois seulement avant le mariage.


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génito-urinaires était exposée à une vive sur-excitation. Dans ce moment, il y avait inopportunité : c'était un véritable excès.

Il est évident que l'écoulement de Gros n'était pas de nature contagieuse, quoiqu'il eût été contracté avec une fille publique, puisque ses compagnons de débauche n'ont rien eu, et qu'il n'a rien communiqué aux femmes qu'il a fréquentées. Cette urétrite a donc été provoquée par la durée excessive de l'acte, et par l'état où les boissons alcooliques avaient déjà mis les organes avant qu'ils fussent soumis à cette fatigue.

La couleur de cet écoulement ne permettait pas non -plus de supposer qu'il fût de nature spermatique. C'était donc une blennorrhée ordinaire, due à la même cause que le catarrhe chronique de la vessie et les pertes séminales involontaires.

84.

Coït dans un état voisin de l'ivresse ; blennorrhée exaspérée par un voyage; pollutions diurnes. Cautérisation; amélioration prompte. Rechute à la suite de fatigues prématurées: antiphlogistiques, repos: guérison.

Monsieur R**, étudiant en médecine, né sous les tropiques , d'une constitution éminemment nerveuse, s'était adonné à la masturbation vers l'époque de la puberté,


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et plus tard, à des excès vénériens et alcooliques qui avaient affaibli sa santé. Cependant, une vie régulière, et surtout l'habitude des exercices gymnastiques , avaient fortifié sa constitution d'une manière remarquable : depuis plusieurs années, sa santé n'avait pas éprouvé le moindre dérangement.

En 1856 , dînant avec quelques compatriotes , il but des yins étrangers, du Champagne, du café, du punch, etc., et alla ensuite coucher avec une maîtresse. Dans cet état voisin de l'ivresse, il répéta le coït deux fois dans la nuit, avec une difficulté inaccoutumée.

Le quatrième jour, il éprouva de la douleur dans le canal, de la cuisson pendant l'émission des urines ; il vit paraître un suintement niuqueux , qui devint bientôt de plus en plus abondant. Des bains, des adoucissans diminuèrent l'irritation ; mais elle augmenta de nouveau, pendant un voyage que le malade fut obligé de faire en Espagne.

A son retour, il mit des sangsues à plusieurs reprises, prit du copahu, etc. , sans pouvoir tarir ce suintement. Tous les matins, et souvent dans la journée, l'extrémité du canal était humectée par une goutte de matière visqueuse. Cette incommodité n'aurait pas fixé son attention , s'il n'avait observé un décroissement notable dans sa puissance virile, qui était auparavant très-grande. L'éjaculation devint très-rapide ; les érections restèrent incomplètes; enfin , plusieurs fois, l'acte fut même toutà-fait impossible.

Le malade éprouva des douleurs dans les cordons spermatiques, dans les testicules ; de la pesanteur au périnée


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et à la marge de l'anus. Ses jambes s'affaiblirent, ainsi que ses facultés intellectuelles. Absorbé , malgré lui, par la préoccupation de son état, il ne put penser à autre chose. Il perdit souvent la mémoire, devint sujet à des distractions continuelles, et incapable de se livrer à aucun travail intellectuel, à aucun exercice musculaire.

Cette faiblesse physique et morale, ce dérangement de toutes ses fonctions augmentaient avec rapidité, lorsque le malade vint réclamer mes soins : il ne me fut pas difficile de découvrir la cause de ce changement. Chaque défécation était accompagnée de pertes séminales plus ou moins abondantes , et les urines contenaient constamment une quantité notable de sperme bien élaboré, plein de granulations semblables à celles de la semoule bouillie.

Je pratiquai la cautérisation sur la portion prostatique de l'urètre, au commencement de juin 1857. Cette opération produisit ses effets ordinaires. Dès que l'inflammation fut passée^ les pollutions diurnes disparurent, les érections reprirent de l'énergie, et le malade se crut dispensé de s'observer. Cependant, l'usage prématuré du coït, et quelques fatigues pendant des journées trèschaudes, ramenèrent l'irritation prostatique, les pertes séminales et lés symptômes généraux qui les accompagnent. La cause de cette recrudescence était évidente. Je la combattis par des sangsues, des bains, des lavemens , et je recommandai le repos. Ces moyens simples amenèrent promptement la guérison, et me dispensèrent de recourir à une nouvelle cautérisation , quoique le malade la réclamât avec instance.


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Dans d'autres circonstances, M. 1' R** s'était livré à bien d'autres excès sans en éprouver les mêmes effets. On ne peut donc attribuer cette urétrite et les pollutions diurnes qui en furent la suite -, qu'à l'action des boissons alcooliques.

La fin de cette observation montre combien il importe de ne pas troubler les effets de la cautérisation par des causes capables de rappeler l'irritation ; combien il serait dangereux de revenir à ce moyen, lorsqu'on voit les mêmes symptômes reparaître au bout de quelques jours, sous l'influence de causes irritantes. Quand on emploie les antiphlogistiques, et qu'on soumet le malade au repos, ces accidens disparaissent promptement; la guérison n'est que retardée : une nouvelle cautérisation ferait alors beaucoup de mal.

Ces effets des boissons alcooliques ne sont pas rares, si j'en juge par ce que j'ai vu ; mais les deux observations que je viens de rapporter, suffisent pour donner une idée des cas analogues : j'extrairai seulement des notes que j'ai sous les yeux, les circonstances les plus importantes.

Aucun de ces malades n'était dans un état complet d'ivresse au moment du coït ; mais tous en approchaient plus ou moins. Bien peu avaient répété l'acte ; quelquesuns n'avaient même pu le terminer : chez tous il avait été long, laborieux, accompagné de peu de plaisir. L'inflammation ou l'irritation de l'urètre s'était manifestée très-promptement.

Il n'y a pas toujours eu d'écoulement ; mais quand il a


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existé, il s'est montré promptement. Son aspect à beaucoup varié, ainsi que la douleur, suivant les individus.

Deux de ces malades ont eu, le lendemain, une rétention d'urine ; un autre a éprouvé une véritable prostatite ; quelques-uns ont aussi rendu des urines rouges , sanguinolentes, pendant plusieurs jours.

Toutes les boissons fermentées n'ont pas été également nuisibles. La bière est celle qui a constamment produit les effets les plus fâcheux, surtout quand elle était récente. Je crois que c'est aussi l'ivresse qui est la plus dangereuse pour les organes génito-urinaires ; car, chez les peuples qui font un usage habituel de la bière , elle provoque souvent des écoulemens abondans, douloureux, quelquefois aussi intenses que ceux des blennorrhagies virulentes, sans qu'il y ait eu des rapports sexuels. J'ai vu souvent en Flandre et en Belgique, le vin , et même l'eau-de-vie en petite quantité, conseillés avec succès contre ces urétrites provoquées par la bière, ce qui indique dans celle-ci une action toute spéciale.

Il doit être bien entendu que je parle seulement ici des cas dans lesquels l'urétrite ne pouvait pas être contagieuse.

Je n'entrerai dans aucun détail sur la marche, les symptômes et le traitement des pollutions nocturnes ou diurnes qui en ont été la suite , parce qu'elles n'ont rien présenté de spécial. Ce que je veux seulement faire remarquer, comme conclusion de tous ces faits, c'est qu'un état voisin de l'ivresse agit d'une manière doublement fâcheuse pendant la copulation, 1° en diminuant la sensibilité du système nerveux ; 2° en favorisant l'irritation des membranes muqueuses génito-urinaires. Celte double


596 action pouvant paraître contradictoire, j'entrerai dans quelques explications. ■ .*

Dans l'état d'ivresse complète le coït est impossible, parce que les fonctions qui dépendent du système cérébrospinal, sont suspendues. Mais, lorsque les boissons fermentées n'ont pas produit un effet aussi stupéfiant ; lorsque l'excitation a seulement été remplacée par un commencement d'affaissement, avec disposition à la somnolence, etc., il se manifeste souvent des velléités vénériennes, sur la nature desquelles il est d'autant plus facile de se faire illusion, que dans cet état on ne doute de rien.

Des érections ont lieu tant bien que mal. Elles peuvent être suffisantes pour permettre un commencement d'exécution; mais la sensibilité des organes génitaux est émoussée, par la même raison que toutes les perceptions sont vagues, obtuses. La sensation déplaisir peut être suffisante pour entretenir l'érection, mais pas assez vive pour amener cet état d'exaltation qui est nécessaire pour l'accomplissement de l'acte. C'est cette diminution de la sensibilité qui rend ces tristes jouissances si incomplètes, qui en retarde si long-temps le dénouement, et le rend même assez souvent tout-à-fait impossible.

Il est facile de concevoir combien la prolongation de ces efforts infructueux doit favoriser le développement d'une irritation dans les parties qui sont alors le siège d'une congestion plus ou moins énergique.

D'un autre côté, tout le monde sait combien l'action des liqueurs fermentées est irritante pour les organes génito-urinaires, dans quelle impuissance tombent ceux qui en abusent, de quelle réputation jouissent, au con-


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traire , les buveurs d'eau. On sait que les ivrognes sont sujets à des catarrhes.chroniques de la. vessie., aux engorgemens , de la prostate, aux dysuries, aux rétentions d'urine , aux blennorrhées chroniques. J'ai déjà fait remarquer combien l'usage du vin est nuisible à tous ceux qui ont des pertes séminales involontaires, et le grand avantage qu'ils retirent de l'usage exclusif de l'eau.

Les boissons fermentées, prises en trop grande qûan-; tité , produisent donc sur les organes* génito-urinaires un effet excitant, qui tend à passer à l'état d'irritation permanente : en même temps elles troublent la raison, émoussent toutes les sensations, et prolongent outremesure les efforts de la copulation, en retardant indéfiniment l'explosion convulsive qui doit y mettre fin : d'où il résulte que ces tissus, déjà irrités par l'action directe des boissons fermentées * sont encore fatigués par l'action violente et prolongée de ces actes intempestifs . Il n'est donc pas étonnant que le coït, exercé dans ces circonstances défavorables, provoque si souvent de fâcheux résultats.

J'ai cru devoir insister sur ce danger, parce que l'état voisin de l'ivresse ne pousse que trop à des rapprochemens dangereux, dont les conséquences peuvent influer sur le reste de la vie.

J'aurais encore à examiner beaucoup d'autres conditions qui peuvent modifier les effets immédiats ou consécutifs de l'acte de la génération ; mais elles ont moins d'importance, et je serai obligé d'en parler ailleurs.


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§. I. — Caractères des excès vénériens.

Tout excès est un usage immodéré, par suite nuisible, d'une chose utile dans des limites couvenables.

C'est en effet sous ces deux points de vue qu'il faut envisager l'acte de la génération, pour en avoir une idée complète ; c'est aussi ce qui le distingue essentiellement de tous les abus génitaux, qui ne peuvent jamais produire aucun résultat avantageux, quelque rares qu'on les suppose.

Mais, jusqu'où s'étend l'usage de l'acte vénérien qu'on peut regarder comme modéré, comme utile, ou du moins sans inconvénient ? Où commence l'excès , c'est-à-dire, le danger? Ces questions importantes n'ont pas été résolues d'une manière claire : elles n'ont même jamais été bien posées.

Dans cette évaluation , chacun consultant sa propre expérience, est arrivé à des conclusions différentes. La puissance et l'activité des organes de la génération diffèrent singulièrement d'un individu à l'autre ; elles varient encore chez le même individu , à des époques peu éloignées. Aucun organe de l'économie ne présente autant d'inégalité. Il est donc évident que toute évaluation par des nombres fixes serait illusoire en pareille matière. H n'y a que les besoins du sens génital qui puissent fournir des données applicables à tous les cas : mais il.n'est pas aussi facile qu'on pourrait le croire d'apprécier ces besoins ; ils varient aussi suivant les individus , suivant


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les âges et une foule de circonstances dont les combinaisons sont infinies.

Les besoins génitaux peuvent être factices : une passion violente peut causer à cet égard de grandes illusions. L'irritation directe causée par une dartre préputiale, par la présence des ascarides dans le rectum , etc., peut provoquer des érections morbides qui n'ont aucun rapport avec les besoins, réels ; une irritation du cervelet, de la moelle épiniére , ou des nerfs génitaux, peut produire les mêmes effets ; en sorte que la fréquence et la durée des érections ne peut pas toujours donner la mesure des besoins réels. ■

Chez beaucoup d'hommes ardens, c'est l'instinct génital qui prédomine sur leÉ organes sexuels. Leur imagination n'est occupée que d'idées erotiques, leur convoitise est immense ; mais leurs moyens physiques sont trèsfaibles. L'impilsion est seulement encéphalique chez eux : leurs désirs immodérés ne peuvent donc fournir une mesure exacte de leurs besoins réels. C'est même parce qu'ils s'y trompent, qu'ils se perdent, comme je le dirai bientôt.

D'un autre côté, une continence trop absolue, trop prolongée, finit par jeter le sens génital dans un état d'inertie, d'atonie, qu'on serait tenté de prendre pour de l'impuissance , et qui peut même y conduire , comme on le verra plus tard.

La pléthore spermatiejue portée à l'extrême , s'accompagne ordinairement d'un sentiment de gêne et d'anxiété, d'un malaise général, de céphalalgie, de torpeur, de somnolence ; où bien d'agitation, d'insomnie, d'impa-


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lience ; le caractère s'aigrit, devient taciturne et mélancolique ; l'aptitude au travail diminue ; il y a faiblesse physique et morale, découragement; quelquefois même, dégoût de la vie, amour de la solitude, disposition à répandre des larmes ; les cordons spermatiques sont tuméfiés, douloureux, ainsi que les testicules. Ces phénomènes s'observent surtout chez les jeunes pubères qui ont échappé aux mauvaises habitudes et n'ont pas encore eu de rapports sexuels ; ils ne sont pas très-rares jusqu'à 40 ans et plus , chez ceux qui sont privés subitement d'actes vénériens devenus habituels. Les pertes séminales exagérées et prolongées sont accompagnées de beaucoup de symptômes semblables.

On s'étonnera, sans doute, de voir des causes tout-àfait opposées , produire des effets analogues. Cependant, des évacuations sanguines trop copieuses ou trop répétées, provoquent tous les jours des étourdisfemens , des tintemens d'oreille , des vertiges , des éblouissemens, des convulsions , des palpitations , quoique ces accidens dépendent ordinairement d'un état pléthorique. Dans cet ouvrage même il serait facile de trouver une trentaine d'observations, dans lesquelles une extrême faiblesse était accompagnée de symptômes propres à faire croire à des menaces d'apoplexie , à des affections cérébrales, à des maladies du coeur, etc. ; et l'on a combattu, pendant des années, ces congestions continuelles, ces palpitations, ces étouffemens , ces symptômes de gastrite, de pneumonie chronique, etc., par des saignées générales et locales souvent répétées.

Il résulte de tous ces faits, que des états opposés de


601 .

l'économie peuvent produire des phénomènes assez ressemblans , pour que des praticiens expérimentés s'y trompent. On ne doit donc pas s'étonner qu'une continence trop prolongée produise quelquefois des phénomènes semblables à ceux qu'on observe à la suite des pertes séminales trop répétées.

Quoi qu'il en soit, il est difficile de juger à priori des besoins réels de chaque individu , puisque la fréquence et la durée des érections, l'ardeur des désirs vénériens , et les phénomènes observés dans les différentes fonctions de l'économie peuvent conduire à des évaluations erronées. Il n'en est plus de même , si l'on veut se contenter d'apprécier les besoins génitaux d'après les effets immédiats de l'acte vénérien. Alors, il est toujours facile de prévoir les conséquences ultérieures qu'on doit attendre de nouveaux rapports sexuels.

Voici des signes auxquels il est impossible de se méprendre , et qui sont applicables à tous les cas.

Lorsque le coït est suivi d'un sentiment de joie , de bien-être général, de vigueur nouvelle ; lorsque la tête est plus libre, plus dégagée , le corps plus souple , plus léger ; lorsqu'on observe plus de disposition aux exercices du corps, aux travaux intellectuels, et que les organes génitaux surtout manifestent un surcroît de vigueur et d'activité, c'est qu'un besoin impérieux a été satisfait dans les limites nécessaires à la santé. L'heureuse influence que tous les organes en éprouvent, est semblable à celle qui succède â l'accomplissement de toute fonction nécessaire à l'économie.

Toutes les fois, au contraire, que le coït est 6uivi

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602 .

d'un sentiment de tristesse, de malaise , de fatigue , de satiété; toutes les fois qu'il se manifeste de la pesanteur de tête , une disposition à la somnolence et au repos , de la lenteur dans les idées , de la paresse dans les mouvemens, de l'incertitude dans les volontés , on peut affirmer que l'acte a été trop répété, ou du moins exercé dans des circonstances défavorables : et l'on ne se tromperait pas, quand bien même des érections plus ou moins énergiques se manifesteraient peu de temps après; car elles seraient alors provoquées par un commencement d'irritation , et non par le retour du besoin.

C'est seulement quand l'acte est suivi de tous ces phénomènes d'affaissement, qu'on peut dire , avec raison, post coilum animal triste; c'est alors seulement qu'il est nuisible. En effet, la tristesse , le regret, la mauvaise humeur ne se manifestent jamais que quand l'acte a été trop répété , ou intempestif. Cet état moral suffirait pour indiquer qu'il y a eu excès ou inopportunité, ce qui revient au même pour les résultats.

Je sais que ces deux ordres de phénomènes sont rarement aussi frappans que je viens de le supposer, parce que le besoin est rarement aussi impérieux , ou l'excès aussi grave ; cependant, il est peu d'hommes de 40 ans qui n'aient éprouvé quelque chose d'analogue dans un sens ou dans l'autre. Les cas intermédiaires entre ces extrêmes constituent le train ordinaire de la vie ; alors le coït n'est suivi d'aucun phénomène remarquable : d'où il faut conclure que, dans l'immense majorité des cas, il est loin d'avoir sur l'économie l'influence fâcheuse qu'on lui attribue.


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J'ai cru devoir établir ces faits d'une manière précise , parce que ceux qui ont écrit sur cette matière, ont mis plus ou moins d'exagération dans l'exposition des effets du coït: soit qu'ils aient voulu frapper vivement l'imagination , soit qu'ils aient été entraînés par leur sujet, ou convaincus par leurs observations personnelles , ils montrent en général la même tendance à présenter les rapports sexuels comme constamment nuisibles, à n'admettre aucune autre différence que du plus au moins, suivant le rapprochement des actes.

Je ne parle pas ici des déclamations purement théoriques des écrivains, qui ont prétendu que la création d'un être nouveau s'opère nécessairement aux dépens de celui qui le produit ; que chacun de ces actes destinés à donner la

vie, est un acheminement à la mort, etc Il n'y a dans

toute cette pompe de style que des antithèses de collège , des phrases à effet , qui ne méritent pas un examen sérieux : je parle des observateurs consciencieux qui ont traité ce sujet médicalement.

Ils se sont appuyés sur la dépense nerveuse qui doit résulter des contractions épileptiformes dont l'économie tout entière est agitée pendant l'acte vénérien ; sur l'importance du sperme, etc. Ils ont cité , par exemple, l'histoire des insectes, dont les mâles périssent peu de temps après la fécondation , sans faire mention du taureau, du coq, du bélier, de l'étalon, etc. , dont l'organisation se rapproche beaucoup plus de celle de l'homme ; ils ont compulsé les ouvrages de médecine, et surtout les recueils périodiques, pour y puiser les exemples les plus effrayans des effets pernicieux du coït : mort subite,


604 apoplexie, épilepsie, perte de la vue, etc., tout a été misa contribution! Le D.r Deslandes lui-même n'a pas su résister à cet entraînement (1). ■. , _

Que des anéyrysmes internes se soient rompus pendant la copulation, par suite de l'augmentation des contractions du coeur, cela n'est pas douteux , et rien n'est plus facile à expliquer ; mais toute autre excitation n'aurait-elle pas favorisé cette rupture? Ne serait-elle pas arrivée spontanément ?

Il est vrai que des apoplexies sont survenues pendant l'acte vénérien, et j'en pourrais citer beaucoup d'exemples que le D. 1' Deslandes a oubliés, sans compter ceux que j'ai observés moi-même: mais ces hémorrhagies n'ont-elles pas été favorisées aussi par toute émotion propre à augmenter les contractions du coeur ; par tout effort violent ou prolongé, qui exige la suspension plus ou moins complète de la respiration ? Combien ne compte-t-on pas d'orateurs, d'avocats, de prédicateurs , etc., qui ont été frappés au milieu de leurs discours? Combien de pléthoriques n'a-t-on pas vus atteints, pendant un accès de colère, une discussion animée, ou même une émotion un peu vive? Combien de constipés , pendant les efforts de la défécation? Combien de gastronomes , pendant la digestion d'un repas trop copieux ?

Cependant, la plupart ont été trouvés dans leur lit, sans qu'on ait pu assigner à l'attaque aucune autre cause déterminante que la position horizontale. Mais , jusque(1)

jusque(1) pag. 151 et suiv. ; pag. 170 et suiv.


60£T

là, n'avaient-ils pas dormi tous les jours impunément dans la même situation ? Cette cause, déterminante n'a donc eu d'effet qu'au bout de 50 ou 60 ans ! Si l'on voulait appliquer à ces cas si communs le même raisonnement qu'aux premiers , le décubitus horizontal devrait être regardé comme une cause plus redoutable d'apo,- plexie que le coït.

Les excès vénériens , comme toutes les causes débilitantes , disposent certainement aux affections nerveuses, etc. Toutefois, lorsque des convulsions succèdent immédiatement à un seul acte,, n'est-il pas évident qu'il existait Une disposition tellement prochaine à cet accident, que toute autre excitation eût pu le provoquer? L'épilepsie éclate la première nuit d'un mariage , ou bien le lendemain ! Peut-on raisonnablement en accuser des excès vénériens ? Dans bien des cas , l'acte n'a pas même pu être consommé! Ces faits ne peuvent donc pas être invoqués pour montrer le danger du coït.

Si l'on a cru qu'il pouvait être utile de les offrir en épouvantai! aux imprudens qui seraient tentés d'abuser de leurs forces, je pense qu'on s'est complètement trompé. -Il m'a semblé qu'ils produisaient sur l'esprit de tous les lecteurs.une impression entièrement opposée. Ceux qui sont le plus étrangers à la médecine, sentent parfaitement qu'ils ne se trouvent pas dans le même cas ; que de semblables effets doivent être attribués à une prédisposition imminente, qui n'attendait qu'une occasion pour éclater : l'exagération, une fois constatée, ou seulement pressentie, met en garde contre tout le reste. L'ouvrage de Tissot aurait certainement produit plus d'effet sur les hommes


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éclairés , s'il avait été débarrassé de ces histoires extraordinaires , qui s'y trouvent entassées sans critique et sans choix.

Malheureusement elles n'ont pas été abandonnées par ceux qui sont venus après lui; ils y ont, au contraire ,. ajouté les faits analogues qui ont été publiés depuis. S'ils voulaient en tenir compte, ils devaient au moins les discuter> et ne pas en tirer des conséquences générales : encore eût-il mieux valu laisser ces observations dans les divisions nosologiques qui les réclament.

J'ai rapporté des cas dans lesquels certains rapprochemens sexuels avaient été suivis des conséquences les plus fâcheuses; mais c'était pour signaler les circonstances, antérieures ou concomitantes qui en avaient fait le danger , pour en montrer la liaison intime, l'enchaînement nécessaire. Dans les mêmes conditions, les mêmes actes amèneraient les mêmes résultats. Ces causes nuisibles sont très-variées; elles se présentent très-fréquemment:, il fallait bien en montrer l'importance, précisément pour qu'on n'attribuât ces fâcheux effets qu'aux circonstances qui avaient précédé ou accompagné le coït.

Je n'ai rapporté qu'un petit nombre d'exemples relatifs à la blennorrhagie, à la. masturbation, etc.; cependant beaucoup d'autres causes peuvent influer sur la production des pertes séminales involontaires, soit en portant à des excès, soit en nuisant à l'acte lui-même. C'est ce que je vais examiner..


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§. II. — Causes des excès vénériens.

Dans le chapitre précédent j'ai indiqué ( page 407 ) les causes pathologiques qui peuvent produire une irritation accidentelle des organes génitaux , et provoquer à la masturbation : il est clair que les mêmes maladies doivent également conduire à des excès vénériens ; ainsi, ce que j'ai dit de leur influence, doit trouver ici son application.

Age. — Là sensibilité nouvelle que les organes de la génération acquièrent à l'époque de la puberté , ,1'espèce d'orgasme habituel dont ils deviennent le siège, la confiance que donne en ses forces une vigueur inaccoutumée, le défaut d'expérience, etc., tout porte l'adolescent à se laisser entraîner à la fougue de ses premiers désirs. Toutefois , dans notre état social, cette tendance éprouve des obstacles assez puissans, assez multipliés pour être maîtrisée d'une manière plus ou moins efficace et même absolue. Ce succès complet serait désirable , si l'instinct génital, trop comprimé, ne parvenait à faire explosion d'une manière plus funeste. Quoi qu'il en soit, il est assez rare que le jeune pubère rencontre des circonstances favorables à des excès habituels, capables de détruire sa santé. Du moins, je n'en ai rencontré qu'un petit nombre d'exemples à cet âge, en comparaison des cas de masturbation.

Quand le développement de l'homme est complet, quand la loi prononce son émancipation , il jouit d'une liberté plus grande, ou bien il entre en ménage. C'est alors


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que délivré de toute contrainte il peut donner l'essor à ses désirs comprimés. Mais, si les actes vénériens sont plus multipliés qu'à aucune autre époque, la puissance virile est aussi dans toute son énergie ; la résistance aux causes de détérioration est plus grande : si les provocations ne venaient que des organes génitaux^ il n'y aurait pas plus de véritables excès qu'à un autre âge , puisque la fréquence des actes serait proportionnée aux besoinsréels. _..'■. ■■•'.'.'■'

Plus tard, la puissance génitale diminue peu à peu, et finit par s'éteindre dans la vieillesse; mais les désirs suivent là, même progression décroissante.

Ainsi, l'énergie des: organes génitaux , à l'époque dela plus grande virilité, ne suffirait pas pour provoquer de véritables excès, s'il ne s'y joignait dïautres causes: d'un autre côté, leur affaiblissement ne rendrait pas le* coït plus dangereux, mais plus rare.

Tempèraméns. —La prédominance; du système lymphatique rend l'économie peu propre à supporter les excès vénériens ; mais ce tempérament y dispose aussi' moins que les "autres.. Toutes choses égales d'ailleurs, les; individus, chez lesquels cette disposition lymphatique est très-prononcée, sont moins impressionnables, moins; susceptibles d'entraînements ^

Le tempérament sanguin paraît être le plus favorable à l'activité des organes génitaux : cependant, s'il en résulte une sécrétion plus abondante de sperme, une= sollicitation plus fréquente au coït, les pertes sont aussi plus facilement réparées. -

Quant au tempérament nerveux, on a confondu


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l'action des organes sexuels avec celle de l'encéphale , dont je parlerai bientôt.

Ce n'est donc pas dans les âges et lès tempéramens, qu'il faut chercher les véritables causes des excès vénériens et de leurs dangers.

Sens génital. —L'ensemble des organes nécessaires à la reproduction se compose de deux systèmes bien distincts: l'un destiné à l'accomplissement matériel de l'acte ; l'autre à recevoir les impulsions et à diriger les actions qui s'y rapportent. Il existé en général une assez grande harmonie entre eux pour l'époque de leur évolution et dé leur décroissance, ainsi que pour la puissance et l'activité respective dont ils jouissent :• c'est ce qui a fait, pendant long-temps,' attribuer tous les phénomènes génésiques à l'influence exclusive des organes sexuels, plus facile à constater que celle de l'encéphale.

Cependant, j'ai déjà montré que l'instinct génital devançait souvent de beaucoup l'époque de la puberté : je dois, faire remarquer maintenant, que les deux systèmes n'ont pas, toujours un égal développement, une égale activité. Voici ce qui résulte de la prépondérance de l'un ou de l'autre.

Organes sexuels. —Il n'y en a pas dans 1;économie qui présentent autant de différences , sous le double rapport du développement et de la puissance: j'ai vu les cas les plus opposés, tant pour les dimensions matérielles que pour l'activité. Ainsi, j'ai rencontré des hommes qui s'étaient adonnés de très-bonne heure à la masturbation la plus effrénée, qui avaient eu plusieurs maîtresses à la fois, qui même en avaient encore à 60 ans, sans que leur


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santé en eût souffert; tandis que d'autres avaient éprouvé des pollutions nocturnes ou diurnes très-rebelles, pour les plus légères erreurs de jeunesse.

Ces différences ne coïncident pas, d'une manière constante , ayec les caractères extérieurs qui annoncent la prédominance d'un des élémens qui entrent dans la composition de tous les organes, encore moins, avec le développement de la taille où du système musculaire : ainsi, avec un tempérament sanguin, lymphatique ou nerveux, avec une constitution robuste ou délicate, les organes sexuels peuvent présenter toutes les nuances de volume, de puissance et d'activité.

Je reviendrai plus tard sur les indices qu'on peut tirer du développement et de la conformation des diverses parties de l'appareil génital, pour l'appréciation de la puissance virile : dans ce moment, il me suffit de faire remarquer qu'aucun organe de l'économie ne présente d'aussi grandes différences dans ses fonctions, sur des individus de même âge, de même tempérament, etc.

La condition qui dispose le moins aux excès vénériens, est celle dans laquelle les parties sexuelles prédominent sur l'organe encéphalique.

J'ai vu des hommes jeunes, d'une puissance virile extraordinaire , qui n'étaient tourmentés que par leurs besoins physiques. Ils éprouvaient des érections fréquentes , importunes ; mais leur imagination restait froide. Ils se livraient à la masturbation, ou bien au coït, pour se débarrasser de cette incommodité, et n'y pensaient plus dès qu'elle avait cessé : du reste , tout leur était bon pour faire disparaître ce malaise , et jamais ils


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n'avaient éprouvé de passion pour aucune femme. Ils pouvaient supporter des actes très-rapprochés sans être incommodés ; mais ils n'y étaient pas pressés par leur imagination : les intrigues , les maîtresses n'étaient pas leur fait. Quand ils étaient poussés par le besoin ou par quelque orgie, ils entraient, sans la moindre répugnance, dans les plus mauvais lieux, et tout leur convenait : aussi n'était-ce pas par suite d'excès que ces hommes tout matériels étaient malades : ceux que j'ai pu observer étaient venus me consulter pour des symptômes syphilitiques ou blennorrhagiques.

Il est facile de concevoir que les conditions opposées sont celles qui portent le plus activement à des excès.

Organes encéphaliques. —Je n'ai pas à examiner ici quel est le siège de l'organe qui perçoit les sensations relatives à la génération , et qui en dirige les actes : il me suffit de savoir qu'il existe, que son action peut précéder celle des parties sexuelles et lui survivre, ou bien être prédominante.

Cette prépondérance de l'instinct génital sur les instrumens matériels, s'annonce, en général, de bonne heure. Ces enfans qu'on a vus occupés de femmes, 5 pu 6 ans , 10 ans même avant la puberté , montrent presque toujours, pendant le reste de leur vie, la même susceptibilité pour tout ce qui peut provoquer ou rappeler des. idées erotiques, soit que les impressions viennent des. organes sexuels, soit qu'elles arrivent par les sens : ils. en conservent un souvenir plus vif et plus durable ; leur imagination s'en nourrit, les tourne, les retourne en cent façons ; ces images voluptueuses traversent leurs


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pensées les plus graves, troublent toutes leurs méditations , et les poursuivent jusque dans leurs rêves. Ils convoitent toutes les femmes, et se passionnent vite; mais leur puissance virile ne répond pas à l'immensité de leurs désirs. L'acte vénérien les fatigue, les énerve ; ils le sentent, mais ils y sont entraînés malgré eux, et s'y livrent autant qu'il est en leur pouvoir. Il en est qui n'ont pas plus d'empire sur leur volonté que des aliénés : quand ils se sentent anéantis , ils prennent les meilleures résolutions, et dès qu'ils le peuvent, ils les enfreignent, tout en prévoyant ce qu'ils vont éprouver de fâcheux.

L'un d'eux , médecin plein d'imagination , me disait qu'il sentait alors, à l'occiput, une chaleur brûlante, incommode , accompagnée de battemens ; phénomènes qui allaient en augmentant avec les désirs vénériens, jusqu'au moment où il avait cédé à l'impulsion. Comme je savais l'influence que des idées préconçues pouvaient avoir sur ses observations, je voulus vérifier le fait, et je constatai, à plusieurs reprises , que la peau de la nuque était alors tuméfiée, injectée et très - chaude ; les deux oreilles participaient à cette turgescence, et l'on y sentait des pulsations. Le coït faisait cesser cet orgasme, et produisait un affaissement général qui durait sept à huit jours ; après quoi, la même congestion recommençait , et le même entraînement irrésistible finissait par l'emporter sur la volonté. Des faits aussi caractéristiques sont rares sans doute ; mais il est bon de les connaître pour bien comprendre comment cette prédominance de l'organe encéphalique doit pousser aux excès vénériens.

Lorsque les désirs ne sont provoqués que par la pré-


€15 sence du sperme, ils s'appaiseut dès que le besoin est satisfait, et ne renaissent que quand la perte est réparée: il n'y '^aurait donc jamais de véritables excès , si d'autres causes ne déterminaient le retour plus fréquent de l'acte. On conçoit , au contraire, que de graves excès sont presque inévitables, quand les désirs se trouvent toujours disproportionnés aux besoins réels.

A celte prédominance de l'instinct génital se joint souvent une imagination brillante,, active, une sensibilité exquise, une grande mobilité dans les idées et les volontés. Ces hommes poétiques, qu'on appelle nerveux, prêtent les plus séduisantes couleurs à leurs souvenirs, les embellissent de charmes imaginaires. Ils se créent des beautés parfaites, des jouissances ineffables, et trouvent toujours la réalité bien au-dessous de tout ce qu'ils avaient rêvé. Dévorés de désirs, mais pénétrés de leur faiblesse, ils se replient malheureusement sur eux-mêmes pour y trouver des plaisirs en harmonie avec leurs créations , pour jouir de tout le sexe à leur gré, de la femme qu'ils adorent sans avoir besoin de son aveu.

Je me sers ici des propres expressions de Rousseau (1 ), parce que personne ne pouvait mieux peindre que lui les erreurs et les misères de ces hommes à imagination ardente, dont les passions dévorantes sont mal secondées par des organes faibles ou irritables. Pour peu qu'ils marchent dans cette voie détournée, il leur est bien

(1) Confessions, liv. III , pag. 171 , édit. de 1819.


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difficile d'en sortir, parce qu'ils peuvent revenir à leurs jouissances décevantes , sans avoir besoin d'une grande virilité; ils ne craignent pas de voir leurs intentions trahies , leur amour propre humilié , comme cela-est arrivé à l'auteur, des Confessions.

Si j'ajoute que cette prédominance nerveuse rend plus impressionnables les organes exposés à ces abus, à ces excès, que leurs fonctions peuvent être facilement perverties, on concevra combien ces malheureux sont prédisposés aux pertes séminales involontaires.

Mais ce n'est pas seulement l'organe de l'amour physique qui pousse l'homme à dépasser les limites de ses besoins; ce sont aussi diverses impulsions cérébrales, dont il me reste â parler.

L'amour propre est peut-être la cause la plus commune des excès vénériens. L'homme a besoin de l'estime de ses semblables, et surtout de celle de la femme, dont il est le protecteur-né. C'est près d'elle qu'il est fier de sa force physique , de sa supériorité intellectuelle, de sa position sociale, etc. ; mais c'est , par-dessus tout, sa puissance virile qu'il tient le plus à lui prouver, et ce sont justement ceux qui ont été le plus mal partagés sous ce rapport, qui craignent davantage de laisser paraître leur faiblesse.

Cette disposition vaniteuse est encore excitée par celle qui domine chez la femme sous une autre forme: elle voit, en effet, dans ces actes répétés , la preuve la plus incontestable d'un violent amour , le témoignage le plus satisfaisant de la puissance de ses charmes. Elle en est trop fière pour ne pas y répondre de tout son pouvoir. Ces deux sentimens, nés tous deux de la vanité, s'excitent


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donc l'un par l'autre; ils entretiennent ainsi des démonstrations réciproques, qui ne sont pas fondées sur des besoins réels, qui ne naissent pas même d'une passion véritable.

Les jeunes maris , qui se sont livrés sans prévoyance à toute la fougue de leur tempérament, tiennent à se soutenir au niveau de leur début : ils craignent aussi de laisser soupçonner du refroidissement, de l'inconduite, et né tardent pas à se repentir de leur première imprudence; car leurs organes irrités ne sont plus dans les conditions physiologiques qui leur ont permis, pendant long-temps, de tout supporter.

Si j'en juge d'après les détails dans lesquels sont entrés mes malades, ces excès vénériens auraient été provoqués plus souvent par les instigations d'un amour-propre mal entendu, que par l'entraînement d'un véritable amour. Je sais tout ce que peut cette passion exclusive, aveugle, qui se concentre sur un seul objet avec un dévouement sans bornes; toutefois, elle n'empêche pas les impulsions dont je viens de parler, d'agir aussi de leur côté : elle ne peut même que leur donner plus d'énergie.

C'est ici le lieu d'examiner en détail une erreur grave, généralement admise, et qui vient encore d'être exposée d'une manière spécieuse, par un auteur dont j'ai déjà apprécié les travaux consciencieux.

Le D.r Deslandes rappelle d'abord.(pag. 47) « que l'inr fluence des organes générateurs est d'autant plus grande, que l'excitation de ces organes est plus vive ; que, par exemple, cette influence à plus d'intensité pendant le travail de la puberté , qu'aux autres époques de la vie ;


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qu'elle en a plus encore dans l'état d'éveil ou de rut, que pendant celui de repos ; enfin qu'elle monte à son plus haut degré dans l'acte vénérien, s Et il ajoute : « La conséquence naturelle de ces faits est que plus l'excitation des organes génitaux est grande durant cet acte, plus aussi l'impression qu'il cause doit être forte. On peut donc dire que la faculté qu'il a de nuire, est, toutes choses égaies d'ailleurs, en raison directe de la force et de la durée de l'excitation qui l'accompagnent, i

J'ai copié textuellement, afin qu'on pût mieux apprécier les faits et les raisonnemens. Mais on a dû remarquer qu'il existait dans leur enchaînement une lacune qui en détruisait toute la valeur. De ce que l'influence des organes génitaux sur l'économie est proportionnée à l'énergie de leur activité , il ne s'ensuit pas qu'elle soit nécessairement nuisible, et l'exemple de la puberté, cité par l'auteur, aurait dû lui ouvrir les yeux sur le vice de ses conclusions.

Tout le monde sait combien l'évolution génitale est fayorable au développement de tous les organes, à l'activité de toutes les fonctions ; combien l'excitation générale qui en résulte est surtout favorable aux constitutions faibles, aux santés délicates , aux tempéramens lymphatiques. Il n'est pas de praticien qui n'ait vu cette crise salutaire mettre fin spontanément à une foule d'affections chroniques, rebelles à tous les traitemens ; les parens l'attendent également avec impatience, dans tous les cas où la médecine est restée impuissante.

La comparaison que le D.r Deslandes établit entre l'état d'éveil ou de rut, et l'état de repos des organes' géni-


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taux n'est pas moins contraire à ses conclusions. Il est bien vrai que, dans le premier cas, l'influence de ces organes est incomparablement plus grande; mais l'excitation générale qu'en éprouve l'économie, est-elle nuisible? Assurément non, puisque les forces, l'activité, le courage prennent alors une nouvelle énergie. C'est cependant cette influence fâcheuse qu'il eût fallu démontrer, avant de conclure de ces faits, que les dangers de l'acte sont en raison du degré d'excitation dont il est accompagné. Ces conclusions résultent évidemment de l'exagération qui consiste à regarder l'acte vénérien comme toujours nuisible, et surtout de l'importance excessive attachée à la dépense nerveuse.

Quoi qu'il en soit, laissons de côté cette discussion purement logique, et yoyons sur quels faits le D.r Deslandes s'appuie.

« Comparez les deux sexes, dit-il (page 48). L'un d'eux, le sexe féminin, nous présente beaucoup moins souvent que l'autre les conséquences fâcheuses des excès vénériens. Pourquoi cette différence? N'est-ce pas parce que le sens génital étant chez les femmes moins susceptible d'exaltation, l'acte vénérien leur cause moins de fatigue?» Ces propositions sont vraies , en thèse générale ; mais, à quoi tient cette tiédeur relative de la femme? A ce que ses organes ne sont pas excites, comme ceux de l'homme, par la présence éminemment stimulante du sperme. Pourquoi l'acte vénérien cause-t-il moins de fatigue à la femme? Précisément parce qu'elle n'est pas exposée à cette évacuation, qui est la principale cause de l'affaiblissement qu'éprouve l'homme. Si je voulais insister sur

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ces mystères délicats, il me serait facile de montrer que, chez la femme, l'absence même de cette preuve de l'acte ne permet pas d'en constater la réalité comme chez l'homme, et je pourrais ajouter que , chez elle, les démonstrations provoquées par le désir de plaire , ou par le besoin de tromper, ne sauraient être distinguées de la vérité. Au reste , voici ce qu'ajoute le D.r Deslandes.

«Elles procèdent moins à l'acte, qu'elle ne s'y prêtent; aussi n'ont-elles besoin de désir, que juste ce qu'il en faut pour ne pas s'y refuser......... Et d'ailleurs, n'est-il pas

de fait que c'est sans les désirer ni en jouir, qu'un grand nombre de femmes se prêtent aux caresses de leurs époux? Cependant, qu'on le remarque bien, cette indifférence ne les empêche pas de devenir mères ; car la sensation vénérienne n'est pas chez elles, comme chez l'homme, une condition indispensable de l'oeuvre génératrice. Enfin, je le demande, existerait-il des filles publiques si la copulation causait au sexe féminin autant de secousses et de fatigues qu'à l'autre ? »

Ainsi, comme on voit, le-D. 1' Deslandes ne tient aucun compte de la perte de semence qui a lieu chez l'homme, et il finit par assimiler les contractions épileptiformes qui accompagnent nécessairement chez lui l'éjaculation, au simulacre le plus insignifiant de l'acte chez la femme. A quoi se réduit-il, en effet, lorsqu'il n'y a pas même de sensation vénérienne ? Quant aux filles publiques, personne n'a jamais supposé qu'elles prissent la moindre part aux plaisirs qu'elles vendent : ce serait abuser étrangement des mots, que d'appeler copulation la fonction qu'elles remplissent alors. Leur rôle, dans cette circonstance, ne


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peut être comparé à celui de l'homme, puisque , de leur part, le fait n'existe même pas, sauf quelques cas exceptionnels , qui ne tiennent plus à leur métier.

«Une chose avérée, dit un peu plus loin le D. 1 Deslandes (p. 51), est que tout ce qui concourt à donner plus de force et de durée aux sensations qui accompagnent l'acte vénérien, a aussi pour effet de rendre plus grands la fatigue et le désordre qui le suivent. Nul doute que le coït, quand, réduit à ses plus simples termes, il n'est guère plus qu'une excrétion de sperme, cause beaucoup moins de préjudice que s'il a lieu avec un grand éclat. Aussi, le commerce avec les filles publiques , et généralement avec les femmes qui n'inspirent point de vifs transports, a-t-il généralement des inconvénient moindres , ainsi que l'a remarqué Hunter , que celui qui s'accompagne d'une violente passion. Quelques auteurs

cependant ont émis une opinion contraire Mais il

est évident que ces auteurs ont confondu l'état du corps avec celui de l'âme. Assurément, quand elle est dominée par une passion forte, les ardeurs amoureuses durent plus long-temps, et la satiété arrive moins vite; mais s'ensuit-il que le corps résiste plus? A n'en pas douter, non; seulement on sent moins les atteintes qu'il subit ; mais elles se révéleront plus tard, quand le sens génital ne parlant plus, permettra de sonder les plaies qu'il a faites. »

Le D.r Deslandes se serait certainement épargné tous ces raisonnemens, s'il s'était souvenu de la condition importante qu'il s'était imposée dès le principe , en disant : « Toutes choses égales d'ailleurs. »

En effet, il aurait commencé par se demander s'il y


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avait réellement égalité numérique dans les actes qu'il suppose accomplis au milieu des circonstances qu'il met en opposition , et bientôt il aurait compris qu'il était impossible d'admettre que le même individu se livrât à des actes aussi répétés avec une fille publique, qu'avec l'objet d'un ardent amour. Quelle est l'impulsion qui pourrait l'entraîner au-delà du besoin le plus impérieux, avec une femme qui ne lui inspire que du mépris, du dégoût et même des inquiétudes pour sa santé ?

Tout ce qu'on peut conclure des faits invoqués par le D. 1' Deslandes, c'est que l'homme passionné est nécessairement exposé à des excès qu'il n'eût jamais commis dans un état d'indifférence, et à plus forte raison s'il eût éprouvé de la répugnance. Mais ce n'est pas là ce que l'auteur voulait et devait démontrer.

Immédiatement après le paragraphe que je viens de citer, il ajoute: «Une des causes qui font que la masturbation est, en général, plus pernicieuse que le coït, vient précisément de l'état de l'âme pendant qu'ils s'accomplissent, etc. (p. 52.)» Je ne puis comprendre ce qui a porté le D. 1' Deslandes à s'appuyer d'un rapprochement aussi contraire à sa proposition. Oui, la différence est énorme entre les résultats; mais c'est l'acte le plus décoloré qui est le plus dangereux. Quel contraste, en effet, quant à l'intensité, à la vivacité des jouissances , et surtout quant à l'exaltation de la passion ! Pourquoi donc le masturbateur est-il plus affaissé? Pourquoi éprouve-t-il une atteinte plus profonde, plus durable? C'est qu'il reste anéanti sous l'impulsion morale inévitable , irrésistible d'un remords, ou tout au moins d'un regret;


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c'est qu'aucun sentiment expansif n'excite son système cérébral.

Les pensées tristes, les souvenirs pénibles, les préoccupations graves ont une influence semblable sur le coït lui-même. Exercé dans ces circonstances débilitantes, il laisse l'économie dans un état d'anéantissement prolongé. Les émotions gaies, affectueuses, bienveillantes, favorisent , au contraire, une réparation prompte. Cependant, dans le premier cas , l'acte est réduit à- ses plus simples termes; dans le second, il est, au contraire,, accompagné de beaucoup d'éclat, suivant les expressions du D.r Deslandes. Ces faits sont connus de tout le monde et faciles à expliquer : ils prouvent que toutes les passions expansées, excitantes, diminuent les effets débilitans du coït : l'amour heureux doit, à plus forte raison, produire les. mêmes résultats.

Il est incontestable qu'une violente passion expose à de grands excès ; il n'est pas moins évident que ces excès sont dangereux ; mais qu'ils le soient autant que ceux qui seraient commis, si c'était possible, avec une complète, indifférence par les mêmes individus , c'est ce que n'admettront jamais les hommes qui ont pu en juger par comparaison. Ils se rappelleront trop bien quel degré de virilité ils ont acquis dans certaines occasions; avec quelle facilité ils ont supporté des dépenses, dont ils ne se croyaient pas capables ; et certes, ce n'était pas alors que les actes se réduisaient à une simple excrétion de sperme.

C'est, au reste, ce qu'il est facile de concevoir, quand on pense à l'excitation favorable que l'économie tout entière reçoit des sentimens de joie, de fierté, que procure


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le bonheur partagé ; quand on connaît l'effet magique produit par la vue de l'objet aimé, par le son de sa voix, par tout ce qui peut en rappeler le souvenir. Quiconque a ressenti l'influence irrésistible, instantanée, que ces sensations et ces pensées exercent sur les organes génitaux, doit comprendre avec quelle activité le sperme est alors sécrété.

Mais le D.r Deslandes a distingué l'état de l'âme de celui du corps. Je viens de montrer que, toutes choses égales d'ailleurs, les conditions morales, encéphaliques, les plus propres à exalter le sens génital, étaient aussi les plus favorables au coït, sous tous les rapports : il me reste à faire voir qu'il en est de même du corps, c'est-à-dire, des organes sexuels, ou pour parler plus exactement encore, des qualités variables du sperme.

Il est bien reconnu que la vivacité des jouissances estproportionnée au degré d'élaboration que le sperme subit avant l'accomplissement de l'acte. Le même individu, dans les mêmes conditions morales, avec la même femme, éprouve des sensations bien différentes, suivant que le sperme a été lentement sécrété, long-temps retenu, ou qu'il a été fourni précipitamment et déposé depuis peu dans ses réservoirs. C'est ce que tout le monde peut facilement apprécier, en comparant des actes précédés de quelques jotirs de repos, avec ceux qui sont très-râpprochés.

J'ai dit quelques jours de repos, parce qu'une continence trop long-temps prolongée finit par amener des pertes séminales involontaires. Le premier acte qui succède à cette longue inaction, est peu énergique sous tous les rapports. Mais cela même rentre dans la règle.


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Ainsi , les sensations sont d'autant plus vives , que le sperme a été mieux élaboré , qu'il a séjourné plus longtemps dans ses réservoirs. L'exaltation que sa présence prolongée détermine, peut même être portée au point d'amener un état erotique, voisin du délire; jusqu'à égarer la raison , et pousser au crime des hommes auparavant fort doux. Le plaisir perd de sa vivacité, dès que le sperme commence à manquer de ses qualités stimulantes , et l'acte devient de plus en plus insignifiant, à mesure que le liquide est plus aqueux.

Tous les malades qui ont eu des pertes séminales involontaires à la suite d'excès vénériens, ont remarqué cette diminution du plaisir, bien long-temps avant que leur santé fût dérangée; et j'ai eu soin de signaler ce triste changement, comme l'indice le plus certain du danger de ces actes imparfaits et accablans.

En même temps que la sensation s'affaiblit, les érections sont moins complètes , moins prolongées ; l'éjaculation est plus prompte ; elle devient même si précipitée, que l'intromission ne peut plus avoir lieu. La durée de l'acte est donc à peu près nulle, et l'on peut en dire autant des phénomènes qui l'accompagnent : c'est bien alors qu'il se réduit à une simple excrétion de sperme ; encore faut-il ajouter qu'elle, est peu abondante ; que la liqueur séminale est aqueuse, transparente, sans odeur, impropre à la fécondation.

Suivant les idées du D.r Deslandes, c'est dans des actes aussi insignifians, que la dépense nerveuse et la perte séminale devraient produire le moins d'effet sur l'économie , et cependant c'est justement le contraire qui


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arrive : quelque rares qu'ils soient, ces actes imparfaits sont toujours suivis d'un accablement profond et général, qui ne se dissipe que très-lentement, et se fait quelquefois sentir pendant 12 ou 15 jours. J'ai rapporté tant d'exemples de cette nature , que je crois inutile d'insister davantage sur ce point.

Si une proposition incontestable résulte de tous les faits que j'ai observés, c'est que la diminution du plaisir est le premier signe qui puisse indiquer aux imprudens, qu'ils ont dépassé les limites de leurs besoins réels ; c'est que le danger augmente avec l'imperfection de l'acte, -

Au reste, il fallait bien que les désirs diminuassent avec les besoins, avec les chances de fécondation ; que l'acte offrît moins d'attraits, et fut moins facile, à mesure qu'il 1 devenait plus nuisible à l'individu, moins favorable à la propagation : sans cela, l'espèce humaine n'existeraitplus depuis long-temps.

Ce que je viens de dire des faits relatifs à l'acte vénérien, suivant létal du fluide fécondant, est applicable à toutes les pertes séminales , de quelque manière qu'elles aient lieu.

En-les comparant entre elles , il est facile de se convaincre qu'elles sont d'autant plus dangereuses , qu'elles; ont lieu avec moins d'énergie et de plaisir.

Je ne reviendrai pas sur ce que j'ai dit des effets du coït, comparés à ceux de la masturbation ,. puisque tout le monde est d'accord à cet égard ; mais je dois montrer que les mêmes différences existent relativement aux pertes séminales involontaires.

Le même indiyidu qui répète l'acte vénérien plusieurs;


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fois dans une nuit sans inconvénient, est souvent anéanti par une seule pollution nocturne: il trouve toujours de l'avantage à remplacer ces pertes involontaires par le coït. L'excitation normale qui résulte des rapports sexuels, donne du ton à toute l'économie, et en particulier aux organes génitaux ; les dépenses qui ont eu lieu, sont plus facilement réparées, et le resserrement des canaux éjaculateurs s'oppose davantage à l'expulsion involontaire du sperme. Les pollutions nocturnes , au contraire, laissent tous les tissus dans l'atonie, favorisent le relâchement des orifices excréteurs, exposent au retour des mêmes accidens , et, plus tard, à des pollutions diurnes.

Ce qui ne peut, au reste, laisser aucun doute à cet égard, c'est la confiance avec laquelle tous les praticiens conseillent la fréquentation des femmes contre les pollutions nocturnes habituelles: si le résultat ne répond pas toujours à leur attente, c'est qu'il existe une irritation des organes spermatiques assez vive pour être exaspérée par le coït ; c'est qu'il en résulte alors une#augmentation des pertes séminales et non un changement dans le mode d'évacuation. Au contraire, toutes les fois que les pollutions nocturnes sont dues à l'habitude, où bien à un état de relâchement, l'acte vénérien les remplace avantageusement , lors même qu'il est plus répété.

Les pollutions nocturnes, comparées entre elles, peuvent donner lieu aux mêmes observations. Tous les malades qui sont venus me consulter pour des cas de cette nature, avaient remarqué , sans pouvoir s'en rendre compte, que, dans le principe, ces émissions avaient été accompagnées de rêves erotiques, d'érections fortes et


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prolongées , de sensations voluptueuses assez yiyes pour laisser un souvenir agréable, et qu'alors elles étaient aussi parfaitement supportées ; quelquefois même elles étaient suivies d'un sentiment de bien-être et de soulagement.

Je dois le dire ici par anticipation : les pollutions nocturnes sont quelquefois utiles, nécessaires même, pour ramener spontanément le calme dans l'économie, quand les rapports sexuels n'ont pas lieu. Comment savoir quand ces évacuations sont utiles ou dangereuses, quand il faut les négliger ou s'y opposer? En consultant les phénomènes qui les accompagnent, et les effets qui en résultent. Tant qu'elles sont accompagnées de rêves erotiques, de fortes érections, de plaisir ; tant qu'elles sont suivies de soulagement, de satisfaction , elles sont plus utiles que nuisibles. Mais, à mesure que ces phénomènes d'excitation diminuent, lès pollutions nocturnes produisent des effets plus fâcheux et plus durables. Les plus accablantes sont celles qui ont lieu sans érection , sans la moindre sensation.

J'ai trouvé tous mes malades d'accord à cet égard, et leurs remarques avaient été spontanées , par conséquent dépouillées de toute prévention; plusieurs même avaient pu les vérifier souvent, à cause des alternatives qu'ils avaient éprouvées dans leur santé.

Il ne faut pas croire que la gravité de ces pollutions nocturnes passives tienne à leur plus grande fréquence ; car il est remarquable, au contraire, qu'elles laissent entre elles un intervalle de plus en plus grand.

Je sais bien que tous ces changemens sont dûs à des pollutions diurnes de plus en plus abondantes ; mais il


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n'en est pas moins vrai que le danger des pollutions nocturnes est précisément en raison inverse de l'énergie des érections et de la vivacité des sensations.

Enfin, les pollutions diurnes sont, toutes choses égales d'ailleurs, beaucoup plus graves et plus difficiles à guérir que les pollutions nocturnes ; et même les pertes séminales qui accompagnent la simple émission des urines , sont plus accablantes et plus opiniâtres que celles qui n'ont lieu que pendant les efforts de la défécation. En un mot, l'expérience prouve que la gravité des pertes séminales involontaires est proportionnée à la facilité avec laquelle elles ont lieu; et le raisonnement eût suffi pour faire prévoir ce résultat.

Si l'on objectait que le danger tient à ce qu'une plus grande quantité de sperme est expulsée dans un temps donné , j'avouerais bien volontiers que c'est aussi mon opinion. Mais alors, que devient l'importance attachée à l'orgasme vénérien, aux phénomènes spasmosdiques), à la dépense nerveuse, a l'ébranlement général de l'économie ?

En résumé, soit que l'excitation erotique vienne du système cérébral, des passions, de l'âme, etc. ; soit qu'elle dépende d'un sperme bien élaboré, de la disposition des organes sexuels, de l'état du corps, etc., les émissions accompagnées des phénomènes les plus énergiques sont les seules qui puissent être utiles, ou sans importance : toutes choses égales d'ailleurs, les pertes séminales sont d'autant plus nuisibles, qu'elles sont accompagnées d'érections moins énergiques, de sensations moins vives , qu'elles sont enfin plus passives.

J'ai attaché de l'importance à bien établir cette propo-


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sition générale, parce qu'elle est en opposition formelle avec les idées généralement admises; parce qu'elle est d'une application continuelle dans l'étude des pertes séminales volontaires ou involontaires; enfin, parce qu'elle conduit à cette conclusion satisfaisante, que l'intérêt de nos plaisirs s'accorde avec celui de notre santé, comme avec celui de l'espèce humaine.

Influences accidentelles.—Il me resterait à examiner une foule de circonstances qui peuvent provoquer à des excès, ou rendre le coït inopportun, dangereux. Mais j'ai déjà parlé des effets consécutifs de la blénnorrhagie et de. la masturbation, de l'influence immédiate de l'équitation et des boissons alcooliques : je ne puis que renvoyer aux réflexions qui accompagnent les faits relatifs à chacune de ces causes.

Je pourrais parler des inconvéniens attribués , depuis Sarictorius, à certaines positions (1), à l'étal de plénitude de l'estomac (2) ; mais ces questions sont traitées partout, et peut-être avec plus de détail qu'elles ne méritent. Je m'arrêterai seulement à quelques phénomènes qui accompagnent le sommeil, parce qu'ils ont donné heu aux conseils les plus pernicieux.

L'accumulation de l'urine dans la vessie pendant la nuit , est une cause puissante d'excitation pour les parties génitales, et, soit dit en passant, une preuve de

(1) Aphor. XXXIV, secl. VI; aphor. XL, même section,

(2) Aphor. XXXVII, sect. VI.


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plus de l'intime connexion qui lie les organes urinaires et spermatiques. Cette influence est bien connue de ceux qui sont tourmentés par des pollutions nocturnes ; car presque tous sont conduits, par leur propre observation , à vider leur vessie avant de se coucher et.chaque fois qu'ils s'éveillent ; quelques-uns emploient divers moyens pour interrompre leur sommeil dans cette intention, et s'abstiennent même déboire après leur repas du soir. D'autres ont remarqué que la présence des matières fécales dans le rectum produisait des effets analogues, aussi faciles à expliquer. Enfin , on conçoit l'influence que doit avoir sur les organes génitaux , la chaleur du lit, ainsi que le repos réparateur qu'amène un sommeil prolongé. Il n'est donc pas étonnant que la fin de" la nuit soit le moment le plus favorable au coït ; l'heure critique des malheureux adonnés à la masturbation, ou tourmentés par des pollutions nocturnes; l'instant leplus dangereux pour ceux qui ont à redouter des excès vénériens.

On lit, dans beaucoup de graves auteurs, que les maris âgés, valétudinaires , ou presque impuissans , doivent saisir cette occasion , et mettre à profit les bonnes dispositions dans lesquelles ils se trouvent à leur réveil, pour remplir leurs devoirs conjugaux. Jamais conseil plus funeste ne leur fut donné! En effet, ces érections sont tout-à-fait trompeuses, puisqu'elles ne proviennent pas d'un besoin réel. La réunion de toutes ces circonstances étant nécessaire pour l'accomplissement de l'acte, on peut affirmer, sans craindre de se tromper , qu'il est nuisible : c'est un véritable excès, relativement


650 à la faiblesse de ces individus : pour peu qu'il se renouvelle, il doit avoir des suites déplorables.

Tissot (pag. 84), en parlant de l'absorption réciproque, qu'il suppose entre deux personnes couchées ensemble, ajoute : « Ce sont ces observations qui expliquent comment la jeûne fille qui couchait avec David, lui donnait des forces ; comment cette même tentative a réussi à d'autres vieillards à qui on l'a conseillé...... » Plus loin ,

il revient encore sur ce sujet (page 154). «CAPIVACCTO avait cru utile de faire coucher son malade entre ses deux nourrices ; et il est très-vraisemblable que l'inspiration de leur expiration contribua peut-être, autant que le lait,

à rétablir ses forces. ELIDJEUS conseilla à un jeune

homme qui était dans le marasme , le lait d'ânesse, et de coucher avec sa nourrice, qui était une femme extrêmement saine et à la fleur de l'âge J

Je passe sur ce langage, sur l'absurdité de ces opinions relatives à l'absorption, sur les argumens dont Tissot les appuie (1). Mais je dois m'élever contre de pareilles idées, d'autant plus dangereuses, qu'on ne peut s'attendre

(1) En voici, un qui permettra de juger de tous les autres. « Cet échange est mis hors de doute par des observations sûres. J'ai vu, il n'y a pas long-temps, un homme qui n'avait aucune gonorrhée, ni aucun symptôme vérolique cutané, donner la maladie vénérienne à une femme qui, dans le même instant, lui rendit la gale en échange; l'un, dans ce cas, compense les perles de l'autre. Dans celui de la masturbation , le masturbateur perd et ne recouvre rien. » (Pag. 85.)


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à les trouver là, et qu'elles ont été reproduites, sous d'autres formes , dans des ouvrages écrits aussi dans le but de montrer les dangers des pertes séminales exagérées. De semblables conseils ne sont pas seulement dangereux pour les vieillards, pour les valétudinaires; ils le sont encore pour tous ceux qui ont besoin de conserver leurs forces. Tous doivent éviter des tentations auxquelles il est difficile de ne pas succomber : quand il n'en résulterait qu'une excitation prolongée, répétée des organes génitaux, elle serait pour le moins inutile.

Lorsqu'un estomac débile a besoin des plus grands ménagemens , doit-on provoquer l'appétit pour faire manger davantage, ou bien prescrire un régime convenable? Le choix n'est pas douteux. Pour moi j'irai plus loin , et je dirai à ceux qui sont le plus heureusement organisés : « Méfiez-vous de ces désirs factices, et sortez toujours de table avant d'ayoir satisfait yotre appétit. »

5. III. — Effets généraux des excès vénériens.

J'ai montré les effets immédiats et consécutifs des excès vénériens, en choisissant, parmi les cas les plus frappans, les plus variés , ceux que j'avais observés avec le plus de soin. J'ai dû entrer dans les moindres détails , pour bien, faire comprendre le mode d'action de toutes les circonstances qui avaient agi, pour qu'on pût suivre l'enchaînement des causes et des effets. Ces investigations minutieuses sont sans doute arides ; mais elles sont


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indispensables dans toutes les sciences, pour établir la moindre vérité, pour redresser la plus légère erreur , et souvent elles conduisent aux résultats les plus inattendus, aux lois générales les plus importantes.

Depuis trois mille ans on connaissait la propriété qu'acquiert un morceau d'ambre. totr/sov frotté par un morceau de drap , lorsqu'on s'avisa d'étudier attentivement ce phénomène , et l'on fut bientôt conduit à l'analyse, à la reproduction de la foudre. Des contractions remarquées par Galvani dans des cuisses de grenouilles récemment écorcbées, donnèrent lieu à d'autres recherches, dont les suites ne furent pas moins;étonnantes. D'autres observations aussi simples ont suggéré des expériences multipliées , délicates , variées, et l'on est arrivé à reconnaître l'identité de la cause première des phénomènes électriques, galvaniques, magnétiques, je dirai même nerveux. Toutes les branches des connaissances humaines se sont ressenties de ces découvertes, que l'imagination la plus féconde n'eût pu deviner, et personne aujourd'hui ne peut prévoir où s'arrêteront leurs applications.

Cette observation patiente et scrupuleuse des moindres détails est bien plus importante pour l'analyse si compliquée de tout ce qui tient à la vie, et surtout pour l'étude des maladies, qu'on ne peut reproduire à volonté, ni soumettre à des expériences.

Mais, quand on est parti de ces faits isolés, quand on les a retournés dans tous les sens pour en tirer des conséquences, il faut vérifier l'exactitude de ces premières données , par des applications de plus en plus générales.


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Si les observations ont été faites avec soin , si les déductions en sont rigoureuses, on doit toujours retrouver les mêmes résultats dans les mêmes circonstances. Les effets observés sur les individus doivent se reproduire sur les masses.

Il semble d'abord impossible d'appliquer cette vérification en grand aux excès relatifs à la fonction la plus secrète de la vie : cependant, l'expérience est toute faite ; elle dure depuis plusieurs milliers d'années ; elle porte sur des peuples entiers , formant les deux plus grandes divisions de l'espèce humaine, conservant encore aujourd'hui leur empreinte distinctive, malgré leurs invasions réciproques, malgré les changemens de gouvernement , de lois, de religion, etc., qu'ils ont subis : en effet, ces caractères indélébiles se rattachent aux principes, opposés, admis, de tout temps, par ces deux masses de nations relativement aux rapports sexuels. Ceci est assez, important pour mériter quelques développemens.

Dès la plus haute antiquité , il a existé un contraste frappant entre les peuples d'Orient et ceux d'Occident Les renseignemens les plus anciens qu'on possède sur leur compte, sont déjà remarquables par cette opposition de moeurs et de caractère. Une lutte acharnée s'est établie entre eux dès le principe, et n'a jamais cessé, depuis l'expédition des Argonautes, jusqu'à celle d'Alger. Cet antagonisme a été remarqué par tous ceux qui ont visité l'Orient, ou qui se sont occupés de son avenir. Il a même été signalé par ceux des disciples de SaintSimon qui désirent le plus ardemment la cessation de cet état d'hostilité, et qui espèrent le voir remplacé

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par une association fraternelle (1). Voici les traits principaux qui caractérisent ces deux types.

D'un côté, immobilité habituelle, impassibilité ; horreur de tout mouvement, de toute agitation physique ou morale , de tout changement de quelque nature qu'il soit, de tout travail de corps ou d'esprit; vie contemplative , je ne dis pas méditative, parce que l'Oriental immobile ne pense à rien ; existence enfermée dans l'intérieur, consumée avec les femmes ; à des époques rares, développement momentané d'énergie et d'activité , suivi bientôt d'un long sommeil léthargique ; soumission facile à la force brutale, surtout si elle ne trouble pas les délices du harem.

D'un autre côté, activité inquiète, remuante, continuelle ; amour de l'indépendance, de la liberté ; vie à l'extérieur ; ardeur pour les affaires publiques et privées; passion pour la gloire, pour les grandes choses ; audace et persévérance dans les entreprises ; dévouement à la patrie, à certains principes ; désir ardent et persévérant d'amélioration, d'agrandissement, de conquête, par le commerce et l'industrie, par la guerre et la colonisation, par l'observation patiente des faits, et la recherche opiniâtre de toutes les vérités.

A ces marques d'une activité permanente, il est im(1)

im(1) les Deux Mondes, par M. G. D. E. , ouvrage rempli de pensées neuves, de recherches consciencieuses , etrecommandable'surtout par un ardent amour de l'humanité.


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possible de méconnaître dans les hommes d'Occident, une cause particulière d'excitation et d'énergie , qui se manifeste sous toutes les formes, à toutes les époques, et dont l'Orient n'offre pas la moindre apparence. Ses effets sont parfaitement peints dans ces admirables vers d'Horace :

Audax omnia perpeti Gens kumana ruit per vetitum nefas.

Audax Iapeti genus , Ignem fraude mala gentibus intulit :

Nil mortalibus arduum est.

Ces grandes et poétiques images sont empreintes d'une vérité profonde, éternelle ; mais elles ne sont applicables qu'aux descendans de Japhet, et le génie d'Horace ne s'y est pas trompé.

Dès la plus haute antiquité, l'Orient et l'Occident sont, en présence. C'est d'abord la guerre de Troie, due à l'enlèvement d'Hélène par le plus lâche des enfans de Priam ; c'est, plus tard, l'impulsion en sens contraire, quiamène l'invasion des Perses ; puis, de nouveau, la réaction de la Grèce, la retraite des dix mille, l'expédition d'Alexandre ; puis, quand cette puissance est détruite , vient celle de Rome, qui étend aussi ses conquêtes en Afrique et en Asie

Au milieu de ces luttes renaissantes , un phénomène caractéristique domine tous les autres. Partout , on voit quelques poignées d'hommes libres, renverser des nuées d'esclaves conduits par des despotes efféminés.

Ces caractères distinctifs signalés par tous les auteurs


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de l'antiquité, se sont conservés jusqu'aujourd'hui sans altération.

A quoi peut-on attribuer une opposition si constante ? Alarace? Mais les turcs, les Egyptiens, lesPersans, etc., sont, comme nous, de race caucasique. Au climat? Mais les Anglais conservent leur énergie , leur activité , leur persévérance, au milieu des Indous ; et c'est à cela seul qu'on peut attribuer l'étonnant succès d'une conquête aussi gigantesque. Faut-il s'en prendre aux institutions politiques ou religieuses ? Mais elles sont l'ouvrage des hommes : d'ailleurs , de part et d'autre, les formes de gouvernement, les religions ont changé , sans amener aucune modification dans les deux types primitifs.

Il n'y a qu'une chose qui soit restée invariable des deux côtés, c'est ce qui concerne le mariage. Dans tout l'Orient la polygamie a toujours été admise. Tous les peuples d'Occident, au contraire, se sont constamment montrés attachés au principe de la monogamie. ■

Pour peu qu'on réfléchisse à l'affaiblissement physique et moral produit par les excès vénériens, on comprendra facilement les différences que des institutions aussi opposées doivent amener dans l'existence des deux peuples. Je sais bien que ces excès ne sont pas rares chez nous; mais il est évident que la satiété doit plus tôt y mettre un terme; qu'elle doit faire rechercher davantage, dans les rapports conjugaux, les jouissances intellectuelles et morales.

Chez les Orientaux la variété rallume les désirs éteints, réveille les sens engourdis; tout gît, pour eux, dans les plaisirs physiques. S'ils rencontrent un Européen, ils


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le regardent comme médecin, et ne tardent pas à lui demander des secrets pour multiplier ou prolonger leurs jouissances. Le commerce le plus important de leurs droguistes est celui des opiats, des pastilles, des préparations aphrodisiaques les plus variées. La vente en est publique ; leur but est avoué : rien ne paraît plus naturel chez un peuple dominé par les idées erotiques (1).

Il est vrai qu'il faut être riche pour avoir un harem nombreux; que les concussions des grands peuvent à peine suffire aux dépenses d'un sérail ruineux. Mais ce

(1) Comme on imprimait ceci, j'ai rencontré dans la Correspondance de notre jeune et malheureux naturaliste, Victor Jacquemont, deux passages très-courts, mais très-caractéristiques , que je ne puis m^empêcher de citer :

« J'ai prié lord William de me qualifier de seigneur médecin Victor Jacquemont, et, pour supporter le titre de hakîm ,- j'emporterai quelques livres de cantharides. M. Elphinstone, dans son ambassade à Caboul, se faisait adorer par les pilules vénitiennes qu'il distribuait à la ronde. Une des maladies les plus communes en Orient, c'est une impuissance précoce. Les Levantins savent très-bien s'en relever, de temps à autre, par l'usage des cantharides; mais, à l'est de la Perse , ce moyen est inconnu. » ( Tom. I, pag. 347. )

; « Ce qu'on m'a conseillé d'emporter en plus grande quantité , ce sont d'immodestes pilules de cantharides y les excitans de ce genre-là étant.les plus nécessaires aux. Orientaux, que la débauche réduit très-souvent aune impuissance prématurée, dont les pauvres diables se plaignent sans vergogne.» (Pag. 375.)


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sont les sommités qui donnent l'impulsion : le peuple les imite toujours, autant qu'il peut.

D'ailleurs il faut des eunuques partout où il y a des femmes à garder : la prévoyance croît avec les motifs d'ombrage, et la mutilation finit par être portée jusqu'aux derniers raffinemens de la jalousie la plus barbare. Certes, l'esclavage est bien odieux ! mais il n'est pas comparable à ce lâche attentat contre l'humanité. L'esclave le plus avili peut un jour devenir un héros : quelle que soit sa misère , elle doit faire envie à l'eunuque.

Ce n'est pas tout ; la possession inutile, dangereuse de tant de femmes , par les privilégiés de la fortune , amène forcément la pénurie dans le reste de la société ; par la même raison que les profusions, les dilapidations des cours, ne se paient qu'aux dépens de la misère publique. Aussi la sodomie est-elle populaire dans tout l'Orient: elle s'y montre sans entrave et sans pudeur. Quelle énergie morale peut-il rester à des hommes vautrés dans de pareilles turpitudes?

Enfin, la femme étant pour un Oriental un objet de trafic, ne peut plus lui paraître qu'un être abject, impur, de beaucoup inférieur à lui : c'est une marchandise à laquelle il demande la fraîcheur , dés formes agréables ; mais, pour de l'intelligence , des qualités morales, de la vertu, il n'y pense seulement pas : d'ailleurs, la dégradation produite par l'habitude de l'esclavage porte , chez elle aussi, ses fruits délétères.

Entre de pareilles mains, quelle éducation morale la première enfance pourrait-elle recevoir ? Quel respect le fils conserverait-il pour sa mère, quand il la voit rudoyée,


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frappée par le plus misérable des eunuques, avec l'approbation de son père ? Quelle amitié peut-il exister entre des frères issus de femmes qui se détestent? Sans les vertus domestiques, que deviennent toutes les autres ?

Ainsi, la polygamie n'agit pas seulement d'une manière directe sur les maîtres efféminés des harems et des sérails, elle étend son influence corruptrice à tout le reste de la population ; et ceux qui ne sont exposés qu'à être énervés par des excès vénériens, sont encore supérieurs, sous tous les rapports, à tout ce qui les entoure. C'est entre leurs mains que tombent l'influence et le pouvoir ; ce sont eux qui ont encore le plus d'activité et d'énergie; eux seuls peuvent conserver quelque vie à la société orientale. Il suffisait donc de s'occuper d'eux pour prendre une idée du reste.

Tel est l'Orient aujourd'hui. Ce que nous en savons peut suppléer aux détails qui nous manquent sur les moeurs des époques les moins connues. Mais Darius, Xerxès, Sardanapale, Héliogabale, etc., attestent suffisamment que la même cause produisait autrefois les mêmes résultats.

En Occident, au contraire, indépendamment du principe de la monogamie, il s'est toujours manifesté une tendance à mettre certaines bornes aux rapports sexuels, et les plus anciens législateurs ont été secondés en cela par les philosophes. Les stoïciens avaient partout de nombreux et puissans disciples ; la morale d'Épicure ellemême, tant calomniée et si mal connue, était loin de favoriser les excès, car elle recommandait la modération des désirs dans l'intérêt même des jouissances. Ces prin-


640 cipes étaient secondés par des institutions gymnastiques qui faisaient attacher un grand prix à la force, à l'adresse, au courage, à la beauté des formes. Vénus avait son culte ; mais Vesta, Minerve, Diane étaient révérées : les Muses étaient vierges. La continence était donc honorée comme une vertu ; elle était indiquée aux poètes, aux artistes, aux philosophes, par une foule de mythes et de préceptes ; les athlètes en connaissaient toute l'importance ; c'est à eux que s'adressait la fable d'Hercule et d'Omphale. On sait que certaines écoles allaient jusqu'à prêcher le mépris des femmes, et que plusieurs corporations religieuses se vouaient au célibat.

Ainsi , dès la plus haute antiquité, une différence tranchée se manifeste entre les peuples. d'Orient et ceux d'Occident, quant à la loi fondamentale du mariage, et même quant aux idées attachées aux rapports sexuels.. L'épithète d'hommes efféminés dont se servent toujours les anciens en parlant des Perses ; la description qu'ils, font du cortège de femmes et de concubines dont ils étaient suivis, prouvent qu'ils connaissaient parfaitement la cause de l'infériorité de leurs ennemis.

Passons maintenant à une Ère nouvelle.

Le Christianisme a pris naissance entre l'Orient et l'Occident. Le peuple juif aurait dû être le premier à l'adopter , puisqu'il l'avait porté dans son sein ; puisque d'ailleurs, depuis Moïse , il n'admettait qu'un seul Dieu, Jéhovah, celui qui est. Mais il avait conservé lapolygamie ; ses moeurs patriarcales tenaient de celles d'Orient; et Jésus prêchait une morale bien plus sévère. Elle fut embrassée avec enthousiasme par ses disciples ; ils la


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poussèrent ensuite jusqu'au plus haut degré d'exaltation , et la mortification de la chair est devenue l'empreinte la plus caractéristique de la nouvelle religion. Aussi, par qui fut-elle propagée ? Par des Grecs et des Romains. De quel côté s'est-elle étendue ? Vers l'Occident qui vivait, de temps immémorial, sous l'empiré de la monogamie. Elle pénétra facilement et s'établit d'une manière inébranlable chez les Gaulois, chez les Germains, les Ibères, les Bretons, etc. ; mais elle ne fit pas une seule conquête en Orient, et bientôt même elle fut chassée de son propre berceau.

- Sur le même sol, un Oriental comprit pourquoi ses compatriotes repoussaient le Christianisme. Il en conserva les bases ; mais il sut se conformer aux moeurs des hommes auxquels il s'adressait : il leur laissa la polygamie , en la restreignant toutefois à quatre épouses légitimes ; il promit aux élus, un paradis peuplé de Houris aux yeux noirs, toujours jeunes et belles. Grâce à ces concessions , Mahomet se fit écouter de ces peuples sensuels. Il renversait cependant toutes leurs croyances ; car il leur prêchait un seul Dieu, Allah; il parlait de Jésus avec respect ; il se fondait sur les mêmes traditions, sur Abraham, sur les Prophètes. Mais il n'était plus question de mortification de lacliair, et le mahomètisme fut reçu avec enthousiasme dans toute l'Asie, et pénétra rapidement en Afrique.

< Ce résultat prouve jusqu'à l'évidence, que la sévérité des principes Chrétiens , en ce qui concerne les rapports sexuels, s'est opposée seule h son adoption par tous les peuples qui vivaient sous l'empire de la polygamie.


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LeMahométisme, restreignant la polygamie et renversant une grossière idolâtrie, régénéra l'Orient, enflamma tous ces peuples d'une ardeur inconnue. Sortis de leur état habituel de léthargie , ils se précipitèrent sur l'Occident et débordèrent de toutes parts comme ces violentes tempêtes, si communes dans leurs climats ; et le Chrisr tianisme fut un instant refoulé.

Le résultat de cette lutte nouvelle ne pouvait être dou ■ teux. Ces peuples portaient encore en eux , le principe énervant qui avait causé l'infériorité de leurs ancêtres, toutes les fois qu'ils s'étaient mesurés avec les Grecs et les Romains. Les peuples d'Occident, au contraire , avaient fortifié la monogamie par l'austérité chrétienne et la gymnastique féodale. L'enthousiasme d'un moment devait donc se briser contre une pareille résistance. Aussi, dès que le paroxysme eut cessé, tous ces peuples furent refoulés par la réaction des croisades , et bientôt attaqués sur leur propre sol.

Plus tard, les Turcs ont encore menacé Vienne ; mais une poignée dé héros polonais suffit pour les tailler en pièces. Enfin, leurs derniers efforts contre l'Occident sont venus échouer contre les rares et malheureux débris de la Grèce : après quoi, ils sont retombés, comme à l'ordinaire, dans leur ancienne torpeur.

On a pu remarquer que ces peuples , une fois soulevés et entraînés dans quelque expédition , avaient montré, pendant quelque temps, de l'enthousiasme , de l'activité, du courage militaire. Ce contraste avec leur apathie habituelle , a frappé tous ceux qui ont écrit sur l'Orient. Ils ont fait la même observation relativement à chaque


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individu pris isolément. Une fois qu'il a quitté ses foyers pour une affaire importante, il la poursuit, dit-on, avec une ardeur dont on né l'aurait pas cru capable.

Ces deux faits, dont on s'étonne , sont pourtant faciles à comprendre. Ces hommes , tirés de leur harem , sont soustraits à la cause d'affaiblissement qui agissait sur eux d'une manière continue. Ils y sont soustraits d'autant plus efficacement, que les lupanars sont inconnus en Orient. Ils sont donc soumis alors à une continence qui contraste avec leurs excès ordinaires : l'économie est sous une influence inaccoutumée, celle du sperme retenu dansles vésicules séminales. Cet effet est de même nature que celui qu'on observe à l'époque du rut, chez les mâles les plus paisibles, les plus timides auparavant. Ce qui a lieu chez les individus, doit s'observer sur les masses composées des mêmes hommes, placés dans les mêmes circonstances. Quand ils sont mus par une cause puissante, comme l'exaltation religieuse, l'ardeur dé la conquête, ou le besoin de la défense, les Orientaux sont forcés de renoncer aux excès qui les épuisaient. Mais la continence leur pèse bientôt, et le besoin de révenir à leurs habitudes ne tarde pas à se faire sentir; dès qu'ils le peuvent, ils s'y replongent de nouveau tout entiers : alors un calme profond s'établit encore pour long-temps.

Ainsi, ces contrastes qui ont surpris tous ceux qui les ont signalés, s'expliquent très-bien par l'influence habituelle dés excès vénériens , et par leur cessation momentanée.

Il est des peuplades qui reconnaissent en principe la polygamie, et qui semblent cependant faire exception à ce


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que je viens de dire des Orientaux en général ; ce sont celles qui vivent au milieu des déserts : leur vie est active, agitée, ambulante, pleine de périls et de hasards qui leur plaisent. D'où vient le caractère inquiet, entreprenant de ces hordes nomades, au milieu de leurs apathiques voisins ? C'est qu'elles sont misérables ; c'est que leur existence est précaire : voici ce qui en résulte. Quoique chaque individu ait le droit incontestable de posséder un harem , il en est bien peu qui puissent nourrir plus d'une femme. La passion dominante de ces hommes du désert, c'est leur cheval ; parce qu'il est leur compagnon forcé, l'instrument vivant de toutes leurs entreprises : parce que , à chaque instant, c'est à lui qu'est confié leur salut. Ils n'ont donc que le droit d'avoir plusieurs femmes: en fait, ils sont dans la position des peuples qui vivent sous la loi de la monogamie, et leur vie aventureuse ne leur permet pas de se livrer à des excès habituels.

Ainsi, cette exception apparente vient, au contraire, confirmer ce que j'ai dit de la cause première du caractère indolent des Orientaux en général. Cette anomalie, au milieu de peuples soumis à la même loi, au même régime, vivant sous les mêmes latitudes, ne peut avoir d'autre explication.

. Laissons l'Orient sensuel dans son immobilité séculaire, et voyons ce qu'est devenu l'Occident, après avoir ajouté à la monogamie, le principe chrétien qui fait de la continence la première de toutes les vertus.

La société s'est agitée pour conquérir , pour étendre ses droits. Elle a renouvelé ses luttes opiniâtres contre


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toutes les oppressions. Elle a montré une ardeur insatiable de conquêtes territoriales et scientifiques. Les découvertes les plus importantes se sont succédé rapidement, et leur application ne s'est pas fait attendre. La presse, la boussole, la poudre à canon étaient à peine trouvées, qu'elles changeaint l'aspect de l'Europe. Dès que cette ardeur inquiète et remuante put s'élancer au loin , les peuples d'Occident marchèrent rapidement à la conquête du globe : non pas comme un de ces débordemens accidentels qui rentrent bientôt dans leur lit, mais avec une persévérance croissante : ils y procédèrent non-seulement par les armes , mais encore par le commerce , l'industrie, les arts , les missions; non plus uniquement dans un but égoïste, mais aussi dans l'intérêt des sciences et de l'humanité.

En Amérique, ils remplacèrent rapidement la race indigène. L'Inde appartient maintenant aux Anglais. Vingt mille nationaux et quatre mille Européens suffisent à la Compagnie, pour maintenir dans l'obéissance la plus absolue quatre-vingt millions d'Indous. La même nation Anglaise s'étend en Afrique par le Cap de BonneEspérance; dansla Nouvelle-Hollande, par ses colonies pénitentiaires. Sans parler de Java, des Philippines, des îles Mariannes , etc., dont les Européens sont maîtres depuis long-temps, les îles nombreuses de l'Océanie étaient à peines découvertes, qu'elles subissaient l'influence de nos moeurs, de notre civilisation. Il y a quarante ans, les îles Sandwich étaient inconnues : quelques missionnaires américains, des deux sexes, s'y sont établis; aujourd'hui, des principes sévères ont déjà remplacé la


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promiscuité la plus absolue ; des écoles publiques sont ouvertes partout, et des presses nombreuses multiplient les moyens d'instruction.

Si je pouvais poursuivre ce tableau et entrer dans quelques détails, il me serait facile de montrer que le développement toujours croissant des peuples d'Occident, tient partout à cette cause d'activité, d'énergie, de fécondité , qui manque aux peuples d'Orient.

Voilà donc deux divisions de la même race qui, adoptant une direction opposée en ce qui concerne les rapports sexuels , sont arrivées aux résultats suivans :

D'un côté , polygamie, harems et sérails : d'où, excès vénériens ; mutilation barbare ; sodomie révoltante ; population rare, inactive, indolente, vouée à l'ignorance, par conséquent à la misère , à tous les despotismes. De l'autre côté, monogamie; austérité chrétienne ; répartition plus égale du bonheur domestique; augmentation croissante des lumières, dé la liberté, de l'égalité, du bien-être ; multiplication rapide ; population serrée, active, laborieuse, entreprenante , audacieuse, envahissante par impulsion et par nécessité.

Après cela, est-il possible d'espérer un rapprochement quelconque entre deux principes si opposés? Doit-on même le désirer pour le bonheur de l'humanité ? Si l'on juge de l'avenir par le passé, peut-on douter de celui des deux principes qui l'emportera?

Quand on envisage les choses dans leur essence, il est des résultats inévitables qu'on peut prévoir , quelle que soit l'époque de leur accomplissement. Il est temps que les nations de l'Europe oublient une politique jalouse et


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mesquine, et qu'elles se résignent à voir, dès aujourd'hui , ce que doit devenir l'Orient entre la Russie et l'Angleterre ; il est temps qu'elles sachent ce qu'elles doivent désirer, dans l'intérêt même de ces castes misérables , exposées à tant de mépris et d'exactions , exploitées par tant de despotes, aveuglées par tant de préjugés. Pour moi, je vais plus loin; je ne doute pas que la race caucasique d'Occident ne finisse par couvrir un jour la surface du globe, grâce à son intelligence et à sa moralité.

Un aperçu aussi rapide, aussi général, doit nécessairement laisser matière à bien des objections de détail : j'ai déjà répondu à celles qui pouvaient être résolues en passant : il en est d'autres dont la réfutation exige quelques développemens.

Tous les peuples d'Orient, sauf quelques hordes du Thibet, ont complètement renoncé au vin, ainsi qu'aux autres liqueurs fermentées. Ce ne sont pas seulement les sectateurs de Mahomet, mais encore ceux de Brama, de Vichnou, de Bouddha, etc., qui se sont imposé cette privation. D'un autre côté, tous ces peuples remplacent les boissons alcooliques par l'usage habituel, immodéré de l'opium et de ses préparations. Ils boivent la décoction de pavots ; ils mâchent le suc concrète par l'évaporation, l'extrait obtenu par l'ébullition ; ils le fument avec leur tabac , etc. C'est ainsi qu'ils se procurent des extases prolongées , des visions ravissantes , à la suite desquelles ils restent long-temps plongés dans un état de torpeur. Cette action s'étend du cerveau à tous les organes de l'économie: l'appétit diminue, la digestion se ralentit, etc., le


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trouble de cette fonction peut être porté "au point d'amener le marasme : les plus passionnés mangeurs d'opium finissent même par y succomber.

Ainsi les Orientaux sont privés de l'influence excitante des boissons fermentées, dont nous faisons généralement usage; ils abusent des préparations stupéfiantes , que nous employons seulement comme médicament et à très-petite dose : ces deux causes ne suffisent-elles pas pour expliquer l'opposition signalée dans le caractère des deux types ?

Ces faits sont remarquables sans doute par leur constance et leur généralité. Mais, d'où vient cette proscription des boissons alcooliques dans tout l'Orient? D'où vient cette passion non moins générale pour les préparations opiacées ? On a cru en trouver la cause dans le despotisme qui pèse sur tous ces peuples. Le vin , a-t-on dit, rend indiscret, il compromettrait ceux qui s'y abandonneraient: l'opium engourdit l'esclaveet lui fait oublier ses maux, etc.

Ces raisons ne sont que spécieuses ; car les despotes ont le plus grand intérêt à favoriser les indiscrétions : l'espionnage est leur unique ressource, et ceux d'Orient n'ont jamais paru disposés à propager l'usage du vin. Les excès de boisson jettent aussi dans la stupeur et dans l'oubli momentané des plus grandes misères : l'ivresse est, pour tous les poètes bachiques, la consolation des affligés. D'un autre côté, les effets que produit l'opium chez nous , donneraient une idée bien fausse de ceux qu'il détermine chez les Orientaux. L'habitude qu'ils en ont contractée, les doses énormes qu'ils en prennent, les


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substances enivrantes avec lesquelles ils le combinent, en modifient les effets à tel point, qu'il en résulte une exaltation comparable à celle que produisent chez nous les liqueurs les plus spiritueuses : ce qui le prouve, c'est qurils en donnent à leurs soldats avant le combat, pour développer leur courage et leur activité , comme nous faisons distribuer aux nôtres des rations d'eau-de-vie. Ces substances produisent même quelquefois, chez les hommes les plus pacifiques, une fureur martiale, une rage de destruction, qui tombe sur tout ce qui les entoure et ne peut être contenue par rien : les caractères de ce délire particulier sont si connus, que la loi permet de tuer tout individu jeté par l'opium dans un état aussi dangereux pour la société.

Il faut donc chercher ailleurs que dans le despotisme oriental, l'explication de cette préférence universelle des préparations opiacées sur les liqueurs alcooliques. D'ailleurs , le despotisme lui-même n'est jamais qu'un résultat dont il faudrait encore rechercher les causes.

Est-ce au climat qu'il faut s'en prendre? Encore moins ; car c'est justement dans les pays chauds que les liqueurs fermentées sont les plus utiles au travail de la digestion , toujours ralenti et même suspendu par les narcotiques. Les vingt-quatre mille Anglais ou Européens qui gouvernent l'Inde, usent et abusent des spiritueux ; tandis que les quatre-vingt millions d'Indous qui leur obéissent, boivent de l'eau.

Est-ce à la puissance des traditions? Est-ce à l'impossibilité de faire croître la vigne dans ces contrées ? Non ; car la conquête de l'Inde par Bacchus n'est autre chose

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que là traduction mythologique d'un fait historique. La description seule de sa marche triomphale , de son précepteur Sylène, de son bizarre cortège, de ses prodigieuses victoires , suffirait pour prouver que toute cette allégorie représente l'importation dans l'Inde delà culture de la vigne, l'adoption par ses habitans de l'usage du vin.

Pourquoi donc a-t-il été si généralement proscrit par toutes les sectes religieuses ? Un fait aussi universel ne saurait être le résultat d'un caprice ; il faut qu'il se rattache à une cause puissante, commune à toutes ces nations. Quelle est donc cette cause?

Si l'on se rappelle les effets produits par les liqueurs alcooliques sur les organes génito-urinaires , la réputation proverbiale des buveurs d'eau , etc. , on concevra facilement que des hommes passionnés pour l'acte vénérien , ont dû repousser volontiers tout ce qui pouvait lui être défavorable ; que leurs législateurs, politiques ou religieux, ont dû être frappés de ces inconvéniens; enfin, que ces peuples se sont facilement soumis à la privation de jouissances insipides pour eux, en comparaison de celles du harem.

Tous les malades qui sont épuisés par des pertes sémi' nales involontaires, s'aperçoivent bientôt que le vin , la bière et toutes les boissons fermentées leur sont trèsnuisibles ; ils deviennent de plus en plus sobres : la plupart arrivent, par leur propre observation, à se mettre spontanément à l'usage exclusif de l'eau. Ce n'est certainement pas une idée préconçue qui les guide ; car il en est peu qui sachent qu'ils ont des pollutions diurnes, et les symptômes généraux qu'ils éprouvent, sont


651 très-variables , en sorte que chacun d'eux croit avoir une maladie différente : d'ailleurs, quand les médecins leur conseillent l'usage modéré du vin, comme léger tonique, ils savent très-bien faire valoir l'expérience qu'ils ont acquise par des observations répétées. C'est donc forcé- " ment qu'ils renoncent au vin ; tous en reconnaissent les inconvéniens : c'est peut-être même la seule circonstance sur laquelle je les ai toujours trouvés d'accord , et j'en ai vu beaucoup conserver leur aversion pour le vin après leur guérison, ou persister dans l'usage de l'eau par la crainte d'une rechute.

Au reste, l'observation est loin d'être nouvelle ; car Hippocrate défend l'usage du vin à ceux qui sont tombés dans la consomption dorsale (1) BapS;m> ànsxicQa.

Il est donc bien constant que les boissons alcooliques sont défavorables à l'acte vénérien ; qu'elles sont surtout nuisibles quand les organes génitaux sont irrités , et ils le sont souvent chez ceux qui ne connaissent d'autres bornes à leurs excès, que la faculté de s'y livrer. Faut-il s'étonner, après cela, que le culte de Bacchus n'ait pu se maintenir dans l'Inde?

Tout le monde sait que les préparations opiacées, employées par les Orientaux à des doses énormes, et mêlées à diverses substances excitantes, provoquent chez eux des érections plus ou moins énergiques, plus ou moins prolongées : elles persistent même après la mort, comme

(1) IIEPI NOY20.N p'. ?8i«ç VUTKZÇ.


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on l'a constaté, après bien des batailles , sur un grand nombre de leurs cadavres.

Ces érections artificielles sont-elles dues au ralentissement de la circulation dans le système capillaire et par ' conséquent dans les tissus érectiles , comme l'ont pensé beaucoup de pharmacologues ? Dépendent-elles d'une action toute spéciale de l'opium , ou des substances qui y sont mêlées, comme d'autres le supposent? C'est ce dont je n'ai pas à m'occuper ; mais le fait a été signalé par tous ceux qui ont observé lés effets des préparations opiacées employées par les Orientaux. On sait aussi qu'ils profitent de cette propriété, pour se procurer des jouissances plus répétées et plus prolongées. Il n'est donc pas étonnant qu'ils aient préféré l'ivresse de l'opium qui favorisait leur passion dominante, à celle des liqueurs alcooliques qui lui était contraire.

La sobriété de tous ces peuples est encore un fait trèsremarquable : chez la plupart même , un article fondamental de croyance religieuse défend la chair de tous les animaux, en sorte que le régime est entièrement végétal et lacté. Tous aussi sont soumis à dès ablutions fréquentes, et font journellement usage des bains chauds, des fumigations et des bains de vapeur à une haute température, et avec des soins minutieux. Cette nourriture débilitante, ces usages relâchans n'expliqueraient-ils pas la mollesse des Orientaux ?

Avant de répondre à cette question, il faut d'abord examiner celle-ci : Quelle a été la cause de ces préceptes religieux?

Il est bien remarquable que ce régime, ces soins


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hygiéniques soient précisément les plus favorables à ceux qui sont tourmentés de pertes séminales involontaires. Non-seulement ils sont obligés de se priver de vin ; mais l'affaiblissement de leurs organes leur permet difficilement de digérer les substances animales : peu à peu ils en viennent, par des observations répétées, aux substances végétales et au lait pour toute nourriture, parce que ce sont les seuls alimens qui ne leur causent pas de pesanteur, de fatigue , de somnolence, de congestions cérébrales , enfin une exacerbation plus ou moins grave de tous leurs accidens ; et, ce qui n'est pas moins frappant, ce régime est exactement celui qu'Hippocrate conseille à ceux qui sont tombés dans la consomption dorsale : Donnezleur, dit-il, du petit-lait ou du lait d'ânesse, du lait

de Vache ?-cù p.szà, ■KISSOX àppbv 7) yâ\« ô'vEiov. Bôsiov Ss yixXx

StSdvat..., de la décoction d'orge, p^vS/wv 8t§<Wpoyeî-j; faitesles passer ensuite à des alimens mous, Ziriavri SicotofiîÇsw «ÙTÔV fi«X9axor<Tj, en commençant par de petites quantités, i?

. Ainsi, ce régime, adopté par tout l'Orient, est précisément celui auquel sont conduits les malades affectés de pertes séminales involontaires ; c'est celui que conseille le Père de la médecine à ceux qui sont tombés dans la consomption dorsale par suite d'excès vénériens : mais ce n'est pas tout.

Mahomet prescrit l'ablution des parties génitales, quatre fois par jour, et ce précepte est religieusement observé par tous les vrais croyans : c'est même à cet usage , que le D.r Clot-Bey attribue la fréquence de l'éléphantiasis du scrotum en Egypte , en Turquie, etc. Or, les lotions


654 froides, souvent répétées, sur le périnée et les parties voisines, sont généralement recommandées contre les pollutions nocturnes et diurnes. Ce moyen est même connu de ceux qui n'ont aucune notion de médecine. On conçoit qu'il doit être bien plus avantageux dans les pays chauds, où la réaction s'opère plus facilement, où la température du liquide n'est jamais assez froide pour provoquer de l'irritation. II est donc probable que Mahomet avait de puissantes raisons en prescrivant ces lotions multipliées.

Enfin, les fumigations, les bains chauds, les bains de vapeur entraient comme partie essentielle dans la thérapeutique d'Hippocrate contre la consomption dorsale. Gest par là qu'il commence et qu'il finit. Fomentez tout le corps , dit-il, 7ropi&wç «ÙTÔV okof, faites prendre des bains, chauds , W6co Se ^lapô,.

J'ai déjà signalé bien souvent les avantages de ces moyens adoucissans, en opposition avec les effets produits par les bains froids, les lavemens frais, etc. Je montrerai plus tard toute la sagesse du système hygiénique et diététique d'Hippocrate. En attendant, je dois faire observer que tous ces préceptes semblent avoir été copiés par Mahomet, et. par les autres chefs de secte de l'Orient. Ainsi, ce qui n'est conseillé chez nous qu'aux individus épuisés par des excès vénériens ou des pertes séminales involontaires, est devenu chez eux une loi obligatoire pour tous.

Ce n'est pas le hasard qui peut faire naître un rapprochement aussi complet, aussi constant, et sur d'aussi grandes masses. Si. toutes les sectes qui se partagent l'Orient ont adopté ces préceptes diététiques et hygié-.


655 niques, qui ne sont qu'exceptionnels pour les hommes; d'Occident, toutes aussi vivent sous l'empire de la polygamie, que l'Occident a toujours repoussée ; toutes ces nations portent l'empreinte efféminée, qui n'appartient chez nous qu'aux individus épuisés par des pertes séminales exagérées. D'un autre côté , il n'est pas possible de douter de la fréquence de la consomption dorsale chez les Orientaux , quand on voit tous les voyageurs témoigner leur étonnement du nombre des impuissances précoces, de leur publicité, du commerce scandaleux des aphrodisiaques, qu'ils ont observés dans toutes ces contrées.

Ce n'est donc pas l'abstinence du vin, l'abus des opiacés , la sévérité du régime, l'usage immodéré des lotions, des bains chauds, des bains de vapeur, etc., qui ont efféminé les peuples d'Orient, car tout cela reconnaît une cause, et cette cause c'est la polygamie qui favorise les excès vénériens : ce qui le prouve de la manière la plus évidente, c'est que t»ut cela marche ensemble depuis des siècles, chez des peuples nombreux, avec une coïncidence parfaite; c'est que nous retrouvons tout cela, chez nous, sur les individus épuisés par des pertes séminales exagérées.

Passons maintenant aux peuples d'Occident. J'ai dit qu'ils avaient toujours adopté le principe de la monogarnie: à la rigueur les Germains paraîtraient fournir une exception à cet égard, car ils admettaient la polygamie pour Leurs chefs. Mais, cette, exception n'est qu'apparente, puisque le peuple restait attaché au principe qui faisait sa force. Tacite semble même se complaire dans la peinture du profond respect dont les Germains entouraient le lien


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conjugal, et de l'espèce d'infamie dont ils frappaient les rapports illicites qui avaient lieu entre les deux sexes.

Quelle importance faut-il attribuer au climat tempéré de l'Europe, à son sol varié, accidenté, etc. ? Le grand nom de Montesquieu ne saurait faire illusion sur ce fait décisif, que les mêmes peuples ont subi les plus grandes transformations dans leur caractère, dans leurs institutions , sans que rien ait changé dans, les circonstances physiques, géologiques , etc., au milieu desquelles ils continuent à vivre.

D'un autre côté , si l'on parcourt l'histoire des nations de l'Europe qui ont le plus influé sur lé sort des autres , on voit que leur période la plus brillante a toujours été accompagnée d'une grande austérité de moeurs, et^que leur décadence a été précédée d'une dissolution générale. Les différentes phases'de la puissance romaine fournissent lés preuves les plus frappantes de cette Yérité; et celui qui parcourt aujourd'hui l'Italie, ^comprend facilement pourquoi ce peuple, jadis si fier, ne fait plus aucun effort durable pour reconquérir sa liberté. L'Italie n'est certainement pas plus chaude aujourd'hui que dans les beaux temps de la république romaine ; ses habitans sont bien les descendans en ligne droite du peuple-roi, mais il y a long-temps que les traditions de Lucrèce, de Virginius, etc., sont perdues. J'ai cité cet exemple, parce qu'il est le plus remarquable et le plus connu; mais tous les peuples de l'Europe pourraient fournir des preuves aussi positives de l'influence des moeurs sûr la trempe des caractères, sur la vigueur des institutions, sur le progrés des libertés publiques.


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On a remarqué que les habitans des montagnes avaient en général plus d'énergie et d'activité que ceux des plaines. Je ne puis discuter ici les exemples qu'on a cités , sans compter ceux qu'on pourrait y ajouter ; mais je dois faire observer qu'aux époques de grandes invasions, c'est toujours dans les montagnes que se sont réfugiés les hommes fiers et déterminés qui ont préféré une indépendance achetée par des privations et des dangers continuels, à une soumission tranquille ; qu'aux époques de troubles politiques, ou depersécutions religieuses, ces populations se sont recrutées de ces hommes inflexibles, que rien n'avait pu corrompre ni intimider ; enfin, c'est encore dans les montagnes les plus inaccessibles, que se réfugient ceux dont la société n'a pas su employer l'énergie, ou maîtriser le caractère turbulent. Il n'est donc pas étonnant que les descendans de pareils hommes soient soustraits, par le besoin continuel de leur conservation, aux excès auxquels sont exposés ceux qui vivent dans l'abondance et l'oisiveté.

Ce qui prouve que ces différences ne tiennent pas à l'élévation du sol, à la vivacité de l'air des montagnes, etc. , c'est que, dans l'Amérique du Sud, ce sont précisément les plaines les plus rases , les plus vastes , les plus chaudes du monde, los llanos de Apure, qui ont servi de refuge aux Bolivar, aux Paez, aux guerriUeros les plus intrépides, contre l'invasion espagnole. Ce sont ces plaines tropicales immenses, inaccessibles pour une armée régulière, qui sont restées le foyer renaissant de l'indépendance : lorsque Morillo était maître de tout le pays, c'est de ces plaines sans bornes que se sont conti-


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nuellement élancés, pour affranchir leur patrie, les llane?-os insoumis, ces arabes de l'autre hémisphère. Ce qui le prouve encore, c'est le contraste frappant qui existe aux États-Unis, entre les deux principaux groupes de républiques dont se compose le pacte fédéral.

Les États du Nord ont été peuplés primitivement de puritains rigides, d'exilés politiques et de quelques quakers, qui sont venus y chercher un refuge contre le despotisme et l'intolérance. Les descendans de ces hommes à profondes convictions en ont recules moeurs les plus sévères. Ils se marient très-jeunes ; ils honorent et protègent le travail ; ils méprisent et repoussent l'oisiveté, sous quelque forme qu'elle se présente. La société flétrit le libertinage; et la réprobation dont elle frappe le séducteur, sert de sauve-garde à la liberté dont jouit la jeune fille : l'opinion publique protège encore bien plus puissamment les liens conjugaux et le foyer domestique.

Ce sont ces États du Nord qui ont fourni le type de ces yankees dont les familles sont si nombreuses, les planteurs si hardis , les trapeurs si aventureux , les pionniers si infatigables : c'est parmi eux que se trouvent les négocians les plus entreprenans, les marins les plus audacieux de l'Union; ce sont eux qui ont exécuté, en quelques années, le plus vaste système de canalisation; qui ont adopté les premiers, et multiplié avec le plus d'ardeur les bateaux à vapeur ; ce sont eux qui ont établi les chemins de fer sur la plus grande échelle, qui en ont fait les applications les plus variées; ce sont eux qui ont donné au reste de l'Union l'exemple de l'émancipation des esclaves; c'est parmi eux que s'est formée l'association des


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abolitionnistes, dont le dévouement vient d'être partagé par les femmes ; et non contens de ces entreprises gigantesques , de ces préoccupations intérieures, ils envoient leurs vaisseaux, leurs produits, leurs missionnaires sur les points les plus ignorés du globe.

Les États du Sud, au contraire, ont été peuplés, dès le principe, de riches spéculateurs, de puissans aventuriers, qui se sont emparés de vastes terrains et les ont fait cultiver par des esclaves. Leurs descendans n'ont eu qu'à faire surveiller ces immenses exploitations par desagens subalternes ; ils ont pris le travail en aversion et l'oisiveté. en habitude; ils ont trouvé dans leurs esclaves un harem tout formé, et dans les femmes de couleur des plaisirs aussi faciles : les unes leur appartiennent en toute propriété; les autres leur sont acquises par la fortune et surtout par Yaristocratie de. la peau, la plus insolente , la plus inflexible de toutes les aristocraties.

Le colon, des États du Sud a donc des maîtresses à discrétion , parmi les femmes de toutes, les nuances- de couleur. Il est vrai qu'il n'en épouse aucune ; cette pensée né saurait même lui venir; mais il n'en est pas moins dans les mêmes conditions queleplus volupteux Oriental, avec cette différence que son mépris pour tout ce qui tient à la race africaine, s'étend jusqu'à ses propres enfans et à leurs descendans les plus décolorés. ..•■._■

De là, des habitudes indolentes, une répugnance pour toute occupation sérieuse, un dédain pour tout travail pénible , une vie inactive et dissipée, un besoin de distractions, de visites, de fêtes, de chasses, déplaisirs variés. Le colon du Sud est donc de tout point l;homme


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le plus opposé au Yankee; aussi, voyez la différence des résultats.

Dans les États du Nord, la population blanche double en moins de 25 ans, tandis que celle de sang noir ou mêlé diminue. Dans ceux du Sud, la race blanche reste à peu près stationnaire, tandis que la race noire ou métis s'accroît dans une proportion effrayante. Aussi, d'un côté, l'émancipation des esclaves devient tous les jours plus facile : les aboliûonnistes gagnent rapidement des partisans ; de l'autre, les difficultés, les dangers augmen^- tent; les précautions se multiplient et deviennent de plus en plus odieuses : le mot seul d'émancipation provoque des cris de rage, des actes arbitraires qui tiennent de la démence.

En attendant, les nouveaux. États de l'Ouest, formés en grande partie de planteurs du Nord, donnent à ceux-ci une influence toujours croissante dans les délibérations du Congrès ; et, malgré les résistances violentes , inévitables des États du Sud, malgré les catastrophes qui s'y préparent, le principe de l'humanité aura son développement forcé, ■ suivra sa marche inflexible. La question estlamême qu'entre l'Orient et l'Occident; sa solution n'est pas plus douteuse d'un côté que de l'autre.

On a voulu attribuer au Christianisme la supériorité des peuples d'Europe sur ceux d'Asie. Il est certain que toutes les nations qui ont adopté la morale de Jésus, ont participé à cette prépondérance incontestable de tous les peuples chrétiens. Mais il ne faut pas être dupe d'une pétition de principe.

La supériorité des peuples d'Occident sur ceux d'Orient


661 s'est manifestée plus de deux mille ans avant l'ère chrétienne; elle ne s'est jamais démentie pendant cette longue période , remplie par le paganisme. Cette supériorité est aussi ancienne que la monogamie d'une part, et la polygamie de l'autre; et j'ai déjà démontré que c'était la préexistence de ces deux principes qui avait amené la destinée de deux religions nées côte à côte, sur le même sol, et qui ont toujours marché dans une direction opposée. On a voulu faire honneur au Christianisme de l'abolition de l'esclavage ; mais Jésus, loin de pousser les esclaves à l'émancipation, leur a prêché la résignation. Il ne leur a promis d'égalité que dans l'autre vie ; car son royaume n'était pas de ce monde : il leur a même enjoint de rendre à César ce qui était à César; de ne jamais mal parler, ni même mal penser du pouvoir; c'est-à-dire, de céder sans murmurer : il leur a donc prêché l'obéissance passive:

On a dit : « Le maître et l'esclave avaient le même jDieu, priaient dans le même temple ; c'était un principe «d'égalité. ■» Mais Moïse avait combattu l'esclavage d'une manière bien plus directe et plus puissante, en réduisant sa durée à six années ( Deutér., ch. XV, §. 12), en exigeant du maître des présens destinés à pourvoir aux premiers besoins du serviteur devenu libre ( §. 15-14 ), en rappelant aux Hébreux leur servitude d'Egypte (§. 15). Les musulmans sont tous également soumis au Coran, tous sont appelés à prier dans le même temple, tous , y compris les nègres; car les musulmans n'ont pas, à l'égard de la peau, la même susceptibilité que les blancs trèsehrêliens de la plupart des États de l'Union, qui défendent


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l'entrée de leurs temples confortables aux gens de couleur, ou leur permettent tout au plus une place dans un coin séparé.

Jésus a dit : « La lumière ne doit pas être cachée »sous le boisseau. » Mais il parlait de la lumière de la foi. D'ailleurs, comment la lumière aurait-elle pu se répandre avant l'invention de l'imprimerie? C'est la presse seule qui a fait descendre l'instruction , en là mettant à la portée d'un plus grand nombre de fortunes. L'émancipation des esclaves a été due à l'émancipation de la pensée ; et ce qui le prouve, c'est que la moitié des peuplés chrétiens ont encore des hommes en toute propriété; c'est que les plus avancés se laissent encore fasciner par des distinctions de couleur , par des oripaux aristocratiques. C'est de l'invention de la presse que date l'immense révolution qui a commencé par l'abolition de l'esclavage , et qui ne s'arrêtera qu'après l'émancipation complète du prolétaire.

Le plus grand service que le Christianisme ait rendu aux peuples d'Occident, c'est d'avoir fortifié, développé la puissance de la monogamie, par une morale plus austère, plus relevée; c'est d'avoir montré le mariage sous un aspect plus pur, plus dégagé des besoins sexuels; c'est d'en avoir fait une union plutôt morale que charnelle. En effet, c'est au moyen âge que ces chastes idées ont joui de leur plus grande puissance, et c'est à cette époque aussi que la marche de la société chrétienne â été plus accélérée. Ce n'est certainement pas en France que la foi s'est réfugiée; l'Europe nous accuse assez d'indifférence en matière de religion ! Qu'on compare cependant notre


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position avec celle de nos voisins, surtout avec celle de l'Italie et de l'Espagne , où se trouvent les croyances les plus robustes, les dévoueméns les plus aveugles, le pouvoir ecclésiastique le plus puissant, le plus absolu, et l'on verra que les peuples auxquels le Christianisme a été le plus favorable, sont ceux dont il a le plus épuré les moeurs.

Voilà son côté le plus avantageux. : j'ai dû le signaler sans arrière-pensée. Mais, qu'on ne s'y trompe pas; dans tout ce que j'ai dit, je n'ai pas entendu parler de la continence absolue : j'aurai plus tard à examiner les effets de cette exagération, incompatible avec notre organisme, et je montrerai les conséquences des voeux de célibat.

Si je touche aux plus graves questions sociales à l'occasion des perles séminales, c'est que là fonction de la génération est celle quia l'influence la plus puissante, la plus directe sur l'état de la société, sur la force physique et morale de ceux qui doivent la perpétuer.

Effets spéciaux. — L'influence des excès vénériens sur la production des pertes séminales involontaires , était déjà parfaitement connue d'Hippocrate : La consomption dorsale , dit-il (1), survient principalement aux nouveaux mariés vsoyâpou; et aux libertins x«i fàolâyvovç » Connaissait-il d'autres causes ? C'est probable, puisqu'il dit principalement, pàluTTx, et que chaque mot de cette description porte un cachet remarquable de vérité et de précision. Quoi qu'il en soit, c'est la première cause de pertes sémi.

sémi. IlEPl WOYSiiN p'. fBicriç varias, '


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nales involontaires qui ait été signalée. Cela se conçoit d'après ce que j'ai dit de la masturbation : la blennorrhagie et la syphilis n'étaient pas connues à cette époque.

Comment agissent les excès vénériens dans la production des pertes séminales involontaires? Est-ce par l'influence de l'habitude? Est-ce en amenant l'atonie, le relâchement des parties? On doit tenir compte, sans doute, de ces modes d'action ; mais il en est un bien plus constant, bien plus puissant, sur lequel je dois m'arrêter, parce qu'il a été méconnu jusqu'à présent.

Les phénomènes locaux qui suivent immédiatement le coït, peuvent être modifiés par les circonstances qui l'ont précédé ou accompagné; mais ils portent toujours-le caractère d'une augmentation d'action dans les organes sexuels. Les effets qui enrésulient, peuvent être rapportés à Y excitation, à l'irritation et même à Yinflammation.

Lorsque les organes sont sains , lorsque les actes sont en rapport avec les besoins, il y a seulement effet tonique ou excitant; le sperme est fourni plus abondamment, et retenu plus énergiquement dans les vésicules séminales : c'est le premier résultat de la transmission des impressions à la glande du canal excréteur.

Jusqu'ici l'influence est utile, parce qu'elle reste dans les bornes de l'état physiologique. Cet effet tonique est facile à constater, par ce qui arrive toutes les fois que des rapports habituels cessent tout à coup, et qu'ils ne recommencent qu'après un temps extrêmement long. Les premiers jours de continence sont les plus difficiles à supporter , et les premiers actes qui suivent une très-longue inaction, sont les moins énergiques. Le coït, dans les


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proportions et les circonstances convenables, est donc l'excitant normal des organes génitaux ; c'est le plus favorable à la plénitude de leurs fonctions.

Il n'en est pas ainsi de la masturbation et des autres abus dont j'ai parlé : c'est surtout ce qui rend ces habitudes si pernicieuses. Tout est anormal dans ces brutales manoeuvres : aussi n'en résulte-t-il que perturbation dans la sensibilité, désordre et irritation dans l'action des diverses parties de l'appareil; jamais elles ne produisent d'effet tonique, d'influence favorable. C'est pourquoi le coït remplace avec avantage les autres pertes séminales, volontaires ou involontaires r toutes les fois que les organes ne sont pas irrités; c'est pourquoi, dans le cas contraire, il augmente toujours les pollutions nocturnes ou diurnes. Tous ceux qui ont écrit sur ce sujet,' ont remarqué ces résultats opposés ; seulement, ils n'ont pu s'en rendre compte.

C'est* également parce que le coït agit toujours d'une manière excitante sur les organes génitaux, qu'un seul acte peut avoir des suites fâcheuses quand ces parties sont déjà dans un état de phlogose, soit qu'il dépende d'une ancienne blennorrhagie, de la masturbation , ou bien d'une équitation fatigante, d'excès de boisson, etc., comme j'en ai rapporté de nombreux exemples.

Si l'irritation des organes génitaux suffit pour rendre un seul acte dangereux , à plus forte raison leur inflammation, quelle qu'en soit la cause, doit-elle exposer à des accidens graves : aussi les symptômes syphilitiques et blennorrhagiques sont-ils toujours exaspérés par le coït, quelquefois même d'une manière effrayante. C'est alors que les ulcérations deviennent rongeantes, ou

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prennent le caractère gangreneux. J'ai vu plusieurs fois la perte d'une partie de la verge en être le résultat.

Lorsqu'il existe une blennorrhagie, l'inflammation s'étend souvent aux testicules : quelquefois cependant elle s'arrête à l'épididyme , ou au canal déférent. Dans tous les cas de cette nature, il est évident qu'elle a commencé par les canaux éjaculateurs, et l'on doit supposer qu'elle a envahi les réservoirs spermatiques , avant de s'étendre plus loin. D'autres fois, les malades rendent du sang avec le sperme, ce qui ne peut non plus laisser aucun doute sur l'état des vésicules séminales.

Lorsque l'inflammation s'est étendue jusqu'au tissu érectile de l'urètre, et lui a fait perdre son organisation spongieuse, il ne peut plus, pendant l'érection, se développer avec les corps caverneux ; la verge, est alors courbée en bas, comme par une corde , ce qui a fait appeler cordées ces violentes blennorrhagies. Si le coït a lieu dans cet état, il tend à produire le redressement de la verge ; mais le tissu spongieux de l'urètre, ramolli comme tous les tissus enflammés, se rompt ; une hémorrhagie plus ou moins abondante a lieu. Le sang s'épanche quelquefois dansletissu cellulaire sous-cutané, en assez grande abondance pour amener une mortification plus ou moins étendue : d'autres fois, l'urine passe par cette déchirure, s'infiltre au loin, et donne lieu à des abcès, etc. Dans tous les cas, après la guérison , il reste là une cicatrice qui amène de nouveaux accidens, parmi lesquels il faut compter les pollutions diurnes, si communes à la suite des rétrècissemens de l'urètre.

Il serait à désirer que tous ceux qui sont affectés de


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syphilis ou de blennorrhagie , fussent bien pénétrés des dangers auxquels ils s'exposent en se livrant à un acte aussi coupable ; car, s'ils avaient assez peu de conscience pour ne pas reculer devant l'idée d'empoisonner la société , ils seraient du moins arrêtés par l'intérêt de leur propre conservation, et cela suffirait pour amener l'extinction de deux maladies qui font tant de victimes.

Supposons maintenant les organes sains, mais soumis à des actes plus rapprochés que né le comportent les besoins réels de l'individu. Ces excès seront d'autant mieux supportés, qu'ils seront les premiers, qu'ils n'auront été précédés par aucune inflammation ou irritation des organes spermatiques, que les tissus seront dans Un état complet d'intégrité. C'est ainsi qu'il faut comprendre la réputation des novices en pareille matière ; car l'inaction absolue ne fortifie pas plus les organes génitaux que les autres ; seulement ils sont d'autant plus disposés à s'affecter, qu'ils l'ont été plus souvent.

Pour peu que ces excès soient portés très-loin, ou qu'ils durent long-temps, l'excitation augmente, et les premiers symptômes d'irritation se manifestent. Il survient de l'ardeur dans le canal, surtout pendant l'émission des urines ; celles-ci sont plus abondantes, rendues plus fréquemment ; quelquefois avec un chatouillement qui n'est pas toujours pénible ; l'ouverture du gland est plus injectée que de coutume ; la vivacité du plaisir diminue.

Plus tard, il survient delà dysurie, quelquefois même de l'hématurie; l'éjaculation s'opère avec une promptitude toujours croissante; le sperme contient quelquefois des stries de sang; d'autres fois même, il est tout-à-fait


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sanguinolent. L'irritation s'étend à la prostate, â la marge de l'anus, et-se manifeste par un sentiment de pesanteur dans le rectum et au périnée, par une constriction spasmodique des sphincters , qui amène la constipation. Les cordons spermatiques et les testicules deviennent douloureux , sensibles à la moindre pression ; ils ont besoin d'être préservés, soutenus par un suspensoire.

Les excès vénériens ne se bornent pas toujours à provoquer des symptômes d'irritation : ils amènent souvent des inflammations chroniques et même aiguës. J'ai rapporté deux cas dans lesquels il en est résulté des cicatrices entre le veru-monlanum et le col de la vessie. On sait que les urétrites produites par cette cause ne sont pas rares. Leur développement est quelquefois favorisé par des circonstances accidentelles , comme je l'ai dit ; mais , d'autres fois , on ne peut les attribuer qu'à la répétition exagérée de l'acte. Je ne parlerai pas des différences que peut présenter l'écoulement, tant pour l'aspect que pour la quantité ; des variétés qu'on observe dans les caractères et l'intensité de la douleur , etc. : je ne pourrais que répéter ce que j'ai déjà dit à l'occasion des écoulemens provoqués par la masturbation ; mais je dois rapporter, avec quelque détail, un fait qui donnera une idée de l'intensité que peut prendre l'inflammation causée par les seuls excès de coït.

En 1851, j'ai été consulté par un cultivateur d'environ 50 ans, qui portait une fistule urinaire au-devant du scrotum. Marié à 22 ans, il n'avait jamais eu de rapports qu'avec sa femme, et celle-ci n'avait ni flueurs blanches, ni affection dartreuse.


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Pendant les premiers mois de son mariage , il fit de tels excès qu'il lui survint une inflammation de l'urètre : elle était fixée principalement dans le tissu spongieux ; car il n'y avait presque pas d'écoulement, et la verge était courbée en bas pendant l'érection. L'émission des urines devint difficile; un abcès se forma vers le milieu de la longueur de la verge ets'ouvrit au-devant du scrotum. Depuis lors, l'urine n'a pas cessé de passer par cette ouverture.

Tous les instrumens d'exploration que j'ai introduits dans l'urètre se sont arrêtés à un demi-pouce de la fistule; le porte-empreinte est toujours sorti sans la moindre saillie qui pût indiquer un enfoncement. Pendant 15 jours, j'ai vainement tenté de pénétrer dans ce rétrécissement, et je suis resté convaincu que le canal était complètement oblitéré dans l'étendue de 5 à 6 lignes. J'ai interrogé ce malade de toutes les manières , sans remarquer aucune variation dans ses réponses ; et les détails dans lesquels il est entré, présentaient un cachet de vérité impossible à feindre. Il est donc évident que cette grave inflammation de l'urètre était due exclusivement à des excès de coït.

L'inflammation de la prostate ne se borne pas toujours à ses follicules muqueux ; elle se porte quelquefois, de prime abord, sur le tissu cellulaire qui les unit. Alors, il en résulte des rétentions d'urine plus ou moins complètes, plus ou moins prolongées. Dans les cas de cette nature on se hâte presque toujours trop d'avoir recours au cathétérisme. On peut sans; doute y être forcé par l'urgence des symptômes ; mais on devrait commencer par pratiquer une saignée générale, et la faire suivre de l'application de sangsues à l'anus et au périnée, de bains


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prolongés, de lavemens , etc. Ces moyens, employés de bonne heure, suffisent ordinairement pour arrêter l'inflammation et faire cesser la rétention d'urine. Si cependant on était obligé de débarrasser la vessie, il ne faudrait employer que des sondes volumineuses, propres à déprimer lentement les parties engorgées.

Quand ces inflammations ne sont pas combattues convenablement , elles peuvent se terminer par suppuration, et celle-ci peut se faire jour soit par le canal ou la vessie, soit du côté du périnée ou du rectum : j'ai vu des exemples de toutes ces terminaisons.

Quand l'inflammation est moins aiguë, ou entravée dans sa marche, elle peut encore laisser dans la prostate des engorgemens chroniques, des tubercules , etc. On conçoit facilement quelle influence toutes ces altérations doivent avoir sur les canaux éjaculateurs.

Il est bien entendu que je parle seulement ici des inflammations aiguës ou chroniques de la prostate, provoquées par des excès vénériens : elles ne se comportent pas autrement que les autres , une fois qu'elles sont développées ; mais il était indispensable d'en faire mention.

J'ai rapporté des exemples de cystite aiguë ou chror nique qui ne pouvaient également être attribués qu'à des excès vénériens : je renvoie à ces faits et aux réflexions qui les accompagnent. J'ai vu beaucoup de cas analogues, dans lesquels les pertes séminales involontaires n'avaient pas d'importance ; c'est pourquoi je n'en ai pas fait mention. Tout récemment encore, j'ai guéri, par la cautérisation de la vessie, un vigneron qui était entré à l'hôpital pour une cystite chronique très-grave, qui durait depuis


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cinq ans , et qui était survenue à la suite d'un seconde mariage, contracté à 45 ans.

J'ai observé aussi plusieurs fois des symptômes de néphrite, chez des malades qui s'étaient livrés à toute la fougue de leurs passions, sans qu'aucune autre cause appréciable y eût coopéré.

Je rapporterai tout-à-1'heure l'observation d'un jeune homme, chez lequel les canaux éjaculateurs ont été trouvés ulcérés, à la suite d'excès vénériens.

Tissot dit avoir vu de ces malades dont le sperme ressemblait à une sanie fétide, à une mucosité sale : il est évident que cette matière purulente ne pouvait venir que des vésicules séminales.

Quant à l'inflammation des canaux déférens et des testicules, elle n'est pas rare. Elle commence par un gonflement douloureux du cordon et de l'épididyme ; quelquefois elle ne va pas plus loin : il semble alors au malade qu'un nouveau testicule s'est développé à côté du premier. D'autres fois, le corps même de l'organe sécréteur a doublé de volume, et j'ai vu des cas dans lesquels ces orchites avaient dû être traitées de la manière la plus énergique. Les malades attribuent ordinairement ces symptômes aux causes accidentelles les plus insignifiantes ; mais, en suivant avec soin lès phénomènes, on voit que l'inflammation est parvenue aux testicules par les canaux éjaculateurs et les conduits déférens.

Je sais bien que ces cas graves sont les plus rares ; aussi ne les ai-je pas cités pour'donner une idée de ce qui arrive ordinairement, mais pour faire comprendre ce qui se passe quand les phénomènes sont moins prononcés.


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En voyant ces irritations ou inflammations se propager si facilement de l'urètre à la prostate , à la vessie, aux reins, aux conduits déférens et aux testicules , il est difficile de supposer que les vésicules séminales y restent étrangères: on conçoit dès-lors sans peine , pourquoi les pollutions diurnes sont si souvent compliquées de divers écoulemens de l'urètre, d'affections plus ou moins graves de la vessie ; pourquoi il en résulte tant d'obscurité dans le diagnostic, quand on ne veut juger la maladie que sur un seul symptôme.

Ces complications suffisent aussi pour montrer que ces

pertes séminales involontaires ne sont pas dues à un état

d'atonie ou de relâchement. Enfin , leur rapprochement

permet d'imaginer tous les cas qui peuvent se présenter

.dans la pratique.

Cependant, il est souvent difficile dé saisir le passage de l'excitation à l'irritation dans ces divers organes , et de l'irritation à l'inflammation. Je dois donc entrer dans quelques détails sur certains symptômes trop négligés, sur certaines erreurs très-communes.

Il importe beaucoup de signaler les phénomènes qui peuvent indiquer le début de l'irritation dans les divers tissus de l'appareil génito-urinaire, parce qu'il en résulte , dans le principe, des érections plus fréquentes, plus énergiques, qui font croire à une vigueur, à des besoins qui n'existent pas , et qui portent à de nouveaux excès , dans un moment où il serait urgent d'y mettre un terme. Le besoin fréquent d'uriner est lin des précurseurs les plus ordinaires des pertes séminales involontaires provoquées par des excès vénériens. On y attacherait plus


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d'intérêt, si l'on se rappelait la liaison qui existe entre les deux systèmes sécréteurs, si l'on était pénétré de l'importance et de la facilité d'arrêter le mal dès le principe. J'ai été consulté souvent par des malades , qui ne croyaient pas avoir d'autre incommodité qu'un besoin fréquent d'uriner, et dont la santé était déjà dérangée par dès pollutions diurnes, dont ils ne se doutaient pas.

Les premiers changemens qui surviennent dans les phénomènes de l'acte, méritent encore plus d'attention.

Les érections , après avoir été fréquentes, prolongées, importunes , deviennent rares , incomplètes et peu durables ; l'éjaculation qui se faisait long-temps attendre, s'opère ensuite avec promptitude ; cette précipitation augmente bientôt, et arrive au point que l'intromission est à peine possible. Les sensations changent aussi d'une manière remarquable : une certaine acuité douloureuse, indéfinissable, se mêle d'abord au plaisir ; ensuite il s'affaiblit progressivement et se réduit presque à rien. Pour me servir des expressions employées par la plupart de ces malades : l'acte est insignifiant, décoloré, et cependant très-fatigant. .: ': '. ..

Les premiers changemens quej'ai signalés, annoncent que l'irritation succède à la sur-excitation des parties : ceux qui viennent après, sont déjà de nature à faire soup-. çonner des pollutions diurnes. Elles seules peuvent, en effet, expliquer la diminution de tous les phénomènes qui accompagnent l'acte vénérien, et la faiblesse plus grande qui le suit ; car il est alors beaucoup plus rare qu'auparavant, attendu que les désirs s'affaiblissent avec les moyens d'exécution.


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Lorsque ces changemens commencent à se manifester, si les rapports sexuels étaient suspendus ou très-éloignés, le mal pourrait encore s'arrêter spontanément; mais il est rare qu'il en soit ainsi. Les jeunes maris, surtout, sont sur une pente au milieu de laquelle ils ne peuvent guère s'arrêter : j'en ai dit les motifs. Ils ne se livrent plus aux mêmes excès ; mais ils vont aussi loin qu'ils peuvent, et quoiqu'ils restent bien loin de leur début, c'est toujours beaucoup trop , parce que les organes ne sont déjà plus dans.les mêmes conditions.

D'un autre côté, ceux qui ont assez de force de volonté pour s'imposer une continence un peu sévère, voient souvent survenir des pollutions nocturnes qui les font renoncer à leurs projets.

Cependant l'économie s'affaiblit; les malades s'observent d'autant plus facilement, qu'ils sont moins sollicités par leurs organes génitaux ; leurs pollutions nocturnes diminuent, disparaissent même complètement, parce qu'elles sont remplacées par des pollutions diurnes. Ils se soumettent à Une continence de plus en plus rigoureuse , et n'aperçoivent aucun amendement : alors , ils finissent par croire que c'est l'altération de leur santé qui à produit la diminution de leur puissance virile.

Il en est qui n'ont pas de pollutions nocturnes , ou chez lesquels elles sont très-rares et disparaissent trèspromptement. Cela tient ordinairement à ce que , chez eux , la constriction des sphincters amène promptement la constipation. Les efforts qu'ils font alors pour aller à la selle , déterminent des pertes séminales, rares d'abord , ensuite fréquentes et abondantes , malgré les lavemens,


675 et même quand la diarrhée succède à la constipation. Bientôt ces pertes se renouvellent aussi pendant l'émission des urines. '

Il est très-rare que ces malades aient le moindre soupçon de ces évacuations, difficiles à apprécier. Quand leur santé est assez altérée pour qu'ils invoquent les secours de la médecine, ils ne peuvent donner aucune indication exacte sur là cause première de leurs maux. Alors , suivant les symptômes qui prédominent, l'homme de l'art croit voir une gastrite chronique , une maladie commençante du coeur , une disposition apoplectique, une irritation pulmonaire ; il saigne , il applique des sangsues , des vésicatoires, etc. : s'il suppose une affection nerveuse , une hypochondrie, il prescrit les eaux thermales , les voyages, les distractions Cependant, la

santé ne se rétablit pas, ou n'éprouve qu'une amélioration momentanée : les consultations se multiplient, et presque toujours les soupçons relatifs à des excès vénériens sont détournés par une objection spécieuse, que j'ai déjà signalée à l'occasion de la masturbation , et sur laquelle je dois insister, à cause des graves erreurs qui en résultent. « Il y a long-temps , dit le paliérit, que mes relations sont de plus en plus rares y et c'est depuis lors que ma santé s'altère davantage. » Les détails dans lesquels il entre, sont précis, circonstanciés; il a le plus grand intérêt à faire connaître toute la vérité ; il n'a aucun motif honteux à cacher; il doit donc être cru sur parole.

C'est presque toujours ainsi que les malades éloignent des investigations qui pourraient seules conduire à la véritable nature de leur maladie. Bien plus , il est des


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praticiens qui prennent à la lettre ces assertions , et qui attribuent l'altération de la santé à une continence inaccoutumée. Enfin, il s'en est trouvé qui ont été jusqu'à croire qu'un excès de sagesse avait amené la mort.

Comme ceci pourrait paraître exagéré, je vais en rapporter un exemple : il est d'autant plus remarquable, qu'il appartient à Zacutus Lusitanus (1), et que l'influence de son nom a fait admettre le fait et l'explication , sans le moindre examen. Voici la traduction complète de cette curieuse observation.

« Un coït habituel interrompu produit l'épilepsie et la mort.

r> Certain gentilhomme s'était adonné tellement au coït, que, faible et dépérissant, il se vit forcé de garder le lit pendant quelque temps , et de chercher par une nourriture substantielle , à restaurer ses forces, exténuées. Touché de repentir, il observa la chasteté la plus rigoureuse, et ne s'occupa désormaisque de jeûnes, d'abstinence et d'exercices depiété. Mais, au bout de six mois, il éprouva des nausées, des vertiges, et, peu de jours après , il fut pris d'une forte attaqué d'épilepsie. ,

«Rappelé à lui-même par les secours qu'on lui prodigua, il envoya chercher les médecins ". Ceux-ci ayant attribué l'épilepsie à l'influence sympathique de l'estomac vicié , le purgèrent, le fortifièrent, mais en vain ; car le mal, revenant avec plus de violence vers la pleine lune.

:'. (1) Zacuti Lusitani. Depraxi medic. admir. Lib. 2 , obs. ÇXIX. —: Lugduni, 1649.


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fut précédé d'un mouvement désordonné de la langue, de rotation dé la tète , de pâleur du visage, d'un éblouissernent dans la vision, d'un craquement très-fort des dents, et, peu d'heures après , le malade mourut comme frappé de la foudre.

■> On fit l'ouverture du corps, afin de chercher la cause du mal. On ne trouva pas d'altération dans l'estomac , dans le cerveau , dans le reste du corps , à l'exception des conduits qui portent le sperme à la verge : bien qu'ils échappent en quelque sorte aux investigations anatomiques, et soient seulement ouverts au moment du coït, ces canaux ont cependant été trouvés remplis de sperme , d'une couleur verdâtre; ils étaient aussi parsemés d'ulcères sordides, produits par cette matière virulente qui s'y était accumulée et corrompue, et de laquelle montait continuellement , vers le cerveau , une vapeur nuisible, qui l'aiguillonnait, réveillait l'épilepsie, et finit par emporter le malade.

«Nous avons donc déclaré, d'après l'opinion de Galien, que cette maladie était excitée par les testicules , les vaisseaux spermatiques, etc. » <

Rien n'est plus curieux que la logique de Zacutus dans cette circonstance. Il trouve les canaux éjaculateurs tapissés d'ulcérations de mauvais aspect, ulceribus sordidis, après des excès vénériens poussés jusqu'au point de retenir le malade dans son lit ; et, parce qu'il avait renoncé à ces excès depuis six mois, Zacutus attribue celte altération à l'âcreté virulente acquise par le sperme. Il regarde les nausées, les vertiges -, les attaques épilepliformes, enfin la mort, comme le résultat de cette con-


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tinence; et il a bien soin de résumer son opinion de manière à ce que personne ne puisse s'y tromper !

N'est-il pas évident, cependant, que ce sont les excès vénériens qui ont produit l'inflammation des organes spermatiques , et qu'il en est résulté des pollutions diurnes qui ont amené la faiblesse et l'impuissance du malade, ses terreurs tardives , sa conversion forcée?

Les vertiges , les congestions cérébrales auxquelles il a fini par succomber, sont les symptômes les plus remarquables de la dernière période de ces maladies ; j'en ai signalé de semblables plusieurs fois, et, en particulier, dans les premières observations de cet ouvrage ( Voyez Obs. Nosl et 2), où la mort des malades a permis aussi de constater des altérations analogues dans les organes spermatiques, sans lésion de l'encéphale, comme Zacutus a soin de le faire remarquer. Cela est si clair, si exactement conforme à ce que j'ai dit de l'influence des excès yénériens sur les organes génitaux, des erreurs auxquelles conduisent les congestions cérébrales dues à des. perles séminales excessives, que je ne me serais pas arrêté à tous ces détails , si je ne connaissais l'empire d'un nom imposant sur les esprits lés plus indépendants.

On peut en juger par ce qui est arrivé à Tissot. S'il n'a pas mérité son immense réputation, il était loin pourtant d'être un médecin vulgaire ; il a certainement écrit son ouvrage dans l'intention de,montrer les dangers des pertes séminales exagérées : il regarde ces évacuations excessives , comme la cause de beaucoup d'épilepsies , d'étourdissemens j etc. ; il en rapporte même de nombreux exemples : cependant, il prend l'observation de


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Zacutus à la lettre ; il l'admet de confiance, et la rapporte pag. 169 ) comme un exemple des funestes effets d'une eontinence trop rigoureuse chez ceux qui n'y sont pas habitués ; et il n'est pas arrêté par la crainte des fausses conséquences que doivent naturellement en tirer ceux pour lesquels il a écrit son ouvrage !

Au reste, il" n'est pas le seul qui ait jugé sur l'étiquette du sac, car j'ai retrouvé cette observation et cette opinion de Zacutus, citées partout, et appuyées de l'assentiment de Tissot, si imposant en pareille matière ; et je ne me souviens pas d'avoir rencontré le moindre doute, la plus timide objection sur ces conclusions.

Ceci suffit pour donner une idée des erreurs auxquelles peuvent donner lieu les récits des malades les plus sincères.

Je me suis spécialement attaché à montrer comment la sur-excitation prolongée des organes génitaux finit par y établir une irritation habituelle, une inflammation véritable , parce que le passage du premier de ces états aux deux autres , explique parfaitement la marche des symptômes.

Si l'on veut faire l'application de ces données à l'admirable description de la consomption dorsale par Hippocrate, on concevra facilement pourquoi les testicules irrités sécrètent une plus grande quantité de sperme mal élaboré, par conséquent aqueux, 6opb; m>uMç rai iypo;; pourquoi les vésicules séminales, partageant cette irritation, supportent moins bien la présence de ce fluide , . bien qu'il soit moins excitant; pourquoi il en résulte si facilement des pollutions nocturnes , lors même que


680 l'imagination n'est pas provoquée par la présence d'une

femme y.cà ivapûcGU, y.âv cruyxotpiGvj yuwv/.l , zav p'Â ; pourquoi

le sperme finit par s'échapper pendant la défécation et l'expulsion de l'urine èn-hv oùpéy ^àanimréri', pourquoi, étant toujours moins élaboré , il contient moins d'animalcules spermatiques, et finit par en être dépourvu au point de devenir tout-à-fait impropre à la fécondation, y.«i ysveh oùx iyyLvsrcu. '■■■':'■

Ces données permettent aussi de comprendre les mauvais effets si souvent produits par les lotions froides, les bains de rivière , leslavemens frais, les boissons glacées, les toniques , les astringens de toute espèce, et surtout, par les cantharides et toutes les préparations aphrodisiaques ; quoique ces moyens aient été conseillés avec la plus grande confiance par les modernes, d'après l'idée préconçue que les pertes séminales involontaires n'étaient dues qu'à un état d'atonie, de relâchement des canaux éjaculateurs; c'est alors surtout qu'on comprend bien pourquoi le génie observateur d'Hippocrate, partant des faits, est arrivé à une thérapeutique diamétralement opposée, comme on a pu déjà le remarquer par les passages que j'ai cités.

Il est des cas, sans doute, où les pertes séminales involontaires tiennent à la faiblesse des conduits excréteurs, et j'en rapporterai des exemples ; mais ils sont très-rares, et la maladie ne dépend pas alors d'excès vénériens.

C'est encore à l'irritation des organes spermatiques, qu'il faut attribuer l'exacerbation des pej^Sr^lfiii^rçft au printemps. /&/ &^\C^


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Je terminerai incessamment tout ce qui a rapport à l'étiologie des pertes séminales involontaires. Je consacrerai ensuite la seconde partie de cet ouvrage à leur séméiotique, et la troisième, à leur thérapeutique. Je fais cette observation , pour qu'on veuille bien se souvenir que la recherche des CAUSES entre seule dans le plaù de cette première partie.

MoulpclliiM'. — Impriuiei'ie<lo Bosiil! cl C. , cl Lillingini<hic.