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Notice complète:

Titre : Revue d'histoire littéraire de la France

Auteur : Société d'histoire littéraire de la France. Auteur du texte

Éditeur : Armand Colin (Paris)

Éditeur : PUFPUF (Paris)

Éditeur : Classiques GarnierClassiques Garnier (Paris)

Date d'édition : 1983-01-01

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb343491539

Notice du catalogue : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb343491539/date

Type : texte

Type : publication en série imprimée

Langue : français

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Description : 01 janvier 1983

Description : 1983/01/01 (A83,N1)-1983/02/28.

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k5656630w

Source : Bibliothèque nationale de France, département Littérature et art, 8-Z-13998

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 01/12/2010

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LITTER AIRE

DE LA FRANCE

janvier/février 1983

83e année, n° 1

RAYMOND LEBÈGUE

Notes sur le personnage de la servante

CYNTHIA B. KERR

Temps, lieux et paradoxes dans « Sertorius »

GENEVIÈVE MENANT-ARTIGAS

Voltaire et les trois Bastide

FRÉDÉRIC S. EIGELDINGER .

Rimbaud et la transfiguration de « la vieillerie poétique »

TANGUY LAMINOT

Jean-Jacques Rousseau chez les Surréalistes

Revue publiée avec le concours du CNRS et du CNL

ARMAND COLIN


Revue d'Histoire littéraire de la France

Publiée par la Société d'Histoire littéraire de la France avec le concours du Centre National de la Recherche Scientifique et du Centre National des Lettres

DIRECTION

René Pomeau

Adjoint à la Direction : Sylvain Menant

COMITE DE DIRECTION

MM. Raymond Lebègue, René Pintard, Pierre Clarac, Pierre-Georges Castex, Claude Pichois, Mme Madeleine Ambrière-Fargeaud, MM. Claude Duchet, Robert Jouanny, JeanLouis Lecercle, René Rancoeur, Jean Roussel, Roger Zuber.

Secrétaires de Rédaction Roland Virolle, Christiane Mervaud, Catherine Bonfils

REDACTION

Les manuscrits et toute correspondance concernant la rédaction sont à adresser à :

M. René Pomeau, 37, avenue Lulli, 92330 Sceaux.

Les manuscrits non insérés ne sont pas rendus.

Les volumes envoyés pour compte rendu doivent être adressés impersonnellement à la Revue d'Histoire littéraire de la France, 14, rue de l'Industrie, 75013 Paris.

ADMINISTRATION

Pour tout ce qui concerne l'Administration de la Revue (abonnements, commandes de numéros ou d'années, changements d'adresse, etc.), s'adresser à ARMAND COLIN EDITEUR, 103, boulevard Saint-Michel, 75240 Paris Cedex 05 (Compte de Chèques postaux, Paris 21 335 25 E).

ABONNEMENT ANNUEL

1983 (six fascicules) : France, 190 F — Etranger, 250 F

Le numéro de l'année courante (et des années parues) : 60 F

Les numéros spéciaux doubles : 110 F


REVUE JANVIER-FÉVRIER 1983

EVUE 83e ANNÉE- N° 1

D'HISTOIRE

LITTÉRAIRE DE LA FRANCE

sommaire

ARTICLES

R. LEBÈGUE : Notes sur le personnage de la servante 3

C. B. KERR : Temps, lieux et paradoxes dans « Sertorius » . . .. 15

G. MENANT-ARTJGAS : Voltaire et les trois Bastide 29

FR. S. EIGELDINGER : Rimbaud et la transgression de « la vieillerie

poétique » 45

T. L'AMINOT : J.-J. Rousseau chez les Surréalistes 65

NOTES ET DOCUMENTS

D. JOHNSON-COUSIN : Un « air écossais » dans la vie de Madame de Staël

Extraits inédits du « Journal » de Lord John Campbell 81

COMPTES RENDUS

W. WEHLE : Novellenerzählen, französische Renaissance-novellistik als Diskurs (O. MILLET), 117. - R. GARAPON : Ronsard chantre de Marie et d'Hélène (Y. BELLENGER), 118. - A. D'AUBIGNÉ : Histoire universelle, t.I, éd. A. THIERRY (R. ZUBER), 119. - E. M. DUVAL : Poésies and Poetic Tradition in the Early Works of Saint-Amant (J. BAILBÉ), 120. - Les Fioretti du Quadricentenaire de Fabri Peiresc, p.p. J. FERMER; (M.-O. SWEETSER), 121. - R. DUCHÊNE : Écrire au temps de MmE de Sévigné : lettres et texte littéraire (B. BEUGNOT), 122. - M. LEVER : Le Roman français au XVIIe siècle (J. PRÉVOT), 125. - P. RENÉ LE BOSSU : Traité du poème épique, éd. V. KAPP (R. ZUBER), 125. -VOLTAIRE : Erzählungen, Dialoge, Streitschriften, hggb. M. FONTIUS (U. VAN RUNSET), 126. - BAUFFREMONT : Journal de campagne dans les pays barbaresques, 1766, éd. M. CHIRAC (R. LEBÈGUE), 127, - LACLOS : Les Liaisons dangereuses, éd. R. POMEAU (V. MYLNE), 128. - V. G. MYLNE : The Eighteenth-Century French Novel. Techniques of illusion, 2e éd. (P. TESTUD), 129. - L. DEFRANCE : Mémoires, éd. FR. DEHOUSSE et M. PAUCHEN (D. DROIXHE), 130. - A. DUMAS : Le Comte de Monte-Cristo, éd. G. SIGAUX . (CL. SCHOPP), 132. - M. Y.

centre REVUE D'HISTOIRE LITTERAIRE DE LA FRANCE (83e Ann.) LXXXIII


2. REVUE D'HISTOIRE LITTERAIRE DE LA FRANCE

ORTOLEVA .: Joris-Karl Huysmans romancier du salut (J. LETHÈVE), 133. - M. DESCOTES : Histoire de la critique dramatique en France (A. BLANC), 133. - M. SIMONSEN : Le Conte populaire français (R. BAUDRY), 135. - R. TROUSSON : Thèmes et mythes (D. MADELENAT), 137. - CH. B. OSBURN : Research and Référence Guide to French Studies (R. RANCOEUR), 138.

INFORMATEURS, 140.

CORRESPONDANCE, 141.

BIBLIOGRAPHIE, par RENÉ RANCOEUR, 142.

RÉSUMÉS, 174.


NOTES SUR LE PERSONNAGE DE LA SERVANTE

Les historiens du théâtre ont beaucoup écrit sur le personnage du valet de comédie ; récemment Jean Émelina a consacré aux valets et aux servantes du théâtre français de 1610 à 1700 une thèse volumineuse à laquelle il est nécessaire de se reporter.

Si, malgré les lacunes de ma. documentation, je reprends ce sujet pour indiquer quelques directions de recherches, c'est d'abord parce que les époques antérieures à 1610 ont été négligées, ensuite parce que l'on s'est occupé beaucoup moins de la servante que du valet ; sa place dans la vie familiale, sa condition sociale, ses servitudes ont été peu étudiées.

I. Commençons par des précisions de vocabulaire. Au Moyen Age on a le choix entre meschine, servante, et chambrière. Meschine disparaîtra avant la Renaissance. Chambrière tombera en désuétude vers la fin du XVIe siècle. Entre servante et suivante, il y aura une différence de rang : la suivante occupe une place plus élevée ; Marivaux emploiera ce mot bien plus souvent que servante.

Au XVIe siècle, l'emploi de chambrière est courant. Si l'on examine les nouvelles ou romans où ce nom figure, il s'agit assez souvent des rapports érotiques entre le maître et la fille ou femme qui est à son service, soit que l'homme vienne à ses fins, soit qu'il échoue.

II. Les chambrières 1 occupent une large place dans les Cent nouvelles nouvelles : on les rencontre dans neuf d'entre elles. Nous écartons la nouvelle LXIII , où la chambrière joue un rôle négligeable. Dans les autres, le thème est une intrigue amoureuse. Intrigues conduites par la maîtresse : n° LVI, la femme d'un gentilhomme prend pour amant un curé voisin ; la chambrière sert leurs amours ; le mari tire une vengeance impitoyable de la femme, du curé et de la chambrière. N° XXVII, avec la complicité de ses chambrières, une femme enferme son mari dans un bahut ; pendant toute la nuit, elle

1. Par exception, au n° XVII, la chambrière est encore appelée meschine.


4 REVUE D'HISTOIRE LITTÉRAIRE DE LA FRANCE

se donne du bon temps avec un grand seigneur. N° XXXV, mariée à un chevalier d'âge mûr, une belle jeune femme obtient de sa jeune chambrière qu'elle passe la nuit à côté du mari qui dormira, tandis que l'épouse rejoindra l'amant, mais, avant le jour, le mari se réveille, il se tourne, il reconnaît le changement de personne, et il fait l'amour avec la demoiselle.

N° XXXIX, une des nouvelles les plus licencieuses ; la dame, pour faire patienter son amant, lui envoie sa chambrière ; l'amant s'empresse de « besogner » trois fois avec celle-ci ; ensuite la dame surprend son mari en rapports intimes avec la chambrière Jeannette ; elle rosse celle-ci, et le mari bat sa femme.

Intrigues conduites par le maître. N° LIX , un sergent feint d'être malade, afin de coucher avec la belle chambrière de sa femme ; tandis que la fille et lui dorment ensemble, l'épouse les surprend et les montre à leurs enfants et aux valets. N° XVIII, en voyage, un gentilhomme lorgne une chambrière de l'hôtel ; elle se donne non à lui, mais à son valet.

Il y a tout de même des chambrières vertueuses. N° XVII, celle-là qui aime « plus cher mourir que perdre son honneur », résiste aux requêtes pressantes de son maître, elle échappe par la ruse, après avoir mis l'épouse au courant ; Marguerite de Navarre imitera cette nouvelle (Heptaméron, n° LXIX). N° IX, un chevalier marié courtise une sienne chambrière, elle avertit l'épouse et convient avec elle d'échanger leurs places, la nuit suivante ; le chevalier permet à un ami de participer à sa bonne fortune ; au jour, la maîtresse adresse des reproches à son mari infidèle d'intention, et trompé sans le savoir ; ce conte a été repris par Marguerite de Navarre (Heptaméron, VIII) et par La Fontaine (Les Quiproquo).

Quelle impression d'ensemble nous laissent ces histoires de chambrières ? Quelquefois le galant échoue, ou bien est puni par où il comptait pécher ; une fois, le galant (un curé) et la femme périssent. Mais en général le maître et sa femme, sans compter la chambrière, ont la même amoralité. Ni le narrateur, ni les acteurs ne font une réflexion d'ordre moral, sauf dans la nouvelle IX. Ce qui intéresse le narrateur, ce sont les circonstances imprévues qui modifient le déroulement de l'intrigue.

Les nombreuses farces publiées en 1949 par Gustave Cohen ne fournissent que deux pièces à chambrières : le n° XLV (farce du Goguelu) et le n° LI (farce des chambrières). Dans la première, la chambrière est battue par son maître aveugle ; elle consent à partager le lit du valet de l'aveugle. Dans la seconde, la chambrière Marguerite est « tâtée » par le maître quand la maîtresse est absente ; à Guillemette, l'autre chambrière, son maître offre des cadeaux ; en se disputant, les deux chambrières s'accusent de coucher avec un prêtre, etc..


NOTES SUR LE PERSONNAGE DE LA SERVANTE 5

Nous retrouvons les chambrières dans le recueil des Anciennes poésies, françaises, réunies par Montaiglon. Signalons d'abord une pièce décente : L'heur et le gain d'une chambrière qui a mis à la Manque pour soy marier (II, 278) 2. Le monologue de la Chambrière dépourvue du mal d'amours témoigne chez cette fille de quinze ans d'une grande impatience, mais il y a peu de libertés de langage. Les autres pièces relatives aux chambrières sont très licencieuses, et le couple maître-chambrière y figure plus d'une fois.

Ainsi le Parisien Christophe de Bordeaux compose le monologue de la Chambrière à tout faire ; parmi ses innombrables capacités, elle accepte qu'en l'absence de madame, monsieur la retienne en sa place, soit au grand lit, soit en la garde-robe (I, 95). L'Apologie des chambrières fait parler l'une d'elles ; souvent le maître la « manie » et la baise à l'oreille pour la réveiller ; il lui donne un teston ou un demi (II, 274). Dans le Banquet des chambrières (1541), la fille raconte une scène galante : elle descendait à la cave avec son maître ; en marchant sur sa robe, il la fait trébucher sur le sol malpropre ; il la remet debout ; comme elle est salie, il la réconforte, en lui annonçant qu'elle sera « décrottée » (sic), ce qui fut fait. Une autre, après avoir un peu résisté, se fait trousser sur un banc (Il, 290291). Le Caquet des bonnes chambrières eut trois éditions ; leurs propos sont fort libres. Quand il n'y a personne au logis, le maître de l'une d'elles la « tâte » (V, 81).

Dans le recueil La Vallière, une seule farce met en scène une chambrière (n° XXXIX) ; elle se distingue de ses congénères en refusant de coucher avec son maître.

Le recueil des farces du British Muséum publié par Viollet-le-Duc met cinq fois à la scène des chambrières. L'une d'elles se dispute avec la nourrice (II, 417). Une autre a un maître qui sans cesse la baisait et l'accolait (I, 113-114). Dans la farce des Chambrières, leurs propos abondent en obscénités, et il est question d'un vicaire à qui sa chambrière ne refuse rien (II, 441). Par contre je ne vois rien de notable dans les rôles de chambrières des farces du Badin, du Couturier, et de Tout-Mesnaige (I, 271 ; II, 158 et 406).

Nicolas de Troyes a rédigé en 1535-1537 le manuscrit de son Grand parangon des nouvelles nouvelles. Dans les quarante-neuf nouvelles qu'il n'a pas copiées dans d'autres recueils, une seule concerne les chambrières (n° LXVI). C'est une des plus obscènes qu'il ait écrites. Le thème est la rivalité erotique entre la maîtresse et la servante. Un jeune boulanger a un rendez-vous avec une jeune chambrière voisine ; au fort de l'action, ils sont surpris par la patronne de la jeune fille ; le boulanger se rue sur la dame, qui est

2. La blanque : la loterie, mot encore employé au XVIIe siècle.


6 REVUE D'HISTOIRE LITTÉRAIRE DE LA FRANCE

toute contente de l'aventure ; le boulanger réconforte la chambrière en lui promettant sa revanche.

III. Dans sept nouvelles de l'Heptaméron, les chambrières jouent un rôle : les nos VIII, XXXVII, XLV, LIV, LIX, LXI et LXXI. Lucien Febvre avait remarqué cette fréquence et il l'expliquait par les moeurs des classes supérieures : les mariages étant fondés non sur l'amour, mais sur l'intérêt, le maître de maison éprouvait souvent un désir charnel pour la servante jeune et jolie, et le satisfaisait facilement.

A première vue, nous retrouvons ici les histoires galantes qui plaisaient aux lecteurs des Cent nouvelles nouvelles et autres contes « gaulois ». Mais, si l'on y regarde de près, on y découvre des intentions bien différentes. Les commentaires que font les narrateurs, les discussions des devisants révèlent des intentions morales qui sont généralement absentes des Cent nouvelles nouvelles.

Notons d'abord que certaines chambrières du recueil sont d'une vertu sans faiblesse. Celles des nouvelles VIII, LIX et LXIX, préviennent l'épouse, et le maître est frustré. La chambrière du n° VIII est prête, pour échapper aux poursuites du maître, à retourner chez ses parents ; celle du n° LIX « aimerait mieux mourir que de faire rien contre Dieu et son honneur » ; la troisième est qualifiée de sage et délibère d'être femme de bien.

Au n° VIII, on retrouve le thème des Cent nouvelles nouvelles : de connivence avec la chambrière, c'est l'épouse qui vient partager la nuit du maître, avant l'arrivée du voisin. Ce qui porte la marque de la reine de Navarre, c'est la longue tirade de reproches qu'au matin suivant l'épouse adresse à son mari infidèle non de fait mais d'intention.

La nouvelle LXXI raconte un autre échec de mari paillard : la femme est très malade, il met la main au sein de la chambrière qui « fait quelque difficulté », la malade les voit et injurie son mari et la fille ; la colère la guérit. Oisille condamne la conduite du mari.

Le féminisme de Marguerite apparaît dans la nouvelle XXXVII : Madame de Loué est vertueuse et aimée de tous ; son mari néglige l'administration de la maison et mène une vie dissipée ; au bout d'un an Madame de Loué le découvre endormi avec une chambrière, laide, orde et sale ; elle lui adresse de vifs reproches. L'issue est optimiste : l'épouse chasse la chambrière, et le couple vit désormais en parfaite entente 3. La discussion qui suit est fort intéressante :

3. La situation est peu différente dans la nouvelle XXXVIII ; là aussi, le dénouement est optimiste. Au lieu d'une chambrière, c'est une métayère. L'épouse, par sa générosité, reconquiert son mari.


NOTES SUR LE PERSONNAGE DE LA SERVANTE 7

Parlamente trouve trop patiente Madame de Loué ; Oisille fait l'éloge de l'état de mariage; mais Longarine parle en héroïne stendhalienne : « Je l'aimais tant que je crois que je l'eusse tué et me fusse tuée».

La nouvelle XLV, dont nous ignorons l'origine, tranche sur les autres, car, là, le mari paillard vient à ses fins et, par son astuce, il se tire d'une situation fâcheuse. Un tapissier vit en bons termes avec son épouse, une femme de bien ; mais il a des intrigues avec les voisines. Il s'éprend de sa belle chambrière. Le jour des Innocents, il convient avec son épouse de les donner 4 à la jeune fille pour la punir de sa paresse. Il va à la chambre haute, où la chambrière était seule ; malgré les pleurs de la jeune fille, il jouit d'elle. Il recommence, et elle prend goût au jeu. Une fois qu'ils recommencent dans le jardin, ils sont observés par une voisine. Craignant d'être dénoncé par celleci, il répète avec sa femme dans le jardin ce qu'il a fait avec la chambrière. Quand la voisine raconte à l'épouse ce qu'elle a vu, celle-ci répète : « C'était moi ». L'histoire est plaisante. La Fontaine en tirera le conte de La Servante justifiée, Fragonard l'illustrera. Mais elle est peu morale. Marguerite utilise le commentaire des devisants pour nous édifier : tandis que Hircan, conformément à son caractère, lâche une gaillardise sur le double exploit erotique du tapissier, la conduite de celui-ci est condamnée par Parlamente.

Des Périers présente une variante du maître et de la chambrière en inventant un tertius gaudens : dans la nouvelle VIII, dont on ne connaît pas la source, il met en scène un procureur veuf et coureur de jupons : celui-ci prend à son service une jeune fille de seize à dixsept ans, jolie mais niaise. Le clerc du procureur déniaise la chambrière. Quand le procureur veut la serrer de près, elle lui apprend que le clerc l'a déjà enseignée.

Dans les Comptes du monde adventureux qui ont paru en 1555, le conte LIII narre la tentation d'un gentilhomme de se faire aimer d'une dame, laquelle avait un amant ; il se fait aider par la chambrière de la dame, et obtient ses faveurs. Il s'introduit de nuit chez la dame, et elle le prend pour l'amant. Le gentilhomme, ensuite, fait connaître son identité ; la dame tance la chambrière. Cette histoire se retrouve dans la nouvelle XIV de l'Heptaméron, mais la chambrière complice y est omise.

Dans Le Moyen de Parvenir, les histoires gauloises abondent ; beaucoup d'entre elles mettent en scène des chambrières. Ajoutons; que Balzac, qui, dans ses Contes drolatiques, a imité nos conteurs du XVIe siècle, a inventé sept histoires de chambrières.

4. Le jour dés Innocents, on se divertissait à frapper avec des verges un enfant, un serviteur, etc. D'où l'expression «bailler, donner les Innocents».


8 REVUE D'HISTOIRE LITTÉRAIRE DE LA FRANCE

IV. Les premières comédies 5. - En France, l'apparition de la comédie est marquée par l'imitation de la comédie latine, puis l'on imite la comédie italienne. A l'une comme à l'autre on emprunte le valet et la servante, dont l'origine lointaine est le servus et l'ancilla.

Nous rencontrons d'abord La Trésorière de Grévin (1561) ; elle a une « fille de chambre », Marie, qui dialogue avec le serviteur Richard. Il fait à Marie une cour pressante 6 ; mais, comme elle préfère un autre serviteur, elle lui répond avec ironie.

En 1573, Jean de La Taille publie Les Corrivaus, comédie peu originale. En plus de la chambrière Alizon, il y a une nourrice anonyme. A Restitue qu'elle a autrefois nourrie et qui est enceinte, elle fait cette édifiante confidence :

Nous avons esté (ce me semble) jeunes, et amoureuses nostre part comme les autres : Et si j'ay eu autresfois mon pelisson de seize ans aussi bien que vous, voire qu'on m'a (peut-estre) autant rembourré que le vostre 7.

Alizon, qui n'est plus jeune, tient avec Fremin des propos fort libres. La Reconnue, comédie plaisante et alerte de R. Belleau, mort en 1577, attribue à la chambrière Jeanne un des principaux rôles. Elle fait l'exposition, et, dans la tradition du servus, elle se plaint de sa patronne, qui ne lui laisse pas un moment de répit. Elle est favorable à l'inclination de la jeune Antoinette.

Dans Les Contens, comédie du jeune Turnèbe mort en 1581, la chambrière Pierrette a un rôle peu important. Le serviteur Antoine la courtise sans succès. Leur dialogue est assez vert. Il est significatif qu'elle craigne de passer pour une entremetteuse : au théâtre, les chambrières étaient souvent utilisées dans les intrigues amoureuses 8.

Avant l'époque de Corneille, le plus fécond de nos auteurs de comédies est Larivey. Il a publié en 1579, puis en 1611, neuf comédies. Toutes sont des adaptations de comédies italiennes. Il n'emploie jamais le mot chambrière. Ses servantes ont des moeurs fort libres. Dans La Vefve, Saincte (!) ne sait pas de qui elle est enceinte, et elle ne refuse rien, semble-t-il, au serviteur Robert. Dans Les Escolliers, Gillette se fait secouer son pelisson par son galant, et

5. Le personnage de la suivante, dans nos comédies du XVP siècle, est l'objet d'une étude détaillée dans Madeleine Lazard, La Comédie humaniste au XVIe siècle (1978, p. 331-351).

6. Pour la rassurer, il lui dit : « Aussi bien n'engendré-je point ».

7. Cf. l'édition Drysdall, Paris, 1974, et le dictionnaire Huguet, à «pelisson ». Dans Les Abusez, traduit de l'italien par Charles Estiehne (1545), on lit : « Que je n'ay encore mon pelisson de vingt ans ! ».

8. Dans Les Corrivaus de Jean de la Taille, la chambrière Alizon, ayant reçu des présents d'Euvertre, sert d'entremetteuse auprès de Fleurdelys. Sur la gravure de Liefrinck, la Comédie à six personnages, l'entremetteuse conseille l'amant de la jeune femme.


NOTES SUR LE PERSONNAGE DE LA SERVANTE 9

elle emploie des métaphores obscènes. Une des dernières pièces de Larivey, Le Fidelle, ne marque pas de progrès vers la décence. Bien au contraire ! Les récits de la nourrice Saincte ont disposé Virginie à aimer. Béatrice, qui est déjà d'âge mûr, pratiquait cyniquement le change en amour ; actuellement elle a pour l'ordinaire un « étalon » (sic), et en plus deux amoureux. Dès avant l'âge de douze ans, Blaisine, autre servante, se faisait culbuter.

Les graphiques de Jacques Scherer à la fin de sa Dramaturgie classique et l'ouvrage monumental de H. Carrington Lancaster nous apprennent qu'entre Larivey et Pierre Corneille on a publié en France fort peu de comédies. A cette époque, un des principaux dramaturges est le Normand Pierre Troterel, sieur d'Aves. Il a publié entre autres pièces une tragédie de salon qui contient des passages fort indécents, et une comédie des Corrivaux qui, malgré les prétentions morales, compte parmi les plus libres du temps. Il est très probablement l'auteur de la comédie anonyme Gillette (Rouen, 1620). L'origine en serait un fait réel. Un noble campagnard séduit sans peine sa servante. L'épouse se doute de la chose et bat la jeune fille. On marie celle-ci à un serviteur qui la croit vertueuse. Cette pièce qui est encore en octosyllabes prolonge la tradition des farces.

Dans Le Comédien poète de Montfleury (1674) un vers résume l'opinion généralement admise :

Jamais une suivante a-t-elle été farouche ?

V. Romans et contes. - Parmi les romans en prose nous devons retenir une des aventures qui remplissent Francion, le roman picaresque de Ch. Sorel. Le narrateur fait la connaissance d'une certaine Luce, il obtient ses faveurs, mais il gagne par des présents le coeur de sa suivante Fleurance. Un jour, Luce le surprend en rapports intimes avec Fleurance. Les deux femmes se querellent. C'est le thème de la rivalité amoureuse entre maîtresse et servante.

Quelques histoires de servantes sont disséminées dans les Contes de La Fontaine. Il ne s'est pas piqué d'originalité. Le troisième conte de La Gageure des Trois Commères est imité de Boccace ; la chambrière de la femme introduit l'amant, et l'auteur de. généraliser :

Tout domestique en trompant un mari, Pense gagner indulgence plénière 9.

La Fontaine emprunte à l'Heptaméron deux sujets, celui des Quiproquo, et celui de La Servante justifiée ; mais, à la différence de la reine de Navarre, il se soucie peu de donner un enseignement morai : pour les Quiproquo il laisse à ses devanciers les reproches

9. Ces deux vers ne doivent rien à Boccace.


10 REVUE D'HISTOIRE LITTÉRAIRE DE LA FRANCE

que l'épouse adressait au mari infidèle. Dans La Servante justifiée, deux vers précisent les familiarités qu'on prenait avec les servantes :

S'insinuer, en fait de chambrière,

C'est proprement couler sa main au sein.

Dans le premier conte des trois commères, dont la source n'est pas connue, l'une d'elles déguise en chambrière son jeune amant ; le mari prend feu pour la fille, la commère feint de la colère et force la fausse chambrière à coucher dans son propre lit. Dans Nicaise, conte imité de l'Italien, la dame congédie le jeune sot en le renvoyant aux femmes faciles :

Sire Nicaise, il vous faut prendre

Quelque servante du quartier 10.

VI. Les comédies des XVIIe et XVIIIe siècles. - Corneille, qui aimait traiter des sujets peu communs, eut l'idée originale de prendre pour héroïne de comédie une suivante. Certes, elle est de bonne famille, mais sa pauvreté l'a forcée d'« entrer en condition ». Comme dans Mélite, la question d'argent influe sur le comportement des personnages. G. Couton y voit le chef-d'oeuvre de la comédie cornélienne. Mais la pièce est peu comique, et le dénouement est décevant : la suivante Amarante perd ses deux soupirants, et le vieux Géraste va faire un sot mariage avec une jeune fille qui souhaitera sa mort.

Corneille récidiva : deux ans après La Suivante, il publie la comédie de L'Illusion comique qu'il qualifia ajuste titre d'« étrange monstre ». Il invente le personnage de Lise, servante d'Isabelle. A partir de 1644 elle obtient le titre plus élevé de suivante. C'est encore la rivalité amoureuse de la maîtresse et de la servante. Celle-ci informe Adraste qu'Isabelle est en réalité éprise de Clindor, suivant du Capitan et qui se dit gentilhomme. Furieuse d'être dédaignée par Clindor, Lise se réjouit à la pensée qu'Adraste le fera rosser. Trop pauvre pour épouser une fille sans fortune, Clindor demande à Lise de devenir sa maîtresse, tandis qu'il épousera Isabelle, qui a du bien. Dans un monologue alternatif en style tragique, Lise balance entre la vengeance et un amour non partagé. Au quatrième acte, dans un accès inattendu de générosité, elle sauve Clindor du supplice en promettant le mariage au frère du concierge de la prison. La vengeance et le revirement de Lise sont imités de la tragi-comédie de Scudéry, Le Prince déguisé 11. Ce personnage de servante est peu banal, mais il n'est guère vraisemblable.

10. Dans Le Cas de conscience, La Fontaine traduit un passage dans lequel Horace préfère le plaisir facile avec une servante à une intrigue avec une matrone. En faisait-il l'application à lui-même ?

11. Là, Mélanire n'est pas servante, mais femme de jardinier. Voir l'édition Garapon de L'Illusion, p. XXX-XXXI.


NOTES SUR LE PERSONNAGE DE LA SERVANTE 11

Le succès des représentations des comédies de Molière est dû, pour une large part, à ses servantes 12. Ce sont des rôles en or. Elles ont bon bec et combattent hardiment les projets matrimoniaux que le père ou la mère nourrit pour sa fille. Prenant toujours le parti de la jeune fille, elles l'aident à se marier à l'homme qu'elle aime.. Nicole ne se prive pas de critiquer son maître, le bourgeois gentilhomme. La Martine des Femmes savantes parle pour Clitandre contre Trissotin. Notons surtout le rôle de Dorine dans Tartuffe et celui de Toinette dans Le Malade imaginaire. Bien entendu cette opposition ouverte de la servante au maître ou à la maîtresse de maison ne correspondait pas à la réalité sociale : dans la vie réelle, Dorine et Toinette eussent été chassées tout comme Martine.

Deux fois, dans Le Dépit amoureux et dans Le Bourgeois gentilhomme, le couple des jeunes amoureux est doublé par le couple du serviteur et de la suivante qui, eux aussi, s'aiment l'un l'autre. Dans le Dépit, une brouille éclate entre Lucile et Éraste ; le second couple suit leur exemple. Puis ils se réconcilient, et l'on prévoit un double mariage. Même schéma dans Le Bourgeois gentilhomme.

Dans Tartuffe, c'est la suivante Dorine qui met fin à la brouille entre Marianne et Valère ; il n'y a pas de second couple.

Dans George Dandin, Lubin s'est épris de Claudine et désire l'épouser.

Dans le théâtre de Molière, il est un rôle de servante qui diffère de toutes les autres ; c'est celui de Claudine dans George Dandin. Cette comédie en trois actes prolonge la tradition de la farce qui met souvent en scène des maris trompés. Ici, pas de projet de mariage. Angélique est une jeune mariée. Non seulement elle accepte les hommages de Clitandre, mais elle lui apprend à lui faire une cour pressante, elle le rejoint quand elle croit que son mari ronfle. Claudine est la complice de son intrigue adultère. George Dandin n'a pas tort de la qualifier de « coquine de servante ». Aussi impudente qu'Angélique, elle bafoue le maître à la fin de l'acte I. Ici nous reconnaissons l'influence de la comédie italienne, où Claudine serait appelée mezzana, c'est-à-dire entremetteuse. Je ne connais pas d'autre exemple dans notre théâtre.

Quand le siècle classique approche de sa fin, les bienséances né sont plus observées avec rigueur. Les comédies représentent souvent de mauvaises moeurs. La plus célèbre comédie de Regnard, Le Légataire universel, en fournit un exemple frappant. Le principal personnage, Géronte, est sur le point de mourir. Pour que le public ne lé prenne pas en pitié, l'auteur l'a chargé des défauts des vieillards de comédie.: c'est un avare fieffé; âgé de soixante-sept ans et

12. Ou ses suivantes. Le mot chambrière a disparu.


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cacochyme, il veut épouser une jeunesse. A l'acte IV, un dernier trait complète le portrait : selon le valet Crispin, la servante Lisette est un peu de la famille, et Crispin qui, malgré ses fredaines, compte l'épouser, précise :

Votre oncle si l'on croit le lardon scandaleux, N'a pas été toujours impotent et goutteux.

Donc ce vieillard libidineux a exercé sur sa servante le droit du seigneur. Quant à son- neveu Éraste, la première femme de Crispin ne lui refusait rien.

Le monde de Marivaux ne connaît pas ces liaisons ancillaires. On y compte de nombreuses suivantes. Elles s'appellent généralement Lisette. Elles n'ont pas d'écarts de conduite. Dans La Surprise de l'amour, il y a une servante et une suivante ; à chaque réplique, on constate que la suivante est d'un niveau social plus élevé que la servante et emploie un langage plus correct.

Nous terminons cette rapide revue du théâtre français par Le Mariage de Figaro. Dans son déguisement espagnol, Beaumarchais appelle la servante et femme de confiance Suzanne « première camariste ». Le comte Almaviva la convoite : c'est la situation traditionnelle maître-servante. Mais Suzanne n'est pas une « soubrette corruptrice », et surtout elle aime et veut épouser Figaro. Comme nous l'avons vu dans plus d'un conte, elle met l'épouse au courant des projets de l'infidèle mari. A la fin de la pièce, les déguisements provoquent des quiproquos qui, s'ils étaient prolongés, rééditeraient le conte de La Fontaine.

Faut-il rappeler la dernière pièce de la trilogie ? Là, non seulement le maître n'a pas réussi à séduire la servante, mais la situation est inversée : c'est la femme du maître qui tombe dans les bras de Chérubin.

VIL Parmi les milliers de romans français qui ont paru au XVIIIe siècle, y en a-t-il où des servantes aient joué un rôle important ? Je l'ignore. Peut-être Restif de La Bretonne, qui a étudié les moeurs des gens de petite condition, s'est-il intéressé à cette catégorie sociale. Je pense qu'en général on ne s'est pas soucié d'elle. Je ne citerai qu'un exemple : en 1741, Duclos publie Les Confessions du comte de *** Ce personnage imaginaire raconte les aventures galantes qui sont censées lui être arrivées. Duclos met en scène une grande variété de types féminins. Il ne s'y trouve pas une seule servante. Non que le comte de * * * ait refusé les occasions qui se présentaient sous les traits de jolies servantes, mais cela ne flattait pas la vanité d'un homme à bonnes fortunes ; ces galants intermèdes ne méritaient pas de les noter et de s'en souvenir.


NOTES SUR LE PERSONNAGE DE LA SERVANTE 13

Avant de quitter l'Ancien Régime, une question se pose à laquelle il nous est impossible de répondre avec précision: la littérature ancillaire, que nous connaissons fort mal, correspond-elle à une réalité sociale ? Quelle était, avant les temps modernes, la vie matérielle et morale des servantes ? Les témoignages sont presque aussi rares que les textes littéraires. Toutefois un homme illustre fait exception, c'est Jean-Jacques Rousseau. Là aussi' il bouscule les préjugés de son temps : dans ses Confessions, il raconte les débuts de sa liaison avec une fille, servante et lingère, Thérèse Levasseur.

Il faut nommer aussi un ami de Peiresc : dans ses scandaleux mémoires, Fontenay-Bouchard nous a mis au courant de ses rapports sexuels avec une servante de sa mère.

Mais les archives municipales fournissent d'utiles statistiques. A celles de Nantes j'ai dépouillé les registres des «déclarations de grossesse des filles et femmes sans mari » 13. J'y ai trouvé un bon nombre de servantes, les unes libres, les autres esclaves (ce sont des négresses). Les servantes de comédiens m'ont semblé particulièrement exposées. J'ai copié la déclaration d'une demoiselle Meunier qui était au service du comédien Aubert et de sa femme ; elle raconte en détail comment elle a été violée par son maître, renversée sur un fossé, plus plus tard sur un lit ; elle est devenue enceinte et a perdu sa place. Une telle aventure a dû se répéter de nombreuses fois.

Le Dictionnaire de Furetière contient un exemple qui en dit long sur les libertés que l'on prenait, sans faire de scandale, avec les servantes :

Patiner 14 : il n'y a que les paysannes et les servantes qui se laissent patiner.

IX. Temps modernes. - Est-il possible d'intéresser le public à une servante qui ne soit pas mêlée à une histoire d'amour ? Au XIXe siècle, trois grands écrivains ont tenu cette gageure. D'abord Balzac qui, dans Eugénie Grandet (1833), a placé, à côté de l'avare Grandet, le personnage si dévoué de la grande Nanon qui ne se mariera qu'aux approches de la soixantaine 15.

Peu après, le prologue de Jocelyn mentionne la servante du curé Dumont. En 1851, Lamartine lui consacrera tout un livre : Geneviève, auquel il ne craignit pas de donner ce sous-titre : Histoire d'une servante ; elle se sacrifie à sa soeur.

On décèle l'influence de cette oeuvre touchante sur Un coeur simple de Flaubert.

Et Baudelaire a immortalisé «la servante au grand coeur».

13. GG 746-758. Cf. mon article sur la moralité des comédiens de Nantes au XVIIIe siècle (Bulletin de la Société des historiens du théâtre, juillet 1933).

14. Caresser la main, le bras.

15. Dans Les Paysans, le même Balzac met. en scène deux jeunes et jolies « servantes à tout faire », Annette et Jeannette, qui servent aux plaisirs de leurs maîtres.


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X. Dans la masse des romans qui ont paru depuis 1850, deux oeuvres bien différentes méritent une mention. Le thème de la rivalité amoureuse entre la servante et la dame a été renouvelé par Maupassant à la fin de Notre coeur (1890). Déçu par la brillante Michèle de Burne, André Mariolle séduit facilement sa jeune servante. Mais bientôt, repris par la mondaine, il se lassera de la gentillesse d'Elisabeth et il ne prévoit pour elle que l'avenir d'une cocotte.

En 1900, Octave Mirbeau publiait le Journal d'une femme de chambre, qui, par ses outrances, semble la parodie des romans naturalistes.

Conclusions.

. Les conclusions auxquelles aboutit mon enquête n'ont qu'une valeur provisoire, elles sont destinées à amorcer un travail plus vaste, qui pourrait être mené par une équipe. Depuis le Moyen Age jusqu'à Mirbeau, les servantes, dans les contes et au théâtre, sont jeunes, accortes et mêlées directement ou indirectement à des aventures galantes. Il y a des exceptions notables, surtout aux époques où les bienséances sont respectées par les auteurs de pièces : Molière et Marivaux contrastent avec Larivey et Regnard. Marguerite de Navarre, quoiqu'elle écrive des contes, s'applique à fournir un enseignement moral.

Dans la vie réelle, les jeunes servantes confirmaient l'opinion générale ; elles se laissaient « patiner », voire davantage.

La littérature moderne a donné place à la servante d'âge mûr, toute dévouée à ses maîtres. Un Balzac, un Lamartine, un Flaubert ont campé devant les lecteurs des personnages d'humble condition, sans beauté et sans aventure d'amour;

Notre promenade à travers un demi-millénaire est terminée. Je dis bien : terminée. En effet aujourd'hui, la servante au grand coeur, la servante soumise au désir du maître, la servante dévergondée de nombreux contes, sont en voie de disparition. Peut-être quelques sociologues se penchent-ils encore sur leur passé. Mais quels romanciers, quels dramaturges s'intéresseraient à une espèce abolie ?

RAYMOND LEBÈGUE.


TEMPS, LIEUX ET PARADOXES DANS «SERTORIUS»

En février 1981, la Comédie-Française remit à l'affiche une tragédie de Corneille, Sertorius, qui n'avait pas été jouée depuis cent soixante-quinze ans. Bannie des planches par la censure napoléonienne puis ensevelie dans l'oubli, l'oeuvre retrouve enfin le succès qui lui a valu, à ses débuts en 1662, la rare distinction d'être montée la même saison par les trois théâtres parisiens de l'époque (le Marais, l'Hôtel de Bourgogne et le Palais-Royal). Cette résurrection est due en partie aux critiques qui ont continué à attirer l'attention sur certains grands thèmes directeurs de Sertorius, notamment le patriotisme et le conflit entre l'intérêt politique et la passion amoureuse 1. Notre but est d'examiner une tout autre dimension de la pièce, ce que l'on pourrait appeler la problématique du temps et des lieux. Comme nous le verrons par la suite, Corneille plonge ici son spectateur dans un univers hostile où rien n'est absolument distinct et où le héros, loin de maîtriser son sort, n'est que la victime inconsciente des réalités spatio-temporelles.

Si la problématique de la pièce est centrée sur la dimension du temps et de l'espace, notons dès l'abord que l'action dramatique proprement dite se limite à un jour et à un lieu. L'auteur respecte ici les conventions de la doctrine classique qu'il considérait par ailleurs comme arbitraires et incommodes. Mais il faut comprendre que la journée de moins de vingt-quatre heures et le « palais à volonté » de cette tragédie se définissent uniquement par rapport aux éléments hors-temps et hors-lieu qui s'inscrivent dans le discours des personnages. Ainsi là trêve, qui est le temps de l'action représentée,

I, Signalons parmi les ouvrages récents : Jean-Pierre Dens, « Sertorius ou le tragique cornélien », Revue d'Histoire du théâtre, 28 (1976), 156-161 ; Gordon Pocock, Corneille and Racine : Problems of Tragic Form (Cambridge, England, Cambridge Ùniversity Press, 1973) p. 118-140 ; J.D. Hubert, « The Greatest Roman of Them All : Corheille's Sertorius », L'Esprit Créateur, 4, n° 3 (1964), 161-168 ; André Stegmann, L'Héroïsme cornélien : genèse.et signification (Paris, Armand Colin, 1968), II, 473-479, 517-527, 620623 ; Marie-Odile Sweetser, La Dramaturgie de Corneille (Genève, Droz, 1977), p. 195203.


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n'a de sens que dans le contexte d'une guerre, en l'occurrence la guerre civile qui déchire Rome depuis plus de dix ans. Cette interruption provisoire des hostilités marque un temps d'arrêt dans un processus de destruction qui constitue le passé commun de tous les personnages. Les attaques, suspendues, pourraient reprendre comme prévu au printemps (138), ou peut-être « dès demain » (1215) ou même « dès cette nuit » (1522) 2. En cette période de paix, on ne parle que de guerre.

Le lieu de l'action a également un réfèrent extra-scénique. L'Espagne, où se situe le palais représenté sur la scène, est un refuge pour proscrits et exilés, un « asile ouvert » (51) pour un « amas de bannis » (919). Chacune de ces descriptions dans le dialogue de la pièce sous-entend un autre lieu, non vu mais toujours présent à l'esprit des personnages : un lieu qu'il a fallu fuir. La nouvelle Rome que Sertorius a formée en pays barbare n'existe que par opposition à la Rome de Sylla. Pompée, le chef de l'armée syllanienne envoyée pour écraser les forces rebelles commandées par Sertorius, n'a connu en Espagne que défaites et veut rentrer. Sa femme, Aristie, répudiée sur l'ordre du tyran, rêve du jour où Pompée osera la reprendre, lui rendre sa place légitime et la ramener à Rome. Quant aux soldats de Sertorius qui se battent en terre étrangère aux côtés des troupes de la reine Viriate, ils ont tous un seul but ; le héros rebelle l'explique ainsi à la reine, son alliée

...] nos omains, adame, aiment tous leur patrie, Et de tous leurs travaux 'unique et doux espoir, 'est de vaincre bientôt assez pour la revoir.

(IV,II, 1358-1360)

Temps et lieux se rejoignent ici : de même que la trêve ne constitue qu'un intermède entre deux périodes de guerre, l'Espagne est un pays d'exil temporaire où la plupart des protagonistes ne sont que de passage. L'ici-maintenant de la pièce implique un ailleurs spatiotemporel où la guerre et Rome figurent au premier plan.

Ce qui rend le temps dans Sertorius particulièrement menaçant, c'est que le passé tragique des batailles et du sang fraîchement répandu risque à tout moment de se transformer en présent. Étant donné que la trêve dépend de la stabilité des alliances, le moindre changement pourrait rompre l'équilibre précaire entre la guerre et la paix. Or la situation dramatique repose justement sur un conflit entre deux attitudes opposées envers le temps. D'un côté, Sertorius et Pompée diffèrent d'agir, par calcul, dans l'attente d'un moment plus favorable. De l'autre, Aristie, Viriate et Perpenna précipitent

2. Les citations renvoient au texte de l'édition d'André Stêgmann : Corneille, OEuvres complètes (Paris, Le Seuil, 1963).


TEMPS, LIEUX ET PARADOXES DANS « SERTORIUS » 17

l'action. Corneille a fait de chacun de ces protagonistes l'incarnation scénique de la patience ou de l'impatience.

Si l'on considère d'abord le héros qui a donné son nom à la tragédie, il est évident quoique paradoxal qu'il se définit en grande partie par la peur. A l'inverse du personnage type du théâtre cornélien qui surmonte les difficultés et agit par conviction dans une sorte d'exaltation joyeuse, Sertorius plaide contre l'action tout au long de la pièce. Le texte indique qu'il s'est distingué maintes fois sur le champ de bataille ; son courage a suscité l'admiration de ses alliés comme de ses ennemis. Mais sur la scène, en proie à de graves conflits intérieurs, il essaie d'éviter toute décision. Un décalage important existe donc entre le Sertorius du passé et celui du présent, entre le héros au niveau textuel de la pièce et celui qui se révèle au niveau du spectacle. Le Sertorius que Corneille présente au cours de cette journée de trêve suit une politique d'évasion dans l'espoir de ne contrarier ni Viriate ni Aristie qui veulent toutes deux l'épouser. Sa tactique consiste à différer « toujours » (1316). « Il n'est pas encôr temps » (1413), dit-il, de regagner sa patrie ; « Nous ferons bien [...] d'attendre plus d'un an » (1423). « Soyons heureux plus tard » (1388), suggère-t-il à Viriate. « Souffrez qu'un peu de temps doucement » s'écoule avant le mariage (1313) ; « Nous perdons tout [...] à le précipiter » (1311). C'est un cri de désespoir plutôt que de triomphe que lance le prétendu maître des lieux : « Ah ! Madame, est-il temps? » (1309).

Sertorius, ne voyant pas de solution à son dilemme, apparaît comme un personnage résigné d'avance à la défaite. Quoi qu'il fasse, il craint que son choix de femme ne mette fin à sa bonne fortune. S'il épouse Aristie, il gagne des partisans à Rome mais perd le soutien indispensable de Viriate en Espagne. S'il cède à sa passion et accepte d'épouser la reine, il provoque la jalousie de Perpenna, son lieutenant, qui aime aussi Viriate. Voilà pourquoi le « plus grand des Romains » (296) a peur, non pas en période de guerre mais maintenant durant la trêve. Il craint la discontinuité. C'est ainsi qu'il exprime de façon répétée l'inquiétude que lui inspire Viriate : «Je crains [...] de l'aigrir si j'épouse Aristie » (197), « je dois craindre sa haine» (237), « il faut craindre» qu'elle ne traite avec Pompée (1506). De cette hantise se dégage l'impression d'un héros plus vulnérable que téméraire, plus homme que chef invincible. Au lieu d'affirmer son indépendance, il retarde autant que possible le moment où il doit décider entre les deux femmes. Il essaie d'arrêter le temps.

Ce qui pourrait sembler une politique avantageuse dans d'autres circonstances ne l'est aucunement dans ce cas. Par une ironie soulignant le tragique de la situation, Sertorius perd du temps qu'il n'a pas : il diffère alors qu'il n'a plus que quelques heures à vivre.

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Conscient des dangers éventuels que constitue pour lui un mariage précipité, il ignore la menace beaucoup plus réelle et immédiate que représente Perpenna. Le général appréhende ce qui pourrait arriver « dès demain » sans se rendre compte qu'il va mourir le soir même sur l'ordre de son lieutenant. Il s'aveugle jusqu'à la fin tout en croyant faire preuve de perspicacité. Chacun de ses efforts pour reculer une décision matrimoniale revêt un aspect particulièrement tragique car ce sont les gestes futiles d'un condamné.

Corneille donne un nouveau relief au portrait du héros. Pris dans l'engrenage du temps, Sertorius n'est maître ni de lui-même ni de son univers. Ne sachant pas que la seule décision à lui être fatale a déjà été prise par Perpenna, il ignorera toujours l'essentiel. S'il est vrai que Corneille a créé dans d'autres oeuvres un théâtre de situation où l'homme reste libre de choisir son sort, Sertorius marque une veine tout à fait contraire qui permettrait presque de considérer cette pièce comme une parodie de la tragédie héroïque. L'action dramatique ne montre qu'un acheminement vers l'inévitable, le dénouement ayant été déterminé dans un hors-temps scénique avant même que le rideau ne se lève. Dès la première scène du premier acte, il est « trop tard » (107) pour que Perpenna, le chef de la conspiration, change d'avis. Le complot qu'il a tramé contre Sertorius le compromet tellement qu'il est forcé de l'exécuter. Impossible de remonter le cours du temps sans mettre sa vie en danger : les autres conjurés n'ont offert leur soutien « que jusques à demain » (112), après quoi ils pourraient bien le trahir, lui. Le traître est pris dans les filets de son propre piège. Comme le dit fort bien André Stegmann, « généreux en puissance, [Perpenna] est plus entraîné dans le mécanisme d'un complot qu'il n'a pas le temps d'arrêter, qu'il n'obéit à l'ambition et à une passion fatale. [...] Si toute tragédie est une « machine infernale » (Cocteau), où le temps joue un rôle essentiel, Sertorius est sous ce rapport, avec Suréna, la plus parfaite tragédie de Corneille. Le temps y est harcelant » 3.

Tout se passe comme si Corneille conviait son spectateur à assister à une lutte entre l'homme et le temps. Sertorius veut l'immobiliser mais il n'y arrive pas ; Perpenna tue son chef parce qu'il découvre qu'il ne peut plus revenir en arrière. Patriote sincère ou lieutenant jaloux, l'homme résiste en vain à la marche inexorable du destin. Ce drame politique se déroule donc dans une ambiance de précipitation et de futilité. Les héroïnes, Viriate et Aristie, sont, elles aussi, obsédées par la fuite du temps. En fait, c'est leur intransigeance à elles qui force les autres personnages à agir. Rappelons qu'Aristie vient d'arriver en Espagne pour obtenir l'appui de Sertorius. Délaissée par son mari quand celui-ci épouse une autre

3. Stegmann, L'Héroïsme cornélien, p. 474.


TEMPS, LIEUX ET PARADOXES DANS « SERTORIUS » 19

femme sur l'ordre de Sylla, elle offre d'épouser Sertorius non pas par amour mais par vengeance. Elle veut également, et il faut le souligner, assurer sa propre protection : les lieux où elle se trouve ont une influence directe sur le besoin qu'elle a d'agir. « Surtout souvenez-vous », dit-elle à Sertorius,

Que ma gloire en ces lieux me demande un époux, Qu'elle ne peut souffrir que ma fuite m'y range En captive de guerre, au péril d'un échange.

(I,iii,359-362)

Sa présence en territoire ennemi, où elle dépend du plus grand adversaire d'un mari qu'elle aime toujours, l'incite à l'action. Voilà pourquoi elle rejette tout effort de la part de Pompée de la faire patienter : « C'est assez consulté » (1119), « il est temps qu'un mot termine ces débats» (1115).

Le dialogue tendu entre Aristie et Pompée, à la deuxième scène du troisième acte, oppose des personnages qui sont en complet désaccord, sur les avantages de la temporisation. Ils s'aiment ; ils veulent regagner leur patrie ; ils sont prêts à oublier les ressentiments du passé. Mais ils poursuivent la même fin par des moyens différents. Devant un mari qui supporte tout et qui recule sans cesse, Aristie prend l'offensive. L'un accepte d'attendre patiemment que leur union puisse s'accomplir dans des conditions meilleures tandis que l'autre refuse le moindre délai. Une situation analogue se retrouve dans la deuxième scène du quatrième acte quand Sertorius encourage Viriate à retarder tout projet de mariage. La patience fait face à l'impatience. Dans les deux cas, l'affrontement se termine par un ultimatum. Pompée menace de rompre la trêve et de reconquérir Aristie dans « deux jours » (1160) si elle s'obstine à vouloir se marier avec Sertorius ; Viriate ne laisse à son interlocuteur que jusqu'à «demain» (1399) pour décider de l'épouser.

L'initiative dans ces deux scènes parallèles appartient aux femmes. Bien que reine de la Lusitanie et non pas « vagabonde» (705) comme Aristie, Viriate éprouve le même besoin d'agir. Elle veut utiliser le temps à son avantage. La géographie des lieux, quoique pour des raisons différentes, joue un rôle aussi important dans sa conduite effrénée que dans celle d'Aristie : la reine craint que Sertorius ne quitte son royaume s'il signe un accord avec Pompée. « Je sais qu'il serait bon de taire et différer » (1607), admetelle en s'adressant à sa rivale, mais l'arrivée de Pompée à Nertbbrige ce jour même et les propos de réconciliation qu'il a tenus avec Sertorius condamnent pareille stratégie. La prudence est devenue imprudente ; mieux vaut une politique audacieuse qui pourrait lui gagner la main de Sertorius.


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[...] la paix qu'aujourd'hui l'on offre à ce grand homme

Ouvre trop les chemins et les portes de Rome.

Je vois que s'il y rentre, il est perdu pour moi,

Et je l'en veux bannir par le don de ma foi.

Si je hasarde trop de m'être déclarée,

J'aime mieux ce péril que ma perte assurée.

(V, I, 1609-1614)

Corneille reprend ici la situation-type d'une rivalité amoureuse mais avec une variation piquante. La rivale la plus redoutable contre laquelle Viriate doit lutter n'est ni Aristie ni aucun autre personnage sur la scène ou même hors-scène. C'est une ville - Rome - que Sertorius « aime plus que lui-même» (1661).

On ne saurait trop insister sur l'influence exercée par cette ville, cette présence absente, sur toute l'action de la pièce. Ainsi Viriate cherche désespérément à épouser Sertorius uniquement pour protéger son royaume contre les armées romaines qui envahissent « tout l'univers » (1335). Pour empêcher que son pays ne prenne place parmi les peuples soumis du reste du monde, elle s'efforce de transformer une alliance provisoire avec Sertorius en une union permanente : « Rome seule aujourd'hui peut résister à Rome » (421). Elle veut surtout éviter que le « plus grand des Romains » ne rentre en Italie :

Si vous m'aimez, Seigneur, nos mers et nos montagnes Doivent borner vos voeux, ainsi que nos Espagnes : Nous pouvons nous y faire un assez beau destin, Sans chercher d'autre gloire au pied de l'Aventin. Affranchissons le Tage, et laissons faire au Tibre.

(IV, n, 1329-1333)

Quant aux autres Romains qui ont fui la tyrannie de Sylla, Viriate envisage de les «enchaîner tous sur les rives du Tage» (1361). L'« asile ouvert » risque de devenir brusquement une prison ressemblant paradoxalement à la ville que ces citoyens ont quittée par amour de la liberté.

Pour Sertorius, épouser la reine équivaut à ne plus jamais retourner dans son pays natal ; telle est une des conséquences de l'ultimatum que lui adresse Viriate. Pompée, au cours de la célèbre entrevue du troisième acte, lui propose toutefois une alternative : il l'encourage à rentrer avec lui sans délai. Son but consiste à « rendre un si grand homme à ses concitoyens » (924), au lieu de l'en séparer comme le fait Viriate. Le général expatrié depuis dix ans doit décider entre une réconciliation trop prompte que lui offre son adversaire et une rupture définitive que lui impose son alliée. Pompée, en homme habile, croit savoir comment l'influencer : il fait appel à la nostalgie que le vieillard exilé ressent pour Rome.


TEMPS, LIEUX ET PARADOXES DANS « SERTORIUS » 21

La conférence entre les deux généraux se situe au centre de la pièce. Elle constitue un événement attendu avec impatience depuis le premier acte quand Sertorius l'annonce lui-même: «Dans deux heures Pompée en ce lieu se doit rendre » (122). Deux actions se déroulent ainsi au cours des premiers actes, l'une hors-scène (Pompée s'avance vers Nertobrige) et l'autre sur la scène (les personnages spéculent sur les motifs de sa visite et cherchent à raffermir leur position avant son arrivée), A la fin du deuxième acte, ces actions se rapprochent : « de nos murs on découvre Pompée » (746). Au troisième, elles se confondent : Pompée entre dans le palais, et les deux chefs se trouvent seuls, face à face. .

Corneille a préparé avec un soin particulier cette longue scène de dialogue qui marque le point culminant de sa pièce. « Il me semble », écrivait-il à l'abbé de Pure, « que deux hommes tels qu'eux, généraux de deux armées ennemies, ne peuvent achever en deux mots une conférence si attendue durant une trêve» 4. Dans son avis Au lecteur, il rappelle la réussite éclatante de son oeuvre et surtout le « plaisir qu'on a pris à cette conférence, que quelques-uns des premiers dans la cour et pour la naissance et pour l'esprit ont estimée autant qu'une pièce entière ». Selon Voltaire, cette entrevue « fit le succès de Sertorius, et elle aura toujours une grande réputation » 5. Robert Brasillach y voit « le chef-d'oeuvre des explications politiques de Corneille. L'ampleur de la langue, la grandeur de la situation n'ont pas de rivales dans son théâtre» 6. D'après Gordon Pocock qui considère la tragédie entière comme un chef-d'oeuvre (« one of Corneille's best: perhaps the best of ail except Cinna »), c'est la scène la plus parfaite de la pièce 7.

Du point de vue du spectacle, la rencontre est indispensable ; c'est la scène à faire. Du point de vue de l'intrigue cependant elle est inutile puisqu'elle aboutit à une impasse. Ni Pompée ni Sertorius ne réussit à persuader l'autre de changer de parti ou d'abandonner ses armes. Les politesses du début, la force des arguments, l'espoir que partagent les deux chefs qu'il y aura un jour une réconciliation, rien n'y fait. Aucun compromis n'est possible dans les circonstances présentes. Sur le plan symbolique, la scène accorde par sa position, sa longueur et les préparatifs des premiers actes une importance capitale à Rome. C'est, après tout, l'âctant principal de la pièce, une ville scéniquement absente mais dont la présence, répétons-le, est inscrite dans le discours et l'imagination de tous les personnages.

4. Lettre du 3 novembre 1661, citée dans Sertorius, éd. Jeanne Streicher (Genève, Droz, Paris, Minard, 1959), p. 111.

5. Voltaire, Commentaires sur Corneille (Paris, Firmin Didot Frères, 1885), p. 471.

6. Robert Brasillach, Pierre Corneille (Paris, Fayard, 1938), p. 292.

7. Pocock, p. 121.


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Un des buts principaux de Pompée au cours de la conférence consiste précisément à faire revivre le souvenir de Rome dans l'esprit de son adversaire. N'ayant pas pu le vaincre sur le champ de bataille, il essaie de l'affaiblir en faisant appel à sa sensibilité. Ainsi, bien plus qu'un débat politique sur le rôle qu'il faut assumer en temps de guerre civile, cette entrevue est en quelque sorte une scène de séduction où Pompée se fait tentateur et où Rome devient l'appât. Le jeune chef de l'armée de Sylla ne cache pas sa joie de pouvoir « enfin » passer en Italie maintenant que la trêve lui en fournit l'occasion (784). Il voudrait communiquer ce même enthousiasme à Sertorius : « Ah ! si je vous pouvais rendre à la République » (781), ma joie « serait extrême » (923). Le vieux héros insurgé n'a qu'à abandonner le combat. « Il est doux de revoir les murs de la patrie » (925).

Pour Georges Couton, ce dernier vers tentateur de Pompée « est d'une puissance évocatrice et nostalgique qui le tire hors de pair » 8. Valéry Larbaud, pour sa part, en a été si frappé qu'il y a consacré plusieurs pages critiques. Selon lui, la « puissance d'incantation » du vers fait de Rome une réalité physique :

[...] nous revoyons, à cet instant-là, les murs de Rome tels que nous les connaissons et les aimons. [...] La nostalgie de Rome, que Pompée cherche à donner à Sertorius avec son évocation des Murs, avec ce seul mot de murs, nous prend, et fait de nous [...] sinon des Romains, du moins des gens qui, ayant vécu heureusement à Rome, ont une grande envie d'y retourner et véritablement s'y transportent en pensée 9.

Dans la pièce pourtant, ce vers ne provoque nullement la réaction attendue. Sertorius enregistre l'image mais il ne voit pas la même ville. Le souvenir des « murs de la patrie » le plonge dans la dimension du temps : le passé redevient présent, et il revoit les horreurs commises depuis que Sylla s'est emparé du pouvoir. Un nouveau spectacle s'offre à l'intérieur du spectacle. Pour Sertorius, il n'est pas « doux » de revoir ce qui n'est qu'un « enclos de murailles » (929), une ville transformée tout entière en « prison » ou plutôt en « tombeau » (932).

En évoquant la réalité physique de Rome, Pompée espérait attendrir son ennemi. Il n'y parvient pas. Car s'il a raison de penser que Sertorius rêve comme lui de repasser les Pyrénées, il ne comprend pas que ce chef de parti rebelle a déjà projeté les circonstances précises de son retour. Au lieu de vouloir revoir Rome telle qu'elle est, Sertorius prévoit la façon dont il va libérer la ville, traiter avec le tyran « sans besoin d'interprète, /Et sur les bords du

8. Georges Couton, La Vieillesse de Corneille (Paris, Maloine, 1949), p. 81.

9. Valéry Larbaud, Technique (Paris, Gallimard, 1932), p. 150, 156.


TEMPS, LIEUX ET PARADOXES DANS « SERTORIUS »

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Tibre, une pique à la main, /Lui demander raison pour le peuple romain» (814-816). C'est une image glorieuse d'un retour triomphant qui le pousse à continuer à se battre; c'est par anticipation de l'avenir qu'il se résigne à vivre en exil.

Les deux thèmes majeurs de la pièce, le temps et les lieux, s'entrelacent ainsi à un moment décisif du drame. Quand Pompée évoque la ville de Rome, Sertorius voit la rupture entre le passé et le présent : « Je n 'appelle plus Rome un enclos de murailles/ Que ses proscriptions comblent de funérailles » (929-930), « Ces murs, dont le destin fut autrefois si beau... » (931). II voit aussi l'avenir tel qu'il compte le modeler. Le général vieilli, qui par son âge même est le symbole vivant du passé, se fait le continuateur et le défenseur d'une tradition. Il préserve le passé de Rome (sa liberté et ses principes républicains) dans le présent de Nertobrige, où il a reconstitué le Sénat et où il gouverne à la romaine. Ce qui existait « autrefois » dans un endroit revit maintenant « ailleurs ». Le déplacement dans l'espace a permis à la Ville Éternelle de survivre à Sylla.

Si un lieu peut se réduire à une abstraction et si le passé peut être ressuscité, Sertorius a accompli un miracle en faisant revivre « l'ancienne Rome » (506) sur un sol étranger : « la liberté respire encore ici » (48), « On y voit refleurir la plus noble partie » de Rome (50). Il considère du reste les habitants de Rome à l'époque actuelle comme des « faux Romains » (934), les vrais étant, d'une manière paradoxale, les bannis qui vivent en Espagne. Toute une dialectique s'établit donc entre ce qui est vraiment romain et ce qui n'en a que le nom. Mais le cri d'orgueil du héros exilé, « Rome n'est plus dans Rome, elle est toute où je suis » (936), revêt un côté tragique quand on comprend à quel point la ville italienne continue malgré tout à avoir pour lui une réalité concrète. Il convient de se rappeler à ce propos que le sens de n'importe quel «mot» célèbre dépend du contexte, et la cause pour laquelle Sertorius se bat consiste justement à faire coïncider de nouveau le principe de la liberté avec le point géographique qu'est Rome. Autrement dit, Sertorius rêve du jour où il pourra enfin rendre Rome à Rome.

Le héros ne parviendra cependant jamais à franchir l'abîme entre le rêve et la réalité. L'action dramatique nous le montre le jour où son «bonheur [...] qui partout l'accompagne » (57) tourne au malheur. Quand il n'en est plus qu'à « une victoire ou deux » (1389) de la victoire finale sur Pompée et donc de son passage en Italie, il meurt assassiné par son propre entourage. L'endroit qu'il a choisi comme refuge, loin des massacres de Sylla, devient son tombeau. C'est ainsi que par un renversement ironique l'« asile ouvert » se transforme en « règne du crime » (22). Même Perpenna, le traître, reconnaît son « ignominie » (1796) : tuer son .chef pour monter en sa place revient, dit-il, à commettre un crime encore plus sordide que le


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carnage commis à Rome depuis plus de dix ans. Tout endroit est maudit en temps de guerre. Sertorius l'apprend à ses dépens.

Aux violentes discordes de Rome succède donc le « parricide » (1910) de Nertobrige. Ce meurtre, destiné à susciter l'horreur chez le spectateur comme chez le criminel, rappelle les assauts militaires et les tueries qui composent la toile de fond de cette tragédie. Corneille réussit à évoquer tout le pathétique de la situation en établissant dès le début un décalage entre ce que pensent les personnages et ce que savent les spectateurs. Ainsi, Sertorius se trompe en se confiant à Perpenna. il a tort aussi de penser que c'est lui qui commande. Aujourd'hui, la trêve ayant dispersé l'armée (109), il n'est plus qu'un général sans soldats sur le point d'être abattu par ceux qu'il considère comme ses amis. Le dramaturge souligne cette ironie à plusieurs reprises : tous les protagonistes, à part Perpenna, demandent en effet à Sertorius de leur accorder sa protection. Aristie, lorsqu'elle apprend l'arrivée de son mari, s'en remet entièrement au vieux général rebelle. Viriate insiste sur le fait que Sertorius seul peut lui servir d'appui. Et Pompée, le jeune chef d'armée, risque sa vie bien plus qu'il ne le croit en déclarant ne pas avoir besoin d'un endroit neutre pour conférer avec son ennemi. Se rendant seul au-dedans des murs de Nertobrige, il n'a pour toute assurance que la foi d'un homme lui-même entouré d'assassins.

Cette journée à Nertobrige est exceptionnelle du fait que le héros y occupe une position de faiblesse que lui-même et la plupart des personnages ignorent. Le guerrier redoutable sur le champ de bataille ne se définit plus, dès la scène d'ouverture, que comme un mort en sursis. Quant à son assassin, il sait qu'il s'engage dans une tentative de conquête vouée à un inéluctable échec. La série de questions qu'il pose à l'un des autres conspirateurs au début de la pièce indique qu'il a prévu le pire. Dans un élan intuitif, il sent qu'il ne peut pas en un instant, par un seul acte, se substituer à un homme qui s'est distingué pendant toute une vie.

[...] de cette mort la suite m'embarrasse. Aurai-je sa fortune aussi bien que sa place ? Ceux dont il a gagné la croyance et l'appui Prendront-ils même joie à m'obéir qu'à lui, Et pour venger sa trame indignement coupée N'arboreront-ils point l'étendard de Pompée ?

(1,1,101-106)

Chacun de ses soupçons se voit confirmé avant la fin de la journée. Sertorius mort, ses soldats, après un moment de confusion, se rangent sous les drapeaux de Pompée et vengent leur chef en tuant tous les conjurés. Perpenna trahira donc pour ne régner que quelques heures. Cédant à ce qu'un critique appelle « la tentation vertigineuse et délétère de l'instant, [...] [il] se laisse attirer par


TEMPS, LIEUX ET PARADOXES DANS « SERTORIUS » 25

l'intensité de l'éphémère» 10. Son attitude d'indifférence envers l'avenir (« [...] n'eût tout mon bonheur que deux jours à durer [...] » [1799]) est diamétralement opposée à celle de Sertorius («Soyons heureux plus tard pour l'être plus longtemps» [1388]).

La dualité étant une des recettes de la dramaturgie cornélienne, toute la structure de cette tragédie repose sur une série d'antithèses spatio-temporelles. Nertobrige se définit par rapport à Rome, la trêve par rapport à la guerre; la patience fait contraste avec l'impatience, et le goût de la durée s'oppose au plaisir du momentané. La conduite des personnages dépend de la façon dont ils envisagent l'écoulement du temps : soit comme un avantage soit comme un désavantage. II s'ensuit au niveau du texte une accumulation de référents temporels : il est « trop tard » (107), « N'y perdez point de temps » (1207), « Il sera temps alors » (346), « Il n'est plus temps» (1689), «Le temps est un grand maître» (717), «Le temps y fait beaucoup» (803). D'où naît une impression d'angoisse qui s'accroît tout au long de la pièce. La rivalité amoureuse et les conflits politiques recouvrent en effet un désaccord profond sur la manière dont il faut réagir à la problématique du temps.

Dans cet « autre monde » (706) de bannis, de fugitifs et de soldats romains qui ont hâte de rentrer, un seul personnage fait entièrement confiance au temps. Ce n'est pas Sertorius qui hésite à prendre une décision par crainte de l'avenir, ni Perpenna qui se jette dans l'action comme malgré lui, ni Aristie ni Viriate qui manquent de patience. Il s'agit de Pompée qui accepte la tyrannie du présent parce qu'il sait qu'elle ne durera pas. Ce qui le distingue, c'est qu'il considère le temps non pas comme un ennemi mais comme un allié. Se fiant à ses intuitions, il essaie de retarder l'action en persuadant Aristie d'attendre plutôt que d'épouser Sertorius :

Sylla n'a que son temps, il est vieil et cassé :

Son règne passera, s'il n'est déjà passé,

Ce grand pouvoir lui pèse, il s'apprête à le rendre.

Ah ! ne vous lassez point d'aimer et d'être aimée. Peut-être touchons-nous au moment désiré Qui saura réunir ce qu'on a séparé. Ayez plus de courage et moins d'impatience : Souffrez que Sylla meure, ou quitte sa puissance...

(111,11,1039-1041,1074-1078)

« Je crois n'avoir plus même à servir qu'un moment » (1103), « Sylla prépare un [...] doux changement» (1104). Il faut « Céder avec

10. Serge Doubrovsky, Corneille et la dialectique du héros (Paris, Gallimard, 1963), p. 350.


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prudence au temps prêt à changer » (1111). Ce héros joue un rôle contradictoire puisque d'un côté il encourage sa femme à ne prendre aucune initiative et de l'autre il bouleverse lui-même une situation précaire en venant conférer avec elle et avec Sertorius. Paradoxalement, sa présence même dans ces lieux diminue la portée de ses arguments. C'est à cause de son arrivée à Nertobrige que Viriate, inquiète, adresse à Sertorius l'ultimatum qui précipite le dénouement.

Quelle que soit la part de sagesse, de pragmatisme ou même de lâcheté dans la conduite de Pompée, l'avenir lui donne raison. Celui qui s'est résigné à subir la dictature et à temporiser au lieu de brusquer une solution triomphe à la fin. Le temps, comme il l'a prévu, le justifie. Au dernier acte, les coups de théâtre se multiplient. Un messager arrive de Rome avec la nouvelle de l'abdication de Sylla et de la mort en couches d'Emilie (V, II ). L'assassinat de Sertorius est annoncé (V, m). Pompée prend la ville (V, v ), fait tuer Perpenna (V, VI), offre une paix glorieuse à Viriate et se réconcilie avec son épouse (V, vu). Cette pièce « lente », qui ne comporte que vingt-deux scènes au lieu des vingt-cinq à quarante de l'immense majorité des oeuvres théâtrales du XVIIe siècle 11, se termine par une cascade d'événements presque simultanés. La fin de la journée représentée marque la conclusion d'une longue guerre civile qui a fait couler des flots de sang romain. Pompée provoque l'admiration en brûlant les lettres qui identifient ses ennemis secrets à Rome et en montrant par là qu'il ne compte exercer aucune représaille. Par cette action d'éclat il brise le cycle infernal de la violence et annonce l'avènement d'un nouvel ordre. Pour restaurer l'unité nationale, il faut se débarrasser d'un passé trop lourd.

Le dénouement de Sertorius assume toutefois la forme d'un paradoxe, étant à la fois entièrement prévu et imprévisible. D'une part en effet, la fin découle nécessairement du noeud de l'action : Perpenna confirme l'arrêt de mort prononcé contre Sertorius sans en tirer le moindre avantage, Pompée le remplace à la tête de l'armée et les conjurés payent leur crime de leur vie. Un autre incident pourtant, l'arrivée du messager de Rome, ne résulte nullement des données de la pièce. Ce deus ex machina frappe les personnages et les spectateurs d'une surprise totale. C'est un effet du hasard que rien ne permettait de prévoir, un artifice auquel le dramaturge a recours pour résoudre le problème politique soulevé par la tragédie. La coïncidence entre ces deux événements, l'un malheureux et prévu (la mort du héros) et l'autre aussi heureux qu'inattendu (l'élimina11.

(l'élimina11. Schérer, La Dramaturgie classique en France (Paris, Nizet, 1950), p. 197198.


TEMPS, LIEUX ET PARADOXES DANS « SERTORIUS » 27

tion de tout obstacle à la paix et à la réconciliation de Pompée et d'Aristie) garantit en même temps la gloire immortelle du protagoniste devenu martyr et la fin d'une époque de violence et de destruction.

L'ironie de cette tragédie consiste dans le fait qu'il ne se passe rien au cours des cinq actes qui change ce qui a été prédéterminé dans un hors-temps et un hors-lieu scéniques. Que ce soit le meurtre de Sertorius ou l'abdication de Sylla, tout a été fixé d'avance. Voilà ce qui rend Sertorius si différent des autres pièces cornéliennes. A bien y regarder, si l'on considère le temps qu'il faudrait à un messager pour franchir la distance entre Rome et Nertobrige, il devient évident que Sylla a dû abdiquer et Emilie mourir avant le début de l'action dramatique. Corneille admet dans son avis Au lecteur avoir fait des acrobaties d'ordre chronologique en ressuscitant Sylla pour les besoins de sa pièce (le vrai, tyran est mort six ans avant Sertorius). Mais il a toujours rejeté la fantaisie au niveau de la géographie comme étant une « fausseté [...] palpable ». Un homme serait « ridicule », explique-t-il, « d'imaginer que [...] Paris fût au pied des Alpes, ou que la Seine traversât l'Espagne, et de mêler de pareilles grotesques dans une pièce d'invention ». Le dramaturge n'a pas le droit de « changer la distance naturelle d'un lieu à l'autre » 12. Étant donné que Corneille a voulu observer les unités de temps et de lieu, sans choquer la vraisemblance en rapprochant les villes de Rome et de Nertobrige, il s'ensuit que le messager a dû en fait partir avant le début de la journée représentée.

Deux temps se superposent ainsi dans la pièce. A mesure que Sertorius approche de la mort, un messager, dans une action parallèle mais hors-scène, s'avance vers Nertobrige avec la nouvelle bouleversante que toutes les données ont changé. Pompée est le seul à avoir deviné la vérité quand il déclare à propos de Sylla : « Son règne passera, s'il n'est déjà passé». Maintes fois il a lui-même profité de la distance qui le séparait de Rome pour commander à sa guise : « Je sers ; mais jusqu'ici l'ordre vient de si loin, Qu'avant qu'on le reçoive il n'en est plus besoin » (1099-1100). L'affirmation montre à quel point temps, lieux et action sont indissolublement liés dans cette oeuvre. Corneille reconnaît d'ailleurs que dans l'intervalle entre le départ et l'arrivée du messager il aurait pu se produire un nouveau changement, lui permettant de se montrer plus fidèle à l'histoire : « rien n'empêche que Sylla ne meure avant Sertorius, sans rien détruire de ce que je dis ici, puisqu'il a pu mourir depuis qu'Àrcas est parti de Rome pour apporter la nouvelle de la démission de sa dictature» (avis Au lecteur). Un décalage dans

12. Corneille, Discours de la tragédie, dans Théâtre complet, éd. Georges Couton (Paris, Garnier, 1971), I, p. 52-53.


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l'espace entraîne nécessairement un décalage dans le temps ; le dramaturge en tient parfaitement compte.

En écrivant Sertorius, Corneille a créé une pièce profondément originale où tous les personnages, les cinq actes durant, agissent selon des données qui ne sont plus valables. Ils sont obsédés par un tyran qui a déjà renoncé au pouvoir et par une guerre civile qui n'a aucune raison de continuer. Le protagoniste s'attache à une cause qui n'en est plus une ; Aristie poursuit une vengeance qui n'a aucun sens. Le jeu est subtil entre temps et lieux : figés sans le savoir dans le passé et loin de la Cité dont ils dépendent tous, les héros se débattent dans le vide. Bien qu'ils se préoccupent sans cesse de la marche du temps et des rapports entre pays ennemis, ils ne font que s'agiter sans avancer. D'où leur situation pathétique, voire absurde. Nous sommes loin de l'action héroïque et efficace de Rodrigue ou d'Auguste. Sertorius est la tragédie de personnages isolés dans le temps et dans l'espace et par conséquent fatalement dépassés par les événements.

CYNTHIAB. KERR.


VOLTAIRE ET LES TROIS BASTIDE

« Ils sont trois de ce nom-là. Il est difficile qu'ils soient égorgés tous les trois par les assassins du chevalier de la Barre »1 . Voltaire se réjouissait à l'avance de l'imbroglio où le nom de Bastide jetterait les lecteurs curieux. De sa main, à Ferney, il a écrit « par la Bastide» sur son exemplaire des Réflexions philosophiques sur la marche de nos idées 2, un texte anonyme publié sans doute en 1769. Or ce texte est mis en vedette par la place qu'il occupe, l'année suivante, en tête du huitième volume de L'Évangile du jour, une collection d'écrits « philosophiques » patronnée par Voltaire 3. On n'a pas manqué, depuis lors, de proposer des identifications de ce « la Bastide ». Elles appellent un examen critique.. Mais avant de traiter le problème de leur attribution, il faut préciser la forme sous laquelle ont été publiées les Réflexions philosophiques.

Un recueil manuscrit d'opuscules philosophiques, conservé à la Bibliothèque de Bordeaux (828, XXXII), recèle un commentaire piquant. A propos de la quatrième pièce, Le Symbole d'un laïque, on peut lire, en haut à droite de la première page : « Cela sera tiré d'un mauvais livre intitulé Réflexions philosophiques sur la marche de nos idées à Yverdun 1769 » 4. Ce «mauvais livre» présenté sans nom d'auteur 5 ne figure à son titre dans aucun des catalogues

1. Lettre de Voltaire à d'Alembert du 13 janvier 1769, publiée dans les OEuvres Complètes de Voltaire. Correspondencè and related documents, définitive édition by Th. Besterman, The Voltaire Foundation, Banbury, 1968-1977, n° 15427 (abrégé en Best. D. 15427).

2. Voir le Corpus des notes marginales de Voltaire, t. I, Akademie Verlag, Berlin, 1979, p, 228 (n° 120).

3. Voir G. Bengesco, Voltaire. Bibliographie de ses oeuvres, Paris, 1882-1890, t. II, p. 407.

4. Cette note marginale est confirmée, avec quelques divergences, par la table des matières, manuscrite: «Le Symbole d'un laïque, ou la profession de-foi d'un homme désintéressé extrait d'un livre intitulé réflexions philosophiques sur la cause de nos idées. . Amsterdam 1769 ». Le catalogue imprimé des manuscrits de la Bibliothèque de Bordeaux indique : « extrait des Réflexions philosophiques sur la marche de nos idées, Amsterdam, 1743 et.1769».

5. La pièce précédente : « Sentiments dés Philosophes sur la nature de l'âme » est, elle aussi, signalée dans la table manuscrite comme" « extrait d'un livre intitulé, Nouvelles Libertés de penser. Amsterdam 1743». Il s'agit bien là d'un recueil imprimé anonyme.


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d'ouvrages anonymes. En revanche, c'est sous le nom de JeanFrançois de Bastide qu'il est classé dans le Catalogue des livres de la bibliothèque de Voltaire dressé à Leningrad et publié en 19616. Le catalogue de la Bibliothèque Nationale, déjà, attribuait les Réflexions à Jean-François de Bastide. L'exemplaire de la Bibliothèque de l'Arsenal est classé, dans le catalogue, au simple nom de « Bastides » 7. Il est troublant de comparer le volume de la Bibliothèque Nationale et celui de l'Arsenal. Sous deux couvertures particulièrement dissemblables 8 apparaissent deux pages de titre strictement identiques qui fournissent un grand détail sur les pièces jointes aux Réflexions et indiquent le lieu d'Yverdun et la date de 17709. Il n'y a pas de table des matières. C'est à la lecture que l'on s'aperçoit que la page de titre ne correspond qu'aux trente et une premières pages d'un recueil dont rien n'annonce qu'il comporte autre chose. Les Réflexions, suivies d'autres pièces plus courtes, constituent une première partie de soixante pages. Une seconde partie égale, faite elle aussi de plusieurs textes, se trouve aussi bien dans l'exemplaire de la Bibliothèque Nationale que dans celui de l'Arsenal. Tous deux présentent donc deux premières parties, paginées comme deux tomes successifs de soixante pages chacun. Il s'agit à n'en pas douter de la même édition : même papier, mêmes vignettes, mêmes ornements, même typographie 10. Mais les volumes divergent ensuite : sous la classique reliure de cuir de l'Arsenal on peut lire en troisième et dernière partie l'Examen important de

6. Académie des Sciences de l'U.R.S.S. Bibliothèque publique d'État Saltykov-Scedrin. Bibliothèque de Voltaire. Catalogue des livres. Moscou-Leningrad, 1961, p. 160. Le volume, anonyme, porte : « Yverdun, de l'imprimerie du professeur de Félice, 1759 ».

7. B.N. Rés. p.R. 877 (1) ; Arsenal 8° T 10434. Catalogue ancien, Théologie, avec la mention : « Bastides (l'avocat de) ».

8. B.N. Rés. p.R. 877 unit une reliure en parchemin à une couverture dominotée sur les deux plats ; la tranche est rouge. Ars. 8° T 10434 est relié en pleine peau ; dos orné de-cinq segments dorés, plats encadrés d'un triple filet doré, tranche dorée.

9. Réflexions philosophiques sur la marche de nos idées, par M. l'Avocat de la Bastides, suivies du Symbole d'un laïque, ou la Profession.de foi d'un homme désintéressé, à laquelle on a joint la lettre d'un avocat genevois à M. d'Alembert et quelques épîlres écrites de la campagne. Yverdun, imprimerie de Félice, MDCCLXX.

10. Première partie (sans que cela soit mentionné) : p. 3-31 «Réflexions» ; p. 32-37 « Lettre d'un avocat » ; p. 38-43 « Le Symbole d'un laïque » ; p. 44-48 « Épîtres écrites de la campagne à Mlle Ch *** actrice de la comédie de Marseille » ; p. 49-53 « Épître à la même qui se plaignait... » ; p. 54 « Épître à la même sur son départ » ; p. 55-60 « Épître à M. de M *** ». Sans page blanche, ni faux-titre, ni page de titre commence une deuxième partie sans autre indication que « Les Adorateurs ou les Louanges de Dieu 1769 » au-dessus du début du texte. Cette pièce va jusqu'à la p. 28 ; la suite comporte : p. 28-37 « Requête à tous les magistrats du Royaume composée par trois avocats d'un Parlement, 1769 » ; p. 3756 « Défense de Louis XIV... » ; p. 57-60 « Pensées détachées de M. l'Abbé de SaintPierre ». Une comparaison de cette pagination et des indications données dans le Corpus des notes marginales, éd. cit, 1.1, p. 228, montre que cette édition est différente de celle que possédait Voltaire (« Yverdun, 1759 »), où le nom de Bastide n'est pas imprimé, d'après la description du Catalogue des livres, éd. cit., p. 160.


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Milord Bolingbroke 11 . La couverture dominotée de la Bibliothèque Nationale dissimule une troisième partie, constituée du traité De la Paix: perpétuelle par le Docteur Goodheart, de l'Instruction du gardien des Capucins de Raguse à Frère Pediculosb... et du « Commentaire sur Malebranche » intitulé Tout en Dieu et attribué à l'abbé de Tilladet 12, puis une quatrième partie, « oeuvre théologique mais raisonnable » : Dieu et les hommesI 3. Il faut souligner qu'aucun des deux volumes ne présente des différences internes qui suggéreraient un" recueil factice. Cette comparaison met en évidence la nécessité d'étudier de près le détail des recueils, tant imprimés que manuscrits, qui font si facilement passer sous un seul titre, celui de la première pièce, des contenus différents 14. Le cas présent suscite d'autant plus d'intérêt que les Réflexions dissimulent, dans l'exemplaire de la Bibliothèque Nationale, une des diverses combinaisons des septième et huitième tomes de L'Evangile du Jour 15. Le spécimen de l'Arsenal offre au contraire une association inattendue avec l'Examen important de milord Bolingbroke qui ne se trouve dans aucune version de L'Évangile du jour, et dont l'attribution à Voltaire ne fait pas de doute 16, Dans tous les cas, plusieurs constantes attirent l'attention sur les Réflexions philosophiques sur la marche de nos idées. Quel que soit le contenu du tome huit de L'Évangile du jour 17, les Réflexions sont toujours présentes, toujours en tête, et toujours suivies, dans un ordre immuable, du cortège des dix autres pièces qui composent les deux parties de 60 pages chacune 18.

Qu'est-ce donc que cette courte pièce de vingt-neuf pages ? L'expression du plus pur matérialisme. Sans emprunter la forme d'un traité, sans se contraindre par des chapitres, des sous-titres, ni. des subdivisions d'aucune sorte, l'auteur concilie méthode et spontanéité. Il dénonce pour commencer les préjugés de l'éducation fondés sur « notre faiblesse, notre ignorance, notre désir de savoir,

il. Le nouveau catalogue des imprimés de l'Arsenal (8° T 10434) omet les quatre épîtres, mais précise, en fin de liste, « Examen important écrit sur la fin de 1736, 9a édition en français des notes de M. M*** éditeur de ses ouvrages, Londres, 1771, in 8° ». Cette édition est celle que signale Bengesco (t. II, p. 196 (C.V. Beuchot, 293), avec la « Lettre de mylord Cornsburi à Mylord Bolingbroke ».

12. Pseudonyme de Voltaire.

13. Ces quatre pièces qui composent les dernières parties de B.N. Rés. p.R. 877 correspondent exactement au contenu du t. VII de L'Évangile du jour.

14. Il n'est pas impossible d'imaginer un exemplaire des Réflexions qui comporterait une pièce intitulée « recueil philosophique très nécessaire ». Il existe à l'état manuscrit dans le recueil de Bordeaux 828 XXXII (voir ci-dessus) dont la table indique « extrait du même ouvrage » au-dessous de la mention concernant « le Symbole d'un laïque » (voir note 4).

15. Voir Bengesco, op. cit., t. II, p. 407, 408.

16. Voir R. Pomeau, La Religion de Voltaire, Paris, Nizet, 1969, p. 180.

17. Voir le catalogue imprimé de la B.N., p. 1726-1730.

18. Voir note 10.


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notre goût pour le merveilleux » 19. Il incite à se former un jugement sain sur ces préjugés, « opération pénible, hardie [...] la plus importante et la plus consolante de toutes, quand on n'y est porté que par l'amour de la vérité ». Il exhorte à faire « l'histoire de notre propre esprit et de nos connaissances » 20. En effet « l'objet » qui est « affecté » « par la vérité ou par l'erreur », c'est l'homme, « un tout composé de l'assemblage d'un grand nombre de parties de différentes espèces, qui, toutes, sont assujetties irrévocablement aux Lois inflexibles, du mécanisme universel» 21. Il est donc inutile d'imaginer une âme, car « comme les yeux sont l'organe de la vue, en sorte que sans les yeux nous ne verrions point ; de même, nous ne pensons que par la partie intérieure du cerveau, où tous les nerfs aboutissent » 22. L'idée d'un Dieu créateur est du même coup écartée. « Puisqu'il me faut nécessairement avoir recours à un Être qui tire tout de son propre fond, j'aime mieux reconnaître cet Être dans l'assemblage et la combinaison des différents corps solides et fluides que je vois et dont je ressens les effets à chaque instant que d'imaginer un Être que je ne vois point» 23. La religion est une invention, le Christianisme une déviation du platonisme. Le péché originel et la rédemption sont des fables dérisoires.

Quand l'opinion commune dit que Dieu eréa Adam et Eve, elle suppose ensuite que Dieu leur fit connaître ses volontés : la supposition est en règle. Le Roman est vraisemblable ; mais moi, quand le mécanisme universel m'a mis au monde, on ne m'a rien dit, Dieu ne m'a point parlé : une affaire d'une aussi grande importance valait bien la peine qu'il m'en dît un mot immédiatement. De quoi s'aviserait-il de me parler après ma mort, quand même il serait vrai que je serais en l'état de l'entendre 24 ?

In cauda venenum. Ce beau trait d'éloquence ironique, en guise de conclusion, montre assez le style des Réflexions. L'étude complète, pourtant souhaitable, de cette pièce concise, élégante, voltairienne, n'a pas sa place ici. Il faut seulement signaler au passage quelques traits majeurs. Le lecteur est exhorté à étudier les opinions des anciens et des autres peuples. Le seul exemple de confusion facile entre erreur et vérité est une allusion aux dissensions religieuses entre catholiques et protestants 25. Les cartésiens sont sévèrement critiqués sur leurs contradictions entre « leur prétendue substance qui pense et la substance étendue » 26. Le

19. Réflexions... dans L'Évangile du Jour, t. VIII, p. 4.

20. Ibid., p. 6.

21. Ibid., p. 8.

22. Ibid., p. 9.

23. Ibid., p. 23.

24. Ibid., p. 31.

25. « Ce qu'à Rome on appelle opiniâtreté, à Genève on le nomme fermeté, grandeur d'âme, piété, vertu » (ibid., p. 6).

26. Ibid., p. 14.


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sensualisme sous-jacent de tout le texte utilise l'exemple de l'aveugle-né. Enfin le ton sarcastique n'épargne ni les métaphysiciens, ni le célibat qui est une atteinte à « l'institution respectable de la nature», ni la virginité de Marie, ni les incohérences d'un Dieu dont la religion « fait un être tel que la nature la plus difforme n'a encore rien produit d'aussi défectueux » 27.

On le voit, par leur contenu vigoureux et leur ton hardi, les Réflexions méritent une étude des attributions possibles.

Quelles sont les pièces indiscutables du dossier ? D'une part, deux lettres signées « La Bastide ». D'autre part deux lettres écrites par Voltaire à d'Alembert où il est question du signataire des précédentes. Les deux premières lettres font partie de la collection Anisson-Duperron de la Bibliothèque Nationale (ms. f. fr. 22099). Elles ont été conservées dans le recueil de la correspondance administrative entre d'Hémery, lieutenant de robe courte, et le lieutenant de police Sartine, au sujet des libelles diffamatoires et livres prohibés. Un La Bastide adresse ces deux lettres à Laurent, « libraire rue Saint-Séverin », qui les a communiquées à d'Hémery, parce qu'elles contiennent une liste de livres interdits que ce La Bastide propose de faire parvenir clandestinement à Laurent. Laurent pousse la prudence jusqu'à soumettre à d'Hémery son projet de réponse 28. La première lettre de La Bastide est datée du 2 novembre 1768. Le 10 novembre, d'Hémery la transmet à Sartine avec une note : « Particulier qui a passé à Lausanne pour y faire le commerce des livres prohibés » 29. Cette lettre, comme celle dont il va être question, est publiée dans l'édition Besterman de la Correspondance de Voltaire 30, sans doute à cause de la liste de « livres prohibés » qui figure dans l'une et l'autre, la plupart sortant de la plume de Voltaire. Bien qu'elles soient publiées sous le titre « Chevalier Pierre de Chiniac de la Bastide du Claux to Laurent », absolument rien, dans aucune des deux lettres manuscrites, ne permet de donner de telles précisions sur le signataire. Nous n'en tiendrons donc pas compte pour l'instant. Or le dernier titre cité par La Bastide dans les ouvrages « sous presse » qu'il propose nous intéresse directement : « Réflexions sur la marche de nos idées (je suis auteur de cet ouvrage et j'en laisse mûrir un autre sur le papier qui aura pour titre l'esprit dégagé des préjugés de l'enfance) » 31 .

D'Hémery a également transmis la seconde-lettre à Sartine. Sans doute inquiet du silence de Laurent, La Bastide lui écrit le 25

27. Ibid., p. 28.

28. B.N. ms. f.fr. 22099, fol. 471.

29. Ibid., fol. 463.

30. Éd. cit., Best D. 15288 et 15386.

31. Besterman croit à tort que « neither of thèse works was published, at least under recognisable titles » (Best D. 15288, n. 2). C'est inexact au moins en ce qui concerne les Réflexions.

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décembre 1768, à peu près dans les mêmes termes 32, mais en manifestant quelque « impatience ». La lettre est datée et postée de Genève où La Bastide est « venu passer un mois pour de là repasser en France » 33. Il précise : « Je vous écris de Ferney où je m'arrêterai jusques au 14 du mois prochain. M. de Voltaire recevra avec plaisir l'Arétin 34 qu'il ne connaît pas si vous voulez lui en faire passer un exemplaire [...] Je passerai l'hiver à Genève pour en faire faire une seconde édition et j'y ajouterai celle de l'histoire des papes en deux volumes in 8° dont j'ai déjà refondu la préface » 35. Enfin il donne son adresse : « Adressez vos lettres à M. de La Bastide avocat au Parlement de Paris, chez Madame la veuve Rous aux trois perdrix près les rues Basses à Genève » 36. Voilà les seuls éléments sûrs que l'on puisse tirer de la lecture des deux lettres signées « La Bastide ». Leur intérêt particulier vient de ce que, dans une lettre à d'Alembert du 24 mai 1769, Voltaire confirme et précise les informations précédentes. « Il est bon, mon aimable sage, que vous sachiez qu'un m. de Labastide, l'un des enfants perdus de la philosophie, a fait à Genève le petit livre çi-joint, dans lequel il y a une lettre à vous adressée, lettre qui n'est pas peut-être un chef-d'oeuvre d'éloquence, mais qui est un monument de liberté » 37. Moins de quinze jours après, Voltaire juge utile d'annoncer une nouvelle fois à d'Alembert « un petit livre d'un jeune homme nommé la Bastide ». « Dans ce livre étrange, continue Voltaire, il y a une étrange lettre que vous adresse un citoyen de Genève» 38. Telles sont les bases dont nous disposons pour retrouver l'« enfant perdu » 39.

C'est communément à Jean-François de Bastide, petit-neveu de l'abbé Pellegrin, journaliste discuté, romancier facile et auteur dramatique sifflé qu'est revenu l'honneur 40. Apparemment, le

32. B.N. ms. f.fr. 22099, fol. 465-468 ; Best. D. 15386.

33. Ms cit., fol. 465. Tampon sur l'adresse.

34. La lettre du 2 novembre disait : « l'Arétin moderne » (Best. D. 15288). Il s'agit de l'ouvrage licencieux de Dulaurens, L'Arétin (1763).

35. Complétons les notes de Besterman : il s'agit du livre de F. Bruys, Histoire des Papes, paru en 1732 à La Haye en 5 volumes. Voltaire possédait cette édition, voir le Corpus des notes marginales, éd. cit, p. 549-553 (n° 262), qui signale les traces de lecture.

36. Best D. 15386.

37. Il ne peut s'agir que des Réflexions et de la Lettre d'un avocat genevois à M. d'Alembert On aimerait en savoir plus sur la composition du « petit livre » Best D. 15660.

38. Best. D. 15675, du 4 juin 1769.

39. Voltaire fait-il un jeu de mots ? Il est fort probable qu'il veut dire ici que, tel que lés soldats qui marchent en avant d'un corps de troupe, le jeune homme est lancé dans une entreprise périlleuse. Cela est d'ailleurs confirmé par la trahison de Laurent.

40. Sur I.-F. de Bastide, voir Le Cabinet des Fées, t 37, Amsterdam et Paris, 1785, p. 58-65 ; Palissot, Mémoires pour servir à l'histoire de notre littérature, Paris, 1803, t I, p. 52-53 ; Barbier, Examen critique et complémentaire des dictionnaires historiques, Paris, 1820, t. I, p. 87-90 ; A. Goy, Panthéon provençal, Marseille, 1839, p. 133-135 ; Le Bas, Dictionnaire encyclopédique. France. Dictionnaire, Paris, 1840, t. II, p 189, 190 ; Nouvelle Biographie générale, Paris, Firmin-Didot, 1853, t. IV, p. 722, 723 ; Michaud, Biographie universelle... Paris, 1854, t III, p. 253 ; Prévost et Roman d'Amat,


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premier à faire cette attribution est Barbier, mais il s'en est vite repenti 41. Le mal était fait, et derrière lui, Quérard, Alfred Goy, le catalogue des Imprimés de la Bibliothèque Nationale, Cioranescu ont reproduit cette information. Aussi nombreux sont les biographes qui omettent le titre des Réflexions dans le « déluge d'écrits » qui, selon Sabatier de Castres, « est allé grossir les trésors ténébreux de l'oubli » 42. Une troisième attitude 43 consiste à indiquer . que l'attribution a été faite en quelque sorte par contamination. Roman d'Amat suggère : « Sa merveilleuse fécondité lui a même fait attribuer nombre d'ouvragés dont quelques-uns, comme les Réflexions philosophiques sur la marche de nos idées, ne sont certainement pas de lui ». Michaud suggère qu'elles « sont peut-être d'un homonyme » 44. On est déjà tenté de douter que Voltaire ait pu distinguer un Jean-François de Bastide comme il le fait dans ses deux lettres à d'Alembert.. Des faits viennent confirmer cette impression. En 1758 ou en 1760 45, Voltaire écrit au journaliste Jean-François de Bastide au sujet de son Nouveau Spectateur : « Je n'imagine pas, Monsieur le spectateur du monde, que vous projetiez de remplir vos feuilles du monde physique ». Cette lettre n'est pas, comme le prétendent certains biographes de Bastide, «fort mordante » 46. Son ironie est plutôt tournée contré la nature humaine que contre l'auteur. Voltaire se moque du moraliste, mais il juge son interlocuteur capable de suivre sa réflexion sur réforme morale et réforme politique. En décembre 1760, Voltaire écrivant à ThiriotDictionnaire

ThiriotDictionnaire Biographie française, Paris, 1939, t. V, p. 789, 790 ; L. Versini, Laclos et la tradition, Paris, 1968, p. î 19 et pàssim ; R. Poirier, La Bibliothèque universelle des romans, Genève, 1977, p. 18-20 ; F. Faber, J.F. de Bastide en Belgique, Bruxelles, 1880, p. V-IX ; Ch. Piot, « Le Séjour de J.-F. de Bastide à Bruxelles » in Bulletin de l'Académie Royale des Sciences, des Lettres et des Beaux-Arts de Belgique, Bruxelles, 1882, n° 7, p.251-271.

41. Barbier, Dictionnaire des ouvrages anonymes..., 1ere éd., Paris, 1808, t II, table, p. 90. Mais à cette date, Barbier écrit : « Jean-François de la Bastide », ce qui semble être une erreur qui aurait été entraînée par la mention, au n° 6075 du même tome : « Réflexions philosophiques sur la marche de nos idées (par de la Bastide), Yverdon, 1759, in 8° ». Dans aucune des éditions suivantes, Barbier ne mentionne plus cette attribution et le nom est corrigé en Jean-François de Bastide. Dans son Examen critique et complémentaire des dictionnaires historiques, Barbier accorde une longue rubrique à J.-F. de Bastide, sans mention des Réflexions (t. I, p. 86 à 90). Enfin, le t. IV du Dictionnaire des anonymes de 1827, p. 206, renvoie, à propos de J.-F. de Bastide, à la table des pseudonymes du même tome (p. 131), à « le chevalier de la B. ». Quérard, dans La France littéraire, t. I, p. 211, semble émettre un doute : « Barbier lui attribue cet ouvrage », mais sans le préciser, il renvoie ainsi à l'édition la moins fiable du Dictionnaire. Bengesco précise que « Quérard signale le millésime de 1759 » ; c'est évidemment un emprunt à Barbier (éd. de 1808).

42. Antoine Sabatier (dit Sabatier de Castres), Les Trois Siècles de notre littérature... par ordre alphabétique, Amsterdam, Paris, 1772, 3 vol.

43. C'est le cas de Palissot, Le Cabinet des Fées, la Biographie Firmin-Didot, Ph. Le Bas. Poirier.

44. Prévost et Roman d'Amat, op. cit., t V, p. 790 ; Michaud, op. cit., t. III, p. 253.

45. Voir Best. D. 9023, note a.

46. Voir, par exemple, Ph. Le Bas, op. cit., p. 190.


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se montre encore un peu désinvolte (au point, d'ailleurs, de confondre les patronymes) : « Je vous prie de dire à M. de la Bastide que si je trouve quelques rogatons qu'il puisse insérer dans son monde 47 je vous les adresserai ». S'il ne fait certes pas partie de ses familiers, Voltaire connaît cependant le journaliste et il est improbable que, neuf ans plus tard, il parle de lui à d'Alembert dans les termes déjà cités 48. Cela est d'autant moins possible que d'Alembert ne peut ignorer Jean-François de Bastide qui, de l'avis de tous, avait connu un certain succès mondain, qui sollicitait de la matière pour ses journaux auprès de tous les auteurs du temps 49, qui, enfin et surtout, avait publié, en 1758, une Lettre à J.-J. Rousseau au sujet de sa lettre à d'Alembert 50. Ses biographes belges nous fourniraient la preuve définitive, si un doute subsistait encore : de 1766 à 1769 Bastide a séjourné sans interruption en Hollande puis en Belgique 51 : il ne pouvait donc pas se trouver à Lausanne et Genève en 176852. Tous ces traits ne coïncident vraiment pas avec ce que nous savons de l'auteur des Réflexions. Et puis, en 1769, Voltaire a soixante-quinze ans ; il mentionne « un jeune homme » 53. Jean-François de Bastide est né en 1724. A quarante-cinq ans, eston « un jeune homme », au XVIIIe siècle, même aux yeux d'un vieillard ?

Né en 1741, Pierre de Chiniac de la Bastide du Claux, avocat, a vingt-huit ans en 1769 ; il pourrait être ce «jeune homme ». C'est d'ailleurs ce que ferait croire l'édition Besterman de la Correspondance de Voltaire 54. De même, soulignant à juste titre l'erreur de l'attribution des Réflexions philosophiques à J.-F. de Bastide, la note 156 du Corpus des notes marginales de Voltaire55 présente comme sûre l'attribution à Chiniac de la Bastide. Il faut cependant, là encore, élever des objections. Nous avons vu que les lettres manuscrites adressées à Laurent ne mentionnaient

47. Le Monde comme il est, 1760 ; Le Monde, 1761 : périodiques publiés par J.-F. de Bastide.

48. « Un M. de Labastide, l'un des enfants perdus de la philosophie... » (Best D. 15675).

49. On connaît en particulier ses lettres insistantes à Jean-Jacques Rousseau pour obtenir d'éditer son Extrait du projet de Paix perpétuelle de l'abbé de Saint-Pierre, voiries Confessions, livre XI, Paris, Garnier, 1964, p. 647, 648, et Correspondance complète deJ.- J. Rousseau, éd. R. Leigh, Genève, 1965 et sq., lettres 992, 994, 1284, 1285, 1296, 1313.

50. La date de 1758 est celle que proposent, notamment, Barbier (Examen complémentaire..., t. II, p. 90) et Quérard (La France littéraire, t. I, p. 211) ; mais l'édition d'Amsterdam de cette lettre porte le millésime 1768. Si cette dernière date était la bonne, le souvenir de ce texte serait encore plus présent à l'esprit de d'Alembert.

51. Ch. Piot, art. cit., p. 255, 267, 270 ; Fr. Faber, op. cit., p. 1, n. 1.

52. Voir Best. D. 15288 et 15386.

53. Best. D. 15676.

54. Best. D. 15288 : titre, commentaire, note 3.

55. Éd. cit., p. 641.


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absolument rien d'autre, que « Mr de la Bastide, avocat au Parlement de Paris ». On s'explique alors que, rejetant l'attribution hâtive à J.-F. de Bastide, on se tourne vers Chiniac de la Bastide, érudit historien du gallicanisme et avocat au Parlement de Paris, qui a, en 1768, une certaine notoriété. Une brève notice du manuscrit F. fr. 2209956 est sans nul doute à l'origine de cette hypothèse moderne, car apparemment aucun catalogue ni aucun biographe ne la suggère 57. D'Hémery indique : « le s. le Bastide est un avocat de Marseille d'environ 35 ans qui a quitté son pays à cause des Calas ; il a resté à Paris quelque temps, a fait une brochure dont M. de Querlon a parlé avantageusement» 58. C'est cette allusion qui a pu mettre sur la voie de Chiniac. En effet la feuille hebdomadaire de Meusnier de Querlon a déjà, à cette date, fait par deux fois l'éloge de Chiniac 59 pour son commentaire au Discours sur les libertés de l'Église gallicane de l'abbé Fleury (1765). Il faut bien dire que rien ne prédispose à croire que le zélé défenseur du gallicanisme puisse être l'auteur des Réflexions philosophiques 60. Il est difficile de supposer qu'exactement dans le même temps un jeune avocat puisse se contraindre, sans aucune raison apparente, à des exercices aussi différents^ D'une part il accumulerait sur les « libertés de l'Église gallicane » des propos dont la violence, qui lui attire des critiques 61, suggère un sincère attachement à.la religion. D'autre part, et dans la plus grande clandestinité, il rédigerait, à l'ombre du patriarche de Ferney, un essai matérialiste inspiré par l'aversion de toute attitude religieuse. Sans compter que dans le même temps il se livrerait au commerce et à l'édition des livres prohibés. Une étude de la vie et du

56. Fol. 464; notice reproduite dans le commentaire de Best D. 15288.

57. Voir surtout G. Clément-Simon, « Pierre de Chiniac », dans la Revue de l'Agenais, vol. XXI, Agen, 1894, p. 33-51 et 138-154 ; et Bergues La Garde, Dictionnaire des hommes célèbres de la Corrèze, Agen, 1871, p. 13. Notices dans Quérard, La France littéraire, t II, p. 190 ; Michaud, op. cit., s.v. Chiniac, p. 158-159 ; et Firmin-Didot, p. 319320.

58. Il faut déjà noter que, d'après cette notice, la police semble imparfaitement renseignée. Elle mêle des informations relatives à trois, ou au moins deux personnages.

59. Meusnier de Querlon, Affiches, Annonces et Avis divers, 1762-1784. La neuvième feuille hebdomadaire, du mercredi 27 février 1765, fait l'éloge au Discours sur les libertés de l'Église gallicane... avec un commentaire. Par M. l'Abbé de C... de... ; Paris, 1765. Le mercredi 7 mai 1766, la dix-neuvième feuille hebdomadaire salue les Réflexions... sur le Nouveau commentaire du Discours... par l'auteur du commentaire, avocat au Parlement, Paris, 1766. En 1770; un compte rendu portera sur le Discours sur la nature et les dogmes de la religion gauloise, par M. de Chiniac de la Bastide du Claux..., Paris, 1769.

60. Besterman a cru voir une allusion à une oeuvre de Chiniac dans une lettre de Voltaire à Madame Denis (Best D. 15048, 31 mai 1768) : « On m'impute ce que je n'ai pu faire :... la religion des Français... ». La n. 2 suggère qu'il s'agit du Discours sur la nature et les dogmes de la religion gauloise. C'est possible mais nous n'avons pas trouvé trace de la réédition de cette oeuvre dans L'Évangile du jour, t. VIII, dont parle cette note. Ne s'agitil pas d'une confusion, encore due au nom de Bastide?

61. En particulier dans les Nouvelles ecclésiastiques, avec lesquelles il entretint toute une polémique. Voir Clément-Simon, art. cit., p. 35-37.


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reste de l'oeuvre de Chiniac pourrait cependant suggérer, au premier abord, que ce personnage n'a pas été à l'abri des tentations de la philosophie. D'abord destiné à l'état ecclésiastique (on l'appelle parfois l'abbé Chiniac), il s'est rapidement tourné Vers le droit et l'histoire. Déjà, au moment du Commentaire, les observations des Nouvelles ecclésiastiques 62 montrent bien que Chiniac n'est pas dans la plus pure orthodoxie janséniste. Tout en lui reconnaissant un but louable, ceux qu'il croyait ses amis lui reprochent d'employer des méthodes dangereuses 63. En 1801, Chiniac publiera des Essais de Philosophie morale 64. Depuis 1765, la pensée du gallican d'alors a évolué, mais on y retrouve plus de points communs avec le commentaire de Fleury qu'avec les Réflexions philosophiques sur la marche de nos idées. Il n'est plus question de l'histoire de l'Église, mais de l'Être Suprême. A cette nuance près, Chiniac, dans ses Essais de 1801, revendique avec force le droit pour chacun de pratiquer le culte de son choix et il affirme son attachement à la religion de ses pères. Il s'agit très nettement de l'oeuvre d'un chrétien qui a vécu la Révolution et qui a changé de vocabulaire, mais pas du tout d'un matérialiste invétéré.

Toutes ces remarques ne constitueraient pas, évidemment, à elles seules, des preuves contre une attribution. Mais une fois encore, il y a des faits. Dès la première édition de son Commentaire du discours de Fleury, Chiniac s'en prend agressivement à Voltaire :

Si l'on ne consultait que les Voltaires et ceux de son bord, on ne trouverait en effet que problèmes et qu'impostures dans nos historiens, et nous aboutirions enfin au Pyrrhonisme universel qu'il voudrait établir, et qu'il essaye d'accréditer tous les jours par cette multiplicité d'écrits dont il ne cesse d'empoisonner ce siècle. Mais ce n'est point un Voltaire que nous consulterons sur un point d'histoire, il est ou trop peu versé dans cette connaissance ou trop fourbe pour mériter quelque attention 05.

Les mêmes attaques, exactement, reparaissent dans l'édition de 1767 du Commentaire de Chiniac. C'est là que Voltaire a dû- les découvrir : le volume figure dans sa bibliothèque et porte des traces de lecture et de corrections 66. Le 6 mai 1768, il met le comte d'Argental en campagne : « Informez-vous, je vous en prie, du personnage qui a pris le nom de Chiniac de la Bastide du Claux, avocat au Parlement, et qui est l'auteur des commentaires sur le

62. Voir ibid.

63. Voir l'article des Nouvelles ecclésiastiques à la fin du Nouveau Commentaire sur le Discours de Fleury, Paris, 1767, t. II.

64. Essais de Philosophie morale, par Pierre Chiniac, Paris, an IX- 1801, 5 vol. in 8°.

65. Chiniac, Commentaire... in Fleury, Discours sur les libertés de l'Eglise gallicane, au-delà des Monts, 1765, p. 476-477. Cette diatribe naît à propos de Pépin le Bref et dé. l'exarchat de Ravenne.

66. Bibliothèque de Voltaire, Catalogue des Livres, éd. cit., p. 253-254 (n° 758).


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discours des libertés gallicanes de l'abbé de Fleuri». Loin de lui prêter un esprit philosophique, il voit en lui « un énergumène qui établit le presbytérianisme tout cru », un « calomniateur très-insolent à la manière janséniste [...] le tout pour la gloire de Dieu et la propagation du saint Évangile », bref, un « de ces cuistres » qu'on ne peut fréquenter 67. Sans le connaître davantage, semble-t-il, il ne va pas tarder à se venger. Du 23 décembre 1768 au 13 janvier 1769, il le cite dans une série de lettres à d'Alembert, à Mme Denis, à Grimm, à La Harpe, à Mme du Deffand 68 : c'est pour l'impliquer de façon bouffonne dans la publication de l'A.B.C. : «Vous pensez bien que TA.B.C. n'est pas de moi et ne peut l'être ; il serait même très cruel qu'il en fût ; il est traduit de l'anglais par un avocat nommé Echiniac» 69, ou « Chiniac » 70, ou «la Bastide Chiniac», auteur d'un commentaire sur les discours de l'abbé Fleury » 71, « et ce Chiniac est un homme à qui je ne prends nul intérêt » 72 : « il sera brûlé, vous di's-je, comme Chausson » 73. Il s'agit en fait de susciter des ennuis à Chiniac en les évitant à Voltaire. « Voilà de ces vérités dont il faut que les adeptes soient instruits et qu'ils instruisent le monde » 74, car « il ne faut qu'un mot pour me perdre » 75, et « il faut fermer la bouche aux calomniateurs » 76. Attribuer l'A.B.C. à Voltaire, ce serait « une imputation atroce » 77. Et trop vraisemblable! Pendant quelques jours, Voltaire s'amuse donc à détourner les foudres sur ce Chiniac qui a tout pour lui déplaire : peut-être les autorités seront-elles assez naïves pour inquiéter le janséniste, et venger ainsi, sans le savoir, le philosophe. Mais Voltaire ne se contente pas de cette facétie : il tient à répondre aux critiques de Chiniac. Il le fait en 1769, dans trois chapitres du Pyrrhonisme de l'histoire, qu'il consacre entièrement à la « sottise infâme », à la « calomnie abominable », à l'« impiété horrible » et à la « bévue énorme de Chiniac » 78. Un tel échange d'injures, poursuivi entre 1765 et 1769, rend invraisemblable que Chiniac ait été accueilli à Ferney en décembre 1768, et édité avec l'appui de Voltaire. Celui que Voltaire appelle avec sarcasme l'« aimable et

67. Best D 15003. .

68. Best D. 15382, 15383, 15392, 15412, 15416, 15427. 69 . Best. D. 15382,

70. Best. D. 15383.

71. Best. D. 15392.

72. Best. D. 15412.

73. Best. D. 15416.

74. Best. D. 15392.

75. Best. D. 15416.

76. Best. D. 15383.

77. Best. D. 15383,

78. Le Pyrrhonisme de l'histoire, éd. Moland, vol. XXVII (Mélanges, VI) : version en 43 chapitres ; chapitres XXVII, XXVIII, XXIX, p. 280 à 287.


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poli commentateur » 79 ne saurait être l'auteur des Réflexions philosophiques.

On pourrait après tout se contenter de douter des deux attributions qui ont été proposées pour ce texte, et s'en tenir là. Il serait même séduisant de soupçonner une supercherie, comme dans le cas de l' A.B.C. On pourrait espérer trouver, derrière une identité si vague qu'elle a, depuis le XVIIIe siècle, égaré les critiques, une espèce de DrGoodheart, c'est-à-dire Voltaire lui-même.

Or le destin de Voltaire a mis un troisième Bastide sur son chemin. Mais celui-là, à la différence des deux autres, semble avoir très peu souhaité que l'on parlât de lui. L'édition Besterman de la Correspondance de Voltaire attribue à Bernard Louis Verlac de la Bastide trois ouvrages dont, sans discussion possible, aucun ne lui appartient 80. Le catalogue de la Bibliothèque Nationale lui en attribue deux, dont un seulement est très sûrement de lui8'. Cioranescu se limite à un titre 82, que d'autres disputent à Verlac. Ni la Biographie Michaud, ni la Nouvelle Biographie générale FirminDidot ne font mention de son existence. Si l'on compare ces erreurs, cette rareté et ce silence à l'article « Verlac de la Bastide » dans La France littéraire de Quérard qui cite douze titres, dont un seul avec une réserve 83, on est tenté d'en savoir plus sur ce personnage qui s'est comme peu à peu effacé du monde des Lettres. Qu'on consulte alors, sur la recommandation de Quérard, l'ancêtre de sa France littéraire, celle de 1769, dont il dit : « ouvrage rédigé avec soin et bon à consulter ». Dans cette publication si proche des Réflexions par la date, nos trois Bastide figurent avec des articles mieux proportionnés et plus cohérents 84.

79. Ibid., p. 280.

80. « Liste des auteurs cités », p. 940, s.v. Verlac de la Bastide. Discours sur la nature et les dogmes de la religion gauloise, qui est correctement attribué à Chiniac dans la lettre Best. D. 15048, mais avec une erreur sur la réédition de cet ouvrage dans l'Évangile du jour, t. VIII ; Réflexions importantes et apologiques (sic) sur le Nouveau commentaire de M. l'abbé Fleury, de Chiniac sans doute possible ; Le Jeune Homme, comédie. CD. Brenner (Plays in the French language 1700-1789, Berkeley, 1947) attribue en effet cette pièce à Verlac, mais la lettre de P.-L. d'Aquin de Château-Lyon à Voltaire du 5 juin 1764, Best D. 11906, oblige à rectifier : elle entre dans des détails, à propos de la « première » du Jeune Homme, qui ne permettent pas de douter que la pièce est de Jean-François de Bastide, détails confirmés par les Mémoires apologétiques de ce dernier, publiés à la suite du Jeune Homme (Amsterdam, M.M. Rey, 1766, in-12). La note 6 de Best. D. 11906 est donc erronée.

81. Lettre d'un Cosmopolite à l'ombre de Calas (s.l.n.d.) ; Lettre d'un Cosmopolite sur le réquisitoire de M. Joly de Fleury et sur l'arrêt du Parlement de Paris du 2 janvier 1764... 1765, in-12. Ce second texte est contesté par Quérard, voir ci-dessous.

82. Cioranescu, Bibliographie de la Littérature française du XVIIIe siècle ; t. III, p. 1731, cite Les Gradations de l'Amour, Amsterdam-Paris, 1772.

83. Quérard, op. cit., p. 115-116. La Lettre... sur le réquisitoire est imputée à l'abbé Fardeau.

84. La France littéraire, par les abbés d'Hébrail et de Laporte, Paris, Vve Duchesne, 1769, 2 vol., in-8°. Voir vol. I, p. 176-177 et p. 438-439.


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Jean-François de Bastide fait l'objet d'une longue notice où lui sont reconnus romans, journaux, comédies et tragédies que personne ne songe à lui disputer. Pierre de Chiniac de la Bastide se voit accorder tous les ouvrages d'inspiration gallicane qu'il a rédigés à cette daté 85. Enfin Bernard Louis Verlac de la Bastide, « Avocat et Membre de l'Académie de Milhaud, né à Ségur, diocèse de Rodez » est présenté comme l'auteur de Discours, de « Lettres en vers semés », d'Épîtres, d'Odes et des Réflexions philosophiques sur la marche de nos idées 86. Trois titres nous intéressent particulièrement. Les Réflexions, bien sûr, qui sont ici attribuées pour la première.fois sans restriction aucune, mais aussi les Épîtres écrites de la campagne à Mlle Ch ***, et la Lettre d'un Cosmopolite à M. de St E * * *. Épître à l'ombre de Calas, 1765, in 8°. Le rapprochement s'impose. Les Épîtres écrites de la campagne figurent toujours en quatrième position, derrière les Réflexions philosophiques, dans tous les exemplaires de ces Réflexions, que ce soit ou non sous le titre de L'Évangile du jour. Ces Épîtres ont été faussement attribuées à Piron : il suffit d'en comparer le contenu avec l'Épître à M!e Chéré de Piron 87 pour voir la différence des textes. Mais l'Épître à Mlle Ch * * * a été également attribuée, par des contemporains, à Voltaire lui-même. En 1770, Laus de Boissy l'imprime sous ce nom illustre dans le recueil intitulé Le Secrétaire du Parnasse. Voltaire proteste par une lettre que le Journal encyclopédique et le Mercure publieront. Il ironise sur les imperfections formelles de ces vers et conclut : «Je ne connais pas l'amant de votre gentille marseilloise (sic), mais je lui conseille d'être un peu moins prolixe » 88. A force de vouloir écarter une attribution indigne de lui, Voltaire va sans doute au-delà de la vérité : il peut difficilement ignorer l'auteur de vers parus quelques mois auparavant dans L'Évangile du jour, dont il suit de très près la publication.

Mais l'Épître à l'ombre de Calas est décisive. Elle ne figure pas dans la bibliothèque de Voltaire à Leningrad, mais on la découvre dans un recueil de la Bibliothèque Nationale qui a appartenu à l'abbé Sépher, et qui contient aussi le Mémoire de Donat Calas de Voltaire 89. Une note manuscrite de l'abbé Sépher attribue l'Épître à

85. Notons toutefois que cette liste est en désaccord sur un point avec le biographe corrézien de Chiniac, G. Clément-Simon, op. cit., p. 34, qui affirme que Le Miroir fidèle, attribué ici à Pierre, est de « Jean, dit Jean-Baptiste..., né en 1742, mort en 1768 »■ Voir cidessous, p. 42.

86. La France littéraire, t. I, suppl., p. 438.

87. La confusion s'explique parce que, comme Mlle Chéré, actrice à Paris, Mlle Ch *** est actrice-mais à Marseille.

88. Best D. 16811 (7 décembre 1770).

89. Bengesco, op. cit., table, p. 109 : « Mémoire de Donat Calas », s.l.n.d. (Genève, 1762), in-8° de 30 p. (C.V. Beuchot, 905, n° 8). A la B.N., Z. Beuchot 905 et Z Beuchot 905 bis constituent un recueil en 2 vol. de mémoires et pièces de toutes sortes consacrés à l'affaire Calas. Une note manuscrite au crayon précise au début de Z Beuchot 905bis :


42 REVUE D'HISTOIRE LITTÉRAIRE DE LA FRANCE

Verlac de la Bastide. Et nous possédons, par ailleurs, la lettre de remerciement de Voltaire, qui prouve que l'auteur de l'Épître la lui avait envoyée. C'était en 1765, quatre ans avant que ne paraissent les Réflexions. « Je vois, Monsieur, écrivait Voltaire, par les vers attendrissants que vous avez bien voulu m'envoyer, combien votre coeur sensible a été touché de la funeste aventure des Calas... » 90. Le destinataire de cette lettre a été identifié, sans preuve, avec un «Jean-Baptiste de Chiniac de la Bastide» 91, car nous voici en présence d'un quatrième Bastide ! Le gallican Chiniac avait un frère de ce nom, né en 1742. Il ne peut être le Bastide qui séjourne à Ferney dans les derniers jours de 1768 : c'est cette année-là qu'il est mort 92. Mais il est très aventureux de lui attribuer l'Épître à Calas : les contemporains et les bibliographes ne lui accordent qu'une seule oeuvre, Le Miroir fidèle ou Entretiens d'Ariste et de Philindrê, parue en 1766. Et comment Voltaire ne se souviendrait-il pas de son nom, quand éclate en 1768 sa fureur contre l'auteur du commentaire sur le discours de Fleury, Pierre Chiniac de la Bastide ? En revanche, toutes les indications convergent vers Bernard Louis Verlac de la Bastide : les contemporains les mieux informés lui attribuent l'Épître à Calas. On se souvient que l'auteur des Réflexions était signalé par la police comme ayant « quitté son pays à cause des Calas » 93. Des trois Bastide envisageables, Verlac est le seul à qui ce trait puisse s'appliquer. La notice de police dit aussi « avocat de Marseille ». Jean-François de Bastide est de Marseille, mais pas avocat. Chiniac est avocat, mais né en Limousin, il vit à Paris. Verlac est avocat, il écrit pour une comédienne de Marseille ; Nimes, qui est son fief, n'est pas si éloigné de Marseille 94. Ajoutons que ses Épîtres sont animées d'une inspiration très proche de celle des Réflexions. Il trouve moyen de déclarer à sa maîtresse, au milieu de fadaises diverses :

Si du monstrueux athéisme

« notes de l'abbé Sépher ». Les seules notes se trouvent sur Z Beuchot 905 ; la pièce 12, « Lettre d'un Cosmopolite... », porte l'indication au crayon : « Par Verlac de la Bastide ». Le Mémoire de Voltaire est la pièce 8 de Z Beuchot 905bis .

90. Best. D. 12602, du 17 mai 1765.

91. Voir le titre de Best. D. 12602, et la note qui renvoie au manuscrit de Modènê et à l'éd. Renouard des OEuvres complètes de Voltaire (t. 53, p. 104-105).

92. Sur Jean-Baptiste de Chiniac, voir ci-dêssus note 85 : la daté de sa mort a été vérifiée sur les registres paroissiaux et Quérard, La France littéraire, t. II, p. 189.

93. Best. D. 15288, commentaire.

94. Un point reste obscur : pourquoi s'intitule-t-il, dans la seconde lettre à Laurent, « avocat au Parlement de Paris » ? Nous n'avons pas retrouvé trace de son enregistrement comme avocat à Paris. Peut-être s'agit-il d'un titre qu'il s'accorde pour souligner à Genève sa qualité de Français, ou pour brouiller les pistes. On ne comprendrait pas d'ailleurs qu'il introduise cette mention dans l'adresse qu'il donné à Laurent, si elle était exacte : Laurent connaît son correspondant, et n'a nul besoin qu'il lui rappelle sa qualité. Le 17 mai 1766, Verlac a prononcé un discours comme avocat au Présidial de Nîmes (publié la même année d'après Quérard, voir n. 99).


VOLTAIRE ET LES TROIS BASTIDE 43

Je sais garantir ma raison,

(ce qui suggère une sérieuse tentation !)

De la coupe du fanatisme J'évite aussi l'affreux poison... Je fuis d'un peuple de bigots La superstitieuse ivresse... 95,

Enfin, La France littéraire de 1769 fournit une information intéressante 96. On y apprend qu'à « Milhaud, ville du diocèse de Nîmes » s'est formée

en 1751 une société littéraire qui a pris le nom de tripot à l'imitation des Académies d'Italie. Elle tient ses séances tous les jours, à l'exception des dimanches et fêtes ; les journaux en fournissent la matière. Quand ils sont épuisés on a recours aux meilleurs ouvrages du temps. Chaque Académicien prend en entrant dans la salle le livre qu'il trouve à propos. Si, dans le cours de sa lecture, il trouve quelque sujet qui soit digne d'être observé, il en fait part à ses confrères. Les lectures particulières se tournent aussitôt en conversation générale. Les réflexions de l'Académicien discutées à fond, on se remet à lire, jusqu'à ce que d'autres observations attirent de nouveau l'attention de l'Assemblée. C'est ainsi que se passent des conférences, que la nuit termine ordinairement

Les Académiciens sont au nombre de onze. Figurent dans la liste, Verlac de la Bastide et Laurent Angliviel de la Beaumelle 97. Les occasions de rencontre, de « conversations », de « réflexions » n'ont pas manqué à l'ami de Calas et à l'ancien ami de Voltaire. On comprend mieux comment ont pu germer ces Réflexions philosophiques toutes nourries des classiques des Lumières.

Il faudra donc rendre à chacun des Bastide ce qui lui revient, dans la Correspondance de Voltaire, dans les bibliographies et dans les catalogues, qui les ont confondus à plaisir, comme s'était plu à l'imaginer l'« ermite de Ferney » 98. Et surtout, il faut admettre que les Réflexions philosophiques sur la marche de nos idées ne sont ni du journaliste Jean-François de Bastide, ni du gallican Chiniac de la Bastide. Tout conduit à attribuer ce texte vigoureux à un jeune avocat méridional, Verlac de la Bastide. Il a commencé à écrire vers 1760 " ; il a acquis une vaste culture philosophique et fréquenté La

95. « A M lie CK* * *, éd. cit., p. 47.

96. Op. cit., 1.1, première partie : « Les académies établies à Paris et dans les différentes villes du Royaume », p. 105-106.

97. La sûreté des indications données par cet ouvrage est vérifiée par une comparaison de l'article « La Beaumelle » et de la bibliographie établie par Cl. Lauriol, LA. de La Beaumelle, Genève, 1978, p. 549-556.

98. Voir ci-dessus, p. 29, n. 1.

99. C'est en 1760 qu'il publie la première édition des Épîtres écrites de la campagne à Mlle Ch *** ; paraissent ensuite en 1764 un Discours sur l'utilité des sociétés littéraires et un autre sur l'éducation, in-12 ; et en 1766, un Discours prononcé devant le présidial de Nîmes, un Discours sur la nécessité et les avantages des conférences de la doctrine de l'ordre des avocats du présidial de Nîmes, un Discours sur les moyens de rendre les vacations utiles à la patrie et aux avocats, in-12 (d'après Quérard, op. cit., t. I, p. 115).


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Beaumelle ; il se lance dans les lettres en 1765 grâce à un poème sur l'affaire Calas où Voltaire est encensé ; c'est le début de leurs relations ; inquiété pour sa prise de position publique, il gagne Lausanne et Genève en 1768, tâche de vivre du commerce des livres prohibés et de travaux de librairie « philosophiques » ; il est accueilli à Ferney ; y rencontre-t-il un inspirateur ? un appui en tout cas. Rien d'étonnant qu'il trouve à faire imprimer ses Réflexions matérialistes, en même temps que des essais poétiques, en 1769 ; et qu'il réussisse à les diffuser, en 1770, dans la collection de L'Évangile du Jour. Voilà sans doute comment on peut reconstituer le cheminement, vers de périlleux avant-postes, d'un « enfant perdu de la philosophie ».

GENEVIÈVE MENANT -ARTIGAS .


RIMBAUD ET LA TRANSGRESSION

DE «LA VIEILLERIE POÉTIQUE».

PONCTUATION ET REJETS

DANS SES ALEXANDRINS

Le différend qui a opposé dans les années 1880 Parnassiens et Symbolistes traduit à l'évidence la question du conditionnement réciproque de la pensée, du sens, de la syntaxe, du mètre et du rythme. Rappelons en quelques lignes le problème.

On lit dans le Journal des Goncourt (3 janvier 1857) que Théophile Gautier « répétait] et rabâch[ait] amoureusement» une phrase de Flaubert : « De la forme naît l'idée ». Théodore de Banville précise cette pensée dans son Petit Traité de poésie française : « La Forme qui se présente à ton esprit est toujours la Forme d'une Pensée ; mais un homme qui pense en mots abstraits n'arrivera jamais à traduire sa pensée par une forme. Tout au plus l'emprisonnera-t-il dans un lieu commun ! » 1. Ce parti pris formel explique pourquoi les Parnassiens affectionnaient les vers métriques, en particulier l'alexandrin, «mètre sacro-saint» propre aux « limpides spéculations » selon l'expression de Verlaine. Ce vers est en quelque sorte essence : il est préexistant, et son moule définit la condition première de toute poésie. Catulle Mendès déclarait péremptoirement à Jules Huret que « l'alexandrin n'a jamais varié depuis qu'il existe » et qu' « il est, dans son essence, éternel » 2. Cependant les poètes du Parnasse reconnaissent que les lois rigoureuses, en apparence, de ce mètre (hémistiches et césures fixes) n'ont rien à voir avec leur idéal. La conquête du Romantisme est d'avoir imposé la césure « après n'importe quelle syllabe » 3. L'alexandrin est le vers « polymorphe » par excellence et il répond

1. Théodore de Banville, Petit Traité de poésie française, Paris, Charpentier, 1881 ; « Conclusion », p. 263.

2. Jules Huret, Enquête sur l'évolution littéraire, Paris, Charpentier, 1913, p. 294 et 295.

3. Théodore de Banville, op. cit., p. 108.


46 REVUE D'HISTOIRE LITTÉRAIRE DE LA FRANCE

au principe poétique de Banville : « La Variété dans l'Unité » 4. L'unité, c'est le moule ; la variété, c'est le rythme ou le chant. Car la poésie est musique avant tout. « Des mots rayonnants, des mots de lumière... avec un rythme et une musique, voilà ce que c'est, la poésie... » s'écrie Gautier 5. Et Banville de lui faire écho : « Il n'y a pas de poésie et de vers en dehors du chant » 6. Mais un chant pour lui-même : « Le vers, quand il est beau, renferme sa musique en soi et il est impossible de le revêtir d'une harmonie étrangère : la preuve en est faite avec les vers d'Hugo et de Leconte de Lisle qu'on n'a jamais pu mettre en musique » 7.

« Jusqu'ici, n'est-ce pas, il fallait, pour s'accompagner, les grandes orgues du mètre officiel. Eh bien ! on en a trop joué, et on s'en est lassé. » Les Symbolistes élargissent le débat et rétorquent que le « vers est partout dans la langue où il y a rythme » et que « toutes les fois qu'il y a effort au style, il y a versification » 8. C'est dire qu'il ne suffit pas d'« élargir la discipline du vers » ; Moréas adresse ce reproche à Verlaine qui a respecté « le nombre syllabique de douze. Respect illusoire, car, à la vérité, un alexandrin non fixement césure n'est qu'un octosyllabe allongé » 9. On ne moule pas une pensée rythmée et musicale en elle-même dans une forme fixe, car le rythme « étant le mouvement même de la pensée », le vers épouse les accents et se définit selon le syllabisme des mots « accrochant la pensée », pour reprendre l'image de Rimbaud. « L'unité vraie n'est pas le nombre conventionnel du vers, mais un arrêt simultané du sens et de la phrase sur toute fraction organique des vers et de la pensée. Cette unité consiste en un nombre (ou rythme) de voyelles et de consonnes qui sont cellule organique et indépendante »10 . Mallarmé rapproche l'évolution de la poésie de celle de la musique : « D'ailleurs, en musique, la même transformation s'est produite : aux mélodies d'autrefois très dessinées succède une infinité de mélodies brisées qui enrichissent le tissu sans qu'on sente la cadence aussi fortement marquée ». Dans un courant positiviste, paradoxalement, les Symbolistes cherchent en quelque sorte à rompre l'arbitraire du signe en rétablissant au niveau du vers un lien sémantique et émotionnel entre le signifié (sens) et le signifiant (rythme). « Le langage est à la fois un son et un signe : comme signe, il est la représentation figurée de l'Idée. Comme son, il est susceptible d'être

4. Théodore de Banville, op. cit., p. 9.

5. Journal des Goncourt, Paris, Charpentier, 1912, t. II, p. 2136.

2136. de Banville, op. cit., p. 3.

7. José-Maria de Hérédia, dans Jules Huret, op. cit., p. 306.

8. Stéphane Mallarmé, dans Jules Huret, op. cit., p. 57 et 58.

9. Jules Huret, op. cit., p. 78.

10. Gustave Kahn, dans Guy Michaud, La Doctrine symboliste. Documents, Paris, Nizet, 1947, p. 97.


RIMBAUD ET LA TRANSGRESSION DE « LA VIEILLERIE POÉTIQUE » 47

ordonnancé musicalement et jusqu'à un certain point assimilable au son inarticulé » 11. L'idée de cette coïncidence transparaît bien dans ces lignes de René Ghil : «Et si le poète pense par des mots, il pensera désormais par des mots redoués de leur sens originel et total, par les mots-musique d'une langue-musique» 12. C'est ainsi que l'« ordre abstrait » de l'alexandrin fait place à l'« ordre vivant » du vers libre.

A considérer Rimbaud sous l'angle de cette évolution des idées, on constate que son oeuvre peut servir de référence au débat, du « Anch'io, messieurs du journal, je serai Parnassien ! » (24 mai 1870) au «Je sais aujourd'hui saluer la beauté » d'Une saison en enfer. Si des préoccupations parnassiennes (le « Nombre » et l'« Harmonie ») transparaissent dans la lettre du Voyant, on y relève parallèlement des critiques fortes à l'égard des exploiteurs d'alexandrins, « rompu(s] aux formes vieilles ». Incessamment préoccupé par le « nouveau, - idées et formes », Rimbaud condense dans son expérience poétique un demi-siècle de querelles et de recherches. Notre propos est donc de préciser des facteurs par lesquels il a mis en pièces l'alexandrin avant d'abandonner ce mètre au profit des «chansons».

La ponctuation

Une première constatation s'impose : les alexandrins de Rimbaud sont plus ponctués, donc plus saccadés, que ceux de Baudelaire ou de Verlaine par exemple. On peut relever une marque moyenne de ponctuation tous les 7 pieds chez Rimbaud, contre 8 chez Verlaine et 9 chez Baudelaire. Mais l'étude de la ponctuation de Rimbaud est liée à des facteurs externes qui pourraient fausser l'analyse, à savoir qu'il faut se fonder, non sur des textes imprimés, mais sur des manuscrits, copies souvent hâtives. S'il les avait destinés à l'impression, le poète aurait-il autant segmenté ses vers ? Les rares poèmes publiés par lui et la prose d'Une saison en enfer nous permettent en tout cas de le croire. D'autre part, les poètes se montrent assez négligents en général dans la ponctuation de leurs manuscrits. Baudelaire lui-même, si soucieux de cette question, omet souvent une virgule en fin de vers dans ses autographes, comme si le passage à la ligne suffisait à marquer la pause. Mais prenons un exemple chez Rimbaud :

Sur la rive, / en voyant / / fuir là-bas / sur les flots [,] Blanche / sous le soleil, // la voile / de Thésée,

Ces deux vers de « Soleil et Chair » sont' transcrits du Recueil

11. Cité dans Guy Michaud, op. cit., p. 87.

12. Cité dans Guy Michaud, op. cit., p. 86.


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REVUE D'HISTOIRE LITTERAIRE DE LA FRANCE

Demeny. Dans la copie plus soignée qu'il avait adressée à Banville le 24 mai 1870, Rimbaud n'avait pas oublié la virgule après « flots ». Les transcriptions par Verlaine des poèmes de Rimbaud sont encore plus négligées. C'est dire que toute comparaison avec Baudelaire ou Verlaine souffre de ces omissions. Mais nous pouvons estimer que les marques manquantes équilibrent celles que le poète eût retranchées dans une édition de ses vers. Il est un fait qu'un auteur, même s'il reconnaît mettre sa ponctuation du premier jet, apporte plus de soin à des épreuves. Une récente enquête sur « La Ponctuation chez les écrivains d'aujourd'hui » 13 révèle que les auteurs admettent dans leur majorité corriger leur ponctuation sur épreuves ; c'est bien ce que faisait Baudelaire au gré des placards successifs 14. Certains écrivains se plaignent même que les éditeurs ne respectent pas leur ponctuation. Le poète des Fleurs du Mal regrette que les correcteurs « ne comprennent pas la ponctuation, au point de vue de la logique », et il précise à son éditeur Poulet-Malassis : « Quant à ma ponctuation, rappelez-vous qu'elle sert à noter non seulement le sens, mais LA DÉCLAMATION » 15. Cette double fonction traduit le souci rhétorique de la plupart des poètes : il eût été intéressant d'entendre Baudelaire ou Rimbaud déclamer leurs vers, comme Apollinaire récite « Le Pont Mirabeau ».

Le souci logique et syntaxique de Rimbaud transparaît dans sa ponctuation. « Le Dormeur du val » est un modèle de clarté et de rigueur à ce point de vue ; il est vrai que les six rejets de ce sonnet requéraient une ponctuation claire. Dans le cas où une phrase s'étend sur plusieurs vers, Rimbaud est attentif à marquer les pauses pour aider à la lecture ou à la déclamation, particulièrement dans les poèmes à forme fixe. Le sonnet « Morts de Quatre-vingt douze... » ne comprend que deux phrases ; la première occupe les treize premiers vers, la seconde constitue la chute (Banville dit que « le dernier vers du Sonnet doit contenir la pensée du Sonnet tout entière»16). Les deux quatrains et le premier tercet sont composés de vocatifs et d'appositions qui se prolongent aux vers 12-13 par la proposition principale. Les vers 7-8 présentent un exemple clair de logique syntaxique :

O Soldats que la Mort / / a semés, noble Amante, Pour les régénérer, / / dans tous les vieux sillons ;

13. Annette Lorênceau, « La Ponctuation chez les écrivains d'aujourd'hui. Résultats d'une enquête», dans Langue française, n° 45, février 1980, p. 88-97.

14. L'exemplaire édition des Fleurs du Mal publiée par Georges Blin et Claude Pichois facilite l'étude des variantes (Paris, Corti, 1968). Voir Henk Nuiten, Les Variantes des « Fleurs du Mal « et des « Épaves » de Charles Baudelaire. Études de stylistique génétique, Amsterdam, APA-Holland University Press, [1979].

15. Charles Baudelaire, Correspondance, Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, [1973], t. II, p. 127 et t I, p. 384.

16. Théodore de Banville, op. cit., p. 201.


RIMBAUD ET LA TRANSGRESSION DE « LA VIEILLERIE POÉTIQUE» 49

Le poète a détaché entre virgules l'infinitive afin d'éviter un contresens qui ferait du second hémistiche un complément de « régénérer ». La césure était évidemment insuffisante à cet effet Dans les poèmes plus longs, en particulier dans « Soleil et Chair » (164 vers) ou dans « Le Forgeron » (178 vers), Rimbaud montre autant de rigueur (mis à part les virgules omises en fin de vers). Les vers 14-24 de « Soleil et Chair » présentent une succession de cinq relatives dépendant du thème « Je regrette les temps où... ». Prenons les vers 22-24 dans la version du Recueil Demeny :

Où les arbres muets, // berçant l'oiseau qui chante, La terre berçant l'homme, //et tout l'Océan bleu Et tous les animaux / / aimaient, aimaient en Dieu !

Le verbe « aimaient » a quatre sujets, soigneusement distingués dans quatre hémistiches. Les deux premiers sont séparés par une participiale entre virgules (la virgule après « muets » ne figure pas dans la copie adressée à Banville) et les deux autres réunis par la double conjonction et qui n'imposait pas de virgule séparatrice.

L'étude des variantes de ponctuation révèle que, outre certaines omissions dues à la hâte, Rimbaud tend à supprimer les marques trop expressives. «Première Soirée» (32 octosyllabes), connu par deux manuscrits et un texte imprimé par le poète lui-même, nous fournit un bon exemple. Par rapport à la copie donnée à Izambard, la version du Recueil Demeny, postérieure, supprime deux virgules, deux points de suspension, quatre tirets et remplace cinq fois des points de suspension par un point, deux points ou point d'exclamation. La version publiée dans La Charge se rapproche sensiblement de celle du Recueil.

Il est inutile de relever les exemples où la ponctuation s'impose à l'évidence ou obéit à des usages ; on rencontre souvent une virgule après un circonstanciel antéposé, alors qu'on a une inversion verbesujet :

Autour, dort un fouillis de meubles abrutis (« Accroupissements »)

Ce cas indique déjà une lecture proposée par le poète. Mais parfois aussi l'absence de ponctuation contribue à l'ambiguïté. Dans ces vers de « Bonne Pensée du matin »,

Ah ! pour ces ouvriers charmants Sujets d'un roi de Babylone,

l'omission de la virgule nous autorise à rattacher par contre-rejet externe l'adjectif « charmants » à « Sujets » ; mais cet effet va peutêtre à sens contraire de l'évidence ou du rythme « chanson ». En revanche l'exemple suivant me paraît plus net :

Le buffet est ouvert, / / et verse dans son ombre

Comme un flot de vin vieux, // des parfums engageants ; (« Le Buffet »)

REVUE D-HISTOIRE LITTÉRAIRE DE LA FRANCE (83e Ann.). LXXXIII 4


50 REVUE D'HISTOIRE LITTÉRAIRE DE LA FRANCE

La comparaison n'est segmentée que par le retour à la ligne. Rien n'interdit de penser à une ellispse du complément d'objet : « verse quelque chose comme... », le second hémistiche étant une apposition. On trouve cet emploi elliptique dans un vers des « Étrennes des orphelins » (v. 12) :

Ils écoutent, pensifs, / / comme un lointain murmure...

Voici encore un autre exemple plus complexe :

Quelque chose / comme un / / oiseau / remue un peu A son ventre / serein / / comme un / monceau de tripe !

(« Accroupissements »)

Cette double comparaison permet plusieurs lectures. La première, évidente, consiste à lire le premier vers comme un trimètre et le second comme un alexandrin à césure fixe. Mais il est possible de jouer sur les rythmes en lisant soit deux trimètres, soit deux alexandrins à césure fixe. Dans chaque cas, on obtient un rejet ironique de « oiseau » ou de « monceau ». Entre la concordance ou la discordance rythmiques, c'est à l'interprétation de trancher. De tels exemples sont nombreux, ailleurs que dans des comparaisons. Une étude plus ample pourrait entre autres conduire à nous intéresser aux relatives déterminatives et explicatives.

Le rôle essentiel de la ponctuation chez Rimbaud, comme chez Baudelaire, est de noter précisément la déclamation et de mettre en relief certains éléments syntaxiques. De très nombreux vers témoignent de Toralité de la poésie de Rimbaud, à commencer par cette étonnante virgule entre un verbe et un sujet juxtaposés :

Tandis qu'une folie épouvantable, broie

Et fait de cent milliers d'hommes un tas fumant ; (« Le Mal »)

Cette virgule est très nette sur le manuscrit et ne peut être mise en doute. D'ailleurs j'ai trouvé un autre exemple comparable dans « Jeune Ménage » :

Le marié, a le vent qui le floue (v. 13)

Il peut arriver qu'un pronom tonique sujet de 3e personne soit segmenté de son verbe dans le cas d'une opposition, comme dans ces vers de « Soleil et Chair » où Elle répond adversativement à // :

Il tourne lentement vers elle son oeil vague ; Elle, laisse traîner sa pâle joue en fleur Au front de Zeus ;

L'exemple du « Mal » étonne deux fois ; d'abord par un audacieux zeugme de syntaxe qui implique une double fonction grammaticale de « cent milliers d'hommes », à la fois complément direct de « broie » et complément prépositionnel de « fait ». Ensuite, par la


RIMBAUD ET LA TRANSGRESSION DE « LA VIEILLERIE POÉTIQUE » 5 1

coupe après le 11e pied. On sait que les copies du Recueil Demeny témoignent de la hâte avec laquelle le poète a rassemblé ses textes, mais cette virgule n'en est que plus significative : Rimbaud note spontanément la déclamation du vers. Le monosyllabe « broie », isolé à la rime, risquant d'être étouffé par un double accent tonique et oratoire (épouvantable), est séparé pour reprendre l'accent ictuel et mieux marquer le contre-rejet. Dans l'alexandrin « circonflexe », la césure joue le rôle de cette virgule séparatrice du groupe du nom sujet et du groupe du verbe, du thème et du prédicat :

Mon paletot aussi // devenait idéal ; (« Ma Bohême »)

Des Peaux-Rouges criards / / les avaient pris pour cibles, (« Bateau ivre ») Eh ! l'humide carreau / / tend ses bouillons limpides ! (« Mémoire »)

Rimbaud use fréquemment des effets de la césure pour détacher un. mot. Il incite le lecteur à marquer la pause pour accentuer ce mot et redonner au second hémistiche un nouvel élan :

La Femme ne sait plus /./ même être Courtisane ! («Soleil et Chair»)

Car elle ne portait / / jamais de pantalons ; (« Les Poètes de sept ans »)

Ce sont là les premiers signes de l'emploi systématique du rejet interne.

Pour déterminer quelques caractéristiques de la ponctuation rimbaldienne, j'ai établi un triple corpus, grâce auquel des comparaisons soient pertinentes. Pour Rimbaud, j'ai retenu les poèmes composés en alexandrins dont nous possédons soit un manuscrit autographe, soit une version imprimée par lui, et j'ai délibérément écarté les copies de Verlaine. L'ensemble se compose de 1 035 vers répartis dans 28 poèmes 17. Dans Les Fleurs du Mal, j'ai considéré 27 poèmes (1 034 alexandrins) essaimes dans le recueil. Enfin pour Verlaine, j'ai choisi 1035 alexandrins constituant 37 poèmes compris dans les premiers recueils 18. Le TABLEAU I propose les résultats bruts ; sous chaque nom, la première colonne donne le nombre absolu des signes, la seconde indique le pourcentage par rapport à la ponctuation totale de chaque auteur. Certes, ces données devraient être relativisées ; elles ne tiennent pas compte du découpage strophique et demanderaient une analyse de l'emploi respectif de chaque signe 19. Néanmoins, les pourcentages

17. Pour l'étude de la ponctuation chez Rimbaud, je me-suis fondé sur l'édition des Poésies que nous avons établie, parallèlement à une Table de concordances, dans le cadre du Centre d'études Arthur Rimbaud de l'Université de Neuchâtel (Neuchâtel, La Baconnière, [1981], 2 vol.). Je n'ai pas tenu compte, dans les statistiques, des signes de ponctuation absents des manuscrits et que les éditeurs ont pris l'habitude d'ajouter sans mention.

18. Dans Les Fleurs du Mal (éd. de 1861) : I, 366 vers ; il, 394 ; m, 24 ; IV, 60 ; v, 32 ; VI, 158. Pour Verlaine, j'ai choisi les poèmes écrits en alexandrins dans les quatre premiers recueils, plus un poème de Sagesse, « Qu'en dis-tu, voyageur... ».

19. Voir Jacques Scherer, Grammaire de Mallarmé, Paris, Nizet, 1977, p. 198-218 ; voir aussi les deux articles de Liselotte Pasques et de Claude Gruaz dans Langue française, n° 45, février 1980, p. 198-218.


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Tableau I : Signes de ponctuation et pourcentages

Signes de BAUDELAIRE VERLAINE RIMBAUD ponctuation

912 64,2 1007 67,7 1028 55,5

135 9,5 212 14,2 114 6,2

; 102 7,2 34 2,3 95 5,1

: 24 1,7 20 1,3 81 4,4

: « 3 0,2 3 0,2 9 0,5

5 0,3 4 0,3 62 3,3

! 169 11,9 101 6,8 248 13,4

!... 1 0,1 2 0,1 44 2,4

? 39 2,7 35 2,4 24 1,3

?... - - 1 0,1 4 0,2

31 2,2 69 4,6 143 7,7

1421 100,0 1488 100,0 1852 100,0

nous fournissent de précieuses indications. Rimbaud recourt moins * souvent à la virgule et au point que Baudelaire, relativement à l'ensemble de sa ponctuation. Il offre en revanche un éventail de signes mieux proportionné dans la mesure où il affectionne les marques expressives, notamment les points de suspension et les points d'exclamation, qui contribuent à souligner le caractère oratoire de sa poésie. La dispersion des signes est assez uniforme * des « Étrennes des orphelins » à « Mémoire », exception faite des combinaisons de ponctuation expressive (!.../?...) qui disparaissent « des poèmes postérieurs à 1870. Les points de suspension sont aussi répartis également dans notre corpus, mais « Les Étrennes des orphelins » n'en comptent pas moins de 23 (non compris les combinaisons). L'emploi des trois points est très varié : ils interviennent pour traduire le mystère, la suggestion (erotique), l'attente, le rêve, l'horreur ou l'apitoiement ; ils servent aussi de signe mémoratif pour le lecteur, tels ces trois échos :

Ils écoutent, pensifs, comme un lointain murmure...

Et l'on croyait ouïr, au fond de la serrure

Béante, un bruit lointain, vague et joyeux murmure...

Un rêve si joyeux, que leur lèvre mi-close, Souriante, semblait murmurer quelque chose...

Enfin, les points de suspension remplacent quelque grivoiserie, comme dans « L'Éclatante Victoire de Sarrebruck » (v. 14) ou dans ces vers d'« Accroupissements » : le frère Milotus, assis sur son pot,


RIMBAUD ET LA TRANSGRESSION DE « LA VIEILLERIE POÉTIQUE » 53

[...) écoute les poils pousser dans sa peau moite, Et, parfois, en hoquets fort gravement bouffons S'échappe, secouant son escabeau qui boite...

Le verbe « s'échappe » n'a évidemment pas pour sujet « Milotus », mais un mot attendu 20 !

Tableau II : Dispersion des signes de ponctuation dans les alexandrins

1er hémistiche

Pied: 0 1 2 34.5 6

BAUDELAIRE 1,5 2,4 4,2 5,7 4,3 0,6 = 18,7 17,2

VERLAINE 2,1 2,5 5,1 5,7 7,9 1,2 = 24,5 14,0

RIMBAUD 4,9 5,6 4,2 7,5 5,2 1,4 =28,8 18,5

2e hémistiche

Pied: 7 8 9 10 11 12

BAUDELAIRE 0,3 2,3 3,0 1,0 0,6 = 7,2 56,9

VERLAINE 0,6 5,2 4,4 3,0 0,3 = 13,5 48,0

RIMBAUD 1,3 3,8 4,4 2,5 0,6 = 12,6 40,1

La dispersion des signes de ponctuation dans les vers nous permet d'autres considérations (voir le TABLEAU II). On pouvait s'attendre que la césure et la rime constituent les temps forts chez chaque auteur (Baudelaire, 74,1%; Verlaine, 62%; Rimbaud, 58,6%), mais les écarts sont sensibles, particulièrement à la rime (16,8% entre Rimbaud et Baudelaire). L'omission de certaines virgules en fin de vers et le recours systématique au rejet externe expliquent le plus faible pourcentage chez Rimbaud. A la césure, les écarts sont un peu moins sensibles, et l'on constate que le plus jeune poète des trois ponctue davantage, malgré toutes les licences à l'égard du rythme binaire.

Verlaine et Rimbaud se distinguent de Baudelaire par leur ponctuation à l'intérieur des hémistiches (Baudelaire, 25,9 % ; Verlaine, 38% ; Rimbaud, 41,4%). Dans le premier hémistiche, l'écart par rapport à Baudelaire est de 5,8 pour Verlaine et de 10,1 pour Rimbaud ; dans le second, il est respectivement de 6,3 à 5,4. Ces différences sont complexes à définir ; elles tiennent d'une part aux rejets et enjambements, mais aussi plus généralement à l'éclatement syntaxique de l'alexandrin. Au regard du TABLEAU II,

20. Autre signe de ponctuation caractéristique de Rimbaud, le tiret mériterait une étude en soi.


54 REVUE D'HISTOIRE LITTÉRAIRE DE LA FRANCE

on constate des disparités que l'on est tenté de croire significatives. Rimbaud propose le double de segmentation par rapport à Baudelaire après les 1er, 5e, 7e et 10e pieds, mais ce sont de petits pourcentages. Voyons ce qu'il en est :

Coupe ponctuée après le 1er pied : la ponctuation est en grande partie composée de virgules après des monosyllabes (de coordination, de subordination, des adverbes, des pronoms) et de points d'exclamation après des interjections. Sur 104 signes de ponctuation après la première syllabe, on ne compte en fait que sept rejets externes de monosyllabes, qui n'entravent d'ailleurs pas la césure fixe :

- Héraclès, le Dompteur, // qui, comme d'une gloire

Fort, ceint son vaste corps / / de la peau du lion, (« Soleil et Chair »)

Coupe ponctuée après le 5e pied : ici on trouve un monosyllabe, mais après le signe de ponctuation, qui occupe le 6e pied :

L'ébat des anges ; - Non... / / le courant d'or en marche, (« Mémoire »)

Les autres exemples définissent des trimètres anarchiques (5 + 3 + 4 ou 5 + 4 + 3) :

Comme des lyres, / je tirais / lès élastiques (« Ma Bohême »)

- Ah ! quel beau matin, / que ce matin / des étrennes !

(« Les Étrennes des orphelins »)

Dans les deux exemples suivants, on pourrait admettre un effet de contre-rejet, la syllabe pleine de comme tombant sur le 6e pied :

Qui palpite là, comme / / une petite bête... (« Roman »)

Un schako surgit, comme / / un soleil noir... - Au centre,

(« L'Éclatante Victoire [...] »)

Coupe ponctuée après le 7e pied : elle est parallèle à la coupe après le premier pied, aussi relève-t-on les mêmes monosyllabes. On rencontre aussi des adjectifs rejetés (voir plus loin).

Coupe ponctuée après le 10e pied : dans la plupart des cas, on a affaire à des groupes rythmiques de deux syllabes (non compris la rime féminine), soit segmentés à la rime, soit constituant le premier élément d'un groupe grammatical, séparé de sa suite par un groupe incis :

[...], la foule

Près de cet homme-là / / se sentait l'âme soûle, (« Le Forgeron »)

Contrairement aux données statistiques, ces segmentations n'ont rien de très audacieux puisqu'elles ne mettent pas en cause le rythme binaire de l'alexandrin. Seul cas à retenir, la coupe après le cinquième pied qui nous permet de reconnaître l'importance du trimètre anarchique chez Verlaine comme chez Rimbaud. Nos


RIMBAUD ET LA TRANSGRESSION DE « LA VIEILLERIE POÉTIQUE » 55

données statistiques cachent la réalité dans la mesure où les coupes à 4 et à 8 présentent des écarts moindres et confondent le trimètre régulier (4 + 4 + 4) avec le trimètre anarchique (5 +3 + 4 ou 4 + 3 + 5). Il en va de même avec les coupes à 3 et à 9, moitiés d'hémistiches, qui peuvent définir un hémistiche intercalaire (3 + 6 + 3).

Le rejet de l'adjectif

L'une des particularités qui distinguent Verlaine et Rimbaud de Baudelaire, on l'a vu, c'est l'importance de la ponctuation à_ l'intérieur des hémistiches et l'usage du rejet. Ce dernier point transparaît à l'évidence dans une étude comparative des groupes syntaxiques constituant le second hémistiche de chaque alexandrin (voir TABLEAU III). J'ai considéré 15 sonnets de chaque poète, en plaçant conventionnellement une césure fixe 21. L'emploi du rejet de l'adjectif appert d'emblée comme une similitude entre Verlaine et Rimbaud : la césure tombe 26 fois chez l'un et 24 fois chez l'autre entre le nom et l'adjectif, alors que Baudelaire n'emploie que deux fois cette coupe. Le rejet en général, au sens où le définit

Tableau ni : Composition syntaxique du second hémistiche (sur 210 vers)

BAUDELAIRE VERLAINE RIMBAUD

1. Groupe du cpl. 28 1. Éléments coor- 32 1. Adjectif rejeté 24 objet direct donnés

2. Groupe prép. 26 2. Adjectif rejeté 26 2. Groupe du cpl. 22 dépendant objet direct

3. Cpl. du nom 25 3. Groupe prép. 17 3. Groupe prép. 21

indépendant dépendant

4. Apposition 22 4. Cpl. du nom 16 4. Cpl. du nom 19

5. Groupe du 20 Groupe du 16 Groupe du 19 verbe verbe verbe

6. Prop. relative 18 6. Groupe du cpl. 15 6. Groupe prép. 18

objet direct indépendant

7. Groupe prép. 15 Groupe prép. 15 7. Élément coor- 14 indépendant dépendant donné

154/210 137/210 137/210

73,3% 65,2% 65,2%

8. Autres 54 73 73

21. Les quinze sonnets de Rimbaud ; les quinze premiers sonnets des Fleurs du Mal ; quinze sonnets dispersés dans les oeuvres de Verlaine.


56 REVUE D'HISTOIRE LITTÉRAIRE DE LA FRANCE

J. Mazaleyrat 22, se rencontre également chez les trois poètes, mais le rejet de l'adjectif fait la différence. Dans l'ensemble des Fleurs du Mal, on ne compte que 41 exemples de rejets internes de l'adjectif sur 2 238 alexandrins (1,8 %). Dans mon corpus de Verlaine (1 035 alexandrins), j'ai relevé 100 exemples (9,7 %). Enfin, les 1 473 alexandrins de Rimbaud en contiennent 98 (6,7 %). Ces relevés écartent délibérément ce que H. Morier appelle le « faux rejet » 23, c'est-à-dire les cas où le développement syntaxique, dépassant la borne métrique, se poursuit jusqu'à la suivante. En effet, il y a concordance rythmique différée 24, dès qu'un participe adjectivé est suivi d'un complément (22 exemples chez Rimbaud), que deux adjectifs sont coordonnés (7) ou enfin qu'un adjectif est suivi d'une comparaison. Contrairement à J. Mazaleyrat, je n'ai pas considéré les cas d'adjectifs coordonnés à la césure, puisqu'ils n'entrent pas dans le schéma défini : nom / / adjectif (ou l'inverse). Tous ces fauxrejets se rencontrent en majorité chez Baudelaire, qui respecte le moule de chaque hémistiche :

Delacroix, lac de sang / / hanté des mauvais anges, (« Les Phares »)

- Aussi, vois ce souris / / fin et voluptueux (« Le Masqué »)

Où l'on creuse des trous / / grands comme des tombeaux. (« L'Ennemi ») Tu rappelles ces jours // blancs, tièdes et voilés, (« Ciel brouillé »)

N'ont qu'un espoir, étrange / / et sombre Capitale !

(« La Mort des artistes »)

Verlaine recourt très souvent au rejet de l'adjectif. Considérons par exemple le IXe poème de La Bonne Chanson : on y trouve cinq rejets de ce type sur 14 vers. On sait l'admiration de Rimbaud pour ces « licences » poétiques et combien il s'émerveillait devant un vers des Fêtes galantes :

« Et la tigresse épou-vantable d'Hyrcanie » 25

Comme le remarque Henri Morier, « il faut croire que le chantre du « Bateau ivre » n'a pas considéré cet alexandrin comme un trimètre libéré, mais comme un écart par rapport à la césure médiane » 26. Avant les deux poèmes « Qu'est-ce pour nous, mon coeur... » et « Mémoire », Rimbaud s'est montré très respectueux de la césure fixe

22. « C'est une discordance par retard de la phrase sur le mètre ». Article « Rythme », dans le Grand Larousse de la langue française, Paris, [1977], t. VI, p. 5305. L'article est dû à Jean Mazaleyrat, à qui j'emprunte d'une manière générale la terminologie prosodique. Voir Jean Mazaleyrat, Éléments de métrique française, Paris, Armand Colin, [1974].

23. Henri Morier, Dictionnaire de poétique et de rhétorique, Paris, P.U.F., [1975], 2e éd., p. 894.

24. Jean Mazaleyrat, art. cit., p. 5305.

25. Paul Verlaine, OEuvres poétiques complètes, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade», [1962], p. 109. Arthur Rimbaud, OEuvres complètes, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », [1972], p. 240.

26. Henri Morier, op. cit., p. 192.


RIMBAUD ET LA TRANSGRESSION DE « LA VIEILLERIE POÉTIQUE » 57

qui tombe toujours entre deux mots. Parfois les coupes pour l'oeil abondent - comme dans «Les Poètes de sept ans» - ou apparaissent au milieu d'un mot composé. Je n'ai relevé que deux exemples où une césure médiane est impossible. Le vers 41 du «Juste ».:

Cependant que / silencieux / sous les pilastres

ne peut être lu que comme un trimètre, dont les coupes marquent les pauses syntaxiques dues à l'inversion, comme le feraient des virgules. Dans « Le Bateau ivre », le vers :

Je courus ! / Et les Péninsules / démarrées

comprend un hémistiche intercalaire (3 + 6 + 3), à moins qu'on n'y voie quelque grivoiserie vaine en accentuant et en détachant la sixième syllabe. C'est donc une des caractéristiques de l'alexandrin rimbâldien que de permettre aux rythmes anarchiques (voulus par la ponctuation) et à la césure fixe de cohabiter avec souplesse. J. Mazaleyrat constate qu'« il existe ainsi de nombreux cas limites qu'il appartient à l'interprétation de trancher. Le rapport entre l'accent grammatical et l'accent tonique générateur du rythme métrique dépend alors d'une option de lecture à prendre en fonction à la fois du sens, du degré de resserrement des groupes syntaxiques et de l'éclairage stylistique des mots» 27. A l'évidence, les rejets d'adjectifs illustrent cette thèse. La lecture que Rimbaud fait de la « tigresse épou-vantable » nous révèle son attachement à la césure fixe en même temps que beaucoup de ses vers cherchent parallèlement à rompre le rythme binaire.

Dans ses premières « poésies », Rimbaud recourt moins aux effets possibles de la césure ; il se contente de détacher un adjectif ou un adverbe (mono- ou bisyllabique) en le mettant entre virgules après la coupe :

Un grand feu pétillait,//clair, dans la cheminée, («Étrennes...»)

Et je vais dans Paris, / / noir, marteau sur l'épaule, (« Le Forgeron »)

Mais la lecture de Verlaine 28 lui propose d'autres modèles et

27. Jean Mazaleyrat, art. cit., p. 5306.

28. Verlaine admirait chez Baudelaire les écarts par rapport à la versification régulière : « Baudelaire est, je crois, le premier en France qui ait osé des vers comme ceux-ci :

... Pour entendre un de ces concerts riches de cuivre... ... Exaspéré comme un ivrogne qui voit double...

Mon critique belge de tout à l'heure crierait à l'incorrection, sans s'apercevoir, l'innocent, que ce sont là jeux d'artistes destinés, suivant les occurrences, soit à imprimer au vers une allure plus rapide, soit à reposer l'oreille bientôt lasse d'une césure par trop uniforme, soit tout simplement à contrarier le lecteur, chose toujours voluptueuse ». Paul Verlaine, « Charles Baudelaire », dans OEuvres complètes en prose, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 11972], p. 611-612.


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l'engage à user plus largement du rejet interne ou externe. Si l'on considère les 92 exemples relevés chez Rimbaud, on s'aperçoit que les deux tiers figurent dans des poèmes postérieurs à 1870 (sôit dans la moitié des alexandrins considérés) et que « Les Premières Communions » et « Le Bateau ivre » totalisent à eux seuls trente exemples. Aux yeux de Verlaine, il semble que cela soit encore peu de chose puisqu'il caractérise ainsi les « poésies » de Rimbaud : « Son vers, solidement campé, use rarement d'artifices. Peu de césures libertines, moins encore de rejets » 29.

Tableau IV : Répartition des adjectifs rejetés dans le second hémistiche

Pieds: 7e 8e 9e 10e IIe

Nombre de syllabes : 12 3 4 5

BAUDELAIRE

- adjectifs terminés par avec ponct. .— A .3 .— t— une syllabe pleine ou Q — 8 15- — — élidée sans ponct. — 7 12 — —

- adjectifs terminés par avec ponct. — 1 - — une syllabe muette ( 6 11 1 —'

\sans ponct. 6 10 1 -

VERLAINE

- adjectifs terminés par avec ponct. — .7 4 .3 .— une syllabe pleine ou ' l/ 35^ 14^ 6^ — élidée \sans ponct. 1 ^28 10 \3 —

- adjectifs terminés par avec ponct. 4 ,2 1 1 une syllabe muette / 11 23( 6^ 2^

^sans ponct. 7 21 5 1

RIMBAUD

- adjectifs terminés par avec ponct. 6 ,9 .9 ,— ,— une syllabe pleine ou / 15 21^ 18< l/ —( élidée \sans ponct. 9 12 9 1 —

- adjectifs terminés par .avec ponct. 4 ,9 4 1 une syllabe muette ^ 13( 23^ 6^ 1

\ sans ponct. 9 14 2 —

A l'article « Rejet », Henri Morier note que « le terme rejeté excède rarement trois syllabes » et que « plus court est le mot rejeté, plus dense est l'effet » 30. Le TABLEAU IV nous montre combien chez nos trois auteurs ces affirmations se vérifient. Chaque colonne donne

29. « Arthur Rimbaud », dans Les Poètes Maudits. OEuvres complètes en prose, p. 644.

30. Henri Morier, op. cit., p. 892.


RIMBAUD ET LA TRANSGRESSION DE « LA VIEILLERIE POÉTIQUE » 59

le nombre d'adjectifs rejetés, selon leur compte syllabique, leur syllabe finale et la ponctuation qui les accompagne. Seuls sont pris en considération les rejets internes. Verlaine et Rimbaud font de la 8e syllabe un temps fort, puisque l'un et l'autre présentent une majorité d'adjectifs de deux syllabes pleines ou de trois syllabes à finale muette. Dans la plupart des cas, ces adjectifs portent un accent ictuel dans le cadre de trimètres (4+4+4; 5+3 + 4; 3+5 + 4), soit à coupe enjambante, soit à coupe lyrique pour les adjectifs terminés par une syllabe muette :

4+4+4

Et bien rire, / l'espoir / / fameux / de ton pardon ! (« Le Juste »)

Les reins portent / deux mots / / gravés : / CLARA VENUS ;

(« Vénus Anadyomène ») C'est que la voix / des mers / / folles, / immense râle, (« Ophélie »)

Sourdre le flux / des vers / / livi/des en tes veines,

(« L'Orgie parisienne »)

3 +5 + A...

- On entend dans les bois / / lointains / des hallalis. (« Ophélie »)

O Vieillard ?/ Pèlerin // sacré ! / Barde d'Armor ! (« Le Juste »)

Je parlais / de devoir / / calme, / d'une demeure... (« Le Forgeron »)

Ni nager / sous les yeux / / horri / blés des pontons. (« Le Bateau ivre »)

On rencontre encore bien d'autres coupes. Comment pourrait-il en être autrement avec tant de segmentations : plus de la moitié des alexandrins avec rejet d'adjectif comprennent un signe de ponctuation interne au vers 31. Quand une double ponctuation isole dans le vers le groupe nom + adjectif, le rejet perd évidemment sa qualité :

Un soldat jeune, bouche / / ouverte, tête nue, (« Le Dormeur du val »)

Le souci d'eau - ta foi / / conjugale, ô l'Épouse ! - (« Mémoire »)

Il est possible néanmoins de rendre l'effet du rejet par un accent oratoire. Inversement, quand le premier hémistiche constitue un homogroupe, l'adjectif rejeté prend un relief particulier et l'on est tenté de le charger d'un accent d'intensité :

Ces monstruosités / / hargneuses, populace (« Rêvé pour l'hiver »)

C'est aussi un bel exemple que ce vers de Verlaine :

La spontanéité / / craintive des caresses ! (« Voeu »)

Mais Rimbaud se distingue de Verlaine par le rejet d'adjectifs

31. On trouve dans les 41 exemples de rejets chez Baudelaire deux groupes nom + adjectif ponctués avant et après, 3 groupes ponctués avant et 6 ponctués après. Chez Verlaine, sur les 100 exemples, on a respectivement : 3,18,11 ; enfin chez Rimbaud, sur 98 exemples : 12, 26, 9.


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monosyllabiques (ou bisyllabiques avec élision). On peut en relever quinze cas, où la césure tombe toujours après une syllabe pleine :

Un bourgeois à boutons / / clairs, bedaine flamande, (« A la Musique ») Elle eut soif de la nuit / / forte où le coeur qui saigne

(« Les Premières Communions »)

Les rejets externes d'adjectifs sont bien moins fréquents ; j'en ai compté une vingtaine dans un corpus de 1 473 alexandrins. Les adjectifs comprennent d'une à trois syllabes ; ils sont tous suivis d'un signe de ponctuation - à l'exception de deux exemples - et s'étendent tous à l'hémistiche précédent entier :

Je ramassa/s / un plat / / de je ne sais I quel mets

Belge, / et je m'épataî's / / dans mon immense chaz'se. (« La Maline »)

Effets du rejet

Du point de vue syntaxique, les structures sont limitées à moins d'un hémistiche et débordent rarement sur le vers suivant. On constate que la plupart des rejets sont suivis d'un groupe prépositionnel (complément du nom ou complément circonstanciel), parfois d'une relative. Quand l'adjectif est suivi d'un signe de ponctuation, on trouve dans sa suite soit une apposition soit le groupe du verbe, plus rarement une relative explicative.

Au niveau sémantique, les adjectifs rejetés délimitent des champs bien définis : adjectifs de couleurs (20), d'intensité et de grandeur (20), de laideur physique ou morale (14), tous propres à recevoir un accent d'intensité. Mais les effets du rejet dépendent de facteurs variés, que je regrouperai de la manière suivante 32 :

1°) Effet d'écho :

a) interne. Le premier et le dernier mot du second hémistiche se répondent par assonance ou allitération :

Fermentent les rousseurs / / amères de l'amour ! (« Le Bateau ivre »)

b) externe. L'écho part du substantif et se prolonge au-delà de la césure :

L'hypogastre et le col / / cambrés, une Gambier (« Oraison du soir »)

Sourdre le flux des vers / / livides en tes veines, (« L'Orgie parisienne ») Récitent la complainte II /«finie à Jésus (« Les Pauvres à l'église »)

2°) Effet d'opposition :

a) interne au second hémistiche. L'adjectif rejeté contraste

fortement avec le mot à la rime :

L'eau du fleuve, le sang / / rose des arbres verts (« Soleil et Chair »)

Elle passa sa nuit / / sainte dans des latrines.

(« Les Premières Communions »)

32. Henri Morier (op. cit., p. 893-894) distingue des rejets « de force », « déçus », « de terre attente », de « malice », « de charme », « de mouvement ».


RIMBAUD ET LA TRANSGRESSION DE « LA VIEILLERIE POÉTIQUE » 61

b) externe. La césure joue ici le rôle d'un miroir déformant ; l'adjectif chargé d'un sémantisme négatif affecte le caractère positif du substantif (et parfois l'inverse) :

Comme les floraisons / / lépreuses des vieux murs ; (« Les Assis »)

Qui tailladent l'azur / / frontière à grands coups d'hache.

(« Les Douaniers ») Fourmillent du baiser /./ putride de Jésus !

(« Les Premières Communions »)

3°) Effet de force. C'est de loin le cas le plus fréquent : l'adjectif prolonge l'idée du substantif par amplification ou ironie :

Respectez le Maudit / / suprême aux nuits sanglantes ! (« Le Juste »)

Tandis que les crachats / / rouges de la mitraille (« Le Mal »)

Quand la fille aux tétons /,/ énormes, aux yeux vifs, («Au Cabaret-Vert») Qui, pâles du baiser / / fort de la liberté,

(« Morts de Quatre-vingt-douze... »)

Ces effets peuvent se combiner pour produire des sonorités et des sensations fortes, comme dans ce bel alexandrin de Verlaine :

Au rythme du wagon / / brutal, suavement

Les deux poèmes en alexandrins, « Qu'est-ce pour nous, mon coeur...» et «Mémoire», constituent la dernière étape dans la recherche des « formes nouvelles » ; ils prolongent et amplifient les expériences précédentes de la désarticulation syntaxique du vers. La date de composition du premier demeure incertaine et controversée : 1871 bu 1872. Le second appartient assurément au lot de poèmes composés au printemps 1872. En se fondant sur la forme de ces deux textes autant que sur le sens, Marcel A. Ruff estime qu'ils remontent respectivement à l'écrasement de la Commune et au début de 1872 ; il ajoute : « La versification de « Mémoire » n'est pas plus irrégulière que celle des poèmes de mai-août 1871 : deux cas seulement de rimes singulier-pluriel, et quelques césures supprimées» 33. Tout cela est vite dit. Dans aucun poème de 1871 la syntaxe n'est aussi hachée ou saccadée et elliptique, jamais les rythmes ne sont aussi variés que dans ces deux poèmes. La ponctuation y segmente le vers en moyenne tous les 5 pieds (« Qu'est-ce pour nous, mon coeur... ») et tous les 6 pieds (« Mémoire ») alors que dans les autres alexandrins, on l'a dit, on a une marque moyenne tous les 7 pieds. Si M. A. Ruff entend par « quelques césures supprimées » coupe à l'intérieur d'un mot, on en compte 5 dans un cas et 2 dans l'autre ; mais c'est déjà plus que dans l'ensemble des vers que nous avons étudiés !. Autre

33. Arthur Rimbaud, Poésies, éd. critique par Marcel A. Ruff, Paris, Nizet, 1978, p. 177.


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REVUE D'HISTOIRE LITTERAIRE DE LA FRANCE

particularité : Rimbaud recourt à la césure enjambante trois fois dans « Mémoire » (v. 12, 19 et 37) :

Ah ! la poudre des sau/les qu'une aile secoue !

La succession des rythmes différents est telle qu'on ne trouve qu'une seule strophe à césure fixe, la dernière de « Mémoire ». Le vers éclate, ou mieux, le compte syllabique s'efface dans des rythmes anarchiques. Par les rejets successifs, la syntaxe serpente au gré des lignes, comme dans un texte en prose : pour s'en rendre compte, il suffit d'imprimer deux strophes ainsi :

Madame se tient trop debout dans la prairie prochaine où neigent les fils du travail ; l'ombrelle aux doigts ; foulant l'ombelle ; trop fière pour elle ; des enfants lisant dans la verdure fleurie leur livre de maroquin rouge ! Hélas, Lui, comme mille anges blancs qui se séparent sur la route, s'éloigne par-delà la montagne ! Elle, toute froide, et noire, court ! après le départ de l'homme 34 !

De l'alexandrin, il ne reste que le compte syllabique et quelques rimes qui se confondent et se fondent au texte, Rimbaud lui-même a supprimé les majuscules initiales de vers. On croirait lire une page des Illuminations. Cet exemple illustre ce que Mallarmé écrit dans Crise de vers : « Les fidèles à l'alexandrin, notre hexamètre, desserrent intérieurement ce mécanisme rigide et puéril de sa mesure ; l'oreille, affranchie d'un compteur factice, connaît une jouissance à discerner, seule, toutes les combinaisons possibles, entre eux, de douze timbres » 35.

Ces derniers essais d'alexandrins, qui cèdent « l'initiative aux mots, par le heurt de leur inégalité mobilisés », sont contemporains d'autres poèmes, démarqués de la « chanson » verlainienne ou de quelque air d'opéra. Les « vers nouveaux » recèlent une quantité d'expériences poétiques et formelles qui feront leur chemin durant le dernier quart du XIXe siècle. Verlaine lui-même, devant ces nouveautés dont il était peut-être à l'origine, émettait des réserves. Présentant dans The Senate (octobre 1895) l'édition des Poésies complètes de Rimbaud qu'il avait préfacées, il regrette que le livre ne soit pas plus « aéré » en « reléguant à part, à la fin du volume, les pièces par trop enfantines presque, ou alors par trop s'écartant de la versification romantique ou parnassienne, et à vrai dire la seule classique, la seule française. Sur le tard, je veux dire vers dix-sept ans au plus tard, Rimbaud s'avisa d'assonances, de rythmes qu'il appelait néants» 36. Ces lignes n'étonnent peut-être pas sous la

34. « Mémoire », strophes 5 et 6.

35. Stéphane Mallarmé, OEuvres complètes, Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, [1945], p. 362.

36. Verlaine a fait les mêmes réserves en ouverture de sa « Préface » à l'édition des Poésies complètes de Rimbaud (Paris, Vanier, 1895). Voir OEuvres complètes en prose, p. 961 et 971.


RIMBAUD ET LA TRANSGRESSION DE « LA VIEILLERIE POÉTIQUE » 63

plume d'un Verlaine usé. Antérieurement, dans Les Poètes maudits, il se montrait un peu moins critique : « Après quelque séjour à Paris, puis diverses pérégrinations plus ou moins effrayantes, M. Rimbaud vira de bord et travailla (lui !) dans le naïf, le très et l'exprès trop simple, n'usant plus que d'assonances, de mots vagues, de phrases enfantines ou populaires. Il accomplit ainsi des prodiges de ténuité, de flou vrai, de charmant presque inappréciable à force d'être grêle et fluet. [...] Mais le poète disparaissait. - Nous entendons parler du poète correct dans le sens un peu spécial du mot » 37. Ces lignes font écho au début de l'« Alchimie du verbe » où Rimbaud déclare aimer les « opéras vieux, refrains niais, rhythmes naïfs » 38.

Étudier les « chansons » sort de mon propos ; il faut néanmoins dresser l'inventaire des formes nouvelles, des effets prosodiques dans le chaos des « Vers nouveaux » pour mieux comprendre le passage de la « vieillerie poétique » à la poésie « en avant ».

1. Sous l'influence de Verlaine, Rimbaud choisit le plus souvent le vers impair (5, 7, 11) à rythmes variés.

2. Césures et coupes sur apocope. Dans une même «chanson», Rimbaud fait voisiner apocopes et coupes lyriques, en particulier dans « Bonne Pensée du matin » :

Dans leur désert de mouss(e), tranquilles, (8)

Ils prépar(ent) les lambris précieux (8)

Où la richesse de la ville (8)

Rira sous de faux cieux. (6)

Le vers 7 du même poème implique deux apocopes : En bras d(e) chemis(e), les charpentiers (8)

Parfois il est délicat de déterminer un mètre en raison des coupes irrégulières et dé la difficulté de faire la part entre apocope et diérèse. Levers 13 de« Bruxelles » 39

- La Juli-ette, ça rappell(e) l'Henri-ette, (10)

doit se lire avec deux apocopes et deux diérèses en raison du compte syllabique du vers précédent :

Ombreux et très bas de la Juli-ette (10)

Dans le vers suivant, on verra une coupe enjambante avec diérèse à la rime :

Kiosque de la Foll(e) / par affecti-on, (10)

37. Paul Verlaine, OEuvres complètes en prose, p. 655.-656.

38. Arthur Rimbaud, OEuvres complètes, p, 106.

39. Écrit en décasyllabes. Certains vers comptent néanmoins 9 syllabes pleines (y. 3 et 8). Avec des apocopes, la plupart des vers pourraient compter 9 syllabes.


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3. Rimes normandes (suer : couvert ; fer : verger) ; rimes pour l'oreille (mares : boire ; bruyères : vert) ; rimes approximatives (celliers : lait ; vains : coins).

4. Assonances (Hespérides : s'agitent ; fortune : nature) et contreassonances (blesse : mousse ; huches : aristoloches) 40 .

5. Strophes à rimes masculines ou féminines (influence de Verlaine41).

6. Vers libres ou hétérométriques.

7. Absence de ponctuation. Le « fac-similé » Messein des Poésies de Rimbaud 42 présente en regard de « Bonne Pensée du matin » une autre version non ponctuée. L'édition Hartmann nous donne deux versions non ponctuées de « Larme » et de « La Rivière de cassis » 43. On a là l'esquisse du rêve mallarméen 44.

Ces quelques caractéristiques suffisent à mettre en évidence combien Rimbaud a cherché à épuiser les formes du moule métrique. Dans le « fouillis de vieilles vieilleries » poétiques, il a fait son apprentissage et n'a pas dédaigné l'alexandrin, qui demeure une constante dans son oeuvre - au-delà même de ses vers. En suivant le courant parnassien, il a progressivement désarticulé ce mètre pour en arriver au vers libre et au poème en prose. Verlaine rapporte ceci dans ses Nouvelles Notes sur Rimbaud : « Des vers passés il m'en causa peu. Il les dédaignait et me parlait de ce qu'il voulait faire dans l'avenir, et ce qu'il me disait fut prophétique. Il commença par le Vers Libre (un vers libre toutefois qui ne courait pas encore le guilledou et ne faisait pas de galipètes, pardon, de galimatias comme d'aucuns « modernistes »), continua quelque temps par une prose à lui, belle s'il en fut, claire, celle-là, vivante et sursautante, calme aussi quand il faut » 45. A l'école de l'alexandrin, le poète a épuisé les formes et les rythmes et, dans la trajectoire qui l'a conduit au vers blanc (« Bannières de mai ») puis au vers libre (« Marine », « Mouvement »), il s'est tu devant « mille chemins ouverts », car « viendront d'autres horribles travailleurs ; ils commenceront par les horizons où l'autre s'est affaissé » 46.

FRÉDÉRIC S. EIGELDINGER .

40. Henri Morier parle aussi de «rimes apophoniques » (op. cit., p. 121 et 302).

41. Déjà dans les Poèmes saturniens, on trouve des exemples de strophes masculines ou féminines : « Nevermore », « Croquis parisien ».

42. Arthur Rimbaud, Poésies, Paris, Messein, «Les Manuscrits des Maîtres », 1919, section IV.

43. Arthur Rimbaud, OEuvres, éd. présentée par Antoine Adam ; texte revisé par Paul Hartmann, Paris, Le Club du meilleur livre, 1957, p. 98 et 110.

44. Jacques Scherer, (op. cit., p. 204) remarque que sur les 64 poèmes qui composent l'édition courante des Poésies de Mallarmé seuls onze sont dépourvus de ponctuation et que leur publication est postérieure à 1886.

45. Paul Verlaine, OEuvres complètes en prose, p. 976.

46. Arthur Rimbaud, Lettres du voyant, Genève-Paris, Droz-Minard, 1975, p. 137.


J.-J. ROUSSEAU CHEZ LES SURREALISTES

Le cas de J.-J. Rousseau semble bien offrir un démenti à ceux qui pensent qu'avec le temps les passions s'atténuent. Les premières années du XXe siècle furent de la part des réactionnaires, l'occasion d'un déferlement de haine contre l'auteur du Contrat social. Les étapes les plus importantes en furent la publication de la thèse de Lasserre sur Le Romantisme français, les conférences de Jules Lemaître et les écrits du baron Seillière. Cette attaqué en règle contre le Citoyen de Genève, à qui l'on reprochait d'être le père de là Troisième République, de la laïcité et de l'anarchie, conduisit à ce qu'au moment du bicentenaire de la naissance de J.-J. Rousseau, en 1912, la violence fut à son comble. La droite se réjouit alors du fait que ces années de propagandes anti-révolutionnaires aient conduit à l'échec des cérémonies officielles et démontré l'insanité des idées démocratiques '. Pour elle, Rousseau est bien mort et la République devrait prendre la même voie.

La droite et les maurrassiens voulaient être les défenseurs de la tradition française et s'opposer à la barbarie étrangère du Citoyen de Genève qui avait, selon eux, corrompu l'élégance et la santé de l'esprit français. Rien d'étonnant donc à ce que, pour le dénigrer, on considérât comme responsable de toutes les avant-gardes artistiques, cet adorateur du vertige que dénonçait le critique américain Irving Babitt 2. L'Action française regrettait ainsi ironiquement que Nijinski n'ait pas mis en ballet le début si fiévreux de La Nouvelle Héloïse 3 ; L'Occident faisait de Rousseau le père du cubisme et rimait cette paternité nouvelle sur l'air de Gavroche :

Braque et le Fauconnier, C'est la faute à Metzinger ; Gris, Gleize et Picasso, C'est la faute à Rousseau 4.

1. Voir P. Gilbert, « Le Culte embarrassant », Revue critique des Idées et des Livres, 25 juin 1912, p. 661.

2. I. Babitt, «Bergson et Rousseau», Revue Bleue, 1 décembre 1912, p. 727.

3. L. Beaujêu, « Au jour le jour », L'Action française, 16 juin 1912, p. 1.

4. « J.-J. Rousseau, père du Cubisme », L'Occident; février 1912, p. 79.

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Enfin, Rousseau ressuscitait dans la revue légère Le Frou-Frou pour apparaître auprès de Valentine de Saint-Point qui avait lu, le 27 juin 1912, à la Salle Gaveau, son Manifeste de la Femme futuriste et qui publiera l'année suivante son Manifeste futuriste de la Luxure. L'auteur de l'article mettait dans la bouche de celle qui avait écrit Un Inceste des propos encore plus violents que ceux qu'elle prononça réellement, l'amenant à prêcher le viol et la brutalité primitive 5. Et Rousseau se trouvait associé à de tels développements.

Il faut attendre 1932 pour que les esprits se calment un peu et qu'un critique puisse considérer Rousseau comme à l'origine des nouvelles avant-gardes sans le ridiculiser. Pierre Trahard écrit en effet alors :

Ce n'est pas hasarder que de voir en Rousseau un précurseur, non seulement des romantiques et des symbolistes, de Rimbaud par exemple, mais de Dada et du Surréalisme 6.

Nul doute que ces nouveaux mouvements aient aussi contribué au renouveau de l'image de Jean-Jacques, qui est sensible à cette époque.

L'ironie haineuse qui réjouissait la critique de droite en 1912 touchait-elle alors les surréalistes futurs ? André Breton avait seize ans cette année-là et ses préoccupations littéraires le conduisaient pour l'instant sur les traces des symbolistes : ses lettres à Théodore Fraenkel évoquent Jean Lorrain, Huysmans, Péladan, le jeune Barrés et surtout Baudelaire et Mallarmé 7. En 1914, Éluard compose un poème assez mièvre, « A Montmorency », où il évoque « la silhouette doucement fantastique de Jean-Jacques rêveur sous sa petite fleur » 8. Peu d'allusions à une influence de Rousseau donc ; pourtant, c'est en se remémorant la période qui précède la Grande Guerre qu'André Breton mentionne l'admiration qu'il portait déjà alors à Jean-Jacques et qu'il lui portera toute sa vie :

Le nationalisme n'avait jamais été mon fort Si, sur ce plan, ma pensée procédait de quelqu'un c'est - elle en procède toujours - du Jêan-Jacquês du Discours sur l'origine de l'Inégalité et du Contrat social. Il n'y avait pas déjà de cris de meute qui pût la faire dévier. Rousseau, je me dis même que c'est sur cette branche - pour moi la première jetée à hauteur d'homme - que la poésie a pu fleurir 9.

5. Erdnayof, « Place à la Revue », Le Frou-Frou, 28 juillet 1912, p. 2.

6. P. Trahard, Les Maîtres de la Sensibilité française au XVIIIe siècle, t III, Boivin, Paris, 1932, p. 215, note 3 et p. 244.

7. Marguerite Bonnet. André Breton, naissance de l'Aventure surréaliste, Corti, Paris, 1975, p. 26 à 34.

8. P. Éluard, Dialogues des Inutiles, OEuvres complètes, t II, Bibliothèque de la Pléiade, Paris, 1968, p. 751.

9. A. Breton, Entretiens, N.R.F., Paris, 1969, p. 22.


J.-J. ROUSSEAU CHEZ LES SURRÉALISTES 67

Rôle capital de Jean-Jacques donc dans la formation de la pensée d'André Breton et dans la genèse du surréalisme. Rousseau offrait à la fois l'image de l'individu révolté contre les injustices sociales et celle du poète qui chérissait l'unicité de ses rêves et de sa personne et faisait les premiers pas dans l'univers de l'inconscient et du désir. Tout cela le désignait pour être l'un des précurseurs du mouvement qui allait tenter de bouleverser les esprits de l'entre-deux guerres.

Des autres surréalistes, nous ne savons cependant pas l'influence que Rousseau put avoir sur eux durant leur jeunesse, ni même s'ils le lurent, soit que leur correspondance d'alors nous reste ignorée, soit qu'ils n'en disent rien. Plusieurs furent toutefois sensibles à la façon dont la critique réactionnaire traita Rousseau et l'évoquent pour en montrer la bêtise et les «procédés dégradants» 10. Mais ce sont surtout les revues des dadaïstes, puis des surréalistes qui mentionnent parfois l'auteur d'Emile et permettent d'en dégager l'image : c'est donc à relever cette trace du Citoyen de Genève que nous allons nous attacher.

La revue du groupe qui vit officiellement le jour au Cabaret Voltaire de Zurich, la revue Dada, ne mentionne nullement Rousseau, malgré le caractère très littéraire et très artistique de ses premiers numéros. En Belgique la revue Résurrection, «cahiers mensuels littéraires illustrés », que dirige Clément Pansaers en 1917 et 1918, n'évoque Rousseau qu'en passant, à propos des romantiques allemands ou d'Oscar Wilde. 391 de Picabia ne mentionne Rousseau nulle part ; l'on sait par sa femme Gabrielle Buffet, que l'auteur de Jésus-Christ rastaquouère et de Râteliers platoniques était réfractaire à tout ce qui était livresque et n'avait jamais lu et approfondi que Nietzsche'et Stirner11 . Pourtant, le nom de Rousseau figurera dans un poème de Picabia, « Erutarettil » dans le numéro 11 de Littérature du 15 octobre 1923. Ce poème n'est qu'une suite de noms de philosophes, de poètes et d'écrivains, allant d'Hermès trismégiste à Vaché et Cravan, et l'on serait bien en peine d'en tirer quelque conclusion sur Rousseau 12.

Il n'y a donc guère d'allusions à Jean-Jacques dans les premières revues dada Tristan Tzara eût-il dit que Rousseau était dada qu'il eût dit ailleurs que Rousseau était contre dada et l'on n'eût pas été plus avancé. Par son souci de provoquer, sa volonté de détruire l'Art, la morale et toutes les valeurs et de travailler « à l'instauration de l'idiot partout » 13, Dada n'a pas le culte des ancêtres. Mouvement anti-littéraire, il fait table rase de tous les systèmes. « La plus belle

10. Pierre Mabille, Thérèse de Lisieux, Sagittaire, Paris, 1975, p, 12, et Aragon, Le Libertinage, N.R.F., collection L'Imaginaire, Paris, 1977, p. 271.

11. Gabrielle Buffet-Picabia, Rencontres, Belfond, Paris,' 1977, p. 37.

12. Picabia, Écrits 2, Belfond, Paris, 1978, p. 129.

13. Tristan Tzara, Sept Manifestes dada, J.-J. Pauvert, Paris, 1963, p. 68,


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découverte de l'homme est le bicarbonate de soude» 14, affirme Picabia et Hans Arp ajoute que « les philosophes ont moins de valeur pour Dada qu'une vieille brosse à dents hors d'usage » 15. On comprend que les dadas n'aient pas pris intérêt à Rousseau, pas plus qu'à tout autre écrivain. Comme les futuristes, les automobiles et les machines les retiennent bien plus que la littérature : ils chantent la vie, la vitesse et l'action par opposition au monde des livres et de l'écriture.

Pourtant, de même que Rousseau avait condamné la philosophie et avait écrit des livres, les dadas firent des revues. La provocation et l'intransigeance semblent s'être émoussées quelque peu quand, en 1921, dans la revue parisienne Littérature, les dadas entreprirent de donner une note aux écrivains classiques et contemporains, ainsi qu'à eux-mêmes : - 25 traduisait la plus grande aversion, 0 l'indifférence, + 20 l'admiration la plus complète.

Participants J.-J. Rousseau Voltaire

Aragon 15 0

Breton 7 - 25

Gabrielle Buffet 20 10

Drieu La Rochelle 15 16

Éluard -25 -25

T. Fraenkel 9 - 20

B. Péret 1 -25

Ribemont-Dessaignes 10 - 24

J. Rigaut 8 - 25

P.Soupault 1 -25

T. Tzara - 25 - 25

Moyenne 3,27 - 15,2716

Les participants de cette enquête sont tous dadas en 1921, mais plusieurs seront les fondateurs du mouvement surréaliste. Les réponses sont assez singulières, puisqu'elles traduisent une retenue de la part de Breton et une quasi-indifférence de celle de Péret : tous deux proclameront en effet plus tard leur admiration pour JeanJacques. Le groupe de dandies que formaient alors Aragon, Drieu La Rochelle et Jacques Rigaut est par contre assez favorable à Rousseau. Aussi, s'il y a dans cette notation une provocation à l'égard des lecteurs, ne faut-il pas également penser qu'il y a une provocation à l'égard des autres participants ? Breton ne peut

14. Picabia, 391, n° 13, juillet 1920, p. 4.

15. Hans Arp cité dans Jean-Paul Crespelle, La Folle Époque, Hachette, Paris, 1968, p. 55.

16. «Liquidation», Littérature, n° 18, mars 1921, p. 6.


J.-J. ROUSSEAU CHEZ LES SURRÉALISTES 69

afficher son accord avec Rousseau, qu'il dit dater de 1914, nous l'avons vu : il doit participer au dédain dadaïste pour les grands hommes.

Quant à la réponse de Tzara, elle traduit l'intransigeance iconoclaste et provocatrice de Dada et elle marque la divergence qui va se creuser entre ce mouvement et le surréalisme proche. Dans ses Entretiens avec André Parinaud, Breton rappelle que l'incompatibilité d'humeur couvait déjà lors de cette enquête et que le nihilisme de Tzara qui avait donné - 25 à Dostoïevsky, Eschyle, Goethe, Rousseau, Matisse, Nerval et Poe, était trop insupportable 17. Si, comme le dit Ribemont-Dessaignes, le but de Dada était de provoquer l'hostilitéI 8, le résultat était parfait

Nous avons mis Voltaire en parallèle avec Rousseau afin de montrer le mépris dans lequel le tiennent presque tous les dadaïstes de Littérature et qui se perpétuera à travers le surréalisme. En 1931, on pouvait lire au dos d'un catalogue d'ouvrages surréalistes, Lisez - Ne lisez pas, liste des auteurs prônés et rejetés par le nouveau groupe. Parmi les écrivains du XVIIIe siècle, Rousseau, Diderot, d'Holbach, Sade et Laclos étaient impérativement conseillés, mais Voltaire était banni des nouvelles bibliothèquesI 9 : il était l'homme au « hideux sourire » de sceptique, celui qui riait du sentiment et du rêve pour ne considérer que la raison ; bien plus que Voltaire d'ailleurs - dont les surréalistes appréciaient la lutte contre l'Infâme -, c'était le voltairianisme qui révulsait les amis de Breton. Sade et Laclos étaient par contre très bien vus : dans Penquête de Littérature, le premier était classé seizième avec 11,27 et le second, vingtième avec 10. Pour qui s'étonnerait de cette admiration pour Sade et pour Rousseau, rappelons que Breton croit en l'existence d'un « certain point de l'esprit », où se fondent les antinomies : c'est à partir de cette région que l'individu peut dépasser l'intelligence rationnelle des choses.pour atteindre à la compréhension surréelle du monde 20. C'est là que Sade rencontre Rousseau pour mener un combat parallèle contre tout ce qui asservit l'homme.

Si Dada n'avait guère évoqué Rousseau, le surréalisme à ses débuts paraît ne pas y penser davantage. Dans la définition du surréalisme qu'est le premier Manifeste en 1924, Breton né cite pas Rousseau parmi les écrivains qui ont été surréalistes par quelque aspect : du XVIIIe siècle,, seuls Swift et Sade sont évoqués. Rousseau ne l'est pas davantage dans le. second Manifeste, où Breton brise

1.7. A. Breton, Entretiens, p. 66.

18. G. Ribemont-Dessaignes, Déjà jadis, Union Générale d'Éditions, coll. « 10/18», Paris, 1973, p. 96.

19. P. Audouin, « Très peu de livres», Magazine littéraire, n° 9.1-92, septembre 1974, p. 20-22.

20. A. Breton, Manifestes du Surréalisme, N.R.F. coll. « Idées », Paris, 1969, p. 76.


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beaucoup d'idoles - Rimbaud entre autres - et règle ses comptes avec certains de ses collaborateurs : « En matière de révolte, aucun d'entre nous ne doit avoir besoin d'ancêtres » 21.

Parmi ceux que Breton avait désignés comme ayant fait acte de surréalisme dans le premier Manifeste et qu'il condamne dans le second, figure Joseph Delteil : Breton ne lui pardonne pas d'avoir publié sa Jeanne d'Arc, cette « vaste saloperie » cléricale 22. Delteil avait pourtant participé à Littérature et annoncé sa préférence pour Jean-Jacques plutôt que pour Arouet 23. Dans son roman Les Cinq Sens, en 1924, il faisait acte de surréalisme avec cette épigraphe :

« Le goût est parfait en soi et je prétends que le goût d'un chien pour un os est aussi noble que celui d'André Gide pour La Princesse de Clèves. - J.-J. Rousseau » 24.

Ces facéties n'étaient pas appréciées par Picabia qui exprimait dans Caravansérail son mépris pour les romans de Delteil, « cette littérature affreuse, Dada filtrée, additionnée de fleurs d'orangers ! » 25. Pourtant, Delteil ne cessait de clamer comme Dada et Rousseau que « la littérature empoisonne la vie » 26 et que « l'intelligence est une vertu froide » 27. Ce n'est pas de Voltaire que nous avons besoin, mais de Rousseau, de Bonaparte et de Robespierre, disait-il 28. Dans ses romans, Jean-Jacques se trouve associé à des images surréalistes, ainsi dans Choléra : « Plus tard, Alice lut Francis Jammes et Jean-Jacques Rousseau. Ce sont deux bons auteurs. Elle les préférait en veau à tranches saignantes » 29. Et c'est à un portrait imaginaire fort poétique que Delteil se livre dans Mes Amours ... (spirituelles) :

Il y avait autrefois un fils de fée qui s'appelait Monsieur Jean-Jacques. Il allait à travers coeurs et champs à la poursuite de son fol instinct, tirant la langue à tous les principes. Il pratiquait un peu l'amour, versait des larmes sous le ciel et contait tout son coeur aux choses, son coeur, bon et mauvais. J'ai rarement l'occasion de crier : Vive Jean-Jacques ! Je profite de l'occasion. (Et qu'on me comprenne un peu, si difficile que cela soit. Je ne veux pas dire : Vive tout Jean-Jacques ! mais : Vive, en gros, Jean-Jacques !) 30.

Ce texte sera repris en partie deux ans plus tard dans De J.-J. Rousseau à Mistral, qui commence par une « déclaration de haine » à l'intelligence et condamne les penseurs paralytiques et impuis21.

impuis21. p. 80.

22. Breton, La Révolution surréaliste, 4, 15 juillet 1925, p. 32.

23. J. Delteil, «Échecs», Littérature, 1er mai 1923, p. 7.

24. J. Delteil, Les Cinq Sens, Grasset, Paris, 1924, p. 105.

25. Picabia, Caravansérail, Belfond, Paris, 1975, p. 80.

26. Delteil, Choléra dans OEuvres complètes, Grasset, Paris, 1974, p. 187.

27. Delteil, Mes Amours... (spirituelles), Messein, Paris, 1926, p. 151.

28. Ibid., p. 23.

29. Choléra, p. 124.

30. Mes Amours... (spirituelles), p. 145-146.


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sants, pour faire l'éloge de «la lignée des sensibles» où «JeanJacques mène la barque» 31 et où se retrouvent Pascal, Chateaubriand, Hugo, Alain. Gerbault, Lindberg et quelques autres. Cette vision nouvelle de Rousseau s'inscrit dans le renouveau de son image que marquent l'année 1928 et les nombreux articles qui commémorent alors le cent cinquantième anniversaire de sa mort 32. Le temps n'est plus au positivisme raisonnable des maurrassiens et Delteil peut peindre un Rousseau qui incarne le nouvel idéal, celui de la vie qui éclate de toutes parts, celui des romans de Cendrars ou de Morand, où la vitesse s'associe à la fureur :

Allons, oui, l'essentiel de Jean-Jacques, c'est sa candeur et sa fièvre, le mouvement de son sang dans ses veines, sa veulerie et sa pitié, son port vache, son allure sentimentale, ses rêveries louches, parfois ce pathos chaud comme une bouche, ses furies printanières et sa folle volupté, sa conscience fragile et son coeur au-dessus de tout 33

Et de chanter cette « désinvolture de solitaire dans une société de pommade et de verre, ce sans-souci d'enfant qui s'en fout, et comment, cette langue tirée aux troupeaux de bourgeois et de commis, ces pieds de nez et ces coups de pied et ces crachats plus éclatants que les oiseaux » 34.

Que Delteil ait- déçu les espoirs de Breton et des surréalistes, peu importe ici, car son image de Rousseau est la première image surréaliste de quelque importance. Image qui séduit alors les rousseauistes, même si elle les choque tout d'abord par la violence de son expression 35.

Si René Crevel condamne Delteil pour s'être abaissé à écrire Jeanne d'Arc et Les Poilus et trouve que l'anthologie En Robe des Champs mérite d'être le livre de chevet du colonel de La Roque 36, il exprime vers la même époque une image de Rousseau tout aussi singulière. Crevel reconnaît en Rousseau un des chantres de la liberté totale et salue en lui « le goût de l'élan et le refus d'émonder, en quoi je suis obligé de reconnaître une splendide pudeur » 37. A la

31. Delteil, De J.-J. Rousseau à Mistral, Paris, 1928, p. 46.

32. Vers 1927-1928, se fait un renouveau du point de vue sur Rousseau, dû notamment aux travaux de G. Vallette et de P.-M. Masson. Il existe toujours des adversaires irréductibles, mais apparaissent aussi des critiques plus justes et plus nuancées. Parmi les catholiques même, comme ce que dit le P. Alexandre Brou dans son Dix-huitième siècle littéraire ou J. de Tonquédec dans la revue des Jésuites Études, du.20 décembre 1927. Au point que L. Bron parlera de J.-J. Rousseau réhabilité dans le journal genevois Guguss', du 5 juillet 1928.

33. Delteil, De J.-J. Rousseau à Mistral, p. 59.

34. Ibid.,

35. Jean Violette, Annales J.-J. Rousseau 18, Jullien, Genève, 1927-1928, p. 367. .

36. Crevel, « Tandis que la pointolle se vulcanise la baudruche », juin 1934, dans. Les Pieds dans le Plat, Pâuvert, Paris, 1974, p. 298-299.

37. Crevel « La rédemption nouvelle », juillet 1925, dans Mon Corps et Moi, Pauvert, Paris. 1974, p. 245-246.


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pensée ordonnée de son temps, Rousseau a su opposer « le chaos magnifique » de son génie et de ses rêves 38. Mais si Rousseau plaît ainsi à Crevel pour sa fougue, la Genève de la Société des Nations lui répugne : la ville natale de Jean-Jacques est « devenue officiellement la préfecture du police du monde bourgeois » et l'auteur d'Êtes-vous fous ? évoque la fusillade de Plaimpalais qui mit fin à un meeting politique 39. Cette cité hypocrite où la bourgeoisie la plus conservatrice récupère Jean-Jacques Rousseau pour son profit, le révolte, et c'est à la dénoncer que vise ce poème :

[...] Le cerveau c'est couleur de sperme

et Jean-Jacques Rousseau déjà,

celui dont le cercueil genevois

devait servir de berceau à la Société des Nations,

à chaque masturbation,

annonçait, pour le bonheur des précieuses à fanfreluches,

les belles

dont il était la coqueluche

« Mesdames venez voir couler une cervelle. »

Mais on a beau être conservateur, le foutre ne veut

pas se laisser mettre en bouteille,

tandis qu'un cerveau,

si on ne le porte que le Dimanche, jour de repos,

pour ne pas l'user trop vite [...] 40.

Et de conspuer « toute grosse molle république » qui prend « pour maquereau un pseudo philosophique » et le donne en successeur à Dieu.

A partir de Delteil et de Crevel, nous pouvons déjà entrevoir l'image que les surréalistes ont de Rousseau, à la fois poète et chantre de la liberté, contestant l'ordre établi. Si Breton et ses amis n'ont pas beaucoup de respect pour les philosophes, ils se sentent les frères de ceux qui ont su vivre leur pensée et leurs rêves et ne pas sombrer dans le banal. Rousseau les charme qui a su si bien affirmer son unicité contre toutes les tyrannies. Il est un modèle ou mieux, l'un de ces phares du passé qui éclairent l'homme moderne et révolté ; aussi, c'est à dessein que Joë Bousquet l'évoque en prenant

38. Ibid., p. 245.

39. Crevel, Les Pieds dans le Plat, p. 189. En 1932, près de 10 000 personnes étaient au chômage à Genève. Le parti socialiste s'opposait au Grand-Conseil. Les fascistes de l'Union nationale annoncèrent un meeting pour le 9 novembre-1932. Malgré la pression de la gauche, le gouvernement refusa d'interdire la réunion. Vers 21 heures, le 9 novembre, il doit pourtant demander l'intervention de l'armée afin de contenir les 5 000 manifestants. Pris de panique, les soldats ouvrent le feu. Il y aura 13 morts et 62 blessés.

Signalons par ailleurs qu'on associa, en bien ou en mal, Rousseau à la S.D.N. Citons notamment l'article du journal d'Amsterdam De Tijd, du 14 juin 1933, « Volkenbondsconferenties : de invloed van Rousseau ».

40. Crevel, Le Clavecin de Diderot, 1932, Pauvert, coll. « Libertés », 1966, p. 57-58. En 1928, Aragon défend tout aussi violemment Rousseau contre la bourgeoisie qui accapare le philosophe genevois. Traité du Style, N.R.F., coll. « L'Imaginaire », Paris, 1980, p. 65.


J.-J. ROUSSEAU CHEZ LES SURREALISTES

73

la défense d'Éluard et de Breton à la suite de l'incident du banquet Saint-Pol-Roux :

Tous les gueux de lettres ameuteront toujours les chiens contre les Paul Éluard et les Breton. Je pense à Jean-Jacques Rousseau lapidé par un peuple absurde 41.

Les surréalistes ne distinguent pas la poésie de la révolte : la poésie, la liberté et l'amour sont les trois voies de la révolte 42. Ils se considèrent comme des barbares que la civilisation contemporaine écoeure et souhaitent le retour d'une grande révolution qui, comme celle de 1789, exprimerait la poésie collective 43. Ils iront même jusqu'à faire l'éloge de « la merveilleuse « Terreur » » 44.

Rousseau, qui fut lui aussi un barbare, sera pourtant quelque peu délaissé au profit de révolutionnaires plus matérialistes comme Hegel, Marx et Engels dans ce qu'il est convenu d'appeler la « période raisonnante » du surréalisme, de 1930 à 1933. La revue Le Surréalisme au Service de la Révolution ne mentionnera pas une seule fois Jean-Jacques. Les problèmes de l'actualité, le désir des surréalistes de s'associer au parti communiste, la défense de leur conception artistique retiennent toute leur attention et donnent à leurs écrits une orientation, où Rousseau n'a pas sa place. La déception viendra pourtant rapidement, Breton n'arrivant pas à plier son expression au style des données statistiques 45.

Aussi, en 1942, André Breton rappelle sa filiation à Rousseau dans ses Prolégomènes à un troisième Manifeste du Surréalisme ou non, avec quelque dédain pour l'embrigadement borné des partis :

Les partis : ce qui est, ce qui n'est pas dans la ligne. Mais si ma propre ligne, fort sinueuse, j'en conviens, du moins la mienne, passe par Heraclite, Abélard, Eckhardt, Retz, Rousseau, Swift, Sade, Lewis, Arnim, Lautréamont, Engels, Jarry et quelques autres ? Je m'en suis fait un système de coordonnées à mon usage, système qui résiste à mon expérience personnelle et donc, me paraît inclure quelques-unes des chances de demain 46.

Et c'est le même désir d'affirmer l'unité de la révolte et de la poésie, tout autant que l'indépendance du surréalisme envers les succursales

41. Jo'é Bousquet, La Révolution surréaliste 5, 15 octobre 1925, p. 30. En juillet 1925, les surréalistes firent scandale au banquet donné en l'honneur de Saint-Pol-Roux. Ernst gifla Rachilde ; Leiris faillit être lynché pour avoir crié : « Vive l'Allemagne ! ». Ils s'opposaient aux écrivains patriotes et bourgeois qui accaparaient le poète.

42. A. Breton, Arcane 17, U.G.E. coll. « 10/18 », Paris, 1965, p. 121.

43. B. Péret, « La pensée est une et indivisible », VVV 4, 1944, p. 10.

44. G. Legrand, «Le surréalisme est-il une philosophie? », Le Surréalisme même 1, octobre 1956, p. 142, note 1.

45. A. Breton, Manifestes du Surréalisme, p. 99. Roger Vitrac rangera cependant Rousseau auprès des Encyclopédistes et de Sade, parmi ceux qui s'opposèrent à l'idéalisme. Bifur 5, 1930, p. 120.

46. Ibid., p. 166.


74 REVUE D'HISTOIRE LITTÉRAIRE DE LA FRANCE

révolutionnaires professionnelles, que Breton exprime en 1947 dans ces lignes où revient le nom de Jean-Jacques :

Le seul désir du poète, de l'artiste, est d'opposer un NON irréductible à toutes les formules disciplinaires. L'ignoble mot d'« embrigadement » qui a pris cours depuis la guerre, sue une servilité dont la poésie et l'art ont horreur. Heureusement, le grand témoignage humain, celui qui a su jusqu'ici défier le temps, fait de ces petites interdictions, de ces amendes dites comme par antiphrases « honorables », de ces compromis honteux, une justice torrentueuse. N'est-ce pas Jean Huss ? Estil vrai, Bruno ? Qu'en dis-tu, Jean-Jacques ? 47.

Rousseau offre donc l'image du penseur indépendant, qui n'a pas hésité à rompre en visière avec les philosophes de son temps, pour chercher en lui-même et jusqu'aux portes de son inconscient sa propre lumière et la voie d'un nouveau monde.

Dès lors, Breton et les surréalistes vont évoquer de plus en plus régulièrement Jean-Jacques. L'explication en est bien sûr dans leur rupture avec les partis, mais aussi dans le temps qui à permis au mouvement d'affirmer sa position. Il est loin le temps de la provocation systématique où il fallait être absolument nouveau et renier tous les ancêtres : on peut désormais évoquer Jean-Jacques plus librement et rappeler ce qu'on lui doit

Ce goût pour la « rétrospective» est manifeste en 1947 lors de l'Exposition internationale du Surréalisme de Paris. Y figurent d'abord les oeuvres des artistes pré-surréalistes, d'Arcimboldo à Lewis Carroll ; et comme l'exposition a été conçue sur le plan d'une initiation, les visiteurs passent de ces oeuvres à celles des surréalistes contemporains « par un escalier de 21 marches qui auront été modelées en dos de livres et porteront 21 titres correspondant aux 21 arcanes majeurs du tarot (le MAT OU FOU excepté)». Ainsi, de Charles Mathurin à Isidore Ducasse monte-t-on vers la Salle des Superstitions. Dans cet escalier symbolique, Rousseau occupe la troisième marche avec les Rêveries du Promeneur solitaire et la figure du tarot qui le désigne est celle de l'Impératrice 48.

L'arcane de l'Impératrice représente l'aspect féminin et fertile de la Nature. Il est le symbole de l'immuabilité et porte en lui le grand mystère de l'union de l'esprit avec la matière, union par laquelle le divin devient humain, car c'est la loi de la matière qui prévaut à ce stade, et l'esprit qui s'incarne dans le monde matériel. « L'homme qui se trouve à cet échelon du Tarot apprend à connaître la reine du ciel, la NATURE. C'est le chercheur qui commence à explorer les mystères de la nature. Il n'essaie plus d'agir contre la nature, mais inconsciemment, se conforme à ses lois afin de vivre avec elle et non

47. A. Breton, « Seconde arche», La Clé des Champs, Pauvert, Paris, 1967. p. 130.

48. A. Breton, « Projet initial », Exposition internationale du Surréalisme. Le Surréalisme en 1947, Maeght, 1947, p. 135-136.


J.-J: ROUSSEAU CHEZ LES SURRÉALISTES 75

contre elle» 49. L'homme comprend alors que toute la création est une seule unité indivisible et se sert dès lors de son corps comme d'un merveilleux instrument.

Un tel arcane correspond donc parfaitement à Rousseau et à sa quête, et l'on comprend que les surréalistes le lui aient attribué. Il marque aussi l'importance que Breton et ses amis donnaient à JeanJacques dans cette conquête de la liberté et de lui-même que doit vivre l'homme total. Il n'est donc pas étonnant que l'auteur de Nadja évoque la figure du philosophe genevois pour répondre à la lettre d'une « petite fille d'Amérique » qui l'interrogeait sur la liberté dans l'éducation :

Il y aura bientôt deux cents ans qu'un très grand esprit s'est penché sur le problème que vous soulevez, vous avez dû déjà entendre parler de lui et je suis presque sûr que vous l'aimerez. Il est vrai qu'il n'écrivait pas pour les enfants [...], mais ce qu'il avait de si aimable en lui, c'est qu'il était avant tout du parti de l'enfant comme nul ou presque n'a su l'être depuis lors. Et avant lui non plus on n'avait porté à l'enfant un tel intérêt [...]. Ne trouvez-vous pas touchant que, pour être plus sûr d'entrer en communication avec la petite fille, puis la jeune fille qu'il rêvait de modeler pour le bonheur, il ait éprouvé le besoin d'aller rêver d'elle « dans une solitude profonde et délicieuse, au milieu des bois et des eaux, au concert des oiseaux de toute espèce, au parfum de la fleur d'orange » ? Voilà un maître qui n'avait rien de rébarbatif : il s'appelait Jean-Jacques Rousseau 50.

Breton cite également un long passage d'Emile et conseille que l'on fasse dans les écoles une histoire de l'art adaptée à chaque âge de l'enfance, « dans l'atmosphère très détendue que préconise Rousseau » 51. Jean-Jacques est donc bien le philosophe de la liberté et du respect de l'individu, celui qui a su rêver la réalité pour la mieux transformer. Il est un de « ceux qui ont pris l'homme à bras le corps, l'ont sommé de se connaître en profondeur ou l'ont mis en demeure de justifier de ses propres idéaux » 52.

André Breton et les surréalistes ont, comme Delteil, une vision globale de l'oeuvre et de la personne de J.-J. Rousseau, mais il est vrai qu'ils font plus souvent allusion à l'auteur d'Emile et du Discours sur l'Inégalité qu'à celui du Contrat social. Cependant Breton ne prononce pas même à l'endroit du Contrat social le reproche d'ouvrir la voie au despotisme que lui adressaient les maurrassiens au début du siècle et que lui adressent certains critiques actuels, d'un point de vue tout opposé 53. Pour lui, l'oeuvre

49. Elisabeth Haich, Sagesse du Tarot, Dervy, Paris, 1972, p. 50. Voir aussi p. 47 à 52.

50. A. Breton, « Lettre à une petite fille d'Amérique », La Clé des Champs, p. 330-331.

51. Ibid., p. 334.

52. A. Breton, Arccane 17,U.G.E. coll. « 10/18 », Paris, 1965, p. 39.

53. L'ancien surréaliste André Thirion dénonce pourtant Le Contrat social dans son Éloge de l'Indocilité, Laffont, 1973, p. 244-246 ; mais Alain Jouffroy souhaite que les Communards aillent rejoindre au Panthéon leur ancêtre Rousseau et réalisent une image des Chants de Maldoror, De l'Individualisme révolutionnaire, U.G.E. coll. « 10/18 », Paris 1975, p. 399.


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REVUE D'HISTOIRE LITTERAIRE DE LA FRANCE

de Rousseau ne débouche pas sur une fin qui serait une révolution et l'instauration d'une société rousseauiste ; il ne saurait y avoir d'autre fin que « la connaissance de la destination éternelle de l'homme », à laquelle seule la révolution le rendra. Rousseau est une étape et un complice dans ce voyage vers la libération de l'homme total, et sa sensibilité emportée qui l'a amené à s'exprimer en traits de feu, est fort goûtée des surréalistes. Dans Le Noyau de la Comète, Benjamin Péret établit un parallèle entre Rousseau et Sade : leurs oeuvres sont antithétiques, mais elles se complètent « pour donner de l'homme une image contradictoire et réelle » 54. Et c'est cet homme qui est important pour les surréalistes : tous ceux qui ont contribué à l'émerveiller et à le libérer, à lui ouvrir les portes de la sensibilité qui illumine et de la raison qui explique, ont leur place parmi les révolutionnaires et les poètes : Rousseau, tout comme Sade, est de ceux-ci.

Dans une enquête de Médium, Breton imagine, en 1953, le cas où d'illustres visiteurs se présenteraient « Ouvrez-vous ? », demandet-il. Les réponses en ce qui concerne Rousseau, sont enthousiastes pour la plupart et traduisent parfaitement l'amour que lui portent les surréalistes :

- Oui, toutes les ombres dissipées (J.-L. Bédouin). - Oui, par grand soleil (R. Benayoun). - Oui, le coeur ébloui (A. Breton). - Oui, dans un grand mouvement affectif (Élisa Breton). - Oui, je lui offre mon jardin (Adrien Dax). - Oui, il est chez lui chez moi (G. Goldfayn), - Non, crainte d'être pris à témoin dans un procès qui ne me concerne pas (J. Grâcq). - Oui, c'est tellement simple (G. Legrand). - Oui, avec ferveur profonde et recueillement (Simon Hantaï). - Oui, et bien vivement (Wolfgang Paalen). - Oui, donnez-vous la peine d'entrer (B. Péret). - Non, je vous écrirai (José Pierre). - Oui, amicalement (B. Roger). - Oui, pour entendre le timbre de sa voix (J. Schuster). - Oui, de tout mon coeur (Annie Seghers). - Oui, dans l'espoir qu'il reste longtemps (Toyen). - Oui, de tout coeur (M. Zimbacca) 55.

Que pensa Breton des deux réponses négatives ? Quelques années auparavant, n'avait-il pas brutalisé l'éditeur Skira pour avoir parlé de Jean-Jacques sur un ton supérieur 56 ?

Rousseau apparaît de plus en plus dans les écrits surréalistes : cependant aucune étude complète n'a été faite par le groupe. On le trouve dans le Lexique succinct de l'Érotisme qui figure dans le Catalogue de l'Exposition internationale du Surréalisme : Éros en 1959. Gérard Legrand, auteur de la notice sur Jean-Jacques, le présente comme « réformateur, romancier et mémorialiste » et rappelle quelques épisodes de sa vie qui le conduisirent « à des observations erotiques d'une valeur documentaire inaltérée et dont

54. B. Péret Anthologie de l'Amour sublime, A. Michel, Paris, 1956, p. 56.

55. «Ouvrez-vous?», Médium 1 nouvelle série, novembre 1953, p. 13.

56. Cité dans Lise Deharme, Les Années perdues, Pion, Paris, 1961, p. 244.


J.-J. ROUSSEAU CHEZ LES SURRÉALISTES 77

le pathétique a grandement contribué à fonder la sensibilité moderne» 57. André Pieyre de Mandiargues exprimera le même intérêt pour l'examen de « l'homme erotique » qu'a fait Rousseau: et il notera l'actualité des Confessions dans une enquête que fit la revue belge Le Thyrse, en 196158.

Enfin, Rousseau sert de prétexte au jeu surréaliste L'Un dans l'Autre, qui consiste à créer des images poétiques par la rencontre inattendue de deux mots. Jean-Louis Bédouin est ainsi amené à se définir comme un crocodile après avoir choisi, à part lui, de s'identifier à J.-J. Rousseau. Voici le résultat :

Je suis un CROCODILE des bois qui a été beaucoup chassé. Nombre de ceux qui m'ont poursuivi ont tenté de me faire passer pour un terrible mangeur d'homme, bien que mes sentiments fussent plutôt ceux de l'oiseau qui apprend à voler à sa couvée 59.

Ce goût du jeu est aussi caractéristique des romans de Lise Deharme - « cette admiratrice de Rousseau », selon J.-L. Bédouin -, dont l'oeuvre ne cesse d'évoquer la figure du promeneur solitaire. Les héroïnes de ses livres sont de belles jeunes Jilles, amantes du plaisir et du rêve, qui promènent leurs charmes fort peu vêtues parmi les fleurs et la beauté, et qui voient sans cesse Jean-Jacques, pensent à lui, l'évoquent ou le regrettent.

Carole pense à Rousseau en passant devant le Panthéon 60 ; Pierre de La Mermotte traverse un jardin où. Jean-Jacques herborisa autrefois 61 ; Eve la Blonde aperçoit dans un nuage blanc « la silhouette de Rousseau appuyé sur la longue canne et cueillant des pervenches » 62. Cette fleur est souvent, comme chez Nerval, l'occasion de rappeler le promeneur solitaire 63 : elle est le symbole de l'innocence à laquelle conduit le rêve et elle jalonne ces chemins : où les héroïnes côtoient des jeunes gens beaux et doux, amis de la nature et de la femme, des arbres et de l'amour. Là, c'est un paysan rousseauiste qui a lu toute l'oeuvre de Rousseau que lui a prêtée son voisin 64, et qui vit en sage ; ici, ce sont de beaux amants qui peuvent seuls entrer dans les demeures du rêve.

Dans son Journal, Lise Deharme regrette la disparition de JeanJacques car peu de vivants lui donnent envie de vivre avec eux 65.

57. Lexique succinct de l'Erotisme, Losfeld, lé désordre, Paris, 1970, p. 63-64..

58. - A. Pieyre de Mandiargues, « Notre enquête sur J.-J. Rousseau », Le Thyrse, 1er mars 1961, p. 98.

59. A. Breton, L'Un dans l'Autre, Losfeld, le désordre, Paris, 1970, p. 38.

60. L. Deharme, Carole ou ce qui plaît aux filles, Jùlliard, Paris, 1961, p. 95,

61. L. Deharme, Pierre de La Mermotte, Julliard, 1962, p. 9.

62. L. Deharme, Eve la blonde, N.R.F., Paris, 1952, p. 100.

63. L. Deharme, La Marquise d'Enfer, Grasset, Paris, 1976, p. 10 et 167.

64. Ibid., p. 76-77.

65. L. Deharme, Les Années perdues, Journal, p. 221.


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Aussi ses romans évoquent-ils les grands hommes par la magie de l'imagination et de l'écriture : ils permettent à leur auteur de se retrouver avec les âmes soeurs de sa sensibilité, puisqu'ailleurs le monde est vide et que l'on ne voit plus d'hommes capables d'herboriser et de rêver comme Rousseau, de vivre comme Beckford ou Villiers de l'Isle-Adam 66. « Lorsqu'on sonne à la porte, j'attends Goethe, Jean-Jacques, Chateaubriand, Baudelaire » 67.

Lise Deharme se livre donc dans ses romans à une véritable reconstruction de l'univers, afin de le remplir de la présence de JeanJacques. Cela concerne d'abord le mobilier : ainsi Carole s'endort dans le lit du philosophe genevois 68. Puis, ce sont les maisons ellesmêmes :

Quand toutes ces histoires m'embêteront définitivement, je me ferai construire la petite maison de J.-J. Rousseau à Versailles, au milieu d'un petit pré entouré d'un minuscule ruisseau. J'y adjoindrai un bout de terrain avec quatre sapins, douze rosiers-tige, un bouleau argenté et une prairie verte avec une vache belle et fraîche, un lièvre, une chèvre blanche, un petit âne aux yeux bleus, le logis d'un grand oiseau de nuit et des poules pour avoir, ô Seigneur, mon oeuf quotidien. Tout le monde ne peut pas aimer le pain 69.

Lull, l'héroïne du roman, fait construire cette maison et réalise ce rêve pastoral, où elle vit selon sa fantaisie, libre des préjugés et de la morale du monde extérieur. Car cet endroit est hors du monde : tel le. pays des fées, c'est un lieu secret et magique où ne pénètrent que les initiés, c'est-à-dire ceux que Lull a choisis et qui ont le coeur aussi bon que Rousseau ; on n'y entre d'ailleurs pas sans un animal qui est le lien avec la nature 70.

Un épisode semblable figure aussi dans Oh ! Violette ou La Politesse des Végétaux, où l'héroïne s'est fait construire sa maison d'enfant sur les plans de celle de Jean-Jacques à Montmorency. C'est une dépendance du château de Mille Secousses où Violette vient se reposer des nuits d'orgie de ses proches. Comme celui de Lull, son domaine est un endroit merveilleux où tout respire la volupté et la douceur :

Toutes ces histoires finissaient par l'ennuyer. Elle partit vers sa petite maison Jean-Jacques Rousseau. Les plantes l'accueillirent en s'inclinant devant elle, puis elles remontèrent lentement avec des grâces amoureuses. Violette léchait leurs feuilles et les feuilles frissonnaient, elle baisait leurs fleurs. C'étaient des plantes qu'elle ne laissait soigner par personne. La petite maison vibrait d'une ardeur amoureuse. Les plantes étaient d'une politesse suprême, elles frôlaient son corps,

66. L. Deharme, La Porte à côté, N.R.F., Paris, 1949, p. 138-139.

67. L. Deharme, Laissez-moi tranquille, Jùlliard, Paris, 1959, p. 64.

68. L. Deharme, Carole, p. 118 et 138.

69. L. Deharme, Le Téléphone est mort, Losfeld, Paris, 1973, p. 148-149.

70. Ibid., p. 166.


J.-J. ROUSSEAU CHEZ LES SURRÉALISTES 79

les lianes s'enlaçaient sur ce merveilleux tuteur. Il faisait très chaud. Les plantes la déshabillèrent et, très tendres, se posèrent sur sa bouche et ses seins 7i.

Lise Deharme ne prend de Jean-Jacques que ce qu'elle aime et c'est bien plus l'auteur des Rêveries ou d'Emile que le théoricien du Contrat social qui l'émeut Elle l'associe à la sensualité de ses héroïnes sans évoquer la rigueur morale du Citoyen de Genève, car, pour elle, Jean-Jacques est surtout l'homme sensible et doux, l'amant des fleurs et des arbres, le rêveur que blessait la dure réalité du monde.

Lise Deharme donne ainsi une image surréaliste de Rousseau, et elle procède de la même façon qu'André Breton et ses amis, en voyant en Jean-Jacques un frère. Rousseau leur apparaît comme l'homme de la liberté et du rêve ; il est à la fois le révolutionnaire et l'homme sensible, mais plus que tout, il séduit les surréalistes parce qu'il a vécu ses idées et pensé sa vie : c'est « la manière dont il semble avoir accepté l'inacceptable condition humaine» 72 qui les charme. Rousseau ne fut pas un philosophe de boudoir, il vécut comme veulent vivre les surréalistes : dans la réalité, dont l'imagination, l'action, le rêve et l'inconscient ouvrent chaque jour plus grandes les portes. Les surréalistes perçoivent Rousseau d'une façon globale, comme l'exprimait Delteil. Aussi, ne faut-il pas chercher, comme pour Sade ou Fourier, d'études sur son oeuvre : ce qu'il devient dans le coeur de Breton et de ses amis est plus important que ce qu'il est Octavio Paz l'exprime parfaitement à propos du Contrat social :

Le Contrat social devient pour Breton l'accord verbal, poétique entre l'homme et la nature, la parole et la pensée 73.

Rousseau n'est pas tout entier, dans son oeuvre, il est plus que ses écrits parfois trop classiques pour les surréalistes : Péret ne le range pas parmi les chantres de l'amour sublime, mais il reconnaît qu'il ouvre aux générations suivantes des perspectives que nul autre penseur n'a su leur offrir 74. Rousseau est un phare, une figure de rêve sur le chemin qui conduit au surréalisme.

En 1969, après que Jean Schuster a annoncé la fin du mouvement historique, l'heure est au bilan, et plus que jamais, l'importance de Rousseau est signalée. Déjà, dans une interview de 1967, Schuster disait :

De Jean-Jacques Rousseau à Apollinaire, pour prendre des repères chronologiques, on pourrait brosser le tableau minutieux des frissons nouveaux qui

71. L. Deharme, Oh ! Violette ou la Politesse des Végétaux, Losfeld, Paris, 1969, p. 8990.

72. A. Breton, Les Pas perdus, N.R.F., coll. « Idées », Paris, 1970, p. 112.

73. O. Paz cité dans Surréalisme, Europe, novembre-décembre 1968, p. 93.

74. B. Péret, op. cit., p. 56.


80 REVUE D'HISTOIRE LITTÉRAIRE DE LA FRANCE

parcourent l'atmosphère intellectuelle, comme écrivait Lautréamont, et le présenter comme la nécessaire préface au surréalisme. Mais Breton - et Breton seul - a inventé l'idée surréaliste, même s'il ne l'a pas inventée de toutes pièces 75.

Ces propos, Octavio Paz les confirmait en 1970 :

Le surréalisme qui refusa tant de choses était mû par un grand vent de générosité et de foi. Parmi ses ancêtres, on ne trouve pas seulement Sade et Lautréamont, mais aussi Fourier et Rousseau. Et peut-être ce dernier est-il, du moins selon André Breton, la véritable origine du mouvement : exaltation de la passion, confiance sans limités dans les pouvoirs naturels de l'homme 76.

Que Rousseau ne soit pas ce chantre de la passion et qu'il ait montré parfois des réserves quant à sa confiance en l'homme, importe peu. Son oeuvre se prolonge dans ses continuateurs ou dans ceux qui croient l'être, dans leurs rêves ou dans leurs désirs. Pour Breton, le surréalisme a fondé une mythologie nouvelle, et Rousseau devient pour lui un mythe, créateur de nouveaux élans et d'une nouvelle vie. C'est cette image surréelle de Rousseau, au-delà du sujet froid et figé d'une étude raisonnée, qu'ont prônée les surréalistes. « L'imagination est ce qui tend à devenir réel », disait Breton dans Le Revolver à Cheveux blancs et le Rousseau mythique, tout chargé de l'imagination des surréalistes, est devenu réalité nouvelle, moteurs d'autres rêves et point de départ d'autres actions révolutionnaires. Comme le dit si bien Pierre Mabille : « Un mouvement dialectique constant s'opère entre le rêve et la réalité. Si la légende se crée autour des héros, à leur tour, les héros s'incarnent à partir des légendes » 77.

TANGUY L'AMINOT .

75. J. Schuster, Archives 57/68, Losfeld, Paris, 1969, p. 129.

76. O. Paz, « Le cinéma philosophique de Bunuel », Surréalisme international, Opus 19-20, octobre 1970, p. 98.

77. P. Mabille, Le Miroir du Merveilleux, Éditions de Minuit, Paris, 1977, p. 51.


NOTES ET DOCUMENTS

UN AIR « ECOSSAIS » DANS LA VIE

DE MADAME DE STAËL

EXTRAITS INÉDITS DU «JOURNAL»

DE LORD JOHN CAMPBELL 1

La publication récente, par Béatrice W. Jasinski, du tome IV, 2e partie de la Correspondance générale de Mme de Staël (« Lettres d'une Républicaine sous le Consulat- 16 décembre 1800-31 juillet 1803 », Pauvert, 1978) à de nouveau attiré l'attention sur l'épisode romanesque des printemps-été 1803, dont les principaux personnages furent Mme de Staël, lord John Douglas Campbell,

1. Un travail comme celui-ci ne saurait aboutir sans l'intérêt et là collaboration désintéressée de plusieurs personnes. Nous remercions en particulier le professeur. Dr. William Beattie, ancien directeur honoraire de l'Institute for Advanced Studies in the Humânities, University of Edinburgh, qui ouvrit la voie à nos recherches dès 1977, nous accueillit aimablement l'été de 1979, et fit tout pour nous faciliter la tâche ; John K, Bâtes, Esq., conservateur archiviste chargé du National Register of Archives (Scptland), West Register Hôuse, Edinburgh, qui mit ses collaboratrices,.Dr. Frances J. Shaw et Miss Margaret D. Young, à notre entière disposition et maintes fois nous sortit d'embarras par ses vastes, connaissances. Nous remercions également le professeur Robert N. Smart, ; Keeper of the Muniments, University of St Andrews, de sa précieuse collaboration.

Notre étude n'aurait pu être menée à bien sans la thèse de Victor de Pange, Madame de Staël and HerÉnglish Correspondents (Oxford, 1955, M.S. D. Phil. d. 1641 & 1642 ; texte dactylôgr. en 2 vol), dont l'auteur nous a très aimablement autorisée à reproduire certains, textes inédits (en compléments, dans un article, à paraître), ni sans le «Journal » inédit de Ferdinand Ghristin (Coll. Othenin d'Hausspnville, Archives de Coppet), dont nous sommes heureuses de pouvoir citer certains extraits, Que tous deux trouvent ici l'assurance renouvelée de notre vive gratitude.

L'ample -documentation mise en osuvre dans ce travail est due, en grande partie, à la Bibliothèque Publique et Universitaire de Genève. Il nous est agréable de remercier MM. Philippe M. Monnier, conservateur du Cabinet des Manuscrits, et Daniel Ryser, chargé de recherche, Nous ne saurions oublier ni la Bibliothèque Robert Frost d'Amherst Collège, ni la National Library of Scotland, dont les responsables ont répondu inlassablement et , toujours, avec humour à nos demandes.

A Ian Campbell, XIIe duc d'Argyll, enfin, nous adressons nos hommages très, reconnaissants.

Le manuscrit se présente sous la forme d'un journal à couverture de cuir daim brun clair, avec serrure et poche intérieure, pages de garde marbrées, vert, brun, rose et noir. La frise dorée, sûr les plats, est presque entièrement effacée. Inscrite à la plume,.figure sur la couverture la devise des Ducs d'Argyll, « Ne Obliviscaris », avec les initiales J D C, et la date de 1803.

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troisième fils du Ve duc d'Argyll et futur VIIe duc de ce nom 2 et le Dr Robert Robertson 3 son compagnon de voyage et médecin privé. Le document que l'on va lire complète et amplifie le sujet tel qu'il est exposé dans la Correspondance générale (par la suite, abrégé en CG) : il ne fait aucun doute que, pour tout historien littéraire soucieux d'approcher le plus possible de la vérité des faits, voire des sentiments, ces deux documents vont de pair.

Les extraits inédits du « Journal » de lord John que nous présentons ici grâce à l'obligeance du présent duc d'Argyll, vont du 31 mars au 3 août 1803, de l'arrivée à Genève de lord John et Robert Robertson, à leurs retrouvailles inespérées à Vienne 4.

Les relations de Mme de Staël avec lord John Campbell, futur VIIe duc d'Argyll, ont un intérêt non seulement biographique mais littéraire : le noble Écossais va, en effet, servir de modèle principal pour Oswald, lord Nelvil, dans Corinne (1807). Dans le cadre du présent travail, l'évidence sur laquelle nous appuyons notre interprétation constitue une partie de notre introduction au « Journal » de lord John. Intimement liés à l'aspect littéraire de

2. Voir Ian G. Lindsay & Mary Cosh, Inveraray and The Dukes of Argyïl, Edinburgh U.P., 1973 ; Sir James Balfour Paul, éd., The Scots Peerage, Edinburgh, David Douglas, 1904, t. I, p. 388-389 (XVI. et VII., art. Campbell, John Douglas Edward Henry) ; James Taylor, The Great Historié Familles of Scotland, London, J.S. Virtue & Co., 1887, t I, p. 257 ; Neil Grant enfin, The Campbells of Argyll, London, Franklin Watts, p. 79-80. Il était bien le troisième fils de John, Ve duc d'Argyll, le premier-né George John, comte de Campbell, étant mort en bas âge (17 février 1763-12 juillet 1764). Il succédera à son frère, George William, VIe duc d'Argyll, qui mourra sans postérité le 22 octobre 1839.

3. Il a été identifié par A. Gillies, « Madame de Staël's « Cher Robert » », The Modem Language Review, 63, n° 1, janvier 1968, p. 54-56. Voir aussi James Paterson, History of the Countries of Ayr and Wigton, Edinburgh, James Stillie, 1863, t. III, pt ii, p. 513-514. Catherine Wilmot le décrit comme « not only distinguish'd for his abilities, but one of the most benevolent, excellent dispositions in the world. He is about nine and twenty [en réalité, 28, étant né en 1775], tall and large, with a black complexion, and intellectual countenance ». An Irish Peer on the Continent, 1801-1803, Being a Narrative of thé Tour of Stephen, Second Earl Mount Cashell, through France, Italy, etc., p.p. Thomas U. Sadleir, London, Williams and Norgate, 1920, p. 220. George Douglas Campbell, vnr duc d'Argyll, le décrit comme « a man of most amiable character, of considérable scientific attainments, and of great charm of countenance and manners »... « whose good looks, graceful manners, and charming voice were well calculated to attract [Mme de Staël's] wellknown susceptibilities ». Cf. Autobiography and Memoirs, p.p. The Dowager Ina, Duchess of Argyll, London, John Murray, 2 vol., 1906, t I, p. 33, 38.

4. Comme le souligne Mme Jasinski, en notes et dans son commentaire critique, le « Journal » est inédit (cf. CG, n. 2, p. 620 ; n. 4, p. 626 ; n. 2, p. 627 ; n. 6, p. 630 ; n. 8, p. 631 ; p. 632, texte, et p. 633, n. 7). Mme Jasinski se base sur une copie du texte original provenant de M. Stephen Bann pour reconstituer l'épisode de 1803, ce texte ayant par ailleurs servi à ce dernier pour sa thèse « Prosper de Barante : The Intellectual Biography of a Histôrian », Ph. D. King's Collège, Cambridge, March 1967 ; ment, dans l'Index to Thèses accepted for Higher Degrees in the Universities of Great Britain and Ireland, v. XVII, 1966-1967, p. 30, n° 636 ; texte dactylographié, cf. notamment p. 46 (n. 3) ; 53-54, et n. corr. ; p. 75 (et n. corr.) ; 77 (et n. 2, av. une certaine réserve). Quelques courts extraits figurent dans l'Autobiography and Memoirs de George Douglas, VIIIe duc d'Argyll (I, p. 34, 34-35 ; 37-38 : présentation à Mme de Staël et brève description de celle-ci ; p. 38 : anecdote plaisante sur la musique écossaise - voir plus loin, dans le texte), servant essentiellement à rendre plus vivante la narration du séjour de Campbell et Robertson à Paris et en Suisse. Le manuscrit intégral du « Journal » comprend cent quarante pages autographes.


NOTES ET DOCUMENTS 83

l'influence de Campbell sur le futur auteur de Corinne, il nous faut relever en outre les sentiments d'attachement passionné que devait éprouver Mme de Staël pour Campbell lui-même, sentiments dont la nature exacte a été, à plus d'une reprise, discutée par la critique.

Après la paix d'Amiens signée en mars 1802, les Anglo-Saxons furent nombreux à se répandre sur le Continent et à se diriger vers Paris, dont le séjour leur avait été interdit depuis dix ans. Lord John, qui tentait d'échapper à un mariage malheureux contracté le 3 août 1802, se trouvait parmi eux 5. La trêve allait être de courte durée. La rupture des relations diplomatiques entre la France et l'Angleterre, en mai 1803, et le décret du Premier Consul ordonnant l'arrestation des sujets britanniques âgés de dix-huit à soixante ans (c'est-à-dire en âge de porter les armes contre la France) sèment la panique parmi les Anglais et Écossais séjournant à Genève, alors territoire français 6. Sur les instances de Mme de Staël, les deux étrangers dont elle avait fait la connaissance à Genève, le 16 avril, se réfugient à Coppet, du 28 mai au 4 juin, et du 19 au 25 juin 7. Robertson, qui éprouve un intérêt passionné bien que fugitif pour Mme de Staël, revient seul à Coppet, pressé par elle, et y séjourne une dernière fois, du 3 au 5 ou 6 juillet Ils ne devaient plus jamais se revoir 8.

Face à Campbell et Robertson, on conviendra à tout le moins de la complexité, de la confusion même, des sentiments de Mme de Staël.

5. The Scots Peerage, p. 388 ; Autobiography and Memoirs, I, p. 33. Il avait épousé Elizabeth, la fille aînée de William Campbell de Fairfield, qui mourra sans postérité, le 9 décembre 1818.

6. Sur les rapports entre les Anglais et les Suisses, nous renvoyons le lecteur aux indispensables travaux de sir Gavin R. de Béer, en particulier à « Neuchâtel : Refuge .d'Anglais sous Napoléon», Musée neuchâtelois, janvier-mars 1964, p. 13-20. Nous remercions Mlle Christiane Ruder, Bibliothèque Cantonale et Universitaire de Lausanne, dé nous avoir aimablement procuré cet article. De Gavin de Béer, voir aussi « Henry Cazenove : A Narrative in Two Parts : Written in 1812 », et « Henry Cazenove », Notes and Queries, London, 3 April 1948, CXCIII, p. 143-145 et 28 April 1951, CXCVI, p. 188189, respectivement ; « Madame de Staël et les Anglais », Genava, as., xv, 1967, p. 161189. On consultera également Cilette Blanc, « Les Relations de Genève avec l'Angleterre pendant l'occupation française, 1798-1814», v. II d'un mémoire présenté pour le Prix : Robert H.arvey, Univ. de Genève, décembre 1946 (BPU, 56/12), texte dactylographié.

7. Il est difficile de dire jusqu'à quel point Mme de Staël était « de bonne foi » en conseillant à ses nouveaux amis de venir se réfugier à Coppet La complexité de ses motivations est indéniable, vu l'attirance qu'elle ressent pour les deux Écossais et le plaisir qu'elle éprouve en leur société (voir, à ce propos, Gavin de Béer, « Neuchâtel... », art. cité, p. 14, et M me Jasinski, n. l,p. 654, de même que le « Journal » de lord John, à la date du 27 mai). '

8. Début juillet, lors de l'arrestation inopinée de Robertson par un officier français, à Baden près Zurich, Marie-Charlotte Delachaux (voir n. 48 pour son identification) jouera un rôle de toute première importance dans la fuite rocambolesque de lord John hors territoire helvétique. C'est grâce à la généreuse intervention de Mme de Staëlet de M. Freudenreich (voir n. 48) auprès du général Ney que Robertson sera relâché. A l'arrièreplan se situent un certain MacCuIloch du comté de Fife, en bordure de la mer du Nord, personnage que nous pensons avoir enfin identifié, dont la violence des sentiments pour Mme de Staël ne laissait de l'effrayer, et Ferdinand Christin (1763-1837), personnalité assez controversée, originaire d'Yverdon, conseiller de cour du tzar Alexandre près le Premier Consul et protégé du comte de Marcoff, lui aussi amoureux de Mme de Staël (voir n. 106).


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Une lecture attentive des lettres de Mme de Staël à John Campbell contenues dans le dossier Ms. fr. 1801 (Bibliothèque Publique et Universitaire de Genève) 9 révèle sa passion pour Robertson (il ne fait aucun doute qu'elle l'aima d'amour, pour reprendre l'expression de Mme Jasinski, CG, p. 616, et qu'elle fut cruellement déçue lorsqu'il quitta la Suisse inopinément, mais révèle aussi un sentiment vif pour Campbell, dépassant nettement les bornes d'une banale amitié de passage. Sentiment que Mme de Staël ne s'aventure à formuler qu'à moitié, retenue d'un côté par une certaine gêne causée par ses rapports avec Robertson et de l'autre, par l'attitude réservée du lord à son égard (les lettres de Campbell faisant défaut, nous en sommes réduits à extraire certains indices des réponses de Mme de Staël) : « Vous interdisez ce que vous appelez des louanges », lui mande-t-elle après son départ définitif, « mais n'interdisez pas les expressions de l'attachement, et pardonnez à mon caractère sa vivacité extérieure, puisqu'on fond du coeur il reste encore des sentiments que je retiens » (Coppet, ce mercredi matin [6 juillet 1803], CG, p. 641, f° 3a, souligné par nous). Si l'on remonte au début des relations de Mme de Staël et de Campbell en se penchant maintenant sur le « Journal » de ce dernier, on découvrira la même réserve chez Campbell à l'endroit de Mme de Staël (on a l'impression que le timide jeune homme tient à garder ses distances jusque dans son journal intimé) et la même gêne, teintée ici d'irritation, chez Mme de Staël face à Campbell : « May 9th : [...] After dinner she conver9.

conver9. 1801/1 : Germaine de Staël : 15 lettres et billet a. s. et n. s. à Sir John Campbell - Yverdon, Coppet, Saint-Brice, près Paris, Coppet, Genève, Stockholm, [30] juin 1803-20 mai 1813 ; 1 lettre a. n. s. à Robertson - Weimar, 2 janvier 1804, la seule qui soit rescapée de l'oubli ou de la destruction. Au total, 31 fos numérotés 1 à 31 +7 enveloppes, dont 4 seulement sont de la graphie de Mme de Staël, les 3 autres nous paraissant bien être de la main de Louis de Saussure de Morges. Ms.fr. 1801/2 : Copie dactyl. des lettres de Mme de Staël à John Campbell et Robertson, 14 fos numérotés 1 à 14, contenant certaines erreurs et imprécisions dues à une lecture parfois fautive dés originaux ; notes concernant ces lettres, 7 fos num. 1 à 7, dont la description imprimée du lot des autogr. de Mme de Staël et M. et Mme Louis de Saussure de Morges : n° 128, cat vente Rauch n° 16, 1957. Ms.fr. 1801/3 : Saussure de Morges, M. et Mme Louis de : 9 lettres a. s. et n. s. à Sir John Campbell - Lausanne, Genève, 12 septembre 1797-18 avril 1806, 17 feuillets num. 1 à 17. Ms.fr. 1801/4 : Germain de Staël : « Chanson des paysans suisses », copie de la main de sa fille Albertine. Le papier porte en filigrane : « Ivy Mill 1815 » ; 2 fos. Mention de la main de John Campbell : « Words of Madame de Staels Song ».

Le lot des autogr. de Mme de Staël, tel qu'il figurait dans le- cat de vente Rauch au moment de son acquisition par la Bibliothèque Publique et Universitaire de Genève en 1957, comprenait 14 1. a., dont 13 à Sir John Campbell et 1 à Robert Robertson, alors que le dossier actuel contient 16 autogr. Cette différence s'explique d'une part du fait que Rauch avait incorporé le billet daté du 25 juillet à la lettre (n° 1, dans le cat) du 24 juillet [1803], alors qu'il est justifié de le considérer séparément (cf. CG, IV, 2, p. 659). D'autre part, la dernière lettre de Mme de Staël à sir John, Stockholm, 20 mai 1813, ne figurant pas dans le lot original, cet a. aura dû être ajouté après coup (voir plus loin, n. 23). Une lettre a. s. de Louis de Saussure de Morges, Lausanne, 12 7b 1797, de même que la « Chanson des paysans suisses», auront également été incorporées au dossier original après 1957.

Tous les textes de la CG ont été revus sur les autogr. originaux contenus dans le doss. Ms. fr. 1801.


NOTES ET DOCUMENTS 85

sed a good deal with Robertson and told me that my shyness and reserve was quite infectious and that with me she always felt that mauvais [sic] honte in some degree, which she observ[s ? d ?] in me» (ms. autogr., f° 75). « Mauvais[e] honte», ou culpabilité, entraînée par sa liaison avec Robertson qui semble s'ébaucher, mais aussi frustration de ne pas arriver à vaincre la timidité et la réserve du lordI 0.

L'examen approfondi des lettres de Mme de Staël à lord John révèle en outre que la jeune femme, dans son trouble, semble placer sur le même plan Robertson et Campbell. Sous des formes variées, c'est le même motif obsessionnel qui fait surface au niveau conscient de l'écriture : les « deux Anglais auxquels [elle s'] intéresse beaucoup », selon la formule la moins compromettante qu'elle trouve pour écrire à Meister, vieil ami de Necker (CG, p. 640), sont l'un et l'autre nécessaires à son bonheur 11. Il importe de citer les manifestations les plus saillantes de ce phénomène de confusion.

Par ordre chronologique : « J'ai un dégoût de toute autre société que la vôtre à tous deux, qui ne vaut rien pour mon bonheur. Je serai bien aise si vous m'envoyez Robertson pour ces deux jours, mais je penserai sans cesse à vous en causant avec lui » (Yverdon, à minuit ce jeudi [30 juin 1803], CG, p. 638, f° 2a) ; « quand j'ai quitté Neuchâtel, je confondais dans mes regrets et dans mon coeur les deux amis à qui je devais des jours si heureux au milieu de ma triste et monotone destinée. Vingt fois pendant les deux jours que Robertson vient de me donner je vous ai cherché je vous ai demandé, et comme Albertine je disais « Mais pourquoi donc lord John n'est-il pas là ? » » (Coppet, ce mercredi matin [6 juillet 1803], CG, p. 641, f° 3a) ; « Ce que je sais, c'est que j'ai dû sans doute exprimer un regret affreux de la perte de votre société et de celle de Rfobertson], car il y a dans votre caractère et dans votre esprit à tous les deux un genre de charme qui m'a fait éprouver un bonheur parfait.. » (C[oppet], ce 23 juillet [1803], CG, p. 652, f° lia) 12 ;

10. Cette même gêne, se retrouve, déguisée en flatterie qui pourrait sembler excessive (à lord John : « Je croirai toujours ce que vous déciderez meilleur que ce que je propose : vous m'avez profondément convaincue que personne .ne vous surpassait en délicatesse et en . bonté, et je me mets moi-même au nombre de ceux qui valent moins que vous », CG, p. 636, P la), ou encore trahie par une sensibilité extrême («Quoi qu'en puisse dire Robertson, rhy dear lord, j'ai craint de trouver dans votre lettre une nuance de froideur pour moi, et je m'en suis tourmentée», CG, p. 641, P 3a) - à propos du «projet de Coppet », du retour de Robertson seul à Coppet, que Campbell ne semble pas avoir tout à fait goûté : le « Journal » relate froidement les faits, sans rien y ajouter.

11. Cf. Lettres inédites de Mme de Staël à Henri Meister, p.p. Paul Ustéri et Eugène Ritter, Paris, Hachette, 1903, p. ,180 (lettre du 5 juillet [1803]). Preuve en est qu'elle écrit à Campbell et Robertson simultanément, parfois sous le même couvert, et qu'elle envoie à Robertson, par l'intermédiaire de Campbell, des vers écrits par elle dans sa jeunesse, que le premier lui avait réclamés à plusieurs reprises (CG, p. 658, P 15b).

12. A Meister, elle écrira (29 juin) en lui recommandant ses amis : « Tous les deux ont ce-charme dans les manières que nous avons perdu en. France, et qu'il est si doux de retrouver » (Lettres inédites... à Henri Meister, p. 179 ; CG, p. 635) ; 23 juillet, même thème, mais plus développé : « J'étais bien convaincue avant de vous connaître qu'il était possible de me plaire, de m'intéresser, mais non pas de me rendre la vie tout à fait douce. Mon âme naturellement agitée n'a trouvé du calme qu'auprès de vous. Dix ans de


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REVUE D'HISTOIRE LITTERAIRE DE LA FRANCE

même lettre, plus loin (CG, f° 652, f°. 11b) : « Vous avez produit sur mes enfants, tous les deux, un effet qui me prouve combien mes sentiments sont naturels... » 13. « Car je vous le répète », insiste-t-elle, « dans toutes les situations de mon âme le sentiment que R[obertson] m'a montré a créé dans moi un intérêt vif pour lui, mais votre bonheur m'est aussi nécessaire que le sien» (ce 24 juillet [1803], CG, p. 656, f° 14a). (Faisons remarquer, en passant, ce « mais votre bonheur m'est aussi nécessaire que le sien », alors qu'elle brûle peutêtre d'envie de lui avouer ; « mais j'éprouve un intérêt tout aussi vif pour vous que pour Robertson »). « Ah ! pourquoi vous ai-je connus ? » s'écrie-t-elle de désespoir, « je n'ai de ma vie tant souffert que depuis quelques jours » (même lettre, CG, p. 659, f° 15b ; vérifié et souligné par nous)14.

Ce processus de fusion se résume en une image frappante, souvenir peut-être de l'épisode d'Yverdon (« Journal », June 26th ; CG, p. 635) : « Ah ! que je serai heureuse si je vous persuade, si je revois dans une auberge encore les têtes blonde [de C] et noire [de R.] m'accueillant à la fenêtre ! » (C[oppet], ce 23 juillet [ 1803], CG, p. 654, f° 13b). Synthèse psychologique dont il appartient au lecteur de se demander si vraiment elle relève de l'inconscient ou si, au contraire, l'habile amoureuse a trouvé ce moyen d'atténuer aux yeux de Campbell ses sentiments passionnés pour Robertson. Nous pensons que l'un n'exclut pas l'autre.

Considérées dans leur ensemble, les lettres de Mme de Staël à lord Campbell trahissent (surtout après la terrible nouvelle de la fuite de Robertson) un désarroi sentimental profond (« J'ai brouillé toutes les dates ; [et cette belle formule :] je ne savais plus où on était ni le mois de la vie », 24 juillet [1803], CG, p. 659, f° 14a,post-scriptum, en haut du premier feuillet), d'où la nécessité, pour tout critique, de tenter de faire un peu le jour dans cette « confusion de sentiment » (l'expression, rapportée par MacCulloch, est de Mme de Staël ellemême ; CG, n. 5, p. 658, et Archives Nationales, Paris, Fonds Christin, F76354B, doss. 7329 : transcr.-trad., de l'angl. en français, de la lettre a de MacCulloch à Christin, Lausanne, July 16th, 1803 [il manque 1 p. à l'original]) qui caractérise la période 1803-1804 en général, période essentielle, comme on sait, pour la genèse de

révolution m'avaient fait mépriser [dans l'interligne, au-dessus d'« estimer », biffé] les hommes, et vous m'avez rendu ce que j'éprouvais à vingt ans : l'estime et la confiance » (CG, p. 652, f° 11a).

13. Ce « tous les deux » se rapporterait plutôt, d'après nous, à Campbell et Robertson car plus haut, même lettre, nous venons de le voir, ne dit-elle pas « dans votre caractère et dans votre esprit à tous les deux » en pensant à ses amis sans ambiguïté aucune (souligné par nous ; cf. CG, n. 3, p. 652).

14. Autre manifestation explicite de cette fusion : « vous dînerez chez vous, et en bonne housekeeper je ferai que vous ne soyez pas volés, et vous souperez tous les soirs chez moi, car j'aurai une maison à quatre pas de la vôtre » (projet d'Ouchy, CG, p. 643, P 5a, vérifié et souligné par nous). Relevons en passant une des lignes de force de Corinne, qui déjà apparaît dans la correspondance de Mme de Staël avec lord John (lettre du [6 juillet], CG, p. 641, P 3b) : « Je veux avoir du courage, mais de toutes les peines de la vie. la plus difficile à supporter, c'est la séparation ; et c'est pour cela qu'il est si fou de laisser gagner ses affections par des étrangers ».


NOTES ET DOCUMENTS

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Corinne. Dans le langage épistolaire dont elle use avec le noble Écossais, cette confusion affective, en partie volontaire, on vient dé le voir, se manifeste fréquemment par l'ambiguïté du « vous» (ce pourrait être dans une certaine mesure, l'influence du «you» anglais), procédé lui aussi à demi-conscient, assurément, chez l'amante soucieuse de bienséance, et de minimiser sa déraisonnable passion pour Robertson face au trop parfait lord John, mais désireuse aussi de laisser entrevoir à Campbell sa « tendre amitié » pour lui. « J'ai été bien heureuse en revoyant Robertson dimanche, lui écrit-elle le lendemain, ou peut-être le jour même du départ de ce dernier [6 juillet 1803]. Je me suis fait dans ce moment une illusion presque complète sur l'avenir, mais à présent il est retombé sur mon coeur, cet avenir qui me sépare de vous, cet avenir qui me sépare d'une société si en harmonie avec mes idées et mes sentiments qu'il me semble que depuis longtemps je vous aimais et que je n'ai fait que vous reconnaître » (CG, p. 641, fos 3 a & b). Faute d'espace, nous nous en tiendrons à cet exemple frappant en lui-même de manipulation de la logique 15.

Si l'idylle s'ébaucha avec le médecin et non avec le lord (CG, p. 616, 633-634, et «Journal »), si Mme de Staël déploya toute son ingéniosité et sa persuasion pour forcer Robertson à faire demi-tour (à lord Campbell : « J'ai donc eu l'idée que peut-être M. Robertson pourrait vous laisser aller seul à Lucerne, et suivre le projet de Coppet, où je lui rémettrais lettres et nouvelles pour vous s'il y en avait », Yverdon, à minuit ce jeudi [30 juin 1803], CG, p. 636, f° la) ; s'il est également vrai qu'elle aima Robertson au point d'être prête à se plier à lui pour toujours (CG, p. 650, f° 9b, lettre d'explication capitale, datée du 22 juillet) 15, si enfin elle garde des sentiments pour son « cher Robert » malgré sa trahison, il n'en demeure pas moins vrai qu'en contrepoint, elle laisse entrevoir à Campbell, et pour lui seul, des sentiments réprimés, un amour frustré (« pardonnez à mon caractère sa vivacité extérieure, puisqu'au fond du coeur il reste encore des sentiments que je retiens », CG, p. 641, f°3a,passage citéplus haut) 17.

L'immense déception entraînée par là « mobilité » de Robertson brise l'illusion qu'elle conservait sur l'avenir, rompt le charme de cette existence toute poétique qu'elle vient de vivre (« je ne sais pas ce qu'on ne ferait pas pour rejoindre ceux qui ont le talent magique

15. Il y en a de nombreux autres. Notons au passage la notion romantique de l'âme soeur, évoquée ici, et qui se fait explicite, un peu plus loin, même lettre (CG, p. 641, P 3b) : « Si l'amitié d'une soeur vous est nécessaire, revenez me trouver : partout et toujours, mes affections les plus sincères et les plus tendres vous attendent».

16. Par courrier spécial, elle avait même informé Robertson qu'elle était prête à le suivre en captivité, dans quelque ville française que ce fût, Verdun, Fontainebleau, Bitche (cf. CG, p. 650, f° 9a).

17. « Jamais, jamais, si vous vous souvenez de moi, je ne cesserai de vous aimer », lui écrivait-elle déjà le 130 juin]; cf. CG, p. 638, f° 2a. Puis, le 23 juillet (CG, p. 654, f° 12b): « Ah ! my dear lord, attendez-moi. Je vous aime tous les jours plus ». L'ensemble des lettres de Mme de Staël à Campbell constitue bien la « Correspondance passionnée d'une idylle manquée » (cf. cat BPU, Genève, « Autogr.: genevois », art. Staël, Mme de).


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de vous rendre heureux », CG, p. 652, P lia, 23 juillet), remet tout en question dans son esprit : blessée à vif par l'ingratitude de Robertson, le beau parleur, n'est-il pas humain qu'elle se tourne maintenant vers lord John, qu'elle n'a jamais cessé d'admirer ? Pourquoi ne tenterait-elle pas une ultime fois de vaincre sa réserve obstinée ? La magicienne de la parole sait aussi manier la plume. Que l'on prenne la peine de relire les lettres qui vont maintenant se succéder, jour après jour (dès le 22 juillet ; CG, p. 649, f° 9a, et suiv.), l'on ne pourra nier les accents passionnés, les soupirs de regret, ou encore les cajoleries de l'amoureuse qui espère un revirement du destin. Le 22 juillet, elle juge tout d'abord nécessaire de donner à lord John une explication de ses sentiments pour Robertson, confession qui se poursuit en un aveu de son amour réprimé pour Campbell : « Vous voyez avec quelle franchise je vous parle, my dear lord. J'ai une telle estime pour votre caractère, j'ai si profondément senti que si vous m'aviez aimée je vous aurais aimé, que je vous montre sans aucune crainte [dans l'interligne, au-dessus de « peine », barré] ce que toute autre femme cacherait, et j'ose compter que le marquis de Lorne [frère aîné de lord John] lui-même ne verra jamais une seule de mes lettres à vous, ne saura jamais par vous que j'ai regretté si cruellement d'être séparée d'un homme [R.] que les circonstances éloignaient autant de moi » (CG, p. 650, P 9b)l 8. Elle lui propose qu'ils se retrouvent à Stuttgart, laisse entendre qu'elle aimerait lui confier son fils aîné Auguste, qu'elle désire voir poursuivre ses études à Edimbourg, puis, revenant à sa première pensée : « J'ai droit à être crue, my dear lord, quand je vous exprime des sentiments que toute autre cacherait, quand je les exprime dans un moment où l'amour-propre des femmes communes serait blessé. Je vous dis donc, déclare-t-elle enfin, que vous revoir me fera autant de plaisir que de revoir Robertson » (CG, p. 651, fos 10a & b). Le lendemain, 23 juillet, elle reprend la plume : « J'ai un peu de honte, my dear lord, de la dernière lettre que je vous ai écrite, et je vous prie de la brûler. [....] Pardonnez donc, et faites mieux : oubliez et brûlez une lettre à laquelle je ne puis penser sans beaucoup d'embarras » (CG, p. 651, f° lia). « My dear lord, quand je reçois des lettres ou des compliments, savez-vous quel est mon premier mouvement ? L'espoir que je vaux assez pour que ma parfaite amitié pour vous soit de quelque chose dans le bonheur de votre vie ; et je suis tentée, comme Don Quichotte, d'obliger tous ceux qui me louent à vous aller dire que je vous aime et que vous devez m'aimer » (CG, p. 653, P 12a). Deux phrases plus loin, elle se

18. Une autre ligne de force de Corinne, celle du particularisme national, a probablement ici son point de départ et se trouve renforcée par la complexité des relations entre Mme de Staël et lord John : «Adieu, lui écrit-elle; conservez de l'estime et de l'affection pour une personne dont les manières diffèrent des vôtres, mais dont le coeur vous ressemble » (CG, p. 642, P 4â). Et encore (CG, p. 645, P 8a) : « Si vous revenez, il me semble que, d'une manière ou d'une autre, nous ne serons plus aussi complètement séparés ». « Et j'espère que, tous les jours plus accoutumé à moi, mon amitié aura pour vous autant de charme que la vôtre en a pour moi » (projet de Lausanne, CG, p. 643, P 5b).


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fait câline : « Je vous en prie, souvent quelques lignes à la fin de votre journal [Robertson lui avait probablement confié que sir John en tenait un]. Mettez sur un petit papier «je vous aime, je me porte bien » et, s'il se peut, « Je vous attends là, tel jour ». Voilà des lignes qui feront plus de bien que toute la puissance consulaire n'en pourra jamais produire» (CG, p. 653, f° 12b). « Ah ! my dear lord, attendez-moi. Je vous aime tous les jours plus. Il y a des trésors dans votre âme que je vous découvrirai à vous-même, et vous redeviendrez heureux en sentant mieux tout ce que vous valez. Écrivez-moi, écrivez-moi : jamais vous n'aurez causé un plus doux sentiment à personne » (CG, p. 654, P 12b). Le 24, elle n'a toujours pas oublié sa lettre-confession : « J'ai besoin encore une fois, my dear lord, de vous prier d'oublier et d'anéantir [le mot est fort] la lettre que je vous ai écrite le jour où j'appris la nouvelle du départ de R[obertson]. Je n'y puis penser sans rougir, et j'y pense sans cesse... » (CG, p. 655, P 14a) 19. Puis, elle échafaude d'autres projets de réunion, « Stuttgart dans quinze jours ou Francfort dans six semaines » (Cg, p. 656, P 14b), puis c'est la nostalgie des jours de fête de Coppet qui l'envahit : « la dernière fois que j'ai dansé en vous rappelant lady Augusta [soeur aînée de lord John] est, je n'en doute pas, le dernier jour de ma vie d'illusion, la dernière heure de cette existence animée qui, en finissant, commence la mort » (CG, p. 656, P 14b). « N'oubliez pas que j'ai été [ « ai été » en surcharge sur « suis »] aimable et gaie avec vous » (CG, p. 656, P 14b). Un feuillet plus loin, pourquoi pas Munich? ou Carlsruhe ? «Décidez et simplement écrivez le nom de la ville et la date du jour : j'y serai » (CG, p. 658, P 15b). En secondpost-scriptum : « Pourquoi n'iriezvous pas à Constance ? » (CG, p. 659, P 15a, au hautde la p.) 20.

Mme de Staël poursuit sa chimère (Coppet, 2 août [1803], Ms. fr. 1801/1, P 17a & b, 18a), propose à lord John Constance, Stuttgart, ou Tubingen, sur la route de Francfort, s'il se décide à rentrer en Angleterre. « Mais le second de mes projets m'est bien plus doux. Restez à Vienne jusqu'au quinze d'octobre ou à Venise si Vienne vous ennuyé et soyez le 1er de novembre à Francfort sur le Main, à une journée de Strasbourg » (P 17a). De là, ils pourraient aller passer l'hiver « où vous voudrez, y compris Stockolm [...]. Cet hiver, que j'aimerais à le passer tout entier à Berlin avec vous, ou partout ailleurs, à Venise, en Italie, à Vienne même » (P 17b). Le 5 août, elle commence à craindre que lord John ne l'oublie (P 19a) ; sera-ce « le 1er septembre pour deux jours à Tubingen ou Stuttgart, ou le 1er novembre à Francfort, partant de là pour passer l'hiver à Berlin » ? (P 20a).

19. Il est évident que pour l'époque, Mme de Staël agissait en femme tout à fait émancipée ; elle le sait et craint d'avoir froissé Campbell. Le problème féministe se superpose à celui du particularisme national (cf. n. précédente), car la conception de la femme idéale chez Campbell, un Anglais, ne l'oublions pas, était loin de s'accorder avec - celle de Mme de Staël (cf. CG, p. 655, P 14a). Tout cela refera surface dans Corinne.

20. Cette dernière ville avait été suggérée par Necker (CG, p. 654, P 13a).


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Soudainement, la cruelle réalité l'emporte (Coppet, 9 septembre [ 1803], fos 21a & b, 22a) : « Je vous écris donc à Londres, my dear lord, et qui sait à présent quand je vous reverrai 21 ! C'est une terrible barrière que cette mer, et si elle sauve votre indépendance, elle met un cruel obstacle entre nous. [...] J'espère que vous me répondrez, j'espère que vous ne laisserez pas t[om]ber [une partie du mot est effacée mais nous déchiffrons bien « tomber »] nos rapports ensemble. Une fois nous nous réunirons, car je vous aime, et j'irai vous chercher dès que je le pourrai, sans déchirer mes liens naturels » (P 21a). [...] « Vous n'avez jamais voulu m'ouvrir votre coeur ; et j'ai toujours senti que mon attachement pour vous m'en rendait digne. Moi je n'ai pas craint de vous laisser lire dans mon coeur » (P 21b, 22a). [...] « Ah ! permettez-moi de vous dire que je ne puis me consoler deyour escape. Combien j'aurais été pour vous un doux geôlier. Farewell » (P 22a) 22. Toute la lettre, couvrant trois pages, serait à citer.

Le dossier (Ms. fr. 1801/1) contient encore trois Jettres de la période précédant la publication de Corinne (1807), dans le même ton de regret et de mélancolie (Saint-Brice, près de Paris, 15 octobre [1803], P 23a, 24a ; Coppet, 27 juin [1804, d'après le contenu], fos 25 a, 26a ; Genève, 17 avril [1806 : lettre jointe à celle du 18 avril 1806, de Saussure de Morges et sa femme, Ms. fr. 1801/3, P 16a & b, 17a & b], P 27a, 28a & b), appels qui semblent être restés sans écho. Puis une lettre enfin, de Stockholm, annonçant à milord Campbell l'arrivée imminente en Angleterre de la première femme de l'Europe (20 mai 1813) : «Je ne vous demande pas de vous déranger pour moi mais vous savez, n'est-ce pas, que vous voir me sera le sentiment le plus doux et le plus nécessaire ? » (P 29a) 23.

21. Cette lettre a été publiée dans Intimate Society Letters of the Eighleenth Century, n, p. 618-619, 620-621 (voir n. 44 pour la réf. complète).

22. Le motif de la fée enchanteresse, qui traverse tout le roman et qu'a mis en évidence Simone Balayé en des pages remarquables (Les Carnets de voyage de Mme de Staël, p. 94 et ss.), prend déjà sa source dans la correspondance de Mme de Staël avec lord John. Sir Gavin R. de Béer (« Neuchâtel... », art. cit., p. 15) l'avait repéré à la suite de P. Kohler (Mme de Staël au château de Coppet, p. 43), mais y fait allusion de façon désobligeante.

23. Écho de cette attitude empreinte dé respect, à l'égard de Campbell, qu'elle avait déjà en 1803 : « Ce que je veux seulement, c'est ne pas vous déranger » (lettre du 23 juillet, CG, p. 652, fos 1 lb-12a). Cette lettre de Suède à lord John (Cat. vente Rauch, n° 69, 2 décembre 1957) avait été précédée de deux autres, que nous sachions, dont une, datée du 9 8bre 1812, envoyée elle aussi de Stockholm, deux semaines après l'arrivée de Mme de Staël. Un extrait de celle-ci a été cité par Paul Gautier (Mme de Staël et Napoléon, Paris, 1903, p. 333, n.), et sa photo insérée dans la thèse de Victor de Pange (Madame de Staël and her English Corresponde/ils, Oxford, 1955, t II, lettre III-1, p. 277-279 ; photo : p. 302-305). Elle avait été mentionnée par Norman King, dans son art « « The Airy Form of Things Forgotten' » : Madame de Staël, l'utilitarisme et l'impulsion libérale », Cahiers staëliens, n° 11, décembre 1970, n. 2, p. 5 et n. 6, p. 6-7, et a été publiée récemment in-extenso par Kurt Kloocke (Cahiers staëliens, n° 23, 2d semestre 1977, p. 65-68), provenant du Fonds Labouchère, n° 667, P 41- Bibliothèque Municipale de Nantes. Nous avons revu ce texte sur l'original, dont la xérographie nous a été transmise par Mlle Chantai Nicolas. Nous l'en remercions vivement


NOTES ET DOCUMENTS 91

Nous ne pouvons affirmer que Mme de Staël et Campbell se revirent à Londres 24.

Plusieurs lectures successives et serrées des textes contenus dans le dossier Ms. fr. 1801/1, suivies d'un travail de reconstitution et de réflexion s'étendant sur des mois, nous incitent à rejeter, comme le fait Mme Jasinski (CG, n. 6, p. 616), l'interprétation quelque peu simpliste de Teodor de Wyzewa, qui affirme sans hésitation aucune que « dès le premier jour, l'affection qu'elle [Mme de St] s'est imaginé découvrir en soi pour Robertson avait en réalité pour unique objet le compagnon et ami de celui-ci, cet irrésistible jeune lord John Campbell » 25. Pierre Kohler, dans son grand ouvrage sur Madame de Staël et la Suisse (1916), s'appuie sur Wyzewa pour affirmer à son tour : « Et l'on vit, et l'on reçut à Coppet un trio de jeunes Écossais, dont deux [R. et MacCulloch] s'éprirent de la dame du château, qui tomba sérieusement amoureuse du troisième. C'était lord John Campbell, séduisant par le charme de sa personne et la. distinction de sa naissance » (p. 302-303 ; repris par Kohler dans Madame de Staël au Château de Coppet, p. 43-44).

D'un autre côté, nous sommes amené à nuancer le jugement de Mme Jasinski qui écrit à propos de Robertson : « L'on ne peut en douter, c'est lui qu'elle a aimé d'amour» (CG, p. 616), ainsi que celui de Simone Balayé : « Elle les avait connus au printemps de 1803, s'était prise d'amour pour le médecin, d'amitié pour le lord » (Les Carnets de voyage, p. 65 ; voir aussi p. 103) 26. Ces formulations ne tiennent pas compte, à notre avis, de la confusion de sentiment qui existe dans les lettres de Mme de Staël, dont nous avons cité plus haut quelques exemples.

Il est possible que Mme de Staël ait d'abord aimé Robertson mais que, se voyant cruellement abandonnée par lui, voire humiliée, elle ait senti le besoin de reporter ses affections sur lord John, prenant ce dernier comme substitut. Hypothèse plausible, si l'on songe à l'amitié étroite, basée en partie sur une grande affinité de caractère,

24. Cf. Kurt Kloocke (art. cit., n. 24, p. 66) et Georges Solovieff (Madame de Staël, ses amis, ses correspondants. Choix de Lettres, Paris, Klincksieck, 1970, p. 220). Des recherches poussées de notre part n'ont rien révélé en ce sens, si ce n'est un billet autogr., 3/4.p. in-8°, Londres, 4 mai 1814 : «... Voulez-vous bien, mylord, affranchir cette lettre pour lady Charlotte. Je ne sortirai pas demain soir, venez me dire adieu. Je vous ai bien peu vu mais rien ne me réussit plus. Bon jour... » (Extr. des Autographes & Documents Historiques du Cabinet Henri Saffroy, Paris, bull. n. 30, décembre 1961, p. 30, n° 3144).

25. Cf. « Mme de Staël amoureuse», Le Temps, 30 juin 1911, p. 4, article écrit au moment de la publication des Intimate Society Letters par le petit-fils de lord John Campbell. Voir aussi la thèse de Robert A. Jones, Madame de Staël and England (M.A., University of London, avril 1928, texte dactylographié), p. 106-107.

26. C'est là l'opinion de A. Gillies (art. cit., p. 54) : « In 1803 Madame de Staël fell in love with Dr. Robertson ». David Glass Larg est celui qui approche le plus de là vérité des faits et surtout des sentiments dans Madame de Staël. La seconde Vie (1800-1807) (Paris, 1928, p. 103 et ss.), mais il ne fait pas assez état de la confusion de sentiments et de l'ambiguïté qui régnent dans les lettres de Mme de Staël (cf. en particulier, sa discussion de la lettre du 22 juillet, p. 110). Le catalogue Rauch se base sur Larg pour sa description des circonstances qui entourèrent la rédaction des lettres de Mme de Staël. C'est de Larg, enfin, qu'est inspiré notre titre, un « air écossais » (cf. ch. VI, p. 99 et ss.).


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qui liait les deux hommes dans la réalité et qui fait que Mme de Staël les associait tout naturellement dans son esprit Cette interprétation expliquerait aussi pourquoi la jeune femme poursuit lord John sans relâche et lui témoigne avec, selon elle, un « inconvenable abandon », des sentiments dont la force dépasse clairement celle d'une amitié ordinaire.

Tout nous fait penser cependant que la vérité des faits et des sentiments dut être plus complexe. Il est probable que Mme de Staël se sentit, au départ, fortement attirée par lord John, mais que celuici, pour des raisons subtiles, ne lui laissa entrevoir aucun espoir de liaison possible entre eux. Elle dut alors se tourner vers Robertson qui, nous l'avons vu, ne manquait pas non plus de charme ni de distinction, et laissa se développer en elle un profond attachement pour lui, attachement qui se transformera en violente frustration lorsqu'il sera clair que Robertson l'a abandonnée. C'est à ce moment-là que Mme de Staël aurait permis à sa première attirance naturelle pour lord John de se réaffirmer. Indéniablement, ce retour de passion pour Campbell est, en partie, une compensation pour la déception que lui impose Robertson : n'est-il pas remarquable que la jeune femme continue d'écrire à ce dernier et fasse même passer certaines de ses lettres par Campbell alors qu'elle met tout en oeuvre pour gagner l'affection de lord John ?

De toutes les lettres de Mme de Staël contenues dans le dossier Ms. fr. 1801/1, le passage le plus révélateur, dans le contexte de la présente discussion, est celui-ci, déjà cité, mais que nous estimons nécessaire de mettre en évidence, véritable confession de son état d'âme (lettre du 22 juillet) : « Vous voyez avec quelle franchise je vous parle, my dear lord. J'ai une telle estime pour votre caractère, j'ai si profondément senti que si vous m'aviez aimée je vous aurais aimé, que je vous montre sans aucune crainte [dans l'interligne, audessus de « peine », barré] ce que toute autre femme cacherait, et j'ose compter que le marquis de Lorne lui-même ne verra jamais une seule de mes lettres à vous, ne saura jamais par vous que j'ai regretté si cruellement d'être séparée d'un homme que les circonstances éloignaient autant de moi » (CG, p. 650, P 9b ; souligné par nous).

En résumé, l'interprétation correcte, selon nous, de l'épisode sentimental de 1803 n'est pas dépourvue d'ironie : Mme de Staël substitue Robertson à Campbell, comme le pensait Wyzewa, pour ensuite faire demi-tour, en désespoir de cause, et revenir à Campbell, celui-ci servant en partie de compensation pour Robertson. Cette interprétation a deux arguments en sa faveur : elle s'accorde avec d'une part tous les faits connus à ce jour. Parmi ceux-ci, relevons en particulier l'attirance bien connue de Mme de Staël pour la classe aristocratique : dans le passage cité plus haut, elle a peine à dissimuler le sentiment de honte qu'elle ressent à l'idée de s'être laissé entraîner par un homme, Robertson, de rang inférieur, et presque d'un même trait de plume, elle avoue à lord John que son premier mouvement, en sa faveur, était beaucoup moins répréhensible puisque, socialement, elle le juge comme son égal. Cette


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situation affective, amplifiée jusqu'à l'éclatement, rappelle celle où elle se trouvait déjà au début de mai. Le second argument en faveur de notre interprétation est que celle-ci corrobore la réalité interne de Corinne^ où la complexité des événements réels, tels que Mme de Staël les vécut, est reflétée comme dans un miroir déformant Dans Corinne aussi, confession en forme de roman, nous découvrons passion trahie, amour frustré, abandon de la femme de génie, et surtout, l'adoration d'un lord écossais : thème primordial, au point que Mme de Staël avait songé un moment donner le titre d'Oswald à son roman 27.

Dans Corinne, Mme de Staël va choisir pour partenaire de son héroïne d'exception un héros hors ligne. Ce ne sera certes pas Robertson car, au moment où elle se met à rédiger son roman, il l'aura déçue deux fois (sa fuite hors du territoire helvétique et le rendez-vous manqué de Berlin28), en plus du fait qu'en son for intérieur, Mme de Staël le juge comme n'étant pas à sa hauteur et, par conséquent, indigne de Corinne 29. Ce qu'elle retiendra de sa liaison avec Robertson, c'est le motif de la passion trahie qu'elle transférera à lord John-Oswald. Dans l'esprit de l'écrivain, Campbell, autour de qui Mme de Staël construit toute une symbolique dé l'amour frustré, va prendre la première place 30. Lord

27. Cf. la lettre de Pierre Samuel du Pont de Nemours à Mme de Staël, Paris, 22 février 1807, in : De Staël-Du Pont Letters..., p.p. James F. Marshall, The Univ. of Wisconsin Press, 1968, n° 106, p. 320.

28. Cf. Weimar, 2 janvier 1804, Mme de Staël à Robertson : « Comment se fait-il, mon cher Robert, que tout le monde m'écrive d'Angleterre, excepté vous, et cependant c'est vous qui avez décidé de mon voyage. Je serai à Berlin dans trois semaines. Si vous me promettez d'y venir, je vous y attendrai ; mais arrivez donc le plus tôt possible (Ms. fr. 1801/1, P 30a). Robertson fit la sourde oreille et né vint pas. A lord John, elle confiera (Coppet, 27 juin [1804]) : « Je n'ai pas été satisfaite de votre ami. Il me semble qu'il devait beaucoup à la pensée du désespoir affreux que j'ai d'avoir imaginé d'aller à Berlin. Mon [père] l'avait approuvé mais est-ce assez pour supporter le reste de ma vie le regret d'y avoir été ? My dear lord, je n'ai plus dans le présent que la contemplation du passé, je ne vis que pour y songer » (Ms. fr. 1801/1, fos 25a, 26a). Necker étant mort alors qu'elle se trouvait à Berlin, l'on découvre ici la déception amoureuse qui s'amplifie du remords filial de n'avoir pu assister son père dans ses derniers moments. Il est aisé de voir ce que Mme de Staël tirera de cette expérience pour Corinne (cf. livres XIP, '« Histoire de lord Nelvil » et XIVe « Histoire de Corinne », ch. troisième, mort du père de C). Nous renvoyons à S. Balayé, Les Carnets de voyage, op. cit., p. 66 et suiv., et à Madelyn Gutwirth, Madame de Staël, Nôvelist, p. 223 et suiv. (cf. n. 33, pour la réf. complète de l'ouvr.).

29. Cf. CG, Vf, 2, p. 657 (lettre du 24 juillet [1803], à lord John) : « Le général Ney a déclaré que si vous aviez été pris, il ne vous aurait jamais relâché, mais que pour un médecin [R.] cela n'en valait pas la peine. Vous voyez que le-général Ney et moi nous ne faisons pas grand cas des médecins » (p. 657, P 15a). Boutade qui, comme toute plaisanterie, a un fond de vérité, révélant en tout cas une certaine gêne (cf. l'introd. au présent travail et n. 10, en particulier).

30. Nous pensons pouvoir affirmer clairement ce que d'autres ont avancé, soit de façon prudente, soit avec une certaine réserve (cf. Int. Soc. Letters, II , p. 558 et suiv., David Glass Larg, op. cit., p. 111-112, G. Solovieff, Choix de Lettres, p-. 219-220 ; P. Kohler, op. cit., p. 44 ; voir encore le compte rendu récent par Jean Gaulmier du vol. IV, 2e partie de la CG, in : Revue d'Histoire littéraire de la France, n° 3, mai-juin 1980, p. 460, et Geneviève Gennari, Le Premier Voyage de Madame de Staël en Italie et la genèse de « Corinne», Paris,


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John n'aura pas tort de se vanter, peu après la parution de l'ouvrage, d'avoir servi de modèle à Mme de Staël pour le personnage d'Oswald 31.

Si le parallèle entre lord John Campbell et Oswald, lord Nelvil, pair d'Ecosse, n'est pas nouveau et ne nécessite donc pas de justification a priori 32, peut-être n'a-t-il pas été, à la réflexion, assez souligné. Nous trouvons deux raisons au moins à cela ; la difficulté d'accès au « Journal » de voyage de lord John d'une part, et, d'autre part, la confusion d'interprétation des sentiments complexes de Mme de Staël à l'égard de Robertson et Campbell. Mme Jasinski qui, nous l'avons vu, étudia la correspondance de Mme de Staël avec lord John et le « Journal » de celui-ci pour son tome IV, 2 de la CG, affirme, sans ambiguïté aucune : « Lord John a certainement servi de modèle pour lord Nelvil, héros de Corinne » (n. 4, p. 616).

De façon oblique, détachée, surprenante d'objectivité, lord John révèle,. par l'intermédiaire de son « Journal », certains traits de caractère qui, à coup sûr, durent frapper Mme de Staël car nous les retrouvons tels quels chez Oswald : sa mélancolie chronique, particularité peut-être la plus prononcée chez tous deux ; son indolence naturelle ; sa réserve toute britannique ; son excessive sensibilité, une nature passionnée sous des abords froids 33 ;

Boivin & Cie, [1947], n. 1, p. 135). Il est évident qu'il s'opère, comme toujours chez Mme de Staël, une cristallisation au niveau des personnages ; dans la construction d'Oswald entreront aussi don Pedro de Souza e Holstein, futur duc de Palmella, Prosper de Barante, le comte Maurice O'Donnel, et Benjamin Constant moins fortement Nous doutons toutefois, sur la base de nos recherches, que l'Américain John Izard Middleton y soit pour quelque chose (cf. G. Gennari, n. 1, p. 135, et p. 69-70). Nous renvoyons à S. Balayé, « Corinne et lés amis de Mme de Staël », Revue d'Histoire littéraire de la France, v. 66, p. 139-149 (p. 147, en part), et à Sainte-Beuve, Portraits de Femmes, Paris, Garnier, 1876, p. 155. Une chose est claire : la passion de Mme de Staël pour l'Angleterre sera évidente aux yeux de tous, l'année suivante à Weimar (K.A. Bôttiger, Morgenblatt fur gebildete Léser, Nr. 29, III, p. 681, 682), et l'écrivain a déjà l'idée de base de Corinne (p. 682), qu'elle a communiquée à Benjamin : « « Et vous », se[t]zte Constant hinzu, « en serez l[']héroïne et un Anglais en sera le héros » » (p. 682). L'épisode remonte au 25 février, donc bien avant la déchirante nouvelle de la mort de Necker. Ce même jour, elle dira encore : « Je ne trouve pas les Anglais fort prévenans. C'est tout naturel. Aucun Anglais n'a été jamais amoureux de moi » » (p. 682). Nous renvoyons à S. Balayé, Les Carnets de voyage, qui avait déjà relevé ce fait, et à B. Constant, « Second extrait, Corinne, ou l'Italie », Le Publiciste, n° du 14 mai 1807, réimpr. dans Ephraïm Harpaz, éd., Benjamin Constant : Recueil d'articles, 1795-1817, Genève, Droz, 1978, p. 89-91.

31. Cf. l'art controversé de Teôdor de Wyzewa, « Mme de Staël amoureuse », Le Temps, 30 juin 1911, p. 4, où il est dit que « lorsqu'aura paru le roman de Corinne, lord John Campbell goûtera la joie de pouvoir affirmer à son entourage - tradition conservée aujourd'hui encore dans sa famille - que c'est lui qui a servi de modèle pour le personnage du jeune et charmant Nelville ». L'été 1807, le roman circulera à Inveraray, apporté par la duchesse de Bedford, qui le donnera en particulier à Matthew G. « Monk » Lewis, désireux de le lire, ce même « Lewis » qu'il a été jusqu'ici impossible d'identifier (cf. Louis F. Peck, A Life of Matthew G. Lewis, Harvard U.P., 1961, p. 244-245, et CG, IV, 2, n. 4, p. 646).

32. Voir plus haut, n. 30, et l'important témoignage de Lady [Constance Charlotte Elisa (Lennox)] Russell, Three Générations of Fascinating Women and other Sketches from Family History, London, Longmans, Green, and Co., 1904, p. 189, ouvrage qu'avait eu entre les mains Sir Gavin de Béer (cf. son fichier autogr., BPU, Genève).

33. La « délicatesse » de lord John, sa « générosité », devaient constamment évoquer Necker dans l'esprit de Mme de Staël, et peut-être n'est-il pas tout à fait insensé de supposer


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noblesse, élégance dans les manières comme dans les propos, un goût parfait émanant de toute sa personne. Il faudrait mentionner encore chez tous deux une maturité dans les idées qui n'est pas de leur âge 34. Il y en a d'autres assurément, que nous ignorons faute de plus amples renseignements sur lord John 35. Ces affinités, déjà nombreuses, entre lord John et Oswald, sont encore plus révélatrices à la lumière de l'amour frustré de Mme de Staël pour John Campbell. Dans Corinne, Mme de Staël modifiera la réalité de 1803 en une fiction où l'élément biographique de base est à la fois utilisé et atténué : Oswald aimera Corinne mais sera contraint de l'abandonner à cause de circonstances indépendantes de sa volonté.

Au moment où il rencontre Mme de Staël, lord John n'a pas encore atteint sa vingt-sixième année ; Oswald, lui, a vingt-cinq ans. Lord John s'était déjà distingué dans les armes, en Hollande, sous les ordres du duc d'York et de Sir Ralph Abercromby ; craignant la guerre, le duc d'Argyll, son père, le presse de rentrer en Angleterre pour servir en tant qu'officier 36. Oswald délaissera Corinne, retournera en Angleterre pour défendre son pays comme officier à la tête de son régiment Tous deux, rappelons-le, sont seigneurs de haute naissance et occupent une position sociale éminente (lord John devait siéger au Parlement de 1799 à 1822). Rongés par des chagrins intimes - lord John, en raison de son mariage malheureux avec Elizabeth Campbell de Fairfield 37 ; Oswald, par le remords d'avoir précipité la mort de son père (la figure du père, on vient de le voir, exerce beaucoup d'ascendant sur John Campbell également) - ils fuient l'un et l'autre l'Ecosse, traversent la Manche (Oswald, la mer du Nord), et tentent de dissiper leur douleur en voyageant (lord John n'ira toutefois pas jusqu'en Italie mais parcourra les plaines d'Allemagne, avant sa « fatale embarcation » [l'expression est de Mm« de Staël], àHusum, mer du Nord, comme l'avait d'ailleurs fait Oswald avant de rencontrer Corinne). Leur santé, à tous deux, est

que Campbell lui apparut comme le Necker jeune qu'elle eût tant voulu connaître et aimer (cf. Ms. fr. 1801/1, lettre du 27 juin [1804], déjà citée, P 26a). Ces réflexions nous sont inspirées en partie parMadelyn Gutwirth, Madame de Staël, Novelist. The Emergence of the Artist as Woman, Urbana, U. of Illinois P., 1978, p. 232. Corinne peut se concevoir comme l'obsession du père, objet inaccessible de la passion de Germaine.

34. On aurait tendance, en effet, à oublier que l'auteur du « Journal », de par son style, est un jeune homme de vingt-six ans.

35. Voir toutefois le témoignage de Catherine Wilmot (op. cit., p. 215)'. Mme de Staël parle de l'esprit « gai » de lord John (CG, p. 645, P 8a), qui devait fort bien s'accorder avec le sien. Mais ses idées ressemblent à celles de Voltaire, ce qui lui convient moins (p. 645, P8a).

36. Cf. Passages From the Past, p.p. The [IXth] Duke of Argyll, New York, Dodd Mead & Co., 1908,1, p.2 ; CG, IV, 2, p. 637, 642 et n. 4, 643, et J. G. Fyfe, éd.,Scùttish Diaries and Memoirs, 1746-1843, Stirling, Eneas Mackay, 1942, p. 514-515.

37. Cf. James Paterson, History of the Çounties of Ayr and Wigton, op. cit., I, p. 601 ; Lady Constance Russell, op. cit., p. 189. II serait même possible d'établir un parallèle entre le mariage malheureux de lord John et la liaison malencontreuse de lord Nelvil et de Madame d'Arbigny. En tout cas, le mystère qui entoure cet épisode de la vie de lord John se retrouve chez Oswald, dans des circonstances assez semblables.


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altérée (lord John souffre de dépression et de troubles cardiaques 38 et Oswald est menacé de phtisie) ; ils n'ont plus goût à rien.

Le sang-froid et le courage que déploiera John Campbell, lors de l'épisode de Baden, et qui, finalement, lui permettront de passer sain et sauf outre-Rhin, sont des qualités dont fait preuve Oswald : que l'on se remémore seulement la traversée mouvementée de Harwich à Emden, qui ouvre le roman, durant laquelle lord Nelvil conseille les matelots, rassure les passagers, sert lui-même à la manoeuvre, va jusqu'à prendre, pour un moment, la place du capitaine ; l'épisode de l'incendie d'Ancône surtout, où sa présence d'esprit épargne à la ville un désastre et où, par sa bravoure, il réussit à sauver les fous de l'hôpital en flammes.

Il faudrait aussi mentionner l'intérêt marqué de lord John pour les chevaux, intérêt que partage Oswald ; leur sensibilité romantique (le mot paraît, à plus d'une reprise, sous la plume de lord John), face à la nature. Le « Journal » contient plusieurs descriptions de paysages, de montagnes surtout, qui ne passent pas inaperçues du lecteur. La périlleuse descente sur Morez, dans le Jura, au clair de lune, après avoir essuyé un violent orage, puis Les Rousses, Saint-Cergue, et la découverte du lac de Genève tout à coup, au tournant de la route, sont des instantanés fort réussis ; dans Corinne, Mme de Staël nous dit que « le seul plaisir de lord Nelvil était de parcourir les montagnes du Tyrol, sur un cheval écossais qu'il avait emmené avec lui » [livre Pr,ch. 2e].

Lorsqu'on en arrive enfin aux relations entre lord John et Mme de Staël d'une part, et Oswald et Corinne de l'autre, l'amitié réservée, bien qu'admirative de lord John se traduit par les réticences premières d'Oswald (couronnement de Corinne au Capitoie, livre IF , ch. 1er). Face à lord John et à Oswald, Mme de Staël et Corinne sont comme frappées de respect Les qualités de Mme de Staël qui redonnent le goût de vivre à John Campbell, sans toutefois le séduire, et qui se retrouvent bien entendu chez Corinne, sont sa gaieté (« N'oubliez pas que j'ai été aimable et gaie avec vous », lui écrit-elle le 24 juillet [1803]), sa politesse noble et facile, son abandon naturel en société, un charme incomparable. (Les observations de sir John sur les moeurs des Genevois, dès son arrivée, sont à relever à ce propos.) Et puis il y a, bien sûr, le don génial de la conversation chez les deux héroïnes.

Mme de Staël joue la tragédie devant lord John et Robertson, deux scènes de Phèdre, dont l'aveu de la passion de Phèdre à Hippolyte ; Corinne, elle, interprétera dans le genre tragique la scène du balcon

38. Et non de la tuberculose, comme on le croyait jusqu'ici. Cf. « Journal », p. 79, excursion au Mont-Salève, « in doing which I was left far behind my heart preventing me from ascending quickly » (May 19th). Voir aussi CG, p. 637 : « J'ai eu pour la première fois de ma vie une palpitation de coeur en m'éloignant de Neuchâtel ; je voudrais bien, my dear lord, vous en avoir guéri en les prenant » (Mme de Staël, à lord John ; Yverdon, à minuit ce jeudi [30 juin 1803], fos lb, 2a). Plus haut, même lettre, il est fait allusion à une « Mlle Moire », jusqu'ici non identifiée, et que nous pensons être Bessie Mure, soeur d'Annie et fille de-William Mure, baron de Cadwell (cf. John A. Doyle, éd., Memoir and Correspondent of'Susan Ferfier, 1782-1854, London, John Murray, 1898, p. 24-65, 137).


NOTES ET DOCUMENTS ; 97

de Romeo andJuliet (vu, 3). La tragédie, langage de la passion, est le détour qu'emprunte Mme de Staël pour exprimer ses sentiments - mais à l'intention de qui 39 ? L'on se souvient de Corinne déclamant les accents de son amour pour Oswald : « Ah ! qu'elle était heureuse Corinne le jour où elle représentait ainsi devant l'ami de son choix un noble rôle dans une belle tragédie ! » (VII, 3).

L'admiration de lord John pour le talent dramatique de Mme de Staël est sans mélange ; il n'hésite pas à la placer plus haut que tout ce qu'il a vu à Paris, Mlle Duchesnois y compris. Oswald est fou d'émotion lorsque Corinne s'écrie « Where is my lord ? Where is my Romeo ? » - moment vertigineux où l'illusion dramatique'est brisée - et souvent, nous dit-on, il comparaît lé talent de son amie à celui de Mrs. Siddons (XVII, 4).

Les jours de fête à Coppet, malgré l'horizon politique qui s'assombrit de plus en plus, évoquent la joyeuse animation de la maison de Corinne, portes grandes ouvertes. Mme de Staël danse pour lord John, lui rappelant sa soeur aînée lady Augusta 40 ; Corinne subjuguera Oswald par ses danses et ses attitudes (VI, 1).

L'excursion improvisée par Mme de Staël à l'île de Saint-Pierre, sur le lac de Bienne, lieu évocateur s'il en fut, irait jusqu'à suggérer une de ces petites ruses de Corinne, l'enchanteresse, pour retenir Oswald auprès d'elle (VIII, 2)... 41.:

Lord John enfin, et son secret, exercèrent une sorte de fascination sur Mme de Staël dès le début de leurs; relations, charme que les circonstances et l'absence surtout se chargeront de transformer, dans l'esprit de l'écrivain, en passion malheureuse. La personnalité d'Oswald sera, elle aussi, imprégnée de mystère et Corinne mourra, victime dû charme maléfique de son amour pour lord Nelvil.

Il convient de dire deux mots encore sur la place de ce document dans le cadre des études staëliennes, mais aussi dans la perspective de l'histoire littéraire et des relations entre la Suisse et l'Angleterre 42. Les fréquentes allusions de la critique à cet inédit sembleraient témoigner, à elles seules, de son importance, à la fois littéraire et politique 43. Les extraits qui suivent, couvrant un champ

39. Nous pourrions concevoir que cette déclaration d'amour voilée s'adressât à lord John, vu que cette soirée dramatique se situe au début de leurs relations, avant la date capitale du 9 mai (cf. notre introduction). Elle pourrait bien sûr être destinée à Robertson et, secrètement, à lord John.

40. CG, p. 656 (Int. Soc. Letters, p. 607) : « La dernière .fois que j'ai dansé en vous rappelant lady Augusta est, je n'en doute pas, le dernier jour de ma vie d'illusion, la dernière heure de cette existence animée qui, en finissant, commence la mort » (lettre du 24 juillet [1803], P 14b). Prémonition ou hasard, Necker devait mourir quelque neuf mois plus tard et Corinne sera marquée du signe de la mort.

41. Cf n. 22.

42. Nous renvoyons à la n. 6. Voir aussi le vol. I du mémoire déjà mentionné de Cilette Blanc, « Les Rapports politiques entre l'Angleterre et la République de Genève entré 1792 et 1798» (Univ. de Genève, décembre 1945, BPU, 56/11).

43. Tout récemment encore, dans le cadre de l'activité dramatique de Mme de Staël,

Martine de Rougemont souhaient "connaite le texte exacte et complet de ce jornal

REVUE D'HISTOIRE LITTÉRAIRE DE LA FRANCE (83e Ann.). LXXXIII


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chronologique que nous délimitons en fonction de l'épisode de 1803, viennent donc combler une lacune souvent déplorée dans la connaissance biographique de Mme de Staël, à une époque pour le moins turbulente de sa vie et de la politique franco-britannique.

Plutôt que d'adopter une présentation thématique du texte (politique, théâtre, impressions de voyage, mondanités), il nous a semblé préférable de suivre le déroulement chronologique du « Journal », de façon à faciliter le travail de futurs chercheurs ; nous avons voulu aussi, autant que possible, sauvegarder le « suspense » du récit de la fuite de Campbell et Robertson hors du territoire helvétique. Une telle « approche » nous donnait par ailleurs la possibilité d'établir la concordance entre le manuscrit original du «Journal», la CG (IV, 2) augmentée du commentaire et de la reconstitution des événements par Mme Jasinski, et les ouvrages critiques et autres (recueils épistolaires) les plus marquants, où il est question de cette période mouvementée de la vie de Mme de Staël 44. Par souci de rigueur, nous citons le texte du « Journal » dans sa langue originale, en respectant son orthographe et sa ponctuation. Ne figurent en français que les passages jugés moins importants et résumés par nos soins. L'on trouvera, entre crochets, nos quelques hésitations de lecture et précisions de détail.

A la note 159 (14 juillet 1803, épisode de la fuite de sir John à Steulingen), figure in-extenso la lettre de Robertson à John Campbell, à laquelle il est fait allusion dans Autobiography and Memoirs de George Douglas Campbell, VIIIe Duc d'Argyll (1906, L I, p. 45) et dont nous avons découvert le manuscrit original inséré dans le « Journal » de lord John. Document d'autant plus précieux qu'il complète d'une part l'aventure de 1803 et que, d'autre part, il constitue tout ce que nos recherches approfondies ont pu mettre au jour des papiers de Robert Robertson, originaire de Prenderguest, dans le Berwickshire.

DANIELLE JOHNSON -COUSIN .

(« Pour un répertoire des rôles et des représentations de Mme de Staël », Cahiers staëliens, n° 19, décembre 1974, p. 83). Voir plus loin, « Journal », May 6th (représentation de salon du 5 au soir).

44. Par ordre chronologique de publication : George Douglas Campbell, VIIIe duc d'Argyll, Autobiography and Memoirs, 2 voL, 1906, t I, p. 37-45 ; Intimate Society Letters of the Eighteenth Century, p.p. [John George E.H.D.S. Campbell, Ninth] Duke of Argyll, London, Stanley Paul & Co., 2 vol. [1910], t. Il, p. 514-631 ; P. Kohler, Madame de Staël et la Suisse, 1916, p. 302-303 ; David Glass Larg, Madame de Staël. La Seconde Vie (1800-1807), Paris, Libr. Ane. Hon. Champion, 1928, ch. VI, p. 102-115 ; P. Kohler, Mme de Staël au château de Coppet, Lausanne, SPES, 1929, p, 43-44 ; Simone Balayé, Les Carnets de voyage de Madame de Staël. Contribution à la genèse de ses oeuvres, GenèveParis, Droz, 1971, p. 65-66, 103, et enfin, CG. de Mme de Staël, IV, 2, p. 616 et ss. Moins importants, dans le cadre de la présente étude, citons les Lettres inédites de Mme de Staël à Henri Meister, p.p. P. Ustéri et E. Ritter, Paris, Hachette, 1903, p. 179-181 ; Madame de Staël, ses amis, ses correspondants. Choix de lettres (1778-1817), p.p. Georges Solovieff, Paris, Klincksieck, 1970, p. 217-222 ; Béatrice W. Jasinski, « Liste des principaux visiteurs qui ont séjourné à Coppet de 1799 à 1816 », Le Groupe de Coppet. Actes et documents du deuxième Colloque de Coppet (10-13 juillet 1974), Genève-Paris, Slatkine-Champion, 1977, p. 466-467.


NOTES ET DOCUMENTS 99

STAY AT GENEVA

(Page 62 :) « On the57st [of March] we walked into the town and called at Mr Hentsch, the banker's 45. The town of Geneva does not appear to be a very [pleasant - dans l'interligne, au-dessus] place of résidence, but the environs are charming, innumerable country houses are to be seen in every direction ». [p. 63 :] Lord John écrit aussitôt un billet à Saussure, l'ancien précepteur et compagnon de voyage de son frère aîné lord Lorne, afin de l'avertir de son arrivée 46 .Saussure se manifeste le soir même et convie les voyageurs à un dîner pour le lendemain.

P' April (p. 63) : Dîner, selon la coutume genevoise, à deux heures et demie chez Saussure de Morges et sa femme. Celui-ci propose aux voyageurs de louer un appartement et de prendre pension chez lui, ce qu'ils acceptent avec empressement 47. Ne pouvant toutefois emménager avant la semaine suivante, lord John et Robertson acceptent d'accompagner Saussure à Lausanne, en vue d'aller ensuite jusqu'à Yverdon rendre visite à Mlle Delachaux 48. Le soir, Hentsch les introduit dans une société réunie chez Odier, le médecin « a very well informed man », observe lord John 49. La première impression semble avoir été des plus favorables, puisque lord John, et même Robertson, sont priés [p. 64] d'assister régulièrement à ces soirées et aux mercredis de Mme Hentsch. Suit un commentaire sur les manières des Genevois [p. 64] : « Their manners have a freedom and good humour, tho af the same time so perfectly well bred, that I hâve never seen among my countrymen ». Il se déclare « chsrmed with the civillity that everybody showed ».

April 3d (p. 64-65) : départ pour Lausanne, en compagnie de Saussure. Dîner à Rolle. [P. 65 :] Arrivée à Lausanne. Saussure montre à lord John la maison de sa soeur lady Derby 50, à l'époque de la naissance d'Elizabeth, et, dans la campagne

45. Henri Hentsch (1761-1845), d'une famille originaire de Tschecheln, dans le Brandebourg, fixée à Genève vers 1758, fonda plusieurs maisons de commerce et de banque à Nyon, Genève, Lyon et Paris. (Dict. Hist. et Biogr. de la Suisse, Neuchâtel, 1928). La chronologie concorde avec celle donnée par Larg, p. 102. Ils étaient arrivés la veille (Autob. and Memoirs, I, p. 37) et étaient descendus à l'Hôtel d'Angleterre («Journal», p. 62), chez Dejean, à Sécheron.

46. Il s'agit de Vincent-Louis-Rodolphe de Saussure, dit Saussure de Morges (17471826), comme le précisent la notice accompagnant le dossier d'autographes Ms. fr. 1801/2 & 3 (BPU, Genève), et Mme Jasinski, CG, n. 1, p. 642. Lord John était l'ami intime du fils d'Horace-Bénédict de Saussure, Nicolas-Théodore (1767-1845), mais contrairement à ce qu'affirme l'Aulob. and Memoirs, p. 37, il ne fut pas accueilli par lui à son,arrivée à Genève. Larg et Gillies (art. cit.) font aussi erreur en pensant qu'il s'agit de Necker-deSaussure, cousin de Mme de Staël.

47. Autob. and Memoirs, p. 37 ; Larg, p. 102 ; CG, n. 1, p. 642.

48. Marie-Charlotte, fille posthume de Jonas-David Delachaux, née en 1769, morte en 1864, dite d'Onnens. Très tôt, elle devait quitter Yverdon et se rendre en Angleterre pour entrer en place en qualité de gouvernante dans les familles Campbell et Clavering. Voir, à son propos, sir Gavin de Béer, éd., A. Journey to Florence in 1817 par Harriet Charlotte Beaujolais Campbell Charleville, London, Geoffrey Blés, 1951 ; Louis Théyenaz, « Le Maire de Travers Jonas-David Delachaux et sa fille Marie-Charlotte », Musée neuchâtelois, mars^avril 1952, p. 47-53 ; Gavin de Béer, « Neuchâtel... » (art. cit.) ; The Wynne Diairies, p.p. Anne Fremantle, London, Oxford U.P., 1940, v. m (1798-1820), p. 303. Nous avons encore relevé sa trace dans Memoir and Correspondent of Susan Ferrier (1782-1854), p.p. John A. Doyle, London, John Murray, 1898. Voir enfin CG, p. 635 et n. L

49. Louis Odier, célèbre médecin né le 17 mars 1748, mort le 13 avril 1817. Il fit ses études de médecine à Edimbourg, s'y distingua et présida la Société de médecine de cette ville. Reçu docteur en médecine en 1770, il restera à Edimbourg jusqu'en 1772 et reviendra s'établir à Genève en 1773. Mme de Staël était très liée avec lui. Elle jouera la comédie en 1805-1806 avec sa femme et sa fille. Voir Albert de Montet, Dict. Biogr. des Genevois et des Vaudois, v. 2, p. 249-250.

50. En fait, il s'agit de la demi-soeur de lord John, lady Elizabeth Hamilton (1753-1797), dont la mère avait épousé en secondes noces le duc d'Argyll, et qui s'était mariée en 1774 à lord Derby (CG, n. 5, p. 655).


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avoisinante, sa résidence après cet événement « Thèse objects inspired melancholly ideas [souligné par nous] which the inn to which we retired was well calculated to increase being situated in a narrow dirty street.. ». April 4th (p. 65-66) : Promenade jusqu'à Bellevue, ancienne résidence de sa soeur. [P. 66 :] [Description de la vue sur le lac et les Dents-du-Midi.] Retour à Lausanne. Saussure prend congé d'eux afin de se rendre chez son beau-frère. En fin d'après-midi, lord John et Robertson partent pour Vevey, où ils arrivent le soir. De là, était prévue l'excursion de la Cascade de Pissevache, en passant par Bex, mais, dans la nuit, Robertson tombe malade, souffrant de violentes douleurs à l'abdomen. Il sera alité toute la journée du 5 avril, et se trouvera encore mal la nuit suivante (p. 66-67).

April 6lh (p. 67-69) : Lord John décide alors de s'y rendre seul. De retour à minuit, il trouvera Robertson moins souffrant mais loin d'être rétabli [p. 69]. Du 7 au 9 [p. 69], ils sont à Vevey : le 10, ils reviennent à Lausanne [p. 69], et le 11 [p. 69], ils se mettent en route pour Yverdon, traversent Moudon, qui « n'a rien de très pittoresque », note lord John au vol, et arrivent à destination le soir, à dix-neuf heures. Ils y resteront jusqu'au 14.

April 14lh (p. 70) : Départ pour Genève. L'étape de Rolle se fait par une route différente et à travers une contrée plus riche et plus belle encore (Bois-de-Chênes). Ils couchent à Rolle.

April 15!h (p. 70) : « We took possession of our new lodgings in la maison Turretini which we found tolerably comfortable ». « Saussure gave us a magnificent dinner and in the evening introduced us to a société, of his acquaintance where [we] staid till about eleven ».

April 16lh (p. 70-71) 51 : « After dinner [we] went with Sauss[ure] to call on the Prefect 52, the commandant de la place 53, and M. Odier, in the evening we were introduced to Madame de Staël 54, authofess of several books and lately of a novel called Delphine. Her manners are unaffected and her conversation entertaining. She appears to be near 40. Her eyes are dark and expressive, [p. 71 :] her features coarse and her person tolerably good 55. She invited us to supper on Monday next [18 avril] 56. We afterwards returned to a Party at Mad. de Sauss's where we heard some good music ».

April 17ih (p. 71) : Le soir, lord John se rend à la Comédie avec Mme de Saussure. Le Caliphe de Bagdad [opéra comique en 1 acte, musique de Boïeldieu, paroles de S'-Just] et Fanchon la Veilleuse [de Bouilly] « tolerably performed ». Après le spectacle, il accompagne Mme de Saussure dans une société « wherê Robertson and a German had a severe contest who could speak the worst French. The German had it hollow ».

April 18th (p. 71) : Le soir, « went with Madame Saussure to Madame de Staël's where we supped. Madame de Staël was very agréable and entertaining, conversed a good deal with a Swiss Lady who had married an English man and who talked very good English ».

April 19ih (p. 71-72) : Le soir, va dans une société qui se rencontre deux fois par semaine. « [C]onversed with Madame Casenove and an English Lady who has been settled hère 20 years married to a Swiss 57. [P. 72 :] She had almost forgot[ten] her native language ».

51. Autob. and Memoirs, p. 37 ; Larg, p. 102 ; CG, p. 616.

52. Le baron Claude-Ignace Bruguière de Barante (1745-1818), veuf, originaire de Riom (Auvergne). Ancien magistrat au Parlement et Préfet à Carcassorine (Départ de l'Aude), il venait d'entrer en fonction comme Préfet du Département du Léman le 16 janvier 1803, remplaçant M. Ange-Marie d'Eymar, mort ce même mois. Voir le Journal d'Ami Dunant, Ms. fr. 909 (BPU, Genève), copie ms. faite sur l'orig., t II, fos 721, 718.

53. Le général Dupuch, dont il est question à plusieurs reprises dans Herbert Philips, éd. Continental Travel in 1802-1803. The Story of an Escape, Manchester U.P., 1904.

54. Autob. and Memoirs, p. 37.

55. Autob and Memoirs, p. 37-38 ; Larg, p. 103.

56. Autob. and Memoirs, p. 38 ; Larg, p. 103.

57. Vraisemblablement Mme Théophile Cazenove van Jever (voir plus loin, n. 122). L'Anglaise expatriée est difficilement identifiable.


NOTES ET DOCUMENTS 101

April 20ai (p. 72) : Le soir, chez Mme Hentsch : M. Odier, M. Ëgworth 58, d'autres Anglais et un Polonais russe. A neuf heures, se rend avec Mme de Saussure chez M. Sellon [Sélon's] 59. « His sisters particularly the eldest is very agréable and their manners as well as [laissé en blanc are much supêriof tô ahy I hâve seen hère » 60.

April 21st (p. 72) : Ils sont introduits au Cercle ou Club 61. Le soir, « went to Madame de Staël's whose manners and conversation pleased us more than ever. Robertson attacked her on a sentence (which he said he found in her ouvrage sur la littérature), that says Scotch music is destitute of interest She denied that she ever said so and professes to like it much, and the dispute ended in a bet which was to be determined on Sunday next when she invited us to dîner. On our return home we çonsulted the book and found the expression to be « comme la musique des écossais, qui composent des airs avec cinque nottes dont la parfôite harmonie éloigne toute critique sans captiver profondément l'intérêt ». When, we next saw her she said she might hâve caviled about the word profondément, but that she chose rather to confess that she was in the wrong and publish a new édition ammended and côrrected by Lord J.C. and Mr Robertson » 62.

May 5* (p. 72-73) : « Our life has been so uniformely the same fort the last fortnight that I hâve omitted to write my [p. 73 :] journal » 63. Leçons de français et d'italien ; promenade. « Robertson has exchanged places with me and become more lazy than I am » 64. « At 8 o'clock having dressed, we go tô some party of which there are several every evening ». « The most pleasant houses, that we hâve been at are those of Monr de Sellon, and Madame de Staël. We last night had the pleasure of seeing the latter perform two scènes of « Phèdre » (Racine) which she did in a style far superior to any thing of the kind we saw on the Parisian stage 65,

58. Lovell Edgeworth (1776-1841), fils aîné de Richard Lovell Edgeworth et frère de l'écrivain irlandaise Maria Edgeworth (1767-1849). Il ne parviendra pas à s'enfuir, sera incarcéré à Verdun et y restera prisonnier jusqu'en 1810, date à laquelle il sera transféré à Sl-Germain-en-Laye et enfin Paris. Il ne sera libéré qu'en mars 1814 (cf. Herbert Philips, op. cit., p. 139-145 ;.'Romilly-Edgeworth Letters -1813-1818, p.p. Samuel Henry Romilly, London, John Murray, 1936, p. 33 ; Elisabeth Inglis-Jones, The Great Maria, London, Faber and Faber, 1959, p. 82).

59. Il s'agit de Jean-Jacques (1782-1839), fils de Jean de Sellon (1736-1810), de Genève, seigneur d'Allaman jusqu'en 1798 et créé comte d'Empire en 1786 par-Joseph IL Nous renvoyons à J.-A. Galiffe, Notices généalogiques sur les Familles genevoises, 2e éd., t IV, Genève, A. Jullien, 1908 (Slatkine Reprihts, 1976), p. 328.

60. Le jeune Sellon avait trois soeurs, Jeanne-Victoire, pour qui lord John semble avoir eu une sympathie toute particulière, Adélaïde-Suzanne et Jeanne-Henriette (voir Galiffe, op. cit., p. 327-328 ; Int. Soc. Letters, p. 547, 552).

61. Sans doute s'agit-il du Cercle de la Rive, aristocratique, pro-anglais, et accueillant volontiers les étrangers, cf. Journal d'Ami Dunant, Ms. fr. 909, f° 726.

62. Autob. and Memoirs, p. 38, épisode qui laisse entrevoir tout le charme de Mme de Staël. La citation est exacte. Cf. De la Littérature, Iere partie, ch. IV, « De la Philosophie et de l'Éloquence des Grecs », 1. 308-311, p. 91, éd. crit. par Paul Van Tieghem, Genève-Paris, Droz-Minard, 1959,1 (reprod. de la seconde éd. revue, corrigée et aug., an IX [déc. 1800]) : « Leurs écrits sont comme la musique des Écossais, qui composent des airs avec cinq notes, dont la parfaite harmonie éloigne toute critique, sans captiver profondément l'intérêt ». Ce projet en restera au stade de la plaisanterie (cf. éd. de 1812, et suiv., dont le texte ne subira aucune modification si ce n'est une modernisation progessive de l'orthographe).

63. La véritable raison de Ce'silence prolongé pourrait être tout autre : excès de pudeur chez lord John face aux élans d'enthousiasme et à l'attention dont il se sent l'objet auprès de Mme de Staël.

64. Cf. Int. Soc. Letters, p. 530 (Mme de Saussure, à lord John [1803]) : «... votre Amie la douce paresse est aussi devenue la Mienne... ».

65. Autob and Memoirs, p. 39. La scène de la déclaration de Phèdre, qu'elle joué avec une rare perfection, pourrait bien être celle, voilée, de ses sentiments à l'endroit de lord John bu de Robertson. De Mlle Duchesnois, lord John écrit (« Journal », p. 23-24) : « [W]ent in the Evening to see Madame Chénois act the part of [Aménaïde - cf. A. Laquiante, Un Hiver à Paris sous le Consulat (1802-1803), d'après les lettres de J.-F:


102 REVUE D'HISTOIRE LITTÉRAIRE DE LA FRANCE

In the scène with Hipolyte where she tells him that she loves him she was uncommonly successful ; after Madame de Staël, another lady Madame Reillé 66 performed a scène of a French comedy perfectly well. She is supposed to be talking to her lover through a wall of a room which séparâtes them. The lover supposes that she is going to be married and she has been told that he is unfaithful. She acted so well that one imagined always that one had heard the lover speaking in the nêxt room. The scène ends by a reconciliation ».

May 7th (p. 13-14) : « Went in the evening to Madlle Fabri's 67 where we found Madelles Sellon's 68 ; the evening before at their own house the eldest 69 [p. 74 :] had read me a long lecture on the folly of melancholy and told me that she had been herself for 3 years in that state in which as she described it, « un voile nous sépare de touts les plaisirs et touts les charmes de la vie ». I felt the truth of this observation and that it applied well to me, but I endeavoured to persuade her that in me, it was the effet of constitution and a gloomy imagination which it would be impossible to change. She said she did not mean to flatter me so far as to say that I should ever be gay, but that by study, and when that became tedious, by mechanical occupation I should by degrees recover and take some interest in what was doing around me. Il replied that I was now following a plan of that kind but that I as y et found no reason to hope for success 70. The conversation of last night was renewed and became more gênerai, in the course of it she made some observations which displayed considérable knowledge of characier ».

May 8lh (p. 74-75) : [P. 75 :] « In the even. went to Madlle Sellon where I was much amused with a dispute between Robertson, Madl,e Sellon and two Frenchmen in which Robertson had the impudence to talk of the French language as if he understood it » 71.

Reichardt, Pion, 1896, p. 351] in Tancrède. The unnatural gestures of the actress and the unfitness of the French Language to. express any thing [p. 24 :] grand, disgusted me with the performance ». Plus loin, il relate (p. 25) : « [W]e went to the ambassadors to hear a Mr Nugent [le cte Laval Nugent, né en Irlande mais Officier autrichien] a gentleman formerly in the Irish Brigade read part of « Iphigenie » and Le Marriage de Scarron [vaudeville en 1 a., par Barré, Radet et Desfontaines, 1797]. French Tragedy I cannot like, the Comedy amused me very much ». Au théâtre de Montansier, il verra plusieurs « petites pièces » (p. 35) ; à l'Ambigu-Comique, La Femme à deux maris [par Guilbert-Pixérécourt, 1802], qui lui plaira beaucoup (p. 35-36), et Le Négociant anglais (p. 40), où il se montre surpris de découvrir un portrait flatteur de ses compatriotes.

66. Jeanne-Catherine Rilliet-Huber (1761-1843), amie d'enfance genevoise de Germaine Necker, une des actrices les plus accomplies du théâtre de société de Mme de Staël à Coppet et à Genève. (Voir aussi Int. Soc. Letters, p. 552.)

67. Amélie Fabri (1771-1809), fille de Pierre Fabri (1727-1800), capitaine au Piémont, et de Charlotte Vernet ; cousine des demoiselles Sellon. Benjamin Constant, à un certain moment, aurait songé à l'épouser. Elle mourra prématurément. Mme de Staël composera et jouera une de ses petites comédies, La Signora Fantastici (proverbe en un a., et en pr.), pendant l'hiver 1808-1809, pour la distraire dans sa dernière maladie. (C'est sans doute d'Amélie Fabri qu'il est question, Int. Soc. Letters, p. 523 [Saussure à lord John, 2 juin 1803] ; voir aussi p. 552, qui confirmerait notre supposition.)

68. L'aînée, Jeanne-Victoire (morte en 1879) devait peu après épouser le baron Blancardi Rovero de la Turbie ; la seconde, Adélaïde-Suzanne (morte en 1846), épousera en 1805 Michel-Antoine Benso, marquis de Cavour. La cadette, Jeanne-Henriette (morte en 1842), se mariera en 1809 avec Louis de Douet, comte d'Auzers. (Cf. Int. Soc. Letters, p. 531, 536, 541, 545, 546-547, 552, où il est surtout question de Victoire dans les lettres de M. et Mme de Saussure, à lord John.)

69. Son mariage tournera au désastre et finira par un procès. Larg fait erreur en supposant Mme Necker-de Saussure atteinte de mélancolie (p. 103), alors qu'il s'agit bien de Victoire Sellon (ci. Autob. and Memoirs, p. 44-45, basé sur le « Journal » de lord John).

70. Cf. CG, p. 645 : « Cependant on dit dans la Suisse que vous m'avez dit une fois que vous vous ennuyiez partout et avec tout le monde» (12 juillet [1803], f° 7b).

71. Détail piquant, offrant un aperçu du caractère de Robertson, dont on ne sait quasiment rien. Cet instantané le montre bien moins que timide (cf. Mme de Staël, à Henri Meister, [Neuchâtel,] ce 29 juin [1803], CG, p. 635).


NOTES ET DOCUMENTS 103

May 9th 72 (p. 75) : « Spent the morning idly in playing at chess. dinëd at Madame de Staëls : with Monsieur Odier, MonsEr Monoie 73, &. I do not know how it happens, that at Madame de Staëls dirmers there is always a dullness and awkward restraint in the conversation like an English party and she herself seems to partake of it tho at ail other times she is gay and talkative like the rest of her countrywomen. After dinner she conversed a good deal with Robertson and told me that my shyness and reserve was quite infectious and that with me she always felt that mauvais honte in some degree, which she observe[s ? d ?] in me 74. In the evening she came to Madame Saussure's who had a party at which also the Madlles Sellons were présent ».

May 11th 75 (p. 76) : « In the evening went to the Sellons where we met Madame de Staël, &, &. We were also at Mr Hentsch's where we were informed that the Ritchies 76 were arrived from the South of France where they hâve spent the winter ».

May 12th (p. 76) : Visite aux « Miss Ritchies ». « went in the evening to Madame de Staël s where were the Sellons, &, &. A band of musiç military [influence du français ?] played in an adjoining room and had a most somniferous effect We supped and returned home at 1/2 past 12 o'clock».

May 13th (p. 76) : « Went at 2 o'clock to a portrait pairiter's where Madame de Staël was sitting for her picture 77. Afterwards went to a landscape painter whose style is very like that of Noesmyth 78. At [five ?] saw some beautiful views of Switzerland. Spent the evening at Madame Deodàti's 79. where were the Sellons, etc. ». '

May 14th (p. 76) : « Spent the even. at Mlle Fabri's with the usual party ».« Was much entertaihêd with a conversation with Mad,le Sellon and Madame de Staël ».

72. CG, n. 2, p. 620.

73. Mme Jasinski hésite entre Jean Monod (1765-1836), ami genevois de Sismondi, qui avait été pasteur à Copenhague en 1794, et qui le sera à Paris entre 1808 et 1836, et un certain Gérard Monod, Genevois, diplômé de l'Académie de Genève comme le précédent (CG, n. 3, 5, p. 631). Nous pensons toutefois qu'il doit s'agir de Henri Monod (1754-1833), préfet du canton de Vaud (voir Bejamin Constant (1767-1830) et Lausanne, cat de l'expo. 1980 au Musée hist de l'Ahcien-Evêché, Lausanne, n° 76, p. 27; et CG, n. 1, p. 654 ; n. 5, p. 658 ; n. 2, p. 661 ; Henri Monod. Souvenirs inédits, p.p. J.-C. Biaudet et L. Junod, Lausanne, Bibl. Hist Vaud., XV, 1953).

74. Autob. and Memoirs, p. 39 (avec une imprécision de lecture) ; voir aussi p. 37, et Mme de Staël à lord John, Coppet, 9 7bre [1803], Int. Soc. Letters,.p. 620, fos 22a & b. Le mystère qui entoure lord John, enveloppera aussi Oswald.

75. CG, n. 2, p. 620.

76. Deux bas-bleus comme les soeurs Berry ? Nous n'avons pu établir l'identité de ces personnes. Un « Dr. Ritchie» est mentionné par Dr. Peter Mark Roget comme étant le tuteur de Lord John (cf. Herbert Philips, éd., op. cit., p. 110). Il confond avec Robertson, cela est évident. Nous avons relevé un « Mr. Ritchie, of Ixin Açademy, Scotland », dans le Liber àmicorum du Dr. Louis Lévade (1746-1839), Musée d'Histoire du Viêux-Vevey, Fonds Levade, dôss. n° 32. Ce pourrait être William Ritchie, ment dans le Ms des Règlements de la Société Littéraire de Lausanne -1722-1782, cf. BPU, Genève fichier ms. de Gavin R. de Béer.

77. Nous pensons qu'il doit s'agir du portrait où elle figure debout, à côté du buste de Necker, s'appuyant contre une balustrade de marbre, oeuvre restée longtemps sans attribution mais dont l'artiste semble bien'être Firmin Massot (Coll. du Château de Coppet). Voir Yvonne Bézard, Madame de Staël d'après ses portraits, Paris-Neuchâtel, éd. Victor Attinger, 1938, p. 13-14.

78. S'agirait-il de W.-Adam Tôpffer, qui faisait les fonds aux portraits de Massot, ou de Jean-Daniel Huber (1754-1845), que lord John compare à Alexander Nasmyth (17581840), né à Edimbourg et élève de Ramsay ? (Voir Friederika Brun.Xettras sur Genève,

par Me Brunn, trad. librement de l'allemand par A.S., Genève, 1802, et Oxford Companion to Art, 1970, p. 764-765).

79. Octavie Diodati (1769-1846), qui avait épousé en 1793 Jean-Mârc-Jules Pictet, né le 5 juin 1768 (branche des Pictet de Sergy), ami de Mme de Staël.


104 REVUE D'HISTOIRE LITTÉRAIRE DE LA FRANCE

Sunday, May 15th (p. 76-77) : « Walked out from 1 to 3. After dinner went with Madame de Staël and Mr McCulloch 80 to Monsr Pictet's (Brother of the Professor's) 8' country house. He has within the last 20 yeàrs introduced the practice of breeding and fattening sheep which before that period, was thought impossible in this part of the country and ail the mutton they had was [p. 77 :] driven down already fat, from the Pays de Vaud » 82. « Retumed at 8 o'clock to Madame de Staël's where we drank tea, and went in the evening to the Sellons. Learnt some annecdotes of Ld D. [Derby ?] from Mad 11? Victoire with whom I had also some discussions upon the Best Systems of Philosophy ».

May 16lh (p. 78) : « Called in the morning on the Miss Berry, at the Hôtel des Ballances. They had arrived the day before 83 from Nice where they had spent the Winter. In the even. Mad. de Sauss. had a small party for their amusement at which Mad. de S 1, and the Sellons were présent ». « I had before informed V. [Victoire] what sort of persons thèse Anglaises were, but I was told in the course of the evening that my description was quite erroneous and my judgement prejudiced. I believe however, I have already one convert in Madame S. 84 and I do not doubt that the others will quickly follow ».

May 17lh (p. 78) : « went in the evening to Madame de Staël's where were Mr & the Miss [Berry, vraisemblablement], Mr McCulloch, etc., etc. Stella 85 much

80. Nos multiples efforts de recherche à Edimbourg et St Andrews (chef-lieu de Fifeshire) ont abouti à un certain William MacCulloch (15 juin 1773-17 mars 1843), fils cadet du Révérend Robert M'Culloch (paroisse de Dairsie, synode de Fife) et de Janet Campbell, fille d'un écrivain de Maybole. Immatriculé pour la première fois à l'Université de St Andrews en 1786-1787, il complète les quatre ans requis au baccalauréat es arts (B.A.), pour s'inscrire ensuite comme étudiant en théologie aux trois sessions suivantes. Au début de l'année académique 1793-1794, il est censé se rendre à Edimbourg, dans quel but, nous ne pouvons l'affirmer. William MacCulloch fera carrière à la Compagnie des Indes Orientales (East India Company), à Londres. (Cf. Hew Scott, Fasti Ecclesiae Scoticanae : The Succession of Ministérs in the Parish Churches of Scotland, From the Reformation, A .D. 1560, to the Présent Time, Edinburgh, William Paterson ; London, John Russell Smith, MDCCCLXIX, v. n, pt II (Synods of Fife, and Perth and Stirling), p. 488 ; The Gentleman's Magazine, n° de mai 1843, p. 547: Obituary - London and Its Vicinity - « March 17. In Upper Bedford-pl. William M'Culloch, esq. »). Nous discutons ailleurs, plus en détail, de ce personnage de même que nous publions, avec la permission du comte Victor de Pange, les deux lettres de MacCulloch à Mme de Staël qui figurent dans sa thèse (v. n, III-4 & 5, p. 282-286, inédits).

81. Charles Pictet, né le 21 septembre 1755, mort le 28 décembre 1824. Il sera député de la Confédération à Paris, en 1815, et à Turin, en 1816, puis député de Genève auprès des Souverains alliés à Paris et au Congrès de Vienne. Avec sa femme Adélaïde-Sara de Rochemont, il tenait un élevage expérimental de mérinos dans son domaine de Lancy. Il était le frère cadet de Marc-Auguste Pictet (23 juillet 1752-19 avril 1825), professeur de physique expérimentale (1802). Voir Albert Choisy, Généalogies genevoises, Genève. Kiindig, 1947, p. 322, 321, et Fr. Brun. op. cit., I, 16 janvier 1802, p. 13-14, 16-18.

82. En tant que futur propriétaire terrien du comté d'Argyle, lord John pouvait fort bien se montrer intéressé à l'élevage des moutons. Lord John ne devait toutefois pas exceller dans le domaine de l'agronomie mais dans celui de la mécanique. L'on est frappé, dans son « Journal », par la précision et le détail de ses descriptions. Voir Scotland as It Was and as Il Is, by the [VIIIth] Duke of Argyll, Edinburgh, David Douglas, MDCCCLXXXVII, 2e éd., p. 368, et Neil Grant, op. cit., p. 79-80.

83. Mme Jasinski indique toutefois le 14 mai comme date d'arrivée de Mary Berry, de sa soeur Agnès, et de leur père, Robert, s'appuyant sur le « Journal » de la première (cf. Extracts from the Journals and Correspondence of Miss Berry from the Year 1783 to 1852, p.p. lady Theresa Lewis, London, Longmans, Green, and Co., 1866, t II. p. 253).

84. Madame de Sellon ? Lord John abrège toujours « Staël » « St ». D'ailleurs, Mme de Staël connaissait les deux Anglaises depuis fort longtemps, sans beaucoup les apprécier.

85. Germaine de Staël, vraisemblablement L'impatience de celle-ci à l'égard de Robertson est peut-être signe d'une idylle en train de se nouer. Elle dénote, en tout cas. un degré assez élevé de familiarité envers Robertson.


NOTES ET DOCUMENTS 105

annoyed with R. [Robertson] for comming too late ; evèry body extremely anxious to know the news from Paris. One gentleman said that there were letters in town that had corne by wây of Lyons mentioning the departure of Lord Mhitworth 86 ; and another came in to inform the company that milord Campbell has received a letter announcing peace. I begged leave to contradict this assertion but nobody paid much attention to me for some time ».

May 18th (p. 78) : « This moming at 9 o'clock we received a note from Madame de Staël to inform us that the English Embassador had quitted Paris 87 but that still there were some hopes of peace ».

May 19th (p. 78-79) : Excursion au Mont-Salève, dès le matin, en compagnie de M. et Mme de Saussure, des Sellon, et de Fabricia 88. [P. 79 :] « in the evening we returned to Geneva and having dined a second time with Mad. and Mons.r de Saussure, Robertson and [I] went to Madame [de] Staël's where we found a number ôf children dancing and screaming like savages 89. Madame de Staël had intended that the old savages should dance too but as there were several English présent she thôught that giving them a Bail after the English Embassador had quitted Paris would Be construed by little Boney [Bonaparte] into an act of high treason against His Majesty. The Miss Berry's were présent and had introduced Col Abercromby and a son of Lord Methuen's who had arrived from Italy on their way to England » 90.

May 20th (p. 79-80) : [P. 80] « in the evening went to Madame Tremblé's 9! and afterwards to Madame Pictet Deodati's. Madame de Staël V. [Victoire] A. [Adélaïde] and Fabricia présent».

May 21st (p. 80-81) : « In the morning paid visits, at 2 o'clock went to Madame de Staël's. Also spent part of the evening there. Madame informed us that

86. L'ambassadeur d'Angleterre à Paris, qui venait d'épouser la duchesse de Dorset Ces lettres étaient destinées à là marquise de Donegall (née Anna May, morte en 1849), séjournant alors à Sécheron (voir G. de Béer, « Neuchâtel... », p. 13-14 ; Journal'andCorr. of Miss Berry, op. cit., II, p. 258).

87. Il avait quitté Paris dans la nuit du 12 au 13 mai (CG, n. 4, p. 624 ; voir aussi Autob. and Memoirs, p. 39, Int. Soc. Letters, p. 518, et Larg, p. 103-104). Voir encore le très important n° d'août 1803 du Gentleman's Magazine, p. 774-775, en particulier, et Michael Lewis, Napoléon and His British Captives, London, George Allen, Unwin, 1962.

88." Amélie Fabri ? Le nom figure également à la date du 20 mai.

89. Autob. and Memoirs, p. 39-40 ; Larg, p. 104.

90. Le colonel John Abercromby (1772-1817) et son compagnon de voyage (voir CG, p. 626, Mme de Staël, à Mary Berry). Ce billet figurait déjà in-extenso dans la thèse de Victor de Pange (t II, IV-7, p. 324-325 ; t I, IV, p. 78-79). Nous pouvons maintenant le dater avec certitude, du jeudi [19 mai 1803]. D'autres voyageurs écossais, anglais et irlandais s'arrêteront à Coppet en 1803 : le Révérend John A. Playfair (1748-1819), géologue, qui collaborait à l'Édinburgh Rêview et qui y fera la critique de Corinne (v. XI, octobre 1807) (voir le récent ouvr. de Victor de Pange, Le plus beau de toutes les Fêtes. La Correspondance inédite de Madame de Staël et d'Elisabeth Hervey, duchesse de Deyonshire, 1804-1817, Paris, Klincksieck, 1980, n. 10, p. 43 ; on consultera également sa thèse, v. I, ch. m, « English Friends on the Continent », p. 49 et v. 11, III-3 (billet, p. 281282). Valentine Browne Lawless. (1773-1853), lord Cloncurry (à partir de 1799) viendra aussi à Coppet (cf. Personal Recollections of the Life and Times, with Extracts from the Correspondence,:of Valentine Lord Cloncurry, Dublin, 1849, p.'206-207) et fera le voyage d'Ancône à Venise avec Mme de Staël en 1805. Benjamin Thompson, comte Rumford séjourne brièvement à Coppet vers la mi-août (Mme Jasinski, « Liste des principaux visiteurs... », p. 467, et Briefe v. Karl Viktor v. Bonstetten an Friederike Brun, hgb. v. Friedrich v. Matthisson, Frankfurt a. M., Wilhelm Schaefer's Buchhandlung, 1829, V. I). Mentionnons enfin Mr et Mrs Charles Hereford (sur la base du fichier de Gavin de Béer, Cari Index of British Visitors to Switzerland until 1820, BPU, Genève ; voir aussi Cilette Blanc, op. cit., II, p. 81 et ss.), et les deux jeunes Philips, John Burton et Nathaniel (cf. n. 169 et Continental Travel in 1802-1803, p. 71).

91. Il s'agit de Mme Trembley-Roguin. Louisè-Isabelle-Augustine Roguin, née à Yverdon en 1770, avait épousé en 1792 Pierre-Guillaume Trembley, de Genève (voir CG, n. 3, p. 626).


106 REVUE D'HISTOIRE LITTÉRAIRE DE LA FRANCE

Bonaparte had announced to the Tribunat that he had never consented to the slightest modification of the treaty of Amiens respecting Malta, that the English government had requested to have possession of the Island of Làmpadouse which he was willing to ôbtain for them, and that they had not mentioned Switzerland at ail. As to the évacuation of Holland which they demanded he would withdraw his troops as soon as the English quitted Malta ; and that Russia having now consentedto guarantee the indépendance of Malta, he had dispatched a courrier to London 8 hours after the departure of Lord Whitworth 92 with proposais which he did not doubt would be accepted by the English. This news which is from the best authority Mad[ame] de St[aël] regards as unfavourable to peace, on the supposition that the English ministry cannot accept such ternis after ail the préparations [ ?] they hâve made for War. Went afterwards [p. 81:] to Mademoiselle Fabri's where were the usual party assembled ».

May 22nd (p. 81): «Went w[ith] Sauss[ure] to country hôuse of Mônsr Théophile Casenove 93. In the evening went to the Sellon's Sunday party ».

Monday, May 23Tà 94 (p. 81) : « Dined at Madame de Staël's. Miss Agnes Berry présent Went after dinner to the country house of her uncle Mônsr Necker 95, which is beautifully situated on Piémont side of the lake and commands a charming view of the town and environs of Geneva. Returned and spent part of the evening at Mad[ame] de St[aël]'s ».

May 24th (p. 81) : « We this morning received the intelligence that the French Embassador had arjived at Paris. Of course we regard the War as inévitable. [Ils lisent le Moniteur pour les détails96]. « dined at he Sellon's with Mad[ame] de St[aël] &. A most magnificent entertainment and very pleasant. Went in the even. to Madame Tremblé's 97 where I felt much enclined to desen[g]agé myself with â nap, but Madame de Staël assured me that it would be reckoned impoli ».

May 25th (p. 81-82) : « Walked from ten to twelve and went after dinner to the Campagne of Monsieur Argand 98 where we found Mad[ame] de Stfaël] and a numerous party besides assembled for the purpose of walking about one [p. 82 :] of the least pretty gârdens that I hâve seen here and of devouring a second dinner. Not finding much amusement in such sport I took a walk with Robertson to the house of Monsieur] de laz Rive, and which formerly belonged to the famous Naturalist Charles Bonnet ». « Returned to town at nine o'c[lock] and went to the Sellon's where we staid till 1/2 past eleven ».

May 26lh (p. 82) : Nouvelles politiques alarmantes 99. « Dined with Monsieur Tronchain 10° at « Les Délices », formerly the property of Vol[taire]. [,..] we remained there [until] 8 o'c[lock, returned to town] and went to Mad[ame] de St[aël]'s where we found Sir G. Prescot and Ld Robert Tottenham' 01 friends of

92. Voir plus haut, n. 87, et A. Aulard, Paris sous le Consulat, Paris, Cerf-NobletQuantin, v. III, 1906.

93. Il s'agit de Charles-Théophile Cazenove, né le 20 novembre 1765 à Amsterdam, mort à Genève en 1811 (voir Galiffe, op. cit., 2e éd., t IV, Genève, A. Jullien, 1908 (Slatkine Reprints, 1976), p. 73.

94. CG, p. 626 et n. 4.

95. Il s'agit de Louis Necker de Germany, qui mourra l'année suivante, peu après Jacques Necker.

96. Mme de Staël joindra à sa lettre du 12 juillet à lord John un article du Publicistè du 7 « très signifiant aussi pour la paix » (Int. Soc. Letters, p. 590).

97. CG, p. 626 et n. 4.

98. André Argand, dit Argand-Picot (1762-1829), avocat à Genève, conseiller de préfecture et membre du Collège électoral du département du Léman sous l'Empire, président du tribunal de première instance de Genève. Il était lié d'amitié avec Benjamin Constant (cf. CG, IV, 1, n. 2, p. 177, et B. Constant, Journaux intimes, p.p. A. Roulin et Ch. Roth, Gallimard, 1952, p. 484).

99. Autob. and Memoirs, p. 40.

100. Il pourrait s'agir de Jean Tronchin (1761-1816), ou de Charles-Riochard Tronchin (1763-1835). Voir Galiffe, op. cit., 2e éd., t. II, 1892 (Slatkine Reprints, 1976), p. 867, 868.

101. Sir George Beeston Prescott (1775-1850), avocat, et lord Robert Tottenham.


NOTES ET DOCUMENTS

107

the Miss Berrys ; after the company had rëtired Robertson, McCulloch and myself suppéd with Madfame] de Stfaël] ».

May27th (p. 82-83) : [P. 83 :]« Having consulted Sauss(ure] he adyised us by ail means to go to Switz(erland] the next morning early before the Post could arrive with the ôrder to detain the English. Hâving determined to do so, we went to Les Ballances to inform the Berrys102 and also called on McCulloch who agreed to aecompany us. We afterwards went to Mad[ame] de St[aël] to inform her of our sudden flight We found her at supper with Monsieur Argand one of the Prefect's Coûneilors 103, whom I endeayoured to confuse by talking côhstantly to him, while Robertson told her in English what had happened and what we intended to do in conséquence : in a short time the accomplished Monsieur Argand who fortunately had but one eyé, retired in disgust without hâving detected the. confusion of Mad(ame] de St[aël] whose anxiety for our escape and at the sâme time her desire to detain Robertson made her appear so much interested that I was afraid we might be suspected by Argand and detainëd. McCulloch soon after came there and we held a council of War the resuit of which was thât we should go the next morning at 7 o'clock to Copet a smal village the first after leaving the French frontier, at which Monsr Necker has a large Châteaux, and wait there till we heard from her.. We set out accordingly at 7 o'clock on the morning of the 28th 104 in a Fiacre and passed the Frontier [s ?] at Versôix without any dfficulty. We got to Copet at 9 o'clock [p. 84 :] and about. one o'clock we received a letter from Mme de St[aël],- and one from Saussure telling us that we had done well to escape for that the expected order had arrived. andthat ail the English were detained. She desired us to go on to Nion or Rolle ând to return to Copet the next day when we should have further intelligence from her : we accordingly went to Nion in the evening... ».

May 29th 105 (p. 84-85) : « We went to see a manufactory of porcelaine which was not at all remarkable with Monsieur Cristin 106 a Swiss attached tô the Russian Embassy at Paris and who says he is here on leave of absence. We dined with him at the Table d'Hôte ». Ils font ensuite une excursion jusqu'à St Cergue pour admirer le panorama. [P. 85 :] « On our return to Nion we procured a Char a banc and returned to Coppet where we found Mad[ame] de St[aël]'s.servants with a letter from her to Robertson and one from Sauss[ure] to me, containing no news however, but many kind expressions of regret at our departure and promising to come to us the next day at 12 o'clock».

May 30th (p. 85) :,« This dày at 1/2 past 1 o'clock Mad[ame] de St[aël] With Monsieur] and Mâdfame] de Sâuss[ure] arrived at the Chatteaux 107. They

102. CG, n. 7, p. 625 ; p. 626-627. Mary et Agnès Berry étaient accompagnées de Mrs (Anne .S.) Damer, le sculpteur, qui elle aussi parviendra à s'échapper grâce à l'avertissement de lord John, (cf. John Goldworth Alger, Napoleon's British Visitors and. Captives, 1801-1815, New York, James Pott & Co.; 1904, p. 117, 179 ; Journal and Corr. of Miss Berry, op. cit., II, p. 258-259 ; The Diaries and Letters of Sir George Jackson, K.CM., From the Peace of Amiens to the Battle of Talavera, ed, by Lady Jackson, London, Richard Bentley & Son, 1872, v. I, p. 154-155.

103. L'anecdote est relatée dans Autob. and Memoirs, p. 40, et par Larg, p. 104,

104. Autob. and Memoirs, p. 41 ; Int. Soc. Letters, p. 523 ; Larg, p. 104 ; CG, p. .627. . Voir également le « Journal » de Miss Berry, op. cit., II, p. 258.

105. CG, p. 627.

106. Cf. n. 8. Lord John et ftobertson auraient fort bien pu le rencontrer à Genève auparavant Christin s'y trouvait depuis le 3 avril (cf. Arch- Nat, Paris). Les rapports entre. Christin et Mme de Staël onty été étudiés en détail par Frédéric Barbey,« Un ami de;Mme de Staël à la prison du Temple. Ferdinand Christin », in Suisses hors de Suisse; Au Service des rois et de la Révolution, Lausanne, Payot, 1914, p. 99-210, et par Mme Cécile-Rëné Delhorbe, « Un Yverdonnois à Coblentz : Ferdinand-Daniel Christin (1763-1837) », Revue Historique Vaudoise, 61e année, 1953, p. 122-38. Voir encore P. Kohler, op. cit., p. 3.13317, 689, qui s'appuie sur Barbey, et notre art, à paraître, « Un Écossais à Coppet en. 1803 :William MacCulloch».

107. Autob. and Memoirs, p. 41 ; CG, p. .627, et n. 6, p. 630.


108 REVUE D'HISTOIRE LITTÉRAIRE DE LA FRANCE

brought with them the French papers of the Inst [Instant] containing the order to arrest all the English men in the French dominion between the ages of 18 and 50 ». « Mme de St[aël] dispatched my servant to Lausanne with a letter to some of the constituted authorities there, to know if the English were in any danger of being arrested in Switzerland as was reported at Geneva ».

May 31sl (p. 85-86) : De retour, le domestique de lord John annonce qu'il est peu probable qu'un tel ordre soit donné. « [B] ut the worst that was expected was an order for them to quit [p. 86 :] the Swiss territory in a certain time, and that in the mean-time we may remain in it in perfect tranquillity. Monsieur] Nekar arrived in evening ».

June 1st (p. 86) : « Went with Auguste on the Lake. On my return found Miss Call, 08 and Mad[ame] Casenove arrived from G[ene]va. Mon[sieur] Sellon and Monsieur] Fingerling 109 also came to dinner. In the eve[ning] Mme de Sau[ssure] et Mon[sieur], returned with Mad[ame] Casenove and Mon[sieur] Sarasin (who also dined hère)n 0 to G[ene]va. Miss Call proçeeded tôw[ard] Lau[sanne]. Mme de St[aël] was so good as to invite Lady Beverly to corne and dine hère to see men"111.

June 2nd 1I 2 (p. 86-87) : « Mr McCulloch and M Cristin arrived from Lausanne. They brought no fresh intelligence ». A six heures du soir, un domestique de l'auberge de Nyon arrive, leur annonce que son maître a un « secret » à leur communiquer, de première importance pour les Anglais. Leur courrier étant à Genève, ils décident de rencontrer l'aubergiste à mi-chemin entre Coppet et Nyon. « [A]nd hâving procured Monsieur] Cristin horses we set offwith the expectatioh of hearing s[ome]thing of great conséquence ». L'aubergiste leur révèle qu'il a « certain information] that the English who were at Gva Would be sent [p. 87 :] to Vallence, and advised us gravely no to go to Versoix or any other French Barrier ». « We returned to Coppet where they ail laughed at us for [the] eagerness we had displayed in going on this fool's errand ».

June 3àln (p. 87) : « Lady Beverley and Lady Susan Percy came to dinner 114. They returned to Secheron in the evening ».

June 4lh 115 (p. 87) : « We left Coppet after dinner and arrived at

LAUSANNE at 12 o'c[lock] at night, it being too late to get into our lodgings which had been taken for us by McCulloch, we went to the Lyon d'or » 116.

June 5th (p. 87) : « Called upon the Miss Berrys where I saw Sir W'm Call who invited us to dine with him the next day, at a country house which he has taken near the lake. Saw also Monsieur] and Mme de Sauss[urê] who came from Gva the preceeding day 117. Dined at the Lyon d'Or, and went in the evening with

108. Phillida Call, l'une des trois soeurs non encore mariées de Sir Williams Prâtt Call (1781-1851). Nous renvoyons à Mme Jasinski, « Liste des principaux visiteurs... », p. 467 (art. « Call » et « Ferdinand Christin »). Sur leur fuite, voir Lady Jackson, éd., op. cit., I, p. 286-287, et le Gentleman's Magazine, août 1803, p. 775.

109. De la famille Finguerlin, originaire de Lyon et établie à Rolle (voir Henri Delédevant et Marc Henrioud, Le Livre d'or des familles vaudoises, Lausanne, SPES, 1923, p. 197, 37).

110. Il pourrait s'agir de Jean Sarasin. Cf. Paul-E. Martin, et al., Histoire de Genève (2.vol.), Genève, Alexandre Jullien, éd., t II, 1956, 1798-1931, p. 41.

111. Lady Beverley (1759-1812), née Isabella Susanna, soeur de Peter, Ier baron Gwydyr, et deuxième fille de Peter Burrell, de Beckenham, Kent (cf. The Complète Peerage, 1912, v.II, p. 175).

112. Int. Soc. Letters, p. 522 (lettre de M. de Saussure, à lord John ; Ms. fr. 1801/3, fos 2a, b & 3a).

113. CG, p. 627 ; Mme de Staël trouvera le temps d'écrire une longue lettre à Villers ce jour-là

114. Cf. Int. Soc. Letters, p. 522-523.

115. Autob. and Memoirs, p. 41 ; Larg, p. 104 ; CG, p. 630-631.

116. CG, p. 631 (comm. de Mme Jasinski).

117. Int. Soc. Letters, p. 523 ; Larg, p. 104.


NOTES ET DOCUMENTS 109

Sauss(ure] to the house of Gênerai Froissar an Officier in the Austria Service 118. Wè found there several of our Genevese acquaintances.

Met Sir Simon Tayîor 119 there who seemsto be agréable ».

June 6thl 2° (p. 88) : « Called on Madame de Saufssure] at her house we met Monfsieur] Signieux 121 who had eut two profiles of Robertson and me which he gave to Mad de S au They were so like, that I requested him to make one or two more for us which he very obligingly promised. Dined with Sir W'm Call and his sister at a « Campagne », which he has hired near the Lake. Mad(ame] de Casenove and her son were présent 122. The Latter sang with Sir W'm and Miss Call some songs which recalled England and other scènes forcibly to our • minds !? 3. We returned to town in the even. At seven o'c Mme de Stfaël] arrived from Coppet with McCulloch 124. We went with them to call upon the Berrys, and afterwards spent the evefning] and supped with Mad[ame]de Stfaël] ».

June 7* (p. 88) : « Dined with Mons(ieur] Darlan [d'Ariens] at his country house 125. [../] « View of mountàins at entrance of V allais particularly beautiful ». Le soir, réception. «Lady Drake and hër sis. présent 126. [...] Several réels and Almands [allemandes] Bernoises were danced».

June S* 127 (p. 88-89) : « Called on [p. 89 :] Mme de Staël at twelve o'clock. Dined with Sir William Call ». Il sort avec Mme de Saussure. « Returned and supped with Madfame] de St[aël] ».

June 9th 128 (p. 89 ); « Went in the eve to a concert at Monsieur Constance's ; supped at Mad(ame] de St(aël] ».

June 10lb (p. 89) : « Called on Madfame] de Stfaël] in the morning. Dined at General Froissar's [Frossard], & went to a bail at Miss Call's 129. Returned ând supped at Madfâme] de St[aël]'s ».

118. Mare-Étienne-Gabriel Frossard (1757-1815), général autrichien né à Nyon (Vaud). Tombé en défaveur et pensionné dès 1793, il devait s'établir à Begnins (Vaud) et s'y consacrer aux lettres et à la poésie. Il passait une partie de l'été au « Petit-Bien », maison de campagne louée par lui aux environs de Lausanne. Très lié avec Mme de Staël, il fut un des hôtes assidus de Coppet

119. Sir Simon Taylor (1783-1815).

120. Autob. and Memoirs, p. 41 ; CG, p. 631.

121. Sans doute M. de Seigneux, officier lausannois au service de Hanovre et de Brunswick, seigneur de Béthusy, sur Lausanne.

122. Il pourrait s'agir de Constance, épouse de Marc-Antoine d'Ariens, ou de Mme Charles-Théophile Cazenove van Jéver, femme du secrétaire de Talleyrand, alors fixée à Genève. (Voir plus haut, n. 93). Nous penchons pour la première (cf. Deux mois à Paris et à Lyon sous le Consulat. Journal de Mme de Cazenove d'Ariens (février-mars 1803), p.p. A. de Cazenove, Paris, Alphonse Picard et Fils, 1903).

123. Cf. « Journal » June 28th, et Ms. fr. 1801/4, déjà mentionné (n. 9). Lorsque Corinne parviendra à Christin, exilé en Russie, il lira le roman d'un trait et se promènera en chantant la romance que lui avait apprise Mme de Staël l'été de 1803 : « Je ne l'achève point sans verser des larmes, tant cet air me rapporte puissamment à vos côtés, sôus les allées de Coppet Begone dullcare me ramène dans la galerie et sur l'escalier et O Ladyfair, where a[r]t thougoing, dans le salon avec Miss Philida » (Suisses hors de Suisse, op. cit., p. 205). Cet épisode se situe approximativement entre les 9 et 12 juillet

124. Autob. and Memoirs, p. 41 ;Int.Soc. Letters,?. 523 ; Larg, p. 104 ; CG, p. 631 et notes.

125. Il s'agit probablement de Marc-Antoine Cazenove .d'Ariens, qui jouera avec sa femme et sa fille Laure sur le théâtre de société de Mme de Staël à Ouchy et à Coppet (été, automne 1807).

126. Lady Drake, née Anne Frances Maltby (1774-1846), épouse de Sir Francis Drake (1756-1839), et sa soeur Miss Maltby.

127. CG, p. 631 (témoignage de Rosalie de Constant : BPU, Genève, Ms. Constant 18/11, 1799-1803, fos 225 à 227b).

128. CG, p. 631. (Ms. Constant 18/11, f° 226a). C'est chez César-François de Constant qu'eut lieu ce concert

129. Larg, p. 104 (témoignage de Rosalie); CG, p. 631 (comm. de Mme Jasinski et témoignage de Rosalie, f° 226b).


1 10 REVUE D'HISTOIRE LITTÉRAIRE DE LA FRANCE

June lllh 13° (p. 89) : Lord John et Robertson quittent Lausanne à deux heures de l'après-midi pour les glaciers de Grindelwald. Sans doute Mme de Staël retourne-t-elle à Coppet, où elle les accueillera le 19. Saussure et sa femme seront de retour à Genève le 13 I 31.

June 19th 132 (p. 97) : « ... on the 19th we returned to Coppet where we arrived about ten o'clock at night and found Mme de Stfaël] not yet returned from a party at the Préfet of Geneva's [M. de Barante's] Country house. She arrived however before eleven ».

June 20th (p. 97-98) : « The heat being [p. 98 :] excessive staid at home ail the morning. in the ève M,le [laissé en blanc] arrived from Gva. She played on the piano forte better than any person I ever heard » 133.

June 21st (p. 98) : « Mon[sieur] & Mme de Saussfure] came to dinner. returned in the eve to Gva ».

June 22nd (p. 98) : « Lady Beverley and her 2 daufghters] came to dinner » 134,

June 23td (p. 98): « Mons. Fing[u]erlin 135 & M. Sellon dined at Coppet and in the evenfing] the Prefect came to pay Mme de Stfaël] a visit She learned from him that an order was soon expected at Geneva to send the English to Verdun and in conséquence she wrote to the Commandant to permit Lord Beverley to remain » 136.

June 24ih (p. 98) : « Mme de Stfaël] received an answer from thé Commandant that Lord Beverly should be permitted to remain and one of the servants who were with him as prisoner [s ?], but that as yet the order tho expected, was not arrived ».

June 25lh 137 (p. 98) : Christin arrive de Genève : l'ordre d'envoyer les Anglais à Verdun n'a pas encore été donné. « Hâving dinêd at 1 o'c we left Coppf et] with Mme de Stfaël] on our way to the Lake of Bienne. M. Cristin & Augustfe] de Staël accompanying us in another carriage. At Morges, we found McCulloch » 138. « As I had some business at Lausanne I procured a char a banc and proceeded thither. The rest of the party slept at Morges except Cristin and McCuDoch who came to Lau(sanne] at night I supped & spent the eve(ning] with the Miss Berrys »,

Le « Journal » de Ferdinand Christin (dans sa presque totalité, inédit ; ms, a. 4 2/3 p., Archives de Coppet) confirme les faits et met au jour la rivalité entre MacCulloch et Christin dont l'objet était Mme de Staël (nous renvoyons à notre article à paraître) : « [A] Lausanne. Samedy 25 juin. Je suis parti de Genève ail heures [.] J'ai diné à Coppet et après diné je me suis rendu a Morges où j'ai trouvé MacCulloch furieux contre Madame de Staël & jurant qu'il ne la verrait point ; j'ai fait des efforts pour l'appaisêr et au lieu de le laisser aller dans une autre auberge comme il le voulait je l'ai amené doucement dans la mienne où j'attendois

130. CG, p. 631, et n. 8.

131. Int. Soc. Letters, p. 524 ; Larg, p. 104 (mais, encore une fois, il ne s'agit pas de Mme Necker-àe Saussure).

132. CG, p. 632.

133. Ce pourrait être Caroline-Louise Butini (2 mai 1786-9 mars 1836), fille du célèbre médecin genevois Pierre Butini, et qui épousera, le 6 juillet 1808, Jacques-Auguste Boissier. En 1802, la poétesse danoise Friederika Brun la décrit comme « une des musiciennes les plus fortes sur le piano », et son jeu « extrêmement brillant » (op. cit., lettre n, 23 janvier 1802, p. 41).

134. Susan et Emily Percy (voir Cilette Blanc, op. cit., I, p. 83, 93-94).

135. Il pourrait s'agir de Jean-Henry Finguerlin, 1746-1821, ancien négociant et bourgeois de Rolle, « canton de Vaud en Helvétié ». Cf. l'art de Eugène-Louis Dumpnt, « Une ancienne « campagne » genevoise : « Varembé » et ses propriétaires », Revue du Vieux Genève, 1980, n° 10, p. 74.

136. CG, p. 633 ; Int. Soc. Letters, p. 536 ; Cilette Blanc, il, p. 83 sq. L'on relèvera, une fois encore, la générosité de Mme de Staël. Sur l'épisode de l'emprisonnement des Beverley, cf. Henry Cazenove, Narrative in Two Parts, London, James Compton, 1813.

137. CG, p. 632, 633, et n. 5, 7.

138. CG, p. 633-634 et n. (lettre de Mme de Staël, à Necker, Morges, samedi soir [25 juin 1803]).


NOTES ET DOCUMENTS 111d'une

111d'une à l'autre Lord John C. Robertson et Mad. de Stfaël] qui en effet sont arrivés au même instant McCulloch a eu avec Mad. de St[aël] une conversation de 2 h. dans la chambre a coté de la notre après laquelle Mme de Stfaël] m'a fait je ne sais quel reproche vague qui m'a étonné et peiné ; après soupe je suis parti pour Laufsanne] avec McCulloch qui m'a paru extrêmement froid sans qu'il me soit possible. d'en deviner la cause que je lui demanderai franchement dès demain matin si je peux » (fos lb & 2a, inédit).

JOURNEY TO BIENNE

June 26th 139 (p. 99) : « McCulloch and Cristin breakfasted with me at the Lion d'or ». Retour à Morges ; de là, le petit groupe se dirige vers Yverdon où il arrive le soir. Christin s'y trouve déjà, ayant emprunté une autre route, venant de. Lausanne. Visite à Mlle Delachaux 140. Et c'est le mémorable épisode du souper à l'Auberge d'Yverdon : « We invited lier by Mme de St[aël]'s désire to corne and sup with her at the Inn, which she did, as she said she was now determined to to England, we advised her to accept a place in our carriage. She made some objections which we endeavoured to overrule ». D'après le « Journal » de Christin : « Yverdun. Dimanche 26 juin. J'ai déjeuné avec Lord J.C. et McCulloch que j'ai trouvé plus froid encore qu'hier ; je lui en ai demandé la raison : pour toute réponse il a pleuré amèrement sans vouloir me donner aucune explication » (f° 2a, inédit). Christin va embrasser ses parents puis attendre Mme de Staël à l'auberge, où il lui demande une explication de cette « énigme ». « A mon extrême confusion j'ai appris que McCulloch lui avoit parlé de mes lettres et entraûtres de celle où je lui contois le libelle que j'avois trouvé sur sa table [...] Grand Dieu ! l'amour peut il faire oublier ce qu'on doit à son ami, ou qu'on doit à l'honneur ? [...] [A]h les hommes sont abominables et McCulloch que je croyois supérieur e[s]t le plus foible de tous les mortels [...] » (f° 2b ; la lere partie est inédite, la 2de est citée par Barbey, op. cit., p. 128 ; nous renvoyons à notre article à paraître).

June 27th (p. 99) : Réticences de Mlle Delachaux, que lord John essaie de surmonter ; elle désire voir son frère avant de prendre une décision 141. Elle leur écrira à Neuchâtel, à leur retour de Bienne. Ils dînent à St-Aubin et arrivent le soir à Neuchâtel. Christin : « Lundy 27 juin. J'ai passé la matinée encore avec Mmé de Stfaël] et nous avons reparlé beaucoup et avec abandon de ce McCulloch qui ne sera jamais rien pour moi » (f° 2b, inédit). Christin fait ses adieux à lord John et à Robertson « avec regret et peine ». « Quant à Madame de Staël que je chéris de jour en jour davantage et 1 000 fois plus encore depuis ce matin j'aurai le plaisir de là revoir Jeudy et ce m'est une douce et fort agréable perspective » (cité par Barbey, op. cit., p. 128 ; nous donnons le texte du ms. orig., f° 3a). Christin part en direction de Valeyres, puis Villars, pour y voir des amis «mais j'ai eu constamment l'esprit occupé de l'extrême inconstance de McCulloch pour ne pas donner un nom plus sévère à sa conduite inouïe à mon égard : Mon Dieu que je suis bête de me livrer avec tant d'abandon aux mouvemens de mon coeur ! Mais qui h'auroit pas cru aussi que McCulloch étoit un homme sur, un homme raisonnable? À 40 ans recevoir encore de telles leçons ! J'en rougis ! » (f° 3a, inéd.).

139. Int. Soc. Letters, p. 519 ; CG, n. 7, p. 633, et p. 635. Larg fait erreur quanta la date (p. 105).

140. Int. Soc. Letters, p. 519 ; Larg, p. 105-106 ; CG, p. 635. Cet épisode fit parler de lui : voir Comte L. Remacle, Bonaparte et les Bourbons. Relations secrètes dés Agents de Louis XVIII à Paris sous le Consulat (1802-1803), Paris, Pion, Nourrit, 1899, p. 428 ; Paul Gautier, op. cit., p. 128 ; voir de même P. Kohler, op. cit., p. 314 (erreur de date) ; Frédéric Barbey, op. cit., p. 127 (date fautive), 128, et 170.

141. Henri-Louis Delachaux (1754-1831), propriétaire d'un vignoble à Ruyères, entre Vevey et St-Saphorin. Marie-Charlotte avait aussi une soeur, Henriette, qui mourra le 5 décembre 1817 à Florence (cf. Gavin de Béer, op. cit., p. 153, n. 11, et CG, p. 636, 638).


112 REVUE D'HISTOIRE LITTÉRAIRE DE LA FRANCE

June28ûi 142 (p. 99-101) : Alors que Christin dîne chez son père entouré d'amis venus pour le voir (« Journal », mardi 28 juin, f° 3a), Mme de Staël, lord John, Robertson, et Auguste arrivent à Cerlier, au bord du lac de Bienné, d'où ils embarquent pour l'île de Saint-Pierre. [P. 100 :] Description de l'île ; évocation de Rousseau et de ses Rêveries (la Ve Promenade, en part). Ils dînent à l'auberge où on leur fait visiter sa chambre. « [I]n walking there in the eve we heard the peasants who were working at the vines, singing a melancholly air in parts with sufficient degree of accuracy to make it interesting and pleasing, and soon after we were unexpectedly rouzed by the sound of « God Save the King » sung very well by 3 voices. It proved to [p. 101 :] be Mme de St[aël]'s maid and servant and our courier who at our request sang also a french air very well » 143. Ils rentrent à Cerlier à neuf heures du soir et y passent la nuit.

June 29th 144 (p. 101) : Retour à Neuchâtel par la même route. Ils trouvent, à leur arrivée, une lettre de Mlle Delachaux leur annonçant qu'elle accepte leur offre et qu'elle les rejoindra à Zurich. De son côté, Christin dîne chez Fatio, passe la soirée à L'Isle, « et plus tard avec MacCulloch qui m'a confondu en me niant ses torts et en ajoutant la dissimulation à l'indiscrétion la plus coupable. Ah quel homme ! et c'est un Anglois ! [...] » (f° 3b, inédit ; souligné dans le texte).

June 30ih 145 (p. 101) : « Hâving taken lêave of Madame de Staël who returned to Coppet we proceeded on our way to Berne and slept at Arberg ». D'après le « Journal » de Christin : « Jeudy 30 Juin. [...] [J]e suis allé à Onnens au devant de Mmc de Stfaël] qui a voulu prendre sur elle tous les torts de MacCulloch pour me réconcilier avec lui, ce qui ne m'a point touché » (f° 3b, inéd., cf. notre art, à paraître).

July lst (p. 101-102) : Lord John et Robertson quittent Aarberg pour Berne, où ils arrivent à une heure.

BERNE

Lord John passe une demi-heure chez M. Freudenreich.

July 2nd 146 (p. 102) : « This morning R. [Robertson] set off at 5 o'c for Coppet in conséquence of a message he received last night 147. dined with Mad[ame] Bonfstetten], with M. Freudenreich 148, M. St Saphorin, M. Turretini from Gva, and another gentleman whose name I do not know ». Chez M. de S' Saphorin, le soir, discussion érudite sur les chevaux anglais, « a subject I partiçularly understand » 149.

Du dimanche 3 au mardi 5 juillet (« Journal », p. 102-104), lord John se rend à Fribourg, accompagné de M. Freudenreich 150. Le 6, de retour à Berne, il rend

142. CG, p. 635, et n. 2. Et non au mois de septembre, comme l'indique le comte d'Haussonville, Madame de Staël et M. Necker, Paris, Calmann-Lévy, 1925, p. 216.

143. Fanny Randall ? Pasquier était le valet français de lord John, Gardener, son serviteur anglais. Cet épisode enchanteur deviendra, dans l'esprit de Mme de Staël, le symbole du paradis terrestre.

144. CG, p. 635, et n. 2 ; voir aussi Larg, p. 105.

145. Autob. and Memoirs, p. 41. Larg, encore une fois, fait erreur quant à la date (n. 1, p. 106, à comparer avec la CG, p. 636). Voir enfin, CG, p. 635 et n. 2, 4. On fera bien de consulter Norman King, « Sismondi, Madame de Staël et Delphine : Les Débuts d'une Intimité », Cah. St., n° 26-27, et 2e semé. 1979, p. 67-68, et n. corr. 146. Int. Soc. Letters, p. 528 ; CG, p. 640.

146. Int. Soc. Letters, p. 528 , CG, p. 640.

147. Larg, p. 106.

148. Sans doute s'agit-il dé Alexandre de Freudenreich, Bernois établi dans le pays de Vaud, qui assistera aux représentations dramatiques de Coppet en 1807 (cf. P. Kohler, op. cit., p. 478-479 et Int. Soc. Letters, p. 525).

149. Voir notre introduction.

150. Larg, p. 108 ; CG, p. 640, 650 et n. 2, 657 et n. 1.


NOTES ET DOCUMENTS

113

visite à Mme Bonfstetten] (p. 105) : le 7, lord John visite la bibliothèque de la ville et le soir, se rend chez Mme Bonfstetten], où il est présenté au comte Panin (p. 105-106) 151.

BERN-ZURICH

July 7th [suite] (p. 106) : « On my return to the Inn, I found Robertson. with Mademoiselle and her Brother had arrived from Yverdun » 152.

July 8th (p. 106) : Lord John retourne à la bibliothèque afin d'y examiner certains livres. A midi, il se rend chez Mme Bonfstetten] et lui présente MIIe Delachaux. Il rencontre aussi Sir John Stepney 153.

July 9th (p. 106) : Départ pour Zurich. Première étape, Berne-Morgenthal, où ils passent la nuit

July 10th (p. 106-107) : Ils arrivent à Baden à deux heures de l'après-midi. [P, 107 :] « on our arrivai at Baden we found Sir John Stepney who was going fo ZH at night, and who advised us by ail means not to go there but to make the best of our way out of Switzerland. We determined however to remain at Badèn all night and to send our servant to ZH to deliver some letters which Mme de Bonfstetten] had given us for persons there, and to bring back others which we expected to recèive there 154. Sir John said he would let us know how they treated him and from that we might judge whether it would be safe for us or not».

July 11th-12th (p. 107-109) : « Pasquier returned from ZH ab. 1 o'c in the morn(ing] with an answer to the letters Mme Bonsfstetten] had given us, saying that we should avoid ZH as the Commandant there had been very troublesome to ail the English who had been there lately. Pasq. had not found the letters which we knew were there 155. So we [p. 108 :] sent him back at 5 o'c to ZH to searçh for them and to see Sir John Stepney and enquire how he had been treated. At teno'c Gardener came into my room with a note from Robertson saying that he was arrested. I immediately got up and soon after R. [Robertson] came saying that the French officer hâd bêen with him and told him that unless he gave his parole not to escape he would place a soldier in his room and keep him in close confinement. R. gave his parole. He then enquired for me but R. told him he did not know where I was 156. The French officer said he would search for me, but in the mean time I dressed myself in Mlle's clothes and made my escape with her out of the town 157, We took the road to Schaffhausen, and hâving got about 3 miles from

151. Le comte Panin était vice-chancelier de l'empereur Alexandre depuis 1801 (voir The Paget Papers. Diplomatie and Other Correspondence of the Right Hon. Sir Arthur Paget, p.p. son fils, Sir Augustus B. Paget, New York, Longmans, Green & Co., 1896,11, p. 13 et n.).

152. Int. Soc. Letters, p. 519, 526 (lord John était descendu au « Faucon ») ; CG, p. 640. Voir encore Lettres... à Henri Meister, op. cit., p. 180-181, 179 et notre n. 141.

153. Sans doute le « Chevalier Stepnay » qui obtient, à la Préfecture, le 2 juillet 1803, un passeport pour Pise, pour lui-même et pour ses deux domestiques (cf. Cilette Blanc, op. cit., II, p. 80).

154. Nous renvoyons aux Intimate Society Letters.

155. Autob. and Memoirs, p. 41 ;Int. Soc. Letters, p. 520, 588 (lord John était descendu à « l'Épée »); CG, p. 646.

156. Autob. and Memoirs, p. 41. Voir aussi Gavin de Béer, art. cit., p. 15, mais ses dates sont erronées. »

157. Autob. and Memoirs, p. 42-43 ; Int. Soc. Letters, p. 520, 558 ; Larg, p. 108 ; CG, p. 646, 657 (« ce petit Ibrd qui s'est échappé en femme », aurait grondé le général Ney ; lettre de Mme de staël, à lord John, 24 juillet, f° 15a) ; Continental Travel in 1802-1803, op. cit., Appendice, «Journal» de Peter Mark Roget, p. 163-164; Gavin de Béer, « Neuchâtel... », art. cit., p. 15. Voir encore Memoir and Corr. of Susan Ferrier, op. cit., n. 1, p. 184, et K.A. Bôttiger, art. cit., Nr. 28, II,.p. 663. L'épisode fit sensation en Suisse et au-delà, au point qu'il fut romancé (cf. la monographie d'Edouard Quartier-la-Tente, dont un extrait à propos de MIIe Delachaux est cité par Louis Thévenaz (art. cit., p. 51 ; à comparer avec le résumé correct qu'il donne de l'épisode de Baden, p. 52).

REVUE D'HISTOIRE LITTÉRAIRE DE LA FRANCE (83e Ann.). LXXXIII 8


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Baden I concealed myself in a wood upon a hill not far from the road, and Mlle returned to the town to procure a carriage with which she was to come in the evening and take me past the frontierfs ?] as her maid. I remained in the wood almost starved (for I had had no time to eat any thing before my departure and had brought nothing with me) till 1/2 past 7 in the evening, when I heard the Postillon's Frenchhom (which had been agreed upon as the signal [)], Upon the road. I immediately descended from my hiding place and found Madlle and my French servant waiting upon the road with a carriage (my own being seized). We proceeded directly to Keiserstuhl the gâtes of which were opened after a great deal of conversation (during which I did not feel very much at my ease) and we crossed the Rhine, which runs round the town [p. 109 :] without being questioned at the gâtes of the bridge. We slept at the first village we came to in a wretched Inn, and proceeded at 5 o'c the next morning [July 12th] by a variety of cross roads to Staulingen, a small village belonging to the prince of Furstenburgh [Furstenberg], about a mile from the village and after hâving crossed a small stream that séparâtes the country of Schaffhouse from the Prince's territories, I put off my Female habilliments and dressed myself in my own clothes ; being now safe from ail poursuit we remained at Steulingen that the horses might be sufficiently rested to return the next day with Mlle to Baden, she hâving refused to accompany me to England 158. In the evenfing] we walked up to the castle belonging to the Prince of Fustenburgh, situated on a wooded hill above the town commanding a very pretty view of the vallées below and bound by the snowy Alps to the South, (Brève description du château.] We returned to the Inn at nine o'c».

July 13th (p. 109) : « This morn at 6 o'c Mlle set off on her return to Baden which she was to reach in the even. I sent my servant Pasquier with her and resolved to wait his return at Steulingen ».

July 14xh (p. 110) : «Walked in the evening till 9 o'c, when I was agreably surprised to hear the Postillion's French horn on the top of the hill. I walked quickly up to meet him knowing that he would not be there unless he had brought the carriage and I thought it possible that R. & Mlle might be in it ; it was so dark that I could not distinguish till I came close too it, that it contained nobody but Pasquier. I was terribly disappointed and returned to the Inn to read a letter which Robertson had sent mei 59, to tell me that Genl Froissart [Frossard] whom I had

158. L'on ne peut s'empêcher de s'interroger sur le motif qui détermina Mlle Delachaux à changer si soudainement d'idée (cf. Int. Soc. Letters, p. 520 ; CG, p. 651 et n. 3). Le lecteur tirera ses propres conclusions du post-scriptum de la lettre inédite de Robertson à lord John, que nous avons trouvée insérée dans le « Journal » de ce dernier (cf. note suivante et CG, n. 3, p. 651).

159. Ms. as. « RR » et daté « Baden Thursday morg 14th July » ; 3 1/2 p. C'est la lettre à laquelle il est fait allusion dans Autob. and Memoirs, p. 45. En voici le texte intégral :

Baden Thursday morg

My Dear Lord y

Il shall not attempt to express to you the anxiety - the appréhension & the misery of ail sorts that I hâve suffered since I saw you. I have been tormented by every phantom which â discesed imagination could conjure up. The sight of Mademoiselle relieved me from much of my uneasiness. - Last night by accident I met General Froissart from Lausanne at the Table d'Hôte. He with his wife. (to whom you remember you were so loquacious) are on their way to Vienna For God's sake, take my advice to go with them. They will be extremely happy to have you. They have hired a boat for themselves which waits them at Ulm upon the Danube. They say it is quite delightfulailing down the Danube. The boat will contain your carriage also. [P. 2 :] As he stops a day at Constance & travels slowly he will not be at Ulm 'till the 18th. It is only two days journey by the Post from the place where you are. A very few days more carries you to Vienna You must howewer be left at Passau which is upon the Frontiers 'till your passeport arrivés according to the enclosed plan just written by the General. He remains at Vienna ail summer & winter & would be useful to you. Even if you leave it soon, it seems worth while to take this opportunity of seeing it A letter from Lady Exeter to Lady Beverley says your friends wish you to stay


NOTES ET DOCUMENTS _ 1.15

seen at Lausanne 16° was to embark in a few days on the Danube at Ulm for Vienna and advising me to accompany him. I accordingly resolved to do this thinking that perhaps in the meantime R. might be released, and that at any rate I should find there some body going to England which would make the journey less disagreable ».

July 15& (p. 110-1 II) : « As Robertson had said that the answer which he was to receive yesterday Evens might possibly cohtain permission from Gen 1 Ney 161 to leave Switz, I waited till 2 o'c to give him a chance of overtaking me, but as he did not appear at that hour, I concluded that the answer was unfavourable, and set out for Ulm ». « from the top of the hill at the end of the Valley I had the last view of the old castle of Steulingen. I do not know why, but I had taken a sort of gloomy [p. 111:] affection for that place and felt an unaccountable dépression of spirits at leaving it Immediately upon leaving the valley the country becomes dreary and bare of wood except in some places clumps of black pines which addedto its melancholly appearance » 162.

Lord John atteindra Ulm le 17 juillet, en début d'après-midi (p. 111-112). Son humeur est sombre : « The town is ill built and melancholly and there is nothing worth seeing in it except the cathedral » (p. 112) 163. Le 18, le général Frossard et sa femme arrivent 164, apportant la mauvaise nouvelle redoutée: il â été impossible de libérer Robertson. Lord John se décide alors de faire la descente du Danube jusqu'à Vienne en leur compagnie : « I thought it as well to accept the

some time longer abroad. Perhaps peace may be made etc. At ail events, if you do not go, write to the General at Ulm as he directs. He is really a good man & when alorie very pleasant [He kissed me on both sides of the face this morg with great profusion of affection & snuff. [Ajouté, au-dessus, dans l'interligne] ] In order that I may get some money from Mssrs Reyne & Co. at Lausanne for your Bill which you sent [p. 3 : ] me, I wish you would give me a letter to them, in something like the following terms. Mess.rs Je vous prie de payer à M.r Robertson la somme de seize cent cinq francs, deux sols de Banque qui me sont dûs selon le Billet ici-enclos. Then sign it. Don't send me any other money. You will certainly want it You can get money for your Bills from the first Banker or Merchant you can find, tho not mehtioned in your list Write me by the return of the coach-man ail you mean to do. Send me also the papers (about your Carriage) which you got at Calais, that if possible, I may get it settled at Geneva by Saussure or myself. I sent an express tô General Ney the other day after you were gone, & also wrote to Mons;r Freudenreich to désire tq be sent to some Christian abode, if I cannot be released. I expert the return of the man this evening. It is barelypossible that he may bring an order to release me. In that hopeTwish you stay at your présent résidence at best 'till 12 or 1 o'clock tomorrow, in which time I could be with you. Would to God it may happen. I hâve got [p. 4 :] your carriage released which gives me great pleasure. The large trunk I am forced to keep for the cloathes of Madlle, Gardener & myself. - Adieu my dear Lord. I know not if I hâve lately caught the contagion of extravagant sensibility but you cannot conceive the pain with which I see the servants separating our cloaths at this moment Pray go to Vienna Yours with most affectionate regards.

RR

Mademois.lle's account of your journey is delightful. I mean to amuse myself in my prison by writing a novel called « the Expédition to Steulingen or adventures in a doublebedded room. »

160. Voir plus haut, dans le texte, et n. 118 pour son identification.

161. Le futur maréchal, alors chargé de mission par Bonaparte en Suisse. Il se trouvait à Fribourg pour la réunion de la Diète helvétique.

162. Autob. and Memoirs, p. 43. Lord John est surtout déprimé par le coup de tête de Mlle Delachaux de renoncer à l'accompagner en Ecosse. Mme de Staël souhaitera alors qu'Auguste prenne sa place dans le caresse de lord John afin d'aller, comme Benjamin Constant, poursuivre ses études à Edimbourg. Ce projet n'aboutira point

163. Int. Soc. Letters, p. 519, 602, 608 (il était descendu ala« Rose d'or ») ; CG, p. 655 et n. 2, 656 et n 1, 658 et n. 2. Même remarque qu'à la note précédente.

164. Autob. and Memoirs, p. 43.


116 REVUE D'HISTOIRE LITTÉRAIRE DE LA FRANCE

offer he [F.] made me of accompanying him down the Danube to Vienna, where I should probably find some English who should go with me to England » (p. 112). Le petit groupe s'embarque le 19 (p. 112-113) ; le voyage prend six jours. Le 20, ils accostent à Ingolstadt (p. 113), puis, le 21, c'est Ratisbonne (p. 114), qu'ils quittent le 22 (p. 115-116), lord John ayant obtenu un passeport pour l'Autriche. Ils passent une première fois la douane autrichienne à Engelhartzel (Passau) le 23 (p. 116-117), arrivent à Linz le 24 (p. 117-119), puis, le 25, lord John confie à son « Journal » : « [We] glided betw[een] mountains and rocks thrown into the most Romantick shapes... » (p. 119) ; « every moment some new object appeared and I regretted much not being able to [p. 120] to take drawings of the ruins of old castles which appeared at every turn of the river perched upon apparently inaccessible Rocks, at différent heighths upon the wooded mountain that overhangs the river oh the right, almost ail the way to Stein ». Ils arrivent le même jour à Vienne, tard probablement, et descendent à l'« Aigle Noire » [sic], dans le faubourg de Leopoldstadt (p. 121) 165.

Le 26, lord John, accompagné du général Frossard et sans doute de sa femme, fait un premier tour de ville, tente aussi de voir un certain M. Paget, mais sans succès (p. 121). Le 27, lord John rencontre ce dernier 166, qui a l'intention de partir pour l'Angleterre le 10 août et lui propose de faire le voyage ensemble (p. 121-122), ce que lord John accepte volontiers. Le 28, lord John change de résidence, descend à « Der Graben » (p. 123) ; le 29, il visite Schônbrunn avec Frossard (p. 123) ; le 30, il voit M. Paget, se procure bon nombre de journaux anglais, et dîne en compagnie, entre autres avec M. Shêldon (p. 123) 167. Le 31, il assiste à de superbes feux d'artifice dans les jardins de l'Empereur (AuGarten [sic] ; p. 124) ; se rend, le 1er août, au court de tennis avec M. Sheldon (p. 124) malgré une chaleur torride, et le 2, inscrit (p. 124) : « I this morning received a note from Mr Paget telling me that Robertson had written to him for a passport to be sent to Passau, and that he had ordered one to be sent accordingly. As I had received no letter from Robertson I could not imagine how he had obtained his liberty, and was almost inclined to think it was some other person of that name ». Le 3 août, enfin (p. 124-125) : « called on the Embassador at 2 o'clock were I was perfectly astonished to find Mr Gardener, and in the seçretary's room, Robertson 168. I had received the night before a note from him written from Ingolstad [p. 125 - la pagination manque] but as it referred to a letter which he had written to me before but which I had not received, it contained no information & I conclused he would hâve been detainëd at Passau several days wainting for the passport. He had however procured one at Ratisbonne. Gen 1 Ney had at the instance of Monsieur Freudenreich and Madfame] de Stfaël] given him his liberty and he had embarked at Ulm 169 and corné to this place as I had done. We dined together and went in the evening to the Prater ».

165. Int. Soc. Letters, p. 520 ; CG, n. 6, p. 653.

166. Int. Soc. Letters, p. 520 (lettre de lord John au duc d'Argyll, son père, 27 juillet 1803). Il s'agit de sir Arthur Pàget, fils de lord Uxbridge et successeur de lord Minto à l'ambassade de Vienne (voir The Paget Papers, op. cit., v. n, et John Goldworth Alger, op. cit., p. 78).

167. Personnage attaché à l'Ambassade d'Angleterre à Vienne, ou voyageur s'apprêtant à repasser en Angleterre.

168. Autob. and Memoirs, p. 43 ; Int. Soc. Letters, p. 603 ; Larg, p. 112 ; CG, p. 653 et n. 6.

169. CG, p. 649 (Robertson avait été libéré en sa qualité de médecin). Grâce à l'avertissement de Mme de Staël, le Dr. Peter Mark Roget parviendra à faire s'échapper ses deux pupilles, Nathaniel et John Burton Philips, pour les rejoindre ensuite à Neuchâtel (cf. Continental Travel in 1802-1803. The Story of an Escape, Appendice, « Journal », p. 163-164, texte repris dans Samuel Romilly Roget, éd., Travel in the Two Last Centuries of Three Générations, London, T. Fisher Unwin Ltd, 1921, p. 108-109).


COMPTES RENDUS

WINFRIED WEHLE, Novellenerzafalen, franzôsische Renaissancenovellistik als Diskurs. « Humanistische Bibliothek, Abhandlungen », 37, Munich, Wilhelm Fink Verlag, 1981. Un vol. in-8° de 262 p.

Présenté comme « Habilitationsschrift » devant l'Université de Bonn, cet ouvrage aborde de façon décapante maints aspects des recueils français de nouvelles du XVI= siècle sur la base d'une thèse défendue avec brio. Critiquant les présupposés de la problématique post-romantique, qui s'intéresse au genre de la nouvelle et essaie d'en décrire les caractères littéraires, Winfried Wehle rappelle qu'au XVIe siècle seuls existent des recueils de nouvelles ; il récuse également le « positivisme esthétisant » des tentatives faites pour établir une grammaire du récit de ce type de discours narratif, en leur reprochant d'isoler les textes en question du « monde qu'ils visent intentionnellement ». L'auteur se propose de considérer ces recueils comme la marque et le résultat d'une activité sociale : raconter.

La méthode de l'auteur, à la fois historique et théorique, emprunte ses principales catégories à la tradition rhétorique et s'attache à déterminer, comme l'indique le sous-titre de l'ouvrage, la fonction d'un type de discours narratif dans le champ de la communication sociale. Cette méthode conduit Winfried Wehle à isoler un modèle, le « novellarium » (le terme est formé sur le patron qui donne les termes français d'homiliaire, de légendaire, etc.), compilation d'histoires recueillies par un auditeur-éditeur (= l'auteur) qui les tient de la bouche de narrateurs qui ne sont pas impliqués dans les histoires qu'ils racontent Bref, ce n'est pas l'auteur ni sa perspective qui comptent, mais bien les histoires, qui thématisent une expérience collective. Corrélativement, le schéma compilatoire ne résulte pas d'une déficience littéraire de l'auteur, mais indique - en creux - la fonction du recueil, qui est de remettre en circulation ces histoires dans une société conteuse. L'histoire-cadre de certains recueils ne fait que représenter thématiquement ce contexte narratif originel, même si elle marque un changement d'orientation accéléré par la seconde réception en France du Décaméron (1545) ainsi que par les progrès de la lecture individuelle et par l'émergence d'une esthétique littéraire qui prend le pas sur une rhétorique du discours en situation. Mais dans le cas du modèle originel comme dans celui de l'histoire-cadre, il s'agit de créer, ou de représenter, un espace de sociabilité où une société conteuse se livre à une investigation récréative (otium) du phénomène humain sur le mode d'une rhétorique dialectique.

L'auteur confronte ce type de discours avec d'autres types narratifs (littérature didactique, chronique historique, romans) et il étudie une série de cas-limites, parmi lesquels les Propos rustiques de Noël du Fail, comme d'autres « discours bigarrés », relèvent plutôt du colloque humaniste.


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Tout au long de l'ouvrage, Winfried Wehle déploie avec bonheur les conséquences de sa thèse en se livrant à une analyse serrée de textes, sur la base du parallèle constamment établi entre deux types de nouvelles, les « contes joyeux » et les « histoires courtoises ». Il précise dans chaque cas la visée morale et sociale (docere) de ces récits, dont le sens se déchiffre uniquement dans l'horizon d'une conversation qui est le lieu à la fois d'une expérimentation et d'un éclaircissement de la vie en société et des principes éthiques. Il détermine la nature du « réalisme » des nouvelles à partir d'une rhétorique de la vraisemblance qui joue simultanément sur la vérité de l'histoire racontée et sur celle de la « morale » représentée. Enfin, l'auteur explicite la qualité des sentiments mis en jeu : l'action thérapeutique de la recreatio vise à exorciser le danger de la mélancolie en s'exerçant sur le double plan de l'éthos (« contes joyeux ») et, paradoxalement, du pathos (« histoires courtoises ») ; la valeur du comique et la représentation apotropaïque de la tristesse s'inscrivent dans le cadre humaniste d'une morale ouverte, avant que le « rigorisme éthique » des « histoires tragiques » ne marque un tournant décisif.

Le lecteur que ne rebuteront pas la langue austère de Cette étude ni les nombreuses coquilles typographiques ' appréciera le caractère stimulant et là fécondité d'une démarche qui, à partir de préoccupations tout à fait différentes, rejoint certaines intuitions présentées par Gabriel-A. Pérouse dans sa thèse sur les nouvelles françaises du XVIe siècle 2. Si Gabriel-A. Pérouse découvre dans ces nouvelles une société qui se dit elle-même, Winfried Wehle insiste plutôt sur le fait que cette société s'y projette en quelque sorte elle-même : au caractère oral de l'origine du genre, s'ajoute maintenant le caractère oral de sa destination (mais c'est au prix d'une restriction très puriste du corpus). En tout cas, et sans préjuger d'une analyse de l'art du récit, cet ouvrage permet de relativiser une fois de plus le problème des sources des nouvelles et la question de la variété des « genres » (exemplum, fable, facétie, blason) qu'elles utilisent.

OLIVIER MILET.

ROBERT GARAPON, Ronsard chantre de Marie et d'Hélène. Paris, S.E.D.E.S., [1981]. Un vol. 11 x 17,5 de 168 p.

Ces pages, nous avertit l'auteur, « se recommandent seulement par une vieille admiration pour Ronsard », et leur sujet est déterminé par « des motifs de préférence personnelle » et par « des raisons de circonstances » - les dites circonstances étant le programme d'agrégation de 1981, qui comportait le Second Livre des Amours et les Sonnets pour Hélène. Selon l'usage de la collection où il paraît, le livre de M. Garapon se présente comme un ouvrage de synthèse, destiné à fournir aux étudiants l'information qui leur est nécessaire et à orienter leurs réflexions.

Ainsi « tenu » par ce programme qui, à en croire certains, pouvait passer pour une cote mal taillée, M. Garapon a maîtrisé la difficulté avec élégance. Loin d'ignorer les Amours « hors programme » (celles de Cassandre), il a choisi de les opposer aux Amours de Marie et d'Hélène, plaçant du même coup celles-ci en

1. Il faut lire p. 32 « gemeinromanisçher » à la place de « gemeinromantischer » ; p. 74 « populàre » à la place de « popuâre ». Le terme de « Novellistik » est souvent défiguré (p. 76, 121, 241 notamment).

2. Gabriel-A. Pérouse, Nouvelles françaises du XVIe siècle. Images de la vie du temps, Genève, Travaux d'Humanisme et de Renaissance, 154, Droz, 1977, p. 15, note 9 ; p. 2327, p. 470, note 11 ; p. 494 et 554.


COMPTES RENDUS 119

perspective. De même, pour mieux parler de Ronsard, a-t-il su ne pas oublier Desportes.

Cela nous vaut un ouvrage en deux parties. D'abord une « brève histoire de la publication des Amours » (chapitres I à IV), ensuite un examen de «la nouveauté des Amours de Marie et des Sonnets pour Hélène » (chapitres v à x ). La première partie est un rappel utile et précis d'histoire littéraire sur les circonstances dans lesquelles le poète écrivit, les influences qu'il subit, les remaniements qu'il introduisit dans ses oeuvres, etc. Bien informées, ces pages réservent une place légitime à la critique ancienne (on appréciera la part faite au livre, toujours intéressant, de Vianey sur Le Pétrarquisme en France au XVIe siècle) sans négliger la recherche plus récente (en particulier, cela va sans dire, les travaux de Desonay) ].

La seconde partie développe une critique plus interne. Les titres de six chapitres qui la composent en indiquent clairement l'orientation et le contenu : le sourire de Ronsard (chap. v),le sentiment de la nature (chap. VI), le discours amoureux et l'emploi dès deux premières personnes (chap. VII), les tableaux (chap. VIII), la structure des poèmes (chap. XI), Ronsard correcteur de ses deux recueils (chap. x). Le livre de M. Garapon propose ainsi plusieurs points de vue nouveaux : citons notamment, sans prétendre xen épuiser la liste, les remarques sur les pronoms personnels (dans le chapitre VII), sur les tableaux (dans le chapitre VIII : le thème en est éminemment intéressant dans une poésie qui se targue d'être conforme à l'adage utpicturapoesis), sur la gaîté de Ronsard (dans le chapitre v )...

Voilà donc un ouvrage dense et utile, qui constitue une solide introduction aux deux recueils de Ronsard, précise quelques données fondamentales en matière de critique ronsardienne, et ouvre un certain nombre de chemins peu ou mal frayés jusque-là. Les étudiants et les amateurs de Ronsard, n'en doutons pas, en feront leur profit

YVONNE BEUENGER.

AGRIPPA d'AUBlGNÊ, Histoire universelle. Tome I (Livres I & II). Édité par ANDRÉ THIERRY. Paris-Genève, Droz, « Textes littéraires français », 293,1981. Un vol. 11,5x18 de XLlIl-414 p.

Combattant convaincu, poète militant, l'auteur des Tragiques n'avait pas pris à la légère, vers 1590, le parti d'écrire une Histoire qui allait l'occuper jusqu'à sa mort (1630). Les phases de la rédaction ne sont pas connues ; on sait seulement qu'elle était, en gros, achevée en 1612, que la première édition (faussement datée de « 1616 ») est de 1618-1620, que cette première édition contraignit le vieux soldat à. l'exil, qu'il en élabora une seconde (celle reproduite ici) parue à Genève en 1626, et qu'il préparait une Suite (fragments publiés par Plattard en 1925, complétés en 1970 par M. André Thierry). Mais on imagine sans peine que cette rédaotiqnfut bouleversée par deux événements survenus pendant que d'Aubigné compilait et méditait son ouvrage. Le premier est d'ordre historiographique. Le second inscrit dans l'histoire et dans l'écriture l'ordre de la Providence.

C'est en 1604, puis en 1609, que parurent les livres de l'Historia sùi temporis de Jacques-Auguste de Thou traitant des années 1546 à 1578. C'était un modèle difficile à égaler, et d'Aubigné, loyalement, le reconnaît dans sa superbe Préface (p. .5-7). Un aveU qui dut lui coûter, puisque la politique de l'illustre parlementaire n'était pas la sienne. Mais un aveu qui montre bien qu'il était décidé à se conduire

1. On regrettera peut-être que nulle mention ne soit faite des travaux de François Rigolotsur l'onomastique. Manque de place, sans doute.


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lui-même en historien : à maîtriser ses passions (M. Thierry juge qu'il y est, dans l'ensemble, parvenu), à refuser l'anecdote et la simple juxtaposition pour structurer sa matière (M. C.-G. Dubois admirait cet aspect, que confirme la présente Introduction). Cependant L4Historia, si répandue dans toute l'Europe, ne rendait pas inutile la visée de notre capitaine et humaniste : son Histoire restait nécessaire, d'abord parce qu'elle était d'un gentilhomme (il y a là toute une tradition « d'épée » - Commines, Du Bellay, Monluc - dont d'Aubigné, p. 7, est parfaitement conscient), ensuite parce qu'elle venait d'un protestant Ainsi la Cause se plaiderait-elle elle-même devant la postérité (c'est-à-dire, remarquons-le bien, l'instance à laquelle de Thou en appelait également).

Mais c'est dès 1593 que les intentions primitives de l'auteur subirent un choc, qui devait n'être pas le dernier : l'abjuration d'Henri IV déchirait son monde mental. Avec ampleur, l'oeuvre s'élève comme un « tombeau » à la mémoire du roi (p. xxn, 8); elle organise le monde autour de lui, de sa naissance (1550) à l'apogée de son règne (1602). Mais il faut « accepte[rj la peinture d'un temps calamiteux» (p. 10). Le prince est infidèle à Dieu, mais il demeure le maître vénéré, et l'historien humaniste lui garde sa place de héros central. Plus encore qu'il ne le pensait en commençant, cette terrible déchirure l'oblige à être objectif et mesuré. Ainsi tirerons-nous « de ces narrations le vrai fruict de toute l'Histoire, qui est de connoistre en la folie et foiblesse des hommes le jugement et la force de Dieu » (p. 10). Soumis aux faits, d'Aubigné, qui s'interdit (p. XVI) les allures du théologien, est renvoyé, par sa douleur même, à ses devoirs d'historien.

Voilà, parmi bien d'autres, quelques-unes des perspectives qu'ouvre la lecture de l'Histoire universelle, ce texte difficile à trouver et écarté des OEuvres qu'a publiées la Bibliothèque de la Pléiade. Courageusement, la maison Droz et M. Thierry (dont on annonce la thèse, précisément consacrée à l'Histoire universelle) lancent une édition sûre, bien annotée et pourvue d'un index par volume. Ce volume-ci couvre les années 1550 et 1562 (on devrait imprimer ces dates sur le dos). Progressivement, l'édition Thierry remplacera celle de Ruble (9 vol., 18861897, plus un index), qui a rendu de réels services, mais qui modifiait le texte sans le dire (p. XXXVII) et ne l'articulait pas suffisamment avec le reste de l'oeuvre de d'Aubigné. On ne peut que se féliciter des progrès qui se préparent ainsi dans la connaissance de la littérature et de l'historiographie du XVI et du début du XVII siècles.

ROGER ZUBER.

EDWIN M. DUVAL, Poesis and Poetic Tradition in the Early Works of Saint-Amant, Fours Essays in Contextaal Readîng. York, South Carolina, French Literature Publications Company, 1981. Un vol. 15,5 x 24 de 220 p.

Dans cet intéressant ouvrage, dont le développement est conduit avec clarté, et grâce à une stricte méthode d'étude des textes, E.M. Duval, réfutant le point de vue de certains critiques et la légende du « Bon Gros Saint-Amant », s'attache d'abord à prouver que le poète normand ne néglige pas la composition de ses oeuvres, qu'il n'ignore pas le latin et le grec et qu'il s'inspire très souvent des auteurs antiques en préservant son indépendance. Chevreau ne déclarait-il pas au sujet du chantre de « La Solitude » : « Il entendait fort bien la Fable » ?

L'étude est limitée à trois poèmes caractéristiques du recueil de 1629 : « La Solitude », « Le Fromage », « L'Arion » et à un autre poème de la Suite des OEuvres de 1631, « Le Melon », dont la célébrité n'a pas empêché les erreurs d'interprétation. E.M. Duval, au cours de ces quatre essais, mène de front l'examen des


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sources et des influences et celui de la structure, et il le fait, le plus souvent avec bonheur.

Sur « La Solitude », il signale des souvenirs des poésies d'amour de Pétrarque et dé Ronsard, et il montre comment le motif pastoral du locus amoenus est exploité largement à partir de réminiscences des Métamorphoses d'Ovide. Contrairement à l'opinion couramment admise, il n'y voit guère d'allusion aux paysages bretons ou normands. Des remarques judicieuses mettent en évidence les relations qui existent entre les strophes. On pourra contester quelques rapprochements qui sont évoqués à propos du thème de la solitude, et regretter qu'on n'examine pas, à l'occasion, la « Solitude » de Théophile de Viau.

« Le Fromage » nous fait entrer dans un genre réaliste et familier, qui permet surtout une étude de structure visant à s'interroger sur l'apparent désordre de la composition du poème, dont le centre véritable est l'invocation à la Muse.

Le génie épique de Saint-Amant apparaît dans « L'Arion » ; le poète pourra dire dans la Préface du Moy se sauvé : « Je sçay ce que demande l'Épopée ». Edwin M. Duval présente des observations neuves sur la parenté que nous offre le poème avec la Première semaine de du Bartas (dont un extrait est donné en appendice) et avec l'hymne homérique adressé à Apollon. Il n'oublie pas certains rapports avec La Franciade. Quant au « Melon », il donne lieu à une comparaison de structure avec «Le Fromage», tout en permettant d'apprécier les tendances du genre burlesque. Au cours de l'analyse, on constate plusieurs similitudes avec le banquet des Dieux, dans Le Berger extravagant, de Sorel, avec l'oeuvre de Jean Lemaire, les Illustrations de Gaule, et surtout avec le poème de Ronsard intitulé « La Lyre, à Jean Belot ».

On sait le danger que présentent les recherches de sources et d'influences, qui ne doivent pas altérer l'indiscutable originalité delà création poétique chez SaintAmant, qui avouait : « Ovide a traité devant moy des Fables que j'ai écrites après luy ; Je le confesse, mais je n'ay pris de luy que le suject tout simple, lequel j'ay conduit et manié selon ma fantaisie » (Avertissement, 1629). On saura-gré à Edwin M. Duval de sa prudence et des conclusions nuancées et convaincantes qu'il avance au sujet de ces quatre poèmes. Par leurs allusions aux textes classiques et contemporains, ils nous plongent dans le domaine le plus mystérieux de la poésie. Il est curieux d'observer que chacun de ces poèmes contient l'image centrale d'Apollon chantant ou jouant, et qu'il nous renvoie ainsi à l'inspiration du poète et à la tradition poétique. Sans nul doute, cet ouvrage rendra d'importants services pour une meilleure connaissance des oeuvres majeures de Saint-Amant ; il contribuera aussi à réhabiliter ce grand poète que E.M. Duval n'hésite pas à rapprocher, dans sa conclusion, de Rabelais et de Cervantes.

JACQUES BAILBÉ..

Les Fioretti du Quadricentenaire de Fabri de Pelresc. Composés et offerts sous la direction de JACQUES FERRIER, Président de l'Académie du Var. Avignon, Aubanel, 1981. Un vol. 16 x 24 de 366 p. avec illustrations originales.

Voici un très beau volume, imprimé de façon" attrayante et somptueusement illustré : il rend un hommage multiforme et pluridisciplinaire à un esprit universel et généreux, humaniste et savant qui a été une des gloires de la culture française et de la Provence au début du XVII siècle. Comme les activités et les travaux scientifiques et érudits de Nicolas Fabri de Peirêsc n'ont pas été conservés dans des publications portant son nom, il a été, dans l'ensemble, négligé par l'histoire des sciences et par celle des idées qui se sont attachées à ses illustres compatriotes,


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collègues et disciple, Du Vair et Gassendi. Pourtant, Peiresc a partagé toutes les préoccupations intellectuelles de son temps et a contribué de façon significative aux échanges fructueux entre savants et érudits de l'Europe entière. On saura donc gré à l'Académie du Var, à celles d'Aix et de Marseille, aux bibliothèques, aux archives nationales et régionales, aux musées méridionaux d'avoir réuni de façon aussi commode qu'élégante diverses études de haute qualité dues à des spécialistes dans les nombreux domaines auxquels Peiresc s'était activement intéressé, de l'astronomie à la zoologie.

Le titre du volume a été inspiré par la guirlande jadis composée en l'honneur de saint François d'Assise dont Peiresc partageait l'humilité, la simplicité et l'amour répandu sur toutes les créatures. Un hommage émouvant est rendu à l'humaniste chrétien qui a toujours fait preuve d'une tolérance remarquable pour l'époque, en excellents rapports avec ses amis protestants et défenseur de Galilée auprès des autorités romaines.

Humaniste, il a collectionné les manuscrits, les livres, les objets rares et les a mis à la disposition de ses amis et confrères. Dans le domaine des sciences, il a débuté par des observations directes et par la mesure précise des phénomènes observés, préfigurant ainsi la méthode scientifique moderne.

Juriste de formation, il a fait un séjour à la célèbre universités Padoue et a ensuite exercé avec une conscience et un dévouement remarquable la charge de Conseiller au Parlement d'Aix. Il a été le collaborateur de Guillaume du Vair, devenu Garde des Sceaux et à partagé son loyalisme envers Henri IV et la dynastie légitime.

Comme le seul témoignage tangible de cette débordante activité intellectuelle reste sa correspondance, il était légitime de présenter un « Peiresc épistolier », étude due au savant éditeur de la Correspondance Peiresc-Malherbe, M. Raymond Lebègue.

Dans le domaine scientifique, c'est surtout comme astronome que Peiresc s'est illustré, consacrant avec l'aide de Gassendi bien des heures aux observations et aux calculs des longitudes et des latitudes. Cette ouverture aux sciences et à l'observation amène Henri Morel à poser la question « Peiresc, humaniste ou savant ? ».

A cet homme complet, ouvert à toutes les poursuites de l'esprit humain correspond un beau volume, complet lui aussi car il touche sans pédantisme mais avec une érudition sûre et une chaleureuse sympathie à toutes les facettes d'une riche et attachante figure, connue jusqu'à maintenant des seuls initiés.

MARIE-ODILE SWEETSER.

ROGER DUCHÊNE, Écrire au temps de Mme de Sévigné : lettres et texte littéraire. Paris, Vrin-Reprint, 1981. Un vol. in-8° de 224 p.

Qu'ils se nomment mélanges, actes ou hommages, qu'ils témoignent, sous leurs titres postiches, de l'unité du projet ou de la problématique qui commandait aux travaux ponctuels et échelonnés, nul doute que les recueils auront joué, dans la recherche contemporaine, autant que quelques maîtres livres, un rôle stimulant pour rajeunir les questions ou découvrir des objets neufs.

Inaugurant une collection, le livre de R. Duchêne, qui réunit la quasi-totalité des articles qu'il a consacrés à Madame de Sévigné et à la lettre depuis 1962, évite d'emblée l'écueil du disparate. L'ensemble est trop familier à nos lecteurs - beaucoup ont été publiés ici même - pour qu'il soit besoin d'entrer dans le détail de chacun ; attachons nous seulement à la présentation et aux lignes de crête.


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Aux servitudes du reprint, il faut attribuer l'impossible harmonisation typographique, la double pagination qui surprend lorsque l'ancienne et la nouvelle coïncident - effacer la pagination originale n'eût pas été très onéreux-, les quelques coquilles ou imprécisions ' qui subsistent inévitablement. L'équilibre général dépend en revanche des choix de l'éditeur ; à notre sens, le substantiel panorama de 1973 (« Lettre(s) », Dictionnaire international des termes littéraires) aurait pu servir d'introduction et prendre la place de quelques articles qui, indépendamment de leur intérêt propre, entretiennent avec l'objet du recueil des liens plus ténus (« Madame de Sévigné en Provence», voire «Signification du romanesque chez les mondains : l'exemple de Madame de Sévigné », surtout: « Bellerophon au château d'If »2). Ouvrir le livre aux discussions qui ont suivi les communications eût été aussi l'occasion, sans étouffer la voix prédominante, d'amorcer un dialogue et de jalonner d'autres pistes que suggèrent les interventions de B. Bray, M. Fumaroli, J. Mesnard ou J. Truchet ; ménager l'espace pour un index des noms et des matières où le lecteur puisse retrouver commodément les notions récurrentes et pour une orientation bibliographique eût prolongé et mis à jour l'appareil critique des notes.

Mais les souhaits du chercheur ne compromettent aucunement la lecture, ni la netteté du dessein. Autour de la figure et des textes de Madame de Sévigné^ la réflexion se développe en étoile vers l'histoire du genre et de son public : théories ettypes, profils d'auteurs épistolaires comme P. Costar, A. Godeau ou P.D, Huet, fonction dramatique de la lettre dans le théâtre de Molière, autant d'aspects, autant de problèmes qui visent à mettre en lumière les rapports incertains entre « lettre » et « texte épistolaire » ou la secrète tension qui donne au verbe écrire, dans l'apparente neutralité du titre, son ambiguïté, selon qu'il désigne l'élan dé l'épistolier vers sa plume et vers son correspondant ou la préoccupation littéraire. Par là passe en effet la grande ligne de clivage de tout le livre. D'un côté, de Pasquier et Du Tronchet à Richelet, Furetière ou Milleran, en passant par les Portugaises, dans un éventail de registres que les manuels raffinent selon les circonstances et les personnes, là lettre nourrie de modèles et de Conventions, qu'elle soit érudite, mondaine ou galante, l'exercice destiné à briller., l'auteur épistolaire qui ou bien déjà songe à l'impression ou bien vise, à travers son correspondant, un public second. De l'autre côté, l'épistolier confiant dans la spontanéité de sa plume, soucieux d'offrir à un destinataire unique une expression privilégiée de soi : là est le lieu de la vraie lettre, voix amputée et allusive, lettre privée comme beaucoup d'autres, mais que le talent ou la sensibilité de son rédacteur élève au rang d'oeuvre littéraire : « Nous appelons « vraie lettre » la lettre écrite pour communiquer avec un correspondant sans arrière-pensée de publication, ou de lecture collective» (p. 74, n. 41).

On aura reconnu la figure emblématique de Madame de Sévigné, « miracle» que cherchent à circonscrire plutôt qu'à expliquer les quinze études ici réimprimées. Étrangère à la théorie (« Madame de Sévigné et le P. Le Bossu ») comme à l'éducation savante que recevaient les hommes dans les collèges

1. Par exemple, la préface de 1665, en tête des:OEuvres de J.L. Guez de Balzac n'est pas de Conrârt (p. 85), mais de l'abbé Çassagnes ; et les gazettes en vers ne prennent pas exactement fin avec celle de Mayolas en 1671 (p. 92), mais se poursuivent jusqu'en 1691 (Voir le Dictionnaire des journalistes, Grenoble, 1976, et le. Dictionnaire des journaux (à paraître), publiés par J. Sgard).

2. Extrait des actes du second colloque de Grasse sur La Vie théâtrale dans les provinces du midi (1976), publiés à Paris et Tubingen en 1980 (J.M. Place et G. Nàrr, «Etudes littéraires françaises», 6. Dir. : W. Leiner) ; la mention du seul titre de la collection et du numéro du volume, sans indication de date ni de lieu, rend la référence bibliographique très ambiguë. La date, 1976, est également omise pour l'article paru dans OEuvres et critiques. .


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(« L'école des femmes au XVIIe siècle »), elle incarne, dans les grâces de son tempérament, une culture féminine et mondaine dont le romanesque contribue plus à former la sensibilité que les manuels à informer le style. Goût des contrastes, négligence de la plume, opacité et fragmentation du réel, autant de traits par lesquels elle séduit notre modernité, mais bien involontairement puisque nous ne la lisons que grâce à l'indiscrétion, souvent d'ailleurs conjointe à l'infidélité, d'éditeurs auxquels la marquise n'avait pas pensé d'abord. R. Duchêne insiste de nouveau sur ce point essentiel, et historiquement irrécusable, dans un article plus récent (« Texte public et texte privé : le cas de la lettre de Madame de Sévigné », Papers on French Seventeenth Literature, VIII, 15, 2, 1981).

Telle est la dichotomie fondamentale qui organise ce recueil, par delà le refus de tout ordre chronologique, qui restituerait la courbe d'une enquête et d'une réflexion, ou logique qui ferait ressortir les grandes articulations de la pensée. Contrairement à Gustave Lanson (« Il n'y a pas d'art épistolaire, il n'y a pas de genre épistolaire, du moins au sens littéraire du mot genre », Choix de lettres du XVIIe siècle, 1895), R. Duchêne en montre la riche et diverse profusion, apport décisif de l'histoire littéraire en faveur de laquelle ce livre tiendrait lieu, s'il en était besoin, de manifeste. Mais, plus proche de Lanson, même s'il déplace l'accent des « qualités sociables de la personne » comme source de la réussite épistolaire vers les richesses affectives de l'individu et le génie, il prolonge la thèse de 1970 (Madame de Sévigné et la lettre d'amour, Paris, Bordas) où la monumentale édition de la Correspondance (Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade) trouvait également ses assises. Comme Lanson écrivait qu'il n'y a « qu'une règle du style épistolaire, c'est d'être soi (...). Qu'est-ce qu'une lettre, sinon quelques mouvements d'une âme, quelques instants d'une vie, saisis par le sujet même et fixés sur le papier ? », il n'y a pour R. Duchêne d'autre définition de la lettre qu'existentielle : « Écrire une lettre, sauf exception qui dénature la lettre ellemême, ce n'est pas réaliser un projet littéraire, mais effectuer par le moyen de l'écriture un geste qui est de l'ordre de la vie» (p. 173-174).

L'heureuse justesse des formules qui caractérisent le lien épistolaire - « Un être va à la rencontre d'un autre être », « carrefour de deux attentions », p. 110-1II) — rend-elle compte de la totalité du phénomène textuel, surtout lorsque la lettre appartient à un ensemble (« Chaque lettre est préparée par toutes celles qui l'ont précédée et prépare elle-même celles qui suivent », p. 53) ? Déjà le PseudoDemetrius était conscient de la menace que l'emprise rhétorique faisait peser sur la sincérité : « Fere animi sui simulacrum quisque et imaginem, epistolam scribit (...) Ridiculum enim per periodos ire, tanquam non epistolam, sed judicialern causam scribentem ». Mais toute médiation rhétorique n'est peut-être pas abolie, s'il est vrai que l'histoire en diptyque propre à la lettre recouvre en partie celle des styles et reflète des tensions inscrites au coeur même de la rhétorique (M. Fumaroli, L'Age de l'éloquence, Genève, 1980). La négligence qui attend là trouvaille sans la chercher n'a-t-elle pas parti lié avec une culture médiatrice et avec l'atticisme qui définit si spécifiquement le moment classique où s'infléchissent les héritages humanistes et où la culture moderne et mondaine relaie sans la renier la culture savante (R. Zuber) ? Dans un terrain désormais largement défriché, tant par les recherches de R. Duchêne qui ne cesse, depuis vingt ans, d'étendre son regard pour raffiner et étâyer une conception fort tôt fixée que, grâce à de récents colloques {Revue d.'Histoire littéraire, 1978, 6 ; Revue de synthèse, 81-82, 1976), voilà peut-être quelques questions qui peuvent préparer d'autres moissons. A moins qu'il ne faille, hors des publications d'inédits, comme naguère le fit J. Rousset pour le baroque, dire adieu au genre épistolaire, et à Madame de Sévigné épistolière.

BERNARD BEUGNOT.


COMPTES RENDUS 125

MAURICE LEVER, Le Roman français au XVIIe siècle. Paris, P.U.F., 1981. Un vol. 13,5 x 21 de 277 p.

Dans cet ouvrage qui fait suite à son excellent travail sur La Fiction narrative en prose au XVIIe siècle, M. Lever nous propose un audacieux parcours du Roman français au XVIIe siècle. Un tel ouvrage était attendu, parce qu'il manquait dans nos bibliothèques.

M. Lever a organisé son livre en quatre parties et, après avoir rappelé les conditions de la production romanesque, il s'efforce de rendre compte de tout ce qui s'est écrit en fait de romans, selon un plan qui obéit à la double nécessité du classement par genres et du regroupement chronologique. Il ne paraît pas utile de préciser que cette structure, jointe à la solidité des connaissances, a tous les mérites de la clarté et de la commodité.

Ce n'est pas que l'étude, dont les dimensions demeurent d'ailleurs modestes au regard du sujet (mais ainsi le veut la collection), ne nous inspire jamais de réserves. Le plan, par exemple - mais en était-il de meilleur ? - est quelquefois insatisfaisant : le classement par genres a une rigidité qui étouffe un peu le sentiment de l'évolution incessante des catégories romanesques, Il provoque également des redites ou des retours en arrière : ainsi Sorel apparaît-il dans trois parties différentes et deyons-nous la troisième fois remonter à 1623 (p. 173). Un titre de chapitre nous paraît malheureux (« Romans d'ailleurs et de nulle part», p. 243-258), car il range sous la même rubrique des romans sensiblement différents les uns des autres et insiste exclusivement sur leur caractère exotique alors qu'ils ont été conçus comme des romans critiques.

D'autre part certains oublis auraient pu être justifiés : pourquoi pas un mot sur le Télémaque de Fénelon ? Rousset, Butor, Genette, cités entre parenthèses (p. 218) sont absents de la bibliographie terminale. Enfin, des formulés devraient être nuancées ou corrigées : si, par exemple, dans le roman de l'âge classique, « on ne veut plus de rois ni de princesses » (p. 167), que dire des personnages de La Princesse de Clèves présenté comme le chef-d'oeuvre de la période ? « Avec les successeurs de Cyrano (...) la littérature de fiction apprendra à philosopher » (p. 169) ; cela signifie-t-il qu'elle ne l'a pas appris avec Cyrano ? Est-il sûr que la tragi-comédie soit à son apogée en 1655-1657 (p. 175) ?... Signalons un erratum : Le Palais d'Angélie est de 1622, non de 1662 (p. 173).

Mais ne faisons pas une mauvaise querelle à l'auteur. Il a débrouillé pour nous une matière extrêmement complexe. Dans des pages qu'il a voulues plus dëscripr tives que proprement analytiques il cultive l'art de la séduction en donnant, avec beaucoup de conviction, à son lecteur le goût de lire les romans dont il parle. Que de fois il manifeste des sympathies qui provoquent la nôtre, sans se soucier des hiérarchies toutes faites de la tradition : éloquent sur d'Urfé, il a le mot juste pour redécouvrir Rossët, Camus, Jean de Lannel ou André Mareschal. L'érudition même vient vivifier l'étude et décupler notre intérêt : parmi d'autres lé chapitre «Du Roman à la Nouvelle » (p. 171-199) est le fruit d'une recherche et d'une documentation qui font le plus grand honneur au critique.

Bref, un livre qui vient à son heure et qui, malgré les contraintes de l'édition, sera indispensable aux étudiants, très utile même aux spécialistes.

JACQUES PRÉVÔT.

Le P. RENÉ LE BOSSU, Traité du poème épique. Réimpression de l'édition de 1714 avec une introduction de VÔLKER KAPP, Hambourg, Helmut Buske, « Romanistik in Geschichte und Gêgenwart, 7 », 1981. Lin


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vol. 14 x 21 de 14 p. (pagin. moderne) suivies de 137 feuillets reproduisant en colonnes les XLIV-490-XIII p. de l'éd. de 1714.

Grand spécialiste de Fénelon, dix-septièmiste reconnu (on lui doit, en soixante pages abondamment annotées, une récente synthèse sur le théâtre classique et l'esprit de Cour), M. Volker Kapp a accepté, cette fois, une tâche plus modeste. Mais c'était une tâche nécessaire, car l'importance du P. Le Bossu, dans le domaine de la théorie, est bien connue depuis René Bray, et a été mise en évidence par Mlle Hepp, dans sa thèse, et par plusieurs des participants du colloque « Critique et création littéraires en France au XVIIe siècle ». C'est ce que rappelle opportunément la préface de cette édition, en soulignant l'utilité d'une approche du texte par les voies de la rhétorique : Le Bossu « tient de la rhétorique une idée qui est au centre de toute sa théorie du poème épique : la distinction entre le héros et l'idée qu'il incarne » (p. 6). M. Kapp croit discerner (p. 8) une parenté entre la doctrine de Le Bossu et les « théories de la narratologie élaborées ces dernières années ». Effectivement, notre géomètre distingue avec brusquerie l'invention de la fiction de l'invention des personnages. Mais ce géomètre est un aristotélicien, pour lequel tout sujet de fiction doit être « moral ».

L'introduction est d'autant plus brève que M. Kapp annonce une étude ultérieure sur la place de Le Bossu dans le débat critique de son époque. Cette étude sera neuve, si l'on en jugé par les suggestions ici offertes, dans la ligne du P. Thomassin, et conformément aux recherches actuelles, celles de J. Le Brun notamment, sur le sens théologique du mouvement qui pousse, vers la fin du XVIIe siècle, les esprits les plus religieux à retrouver l'Antiquité païenne. Notre Traité « veut fournir une méthode qui permette de juger les épopées dans le cadre de la pensée chrétienne » (p. 10). Il ne prétend pas donner de conseils aux poètes de son temps. C'est le contraire de ce qu'on dit d'ordinaire. Le renversement d'optique proposé par M. Kapp rend toute sa valeur à l'usage, par l'épopée, du procédé allégorique. Le Bossu, mort en 1680, n'est pas un critique engagé. C'est un penseur, et le Traité du poème épique doit se lire en rapport avec le reste de sa production, demeurée manuscrite.

On mesure la portée de la recherche à venir. Dans l'immédiat, on dispose sous une forme commode d'un texte plus souvent loué que lu. L'édition choisie a l'avantage, sans rien changer à l'originale de 1675, d'apporter sur Le Bossu des précisions bibliographiques, et de l'insérer dans la « querelle d'Homère ». C'est dans ce sens qu'intervient Thémiseul de Saint-Hyacinthe, qui la préface, et l'annote en citant plus d'un passage des écrivains du XVIIe siècle.

ROGER ZUBER.

VOLTAIRE, Erzâblungert, Bialoge, Streitschriften, herausgegeben von MARTIN FONTIUS. Riïtten & Loening, Berlin, 1981. Trois vol. 13 x 19,5 de 1348 p.

L'édition la plus complète de l'oeuvre de Voltaire disponible maintenant en allemand a été établie par un chercheur dont les contributions approfondies à la critique voltairiste garantissent une érudition sans faille et qui, bien que s'adressant à un assez large public, dépasse l'horizon de la connaissance du seul Candide.

Les textes des Contes (t. I), Dialogues (t II), Écrits polémiques (t III) sont accompagnés d'un apparat critique qui ne se contente pas de reprendre les ouvrages de vulgarisation du xxe siècle, mais fournit des indications nécessaires à la compréhension de l'époque pour un lecteur non spécialiste.


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Les réflexions méthodologiques de M. Fontius incluses dans sa Préface consacrée au «.Protée des écrivains » ont pour objet la contradiction interne dans l'oeuvre de Voltaire entre la « veiné poétique » et la « vulgarisation journalistique » (p. 20). C'est avant tout dans les ouvrages de la maturité que M. Fontius voit s'opérer un changement dans les formes et les genres classiques grâce à un style qui fait de Voltaire non un « classique ennemi du peuple », mais l'écrivain le plus universel du siècle des lumières (p. 24). Dans le domaine de l'historiographie, son système de pensée se mue de façon exemplaire en méthode expérimentale et en doute constructif : car à partir de l'expérience anglaise les critères de l'histoire ne sont plus ni la visée apologétique, ni la prééminence accordée aux rois, mais le souci de définir les caractères nationaux et de mettre l'accent sur les conquêtes de la civilisation et de la culture dans l'évolution de l'humanité. Voltaire applique à l'histoire la méthode du doute constructif couronnée de succès dans le domaine des sciences de la nature et ainsi, souligne l'éditeur, il a été conduit à faire de là « possibilité » et non plus de la « nécessité » la catégorie dominante de l'histoire (p. 29). M. Fontius considère que les recherches de Voltaire en matière de législation sont en fait un « programmé politique » (ibid.), l'Histoire du parlement de Paris en 1769 étant vraisemblablement une préparation idéologique au coup d'État de Maupeou en 1770. L'actualité de Voltaire tient au fait qu'il n'a pas succombé aux idées libérales des « forces réactionnaires » d'une société privilégiée (p. 30). M. Fontius interprète selon la grille marxiste (cf. W.P. Wolgin) la critiqué voltairienne de l'inégalité sociale, le contenu qu'il donne aux notions de liberté, d'égalité, de propriété. En dépit de sa position voisine de l'absolutisme, Voltaire devient le « héraut d'une bourgeoisie gagnant du terrain » et préparant ainsi l'Assemblée Constituante de 1789 (p. 31-32). Que les spéculations financières de Voltaire puissent trouver dans certains cas une justification économique selon le Capital de Marx est certainement contestable pour l'éditeur du point de vue de la morale politique ; il souligne cependant l'autorité que l'écrivain s'est assurée grâce à son indépendance économique.

Conscient des contradictions que suscitaient auprès des contemporains tout autant que de la critique moderne la personnalité et l'oeuvre de Voltaire, désireux de surmonter les préjugés traditionnels du lecteur allemand sans pour autant sacrifier la cohérence interne de cette oeuvre, l'éditeur a présenté un choix clair et bien défini.

UTE VAN RUNSET.

BAUFFREMÔNT (AMIRAL DE), Journal de campagne dans les pays barbaresques (1766), éd. MARCELLE CHIRAC, Paris, éditions du C.N.R.S., 1981. Un vol. in-4° de 144 p. Hors-texte.

Marcelle Chirac, qui nous a donné, en 1979, une savante et somptueuse monographie sur la ville d'Aix dans la littérature française, révèle une oeuvre inédite, le journal d'une campagne de prestige qui dura un peu plus de cinq mois, d'Alger à Alexandrette. L'auteur appartenait à une grande famille de l'Ancien Régime. Marcelle Chirac fait de lui un portrait nuancé. Ce marin ne recherche pas les effets de style, l'orientalisme de la couleur, mais il sait faire voir ce qu'il a observé : « ces arbres magnifiques et singuliers » (les cèdres), « vue délicieuse », « charmante plaine, coupée d'eau de tous les côtés, embellie par une quantité prodigieuse de mûriers, d'oliviers, de vignobles entrelassés avec le lierre », « belle lune aussi lumineuse que le jour ».

Il donne force détails sur la situation politique et économique. Il juge avec sévérité le despotisme turc, citant des faits précis sur l'incurie, les exactions, les cruautés. Toutefois il reconnaît que tel ou tel bâcha s'est conduit à son égard avec la noblesse d'un «prince chrétien».


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Bauffremont a une culture classique, et il s'intéresse à l'archéologie, à l'histoire de l'empire romain et à celle de Rhodes.

Il écrit avec aisance, parfois avec humour. Bien avant le général Bonaparte, il conseille la conquête de l'Egypte par les Français.

C'est là un document très instructif sur la vie dans les pays barbaresques, et on remerciera Marcelle Chirac de l'avoir publié et d'en avoir dégagé tout l'intérêt A ce journal elle a joint les instructions ministérielles et les Capitulations de 1740, et de belles illustrationsl.

RAYMOND LEBÈGUE.

CHODERLOS DE LACLOS, Les Liaisons dangereuses. Texte présenté et commenté par RENÉ POMEAU. Paris, Lettres françaises, Collection de l'Imprimerie Nationale, 1981. Deux vol. 16x23 de 344, 332 p.

«Les Liaisons dangereuses dans une collection rassemblant les plus grands textes des lettres françaises : il n'y a pas si longtemps on s'en serait étonné, voire indigné ». Ainsi commence l'Introduction de cette belle édition. En effet, là parution des Liaisons dans une collection de l'Imprimerie Nationale laisse percevoir un changement dans nos idées littéraires aussi bien que morales. A une certaine tolérance à l'égard du comportement sexuel s'ajoute l'intérêt, qui s'accroît depuis quelques années jusqu'au point de devenir une sorte de vogue, pour tout ce qui est ambigu, qui appelle des interprétations divergentes, qui invite l'application de nouvelles méthodes critiques. Évidemment, parmi les romans du XVIIIe siècle les Liaisons s'offrent comme un exemple frappant de cette espèce d'ouvrage. Roman moral, immoral - ou amoral ? Révolutionnaire et/ou féministe ? Laclos lui-même aurait sans doute été étonné des multiples lectures différentes, voire opposées, qui ne cessent de paraître. D'autre part on imagine qu'il éprouverait de la satisfaction en remarquant l'attention élogieuse que nous consacrons à la facture même de ce roman et à ses qualités esthétiques.

Le grand problème, pour celui qui doit présenter cet ouvrage, est donc une question de choix et d'équilibre : indiquer les interprétations les plus dignes de considération ; et donner une idée de l'habileté de Laclos en tant que technicien du roman, sans toutefois tomber dans des minuties fastidieuses. M. Pomeau, qui a déjà fourni aux étudiants une admirable étude sur Laclos, aussi bien que l'édition Gamier-Flammarion du roman, s'est acquitté de sa nouvelle tâche avec honneur. Son Introduction, facilement abordable par le non-spécialiste, n'escamote pourtant pas les grands problèmes critiques, et discute brièvement, pour les ranger à leur place, certaines vues qui ont gagné des adhérents. De même, les mérités techniques de Laclos sont succinctement évoqués. Mais M. Pomeau ne se laisse pas aller à une admiration aveugle. En parlant par exemple des précautions de Mme de Merteuil pour s'assurer le secret, il conclut que leur efficacité « à la réflexion, tient du miracle ». On pourrait en effet étudier avec profit la série d'éléments surprenants et invraisemblables que Laclos fait accepter au lecteur sous le voile des conventions romanesques et théâtrales : dans la seule Lettre x,-on peut se demander (après coup) si le chevalier n'aurait pas dû reconnaître Victoire travestie en petit laquais, et comment la Marquise avait réussi à acquérir et à maintenir sa petite maison sans que personne, à part ses amants et Victoire, n'en sût rien.

Il va sans dire que la présentation typographique du texte esttrès soignée. (Je n'ai remarqué qu'une seule faute : 1762 au lieu de 1761 pour la date de publication de La Nouvelle Héloïse, p. 33). Quant aux notes, elles sont discrètes et

1. P. 104, « mantique » est un hispanisme pour « manteca » (le beurre).


COMPTES RENDUS 129

utiles. Je me demande pourtant jusqu'à quel point le public à qui cette édition s'adresse va s'intéresser aux variantes du manuscrit qui figurent parmi ces notes. Les deux lettres que Laclos a retranchées sont autrement intéressantes. Elles se trouvent à la fin du deuxième volume avec d'autres documents : un choix de témoignages sur les premières réactions provoquées par le roman, la correspondance de Laclos avec Mme Riccoboni, et les commentaires de Stendhal et de Baudelaire. La section iconographique présente non seulement les gravures de l'édition de 1796, d'une vigueur indéniable, mais aussi des photographies empruntées au film de Roger Vadim. Naturellement chaque lecteur se crée sa propre image des personnages du roman, et les illustrations de Maurice-Frantz Pointeau esquivent en quelque sorte cette difficulté en offrant des contours si flous qu'aucune tête ne ressorte clairement A mon avis ces illustrations ont un caractère plutôt romantique qui ne s'accorde pas tout à fait avec le génie du livre, mais d'autres lecteurs les approuveront sans doute. En tout cas, l'élégance de ces deux volumes convient parfaitement aux plaisirs intellectuels aussi bien que sensuels que Laclos a su créer et recréer pour la postérité.

VlVIENNE MYLNE.

VIVIENNE G. MYLNE, The Eighteentfa-Century French Novel. Techniques of illusion. Cambridge, Cambridge University Press, 1981. Un vol. 14x21,5 de 293 p.

Voici la 2e édition d'un ouvrage bien connu, et reconnu comme une étude d'ensemble importante sur le roman français du XVIIP siècle. Ce compte rendu comble tardivement une lacune puisque la lere édition (1965) n'avait fait l'objet d'aucune recension dans la R-H-LJ 7. Mais il paraît vain aujourd'hui de présenter ce livre. Rappelons cependant, à l'usage des nouvelles générations d'étudiants et de chercheurs que le propos de l'auteur est d 'analyser les techniques narratives mises en oeuvre par les romanciers français du XVIIIe siècle pour représenter la réalité. « Techniques de l'illusion », indique le sous-titre, et Vivienne Mylne précise que le mot « illusion » renvoie aux divers procédés jugés propres à rendre le réel ainsi qu'à la foi du romancier dans la fidélité de sa représentation et à celle du lecteur dans la réalité du monde fictionnel qu'il est en train de lire. Après deux chapitres sur les théories et les buts avoués du roman au XVIIIe siècle, ce problème de la représentation du réel est étudié successivement dans les oeuvres de Lesage, de Prévost,, de Marivaux, de Crébillon, de Rousseau, de Diderot, de Restif, de Laclos et de Bernardin de Saint-Pierre. Le roman par lettres fait l'objet d'un chapitre général (chap. vm : « history and technique ») et d'analyses plus particulières à propos de Crébillon, de Restif et de Laclos.

Lorsque l'ouvrage de Vivienne Mylne fut publié en 1965, aucune des études majeures, aujourd'hui consacrées (citons notamment celles de P. Brooks, H. Coulet, R. Démoris, J.-L. Lecercle, J. Rousset, J. Sgard, L. Versini) n'avait encore paru. Cet impressionnant développement de la recherche sur l'écriture romanesque du XVIIIe siècle n'a pourtant pas détruit l'intérêt de ce livre aux dimensions modestes, mais solide et dense.

Dans une note liminaire à cette seconde édition, Vivienne Mylne indique que son texte initial n'a subi que peu de modifications : le style de Crébillon est jugé avec moins de sévérité (voir p. 165) ; l'analyse des apparentes contradictions de Diderot dans le récit de Suzanne Simonin est corrigée et affinée (voir p. 199 et 200) ; enfin sont prises en compte certaines données résultant de récents travaux statistiques.

Un « post-script » de 9 pages permet à Vivienne Mylne de faire le point sur ces deux décennies écoulées entre la première et la seconde édition. L'auteur note,

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outre l'accroissement énorme des publications sur le sujet (trois fois plus chaque année qu'au début des années 1960 ; un Supplément à la bibliographie recense les titres essentiels), l'extension du champ de recherche (vers Duclos, Mme Riccoboni, Mme de Charrière, Baculard d'Arnaud), l'intérêt porté aux conditions matérielles, économiques, sociologiques, politiques de la production littéraire, l'apparition de bibliographies plus complètes (et soulignons ici, pour corriger l'excessive discrétion de Vivienne Mylne, l'importance essentielle de la Bibliographie du genre romanesque français, 1751-1800, à laquelle elle a collaboré aux côtés d'Angus Martin et de Richard Frautschi), enfin le développement de la nouvelle critique, parallèlement au maintien d'approches plus traditionnelles (Les Liaisons dangereuses offrant un terrain privilégié pour des lectures critiques de types divers). L'auteur défend la liberté du critique dans le choix de sa méthode d'approche : à chacun d'en apprécier l'efficacité pour une lecture enrichie de l'oeuvre littéraire.

Il reste encore à explorer, à étudier, et quelques directions sont ici judicieusement indiquées : le problème général de la caractérisation, l'utilisation du dialogue, l'évolution du récit à la troisième personne dans le conte et dans le roman, les conventions des schémas narratifs. Sur tous ces points, la contribution de Vivienne Mylne elle-même sera, à n'en pas douter, des plus précieuses.

PIERRE TESTUD.

LÉONARD DEFRANCE, Mémoires, éd. par FRANÇOISE DEHOUSSE et MAURICE PAUCHEN. Liège, E. Wahle, 1980. Un vol. in-8° de 165 p., 36 ill. dont 25 coul.

On attendait depuis longtemps une nouvelle édition des mémoires du « peintrephilosophe » Léonard Defrance (Liège, 1735-1805). Cette existence si intimement liée à la chute de l'Ancien Régime dans la « petite France de Meuse » méritait bien l'utile volume qu'on vient de lui consacrer. On y retrouve d'abord le charme d'une jeunesse pauvre et romanesque, qui promène l'artiste naissant dans une Italie cosmopolite et un Languedoc où on apprécie surtout chez lui le « peintre flamand » ! Il est vrai que son confrère liégeois Nicolas de Fassin, avec une grande indifférence pour les appartenances nationales, écrira dix ans plus tard : « Nous autres Flamands [...] ».

A Rome, où Defrance rencontre Natoire et Fragonard, il est traumatisé par le Saint-Office plus que par la lecture de L'Espion turc, et il perd ses croyances religieuses. Les termes dans lesquels il raconte, après bien des années, sa conversion matérialiste ne semblent pas du reste entièrement de son cru. Ecrivant sans doute entre 1800 et 1805, il n'a plus un souvenir très précis d'événements survenus presque un demi-siècle auparavant : on cherchera donc en vain dans ce « voyage d'Italie » l'abondance documentaire - et même le goût - du Président de Brosses ou de Cochin. Defrance, devant les Stanze de Raphaël, n'a pas les émerveillements du Président Rien de ces ouvrages « tant vantés » ne le frappe. Mais il a l'honnêteté d'avouer : « pour ne pas passer pour ignorant, quoique je le fusse complètement, j'admirais du geste et des paroles avec mes conducteurs ». Il est aussi fort laconique quand il évoque Herculanum, Florence, Venise (qu'il gagne en compagnie de comédiens buffa, au terme d'un voyage « bien désagréable ») ou Milan (qui lui rappelle surtout une méchante histoire d'argent).

Même s'il arrive que la narration soit assez gauche, comme on l'a dit, n'hésitons pas non plus à nous attendrir à l'histoire de Bellou, digne, pour la matière, de l'abbé Prévost Celle-ci a pour cadre Montpellier, où l'artiste séjourne et travaille après qu'il a quitté Rome, en 1760 (les éditeurs apportent, sur ce dernier point, des informations nouvelles). Defrance y serait tombé amoureux d'une fille recluse dans une maison de force, à laquelle il l'aurait soustraite.


COMPTES RENDUS 131

L'aventure est entourée de circonstances trop pittoresques, au gré des éditeurs, qui la mettent en doute. Il y a pourtant là dés mots de vérité, de sentimentalité qui auraient dû convaincre des lecteurs liégeois.

A Castres, Defrance rencontre l'abbé Sabatier. A Toulouse, il assiste à l'exécution de Calas. Sa haine du fanatisme clérical se fortifie. Et surtout, il peint : « beaucoup de portraits ». Grâce aux enquêtes de F. Dehousse et M. Pauchen, soutenues par un large concours d'informateurs, notre connaissance de cette production a fait des progrès. Il est intéressant de pouvoir découvrir enfin, en quadrichromies, les portraits de l'astronome toulousain Antoine Darquié ou de l'évêque de Castres Jean-Sébastien de Barrai. Mais d'évidence, il doit rester un certain nombre d'autres toiles à repérer.

L'artiste regagne son pays en 1763 ou 1764. Un nouveau prince-évêque y est élu. Notre mémorialiste fera aussi son portrait - mais sans complaisance. Le tableau ne fut pas du goût de la Cour. On estima « que ce tréfoncier élevé sur le trône épiscopal avait un air trop bonasse pour représenter un prince». En disgrâce, et en butte à un népotisme local féroce, Defrance trouvera sa voie dans une forme originale de réalisme bourgeois. Il rompt avec un art occupé « à peindre des miracles, à mettre des hommes, des anges, des têtes humaines d'enfant [...] sur des nuages » : « mon esprit matériel se refusait à toutes ces choses qui heurtent la raison ». Les belles Buveuses de café témoignent de cette volonté de réaction, qui va conduire aux vues « industrielles », aux intérieurs de manufactures (La Houillère, La Clouterie, La Fonderie, La Manufacture de tabac, etc.), là où est sa spécialité. Les mémoires ne disent malheureusement rien de cet aspect majeur de son oeuvre.

A partir d'ici, et d'une telle prise de position, tout semble s'accélérer. Les jalons en direction de 1789 se multiplient Ce sont d'abord l'excitation que favorise le règne éclairé du prince-évêque Velbruck, l'« échauffement des têtes » chez les artistes et la fondation d'une Académie de peinture (1774). Puis vient la création de la Société patriotique, opposée au prince qui suivit Velbruck et qui ne lui ressemblait pas. L'anticléricalisme de Defrance se donne maintenant libre cours, sur le papier comme sur la toile. Les ciblés préférées des Mémoires sont les récollets, « cette vermine ». Le despotisme du prince Hoensbroech déchaîne les passions, au milieu des années 1780. Defrance alors s'engage totalement Ses attaques contre le pouvoir sont imprimées dans, un pamphlet intitulé Cri général du peuple liégeois. Et il relie lui-même, de nuit, pour hâter leur distribution, d'autres écrits polémiques, dus à son ami Bassenge. Les Mémoires relatent avec vivacité ces années de braise : en ce qui concerne Le Cri général, le texte fourni est toutefois moins précis qu'une première version des mêmes souvenirs. On aurait aimé en savoir davantage sur ces variantes (p. 12-13). Pour le reste, l'édition offre des notes abondantes éclairant dans ses aspects multiples et parfois complexes la lutte politique.

Defrance, manifestement, fut dans une certaine mesure dépassé par les événements qui suivirent Girondin, il voit dans « les hommes de sang » un ennemi intérieur à la Révolution. Lorsque celle-ci triomphe à Liège, sa grande affaire, comme élu de la Municipalité, est de museler les Sans-Culottes, « ces monstres », « ces cannibales ». Réfugié à Paris, quand sera rétabli de façon temporaire le pouvoir épiscopal, il affrontera encore le radicalisme jacobin. Les Mémoiresn'en expliquent pas toujours autant qu'on voudrait, sur ces péripéties. Mais dans sa forme concise, la narration rend bien les tensions de l'époque. Plus que par l'extrémisme, l'artiste fut désarçonné par ce qu'engendrera finalement la chute de l'ordre traditionnel. L'opportunisme va remplacer l'idéalisme du bien public.

Mais n'a-t-on pas accusé Defrance lui-même d'avoir tiré profit du bouleversement, et en particulier de la destruction de la cathédrale SaintLambert ? Car voici, selon certains, sa tache, pour la postérité.


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A la rumeur, l'artiste ne répond même pas par le mépris, mais par une sorte d'incompréhension, de rupture des mentalités en présence.

Il reste que les Mémoires livrent au total le portrait d'un militant sincère et décisif. Le vieil « ours mal léché », qu'on « déchire à belles dents », est le plus persuasif quand il se montre portant « encore sur la scène », à contretemps, son « costume révolutionnaire ». Il laisse l'image d'un artiste qui a pris des risques, au moins avec l'histoire - image parmi d'autres, splendidement peintes, racontant une société qui changeait pour toujours.

DANIEL DROIXHE.

ALEXANDRE DUMAS, Le Comte de Monte-Cristo. Édition présentée et annotée par GILBERT SlGAUX. Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, [1981 j. Un vol. 11 x 18,5 de XXVI-1476 p.

La présente édition du Comte de Monte-Cristo contribuera-t-elle à réduire l'inexplicable écart qui subsiste entre la popularité et l'audience de Dumas plus de cent cinquante ans après sa mort ? M. Gilbert Sigaux, à qui nous devons déjà, dans la même collection, l'édition des Trois Mousquetaires et de Vingt Ans après et, distribuée par le Cercle des Bibliophile, celle des principales oeuvres romanesques de Dumas, tâche une nouvelle fois avec justesse de restituer sa réelle importance à celui de tous nos écrivains » qui a su le mieux monnayer l'esprit français et lui donner l'empreinte dont il a besoin pour circuler dans tout l'univers » '. Le texte choisi, celui de l'édition Michel Levy, 1846, ne prête guère à discussion : il amende quelques fautes et inadvertances de la préoriginale et de l'originale. Un relevé des variantes de celles-ci n'aurait pas été sans enseignement sur le (peu de) travail correctif de Dumas. L'appareil critique de la présente édition doit beaucoup à l'étude de J.-H. Borneçque en tête de son Comte de Monte-Cristo, Paris, Éditions Garnier frères, 1962 ; on y trouve les mêmes avanttextes : extraits des Mémoires historiques tirés des archives de la police de Paris, relevé des variantes des Impressions de voyage dans Paris, première version des chapitres XXI à XXXDC du roman, le plan dit « de Maquet » qui, vraisemblablement, a été composé de conserve par Dumas et Maquet ; on y reconnaît, quant à la genèse de l'oeuvre, la même confiance dans le commentaire de Dumas fourni dans L'État civil du « Comte de Monte-Cristo », plus de dix ans après la rédaction du roman, faute de documents nouveaux. Le rôle de Maquet, s'il n'est pas nié, n'est pas élucidé.

Dans sa préface, M. Sigaux présente Dumas comme un « témoin du réel », Le Comte de Monte-Cristo comme un roman de moeurs, vigoureuse dénonciation d'une société dominée par l'argent. Monte-Cristo est aussi un conte dont le « trésor » est le noeud, La rencontre des structures narratives du conte et du roman de moeurs, qu'il faudrait analyser précisément, confère à l'oeuvre son indéniable charme. Sans doute faudrait-il se pencher également sur le syncrétisme des personnages et des thèmes qui fond au même creuset Byron, Goethe (le roman d'apprentissage), Balzac, Sue. Dumas ne s'est-il pas défini avant tout comme un « vulgarisateur » ?

L'édition de M. Sigaux, assortie de notes nécessaires et non proliférantes, ainsi que d'une biographie essentielle, offre aux futurs chercheurs un texte et un commentaire sûrs pour des études qui accorderaient à Dumas l'audience qu'il mérite. Mme Mao Tse Toung n'avait-elle pas proposé, durant la Révolution culturelle, Le Comte de Monte-Cristo comme modèle aux écrivains chinois ?

CL. SCHOPP.

1. Toast de Deschanel rapporté dans Eugène Courmeaux, Alexandre Dumas, Châlons, Imprimerie-Librairie Le Roy, 1886.


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MADELEINE Y. ORTOLEVA, Joris-Karf Huysmans romancier du salut.

Sherbrooke, éd. Naaman, 1981. Un vol. 14x20 de 178 p.

Les plus' récentes études consacrées à Huysmans s'attardent rarement sur les oeuvres postérieures à sa conversion. On oublie que ses romans d'inspiration catholique ont connu à l'époque de leur publication un retentissement au moins égal à celui des livres naturalistes, mais il semble que les chercheurs préfèrent abandonner l'écrivain religieux aux spécialistes de la littérature pieuse. Dans des romans tels qu'En Route ou L'Oblat, on retrouve pourtant une verve et un style comparables à ceux des ouvrages de la première période : en se convertissant, l'auteur n'oublie pas qu'il a fait ses classes dans le sillage des Goncourt et de Zola.

Mme Ortoleva, Canadienne d'origine française et professeur dans une université américaine, en nous apportant une étude intitulée Huysmans romancier du salut, nous laisse donc espérer de nouvelles perspectives sur la dernière manière de l'écrivain : ceux qui conçoivent de tels espoirs seront probablement déçus.

Certes elle nous offre une analyse des aspects particuliers de la religion chez Huysmans dans un chapitre - le sixième - qui est le meilleur de son étude : culte pour la Vierge en contradiction avec la misogynie bien connue de l'auteur de Marthe, attirance pour des formes de mysticisme souvent assez troubles, rôle attribué au rachat que permet la souffrance et dont il put faire là cruelle expérience dans ses dernières années. Une comparaison est tentée avec la foi de deux de ses contemporains : Léon Bloy et Paul Claudel. Dans ce domaine pourtant l'auteur aurait pu pousser plus loin son analyse et s'inspirer, par exemple, de son compatriote le P. Belval 1.

Le titre semble promettre aussi des aperçus sur la genèse des « romans du salut ». Il eut été essentiel d'exposer quelle transposition Huysmans a pu faire subir à son expérience personnelle, jusqu'à quel point il a su trouver une matière romanesque dans la crise toute intérieure que représente sa conversion.

La longue et fort détaillée bibliographie accompagnant l'ouvrage montre que Mme Ortoleva, à -défaut de travailler sur des documents inédits, connaît bien les études publiées sur Huysmans, et ses notes en bas de pages confirment qu'elle a su les utiliser 2. Mais une sérieuse compilation ne remplace pas une réflexion qui dominerait vraiment les problèmes : cette conversion qui a étonné et dont la relation littéraire est particulièrement originale, mériterait d'être abordée d'une façon plus éclairante 3.

JACQUES LETHÈVE.

MAURICE DESCOTES, Histoire de la critique dramatique en France, Tiibingen, Gunter Narr ; Paris, Jean-Michel Place ; coll. « Études littéraires françaises», 1980. Un vol. 15 x 22,5 de 408 p.

Quatre cents pages pour raconter l'histoire de la critique dramatique en France entre 1620 et 1939, c'est à la fois peu et beaucoup, et cela risquait d'être fort ennuyeux Or, M. Descotes a réussi la gageure d'écrire un livre précis, documenté,

1. Belval (M.), Des ténèbres à la lumière. Etapes de la pensée mystique de Huysmans, Paris, 1968.

2. On s'étonne toutefois que ne soit mentionné aucun des articles du Bulletin de la Société J.-K. Huysmans, dont les 72 numéros auraient pu enrichir la documentation de l'auteur.

3. Plusieurs affirmations contradictoires sont peut-être dues à des coquilles, par ex. quand l'auteur estime, p. 16, que les premiers signes du « renouveau littéraire catholique » apparaissent « vers 1880 », mais affirme, p. 19, que ce même renouveau « est définitivement consolidé en 1879 ».


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aussi complet que possible, admirablement clair et extraordinairement vivant On jugera peut-être ces adverbes hyperboliques : il n'en est rien. Il est peu de lectures à la fois plus instructives et plus divertissantes que cet ouvrage qui sait garder toute la rigueur universitaire, sans en connaître la pesanteur. Ces qualités tiennent à une conception remarquablement intelligente du travail : cette histoire est jalonnée d'un certain nombre de petites monographies, fort intéressantes, sur des hommes dont on a plus d'une fois tendance à oublier la part qu'ils ont prise dans l'histoire littéraire : Chapelain, Dêsfontainês, La Morlière, Fréron, La Harpe, Gustave Planche, Théophile Gautier, Geoffroy, Jules Janin, Francisque Sarcey, Henri Bidou, Pierre Brisson, Robert Kemp... Ces monographies sont autant de repos dans une revue qui aurait risqué d'être vertigineuse ou lassante. L'auteur a su, d'autre part, s'arrêter assez longuement sur ces moments cruciaux, particulièrement éclairants de l'histoire du théâtre - et souvent de l'histoire des idées, voire des mentalités - que sont les grandes « querelles » qui, régulièrement, donnent l'occasion d'une bataille ouverte, d'un affrontement où s'expriment les conceptions esthétiques, mais aussi morales ou politiques, de partis opposés : querelle du Cid, de L'École des femmes, d'Andromaque, du Légataire universel, des Philosophes, de Charles IX, d'Hemani, d'Henriette Maréchal... jusqu'à celle du Mariage de Figaro, en 1939 s'entend, dans la mise en scène de Charles Dullin. Certes, ces querelles sont d'importance inégale et ne s'exercent pas toujours à propos de chefs-d'oeuvre ; elles n'en sont pas moins d'ordinaire significatives d'une évolution du goût, avec tous les présupposés que cela comporte.

Mais la critique dramatique a-t-elle une existence distincte de la critique littéraire générale ? Oui, répond M. Descotes, à partir du moment où elle juge un spectacle avant de juger un texte, et dans la mesure où le critique dramatique est inséparable du spectateur, dont il a toutes les passions. On peut lire un roman ou le juger dans le calme, mais c'est un des traits constants de la critiqué dramatique de n'avoir jamais été sereine. Ni, peut-être, indépendante. Dès la querelle du Cid, on constate, comme chacun le sait, l'intervention d'éléments extérieurs à la littérature dans les jugements prononcés : en effet, le critique dramatique, pour être écouté, doit toujours être représentatif d'un groupe de spectateurs. En outre, les critiques du XVIIe siècle, pour des raisons alimentaires ou de réputation, ont tous souci de faire carrière, ce qui les oblige à exprimer moins leur opinion personnelle que celle des milieux qu'ils fréquentent - opinion qu'ils contribuent souvent d'ailleurs à élaborer, mais à laquelle ils ne peuvent que rester fidèles. Cela se vérifie pour Boursault ou Donneau de Visé, bien entendu, mais également pour Boileau.

Le XVIIP siècle est, peut-être, pour M. Descotes, la grande époque de la critique dramatique. Elle diffère de la nôtre en raison du délai qui s'écoule entre la représentation et le compte rendu : parfois considérable, il permet un jugement plus réfléchi. Mais, dès 1750, elle se trouvera liée à une idéologie, trait qu'elle gardera au moins jusqu'en 1914, sinon jusqu'à nos jours. Ce rôle dé l'idéologie dans la critique - qui n'excluait pas, parfois, l'accord des adversaires sur les principes esthétiques - va culminer, comme on s'en doute, pendant la Révolution, qui, au théâtre, prendre véritablement la forme d'une révolution culturelle. Les spectacles de cette période, parfois tout visuels, le bouleversement du style de jeu ne peuvent être jugés qu'en fonction du projet idéologique du critique, selon qu'il accepte ou non cettepraxis. Il va de soi que, s'il ne l'accepte pas, il a tout intérêt à se taire, quitte à prendre sa revanche quelques années plus tard. La critique de la Restauration, elle aussi, sera toute politique, librement, cette fois. Certes, on pouvait être d'accord ou rtôn avec l'esthétique du drame romantique, mais les audaces d'Hemani auraient été envisagées beaucoup plus sereirtement si la fameuse bataille n'avait été en réalité une action de terrorisme intellectuel : c'était une civilisation, une société que les jeunes spectateurs rameutés dans la salle


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attaquaient sans merci, le drame ne servant guère que de prétexte. On appréciera cette mise au point lucide et pour une fois non édulcorée de journées qui annonçaient déjà les provocations surréalistes... ou mai 1968.

Tandis qu'avec la multiplication des journaux les visages de la critique se diversifient, Jules Janin renouvelle le genre : avec lui, le feuilleton devient un morceau de bravoure, qu'on lira désormais pour lui-même, le commentaire de la pièce devenant accessoire. Au passage, M. Descotes réhabilite Gustave Planche, loue l'honnêteté de Théophile Gautier, analyse fort bien les motifs de la royauté exercée par Sarcey de 1867 à 1900 : nul ne correspondit mieux à l'opinion générale du public d'alors, composé de bourgeois politiquement libéraux et esthétiquement conservateurs. C'est d'ailleurs entre 1871 et 1914 que Maurice Descotes place l'apogée de la critique dramatique, c'est-à-dire d'une confrontation entre les idées esthétiques et l'idéologie d'un connaisseur d'une part-car tout fermé qu'il puisse être sur certains plans, le vrai critique doit avoir le sens du théâtre - et l'oeuvre qu'on lui propose, d'autre part Sans système de valeurs établi, la critique, comme c'est le cas aujourd'hui, demeure flottante, impressionniste, ou cherche à se concilier le public sans déplaire aux puissances. Surtout, la prolifération des théâtres a causé son éparpillement : n'oublions pas que, jusqu'à peu près vers 1914, un seul théâtre comptait véritablement: la ComédieFrançaise. Enfin elle est devenue immédiate : au siècle dernier, le feuilleton théâtral du lundi permettait encore un recul ; aujourd'hui c'est au lendemain, voirê à la veille des premières, que les lecteurs des journaux veulent connaître leur opinion sur les spectacles.

Voilà une faible recension du livre excellent de Maurice Descotes. Ce n'est pas seulement, au reste, la critique, mais toute la vie théâtrale française qu'il a le génie de ressusciter dans ces chapitres. Le relief qu'il a si bien donné à son récit a-t-il comme corollaire une certaine simplification ? Les choses sont-elles dans le détail un peu moins nettes qu'elles ne paraissent à travers son livre ? Peut-être, mais cette étude, fruit d'un travail de dix ans, donne l'impression d'une grande honnêteté et d'une grande lucidité. J'ajouterai, pour être, moi aussi, tout à fait honnête, qu'on y trouve un peu trop de fautes d'impression, et un lapsus, facile à corriger : Molière à la place de Corneille (p. 381).

En définitive, un livre passionnant et extrêmement utile si l'on veut faire le point sur la vie théâtrale en un moment donné.

ANDRÉ BLANC.

MICHÈLE SIMONSEN, Le Conte populaire français. Coll. « Que saisje ? », n° 1906, Paris, P.U.F., 1981. Un vol. in-16° de 128 p.

On est heureux de saluer cet ouvrage de Mme Michèle Simonsen, chargée de cours à l'Université de Copenhague. Il comble une lacune certaine parmi lès titres de cette collection consacrés à la littérature française. On ignore trop en Europe l'importance des littératures populaires. On tend à les reléguer en littérature marginale ou en sous-littérature, alors que les littératures écrites en sont, plus qu'on ne le soupçonne, tributaires.

C'était un tour de force que de ramasser en un petit volume un aperçu général de tous les problèmes que posent la nature des contes, leur origine, leur structure et les interprétations diverses qu'on en a proposées. Cette gageure est largement réussie. Aussi les lignes qui suivent visent surtout à compléter certains aspects dans la perspective d'un ouvrage plus important.

Après une introduction sur les traits spécifiques du conte français, un chapitré i définit la notion de contes populaires et en détermine les différents types. Disons à ce propos que certains contes, classés dans les recueils sous les rubriques de


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contes réalistes, facétieux, ou de contes d'animaux, révèlent cependant, à l'analyse de leur scénario et de leurs thèmes, une affinité avec les contes merveilleux dont ils ne sont peut-être que des avatars dégradés.

Un chapitre n traite de la tradition orale. Pour les traces antiques, après les contes milésiens, on pourrait citer Pétrone : son histoire de loup-garou dans le Satiricon, thème dont on sait la longue faveur en France, mériterait de figurer à côté des récits d'Apulée. Car le conte d'Éros et Psyché de ce dernier n'est point le seul à illustrer Les Métamorphoses.

Pour les modernes, on aime voir enfin reconnaître que l'oeuvre de Rabelais prolonge tout autant les légendes celtiques et autres qu'elle n'inaugure une culture humaniste qui les recouvre et les masque.

Sur Perrault, on a le plaisir de trouver un des jugements les plus nuancés qu'on puisse lire sur le rôle de cet écrivain, à la fois particulièrement précieux par tout ce qu'il a conservé et en même temps irritant par tout ce qu'il a déformé : « D'une façon générale, Perrault a transformé ce qui pouvait choquer le sens de la bienséance et du vraisemblable [...] [il] atténue le merveilleux et l'absurde et fléchit l'intrigue dans un sens plus réaliste» (p. 19). On pourrait ajouter sa tendance à déformer le monde des Fées d'après celui des Grandes Dames de son siècle, son incompréhension du sens magique, ses clins d'yeux au lecteur.

D'autre part, je serais moins affirmatif sur l'absence de motifs populaires dans les récits de toutes les Dames tricoteuses de contes au XVIIIe siècle.

Pour mince qu'ait été sa contribution écrite, dans Les Chansons et Légendes du Valois, on aimerait (p. 20-21) ne fût-ce qu'un rappel du cher Gérard de Nerval parmi ceux dont le rôle fut grand pour éveiller en France l'attention sur la littérature populaire.

Le chapitre rv sur l'origine dés Contes évoque le problème sur lequel bute inévitablement quiconque s'intéresse aux contes populaires : comment des scénarios analogues, des thèmes identiques, se retrouvent partout dans le temps, partout dans l'espace ? Pour expliquer ce fait déconcertant, maintes théories ont été échafaudées. L'auteur les passe en revue à partir du moment où, avec Max Mûller, elles prennent une forme systématique. N'est donc pas évoquée la préhistoire de ces conceptions, avec les hypothèses, ou folkloriste, ou celtique, ou indianiste, qu'on rencontre déjà en France avec, respectivement, Perrault, M"e Lhéritier et Daniel Huet

Rarement a-t-on vu exposer ces thèses avec une égale objectivité. Tout au plus pourrait-on discerner un certain déséquilibre dans l'espace réservé à chacune d'elles. Toutes les thèses, de Max Mûller à Propp, sont résumées en 14 pages (p. 29-42). Les seules interprétations psychanalytiques en occupent 37 (p. 68105), soit plus du double. N'est-ce pas une manière de prendre parti ? Pour toutes ces théories, l'auteur respecte même leur terminologie. C'est là aussi objectivité. Si, parfois on peut estimer barbare le jargon adopté, l'auteur n'en peut mais...

Disons au passage que, si Saintyves défendit sa thèse « liturgique » par des démonstrations fort discutables (p. 35-38), cela n'implique nullement que la thèse même fût radicalement fausse et n'eût mérité meilleur avocat : une démonstration géométrique erronée n'enlève rien à la valeur d'un théorème. L'opinion de Paul Delarue, pour immense qu'ait été son rôle dans la collecte et l'inventaire des contes populaires, ne peut devenir un dogme pour tous les commentaires qu'il y greffa (p. 38). Par contre, la démonstration, nationaliste, de Joseph Bédier concernant l'origine purement française des fabliaux, mériterait aujourd'hui d'être revue, ou du moins nuancée (p. 33).

Parmi les adversaires de l'explication par les « mythes solaires », on peut ajouter J.-B. Pères dont la percutante démonstration par l'absurde (Comme quoi Napoléon n'a jamais existé...) a frappé cette thèse d'un ridicule dont elle ne s'est jamais relevée, bien que cette déconsidération soit parfois exagérée


COMPTES RENDUS 137

Les dimensions rigoureuses de la collection (128 pages, ni plus, ni moins !) où paraît l'ouvrage, expliquent sans doute la prétérition par laquelle l'auteur traite quelques thèses comme le « pâtternisme ».

La plus grave lacune toucherait la théorie selon laquelle les contes merveilleux seraient la dégradation profane de scénarios d'initiation à des mystères religieux. On s'étonne un peu de ne rien trouver sur cette opinion qui, depuis René Guenon, Luc Benoist, Mircea Eliade et maints autres, s'est fort développée aujourd'hui. Cette thèse ne correspond-elle pas mieux au caractère surnaturel des récits merveilleux que les interprétations en vogue par la « libido » ?

Enfin, une revue complète et objective des théories peut-elle passer'sous silence l'hypothèse récente d'anciennes civilisations disparues dont tous ces contes, hérités d'une lointaine tradition, seraient les bribes dispersées ?

On souhaite que la bibliographie, nécessairement sommaire mais étendue aux contes français du Canada, puisse englober aussi ceux d'Afrique noire. Celle-ci on l'oublie trop; représente aujourd'hui le plus vaste domaine de la langue française. Et une littérature orale extrêmement vivante y prolonge souvent les thèmes de nos vieux contes populaires. On trouve dans Bigaro Diop, dans Bernard Dadié, dans l'Anthologie nègre de Céndras, et ailleurs, des variantes fort intéressantes de Poucet, des Fées,deRiquet, voire d'Éros et Psyché, où parfois se retrouvé le sens magique originel, offusqué depuis.

Rappelons que toutes ces exigences, les impératifs stricts de la collection où paraît l'ouvrage, ne permettaient, pas de les satisfaire. Ces suggestions valent surtout pour l'oeuvré plus importante qu'on peut espérer après celle-ci, déjà dense, objective et utile.

ROBERT BAUDRY.

RAYMOND TROUSSON,^ Thèmes et mythes. Bruxelles, coll. « Arguments et documents », Éditions de l'Université de Bruxelles, 1981. Un vol. 13,5 x 19 de 144 p.

Le nombre et le renom des études thématiques suivent un rythme cyclique dont une génération constitue la période : la « Stoffgeschichte » ou thématologie fleurit autour de 1900, puis entre les deux guerres, et s'épanouit depuis une quinzaine d'années ; d'abord à contre-courant de l'idéologie structuraliste dominante : les théoriciens la donnent alors pour un avatar des comparaisons ou parallèles chers à l'ancienne rhétorique, La vogue de la psychanalyse jungienne, les travaux de Mircea Eliade sur les mythes et les religions, ceux de Gilbert Durand sur l'anthropologie de l'imaginaire ont formé un micro-climat plus favorable ; la méfiance à l'égard des réductionnismes modernes, la mode « écologique » de l'enracinement rendent leur chance et leur prix à un inventaire de notre patrimoine thématique ou mythique (poursuivi depuis longtemps par des ethnologues et des folkloristes, comme Henri Dontenville, Paul Delarue ou Marie-Louise Tenèze). Cependant, la rubrique de la bibliographie annuelle d'Otto Klapp, « Thèmes et motifs », amuse par ses listes amphigouriques, aux allures de fatrasie («atome, aurore, aventure, baroque, Bérénice, bêtise, bleu, bonheur, cannibalisme, catholicisme... »). Cela reflète la fertilité des chercheurs mais fait apparaître la thématologie comme un simple papillon pour couvrir un agrégat de monographies qu'on ne saurait classer ailleurs. Perdu dans le détail, on ignorerait alors les complexités d'une problématique entrecroisée (au carrefour de l'analyse structurale des mythes, de l'histoire littéraire et de l'histoire des idées).

Raymond Trousson, remarquable « thématologue » avec son Thème de Prométhée dans la littérature européenne (Genève, Droz, 1964, 2 vol., 2e éd. augmentée, 1976), donne aujourd'hui une version actualisée de son ouvrage


138 REVUE D'HISTOIRE LITTÉRAIRE DE LA FRANCE

théorique de 1965 (Un problème de littérature comparée : les études de thèmes, Les Lettres Modernes). Après une rétrospective, il s'attache à distinguer le motifattitude, type de relation, situation, souvent subsumés par un concept - du thème, « l'expression particulière d'un motif, son individualisation » (p. 22-23) (Antigone, Socrate, Don Juan,..). Refusant la catégorie de mythe littéraire proposée par Pierre Albouy, il considère la mythologie comme un ensemble antérieur et transcendant aux thèmes littéraires, une autre concrétisation, plus mouvante, des motifs. Ainsi se trouve délimité, pour la thématique, un espace proprement littéraire, où les mythes n'ont droit de cité qu'incarnés dans des oeuvres. Cet ordre restrictif permet d'échapper à l'infinie productivité conceptuelle du motif, avec ses errantes envolées dans la généralité ou ses pesantes retombées dans l'insignifiance (on parviendrait ici aux frontières de la thématique soucieuse d'événements, d'idées, de mots organisés dans une psyché et une oeuvre individuelles). M. Trousson assigne ensuite à cette discipline dont il restaure l'objet une méthodologie souple et précisé : distinction des thèmes de situation et des thèmes de héros ; du traditionnel et de l'original ; du synchronique et du diachronique (le structurel et l'historique) ; des temps de floraison, ou de délaissement et de dépérissement... Avec une concision qui n'exclut pas le constant recours à de judicieux exemples, il propose, à tout thématologue, un tour d'horizon des problèmes qu'il rencontrera (limites temporelles et géographiques de l'enquêté, exhaustivité des dénombrements, incidence du contexte historique), un questionnement normalisé, des directions de recherche sans exclusivisme, et un panorama des grands travaux contemporains. Cet ouvrage utile et limpide vient à son heure pour maintenir la thématologie éloignée de la divagation et du verbalisme.

DANIEL MADELENAT.

CHARLES B. OSBURN, Research and Référence Guide to French Studies. Second édition. Metuchen, N.J. and London, 1981, The Scarecrow Press, Inc. Un vol. 14 x 22,5 de XXXVII-532 p.

Le professeur Ch. B. Osburn, de l'Université de Cincinnati, s'est spécialisé depuis de longues années dans les travaux bibliographiques concernant les études littéraires françaises : en 1968, il a publié un premier volume (sous le même titre que l'ouvrage recensé aujourd'hui) qui débordait assez largement du cadre de l'histoire littéraire puisqu'il s'étendait à des secteurs tels que l'histoire, les beauxarts, la culture générale, etc. En 1972 paraissait un Supplément (Guide to French Studies) avec des index cumulatifs pour les deux volumes, l'ensemble dépassant 7 000 références. Il contribuait encore aux études bibliographiques en publiant en 1971 un recueil d'« états présents», articles et essais consacrés à des auteurs français, du Moyen Age à nos jours (entre 1959 et 1969), soit 48 articles (dont onze extraits de L'Information littéraire. Ces publications (à l'exception du Supplément) ayant fait l'objet de notes critiques du signataire dans le Bulletin des bibliothèques de France l, nous nous bornerons à quelques remarques sur la seconde édition.

En histoire littéraire comme dans beaucoup d'autres secteurs de la recherche, lé bibliographe est très rapidement dépassé par là production courante, surtout à une époque où les centres d'études françaises vont en se multipliant à travers le monde et où il devient même difficile d'en maîtriser la production. Ch. B. Osburn a donc été incité à remettre l'ouvrage en chantier en prenant comme date-charnière

1. Novembre 1968, février 1973.


COMPTES RENDUS 139

l'année 1978, avec le souci d'alléger et, en même temps, de mettre à jour la documentation.

Dans sa nouvelle présentation, la bibliographie, qui est strictement signalétique, est divisée en six grandes sections : 1) littérature française (généralités, grandes périodes du Moyen Age à nos jours et, dans chaque période, auteurs) ; 2) langue française ; 3) langue et littérature françaises hors de France ; 4) philologie romane et littérature occitane ; 5) généralités (bibliographies, dictionnaires, répertoires de thèses, civilisation et culture, etc.) ; 6) biographies et notices individuelles concernant les universitaires français et étrangers. Elle comporte deux index : auteurs et sujets. Dans le but de mettre à jour les références, l'auteur a supprimé des travaux anciens et dépassés (mais sans les écarter systématiquement, quand ils conservaient encore toute leur valeur), y ajoutant en revanche des titres nouveaux choisis suivant des critères personnels puisqu'il est le seul rédacteur de l'ouvrage, avec la certitude qu'il s'exposerait aux critiques des spécialistes ! Cette sérieuse révision a fait tomber le nombre des références à 5 900, dont un bon millier pour le seul XXe siècle. On pourrait envisager une nouvelle mise au point dans quelques années, mais cette hypothèse est exclue, car la seconde édition de la bibliographie est aussi la dernière. La « Modem Language Association of America » devant publier (dès 1982, pour 1981) une bibliographie annuelle remaniée, Ch. B. Osburn estime qu'elle répondra aux besoins des chercheurs et que sa seconde édition servira de liaison entre les deux premiers volumes du Guide et la publication rénovée de la M.L.A.

Encore convient-il que les références relatives aux années 1979 et 1980 ne comportent pas de lacunes importantes : or, si l'on relève des titres publiés au cours de ces deux années (par ex. noe 79, 523, 634, 647, 698,. 1165 A, 1687 A, 2744 A, 4775 A, etc.), les lacunes apparaissent cependant comme sérieuses. Ignorant les conditions dans lesquelles notre confrère américain a travaillé, et sa préface manquant de précision quant à la date limite de ses dépouillements, je n'aurai pas l'audace de lui faire grief de certaines absences. Toutefois on s'étonne de ne pas trouver, dans la section Archives/Bibliothèques, l'État général des fonds dont les Archives nationales ont commencé la publication en 1978 ; de même dans les références relatives au XVIII siècle, manquent l'article de M. Delon, « Dix années d'études sadiennes » (Dix-huitième siècle, n° 11, 1979), les travaux de J.-D. Candaux sur Voltaire signalés sous les noe 2939 et 2965 de ma bibliographie 1979, la bibliographie de David J. Lowe sur B. Constant (Londres, 1979), le tome II de celle de Geoffrey E. Hare sur Alph. Daudet Qlondon, 1979), le volume sur Les Angevins de la littérature publié en 1979, manquent également et il serait facile d'allonger la liste. Le lecteur devra donc chercher cette documentation ailleurs, dans les bibliographies annuelles de la M.L.A. ? Mais je ne voudrais pas finir sur une note trop critique, sachant l'importance de l'effort demandé à un bibliographe surtout quand il travaille seul ! Grâce aux index, le volume est d'un maniement facile et son intérêt est incontestable, surtout si l'on ajoute les ressources des deux premiers volumes à celles de la seconde édition, suivant le souhait exprimé par l'auteur.

RENÉ RANCOEUR.

2. Les coquilles trop fréquentes dans les noms d'auteurs sont généralement corrigées dans les index. Je ne parviens pas à m'expliquer cette différence...


INFORMATIONS

- Un colloque sur : « La pensée religieuse dans la littérature et la civilisation du

XVIIe siècle en France » aura lieu du 12 au 14 mai 1983 à l'Université de Bamberg (R.F.A.). Adresser la correspondance à : Dr. Manfred Tietz, Universitât Bamberg, Fakultât fur Literaturwissenschaften, An der Universitât 5, D 8600 Bamberg ; ou à : Dr. Volker Kapp, Universitât Trier, B 217 T, Postfach 3825, D 5500 Trier.

- La prochaine réunion de la Nprth American Society for Seventeenth Century Literature se tiendra à Montréal (Université de Montréal et Université Me Gill) les 7, 8 et 9 avril 1983 sur le thème : « Voyages : récit et imaginaire (textes et représentations figurées) ». Pour renseignements et programme, écrire à : Prof. Bernard Beugnot, Département d'Études françaises, Université de Montréal, CP 6128 Suce. A, Montréal H3C 3J7 P.Q. Canada.

- La Société des Amis de Roucher et A. Chénier tiendra le Samedi 23 avril 1983 à Versailles son Assemblée générale et un colloque sur : « Versailles dans la poésie française, de la naissance à la mort de J.-F. Ducis (1733-1816) ». Pour tout renseignement, s'adresser à : Edouard Guitton, 2 Villa du Bourg-l'Évêque, App. 113, 35000 Rennes.

- A l'occasion du bicentenaire de la naissance de Stendhal, un colloque sur : « Stendhal et le domaine anglais » aura lieu à l'Institut français de Londres du 13 au 16 septembre 1983. Pour tout renseignement, s'adresser au Directeur de l'Institut français du Royaume-Uni, Queensberry Place, London S.W.7.

- La Société Théophile Gautier et le Centre d'Études romantiques de l'Université Paul Valéry de Montpellier ont organisé du 15 au 18 septembre 1982 un colloque sur : « Théophile Gautier : l'art et l'artiste ». Pour tout renseignement, s'adresser à : Claudine Lacoste, Université Paul Valéry, B.P. 5043, 34032 Montpellier Cedex

- L'Université François Rabelais de Tours organise, du 16 au 18 juin 1983, un colloque international « René Char ». Pour tout renseignement, s'adresser à M. Daniel Leuwers, Institut de Français, 3, rue des Tanneurs, 37000 Tours.

- Le Centre d'Études et de Recherches théâtrales de l'Université de Bordeaux III, en collaboration avec le Centre d'Études canadiennes, organise les 6, 7 et 8 mai 1983 un colloque sur: «La sociologie du théâtre: bilan et perspectives, Canada, Québec, France ». Pour tout renseignement, s'adresser à : Philippe Rouyer, Maison des Sciences de l'Homme d'Aquitaine, 33405 Talence.


CORRESPONDANCE

A la suite de l'hommage que M. Jacques Proust a rendu au regretté Erich Köhler dans le fascicule de mai-juin 1982 de la Revue d'Histoire littéraire de la France, M. Claude Duchet nous a communiqué les informations suivantes :

La revue Littérature avait consacré dans son n° 43 (octobre 1981) une « réflexion critique » à l'oeuvre d'E. Kôhler, sous le titre « Pour une science historico-sociologique de la littérature ». Une bibliographie exhaustive des travaux d'E. Kôhler parus ou traduits en français y est jointe. L'auteur de l'article, Heinz Thoma, y analyse les « Einige Thesen zur Literatur-soziologie ». Celles-ci avaient été publiées, sous le titre « Principes historico-sociologiques et science littéraire » dans les Travaux de l'Institut d'études ibériques et. latino-américaines de Strasbourg (Tralili XIII-XIV, 1973-1974, p. 3-10). Elles l'ont été à nouveau, toujours en français, dans la Revue de l'Institut de Sociologie (éditions de l'Université de Bruxelles), n° spécial (1980, 3/'4) Littérature, enseignement, société (t II « La Société : de l'école au texte », p. 599-607).

Quant à l'ouvrage Der Literarische Zufall, das Môgliche unà die Notwendigkeit, en attendant sa traduction préparée aux éditions du Sycomore, on peut en lire, en français, sous le même titre (« Le hasard littéraire, le possible et la nécessité »), un condensé dans le volume collectif d'hommage à Lucien Goldmann, édité par l'Institut de Sociologie de Bruxelles : Lucien Goldmann et la Sociologie de la littérature, (« Études de sociologie et de littérature », éditions de l'Université de Bruxelles, 1973, p. 105-120). D'autre part, le dernier travail d'Erich Kôhler était une analyse socio-poétique de « L'Isolement » de Lamartine : sa contribution, en avril 1981, au Colloque international «Poésie et Société » organisé par l'Université de Wuppertal. La revue Romantisme en publiera le texte français dans son n° 39 (1983, 1).

La lettre de Pierre Coste à Montesquieu publiée dans la Correspondance inédite (R.H.L.F., 1982, p. 191) fait mention d'un « Monsieur Hop », qui n'avait pu être identifié. Au sujet de ce personnage, Monsieur JJK.T. van Bérkel, Conservateur à la Bibliothèque Royale de La Haye, nous adresse la lettre suivante :

« J'ai tout de suite pensé à une famille passablement connue de magistrats hollandais dont l'un des membres, Hendrick Hop (1686-1761), d'abord militaire et ensuite « extraordinaris envoyé » à Londres jusqu'à sa mort, pourrait être celui à qui Montesquieu avait présenté ses compliments. Les dictionnaires biographiques font peu de cas de ce personnage, aussi ne crois-je pas devoir essayer d'en savoir plus long sur son compte, à moins que vous n'y teniez. Je vous signale toujours que Hop a épousé en secondes noces une Judith Lambert, nom de famille que nous lisons dans la même lettre, et que Joshua Reynolds a fait son portrait en 1758. »

L'identification proposée paraît très vraisemblable. Je remercie M. van Berkel de l'avoir portée à notre connaissance.

R.P.


BIBLIOGRAPHIE

Dans ce numéro, sauf indication contraire, les ouvrages et articles ont été publiés en 1982.

Les livres sont distingués des articles par un astérisque ; ta pagination des articles est toujours indiquée.

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Expositions - DARRICAU (Raymond) et TEISSEYRE (Charles). - Chronique des expositions. Rétrospective : brefs aperçus sur trois décennies d'expositions. - RFHL, juillet-septembre 1981, 451-480.

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RESUMES

Notes sur le personnage de la servante

Le personnage de la servante (ou chambrière) a été moins étudié que celui, du valet Toutefois on le rencontre souvent dans la littérature narrative des XVIe et XVIIe siècles, sous forme d'histoires gaillardes : voir surtout les Cent nouvelles nouvelles et l'Heptaméron. Dans nos premières comédies les servantes ont des moeurs fort libres.

Corneille innove en prenant pour rôle principal une suivante, laquelle est vertueuse. Les servantes de Molière, qui prennent contre les parents le parti de la jeune fille, se comportent honnêtement, sauf celle de George Dandin.

Les Lisettes de Marivaux prennent part à l'action. Elles ne donnent pas prise à la médisance.

Dans les romans français des XVIIe et XVIIIe siècle, la servante tient une place négligeable.

Dans la vie réelle, les servantes se laissaient « patiner » et ne résistaient guère aux exigences de leur maître.

Au XIXe siècle, on se lasse de ces anecdotes erotiques, et Balzac, Lamartine, Flaubert osent nous intéresser à des servantes dévouées et vertueuses.

A l'époque moderne, Maupassant reprend le thème de la rivalité amoureuse de la dame et de la servante, et Mirbeau applique, au Journal d'une femme de chambre, les recettes du roman naturaliste. Aujourd'hui, dans la littérature comme dans la réalité, la servante est une espèce sociale en voie de disparition.

RAYMOND LEBÈGUE.

Temps, lieux et paradoxes dans «Sertorius»

La structure de Sertorius repose sur une série d'antithèses spatio-temporelles. Nertobrige, le lieu de l'action, se définit par rapport à Rome, une ville scéniquement absente mais dont la présence est inscrite dans le dialogue de tous les personnages. La trêve, qui est le temps de l'action représentée, n'a de sens que dans le contexte de la guerre civile qui déchire Rome depuis dix ans. La patience de Sertorius et de Pompée fait contraste à l'impatience de Viriate, d'Aristie et de Perpenna.

Paradoxalement, le héros de la tragédie, un guerrier redoutable sur le champ de bataille, suit ici une politique d'évasion Un décalage important existe donc entre le Sertorius du passé et celui du présent, entre le héros au niveau textuel et celui qui se révèle au niveau du spectacle. Sertorius diffère alors qu'il n'a plus que quelques heures à vivre.

L'ironie consiste dans le fait qu'il ne se passe rien au cours des cinq actes qui change ce qui a été prédéterminé dans un hors-temps et un hors-lieu scéniques. Que ce soit le meurtre de Sertorius ou l'abdication de Sylla, tout a été fixé d'avance. L'action dramatique ne montre qu'un acheminement vers l'inévitable.

CYNTHIA B. KERR.


RÉSUMÉS;.;;;. . 175

Une courte pièce anonyme intitulée Réflexions philosophiques sur la marche de nos idées, publiée dans divers recueils, paraît en 1770 en tête du huitième tome de L'Évangile du jour. Ce traité matérialiste au contenu vigoureux et au ton hardi a été tantôt attribué à Jean-François de Bastide, journaliste, romancier^ auteur dramatique, dont le « déluge d'écrits » fait l'unanimité sur sa fécondité plus que sur son talent, tantôt à Pierre de Chiniac de la Bastide, gallican convaincu, commentateur de l'abbé Fleury. Tout contribue à rendre l'honneur d'avoir été distingué par Voltaire à Bernard Louis Verlac de la Bastide. Avocat, membre de l'Académie de Milhaud, il est aussi l'auteur des Épitres écrites de la campagne à Mlle Ch***, publiées dans le même tome de L'Évangile du jour et adressa à Voltaire, en 1765, une Epitre à l'ombre de Calas,

GENEVIÈVE MENANT-ARTIGAS .

Rimbaud et la transgression de la «vieillerie poétique»

Parallèlement au conflit qui a opposé Parnassiens et Pré-symbolistes, mais sans monter aux avant-postes, Rimbaud a condensé dans sa première expérience poétique les multiples avatars du mètre-roi qu'est l'alexandrin. Malgré l'absence de toute position théorique du poète sur la. question du vers métrique ou du vers libre, on peut dégager chez lui des facettes caractéristiques de..l'alexandrin.. L'importance de la ponctuation, en apparence anarçhique, témoigne à la fois de Toralité de cette poésie et de sa segmentation originale par rapport aux coupes classiques. Inversement, et sous l'influencé probable de Verlaine, on remarque combien Rimbaud respecte la césure fixe et l'utilisé à des fins variées, en -particulier dans l'emploi du rejet d'adjectif. Ainsi, à travers le respect apparent de la forme, transparaît chez Rimbaud l'amorce, de l'éclatement du vers.

FRÉDÉRIC S. EIGELDÏNGER .

J.-J. Rousseau chez les Surréalistes

Lorsqu'il évoque, dans ses Entretiens, les grandes influences de sa vie, André Breton souligne le rôle capital de Rousseau. L'image du philosophe est cependant pratiquement absente des revues dadas et des premiers Manifestes du Surréalisme. Le mépris des « ancêtres » et les préoccupations politiques des surréalistes font que leur attention se porte ailleurs. Crèvel et Délteil tracent pourtant, dans les années 30, l'image d'un Rousseau poète et révolté, que l'on retrouvera surtout dans les récits d'après-guerre. Le goût du surréalisme pour la « rétrospective » est manifeste dans l'Exposition internationale de 1937, où Rousseau apparaît comme Un dés penseurs essentiels; de la libération et dé l'accomplissement dé l'homme. Il sera'dès lors régulièrement présent dans les jeux du groupe et dans les romans de

Lise Deharme, devenant une figure de légende et apparaissant comme la première

origine ; du surréalisme.

TANGUY L AMINOT.

Le Directeur de la publication : GUY DESGRANGES .

Achevé d'imprimer pour ARMAND COLIN ÉDITEUR en février 1983 par l'Imprimerie R. BELLANGER ET FILS à La Ferté-Bernard (Sarthe) , .; Dépôt légal effectué en mars 1983 -. N° Imprimeur : : 1.104 - N° -Editeur : 8486 Plublicàtïon inscrite à la Commission paritaire sous le n° 52557



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Raymond Lebègue, de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres

Membres d'honneur

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Bureau

Président : René POMEAU, professeur à la Sorbonne.

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Secrétaires généraux : Madeleine AMBRIERE-FARGEAUD, professeur à la Sorbonne ; Claude PICHOIS, professeur à la Sorbonne.

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Trésorier : Roger ZUBER, professeur à l'Université de Paris-Nanterre.

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Conseil d'administration

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