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Titre : Une visite à Beauvais : historique, promenade dans la ville, les faubourgs, hommes célèbres du Beauvaisis... / par Alexis Martin

Auteur : Martin, Alexis (1834-1904). Auteur du texte

Éditeur : A. Hennuyer (Paris)

Date d'édition : 1894

Sujet : Beauvais (Oise, France)

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34111186c

Type : monographie imprimée

Langue : français

Format : 1 vol. (XVI-94 p.) : plan ; in-16

Format : Nombre total de vues : 127

Description : Collection numérique : Fonds régional : Picardie

Description : Contient une table des matières

Description : Avec mode texte

Description : Récits de voyages

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k5655650b

Source : Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, 8-LK7-29072

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 20/07/2009

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ALEXIS MARTIN

UNE

Avec 13 gravures et 1 plan coiorié

HISTORIQUE-PROMENADE DANS LA VILLE

LES FAUBOURGS

HOMMES CÉLÈBRES DU BEAUVAÏSIS

PARIS

A. H ENNUYER, IMPRIMEUR-ÉDITEUR

4-7, RUE LAFFITTE, 47

1894 Tous droits réservés*



UNE

VISITE A BEAUVAIS


DU MEME AUTEUR

PARIS, PROMENADES DANS LES VINGT ARRONDISSEMENTS. 1 vol. in-16 de xvi-528 pages, avec Cl gravures hors texte et 21 plans coloriés. Deuxième édition.

LE MÊME, augmenté d'une introduction et d'une nomenclature historique des voies publiques et privées, publié en 20 monographies.

TOUT AUTOUR DE PARIS, PROMENADES ET EXCURSIONS DANS LE

DÉPARTEMENT DE LA SEINE. 1 Vol. 111-16 de XXIV-317 pages,

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LE CHÂTEAU D'ARQUÉS.

FAÏENCES ET PORCELAINES. 1 vol. illustré de 37 dessins de Schmidl el de 193 monogrammes. 2e édition.

GUIDES DU VISITEUR AUX SALONS DE 1887 et 1888.

PROMENADES ET EXCURSIONS DANS LES ENVIRONS DE PARIS. Région du Sud. (En préparation.)

PROMENADES ET EXCURSIONS DANS LES ENVIRONS DE PARIS. Région de l'Est. (En préparation.)


UNE

VISITE A BEÂUVAIS

PAU

ALEXIS MARTIN

Historique. — Promenade dans la ville.

Les faubourgs.

Hommes célèbres du Beauvaisis.

Avec 13 gravures cl 1 plan colorié.

PARIS

A. HENNUYER, IMPRIMEUR-ÉDITEUR

47, RUE LAFFITTE, 47

1894

Droit de reproduction et do traduction interdit pour tous les pays y compris la Suède et la Norwègc.



INTRODUCTION

Le Beauvaisis, dont l'intéressante ville que nous allons visiter fui autrefois la capitale, était, au temps de César, un petit pays habité par les Bellovaques. Sous Honorius, il fil partie de la deuxième Belgique, puis, plus tard, il fut incorporé au royaume de NeusIrie; enfin il fut compris dans la province elle gouvernement de l'Ile-de-France. Au Beauvaisis appartenaient les duchés-pairies de Boufflers et de Fitz-James et les comtés de Clermont et de Bcaumont-sur-Oise, c'est-à-dire tout l'ouest actuel du département de l'Oise el une faible partie de celui de Seine-et-Oise.

Ce pays, un des premiers que les Francs enlevèrent aux Romains, avait énergiquemenl, et pendant cinq années, résisté aux efforts des légions de César. A. côté delà grande figure du Yercingétorix (■!) dont les Arvernes sont fiers à juste titre, les Bellovaques peuvent placer celle non moins héroïque de l'un des leurs, le chef Gorréus.

(1) Vercingélorix est l'altération laline du mot celtique verhenn-kedo-righ qui signifie le grand clief des cent tètes. Les Romains ont pris ce titre pour un nom propre et l'ont appliqué an héros gaulois. Celui-ci était fils de Cellil, qui fut chef de la Confédération gaélique et condamné à mort pour avoir lente de s'emparer du pouvoir absolu.


VI INTRODUCTION.

Plus heureux que le grand vaincu d'Alêsia, Corréus ne courba pas le front devant César, il ne jeta pas ses armes à ses pieds et ne reçut pas la mort des mains d'un bourreau.

Outre les Gaulois de sa contrée, il avait réuni sous son commandement les Atrébales, les Yellocasses el les Gaietés (habitants de l'Artois, du Yexin normand et du Pays de Caux). 11 accepta le combat contre les Romains, mais le sort ne fut pas favorable à son armée. Alors, debout au milieu de la déroute, maître de lui, espérant peut-être encore un retour de la fortune, ralliant les épouvantés, entraînant à sa suite les braves qui ne se débandaient point, ne voulant ni fuir ni se rendre, Corréus combattit jusqu'au moment où il fut atteint d'un coup mortel. 11 tomba, libre encore, sur ce sol dont il avait défendu l'indépendance. . La défaite de ce grand homme assura la domination des Romains sur les Bellovaques. A partir de ce moment, le pays put être considéré, sinon comme soumis, au moins comme subjugué. Il n'est point inutile d'indiquer la nuance, car la résignation des vaincus ne fut en réalité qu'apparente. A plusieurs reprises, dans les temps qui suivirent, ils s'allièrent tantôt avec les Trévires, tantôt avec les Belges, et tentèrent vainement de reconquérir leur liberté.

Dès le premier siècle de notre ère, alors que Beauvais, déjà fortifié, s'appelait encore Coesaromagus, le christianisme pénétra dans ces contrées; mais pendant trois siècles environ, il y fut plus que froidement accueilli, et c'est clans le martyrologe qu'il faut chercher les noms de la plupart de ceux qui tentèrent d'évan-


INTRODUCTION. VII

géliser les populations. Saint Julien, saint Maxien, saintLucien, bien qu'il fût évoque de Beauvais, d'autres encore, moururent alors pour la foi nouvelle.

Sous Dioclélien, alors que le pays était gouverné par Constance Chlore, il fut en partie dépeuplé par les invasions des barbares. Au cinquième siècle, envahi par Glodion le Chevelu, il devint en quelque sorte un immense champ de bataille et fut tour à tour saccagé par les troupes saliennes, par la bagaudie à laquelle bon nombre de peuplades de ces régions s'étaient ralliées, et enfin par l'armée du patrice Aétius, à qui la victoire parut rester en dernier lieu.

Quand, après la bataille de Soissons, les Francs se rendirent maîtres du Beauvaisis, ils trouvèrent le christianisme établi et professé partout. Les évoques, à Beauvais notamment, avaient déjà réussi à substituer leur autorité à celle des officiers impériaux et, sous le litre de defimsores cïuilalis, ils administraient les affaires temporelles de la cité.

Les Francs songèrent moins à entrer en lutte avec les prélats qu'à se ménager leur appui; aussi laissèrent-ils grandir l'influence qu'ils avaient acquise. La religion nouvelle fit alors de rapides progrès ; peuple et grands s'agenouillèrent devant ses autels; églises et abbayes se construisirent de tous côtés.

Déjà, à Beauvais, dans un temple païen, la croix avait remplacé les idoles; ce temple est devenu l'église de la Basse-OEuvre. Un autre lieu de prière avait, dès l'an 275, été bâti par saint Firmin, à l'endroit où plus tard devait s'élever l'église Saint-Etienne. Au lemps où notre récit nous amène, une jeune princesse qui


V11I INTRODUCTION.

préférait la paix du cloître aux agitations du monde, fondait à Oroër, à 10 kilomètres au nord de Beauvais, le premier des monastères qui devaient prospérer dans la contrée. Plus tard, en S83, et tout près de la ville, Chilpéric Ier faisait bâtir l'abbaye de Saint-Lucien. Enfin, vers les dernières années du septième siècle, tandis que les Auslrasiens et les Neustriens, alors en guerre, inondent le Beauvaisis de leur sang, apparaît la pure et poétique figure de la jeune Àngadresme, aujourd'hui patronne de Beauvais. Elle était fille d'un chancelier du roi et célèbre par sa piété et les miracles qu'elle accomplissait; retirée au monastère d'Oroër, elle en devint abbesse. Vers la même époque, un des plus vénérés patrons du Beauvaisis, saint Germer, fondait l'abbaye de bénédictins qui porta son nom, et que la Révolution de 1789 trouva debout encore.

Bien que pillées plusieurs fois par les Normands, toutes ces abbayes se relevèrent toujours de leurs ruines. De leur côté, les cités prospéraient; elles obtenaient leurs chartes communales et s'enrichissaient de monuments somptueux. Beauvais, en particulier, voyait s'élever, au moyen âge, sa magnifique cathédrale Saint-Pierre. Sous LouislX, qui affectionnait particulièrement la contrée, le comté deClennontdevenait l'apanage de son fils Robert, tige de la maison royale des Bourbons.

En même temps, les lettres et les sciences commençaient à fleurir. Philippe de Beaumanoir rédigeait son curieux ouvrage : les Coutumes du Beauvaisis, répertoire des plus utiles à consulter sur la société du treizième siècle. De son côlé, une écolo de théologie, que


INTRODUCTION. IX'

Guy, évoque de Beauvais, avait fondée au onzième siècle, brillait alors de tout son éclat, el quelques-uns de ses élèves, Foulques, Galon, Etienne de Garlau.de, Gosselin, etc., conquéraient une haute réputation. Enfin, le dominicain Yincent de Beauvais, fort en faveur auprès de saint Louis, composait sur son ordre son Spéculum majus, véritable trésor d'érudition, sorte d'encyclopédie de toutes les connaissances humaines de ce temps.

Nous avons vu les paysans gaulois s'associer à la bagaudle. La jacquerie, mouvement provoqué par le même désir d'indépendance, par la même révolte des faibles contre les puissants, éclata au quatorzième siècle et prit naissance clans le petit village de Frocourt, à 6 kilomètres au sud de Beauvais.

11 ne saurait entrer dans notre pensée d'excuser les violences qui furent commises par les Jacques, mais il est impossible de ne pas reconnaître qu'ils avaient beaucoup souffert de l'oppression et de l'avidité des seigneurs. De l'aveu même de Froissart, qui ne saurait être soupçonné d'indulgence pour les paysans, les nobles laissaient mourir Jacques Bonhomme « en se gaussant et en se gobant de lui ». Ajoutons qu'en l'an de grâce 1358, la misère était grande clans les campagnes, et l'humiliation du peuple profonde, en présence des corps d'armée anglais qui battaient le pays. Les paysans, complètement ruinés après la bataille de Poitiers « où les seigneurs n'avaient pas fait leur devoir » étaient soumis à d'inqualifiables tortures; ils se voyaient arracher leurs ressources dernières pour payer les rançons exigées par les vainqueurs. La patience des


X INTRODUCTION.

pauvres était épuisée, la haine des puissants avait atteint son paroxysme.

Le 21 mai, la révolte éclata; elle partit de SaintLeu-d'Essercnt, de Noinlel el de divers autres lieux du Beauvaisis. Rayonnant autour de son foyer, gagnant le terrain avec la rapidité d'une traînée de poudre, l'insurrection fui en peu de temps maîtresse de tout le pays. « Plus de cent mille hommes, dit Henri Martin, avaient échangé la bêche contre la pique. » La pique fait image, mais, en réalité, les révoltés n'étaient guère armés que de bâtons ferrés, de haches el de couteaux. Sous la conduite des chefs qu'elles s'étaient choisis, les bandes parcouraient le pays, couraient sus à tout ce qui était chevalier ou êcuyer, envahissaient tout logis ayant l'apparence d'un manoir, d'un château ou d'une maison forte ; les gens, qu'ils fissent résistance ou non, étaient assommés sans pitié ; les femmes, les enfants eux-mêmes, qui n'avaient « point encore fait le mal », ne trouvaient pas grâce devant la fureur populaire. Quant aux propriétés, le pillage et l'incendie en faisaient des ruines.

La noblesse, revenue de la stupéfaction que le mouvement lui avait causée, appela ses alliés à son aide ; il lui vint des secours d'Allemagne, du llainaul, du Brabant et des Flandres. Le dauphin, depuis Charles Y, alors régent, d'un côté, le sire de Coucy, de l'autre, atteignirent successivement les Jacques et mirent leurs bandes eu déroute.

On le remarquera, la ressemblance est grande entre la jacquerie du quatorzième siècle et la bagaudie qui, neuf cents ans auparavant, avait déjàdésolé la contrée.


INTRODUCTION. XI

La cause première des deux révoltes est la même : l'exaspération occasionnée par la misère; les procédés sont semblables et aussi cruels à |une époque qu'à l'autre, le même esprit se retrouve dans les détails. La bagaudie s'était donné un Auguste el un César, personnages qui crurent à leur éphémère puissance et firent frapper monnaie en leur temps; la jacquerie, révoltée contre la noblesse et la monarchie, ne manqua pas de se choisir des rois. Celui qui fut le plus connu en Beauvaisis élait un paysan nommé Guillaume Charlet, qui se faisait appeler Jacques Bonhomme. Le pauvre diable eut une triste fin. Un jour, les insurgés du Beauvaisis, serrés de près et décimés déjà, voulurent traiter avec Charles le Mauvais; sous la foi d'un sauf-conduit, Charlet, bien escorlé, se rendit au camp du roi de Navarre. Celui-ci, après avoir fait couronner son «bon frère » d'un trépied de fer rouge, le fit décapiter ainsi que ceux qui raccompagnaient; puis, se réunissant au comte de Saint-Pol, il alla battre les paysans à Montr didier.

Parallèle à l'action du dauphin et à celle du sire de Coucy, ce mouvement amena l'écrasement des Jacques. Le Beauvaisis fut délivré, mais, une fois encore, il élait ruiné el dépeuplé.

Les malheureux habitants commençaient à peine à rebâtir leurs chaumières et à ensemencer de nouveau leurs champs, quand une nouvelle avalanche de gens d'armes se rua sur la contrée : c'étaient les Armagnacs el les Bourguignons qui l'avaient choisie pour champ de bataille. Peu après, en 1415, les Anglais, vainqueurs à Azincourl, se répandirent dans le Beauvaisis. Quand,


XII .INTRODUCTION.

cinq années plus lard, le fameux Cauchon fut nommé au siège épiscopal de Beauvais, ils trouvèrent en lui. un auxiliaire dévoué qui fil reconnaître l'autorité du roi Henri Y. Passa Jeanne d'Arc ; elle remporta la victoire de Gerbcroy et délivra Beauvais. L'évêque ne pardonna pas à l'héroïne; on connaît quel rôle odieux il joua dans le honteux procès qui lui fut fait et qu'il avait réclamé le droit de diriger, la malheureuse jeune fille ayant été capturée sur le lerriloire de son diocèse. 11 faut le faire observer ici, les populations de la contrée el particulièrement les habitants de Beauvais ne furent point les complices du prélat, qui, dès l'an 1429, avail été chassé do son siège. Rappelons, pour en finir avec ce sinistre personnage, qu'il mourut en 1443 el que le pape Calixte 111 excommunia sa mémoire quand, en 1456, il fit reviser le procès de Jeanne d'Arc. Ses restes furent alors arrachés de leur tombeau el jetés au veut parle peuple.

La jacquerie n'avait pas vaincu la féodalité; Louis XI, jaloux de son pouvoir, combattit énergiquement contre elle, el le Beauvaisis fut encore le théâtre d'une partie de ces luttes. C'est au cours de cette guerre, en 1472, que les femmes de Beauvais, et particulièrement Jeanne Laisnô, s'illustrèrent par leur énergique intervention dans la défense de leur ville attaquée. Louis XI, reconnaissant, accorda des franchises et des privilèges précieux à la vaillante cité; il lui rendit le droil d'élire ses maires et lui donna 972 livres pour faire construire une chapelle el 3 000 livres pour acheter la seigneurie de ltolangis.

Ycrs la fin du quinzième siècle, une épidémie pesli-


INTRODUCTION. XIII

lentielle fit de nombreuses victimes dans leBeauvaisis. Cette époque calamileuse était à peine oubliée quand, au siècle suivant, éclatèrent les guerres de religion. En 1560, un évoque de Beauvais, Odet de Ghâtillon, scandalisa le diocèse en abjurant publiquement le catholicisme et dut se sauver en Angleterre. Le désordre fut alors à son comble, et la misère, augmentée par la présence des gens de guerre, aggravée par la disette, devint aussi grande qu'au temps de la jacquerie. Néanmoins, hâtons-nous de le constater, la Sainl-Barlbélemy, réprouvée à Beauvais, n'y fit pas de victimes.

Survinrent ensuite les guerres de la Ligue. Beauvais, qui avait adhéré à celle-ci en -1589, revit encore les horreurs de la guerre civile ; mais, dès que l'abjuration de Henri 1Y fut connue, el en même temps que Paris, la ville se soumit au nouveau roi.

Beauvais se rattache à l'histoire du dix-septième siècle par plus d'un souvenir : Racine y fit ses éludes ; Bossuet fut abbé de Sainl-Lucien ; enfin, à cette époque, s'ouvrirent les ateliers de la manufacture de tapisseries, gloire industrielle et artistique du pays.

La terre de la bagaudie et de la jacquerie ne pouvait que favorablement accueillir le mouvement révolutionnaire ; néanmoins, la bourgeoisie réussit à en prendre la direction, et les excès furent évités. Cela n'empêcha pas le département de répondre un peu plus lard à l'appel des conventionnels Mauduit el Isoré, et de leur fournir un bataillon de huit cents volontaires pour aller combattre le royalisme en Yendée. Bien qu'on signale encore, en ce temps, le passage de Collot d'Herbois à Beauvais et la promulgation d'arrêtés sévères conlre


XIV INTRODUCTION.

les parents des nobles el des émigrés, la Terreur ne fil ici qu'un fort petit nombre de victimes.

Fidèle à ses vieux sentiments patriotiques, la population de l'Oise a fait vaillamment son devoir lors des invasions de 1814 et de 1870. Pendant la première, les habitants, se portant au devant des envahisseurs, payèrent de leur personne. Lors de la seconde, les villes ouvertes du Beauvaisis ne pouvant songer à la résistance, le département de l'Oise fut l'un dos premiers occupés; la présence des Allemands lui coûta environ 11 millions et demi.

Le Beauvaisis est habité par une population active el industrieuse. Si vous faites quelques promenades dans ses campagnes, vous serez certainement frappé de la beauté des cultures et de l'intelligence des agriculteurs, toujours prêts ici à profiter des progrès accomplis et à adopter les inventions nouvelles, quand ils les reconnaissent susceptibles d'augmenter les rendements du sol ou la qualité des produits.

Outre les légumes et les fruits, sources de prospérité constante pour certains cantons, on cultive dans l'Oise les plantes oléagineuses, la navette, le lin, le chanvre, el enfin la betterave, que les nombreuses fabriques de sucre du département trouvent ainsi en quelque sorte à leurs portes.

Dans les villes, on exerce les industries les plus diverses : on fabrique les couvertures, les lainages, les poteries fines de grès et de faïence, la brosserie, la cordonnerie, les toiles dites de demi-Hollande, les verres d'optique, les instruments aratoires, etc., etc. Enfin, rayonnant sur le tout, la manufacture nationale


INTRODUCTION. XV

de tapisseries de Beauvais, soeur aînée de celle des Gobelins, est depuis deux cent trenle ans un des centres artistiques les plus curieux de France, et la o-loire de la ville que nous allons visiter.

Quant à celle-ci, vous avez lu sans doute, car on l'a souvent écril, qu'elle est « mal bâtie et d'aspect peu agréable ». C'est là une de ces choses auxquelles on finit par croire à force de les entendre répéter, et qu'on est tout surpris de trouver absolument fausses, ou tout au moins fort exagérées, quand on se donne la peine de les vérifier.

L'aspect général, nous vous le montrerons avant d'entrer en ville, lorsque nous serons dans le parc du Réservoir; vous reconnaîtrez alors que ses grandes lignes, son ensemble harmonieux, ses détails pittoresques ne le cèdent en rien à tout ce qu'on admire dans les villes les plus fameuses par leur beauté.

L'impression première ne se modifiera pas si vous nous suivez dans notre promenade à travers la ville. Yous y rencontrerez un square aux sinueuses allées, à la petite rivière serpentant entre les pelouses gazonnées et les chemins sables; ailleurs, vous trouverez de larges boulevards plantés d'arbres, plus loin de belles promenades, telles que l'esplanade de l'Hôtel-Dieu et le Jeu de Paume, de vastes places; celle de l'Ilôtel-de"Ville au centre delà cité, celle du Franc-Marché dans sa partie nord. Certes, nous ne prétendons pas que les rues des Jacobins, de la Madeleine ou Saint-Jean soient comparables à notre boulevard des Italiens ou à noire rue de la Paix; mais nous sommes en province, clans une vieille ville, et ce n'est pas sans plaisir que nous


XVI INTRODUCTION.

parcourrons tout le quartier qui. avoisine à l'est la place de l'Hôlel-de-Yille; là, les rues sont des ruelles, les places des carrefours ; les maisons, plusieurs fois centenaires, se penchent les unes vers les autres comme des vieillards qui se racontent leurs prouesses el évoquent leurs souvenirs. De leurs portes étroites, on est surpris de ne point voir sortir quelque bourgeois, la hallebarde en main ou le mousquet à l'épaule, courant vers les remparts pour défendre la ville contre un assaut, ou vers le palais ôpiscopalpour prendre part à une émeute contre l'évêque.

Ceci, loin de nous déplaire, ayant au reste pour contraste des quartiers actifs et des rues bordées de boutiques et de magasins agencés au goût moderne, nous paraît plus susceptible d'augmenter que d'amoindrir l'intérêt que Beauvais peut inspirer.

î.vy






UNE

VISITE A BEAUVAIS

Historique.

Avant d'explorer la ville, nous allons rappeler en peu de mots les principaux événements dont elle l'ut le théâtre.

Il paraît à peu près certain que Coesaromagus, berceau de Beauvais, dut sa fondation à des Bellovaques chassés de Braiuspensium (aujourd'hui Breteuil, Eure)par César, et que le nom adopté par la cité naissante fut un des premiers témoignages de soumission que les vaincus accordèrent aux vainqueurs. A Coesaromagus se forma aussi celle légion vaillante el dévouée aux Romains qu'on appelait l'Alouette, à cause de l'oiseau, signe de vigilance, dont le casque de ses soldats était orné.

Fidèles aux Romains après leur avoir énergiquement résisté, les habitants de Beauvais luttèrent mais souvent sans succès, contre les Francs et les Germains. Leur ville fut ravagée, pillée, brûlée; leur misère devint si grande, que, vers l'an 320, l'empereur Constantin dut se rendre au milieu d'eux pour relever leur courage.

11 est probable que son séjour dans la ville se prolongea pendant un certain temps, car un vieil auteur constate qu'il y rendit une ordonnance relative aux immunités des vétérans. Sans doute aussi sa présence et la protection que, nouveau converti, il accordait aux évoques, durent conlriUNE

conlriUNE A BEAUVAIS. 1


2 VN]■; VISITE A BKAUYAIS.

huer au développement du christianisme dans la contrée. Le cinquième siècle fut pour Beauvais particulièrement désastreux. La ville fut une des quarante-neuf cités gau- ■ loisesqui participèrent au dernier mouvement des bagaudes, tentative d'émancipation à laquelle manquèrent les chefs et l'unité d'action et qu'Aélius réussit à arrêter en 440. Au cours de ces luttes cl dès l'an 434, la ville était tombée au au pouvoirdeClodion ; seize ans plus tard, Altila s'en empara et l'incendia: puis elle resta définitivement enlre les mains des Francs, quand en 486, Clovis eut vaincu Siagrius.

L'obscurité règne sur ces époques lointaines; pourtant on sait qu'aux derniers temps de la domination romaine le pouvoir temporel, abandonné par les officiers impériaux, passa aux mains des évèques; ceux-ci, protégés par les Francs, purent sans obstacles, sous les Mérovingiens, s'emparer crime autorité qui devinl fyrannique plus tard, et furent dès lors assez puissants pour pouvoir à l'occasion entrer en lutte ouverte avec la royauté.

C'est par un acte de ce genre que Beauvais rentre dans l'histoire. Louis le Débonnaire avait, en 817, parlagé l'empire entroses fils, Pépin, Louis le Germanique et Lolhaire. Six ans plus lard, quand naquit son dernier en fan l, depuis Charles le Chauve, il voulut modifier les dispositions prises; les princes dépossédés se révoltèrent conlre leur père, el l'évêque de Beauvais, Hildcmances, qui s'associa à leur rébellion, leur prêta un énergique appui.

Moins de vingt ans après, en 810, la cité fui, pour la première fois, attaquée par les Normands el subit toutes les horreurs du pillage et de l'incendie. Nous disons pour la première fois, car les sièges se renouvelèrent souvent en ce siècle : d'abord en 800, avec le même succès pour les assaillants; ensuite en 877, époque où la ville réussit aies repousser; enfin en 883, année lerrible pour Beauvais,


UNE VISITE A BEAUVAIS. 3

que ses envahisseurs saccagèrent et ruinèrent à peu près complètement.

Dans le moment de calme qui se produisit entre les deux premiers sièges, au cours de l'année 845, Beauvais fut témoin de grandes solennités religieuses. Charles le Chauve rassembla tous les évoques du royaume à Notre-Dame de la Basse-Oeuvre, A l'issue de ce concile, le célèbre Hincmar fut sacré archevêque de Reims.

A'ersla fin du neuvième siècle, Beauvais commença à former un comté, dont Eudes II de Vermandois transmit, en 1013, le titre à son frère Roger, évêque de la ville. A partir de ce moment, les prélats beauvaisiens portèrent le titre de comtes, puis devinrent bientôt pairs de France et figurèrent parmi les premiers dignitaires du royaume.

Leur puissance augmentait; mais, en même temps, la bourgeoisie entrait en lutte avec elle. Dans cette ville gauloise, qui avait longtemps vécu sous la domination romaine, la tradition des libertés municipales n'avaifpaséfé complèlement oubliée; une sorte de conjuration se forma contre le pouvoir de l'évèqne. Des désordres éclalèrent de 1099 à MOI ; le capilaine de la ville cul à se défendre contre des attaques successives. Le temps passa sans que l'accord se lit. Les bourgeois en appelèrent alors au roi Louis le Gros qui, en 1115, accorda à Beauvais une charte communale.

Louis le Gros, avons-nous dit, accorda une charte à Beauvais; notre plume n'a pas exactement traduit notre pensée. Historiquement parlant, les rois, et Louis VI en particulier, bien qu'on le considère comme l'auteur de l'a/franchissement des communes, n'ont fait que sanctionner les actes rédigés et acceptés par les bourgeois. Ceci était de la bonne politique; la royauté, en s'associant au peuple, faisait échec au pouvoir féodal toujours menaçant pour elle.


!, UNE VISITE A BEAUVAIS.

Puisque l'occasion s'en présente, il n'est peut-être pas inutile d'expliquer comment se créaient les communes, quelles cérémonies précédaient et accompagnaient la rédaction et la promulgation des chartes el — prenant celle de Beauvais pour modèle — de donner une idée des privilèges qu'elles accordaient à la bourgeoisie, en faisant observer toutefois que l'organisation primitive se modifia au fui' et à mesure que le pouvoir royal s'agrandit et se centralisa. Des antiques instilutions communales, l'ôchevinage seul subsistait encore lorsque la Révolution éclata.

C'était généralement dans une église que se réunissaient les citadins qui voulaient se donner une charte. Sur les livres saints, ils prêtaient d'abord le serment de se soutenir les uns les autres, et de ne point permettre qu'un dommage fût impunément causé à l'un d'entre eux. Ceci était la hase du pacte que rédigeaient les plus sages el qui était ensuite soumis à l'acceptation de tous.

Quand le texte de la charle était arrêté, les cloches, au jour désigné, appelaient le peuple sur la grande place el, du haut d'une estrade, un héraut, entouré de révoque, crosse en main et mitre en tête, des porte-bannières agitant, les étendards de la ville et du seigneur, du seigneur luimême el de ses gens d'armes, un héraut, disons-nous, donnaillecture du pacte communal ; chacun lui prêtait serment, puis il était soumis à l'approbation du roi qui en garantissait, l'exécution en y faisant appliquer le grand sceau de la couronne.

Aux termes de la charte de Beauvais, r.n mageur(maire) et douze pairs annuellement élus ôlaient charges de rendre la justice et de défendre contre tous les intérêts de la commune et de ses adhérenls; les marchands étrangers venus dans la ville pour leur commerce étaient placés sous la protection du pouvoir, à moins «qu'ils ne soient des ennemis


UNE VISITE A BEAUVAIS. K

de la commune ». Si quelque débiteur « de quelqu'un de la commune » se réfugiait auprès d'un seigneur, celui-ci devait ou acquitter la dette contractée ou chasser son hôte; dans le cas où le seigneur refusait satisfaction, justice « était faite sur lui ou sur ses hommes ». La commune s'armait en temps de guerre et ses dignitaires payaient de leur personne.

Au commencement du douzième siècle, el profilant des discordes qui agitaient la ville, Lancelin, comle de Dammarfin, et le fameux Thomas de Marie, de la maison de Coucy, réussirent à s'emparer momenlanémenl de Beauvais; ils ruinèrent en partie la cité et saccagèrent tout son territoire.

Les envahisseurs se retirèrent quand ils n'eurent plus rien à piller. La population, fout en réparant les perles subies, ne perdit pas de vue ses intérêts politiques, et tandis que les évoques s'efforçaient de ressaisir le pouvoir, les bourgeois s'adressaient directement à Louis Vit et obtenaient de lui en 1144 la confirmation de leurs privilèges municipaux.

Ceci, comme on le pense, n'amena pas la concorde, el la rivalité demeura constante enlre le pouvoir épiscopal et la bourgeoisie. Les parfis ne désarmèrent pas môme en présence d'une calamité égale pour tous, quand le terrible incendie de 1180 réduisit la ville en cendres.

Sur les débris fumants de la cité, les discussions, les querelles, les luttes recommencèrent avec une acuité nouvelle. Les prélats, désireux de mettre la royauté dans leurs intérêts, firent preuve pour elle du zèle le plus ardent; Philippe deDreux, évoque de Beauvais, célèbre par ses démêlés avec Raoul de Clennonl, se distingua particulièrement à la bataille de Bouvines. Armé d'une massue— pour obéir aux prescriptions de l'Évangile et ne point verser le sang —


6 UNE VISITE A BEAUVAIS.

il fit des prodiges de valeur et porta la mort dans les rangs ennemis. Un de ses successeurs, Simon, joua un rôle identique auprès de Philippe le Bel, pendant la guerre que ce prince eut à soutenir contre les Flamands.

De retour dans son évêché, à la suite d'une de ces fréquentes contestations qui naissaient à propos de tout et de rien, Simon fit enlever et jeter en prison le maire de la ville etdeux de ses officiers municipaux. La population s'indigna le différend fut porté devant le Parlement qui écoula le.: plaintes des bourgeois, apprécia les prétentions de Simon; el après mûr examen de la cause donna raison à la coin mune. L'évêque ne tint nul compte du jugement rendu Aigri par l'échec moral éprouvé, il multiplia ses prétention.: et sa tyrannie, devint tellement insupportable aux Beauvai siens, qu'un soulèvement général eut lieu en -1305. Le palai.. ôpiscopal fut assailli, envahi, dévasté; l'évêque se retira, 01 pour mieux dire s'enfuit à Saint-Just. Delà, il excommuni; ses ouailles; celles-ci se vengèrent, par un quolibel : l'évêque ne fut plus désigné que sous le nom de Simon le Drcêlu.

Philippe le Bel intervint, un peu comme le Perrin Dandin de la fable; il fil d'abord arrêter le maire el saisir letem porel de l'évêque, puis examina la cause à loisir. L'évêque élait allié à la maison des comtes de Clermont; l'un de se frères était, connétable, l'autre maréchal de France; le roi, de plus, lui avait des obligations pour sa conduite pendant la guerre. Que vouliez-vous quefissenl les bourgeois contre tant de puissants protecteurs cl d'excellentes raisons? Le roi donna gain de cause à Simon et condamna les magistrats à lui demander pardon à genoux et à lui payer 8 000 livres parisis d'amende. Cette somme fut employée à la construction des tours de Pévêchô.

Simon mourut en 1312; ses successeurs, moins hostiles que lui à l'extension des franchises communales, vécurent


UNE VISITE A BEAUVAIS. 7

en paix avec les bourgeois; puis la ville, en présence d'autres dangers, dut. oublier ses discordes intérieures.

En 1346, quelques jours après la bataille de Crécy. Beauvais se défendit courageusement contre l'armée du roi Edouard III, qui élait venue l'assiéger. Quand éclata la Jacquerie, la ville fut l'une des premières attaquées. Au quinzième siècle, au cours de la lutte entre les Bourguignons el les Armagnacs, le fameux évoque Cauchon vint s'installer au palais épiscopal et imposa l'autorité du roi d'Angleterre Henri Y. Jeanne d'Arc reprit la ville en 1430. Trois ans plus tard, elle faillit encore retomber au pouvoir des Anglais. Le dévouement de Jean de Lignières, de Jacques de Guehengnies el celui des habitants lui épargnèrent celle honte.

Lorsque la guerre cessa enfin, la cité, épuisée, était dans la plus profonde misère; elle commençait à se relever un peu, grâce aux efforts de son digne évoque Juvénal des Ursins, quand les luttes de Louis XI avec les derniers grands vassaux de France ramenèrent l'ennemi sous ses murs.

Nous arrivons à la page la plus dramatique, mais la plus héroïque aussi de l'histoire de Beauvais.

Charles le Téméraire venait d'organiser une puissante ligue contre Louis XI, quand la mort de son frère, le duc de Guyenne, porta un coup fatal à ses projets. Jl ne désespéra pas pour cela do les mener à bonne fin ; une invincible confiance en soi élait, on le sait, le trait dominant de son caractère. 11 se jeta en Picardie au mois de juin 1472, et, à la tête de 80 000 hommes, mit tout à feu et à sangsur son passage; puis, le 27 du même mois, il investit Beauvais.

La ville élait mal fortifiée et ses défenseurs peu nombreux; aussi l'armée bourguignonne pensait-elle s'en emparer par un coup de main hardi. L'artillerie fit son oeuvre, ballant la porte de Bresles, incendiant le faubourg Saint-Quentin,


8 UNE VISITE A BEAUVAIS.

ébréchant les remparts. Il semblait qu'il ne restât plus qu'à donner l'assaut.

Les assiégeants ignoraient ce qui se passait en ville. Aux soldats s'étaient joints, dès lemalin, tous les hommes valides de la cité; boutiques,ateliers,maisons,étaient abandonnés, tout ce qui pouvait porter une arme était sur les remparts. Seules les femmes erraient encore par les rues et se groupaient sur les places, indignées de l'attaque, ôpeurées des suites de la victoire si elle doit rester aux Bourguignons, honteuses de leur inaction, tandis que leurs maris, leurs frères et leurs enfants se font tuer; leurs poitrines se gonflent de sanglots, leurs poings crispés se lèvent.indignés vers le ciel, et alors, toutes femmes qu'elles sont, elles s'aperçoivent que ces bras qu'on croit impuissants sont pleins de vigueur, que ces coeurs, au lieu d'être glacés par l'horreur, battent à l'unisson sous la même poussée chrétienne el patriotique.

D'où vient, l'élan? On ne sail. Qui donne le signal? On l'ignore; mais, tout à coup, cette foule prend à l'unanimité une résolution virile : on court à l'église, on s'empare de la châsse de sainte Angadresme, patronne de la ville, on la confie à quelques faibles jeunes filles, el les femmes, elles, se font une arme de tout ce qui leur tombe sous les mains. Haches, épieux, barres de fer, qu'importe! toul est bon qui peut frapper, el les défenseurs de la ville voient toul à coup apparaître auprès d'eux sur les remparts et la châsse de la sainte el ce renfort inattendu de femmes résolues à lutter jusqu'à la mort.

Les Bourguignons tenlenl. un assaut, une de leurs bannières est déjà plantée sur le rempart ; une jeune fille l'arrache d'une main vigoureuse, et, dans le même moment, repousse du pied l'échelle appuyée à la muraille. Celte jeune fille, c'est Jeanne Laisné, qu'au dix-septième siècle seulement on surnommera Jeanne Hachette.


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L'exemple était trop entraînant pour n'être pas suivi; quand les femmes ne peuvent se servir des armes qu'elles ont en main, elles jettent des pierres sur les assaillants ; quand les munitions manquent aux défenseurs de la ville, elles se multiplient pour leur apporter, dit un vieux chroniqueur, « grande quantité de trousses de flesches et de pouldres ». Deux fois l'assaut est tenté, deux fois les Bourguignons doivent se retirer.

Cette héroïque résistance ne dura pas qu'un jour; elle se prolongea jusqu'à l'arrivée de troupes fraîches, et ce fui le 22 juillet seulement que Charles le Téméraire se résigna à lever le siège « en belle nuict, sans trompette, honteusement et villainemenl ».

Louis XI, un peu par calcul, dit Henri Martin, récompensa les habitants de Beauvais; il les exempta de tailles, leur permit d'acquérir des fiefs nobles sans avoir à payer les redevances ordinaires; il leur accorda de plus le droit d'élire leurs magistrats el celui de se réunir en assemblées générales pour discuter les affaires de la commune; enfin, il institua celte procession qui a lieu encore tous les 27 juin, et où les femmes ont le pas sur les hommes (1).

L'histoire de Beauvais s'arrêterait sur celle page brillante si la ville, au seizième siècle, n'avait joué son rôle encore et n'avait eu ses jours néfastes.

En 1560, un grand scandale éclata en haut lieu, et il en résulta des désordres dans la cilé. L'évêque Odet de Chatillon abjura le catholicisme el lui, devanU'émeute ella réprobation générale, forcé de se sauver en Angleterre. On pourrait croire, d'après ceci, que les partisans de la Réforme

(1) Depuis quelques années, la procession du 27 juin n'est plus, à proprement parler, qu'uu cortège ; le clergé continue de célébrer le mémorable anniversaire dans les églises, mais sans prendre part à la démonstration publique.


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eurent beaucoup à souffrir à-Beauvais; il n'en est rien pourtant, et la Sàint-Barlhélemy n'y fit aucune victime. Néanmoins la tranquillité publique était compromise, les différences de castes s'accentuaient, et, en 1577, les pauvres s'ameutaient violemment contre la classe bourgeoise. Trois ans plus tard,la peste sévissant également sur les riches el sur les malheureux décimait la population. Enfin, en 1589,, Beauvais accorda son adhésion à la Ligue; la guerre civile recommença alors et quelques massacres eurent lieu ; mais l'apaisement se fit aussitôt après l'abjuration de Henri IV.

Au dix-seplième siècle, une ère de prospérité semble s'ouvrir pour Beauvais; on y fonde, en 1664, la manufacture de tapisseries qui fait, encore sa gloire.

Lors de la Révolution, la ville accueillit favorablement les premières réformes ; elle se montra dévouée à la Constituante, mais ne dissimula pas sa pilié pour Louis XVI, quand il fut exécuté ; néanmoins la Terreur fit ici peu de victimes.

Les désastres de 1814 trouvèrent la population fidèle à son vieux patriotisme; mais elle dut subir l'invasion étrangère. En 1870, elle revit un corps de deux mille Saxons.

Nous connaissons maintenant le passé de la ville, nous allons en entreprendre la visite.

Le faubourg Saint-Jacques.

Moins banale que la plupart des gares provinciales, la gare de Beauvais, avec ses trois pavillons aux belles proportions, ses tours crénelées, son doux ton de brique rousse, son caractère un peu;grave enfin, semble avertir le touriste qu'il entre dans une cité historique el guerrière.

Débarrassé de l'obsession d'une douzaine de voilurins, cmi nous.offrent leurs services, nous suivons pendant quelques instants le boulevard de Paris et nous traversons la


VUE PAKOIIA&IQUK DE BEAUVAIS. DESSIN DE F. HOFFBAUEB.



UNE VISITE A BEAUVAIS. 13

voie ferrée par un passage à niveau que prolonge un pont jeté sur le Thérain, jolie rivière qui, à l'est et au sud de la ville, actionne plusieurs usines et moulins. Ici, elle sépare Beauvais de son faubourg Saint-Jacques, dont nous allons, pendant un moment, monter la rue centrale.

Laissant à notre droite un bureau d'octroi, à notre gauche un temple prolestant, nous atteignons bientôt la rue du Réservoir, qui nous conduit à l'entrée d'un parc dessiné en 1879 par l'architecte Lhuillier; ses sinueuses allées gravissent un.coteau, dont on atteint rapidement le sommet. Là apparaît soudain le panorama de la ville.

C'est un indescriptible entassement de toits aigus et bruns pour la plupart, au milieu desquels le regard cherche en vain le sillage des rues et l'éclaircie des places, et que dominent trois masses, l'une rouge, l'autre grise, la dernière blanche. La première est la vaste construction de l'École Saint-Joseph, dirigée par les pères du Saint-Esprit; la deuxième est la cathédrale, haute, puissante, découpant sur le ciel les vives arêtes de son toit, les fleurons de ses pinacles, et reflétant, quand un rayon de soleil la frappe, toutes les couleurs du prisme dans la vaste circonférence d'une rose de son portail méridional ; enfin, la troisième est celle de l'église Saint-Élienne.

Autour de la ville, ceinture fraîche el verte, courent les boulevards plantés d'arbres el les canaux crai ont remplacé les anciens remparts. Certes, le spectacle a sa beauté ; mais combien devait-il être plus original et plus pittoresque quand, avant 1480, un clocher léger s'élevait au-dessus de Saint-Élienne, quand la gigantesque flèche de la cathédrale, écroulée en 1573, pointant dans l'air, dessinait son dernier fleuron à 153 mètres du sol, et semblait chanter le triomphe de l'art gothique, quand,'parmi ces toits aigus et pressés, l'oeil reconnaissait les constructions des abbayes de Saint-


■1/, l'.NK VISITE A BEAUVAIS.

Quentin el de Saint-Lucien, les flèches aujourd'hui disparues de Notre-Dame du Châlel ou de Notre-Dame du Thil, et enfin nous ne savons combien d'églises paroissiales el conventuelles aux clochers si nombreux, que la cité était surnommée la rille sonnante.

Ne perdons pas noire temps à regretter le passé, et continuons notre promenade dans le faubourg. Nous allons arriver bientôt devant l'Ecole normale, vaste el beau bâtiment dont les trois corps entourent une cour d'honneur divisée en pelouses.

La construction de l'édifice est tonte récente; les plans, fort intelligemmonl compris, ont été dressés par M. Wallez; les travaux étaient achevés en 1884.

Un peu plus haul dans le faubourg, au fond d'une cour que ferme une grille, s'élève la gracieuse église Saint-Jacques. C'est un édifice moderne encore ; il a élé construit par les ordres de M s?'- Gignoux, évoque de la ville, qui en posa la première pierre le 14 juillet 1875. Un architecte d'Amiens, M. Deleforlrie, en a dressé les plans, en s'inspirantdu slyle du Ireizièmo siècle.

Un clocher carré, surmonté d'une lanterne oclogonale et d'une flèche dont la poinlc atteint 50 mètres de hauteur, s'élève sur la façade et lui donne grand aspect. Haute et claire, la nef centrale est accoslée de bas côtés se terminant en chapelles; une vaste tribune s'ouvre au-dessus du portail, et des galeries forment Iriforium. Le choeur est éclairé par sept hautes fenêtres ogivales à lofes trêflécs, surmontées de rosaces à six feuilles el garnies de verrières signées Lévêque.

Nous allons maintenant redescendre le faubourg et entrer en ville par la rue de Paris.


UNE VISITE A BEAUVAIS.

La ville.

Dès le premier moment et en jetant les yeux autour de nous, nous apercevrons déjà deux ou trois de ces vieilles maisons, si communes à Beauvais, dont le premier élage s'avance en saillie sur le rez-de-chaussée, dont le pignon aigu, percé d'une lucarne au sommet, s'enveloppe d'un loif immense, constructions originales qu'ornent parfois des sculptures, ici presque frustes, là admirablement conservées, des cariatides, des carrés et des losanges formés par les poutres, des slaluelles de saints debout dans leurs niches, des animaux allégoriques, des chimères, des imbricalions de carreaux, enfin toutes ces fantaisies charmantes qui, aux quinzième et seizième siècles, tenaient ingénieusemenl, pour nos pères, le rôle aujourd'hui confié au froid numérotage. En ces temps-là, on demeurait à la Belle Image ou au Cheval d'or; aujourd'hui, on loge rue de l'Abbé-Gellée, n° 14, ou rue de la Manufacture-Nationale, n» 20.

Mais en acceptant les modes nouvelles, on n'a pas entièrement oublié celles qui furent chères à nos pères, el. si vous errez un soir dans les rues de la ville, vous serez étonné peut-être, mais à coup sûr charmé, quand vous rencontrerez, revenant d'un dîner ou d'une veillée, quelque bonne bourgeoise bcauvaisieiine regagnant son logis en vinaigrette.

La rue de Paris nous a justement conduit à la rue de la Manufacture. A notre droite, à travers des cours et des ruelles, nous apercevons le gymnase elles vastes bâtiments de l'institution.du Saint-Esprit; à notre gauche, au milieu d'une froide façade, au-dessus d'une haute porto ronde, llolle le drapeau tricolore et se lit celle inscription : Manufacture nationale de tapisseries.


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UNE VISITE A BEAUVAIS.

Nous l'avons dit, c'est en 1664 que s'ouvrirent les ateliers % de Beauvais. On a souvent fait à Colbert l'honneur de celte t

création ; il est f certain qu'il l'en- >; couragea, mais le :; véritable . foiïda- l leur est Louis Hi- , nard, qui, dès le ; début de son entreprise, sut lui assurer une véri- : table supériorité. Le succès qu'il obtint ne fut peutêtre pas étranger I à la fondation de la Manufacture royale des Gohelins, que le mi. nislre fil décider trois ans plus tard.

Quant à l'État,

ce n'est qu'en

1789 qu'il devint

propriétaire de la

; maison où nous

=-: entrons.

Le souvenir des .. Gobelins. s'impose

s'impose tout visiteur qui pénètre dans les.ateliers de Beauvais; mais, dès le premier moment, il remarque .une différence dans les procédés de fabrication; Aux Gobelins, l'arLa

l'arLa aux carreaux de faïence.


UN ATELIER A LA MANUFACTURE DE TAPISSERIESDEP3IN DE A. SïROUY.



UNE VISITE A BEAUVAIS. 19

liste travaille sur une chaîne placée verticalement devant lui et doit, en quelque sorte, Iracer son dessin au fur el à mesure de l'exécution. A. Beauvais, la chaîne forme un plan horizontal, el un calque sur papier végétal placé au-dessous d'elle indique les contours à suivre. Il résulte de celte disposition que, le pied remplaçant la main pour soulever la trame, le travail est accompli en un temps moins long.

Les sujets que reproduisent les tapisseries de Beauvais diffèrent aussi de ceux qu'affectionne la manufacture parisienne. Ici, point de portraits, point de scènes d'histoire; mais combien de gracieux ornements, de fraîches fleurs, de jolis animaux, de ravissants paysages et de séduisantes mythologies! Après avoir reconnu l'exactitude avec laquelle la moindre louche du peintre est rendue, on ne sait ce qu'on doit le plus admirer, de la fraîcheur de l'oeuvre, de la saveur du coloris ou de la perfection du travail, qui, en certains cas, arrivent à ce poinlàfaireillusion, qu'on prendrait, volontiers ces admirables tapisseries pour les peintures dont elles ne sont que l'intelligente reproduction.

Une cinquantaine d'artistes travaillent sur les métiers de Beauvais. Dans un atelier, vous verrez de tout jeunes gens, à leur début encore, el s'essayanl à reproduire quelque bouquet de Chabal ou de Cesbron. Dans d'autres, des hommes mûrs, artistes consommés, travaillent quelquefois pendant cinq années consécutives à la confection d'une tapisserie d'après Gérôme ou Français.

Dans le musée de la maison, on conserve précieusement ■quelques tapisseries exécutées d'après Oudry,ThéodorcRousseau, Mazerolle, etc. Ici ce sont des Saisons, là des scènes elechasse, ailleurs l'interprétation de quelques fables de La Fontaine, tout cela admirablement décoratif, séduisant l'oeil et étonnant l'esprit par une finesse d'exécution que les Gobelins n'atteignent pas toujours.


20 UNE VISITE A BEAUVAIS.

Par la rue Colberl, nous pouvons gagner la rue Villiersde-1'Isle-Adam. Là se développe la façade de l'école secondaire fondée par les pères du Saint-Esprit, il y a quelques années seulement; un clocher monumental complétera avant peu l'ensemble des constructions. Grâce à lui, le touriste cessera d'être tenté de prendre pour une usine cet immense quadrilatère de brique.

La rue Nully-d'llécourl s'ouvre devant nous ; nous y pouvons visiter l'école el la chapelle des frères : l'école, une institution dont la ville eslliôre; la chapelle, un bijou architectural.

Disons quelques mois de l'institution avant d'en franchir la porte.

C'est en 1833 qu'elle fut fondée par le frère Menée. École primaire à ses débuis, elle devint bientôt un pensionnat, puis la direction de l'Ecole normale lui fut. confiée ; enfin, en 1855, elle créa l'Institut agricole de Beauvais, dont nous parlerons tout à l'heure.

Nous passerons rapidement à travers les salles d'éludés, les réfectoires, les dortoirs de l'institution, foules pièces vastes, saines, claires et parfaitement aménagées. Peutêtre nous sera-l-il permis de jeter un coup d'oeil sur quelques-unes des soixante-dix chambres qu'habitent les grands élèves. Ici l'uniformité du pensionnat disparaît ; chacun orne et dispose son chez soi selon ses goûts; l'ensemble est d'une variété charmante. Tandis que les livres de science s'entassent chez un élève, un autre couvre les murs de sa chambre de dessins ou d'études peintes; chez un troisième, vous verrez, sur une selle de sculpteur, un bloc de glaise entouré d'un linge humide; celui-ci vous montrera ses herbiers, celui-là sa collection de coléoptères, etc. Vous le voyez, nulle tendance n'est entravée, toute vocation est non seulement permise, mais encouragée, car on est ar-


UNE VISITE A BEAUVAIS.' 21

tisle chez les frères, et nous allons en avoir la preuve en visitant la chapelle.

Celle-ci fut conslruife en 1861 sur les plans de M. Deleforlrie; elle a la forme d'une croix latine, et l'archilecle a fort habilement imité le style du treizième siècle. L'intérieur est. luxueusement orné de peintures murales dues pour la plupart à M. Grelet (alors frère Athanase), élève d'Horace Vernel; la plus remarquable de ces compositions est une Assomption de la Vierge, qui décore le transept gauche. En regard, le même artiste a représenté Pic IX instituant l'Archiconfrérie de Saint-Joseph. Dans la nef, des processions de saints et de saintes rappellent la belle décoration dont Flandrin a orné l'église Saint-Vincent de Paul, à Paris. Deux panneaux de celle série se distinguent par l'éclat et la vigueur de leur coloris; ils ont été exécutés par M. Achille Sirouy, l'artiste bien connu, qui, disons-le en passant, est né à Beauvais.

Ce sanctuaire est le siège de l'Archiconfrérie de SaintJoseph, fondée en 1859; les blasons que vous voyez dans la chapelle sont ceux des provinces, villes, diocèses, prélats, qui ont concouru au développement de l'oeuvre.

Les vitraux, sortis des ateliers de M. Levêque, reproduisent toutes les scènes évangéliques et légendaires de la vie de saint Joseph.

L'Institut agricole, annexé à la maison en 1855, est aujourd'hui en pleine prospérité. Il possède plusieurs établissements où l'instruction agricole théorique el pratique est donnée par d'éminenls professeurs. Visitez, si vous en avez le loisir, la ferme organisée de Notre-Dame du Thil, la belle école d'arboriculture établie au château de Beauséjour, à Tillé, el vous vous rendrez compte, non seulement de l'importance de l'institution, mais encore, en voyant toute une jeunesse ardente suivre des cours de mathématiques, d'ar-


UNE VISITE A BEAUVAIS.

pentage, de chimie, de zoologie, travailler au jardin, aux champs, à la ferme, vous comprendrez que vous êles ici .dans une féconde pépinière d'agriculteurs instruits, préparés

préparés comprendre e I. à appliquer toules les méthodes nouvelles.

En quittant la chapelle des frères,nous suivons pendant quelques instants la rue de la Madeleine, puis nous prenons la rue des Halles, où nous rencontrons les halles où se vendent les laines, les poissons, les légumes et les fruits; elles ont élôconslruifesen 1860 par M. Lequesne dans le goût parisien. Deux grilles qui

les ferment proviennent, des anciennes portes de la cité.

Un léger crochet à gauche, par la rue Louvet, nous amène sur la place de l'Hôlel-de-Ville; du point où nous sommes, nous pouvons l'embrasser dans son ensemble.

Le vieux Beauvais : rue des Kpiugliers.


UNE VISITE A BEAUVAIS. 23

C'est la place la plus vaste et aussi la plus animée de Beauvais. Elle a 10 000 mètres de superficie, et bien que d'antiques maisons y dressent leurs pignons anguleux, bien que de vieux piliers grimacent encore devant quelques rezde-chaussée obscurs (1), bien que des ruelles, rues du vieux Beauvais où le soleil ne pénètre jamais, s'ouvrent çà et là — l'étroite rue des Epingliers et la pittoresque rue de la Taillerie sont du nombre — un souffle de coquetterie a passé sur ce quadrilatère; les hôtels, les magasins, les boutiques, ont un aspect moderne qu'on chercherait en vain clans les autres quartiers. Ajoutez à cela, pour attirer l'oeil sinon pour le réjouir, unemultilude d'enseignes peintes en lettres gigantesques, en couleurs voyantes, à tous les étages des façades, el vous aurez une idée de la physionomie vraiment gaie de la place de l'Jlôtel-de-Ville.

Chaque samedi, jour de marché, elle se couvre clans toute son étendue de tentes abritant les vendeurs de céréales, d'ustensiles de ménage, d'objets de toilette, etc.; la circulation devient difficile au milieu des longues files d'acheleuses qui ondulent, indolentes et curieuses, et des groupes où se discutent les cours. Alors, au-dessus d'une longue perspective de coulils gris, au milieu d'une forêt de bâtons soutenant ces abris fragiles, parmi les longues rangées de sacs amoncelés, de ferrailles étalées à terre, de lingeries légères tournoyant dans la brise, c'est à peine si l'on voit la silhouette de la vaillante Jeanne Hachette, debout sur un piédestal au centre de la place.

Ce beau bronze, solennellement inauguré le 6 juillet 1851 en présence du prince Louis-Napoléon, alors président de la République, est l'oeuvre de M. Vilal-Dubray. L'artiste a représenté l'héroïne au moment où, du pied gauche, elle

(1) Une de ces maisons, ditejdes Trois Piliers, est classée parmi les monuments historiques.


2-'i UNE VISITE A BEAUVAIS.

vient de repousser l'échelle appliquée par les Bourguignons au mur du rempart, où elle tient d'une main l'étendard conquis, et de l'autre met sa hache en garde pour le défendre contre une attaque possible.

Jeanne porte le costume des femmes de condition moyenne de la fin du quinzième siècle. Sa robe longue est fermée audessous du cou; elle n'a d'autre parure qu'une petite croix sur la poitrine. Son allure est résolue, mais ses formes ont la grâce de la jeunesse, el sa physionomie, bien qu'illuminée par l'enthousiasme patriotique, conserve un caractère virginal qui ajoute un charme de plus à la virilité de son action. C'est bien — et l'artiste le fait admirablement comprendre — la fille du peuple dans tout l'épanouissement de sa beauté saine et forte, la créature à la fois pieuse et vaillante entraînée par l'élan de son grand coeur el telle que nous aimons à nous représenter cette ligure qu'on a tenté de rejeter au rang des personnages légendaires.

C'est en 1850, au moment où il était question d'élever une slalue à l'héroïne de Beauvais, que Paulin Paris s'avisa d'émellreun doute sur son existence,et de prouver en même temps que le drapeau conservé à l'hôtel de ville de Beauvais avait dû être confectionné environ cinquante ans après l'assaut de 1475.

Laissons de côté, pour l'instant, la question du drapeau, nous y reviendrons plus lard, el ne nous occupons que de la personnalité de Jeanne.

Le document le plus ancien qu'on puisse consulter à son propos est un écrit intitulé Discours du siège, composé certainement par un témoin des événements, bien qu'il n'ait été publié pour la première fois qu'en 1622.

Ici l'existence de Jeanne est bien et dûment constatée; nous citons : « L'une desdiles jeunes filles de Beauvais,


■UNE VISITÉ A BEAUVAIS. 25

nommé Jeanne Fourquei, sans autre baston ou ayde, print et arracha à l'un desdils Bourguignons l'eslendart qu'il tenoit, et le porta en l'église des Jacobins. »

On a diversement expliqué l'erreur de l'écrivain appelant Fourquet la jeune tille qui se nommait Laisné. Nous ne nous arrêterons pas à ce détail, il est sans importance si l'on se reporte aux lettres patentes données à Senlis par Louis XI, le 22 février 1473.

Dans ces lettres, nous lisons que « pour considération de la bonne et vertueuse résistance qui fut faicte l'année dernière passée par notre chère el bien amée Jeanne Laisné, fille de Mathieu Laisné, demeurant en noslre ville de Beauvais, à Rencontre des Bourguignons, etc. » Voici lenomella parenlé de Jeanne parfaitement établis. Les lettres ne sont pas moins précises à propos du haut fait accompli par elle; elles disent qu' « elle gagna et relira devers elle ung estandarl ou bannière desdils Bourguignons, ainsi que nous estans dernièrement en noslre dicte ville de Beauvais, avons été de ce duement informez ». Remarquons-le en passant, Louis XI est ici beaucoup plus affirmalif que dans les lettres del468, donlnous avons parlé à propos de la naissancede saint Louis à la Neuville-en-Hez. Mais ce n'est pas de saint Louis qu'il s'agit, revenons à Jeanne Laisné. En continuant la lecture du document, nous voyons que la jeune fille est sur le point de contracter mariage avec un certain Colin Pilon, et le roi entend que « lesclils Colin Pilon et Jeanne, sa femme, soient el demeurent leur vie durant francs, quittes et exemps de toutes les tailles qui sont et seront.doresnavant. mises sus et imposées par nous en noslre royaume ».

En présence de ce document nous croyons avec M. Ernest Charvet, qui Ta cité (1), que l'existence de Jeanne Laisné et

(1) Le Drapeau de Jeanne Hachette et les Armes de Beauvais, Beauvais, 188b. ;


âfi UNE VISITE A BEAUVAIS.

son rôle dans la journée du 27 juin 1472 ne sauraient donner lieu à aucune contestation.

Quant au surnom de Hachette donné à l'héroïne beauvaisienne, il ne paraît pas antérieur au commencement du dix-septième siècle ; on le trouve écrit pour la première fois dans Y Histoire de Navarre d'André Favin, parue en 1622, et la première peinture qui représente l'héroïne une hache à la main est un tableau de Le Barbier conservé à l'hôte! de ville et qui eut un certain succès au Salon de 1780.

L'hôtel de ville développe sa façade sur la partie sud-est de la place, entre les rues Saint-Jean et de l'Écu. Dès 1651, la maison commune s'élevait en cet endroit. Elle avait été bâtie aux frais de l'évêque Augustin Potier, sur un terrain donné par son neveu Nicolas de Ruzenval. Sous la direction de l'architecte Bayeux, on la reconstruisit sur de plus vastes proportions en 1752.

Le monument a assez grand air ; avec sa haute porle, les larges fenêtres de son unique étage, la rangée de balustres qui le couronne, son cadran d'horloge surmonté des armes do la ville (1) el sa sobre décoration composée de pilastres d'ordre ionique et de guirlandes de fleurs sculptées, il contraste par sa régularité un peu solennelle avec les constructions antiques qu'on voit sur la place.

Pénétrons sous la voûte et gravissons le grand escalier. Dans le vestibule, nous rencontrerons un Faune dansant,

(1) Les armes anciennes de Beauvais, telles qu'on peut les voir à la cathédrale sur la tapisserie qui représente une vue de la ville au seizième siècle, étaient de gueules au pal d'argent. Des lettres patentes du 23 avril 1812 les ont modifiées. Beauvais porte aujourd'hui : de gueules au pieu posé en pal d'argent avec ce vers latin pour devise :

Palus lit Jdcfixus cônstans .et firma mancbo (Comme ce pieu fiché, je resterai ferme et inébranlable).


PLACE DE L'HÔTEI.-DÉ-YILXE A BEAUVAIS. DESSIN DE F. HOFFBAUFR.



UNE VISITE A BEAUVAIS. 29;

de Lequesne; au long des murs el sur le palier, des pein-. tures formant une décoration très agréable et une grande, tapisserie du seizième siècle représentant une Entrée Iriomplude dans une ville illuminée. Parmi les tableaux, nous remarquons d'abord le Siège de Beauvais, de Le Barbier, dont nous vous entretenions tout à l'heure, et que le cardinal de La Rochefoucauld donna à la ville en 1788. Malgré les éloges que Fauteur des Mémoires secrets a adressés à celle composition, nous restons un peu froid devant elle, cl nous nous retournons avec plaisir vers le fond du palier; il est occupé par la Fortune de M. Achille Sirouy, une couvre chaude et vibrante, qui figura au Salon de 1872 et que l'État a donnée à Beauvais.

Dans l'hôtel est une bibliothèque ouverte au public; elle est fort remarquablement aménagée, et ses rayons renferment environ 20 000 volumes, des manuscrits et des autographes. C'est clans la grande salle de celle bibliothèque, en belle place, au-dessus d'une baie ouverte, qu'on conserve précieusement sous une vitrine l'étendard que Jeanne Hachette enleva aux Bourguignons.

L'authenticité de celte précieuse relique a été contestée, nous l'avons dit plus haut. Paulin Paris el, plus tard, M. Tamizey de Larroque ont voulu voir en elle un drapeau espagnol. Plusieurs Beauvaisiens, et particulièrement M. Renaud Rose, ont combattu les moyens invoqués, et, les pièces du procès sous les yeux, il nous paraît difficile de conserver un doute.

Le drapeau qu'on voit à l'hôtel de ville est bien un élen- ' dard bourguignon; il était encore dans l'église des Jacobins en 1790, quand la vente des biens du clergé fut décrétée. Les clames de Beauvais demandèrent alors son transfèrement à l'hôtel de ville; il fut fait droit à leur requête. Caché pendant la dernière guerre, l'humidité a achevé de le dété-'


:I0 UNE VISITE A BEAUVAIS.

riorer, et les attributs el devises qui l'ornaient sont devenus à peu près invisibles.

L'administration en a fait exécuter un fac-similé dans les ateliers de la Manufacture. On y voit une grande figure de saint Laurent armé de son gril, deux coulevrines en sautoir, des armoiries et des devises qui, lotîtes, ont été différemment expliquées, mais qui, en définitive, paraissent bien appartenir à la maison de Bourgogne. Le drapeau original a lm,20 de largeur près de la hampe, el. dans l'étal actuel, privé de ses pointes, il ne mesure pas plus de 2 mètres de longueur.

En quittai!lia bibliothèque, vous pourrez visiter la salle du conseil, vaste et belle pièce que décorent cinq grandes compositions de M. Diogône Maillait, exécutées de 1886 à 1800. L'une d'elles, inspirée par les Commentaires de César et les souvenirs historiques de la province, nous fait, assister à la Mort de Corréus, héros hellovaque; les autres racontent éloquemmenl l'histoire municipale de la ville et la glorieuse journée du 27 juin 1472. Voici leurs titres dans l'ordre chronologique : l'A /[ranchisscmeal de la commune par Louis le Gros, l'Investiture du maire, Jeanne Hachette à la tête des femmes de Beauvais, Louis XI après le siège félicitant la municipalité et Vhèro'ine. Tout cela, saisissant, mouvementé, d'une excellente ordonnance, d'un dessin irréprochable.

Ajoutons que l'artiste, dans deux de ces tableaux, a reproduit les traits de quelques contemporains; autour de LouisVI vous reconnaîtrez Guizot, Ingres, Chevreul, Michelet, Meissonier, Renan, Léon Cogniet, Roberl-Fleury,e!c. ; autour de Louis XI, M. Gérard, maire de Beauvais en 18! M), el la plupart des conseillers municipaux.

Nous avons vu toul à l'heure la rue des Épingliers dont les maisons se penchent les unes vers les autres au point

rt&"


UNE VISITE A BEAUVAIS. . 31

,1e se toucher par leurs sommets; ne quittons pas la place de l'IIôtel-de-Ville sans nous arrêter devant l'originale petite rue de la Taillerie. Ici, entre les vieilles façadesgrises les poutres, crevant le crépi, dessinent de bruns losanges, nous verrons, singulièrement équilibrée, solide encore, sorte île pont aérien coiffé d'un toit aigu et percé de fenêtres carrées, une maison formant sur l'étroit espace, un Irait d'union inattendu entre les constructions qui bordent la ruelle. C'est, ainsi que la ruedesEpingliers dont nous avons donné la vue, un des plus curieux coins du vieux Beauvais.

Nous allons visiter maintenant un monument religieux. La rue Saint-Jean, qui s'ouvre à droite de l'hôtel de ville, va nous conduire en peu d'instants devant l'église SaintÉlienne; mais ne pressons point trop le pas et ne manquons point de regarder la maison dite de limage SaintJean. Quel artiste inconnu a fouillé, au seizième siècle, les sculptures de sa façade? Nul ne saurait le dire. Aucun touriste, pourtant, ne passe indifférent devant les groupes fi vivants, si mouvementés, qui ornent la porte centrale : Hercule vainqueur du lion de Némée el Samson déchirant le lé m de Gaza.

L'église, vers laquelle nous nous dirigeons, est, dit-on, le plus ancien temple chrétien de la cité. S'il faut en croire la tradition, elle fui fondée par saint Firinin, vers l'an 275, el recul, au milieu du neuvième siècle, les reliques de saint Vaast, apportées d'Arras. Mais rien ne reste de l'édifice primitif et les parties les plus anciennes du monument, la nef presque en son entier, les bas côtés elle transept, ne remontent pas au delà du onzième siècle. Sur la façade eldans la première travée de la nef apparaît le treizième siècle clans toute la splendeur de son style; le quinzième complète le monument par la construction du choeur; •'-ilfin la lourde el disgracieuse tour que vous voyez rem-


32 UNE VISITE A BEAUVAIS.

place, depuis 1598, un clocher plus élégant qui s'est écroulé en 1480. L'édifice, on le comprend d'après cet aperçu, es! en partie roman, en partie ogival.

Dès qu'on entre à Saint-Etienne, on est. frappé d'abord des vastes proportions du choeur,' aussi long que la nef, et du contraste des'slyles régnant en ces deux parties de l'édifice. Autant les piliers sont robustes dans l'une, autant les colonnes sont, sveltes dans l'autre; ici les chapiteaux sont massifs; là les nervures s'élancent, coquettes el hardies, jusqu'à la clef de voûle; ici la lumière est tamisée, là elle est éclatante.

L'église est très ornée et quelques-unes des peintures el sculptures anciennes qu'on y rencontre présentent un très réel intérêt.

La première de ces oeuvres qui frappe, en entrant, nos regards, est une sainte Wilgeforle, vierge dont la représentation,fréquente en. Espagne, en Belgique el en Portugal, son pays d'origine, est fort rare chez nous.

Un artiste du seizième siècle est probablement l'auteur du travail que nous voyons ici ; il nous montre la sainte, grandeur nature, attachée à la croix par des cordes, couronne au fronlfelle était fille de roi)et barbe au menton (elle avait prié Dieu de la rendre laide pour ne se point marier). Le bois de celle statue était autrefois peint et doré; couleurs et dorures ont disparu.

Près de là, sur. un pilier de la nef, nous voyons, au-dessus d'une sorle de rocher, un groupe gracieux; de saints personnages, Jésus, Marie, saint Joseph, el saint Etienne, dominé par une Mater dolorosa; le tout s'abrite sous trois dais richement ciselés. La figure du donateur, un chanoine, est sculptée en petit aux pieds de Jésus.

Arrêtons-nous un instant à la chapelle des Morts, dans le transept méridional ; elle renferme quelques peintures sur


UNE VISITE A BEAUVAIS.

'3 3

bois qui lonl penser au vieux Memling, et son autel est surmonté d'un retable encadrant une Descente de croix, signée

L. Depape et datée 1724; la scène très dramatiquement composée est enveloppée par les convulsions d'un violent orage.

UNE VISITE A IU:AUVAIS. 3

Un pilier de la net' à Saiut-Eliemie.


'34 UNE VISITE .A BEAUVAIS.

A l'entrée du choeur, signalons un saint Etienne et un saint Vaast peints par Mauperin en 1777 et un panneau du quinzième siècle représentant la Rencontre de saint Joachim el de sainte Anne, malheureusement fort abîmé, mais séduisant encore par sa naïveté.

Plus loin, dans la chapelle de Saint-Eustache, une statue en pierre de Notre-Dame de Bon-Secours, belle oeuvre du quinzième siècle, s'embrase de reflets quand le soleil frappe sur les vitraux racontant la vie de saint Euslache et quelques épisodes de celle du Christ. Ces verrières, datées de 1553 et 1554, sont d'une composition très heureuse, d'une coloralion fort puissante et agrémentées de légendes explicatives et d'inscriptions dont le sens, peut-être clair il y a trois cents ans, paraît aujourd'hui énigmalicme, pour ne pas dire incompréhensible.

L'église était très riche en verrières; mais elle fut transformée en magasin de fourrage sous la Révolution, et la plupart des brillantes compositions qui ornaient ses fenêtres ne sont maintenant représentées que par des fragments assez intéressants pour faire regretter l'ensemble.

Parmi celles qui sont restées complètes ou ont été habilement restaurées, il faut citer en première ligne l'Arbre de Jessë, qui décore la chapelle Saint-Claude. Là, le verrier, Engrand Le Prince, a laissé son portrait pour signature, et, parmi les nombreux personnages qui, sur un fond d'azur, semblent sortir des branches fleuries de l'arbre, il a peint les figures de plusieurs rois, parmi lesquels on reconnaît saint Louis, Louis XI et François l01'.

Signalons encore, clans la chapelle Saint-Sébastien, les Quatre Translations de la maison de Loreite, verrières aussi remarquables par la puissance du coloris, l'ingéniosité de la conception'.que'par.'la pureté du dessin. Enfin, dans la chapelle Saint-Pierre,' les vitraux, peints en 1548, sont consa-


VITRAIL DE LA CHAPELLE;SAINT-CLAUDE DESSIN DÈ.^A.;^JROUY,



UNE VISITE A BEAUVAIS. 37

crés à la glorification de saint Pierre, de saint Paul et de saint André.

Admirons enfin, il le mérite, le retable de la chapelle Sainte-Marthe représentant YEcce homo entre sainte Marguerite, qui foule un dragon aux pieds, et sainte Marthe, qui tient un bénitier, et, quand nous aurons vu la chaire Louis XV, à la cuve ornée des ligures sculptées des quatre ôvangélistes, nous nous arrêterons un moment devant un petit tableau, tournant sur pivot, accroché au dernier pilier gauche de la nef; d'un côté il représente la Circoncision, de l'autre la légende du Seigneur qui a tendu sa femme au diable, et trouve en son lieu, sur la croupe de son cheval, la vierge Marie accourue au secours de l'infortunée dame.

Le peintre Oudry, mort le 1er mai 1755, était marguillier de Saint-Élienne et fut inhumé clans les caveaux de l'église; vous verrez son épitaphe sur le mur du bas côté gauche, non loin du monument élevé à la mémoire de Constancien Potier, curé de la paroisse, mort en 1870. L'auteur de cet édicule. M. V. Lhuillier, a souvent été mieux inspiré.

Au sorlir de l'église, nous nous retrouvons rue SaintJean, et vis-à-vis de nous, à l'angle de la rue Louis-Graves, nous voyons une maison ornée d'une statuette de sainte Angadresme. C'était là jadis une boulangerie banale ; mais une tradition locale se rattache à ce lieu, et nous ne résistons pas au désir de vous la conter brièvement.

En ce temps-là, sainte Angadresme était venue faire ses dévolions à l'église Saint-Michel ; trouvant la lampe éteinte, et désirant la rallumer, elle se rendit auprès du boulanger, qui travaillait à son four et lui demanda du feu. Tout à sa besogne, peu satisfait d'être dérangé, l'ouvrier lui jeta brutalement quelques charbons embrasés; Angadresme les reçut dans ses vêtements sans qu'ils fussent brûlés ni en-


38 UNE VISITE A BEAUVAIS.

dommages. Le boulanger, terrifié, se jeta aux pieds de la sainte, implora son pardon... et l'obtint.

N'est-ce pas aussi joli que le miracle des roses d'Elisabeth de Hongrie?

Au milieu de la rue Louis-Graves, nous rencontrons la rue Molière. Ceci nous révèle que nous approchons du théâtre de la ville; nous le trouvons effectivement au fond d'une place voisine. Assez grand, froid d'aspect, il a été construit en 1831, par Landon; il occupe l'emplacement d'une salle établie en 1792 clans un ancien couvent de minimes.

Prenons maintenant la rue du Prévost, laissons à notre droite la place Saint-Michel, saluons au passage quelques vieilles maisons à encorbellements, aux poutres saillantes, ornées de masques grimaçants; à notre gauche, à l'extrémité de la rue, le couvent des dames Saint-Joseph de Cluny, dont quatre belles arcades romanes, restes d'une construction disparue, semblent former une décoration sur le mur extérieur, et arrêtons-nous sur la place Saint-Pierre.

Ici nous avons devant nous l'éblouissant portail de la cathédrale et tout le flanc méridional du haut édifice ; au pied, à gauche, nous apercevons l'église de la Basse-OEuvre, un nain auprès d'un géant; plus loin, les deux tours de l'ancien évêchô; au fond d'un jardin, le palais de justice, avec sa tourelle saillante et ses jolies fenêtres renaissance, puis auprès de Noire-Dame de la Basse-CEuvre, la mesquine entrée du musée.

■ On le voit, là semblent s'être groupés les plus intéressants monuments de la ville. Visitons le palais de justice d'abord.

Ce bâtiment, d'aspect à la fois civil et militaire, est l'ancien évêché. Originairement, il fut le château des comtes de Beauvais; il devint, en 1791, le siège de l'administration


PLACE SAlNT-PlKIttflS ^'BEAUVAIS. DESSIN DE F. HOFFBAUER.



UNE VISITE A BEAUVAIS. /il

départementale, et, sous Louis XVIII,fit retour aux évoques. C'est en .1842 qu'il fut converti en palais de justice. Les deux puissantes tours rondes flanquant la porte ogivale qui lui sert d'entrée ont été construites en 1306, par l'évêque Simon. Elles ont deux étages et s'achèvent par des toits en poivrière; entre elles s'ouvre, veuve maintenant de ses herses, la porte couronnée de créneaux el de mâchicoulis. Vous le voyez (les temps troublés dont nous avons conté l'histoire l'expliquent), le palais des évoques était une véritable forteresse. Aujourd'hui, dans ces tours qui ont si longtemps assuré la sécurité des prélats et menacé les bourgeois mécontents, ces derniers sont chez eux : le tribunal de commerce y tient ses audiences.

Un jardin sépare celle partie du palais de son principal corps de logis, entièrement reconstruit, en 1500, par l'évêque Louis Villiers de l'Isle-Adam. Le long bâtiment qui réunit la voûte au palais est occupé par une caserne de gendarmerie. Après avoir franchi la voûle et dépassé ces tours menaçantes, c'est avec un réel plaisir qu'on contemple la gracieuse façade du palais, sa porte en accolade, ses tourelles, son beffroi, les fenêtres ogivales do sa chapelle, et, sur son toit gris, les cinq lâches blanches que jettent d'autres fenêtres sculptées à jour, surmontées de clochetons et décorées d'armoiries, parmi lesquelles on remarque l'écusson de France, celui de Philippe de Dreux et celui de Louis Villiers de l'Isle-Adam.

Sur la façade du nord, qui se développe au-dessus du canal, à l'ombre des arbres du boulevard de la Justice, le reconstrucleurdu seizième siècle a rétabli, telle qu'elle existait originairement, une tour romane ayant pour base un travail gallo-romain.

Si nous pénétrons dans l'intérieur du palais, nous pourrons visiter successivement la salle des Assises, ornée d'une


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UNE VISITE A BEAUVAIS.

copie du Christ de Rubens, exécutée en 1850 par E. Dieudonné; la chambre du Conseil, avec sa belle cheminée de marbre, le cabinet du juge d'instruction placé dans la tour romane, dont la décoration polychrome est d'un goût charmant, la bibliothèque, installée dans l'ancienne chapelle, jolie pièce éclairée par cinq fenêtres ogivales, la salle du Conseil, où sont conservés des poitrails d'anciens magistrats;

magistrats; dans la tour de l'horloge, nous verrons une cloche sur laquelle nous lirons celle inscription : J'ai nom Louyse, et m'a fait faire Longs de Villiers, éréque-comle de Beauvais, pair de France. Les armes du prélat accompagnent cette légende. La cloche a été placée en 150(3.-

Le musée est installé, fort à l'étroit, dans l'ancien local des archives du Chapitre de la cathédrale; au-dessous des salles d'exposition subsistent quelques restes du cloître des évoques, construction du quatorzième siècle. On y conserve des cercueils en pierre el un assez grand nombre de débris,

Façade du palais de justice.


UXE VISITE A BEAUVAIS. /, 3

chapiteaux, fùls de colonnes, statues manchotes ou décapitées, pierres tombales, etc., toutes choses qui, rangées en bon ordre, pourraient présenter un réel intérêt au point de vue de l'histoire locale.

Dans les salles, vous verrez une assez belle collection d'objets céramiques remontant à l'époque romaine, des armes, des parures celtiques et mérovingiennes, des sculptures du moyen âge, une curieuse vue du vieux Beauvais, quelques tableaux, parmi lesquels une Décollation de saint Paul, panneau peint au temps de François Ie»', un porirail de Racine, personnalité chère à Beauvais, le poète y ayant commencé ses éludes, une Jeanne Hachette sur les ■/rm-par/s, composition peinte en 1827 par d']lardivillicrs,etc. La sculpture est représentée par quelques moulages et copies cl par une superbe Ere de Cambos, plâtre qui figura au Salon de 1872. Au milieu d'un certain nombre de casques et d'objets religieux remontant au moyen âge, on remarque une mitre d'évêque, qui appartint, dit-on, à Philippe de Dreux.

Entrons maintenant à Notre-Dame de la Basse-OEuvre, ainsi nommée pourla distinguer de la cathédrale désignée sous le nom de Haule-Oliuvre, à cause de sa prodigieuse élévation.

Notre Dame est. le plus vieux monument du diocèse et. l'un des plus anciens de loule la France. On prétend que la construction fui originairement un temple païen el qu'elle dut être érigée vers l'an 50 de noire ère. 11 est. certain que les assises alternatives de pierres el de briques, le parement extérieur des murs en petites pierres cubiques, la forme des ouvertures des cintres accusent une origine romaine. Quant à la façade percée d'une fenêtre à plein cintre que décore mie curieuse archivolte faite de petits compartiments en relief ornés de croix diversement disposées, elle a dû être


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UNE VISITE A BEAUVAIS.

bâtie vers la fin du dixième siècle. Trois cents ans plus tard dut s'ouvrir, sur le côté sud, la porte ogivale par laquelle

nous pôiiélronsdaiis l'église. Elle se compose d'une nef, que des arcades séparent de ses collatéraux ; les cintres reposent sur des piliers sans chapiteaux et sans corniches alternativement quadrangulaires el. octogones. Les tableaux qui décorent l'intérieur,

l'intérieur, des évangélistes, scènes de la vie de la Vierge, etc., sont de mince valeur; mais on s'arrêtera SÛreEglise

SÛreEglise de la Basse-OEuvre.


UNE VISITE A BEAUVAIS. .'10

ment devant les belles .tapisseries françaises et flamandes qui cachent la nudité des murs.

Quelques-unes sont exécutées d'après Le Brun; c'est la Tente de Darius dans le camp des Perses, Ponts blessé amené devant Alexandre, VEnlrée d'Alexandre àBabglone, etc. ; une autre, placée au-dessus de la porte principale, a été faite en 1530, à Beauvais sans doute, et ses sujets rappellent les légendes, qui font, remonter les origines delà ville à divers personnages fabuleux. Dans un premier compartiment, on voit Samolhès, fils de Japhel, premier roi. des Gaules, descendant d'un navire prés de l'embouchure du Bosne. Le paysage représente la Gaule bornée par la Médileranc et Océane, traversée parle fleuve déjà nommé el la Seinne (las noms sont écrits ainsi). Cette inscription explique le sujet : ■1-iO ans après le déluge el 1813 ans avant l'Incarnation, la France, autrement dit la Gaule, cul pour premier roi le savant Samolhès, /ils de Japhel. Ne soyez pas surpris de l'êpilhèle de savant accolée au nom du personnage; il passe pour avoir inventé les caractères galates, dont les Grecs se sont inspirés pour créer les leurs. Le second compartiment est consacré à la glorification de Jupiter Celle, neuvième roi des Gaules. Ce prince, excellent entre tous, ne levait, assure la légende, ni taille ni tribut sur ses sujets.

La tapisserie flamande, belle oeuvre du quinzième siècle, représente divers épisodes des derniers jours do la vie du Christ : le Lavement des pieds, la Condamnation de Jésus, le Baiser de Judas, etc.

De grand s souvenirs se rattachent à la Basse-Oeuvre; nous avons parlé plus haut du concile qui s'y tint en 845; un autre s'y réunit en 1120, et l'on y procéda à la canonisation de saint Arnould, évoque de Soissons; des papes, des saints, des cardinaux, le célèbre abbé Suger, vinrent prier clans ce sanctuaire. Désaffectée lors de la Révolution, Notre-Dame


'16 UXE VISITE A BEAUVAIS.

devint et resta longtemps un chantier de bois. Rendue au culte en 1860, elle sert de salle de catéchismes et diverses cérémonies pieuses s'y tiennent périodiquement.

Nous faisons quelques pas et nous nous trouvons de nouveau devant la cathédrale Saint-Pierre, un des chefs-d'oeuvre del'art chrétien, chef-d'oeuvre incomplet, hélas, carlechoeur, les transepts elune amorce de la nef sont seuls construits, les fondations du reste de l'édifice dorment sous le sol que nous foulons el sous les parterres du jardin du palais de uslice. Il faudrait dépenser 75 millions et démolir la BasseOEuvre pour achever l'église Saint-Pierre; il est à présumer que ce gigantesque travail ne sera jamais entrepris.

Telle qu'elle est, la cathédrale nous surprend autant par sa prodigieuse hauteur que par la richesse inouïe de son ornementation. Si l'esprit est stupéfié par la hardiesse de l'oeuvre, il ne larde pas à être captivé par la multiplicité, la richesse, l'harmonie des détails. Dans la disposition générale aussi bien que clans les parties accessoires, on retrouve la même hauteur de pensée, le même enthousiasme, la même foi ardente. Cet édifice est un poème en pierre dont fous les vers sont magnifiques !

C'est devant le.côté méridional que nous sommes en ce moment arrêté ; le vaisseau se développe tout entier sous nos yeux, haut et. majestueux, avec sa forêt d'arcs-houtants, ses contreforts énormes, ses pinacles dressant vers le ciel leurs aiguilles ciselées comme des bijoux, et son portail magnifique ouvrant sa baie ogivale sur un perron de quatorze marches, au-dessous d'une rose splendide dominée par un fronton dont les crochets sont des crosses et des coquillages. N'essayons pas de compter les niches richement décorées, les frises, les dentelles, les broderies, semées à profusion • sur toute celte façade ; ne tentons pas de décrire l'élégance


PORTES SUD DE LA CATIÏ13DBAUÎ DE BEAUVAIS. DESSIN DE A. S1ROUY,



UNE VISITE A BEAUVAIS. 49

des tourelles d'angles, enrichies, delà base au sommet, de fines colonnes du plus pur, du plus délicat style gothique fleuri, et terminées par une lanterne surmontée d'une couronne ; ne gravissons pas les deux cent quatre-vingt-sept marches d'un des escaliers en spirale qui tournent dans chacune de ces tourelles, mais jetons un coup d'oeil sur les vantaux de la porte; ils nous sont connus déjà par le moulage qu'en conserve, à Paris, le musée du Trocadéro ; mais nous éprouvons un véritable plaisir à les voir dans leur beau cadre de vieilles pierres. Leur auteur, Jean Le Pot, paraît s'être inspiré d'un maître italien, et, au milieu des salamandres qui indiquent bien la date de son oeuvre et constatent que les libéralités de François 1er ont largement contribué à l'embellissement de l'édifice, il a représenté Saint Pierre guérissant un boiteux et la Conversion de saint Paul.

Faisons maintenant le tour du monument et transporlons-nous devant le portail septentrional ou portail SaintPaul. Il est moins riche que le portail méridional, il éblouit moins l'oeil, mais il s'en échappe, selon nous, une séduction intime et pénétrante; il demeure souriant en sa gravité voulue.

Rien de plus pur que le goût qui a présidé à sa décoration ; rien de plus original, de plus charmant que les fantaisies sculpturales qu'il offre aux regards ; guirlandes de vigne, feuilles de chêne, tôles d'animaux, fleurs de lis, salamandres couronnées, dauphins, reines-margucrilcs, courent sur les murs et sur les piliers avec une grâce et une légèreté merveilleuses. Dans le tympan s'épanouissent, ravissantes de délicatesse, les branches d'une sorle d'arbre '. (leJessé, qui figurait la généalogie de la maison royale de France.

Dus à Jean Le Pot encore, les vantaux des porles repré*- senlent ici, au milieu des mêmes attributs que nous avons

■ UNE VISITE A BEAUVAIS. 4


50 UNE VISITE A BEAUVAIS.

vus sur ceux du portail méridional, les quatre évangélistes et les quatre docteurs de l'Eglise latine; saint Grégoire, ayant été pape, est placé sur un piédestal plus élevé que saint Augustin, saint Thomas et saint Jérôme.

Avant de pénétrer dans l'église, nous allons, en peu de mois, résumer son histoire.

C'est en 991 que le quarantième évoque de Beauvais, nommé Hervé, posa les fondements d'une cathédrale dédiée à saint Pierre. Roger de. Champagne, qui lui succéda et fui le premier évêque qui porta le litre de comte de Beauvais. continua l'oeuvre entreprise ; mais ce premier édifice n'eut qu'une existence courte et tourmentée ; il subit deux incendies, l'un en 1180, l'autre en 1225. Il est donc probable qu'il restait fort peu de chose de l'église quand, en 1247, l'évêque Milon de Naiilcuil lit: commencer une construction nouvelle, et, pour subvenir en partie aux frais qu'elle devait entraîner, abandonna pour dix années le dixième des revenus de sou diocèse. L'abside el le cliceur proprement dit étaient, terminés en 1272; mais les architectes avaient mal calculé les forces des piliers ; leur extraordinaire élévation compromit la solidité de la grande voûte, et une partie de celle-ci s'écroula le 29 novembre 1284. Pendant les quarante années qui suivirent, les offices furent célébrés dans l'église de la Basse-OEuvre.

Les travaux de reconstruction furent sérieusement repris en 1337, Jean de Marigny étant évêque, el sur le plan grandiose d'Enguerrand le Riche. Les guerres intestines et l'occupation anglaise en interrompirent, le cours pendant plus d'un siècle, et c'est seulement le 21 mai de l'an 1500 que Villiers de l'Isle-Adam posa la première pierre des transepts. La façade septentrionale fut alors édifiée, en partie aux frais de François h'', et sur les dessins de Martin Cambiche, architecte parisien; en 1537, cette façade était ache-


UNE VISITE A BEAUVAIS. SI

vée. Parallèlement, Michel Lalye élevait le portail Saintpierre ; celte partie ne fut terminée qu'en 1548. Une seule travée de la nef était bâtie alors. Jean Vast, qui succéda à Lalye, laissa les choses en l'état, et jaloux, dit-on, de la gloire crae Michel-Ange venait d'acquérir en construisant le dôme de Saint-Pierre de Rome, voulant prouver que l'art gothique pouvait produire des monuments susceptibles de dépasser en hardiesse el en hauteur tous ceux qu'on connaissait alors, il ne s'occupa que de la construction de celte flèche merveilleuse qui s'élevait dans le ciel à 153 mètres du sol. Par malheur, là encore le poids et les résistances avaient été mal calculés, el la flèche s'écroula, le 30 avril 1573, après seulement cinq aimées d'existence.

On remplaça la flèche par un pclit clocher, qui fut démoli lors de la Révolution. Quant à la nef, elle ne fut jamais achevée. L'architecte, Martin Candelot, mort en 160(3, avait pourtant dessiné des plans, mais l'argent manquait et l'on se borna à consolider la clôture qui ferme, à l'ouest, le monument incomplet.

La porte s'est refermée sur nous, nous sommes dans l'intérieur de l'église, et notre esprit demeure un moment confondu autant devant ses proportions grandioses que devant l'audace de ceux qui l'ont construite. Achevé, l'édifice serait certainement l'un des plus vastes delà chrétienté.

A sa longueur totale actuelle, qui est de 72m,50, ajoutez, par la pensée, une nef à cinq allées longue de 52 mètres, et vous aurez une idée des proportions de l'édifice et des perspectives féeriques qu'il eût offertes au regard.

Aux chiffres que nous avons donnés déjà, ne craignons pas d'en ajouter quelques autres: la largeur totale du choeur, y compris les bas côtés elles chapelles, est de 58m,15; le transept, large de i5'",35, a57'",80 de longueur; la hauteur, sous clef de voûte, est de 48m,J8. - ■ ■ '


«2 UNE VISITE A BEAUVAIS.

- La :gr'ande nef, nous l'avons dit, n'est représentée que par une amorce ; le transept forme une nef transversale devant le choeur. Celui-ci esl âccostédô collatéraux el terminé par une abside heptagonale, autour de laquelle rayonnent sept chapelles, absolument semblables, éclairées chacune par huit fenêtres ogivales, surmontées d'une rosace à huit lobes.

Le choeur élait primitivement bordé de chaque côté, jusqu'au sanctuaire, par trois larges arcades ogivales, que supportaient de massives colonnes,flanquées de quatre fines colonnétles engagées. La chute des voûtes a obligé de modifier cette disposition et d'établir des piliers intermédiaires, ce qui a doublé le nombre des arcades. Chaque colonne est couronnée par un joli chapiteau, qui supporte à la fois la retombée des voûles des bas côtés et celle des impostes des arcades du choeur.; de ce point s'élance un fût de colonne engagée, qui va recevoir les nervures des voûles. Après de 23 mètres du sol règne un Iriforium à jour, haut de 0 mètres, qui fait le tour du choeur. Au-dessus, sont les dixneuf fenêtres de la claire-voie, divisées par des meneaux el ornées, jusqu'au tiers de leur hauteur, de vieux vitraux représentant les douze apôtres, des sainls et des guerriers. ; Une grille,.tellement simple que M..Desjardins, dans son histoire de la cathédrale, la qualifie de « grille de parc », entoure le choeur. Une Vierge en plâtre, sculptée par Adam, sous Louis 'XV, domine l'autel. Deux tapisseries de Beauvais sont suspendues aux piliers ; elles représentent saint Pierre el saint Paul. Au milieu de l'entrée du sanctuaire, un caveau .renferme les restes de.trois évoques de Beauvais, morts en ce siècle.: . :

■ : Il nous reste à visiter les chapelles. Dans celle des fonls baptismaux, placée sons le grand orgue, nous remarquerons un Baptême de Clovis, tableau ancien habilement restauré,


INTÉRIEUR DE LA CATHEDRALE DE BEAUVAIS. DESSIN DE RAMÉE.



UNE VISITE A BEAUVAIS. Sii

en 1845, par Amédée Dupuis. Dans la chapelle Sainle-Angadresme, une toile de M. Grellel, artiste dont nous avons eu l'occasion de parler déjà, représente la sainte priant pour le salut de Beauvais, pendant le siège de 1472. La chapelle Saint-Vincent de Paul se recommande par un vitrail de Levêque, représentant quatre épisodes de la vie du saint, entre autres l'Institution des confréries de charité à Beauvais, en 1620, oeuvre pour laquelle Augustin Potier, alors évêque, s'associa à Vincent de Paul.

Vient ensuite la chapelle de Sainl-Denis, que décore une composition de Jouvenet, d'un très profond sentiment religieux : la Communion donnée à saint Denis par Jésus, et où l'on voit aussi une Mater dolorosu, panneau peint, au seizième siècle, par Quentin Warin, artiste bcauvaisien, qui fut l'ami el aussi, assure-ton, l'un des maîtres de . Nicolas Poussin.

Des vitraux du treizième siècle, donnés par Raoul de Scnlis, chanoine de Beauvais, ornent la chapelle SaintVincent; ces vitraux, restaurés en 1860 par Oudinot, représentent plusieurs scènes de la vie du patron delà chapelle el d'autres empruntées à celles de Jésus et de la Vierge; dans l'un des tableaux on voit le polirait du donateur.

M. Claudius Lavergne a peint, en 1868, les verrières qui décorent la chapelle Saint-Joseph ; l'artiste s'est visiblement inspiré des oeuvres du moyen âge, mais son dessin, fort correct, n'a pas la naïveté des maîtres du vieux temps, et l'ensemble n'arrive pas à la puissance d'effet décoratif qu'ils savaient si bien atteindre.

Du même artiste nous pouvons admirer, sans restriction et sans réserve cette fois, trois petits médaillons peints à la cire qui décorent l'autel delà chapelle de la Vierge. Les fenêtres de celle chapelle sont ornées de verrières données à l'église, au temps de saint Louis, par les corporations des.


36 UNE VISITE A BEAUVAIS.

pelletiers el des fabricants d'arcs, el. représentant la curieuse légende du prêtre Théophile, fervent chrélien d'abord, aposlal ensuite, repentant en dernier lieu, et dont l'âme, ré- . conciliée, se réfugie dans le sein d'Abraham. M. Didron a restauré, en 1858, ce précieux spécimen d'un ail disparu.

Nous retrouvons des vitraux de M. Claudius Lavergne dans la chapelle Sainle-Anne et, dans celle de Saint-Lucien, un curieux fragment d'une verrière du quinzième siècle. Dans la chapelle Sainle-Madeleine, nous voyons une tapisserie donnée à Guillaume de Hollande, évêque de Beauvais, vers le milieu du quinzième siècle; elle représente la Décapitation de saint Paul. D'autres, rappelant les origines fabuleuses de la France, ont été placées dans l'église, vers 1530, par le chanoine Nicolas d'Argillières, dont elles portent les armes.

Peu d'églises sont aussi riches en tapisseries que la cathédrale de Beauvais. Si nous pénétrons dans le vestiaire des chantres, nous retrouverons, en ce genre, de belles oeuvres encore : Hercule de Libye, dixième roi des Gaules, des scènes de la Vie de saint Pierre, etc.; puis, dans l'église même, sur le mur servant de clôture à la nef, de curieuses pièces des quinzième el dix-septième siècles, sujets religieux ou empruntés aux légendes que nous avons rappelées précédemment. Parmi les travaux de ce genre, et dans l'impossibilité de les analyser tous, nous citerons une série de huit tapisseries de basse lisse, exécutées à Beauvais alors que Béhacle était le second directeur de la manufacture. Ces tapisseries, une seule exceptée (Saint Paul sur le chemin de Damas), ont été faites d'après des carions commandés à Raphaël par Léon X; les costumes y sont grecs et romains, mais drapés avec art; les altitudes sont variées à l'infini, les physionomies expressives ; les scènes, toutes empruntées aux saintes Écritures, s'agencent admirablement, et les


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foules groupées sont toujours dominées par quelque figure inspirée el resplendissante de foi.

Tour à tour, dans celle belle série, vous pourrez admirer la Pêche miraculeuse, la Mort d'Ananie, Jésus insinuant saint Pierre chef de l'Eglise, la Conversion de Sergius, elc.

Parmi les lableaux, nous signalerons encore une Descente de croix;, de Ch. de Lafosse, un Christ mort, de Lejeune, d'après Philippe de Champaigne ; parmi les oeuvres sculpturales, le mausolée du cardinal de Janson-Forbin, mort évêque de Beauvais en 1713, oeuvre magistrale de Nicolas Couslou ; auprès d'elle, un Christ descendit de la croix, sculpture en bois du seizième siècle, abritée sous un riche dais de la même époque.

Près de là est une horloge du quatorzième siècle, curieuse pièce qui carillonnait jadis des hymnes, el un noêl.

Il esl midi moins quelques minutes; le gardien de la cathédrale, suivi de quelques personnes, se dirige vers une pelile porte pratiquée dans la boiserie qui entoure l'ancienne chapelle du Saint-Sacrement. C'est là que, la pelile porte franchie, on voit la monumentale horloge astronomique, conception discutable au point de vue de l'art., mais admirable si l'on ne veut considérer que l'ingéniosité du mécanisme el la précision des résultats obtenus.

C'est à l'ingénieur Vérité qu'est due la construction de celle horloge; elle est enfermée dans un meuble exécuté sur les plans du père Piérard et qui ne mesure pas moins de 12 mètres de hauteur sur 5nyl2 de largeur el 2m,82 de profondeur. Dans ces proportions, si les lignes'étaient simples el sévères, si la décoration élait sobre, l'ensemble serait certainement imposant. Par malheur, on a voulu faire trop riche, on en a surchargé la façade d'une ornementation byzantine lourde en ses lignes et criarde à l'oeil. Faites le tour du meuble et vous serez surpris de trouver, plus belles


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en leur simplicité, les faces latérales el la face postérieure que ne vous le paraît le côté devant lequel le cicérone vous a conduit.

Revenu devant celle façade, attendant cpie l'heure sonne, car une surprise vous est annoncée pour le coup de midi, vous chercherez certainement à détacher vos yeux de ce fouillis d'ors, de roses, de pointes de diamants, de dents de scie et de damiers; vous renoncerez à vous demander ce que l'ont à toutes ces petites fenêtres (il y en bien une cinquantaine) les mesquins personnages, diversement costumés, qui en encombrent les baies ; vos yeux se porteront plus haut et, au sommet, du meuble, vous apercevrez un coq, des anges, des statues d'Adam, de Noé, d'Abraham, de Moïse, des prophètes, des quatre animaux symbolisant les évangôlistes, et enfin, tout en haut, Dieu, Jésus-Christ, la Vierge, saint Michel, etc. C'est ce qu'on appelle la partie symbolique de l'oeuvre.

Mais le gardien a pris la parole; il vous explique que l'horloge renferme quatre-vingt-dix mille pièces, qu'on y compte cinquante-deux cadrans, un moteur principal ou régulateur général, avec son échappement au centre d'un pendule qui pèse 45 kilogrammes, et seize moteurs secondaires obéissant à celui-ci.

Nous ne saurions transcrire ici l'interminable leçon apprise qu'il nous faut écouler; nous ne prenons pas non plus rengagement de ne rien omettre en vous signalant les indications multiples que fournit l'horloge.

Un cadran principal, superbe plaque entaillée représentant la tête du Christ entourée de celles des douze apôtres, indique les heures et les minutes du temps moyen. Les autres sont distribués par groupes ; l'un de ces groupes, composé de douze cadrans, donne toutes les indications du comput ecclésiastique, l'heure du jour sidéral, l'équation


UNE VISITE A BEAUVAIS. 59

solaire, la déclinaison du soleil ou.sa distance de l'équateur céleste, la longueur des jours et celle des nuits, les saisons, les signes du zodiaque, l'heure el la minute du lever et du coucher du soleil, le jour de la semaine, et enfin la planète qui donne à ce jour son nom. Dans d'autres groupes, vous verrez l'heure du méridien de Paris ou celle de Rome, et l'heure qu'il est en même temps dans dix-huit villes situées neuf à l'est, neuf à l'ouest de notre capitale. Les mois, les jours, les saints qu'on fête, la marche des constellations, tout cela et bien d'autres choses encore, les éclipses el l'heure des marées, par exemple, sont exactement indiqués par ce merveilleux mécanisme.

Mais soudain un bruil aigu retentit; le coq, qui forme en quelque sorte l'avant-garde de la partie symbolique, chanle et bat des ailes ou plutôt fait entendre un bruil de plaques de fer-blanc qui s'entrechoquent. Midi sonne, le Christ, assis dans sa gloire, fait un signe aux anges qui l'entourent, et la trompette de ceux-ci pousse un maigre son pour annoncer au monde que l'heure du jugement dernier est arrivée.

Alors les innombrables figures qui garnissent les fenêtres et sont censées représenter tous les peuples du monde disparaissent pour faire place à des morceaux de zinc peints en rouge, qu'on es1 invité à prendre pour les flammes d'un embrasement général. Puis le jugemenl a lieu; la vertu monte au ciel accompagnée par un ange, le vice fuit en enfer poussé par le trident d'un noir petit démon.

La représentalion a duré quatre minutes; elle est terminée, tous les personnages reprennent leur place primitive. Cela recommencera demain à la même heure.

On nous pardonnera d'avoir parlé assez légèrement de celle conception enfantine, mais elle n'ajoute rien à l'incontestable mérite de l'horloge;- son mécanisme lui-même


fi')' UNE VISITE A BEAUVAIS.

n'est, pas nouveau, et celle sorte de mystère joué par des

auiomales nous paraît aussi déplacée aujourd'hui dans une

Maison canoniale.


UNE VISITE A BEAUVAIS. (il

cathédrale, que le serait sur la scène du Théâlre-Français une des pièces que jouaient jadis les confrères de la Passion à Sainl-Maur.

En sortant de la cathédrale, nous passerons par la rue de l'Abbé-Gellée, el nous verrons au numéro 14, dans l'angle de la cour, le superbe escalier d'une maison canoniale; les portes d'entrée sont surmontées d'écussons aux armes de France el du chapitre de Beauvais (1). Faisons quelques pas encore, nous arriverons au nouvel évêché.

La première pierre de ce palais épiscopal a élô posée le 10 mars 1874 par 1' Gignoux, alors évêque. La construction a été conduite par M. E. Vaudremer, qui, sur la façade, a fort harmonieusement mélangé la pierre et la brique et a su couronner l'édifice d'une de ces toitures à pentes rapides qui donnent si grand air aux constructions du dixseptième siècle.

On remarque à l'intérieur un bel escalier en pierre bordé d'une rampe en fer forgé; sur le palier, une collection d'orfèvrerie religieuse créée en 1840 par Mt'r Coltrel; dans la salle à manger, une suite de portraits des évoques de Beauvais. Parmi les pièces d'ameublement,.on peut signaler des fauteuils el des canapés sortis eu 1823 de la manufacture; les sujets sont, empruntés aux fables de La Fontaine et ont élé exécutés d'après Oudry.

La rue de l'Evêché nous conduit au boulevard de la Juslice ; si nous le traversons, nous entrerons dans le faubourg Saint-Quentin, au bout duquel l'hôtel de la préfecture est installé dans les restes d'une abbaye fondée en 1069 par l'évêque Guy, el dont saint. Yves fut abbé. Les bâtiments

(1) Le chapitre de Beauvais porte : de gueules à la croix d'or cantonnée de même avec la devise : Crux C/iristi, Claves Pétri (la Croix du Christ et les Clefs de Pierre).


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claustraux, rebâtis de 1682 à 1731, existent encore, ell'hûlel est entouré do beaux jardins que le Thérain arrose.

Au retour, nous passerons devant le grand séminaire. Ce bel édifice, construit en 1845 sur les plans de M. Wcil, est composé d'un corps de logis principal avec deux ailes en retour d'équerre. A l'entrée de la chapelle, on remarque les statues en marbre blanc des quatre évangélistes, sculptées par Blassel, d'Amiens, el, dans un salon, on conserve un tableau de Pérignon, la Communion de Montaigne, que l'artiste, surpris parla mort en 1879, n'a pu achever; on le regrette, car l'oeuvre est d'un beau sentiment.

Près du grand séminaire sont la maison d'arrêt el l'école normale d'institutrices ; la première a été bâtie en 1837, la seconde en 1884.

A quelques pas de là, nous nous trouvons en haut de la rue Saint-Martin, et devant une belle esplanade qui rejoint le boulevard du ■Icu-dc-Paume s'ouvre la porte de l'IIôlelDieu.

Cet hôpital, dont la fondation remonte au douzième siècle, a été reconstruit en 1832 par Laudon, alors architecte du département; il est desservi par les seeurs de la Charité de Nevcrs el occupe l'emplacement d'une église qui fut dédiée à saint Laurent. On voit dans la chapelle, nuire un grand Christ, janséniste, une croix du seizième siècle assez curieuse; elle est à jour, équarriesur les côlés, et ses quatre branches sont garnies de médaillons en l'orme de trèfle renl'ormanl les animaux symboliques.

La ville possède en outre un hospice placé sous lamènn administration que l'Hôlel-Diou; il contient quatre cents lits elsa fondation, qui remonte à l'an 1629. est due à Pévêqu Augustin Potier. L'établissement a deux chapelles ; celh des hommes esl décorée d'un beau retable et de verrière.


UNE VISITE A BEAUVAIS. (33

peintes par M. Roussel dans un Ion très doux; celle des femmes est beaucoup plus modeste.

Il nous reste à signaler le collège communal elle couvent du Sacré-Coeur. Le collège fut fondé, au seizième siècle, par Nicolas Paslour, chanoine de Beauvais, et Racine y fit ses premières études. Il occupa d'abord, et jusqu'à la Révolution, des bâtiments que le nouvel évêché a remplacés; en 1813, il s'installa où nous le voyons, rue des Jacobins, dans un ancien couvent d'ursulines; l'abbé Guénard le dirigea jusqu'en 1827. Il est maintenant placé sous la conduite de professeurs laïques.

Le couvent du Sacré-Coeur existe rue Jeanne-Hachette depuis le 27 novembre 1815. Sur son emplacement s'élevait, avant la Révolution, cette église des Jacobins où le drapeau de Jeanne Dachellc fui conservé pendant trois cent dix-huit années. Sa chapelle actuelle a été bâlie, en 1855, sur les plans de M™ Dclvaux, l'une des religieuses. De belles dimensions et très charmante en sa simplicité voulue, elle all'eclc la forme d'une croix latine et est conçue dans le style du douzième siècle.

Les faubourgs.

Une suite de canaux, de boulevards bordés d'arbres et de faubourgs forment une ceinture à la ville. Nous avons visité le faubourg Saint-Jacques, celui qui l'avoisine à l'ouest est le faubourg Saint-Jean; il est bordé par les boulevards de Paris el Saint-Jean, traversé par la voie ferrée et les coulées du Thérain cl de l'Avelon; les rivières passent sous des ponts écrasés par des bâtisses el battent de leurs eaux les palettes ou les aubes de quelques roues de moulin; à gauche, la masse de la cathédrale domine de sa hauteur


1)4 UNE VISITE A BEAUVAIS.

imposante une rangée d'habitations modernes, castels, chalets, maisons de plaisance, toutes constructions d'aspect bourgeois el gai, mais qui, groupées au pied de la vieille église ont un faux air de pygmées s'abrilanl à l'ombre d'un colosse.

Plus loin, vers la rue Saint-Jean, surgissent les bâtiments rectangulaires el les hautes cheminées d'une grande usine; on perçoit le battement régulier des pistons, le grondement des volants, les coups de siflletde la vapeur; on sent passer dans l'air le souffle puissant d'une multitude aclive penchée sur un labeur, el le présent, un instant oublié, nous réapparaît avec foule l'inlensitéde son ardeurproduclive. Enfin, devant nous se présente un pont suivi d'un passage à niveau traversant la voie ferrée; au delà, c'est le chemin de grande communication qui conduit à Auneuil en passanl par ce joli village de Goincourt dont les Beauvaisiens ont l'ail un but de promenades dominicales.

En remontant vers le nord, on rencontre les casernes Saint-Jean, puis le faubourg Saint-Louis, traversé de cours d'eau el dominé par la haule cheminée d'une usine à gaz; au-dessus vient le faubourg de Saint-Quentin où se trouvent l'hôtel de la préfecture, l'école normale d'institutrices et le grand séminaire; tout à fait au nord on rencontre d'abord le faubourg de Calais où sont les prisons, ensuite le faubourg d'Amiens, celui-ci est occupé au cenlre par la place du Franc-Marché, entourés de larges rues, dont l'une, la rue de Calais, conduit au cimetière. Ce faubourg, bordé du côté de la ville par le boulevard de l'Assaut el la belle promenade connue sous le nom d'esplanade de l'Hôlel-Dieu s'étend au nord-est et descend jusqu'à la porte de Germon! ; ici nous rencontrons, vers la ville les beaux espaces réservés aux jeux de paume et de tamis et vers la campagne, le faubourg Saint-André où l'on voil la porte de


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îresle. C'est un arc de triomphe en pierre de taille sans mcun ornement; il a été érigôen mémoire d'une visite que a duchesse d'Angoulême fit à Beauvais, le 27 avril 1825. Le faubourg Saint-Jean, nous l'avons fait observer, est le jhemin qui mène à Goincourl. Le faubourg Saint-André est jeluiqui conduit àMarissel, commune d'un millier d'âmes, dont nul touriste ne manque de visiter la curieuse église.

Le dernier faubourg est celui de la Gare, égayé par un square verdoyant el traversé par labelle avenue de la République. C'est par là que nous sommes entré dans la ville, c'est par là que nous la quittons, non sans en emporter un impérissable souvenir.

UNE VISITE A BEAUVAIS.



HOMMES CÉLÈBRES DU BEAUVAISIS



HOMMES CÉLÈBRES DU BEAUVAISIS

Outre le Beliovaque Corréus, que Beauvais peut revendiquer pour un de ses enfants, la ville et ses environs ont vu naître, un grand nombre de personnages qui se sont illustrés dans les carrières les plus diverses. Rappeler les noms de ces hommes, dire le rôle qu'ils ont. rempli, signaler les 03uvres qu'ils nous onlléguées, c'est, nous le croyons, rendre un hommage bien mérité à la cité que nous venons de parcourir, mais encore au petit pays dont elle l'ut la capitale. C'est, en quittant cette ville curieuse et accueillante, adresser un salut à ceux qui, nés clans ses murs ou près d'elle, ont augmenté de quelques pages précieuses le Livre d'or des Français illustres.

Odon de Beauvais est le plus ancien parmi les personnages dont, le nom est demeuré cher aux Beauvaisiens. Enfant de la ville, il y conquit probablement tous ses grades; il y exerça le sacerdoce et en devint le trentetroisième évêque. Doué d'une liante intelligence, il avait acquis une instruction bien supérieure à celle des plus grands personnages de son temps. S'il fut un prélat; justement vénéré, il fut aussi un homme aimé pour ses qualités personnelles et sa bienfaisance. 11 mourut en 881, après avoir occupé le siège épiscopal pendant vingt années, et laissa à l'Eglise une grande partie de ses biens.

Yves (Saint). Ce prélat fut un des plus célèbres évoques do Chartres. Il était né à Beauvais ou dans les environs,


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vers l'an lOiO. Les origines, on le voit, sont assez imparfaitement connues; mais quelques détails assez intéressants ont été recueillis sur sa vie. Jeune homme, il étudia sous Lanfranc à l'abbaye du Bec, et quand il eut reçu les ordres, il fut nommé chanoine de Nesles, en Picardie. Pins tard, en 1078, il prit la direction de l'abbaye de-SainlQuentin, qui venait d'être fondée à Beauvais. 11 y établit, en même temps qu'une discipline sévère, une école où il enseigna les sciences humaines et sacrées.En 1001, l'évêque de Chartres ayant été déposé, le clergé et les fidèles l'appelèrent à sa succession. Au lieu de se faire sacrer par son métropolitain l'archevêque de Sens, il se lit sacrer par le pape Urbain II. On l'accusa d'avoir, en agissant ainsi, insulté le roi de France et violé les libertés gallicanes. Quelques troubles éclatèrent à cette occasion. Un concile, assemblé à Elampes, déposa, le nouveau prélat; mais le saint pontife lui fit presque aussitôt rendre son siège. L'année suivante, ayant, hautement désapprouvé la répudiation delareinc lîertbe elle mariage de Philippe] 01' avec Berlrade, le roi lit piller les terres de l'évêque, et celui-ci dut subir un emprisonnement qui dura deux ans.

Après la mort de Philippe, Yves remplit un rôle prépondérant, dans l'Eglise de France; il se montra très attaché au roi Louis Y], el pressa ce prince de se faire sacrer à Orléans aussitôt après la mort de son père, afin de déjouer les projets que nourrissaient les fils de Berlrade. Le roi, en cette circonstance et en bien d'autres encore, écouta les conseils du prélat el n'eut qu'à se féliciter de les avoir suivis. Savant, Yves appela auprès de lui d'habiles professeurs dont l'enseignement augmenta la célébrité des écoles chartraines ; ami des arts, il lit exécuter de grands travaux d'embellissement à la cathédrale. Pendant les dernières années de sa vie, il contribua à la fondation du monastère de Tiron. H esl mort en 1110, el a laissé bon nombre d'écrits théologiques, de sermons, de lettres, toutes choses intéressantes pour l'histoire religieuse el politique du temps. .


HOMMES CELEBRES DU BEAUVAISIS. 71

C'est encore l'Eglise qui, dans le même siècle, nous fournit une célébrité nouvelle: Albéric, religieux de l'ordre de Saint-Benoît, abbé de Yézelay, cardinal, légat, évêque d'Ostie. Albéric, né en 1080, d'abord sous-prieur au monastère de Cluny, remplit les mêmes fonctions à SaintMartin des Champs. Dans la lutte que Ponce, abbé de Cluny, engagea avec le Saint-Siège, il prit ardemment parti pour le maintien des prérogatives pontificales ; il fut alors envoyé à l'abbaye de Yézelay dont les religieux voulaient secouer le joug de Cluny. Bien que soutenu par le pape Innocent II, ce fut manu militari qu'il dul prendre possession de son poste. On était alors en 1130 ; quatre ans plus lard, Albéric assistait au concile de Pise, puis, en 1J38, nommé cardinal d'Ostie et légat, iL travaillait au rétablissement de la paix cuire Etienne 1er, de Blois, roi d'Angleterre, et David 1er, roi d'Ecosse; il réussit à. leur faire signer un traité, an mois de janvier 1131). C'est pendant le séjour qu'il lit alors en Angleterre, au mois de décembre 1138, qu'il réunit un concile chargé de régler les affaires ecclésiastiques de la Grande-Bretagne.

Le pape lui confia d'autres missions encore, notamment celle d'amener Rodolphe, patriarche d'Anlioche, à reconnaître la suprématie de l'Eglise romaine. Albéric réussit, dans son entreprise et profita de son séjour en Orient pour visiter Jérusalem ; il s'y trouvaiL aux fêles de Pâques Mil. Un des successeurs d'Innocent II, Lucius 11, pendant son court pontificat, le nomma légal en France; à ce litre, en compagnie de saint Bernard el de Geoffroy, évêque de Chartres, il se rendit à Toulouse, en 1 J'iii, pour combattre les hérétiques. A. ce lilre encore et d'accord avec saint Bernard, il prêcha la deuxième croisade. En 1147, il accompagnait le pape Eugène lit, venu en France, quand, il fut surpris par la mort.

Vincent (ditYincent de Beauvais) naquit versl lOOetmourul vers 1254. Il avait revêtu la robe du dominicain et, par sa piété autant que par sa science, il sut mériter l'amitié


72 HOMMES CÉLÈBRES DU BEAUVAISIS.

etla confiance du roi Louis IX. Cemonarque le chargea de réunir et de grouper, en une sorte de répertoire, toutes les connaissances de son temps. Ce recueil, oeuvre de patience el d'érudition, imprimé pour la première fois à Strasbourg en 1473, a pour litre : Spéculum m a jus; il est, divisé en quatre parties principales : le. Miroir naturel, le Miroir moral, le Miroir scientifique el le Miroir historique. Le premier livre est l'exposition des phénomènes de l'univers et des merveilles de la nature; le deuxième est. un traite où la morale est divisée en quatre vertus ; le troisième cl le dernier sont des sortes d'encyclopédies des sciences el de l'histoire. Bien que maintes fois dépassé depuis, ce travail demeure curieux pour son temps. L'auteur, qui était un grand travailleur, a laissé encore divers autres ouvrages l.hêologiques qu'un éditeur de lîàle, llammcrbach,a publiés en 1481. La Bibliothèque nationale possède aussi deux ou trois manuscrits de Yjncenl.

Voici maintenant un laïque qui, pour la science el l'intérêt que son oeuvre inspire, ne le cède en rien au Bcauvaisien dont nous venons de parler. Celui-ci esl Philippe de Beaumanoir. Ce célèbre jurisconsulte, que Montesquieu considérait comme une grande « lumière de son temps », appartenait, dit-on, à celle illustre famille bretonne dont, un membre devait, plus tard, s'immortaliser au combat des Trente. 11 n'était pas précisément lieauvaisien; mais la majeure partie de sa vie s'étant passée à Olermonl et aux environs, la province a bien quelques droits de le revendiquer.

Philippe de Remy, sire de Beaumanoir, naquit à SainfRemy, près de Compiègne, vers l'an 1247. H passa sa jeunesse en Angleterre, y fut page, mais néanmoins il se livra avec ardeur à l'élude, et en 1279, quand il entra au service du comte Robert de Germont, fils de saint Louis, il avait déjà acquis une grande partie des connaissances grâce auxquelles il devait s'illustrer. Pendant trois années, il exerça la charge de bailli de Germon t et, ayant quelques loisirs


.HOMMES CÉLÈBRES DU BEAUVAISIS. 73

sans doute, il commença son grand ouvrage : les Coutumes duBeauvaisis. Ce travail, d'une méthode, d'une clarté, d'une précision étonnantes pour le temps, fut achevé en 1283. lleaumanoir fut successivement, ensuite, bailli de Yermandois, de Touraine, de Senlis, et mourut à l'abbaye du Moncel, près Ponl-Sainle-Maxence, le 7 janvier 1296.

Il a laissé plusieurs romans en vers, oeuvres de sa jeunesse ; mais son véritable litre de gloire, c'est le beau livre dont nous parlons plus haut. Mine inépuisable pour les historiens, les Coutumes résument non seulement toutes les lois qui régissaient, hommes et choses au treizième siècle, mais encore il les commente, les explique, les critique et, au besoin, les réforme à l'aide du droit, romain.

Les Coutumes du Beauvaisis ont été publiées à Bourges, on 1090, par Thomas de la Thaumassière.

Une rue de Beauvais porte le nom de Philippe de Beaumanoir.

Charles IV (dit le Bel), troisième fils de Philippe le 15el, roi de France, est né à Gcrmonl; en 1294. 11 l'ut d'abord comte de la Marche et succéda à son frère, Philippe Y", à l'âge de vingl-huit ans. H rendit diverses ordonnances favorables aux lépreux et aux juifs, et, en 1324, enleva l'A génois à l'Angleterre; trois ans après, il signa la paix avec cette puissance. Il mourut le 31 janvier 1328, laissant, bien qu'ayant régné sans grand, éclat, le souvenir d'un bon prince, car il fut juste el se montra toujours respectueux du droit de chacun.

Villiers de l'Isle-Adam (Jean de) naquit en 1384; il fut un des membres les plus actifs de la faction de Bourgogne, un des compagnons les plus dévoués du duc Jean sans Peur. Ayant réussi à surprendre Paris, en 1418, il y exerça une domination sanglante; en récompense, il reçut du duc le bâton de maréchal. Quand Jean sans Peur s'allia aux Anglais, il suivit sa fortune; mais, après l'assassinat du prince, il eut quelques démêlés avec le roi Henri V, qui le lit enfermer à la Bastille. Les portes de sa prison ne s'ou-


7'i HOMMES CÉLÈBRES DU BEAUVAISIS.

vrirent qu'après la mort du roi d'Angleterre, en 1422. Villiers continua de jouer un grand rôle dans la guerre civile, et demeura l'allié des Bourguignons el. des Anglais, Néanmoins quand, en 1433,1a paix d'Arras fut conclue, il entra au service de Charles VII, qui lui conserva son grade de maréchal. 11 reprit alors Pontoise aux Anglais, el prit, une grande part à la réduction de Paris. Etant à Bruges, au cours de l'année 1437, il fut tué pendant une émeute.

Lignières (.]eau de). Une rue de Beauvais porte le nom de ce citoyen, qui concouruI,puissamment, à empêcher l'entrée des Anglais dans la ville, lors de l'assaut, du 7 juin 1Î33.

Guehengnies (Jacques de) était, au quinzième siècle, lieutenant du commandement de Beauvais; il se distingua par sa valeur aux entés de Jean de Lignières cl, perdit la vie pendant la journée du 7 juin 1433. Une rue de Beauvais a reçu son nom.

Laisné (Jeanne, dite Jeanne Hachette). La biographie de l'héroïne de Beauvais Lient en quelques lignes ; à part, son concours à la délivrance de la cité, elle semble avoir pris à lâche de ne point faire parler d'elle. Quelques biographes assurent qu'elle était née le J4 novembre 1434; on sait, parles lettres de Louis XI, qu'elle habitait, Beauvais, qu'elle était fille de Mathieu Laisné, el, qu'en 1473, elle élait promise à un homme de sa condition nommé Colin Pilon. Sans doute, l'union projetée fut contractée en cette mémo année où Louis XI fiançait en quelque sorte les jeunes gens. Jeanne Laisné mourut, dit-on, en 1300.

Fernel (Jean-François). Au quinzième siècle, on voyait à Germont, à l'angle de la rue des Fontaines et de la rue des Flageolets, une certaine auberge du Chai, tenue par Laurent Fernel, qui était une des mieux, achalandées de la ville. C'est là. que naquit, en -1497 disent les uns, en 1300 assurent les autres, un enfant qui devait devenir un des grands médecins de son temps.


HOMMES CÉLÈBRES DU BEAUVAISIS. 7H

Après avoir commencé ses éludes à. Germon!,, il les acheva à Paris et devint professeur de mathématiques au collège Sainte-Barbe. H. était marié alors, et sa jeune femme s'effraya des grandes dépenses causées par la confection d'une foule d'instruments qu'il inventait. Elle pleura; elle fit intervenir l'aubergiste de Germont, homme positif et qui connaissait la valeur des écus. On fit, dit un biographe « entendre raison au jeune savant, et il renvoya ses faiseurs d'instruments ». H se livra alors tout entier à l'élude de la médecine et fut reçu docteur en 1330. Il s'attira les bonnes grâces du dauphin, depuis Henri '11, d'abord en guérissant Diane de Poitiers d'une grave maladie, ensuite en donnant ses soins à Catherine de Môdicis. Il fil; une assez grosse fortune, cl sa réputation de praticien habile se répandit dans toute l'Europe. 11 avait pour coutume de saigner fort peu, et. ceci est assez remarquable pour le temps, il considérait l'observation chimique comme la. hase de l'art de guérir.

Nommé premier médecin du roi lorsque Henri II monta sur le trône, il ne jouit que peu de temps désavantages de cette haute posi Lion et mourut, le 20 avril 1338, emporté par le chagrin que la perle de sa femme lui avait, causé. 11 fui; inhumé à. Paris, dans l'église Sainl-Jacqucs-la-Boucherie. Fernel est célèbre encore pour avoir, le premier, mesuré un degré du méridien terrestre.IPoblinl ce résultai par un procédé que son père, s'il vivait, encore, ne dut pas trouve] 1 ruineux. 11 alla de Paris à Amiens, villes qui sont à peu près placées sous le même méridien, en comptant exactement les fours de runes de sa voilure. S'avançant ainsi vers le .nord jusqu'à ce que la hauteur solsticiale fût, d'un degré moindre qu'à Paris, il trouva que le degré terrestre avait une longueur de 37 070 loises. Vérifiée plus fard par des moyens moins primitifs, celle longueur se trouva exacte, à 10 toises près.

Les principaux ouvrages de Fernel sont : Physiologie, Mcdicina universa, Guérison des fièvres, publiées en 1542, 1334, et 1337, etc.


7(i .HOMMES CÉLÈBRES DU BEAUVAISIS.

Après un médecin, voici un légiste : Loisel (Antoine) est né à Beauvais le 16 février 133G. A treize ans, au collège de Presle, il suivit les cours de Ramus dont il resta l'ami et fut le légataire universel ; puis, ses humanités terminées, il se rendit à Toulouse où, captivé par la science et l'éloquence de Cujas, il s'attacha à ce maître el l'accompagna à. Cabors, à Bourges, à Valence el enfin à Paris, où il fut, reçu avocat au Parlement. Ses débuts furent si brillants, qu'après sa troisième plaidoirie, l'avocat généra! Dumesnil lui offrit la main de sa nièce el le fit nommer substitut du procureur général. Les positions en vue convenaient peu à cet homme d'étude et de travail paisible, qui se plaisait aux occupations demandant, le calme. Il devint le conseil de plusieurs grands personnages, notamment de la reine Catherine de Médicis el des ducs d'Alençon et d'Anjou: quand il fut question pour ce dernier d'un mariage avec la reine Elisabeth d'Angleterre, il publia un remarquable mémoire pour prouver qu'un prince français ne pouvait accepter le rôle secondaire qu'une telle alliance lui aurait, imposé. En 1581, son vieil ami Pierre l'il.hou, son condisciple au cours de Cujas, étant procureur général en Cuyenne, il y devint avocat, général cl fut vivement loué par Montaigne, alors maire de Bordeaux, à cause du discours qu'il prononça lors de l'ouverture de la session dans celte ville. Redevenu simple avocat, Loisel se chargea des affaires de l'ordre de Mal Le cl de celles de la maison de Longueville; enfin, par ordre de Henri IV el encore avec PiLbou, il réorganisa le Parlement de 'fours.

Loisel esl mort, à Paris le 28 avril 1017. 11 a laissé de nombreux ouvrages, dont le plus intéressant, a pour Litre : Mémoires des pays de Beauvais et Beauvaisis, un volume paru l'année de sa mort. Son nom a été donné à un boulevard de Beauvais.

Grévfn (Jacques), né à Clermonl en 1538, fui, médecin el, poète ; il a dû sa vie el une certaine fortune à son premier étal, mais il doit à ses écrits sa véritable réputation. Après


HOMMES CÉLÈBRES DU BEAUVAISIS. 77

avoir fait ses humanités sous la direction du savant Muret, il étudia la médecine, fut reçu docteur, obtint la protection de Marguerite de France, duchesse de Savoie, devint son médecin, l'accompagna à Turin el remplit auprès d'elle les fondions de conseiller d'Etal. Ces charges et ces honneurs dont il joui l peu de temps, car il mourut le 5 novembre 1370, l'auraient peut-être détourné de la poésie qu'il avait, cultivée dès sa jeunesse, car à. partir du moment, où il fut, reçu docteur, on no lui voit plus prendre la plume que pour écrire sur l'antimoine, les sorcelleries ou les venins.

Heureusement, son monument poétique était érigé et sa place conquise ; il était très estimé de ses contemporains, el Ronsard, qui prisait fort, son « art et son sçavoir », le plaçait, au-dessus de tous les poètes de son temps.

H était encore sur les bancs du collège, quand il écrivit, une Irairédie intitulée Jules César; peu d'années après el sur l'ordre de Henri 1), il composa une autre pièce, la Trésorière, qui devait, être jouée aux noces de Claude, tille du roi, duchesse de Lorraine, mais qui ne fut représentée qu'en 155!), au collège de Beauvais; l'année suivante, on y joua aussi sa comédie des Esbahis.

Parmi les nombreuses oeuvres poétiques qu'on lui doit, nous ne saurions omettre ici sa .Description du lieauvaisis, pleine de vers charmants el, de ravissanLes peintures des villes, des bois, des eaux, enfin de toutes les beautés de son pays natal.

Villiers de l'Isle-Adam (Philippe de), pelil-lils de Jean de A'illicrs, fut élu grand maître de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem en 1521, à l'âge de cinquante-sept ans, au moment même où Soliman attaquait File de Rhodes avec 200 000 hommes et 400 navires de guerre. Villiers n'avait avec lui que 000 chevaliers el4 500 soldais ; il réussit pourtant à prolonger pendant toute une année sa résistance aux forces qui l'entouraient. Trahi par le chancelier d'Amaral, il dut se résoudre à capituler. Sans retraite assurée, il erra pendant huit ans alors avec ses chevaliers.


78 HOMMES CÉLÈBRES DU BEAUVAISIS.

En 1530 enfin, il obtint, de Charles-Quint la cession des îles de Malle et de Gozzo. C'est à partir de ce moment que l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem prit le nom d'ordre de Malte. Les dissensions de la communauté étaient nombreuses alors. Villiers mourut, dit-on, du chagrin qu'elles lui causaient. 11 avait soixante-dix ans.

Patin (Guy). Au commencement du dix-septième siècle, il y avait en Beauvaisis une famille estimée, composée de procureurs, de tabellions, de gens d'affaires. Un de ses membres était conseiller au présidial de Beauvais ; un autre habitait Hodenc-en-lîray, el, passait pour un homme très versé dans les matières juridiques; il était chargé des affaires de la plupart des nobles de la province. C'est dans sa maison que naquit, Je 31 août 1002, Guy Patin, qui devait devenir l'un des plus célèbres médecins du temps.

Le jeune Guy, dont son père voulait, faire un avocat, commença ses éludes au collège de Beauvais et se rendit à Paris pour les terminer. 11 venait de terminer sa philosophie quand des clients de son père lui offrirent une situalion qui assurait son avenir, à la condition qu'il embrasserait l'état ecclésiastique. Au grand désespoir de sa famille, etbien que menacé de perdre la pension qu'elle lui faisait, le jeune homme, qui n'avait aucune vocation pour le sacerdoce, refusa, ces offres brillantes.

Obligé alors de travailler pour vivre, il se lit correcteur d'imprimerie, mais en même temps il se lia avec Gabriel Naudé et liiolanel; commença ses études médicales; en 162i, il était reçu docteur et, l'année suivante, il contractait un mariage qui le mettait à l'abri du besoin.

A partir de ce moment, ses succès furent rapides el ininterrompus. Professeur de chirurgie à la Facullé de médecine en 1032, il remplaça, peu d'années après, Riolan au Collège royal. En 1042, il fut élu censeur à la Facullé el; devint doyen huit ans plus tard. Dans ces fonctions, il se montra rigide observateur des statuts et défenseur vigilant des vieux privilèges.


HOMMES CELEBRES DU BEAUVAISIS. 79

Partisan des anciens, admirateur fervent, d'il ippocrale el de Galien, il. élait rebelle à toutes les initiatives et à tous les progrès. 11 se prononça hautement contre le quinquina, el; l'antimoine, et, à ce propos, ses démêlés avec Joseph Duchesne sont, restés aussi fameux que ses discussions — provoquées par d'autres causes — avec Tbéophraste Renaudot.

Dans l'exercice de son art, contrairement 'à. Fernel, il. avait pour coutume de pratiquer des saignées abondantes. Comme professeur, il dut en partie ses succès à son éloquence et à son esprit. On allait; à ses cours pour entendre son beau latin et savourer ses bons mots.

A côté d'ouvrages de médecine peu consultés maintenant, Patin alaissé des Lettres qui sont un véritable monument littéraire et rellèlent exactement, l'esprit, original de leur auteur. Guy Patin est mort le 30 août 1072. Une rue voisine de l'Hôtel-Dieu de Beauvais porte son nom.

Haûy (René-Jusl) est né à Sainl-.lust, dans la maison d'un pauvre tisserand, le 28 février 1743. Protégé par les religieux d'une abbaye voisine dont il avait gagné l'affection, il obtint une bourse au collège de Navarre, à Paris. Lorsqu'il eut pris ses grades, il resta clans l'institution et y remplit les fonctions de régent de quatrième. Quelques années plus fard, et comme régent de seconde, il entra au collège du cardinal. Lemoine ; c'est là qu'il fil, la connaissance de Lhomond, dont il devint, l'intime ami.

C'est cette amitié qui détermina, en quelque sorte, la vocation de Haiiy. Lhomond aimait; la botanique sans toulel'ois l'avoir apprise'; Haiïy l'étudia pour être agréable à son compagnon et, l'aider dans ses herborisations ; puis, séduit par la parole de Daubenlon, il. ne tarda pas à consacrer presque exclusivement son temps à l'élude de la minéralogie.

Comme tous les chercheurs, il fut un peu aidé par le hasard, beaucoup par un travail persistant, et créa la science de la cristallographie. Admiré et aimé de tous


SO HOMMES CELEBRES DU BEAUVAISIS.

les savants du temps, Daubenton, Laplace,Fourcroy, Berthollet, Lavoisier, etc., il vil les portes de l'Académie des sciences s'ouvrir devant lui en 1783, et ceci bien qu'aucune place ne fût vacante alors.

Au bout de vingt ans de service universitaire, il demanda sa retraite et put se livrer tout, entier à ses travaux. La Révolution vint jeter le trouble dans sa tranquille existence; emprisonné après le 10 août, il dut son élargissement, à l'un de ses élèves, Geoffroy Sainl-Hilairc. La tourmente passa sans qu'il fût inquiété de nouveau.

En 1802. on créa pour lui une chaire de minéralogie h la Facullé des sciences; il perdit celle situation sous Louis XVI11. et termina sa vie dans l'état précaire qu'il avait connu dans sa jeunesse. Il mourut, des suites d'une chute, le 2 juin 1822, laissant, pour tout héritage les collections qu'il avait formées; elles furent., après sa mort, vendues à un Anglais, mais la France les a rachetées depuis pour le Muséum.

On a de lui de nombreux travaux, presque tous consacrés à la cristallographie.

Haùy (Yalenfin), frère du précédent, naquit, comme lui, à Sainl-Jusl, en 1743. Le nom qu'il s'est, fait est, un de ceux qui ne se prononcent qu'avec respect. La gloire qu'il a acquise est, une de celle qui rayonne non seulement sur une région, mais sur tout un pays. Le Beauvaisicn llaûy csl Français, nul ne saurait l'oublier.

Après s'être livré à. l'élude des langues vivanles, Haiiy obtint un emploi au ministère des affaires étrangères. Mais bientôt il songea à faire pour les aveugles ce que l'abbé de FEpée avait fait, pour les sourds-muets. Au moyen de noies el de cartes en relief, on élait parvenu déjà à donner à des aveugles quelques notions de musique et de géographie. Haiiy reprit celle idée et la généralisa. H lit imprimer des livres en gros caractères, avec de 1res sensibles reliefs, et donna, par ce moyen, à un jeune enfant frappé de cécité, ce qu'on appelle aujourd'hui l'instruction primaire.


HOMMES CÉLÈBRES DU BEAUVAISIS. 81

Quand son élève fut suffisamment instruit, il le présenta i l'Académie des sciences, et, en 1784, il obtint du gouverîemenf une maison rue Noire-Dam e-des-Vicfoires et les ,'onds nécessaires pour y recevoir douze aveugles. Deux ans plus Lard, le nombre des pensionnaires fui porté à cent vingt; Haiiy reçut, alors le titre d'interprète du roi et de l'amirauté de France.

Un arrêté des Consuls, rendu en l'an IX., réunit l'institution à celle des Quinze-Vingts et, pour tout dédommagement, son créateur obtint une pension de 2000 livres. Après avoir tenté d'établir une nouvelle maison rue Sainl.e-A.voye, Haiiy quitta la France et, de 1800 h 1817, il créa des établissements d'aveugles à Berlin et à Saint-Pétersbourg. A. son retour, ruiné et inlirme, il rejoignit son frère qui, on l'a vu, n'était guère plus favorisé de la fortune. Comme liené, Valcnlin Ihuiy mourut en 1822.

Watrin (Pierre-Joseph). La carrière de Walrin fut courte, mais nulle ne fut, mieux remplie ; si la mort ne l'eût surpris à trente ans, il est, certain qu'il aurait conquis une belle place parmi les héros de l'épopée impériale.

Né à Beauvais,'en 1772, il entra, àvingl ans, clans lalégion lielge, qui devint, plus lard le 17" régiment de chasseurs à cheval. En moins d'un an, il conquit tous ses grades jusqu'à celui de capitaine. Envoyé on 1704 à l'armée du Nord, comme adjudant général, il fui,peu de temps après nommé général de brigade. 11 passa de là à l'armée de Sambre-et-Meuse. puis, en 1790, à la trie de 0 000 hommes, il rejoignit, Hoche en Vendée el contribua puissamment à la pacification du pays. Après avoir accompagné le général Hédouville à Saint-Domingue, il revint en France en 1799; envoyé à l'armée d'Italie avec le grade de chef de division, il lit toute la. campagne sons les ordres de Masséna, et, près de Bonaparte, il se distingua à la bataille de Marengo. I.'année suivante, il partit une fois encore à Saint-Domingue, sous le commandement du général Lcclerc. Une maladie subite l'emporta le 22 novembre 1803.

UNE VISITK A Iîi:AUVAIS. "


82 HOMMES CELEBRES DU BEAUVAISIS.

A côté de ces illustres personnages, il. en est d'autres encore qui ont laissé des noms moins universellement, connus, mais n'en ont pas moins été des hommes remarquables et; utiles. Nous allons leur consacrer quelques lignes en suivant, comme nous l'avons fait jusqu'ici, l'ordre chronologique.

Guibertfut abbé de Sainte-Marie de Nogent-sous-Coucy, monastère situé dans le diocèse de Lens el, appartenant â l'ordre de Saint-Benoît. Il était né à Clermonl-en-Beauvaisis, en 1053; il est mort, en 1124, laissant;, entre autres ouvrages, sa Vie écrite par lui-même et une Histoire des. croisades, qui, traduites en français, font partie de la Collection de Mémoires publiée par Gui/.ot.

Cholet (Jean). On ignore la date de la naissance de ce personnage. Toul ce qu'on sait de lui, c'est qu'il était fils d'un certain Ou dard, seigneur de Nointcl-cn-Beauvaisis (aujourd'hui commune de l'arrondissement de Ponfoise) et qu'il fut créé cardinal et légal de France, en 1281, par le pape Martin 1Y. Immensément riche, il laissa de nombreux dons à sa mort, en J29I ; l'un d'eux permit la créalion, à Paris, du collège dit. des Cholels, qui recevail, originairement seize écoliers des diocèses de Beauvais cl, d'Amiens, mais qui devint beaucoup plus important par la suile. En 1768, ce collège fui réuni à l'Université; ses bâtiments faisaient partie de ceux maintenant détruits du lycée Louis-le-Grand. Cholet mourut probablement en Beauvaisis, car il fut inhumé au milieu de l'église SaintLucien, près de Beauvais. Son tombeau, d'une grande magnificence, élait décoré de son effigie en argent massif.

Arnould ou Arnulphe. Contemporain de saint Yves, comme lui né en 1040, lui survécut de longues années, car il mourut centenaire; il est Fauteur de divers écrits, parmi lesquels on remarque un livre intitulé Texlus Boffensis, dont YVarton a donné un extrait clans son Anglia sacra. 11 fut évêque de Rochesler.


HOMMES CÉLÈBRES DU BEAUVAISIS. SS

Arnaud de Corbie. On ne saurait préciser la date de la. naissance de cet homme, qui fut l'un des plus sages el; des plus considérés de son temps. Seigneur de Lihus, chanoine de la cathédrale de Beauvais, conseiller clerc de la cour du Parlement et son premier président aux. états de Conipiôgne, en 1382, il fut envoyé à Avignon, vers le pape, pour faire cesser quelques exactions qui se faisaient sur les bénéfices du royaume ; il est mort en 1413.

Crèvecoeur (Philippe de). Né à Beauvais au commencement du quinzième siècle, Crèvecoeur, seigneur des Guerdes, servit d'abord Charles le Téméraire, puis se dévoua au roi Louis XI, qui l'appréciait beaucoup elle lit,gouverneur de l'Artois; il fut. ensuite chargé de. négocier le mariage du dauphin avec Marguerite de Flandre. Nommé maréchal en 1492, il signa la paix d'Etaples. Deux ans plus tard il mourut sans postérité. On lui attribue des paroles qui reflètent un véritable amour de la pairie : « Je consentirais, disait-il, à passer un ou deux ans en enfer, pourvu que je pusse chasser les Anglais de Calais. »

Pastour (Nicolas). Né à Beauvais, l'abbé Paslour fut docteur en théologie, chanoine de la cathédrale el — c'est là son titre à la reconnaissance de ses concitoyens—fondateur du collège de la ville. 11 mourut, à Beauvais en 1591, et lui laissa ses biens. Une rue de la ville a reçu son nom.

Binet (Claude). Né à Beauvais en 1510, Binel fut avocat au Parlement el cultiva les lettres. Ami el admirateur passionné de Ronsard, il fui chargé par ce poète de donner une édition complète de ses couvres. Parmi ses productions personnelles, qui sont assez nombreuses, on peut citer : la description du Beauvaisis, en vers latins, et un poème intitulé les Plaisirs de la vie champêtre. 11 fut l'éditeur du poète angoumois Jean de la Péruse.

Binet (Pierre) élait frère du précédent et, comme lui, né à Beauvais où il mourut en 1584. C'était, dit un écrivain du temps, « un homme fort docte en grec, latin, français,


Si HOMMES CÉLÈBRES DU BEAUVAISIS.

et bien versé clans l'une el l'autre poésie ». On a de lui un recueil, imprimé en 1575, où l'on trouve un poème sur les truites du Tbérain, des sonnets, des épithalames, etc.

Caron (Antoine). Peintre du seizième siècle, cet artiste avait, décoré à Beauvais, sa ville natale, plusieurs monuments aujourd'hui disparus. 11 mourut, à soixanle-dixhuit. ans.

KLazille (Jean). Fils d'un perruquier de Beauvais, il naquit en t502, lit de bonnes éludes, fui reçu docteur, réussi ta, se pousser en cour el, devint, médecin du cardinal de Clial.illon, de Catherine de Médicis el des enfants de Henri 11, après son compatriote Jean Fernel. H se relira à Beauvais en 1578 el y mourut à l'âge de soixanle-dix-huil, ans. Une pelile rue de Beauvais porte son nom.

Louvet (Pierre). Né près de Beauvais, en 1509, il fut. avocat; au Parlement de Paris et devint, en 1014, maître des requêtes de lareine .Marguerite. .11 a publié un certain nombre de travaux historiques, pour la plupart, relatifs au Beauvaisis. Nous citerons : Coutumes de divers bailliages observées en. Beauvaisis (Beauvais, 1015), Komenclalura cl rji.ronoloijia. rerum ecclesiaslii-arum diocesis lîelloracensis (Beauvais, ICI S), Histoire des antiquités du pays de Beauvais' (Beauvais, 1031-1035, 2 vol.), Anciennes Remarques sur la noblesse du Beauvaisis et de plusieurs familles île France (Beauvais, 1031, 1040). Louvet est. mort en 10î0.

Boileau (Charles). Né à Beauvais el connu sous le nom d'abbé de Beaulicu, s'adonna de lionne heure à la prédication, réussit, à plaire à Louis XIV el, en 1094, entra à. l'Académie française. An dire de Bourdalouc,l'abbé Boileau avait, « deux fois trop d'esprit pour bien prêcher ». 11 paraît certain qu'il manquait, d'onction, mais il demeure avéré aussi qu'il était écouté avec un grand plaisir. Il a laissé : Homélies et Sermons sur les évangiles du carême, 2 vol.; Panégyriques, I vol.; Pensées, 1 vol. !1 est, mort en 1701.

Le Prince (Engrand). Natif de Beauvais et paraissant y


HOMMES CELEBRES DU BEAUVAISIS. SS

avoir passé sa vie entière, Le Prince fut le plus célèbre peintre verrier du seizième siècle. Ainsi que cela arrive souvent pour les artistes de ces temps, sa vie intime est peu connue ; ce que fut son oeuvre, on en peut, juger encore par ce magnifique arbre de Jessé, [qu'on ne se lasse pas d'admirer à l'église Saint-Etienne de Beauvais. La ville de Beauvais a donné le nom de Le Prince a une de ses rues,

Vast(.lean). Architecte beauvaisien,Vasl entreprit en 1 500, de concert avec Martin Cambiche, la construction du transept de la cathédrale. Après la mort des deux architectes, les travaux furent, continués par Jean. Vasl; fils, aidé de François Maréchal.

Courroi(Euslachedu) fut un musicien aimé deCharleslX, pour qui il a l'ail un grand nombre de menuets el de gavottes, dont les airs ont pendant; longtemps accompagné les noèls qu'on chantait, dans les provinces. Véritable artiste, il ne s'en tenait pas à ces productions légères, et, une M esse des trépassés de sa composition a. joui d'une grande célébrité. H. a laissé un Essai sur la musique. Du Courroi est mort en 1009 ; il élait né à Beauvais.

Roberval (Gilles Personier). Roberval est, le nom d'un petit, village bcauvaisien, silué à six kilomètres à l'est de Ponl-Sainl.e-Maxcnce; c'est, là que naquit, en I 602, Gilles Personier. 11 vint, à Paris à l'âge de vingt-cinq ans et se lia avec des savants, parmi lesquels il tint bientôt une place distinguée. En 1031, il fut nommé professeur de philosophie au Collège royal cl, bien que soumis à une réélection triennale et entouré de nombreux concurrents, il conserva sa chaire jusqu'à, sa mort, en 1775. 11 s'est fait une sorte de célébrité par ses discussions avec Descaries et Torricelli, discussions dans lesquelles, il faut le reconnaître, il ne sut pas toujours conserver le beau rôle. H avait été nommé membre de l'Académie des sciences lors de sa création, en 1065.

Louvet (Pierre). Bien que portant les mêmes noms que


86 HOMMES CELEBRES DU BEAUVAISIS.

l'historien dont nous avons parlé ci-dessus, il n'appartient pas à lamênie famille. Né à Beauvais en 1017. il abandonna pour le professorat la médecine,qu'il avait, d'abord exercée. Il enseigna la rhétorique, la géographie cl l'histoire à Digne, à Montpellier et, dans diverses autres villes. Nommé historiographe de la principauté de Bombes, petit pays bourguignon, il consacra ses loisirs à la composition de quelques ouvrages relatifs à l'histoire du Languedoc, de l'Aquitaine, de la Gascogne, de la Guyenne cl de la Provence. 11 mourut en I0SO.

Pocquelin. On sait que la famille de notre grand comique. J.-B. Pocquelin de Molière, était beauvaisienne el; que ses membres furent à peu près tous commerçants ou marchands. En voici pourtant un qui paraît avoir suivi une autre carrière : Robert Pocquelin, seigneur de VilliersSainl-Barlhélemy, fut directeur de lu Compagnie des Indes orientales de France et mourut en ton:!.

Baillet (Adrien). Né en 1019 à la Ncuville-en-llez, entra de bonne heure dans les ordres el quitta une cure qu'il avait obtenue pour se consacrer entièrement à l'élude. Recommandé par llcrmaud à Al.de Lamoignon, ce dernier le prit comme bibliothécaire. .11 eut alors Vaurca mediocritas tant rêvée des penseurs et put se livrer aux travaux qu'il aimait;. On a de lui plusieurs écrits dont, les plus connus sont : les Vies des saints (3 vol., 1 701 ), Jugement des savants sur les principaux ouvrages des auteurs (7 vol., 1722). Baillet est mort chez M. de Lamoignon en 1700.

Langlet-Dufrénoy (Nicolas). Né à Beauvais en 11174, il fut tout à la fois théologien, bibliographe, géographe, diplomate el, antiquaire. 11 dut sa célébrité autant au grand nombre d'ouvrages qu'il a publiés qu'aux bizarreries de son caractère. Ses travaux, bien oubliés maintenant, révélaient, au dire d'un de ses biographes, « sinon de la profondeur, du moins de la facilité et du savoir ». 11 mourut à Paris en 1755.


HOMMES CÉLÈBRES DU BEAUVAISIS. S7

Dùbos (Jean-Baptiste). Fils d'un commerçant beauvaisien, Dubos vint à Paris achever ses éludes et entra dans les bureaux des affaires étrangères. M. de Torcy le chargea de missions auprès de plusieurs cours de l'Europe. Dubos s'en acquitta avec une réelle intelligence; récompensé de son zèle par divers bénéfices, il devint abbé de NotreDame de Bessons. Se consacrant, alors aux travaux d'histoire, il publia successivement l'Histoire des quatre Gordiens, oeuvre paradoxale, mais où il lit preuve d'un talent très souple el; d'une grande érudition, Histoire de la Ligue de Cambrai, Réflexions critiques sur la poésie al la peinture, livre que Voltaire déclarait être « le plus utile qu'on n'ait jamais écrit sur ces matières ». Ces divers travaux lui ouvrirent, en 1 720, les portes de l'Académie française, dont, il. devint le secrétaire perpétuel deux ans plus tard, lorsque mourut Dacier. On lui doit encore une Histoire critique de l'établissement de la monarchie dans les Gaules (3 vol., 1734). Dubos est mort, à Paris en 1742, à l'âge de soixante-douze ans. Une rue de Beauvais a reçu son nom.

Restaut (Pierre). Né à Beauvais en I 090, mort à Paris le 14 février 170V, Restaut, élève du collège de sa ville natale, compléta son instruction au collège Louis-le-Grand de Paris; il se livra ensuite à l'élude de la jurisprudence et, en 1740, particulièrement distingué par d'Aguesseau, il fut pourvu de la charge d'avocat au conseil du roi. Sans négliger les devoirs de sa profession, il aimait etcullivait les lettres; il a publié ses l'rincipes généraux el raisonnes de la ijrammairc française el, un Abrégé de cet ouvrage. Ce sont les premiers travaux vraiment élémentaires qui aient été faits pour l'étude de notre langue. Le succès fut grand et durable, les Principes furent réédités pour la dernière, fois en 1817 et VAbrégé en 1824. Beauvais a sa rue Restaut.

Binet (René). Né près de Beauvais, en 1720, René Binet, quifutle dernier recteur de l'ancienne Université de Paris, est mort en 1812 proviseur du lycée Bonaparte. On a de lui des traductions estimées d'Horace et de Virgile et de


88 HOMMES CÉLÈBRES DU BEAUVAISIS. '

l'Histoire de la décadence des moeurs chez les Romains, ouvrage de l'allemand Meiniers.

Seroux d'Agincourt (Jean-Baptiste) descendait d'une famille originaire de Namur et; naquit à Beauvais en 1730. Après avoir suivi pendant quelque temps la carrière des armes et servi dans la cavalerie, il rentra dans la vie civile et se consacra à l'éducation de ses deux jeunes frères el de quelques-uns de ses parents qui étaient orphelins. Devenu fermier général, il acquit une belle fortune; puis, en 1777, entraîné par son goût, pour les arts, il abandonna la finance et se mil à voyager. Après avoir parcouru une grande partie de l'Europe, il se rendit en Italie et se fixa à Rome; là il amassa les matériaux d'une belle publication intitulée : Histoire de Tari par les monuments, six volumes ornés d'un grand nombre de curieuses planches. On doit encore à. Seroux d'Agincourt un in-quarto paru en 1814, l'année de sa mort : Recueil de fragments de sculpture en terre cuite. Une rue de Beauvais porte son nom.

Caigniez (Louis-Charles), un des plus féconds auteurs dramatiques du commencement de ce siècle, est né à Germon I; le .13 avril 1750. La Révolution le trouva avocat, au conseil d'Artois; il ne parait, avoir pris aucune part aux événements du temps, el; vint à Paris vers l'année 1798. L'année suivante, il (il, jouer une pièce intitulée le Dinar des bossus, el, peu après, une autre qui obtint, un grand succès : la Belle au bois dormant; à partir de ce moment,, il se consacra tout entier à la carrière dramatique, et devint, concurremment avec Guilbert de Pixêrécourl, l'un des plus féconds pourvoyeurs des théâtres de mélodrames : le Jugcgemcnl de Salomon, la Pie voleuse ou la Servante de Palaiseau, pour ne citer que deux pièces, ont,, sous le premier Empire, fait courir tout Paris. Caigniez est mort à Belleville le 19 février 1842.

Portiez (Louis, dit Portiez de l'Oise). Issu d'une famille de commerçants, il naquit à Beauvais le 1er mai 1705. 11


HOMMES CELEBRES DU BEAUVAISIS. 89

terminait son droit à Paris quand la Révolution éclata; il en embrassa les principes avec enthousiasme el, joua un rôle actif pendant la journée du 14 juillet 1789. De retour à Beauvais, il exerça la. profession d'avocat, mais sans abandonner la politique. 11 'ouvrit un club dans sa ville natale, y conquit une grande influence el devint,, en 1792, député à la Convention nationale. Lors du procès de Louis XVI, il vota, la mort du roi, mais avec sursis; pendant les temps qui suivirent, il se tint à l'écart des discussions politiques cl, se borna à prendre pari aux travaux des comités. Après le 9 thermidor, Portiez se rangea dans le parti de Tallien; c'est lui qui fit décréter, le 8 juillet 1795, qu'il ne sérail plus fait d'exécutions sur la place de la Révolution. A la fin de celle même année, il remplit une mission en Belgique et, à son retour, la réunion de ce pays à la France, fut, volée. Membre du conseil des Cinq-Cents sous le Directoire, il entra au Tribunal après le 18 brumaire. Lors de la suppression du Tribunal, Bonaparte le nomma directeur de l'Ecole de droit. 11 est mort en 1810, laissant, quelques ouvrages de législation et un recueil, aujourd'hui fort rare el, assez curieux, intitulé : Collection des pièces relatives à la llévoluliori française. C'est une lable méthodique (il chronologique des matières principales traitées dans les brochures cl, les écrits du temps.

Baillière (Jean-Raplisle-Marie) fut l'un des nombreux enfants de Pierre-Nicolas Baillière, marchand drapier à Beauvais ; il est né le 20 novembre 1797, el il eut, probablement suivi la carrière paternelle, si les événements de 1810 et 1812 n'avaient « jeté la perturbation dans la petite fabrique». Jean-Baptiste vint alors à Paris et entra chez un libraire nommé Méquignon, en qualité de garçon de magasin. Le jeune homme n'avait pas encore quinze ans et son instruction était loin d'être achevée. Consacrant ses journées aux durs travaux qui lui incombaient, il dut prendre sur ses nuits pour acquérir les connaissances qui lui manquaient. Son ardeur au travail, ses aptitudes, son


80 HOMMES CÉLÈBRES DU BEAUVAISIS.

intelligence, ne lardèrent pas à être remarquées, et le garçon de magasin fut élevé au rang de commis.

Quelques aimées après, en ISIS, riche d'une modeste somine péniblement amassée, il ouvrit, rue de l'Ecole-dcMédecine, une petite librairie qui ne tarda pas à prospérer el; devint l'une de nos premières maisonsde vulgarisation scientifique. Dix ans plus lard, il fondait un établissement similaire à Londres et en confiait la direction à son frère Hippolyte. Dans la suite, il créa encore d'autres librairies à Madrid, en Amérique et en Australie.

11 nous est impossible de citer ici tous les ouvrages scientifiques édités par Baillière; ils marquent, comme l'a fort bien dit M. Reimvakl, encore un fils de ses oeuvres, « les progrès des sciences médicales el. naturelles pendant les deux tiers de notre siècle ».

Baillière fut, en 1847, le président du comité d'organisation du Cercle de la librairie el de l'imprimerie, el jusqu'à son dernier jour resta membre honoraire de son conseil d'administration.11 contribua àla création du Comptoir d'escompte et à celle du Sous-Comptoir do la librairie; enfin, il prit une part active à la préparation des traités internationaux qui ont assuré la reconnaissance de la propriété littéraire à l'étranger. En 1852, et sur la demande de plusieurs savants, il fut nommé chevalier de la Légion d'honneur.

Malgré .la haute situation qu'il avait acquise, Baillière n'oublia jamais sa ville natale. Il dota l'hospice de Beauvais d'une rente de 200 francs, et, fonda un prix de vertu de 600 francs, qui est décerné, fous les deux ans, à une jeune ouvrière d'une conduite irréprochable; de plus, il a fait don à la bibliothèque de la ville de la plupart des ouvrages qu'il a édités.

Frappé de cécité dans les dernières années de sa vie, Baillière a laissé à ses fils la maison qu'il a fondée. 11 est mort à Paris, le 8 novembre 1885. L'ancienne rue SaintFrançois, de Beauvais, s'appelle maintenant rue JeanBaplisle-Baillière.


HOMMES CÉLÈBRES DU BEAUVAISIS. 91

Famin (Pierre-Auguste). Élève de David d'Angers, ses oeuvres sculpturales ont figuré.à plusieurs Salons, notamment à ceux de 1842, 1830 et 1852. H. était né à Beauvais en 1818; il est mort à Paris, à l'âge de trente-quatre ans, trop jeune encore pour avoir donné tout ce que promettait son très réel talent.

En terminant, nous citerons, parmi les enfants de Beauvais vivants encore, les peintres Henri Brispot el Achille Sirouy; nous avons eul'occasion de parler de ce dernier en visitant l'Hôtel de ville et, la chapelle de. l'école des frères.



INDEX ALPHABÉTIQUE

l'ajrcs.

.iNTliniJUCTION • • . • V

Armes de Beauvais 2(5

Beauvais sons les Romains. 1

— sous les Mérovingiens 2

— sous les Cai'lovingieiis 2

— au moyen fige 3

— depuis le, seizième siècle jusqu'à nos jours 9

Bibliothèque de la ville 29

Chapelle de l'école des frères 21

de n-lùlel-Oicn 62

Charte de lïeauvais au douzième siècle 3

Collège communal 03

Couvent dos dames de Saint-Joseph de Cluny 3s

— du Sacré-Cuîiir 63

Drapeau pris aux Bourguignons en 1 472 2'i, 29

Ecole des frères 20

— normale d'instituteurs 14

— normale d'insiilulrices ■. 0-2

— des pères du Sainl-Kspril , 20

Église Noire-Dame de la lîasse-OEnvre (monument historique) 43

— Saint-Elienne (mon. hist.) 31

— Saint-Jacques 14

— Saint-Pierre, cathédrale (mon. hisl.) :-i,s, 40

Fvêehé 01

Faubourg d'Amiens 04

— de la Gare 03

Sailli-André 64

— Sainl-Jaeques 10

— Sainl-Jean 63

— Sainl-Louis 64

— Saint-Quenlin 61


94 INDEX ALPHABÉTIQUE.

Pages.

Gare 10

Grand séminaire 62

Malles 22

Horloge astronomique 57

Hospice 62

Hôtel-Dieu 62

Hôtel de ville 26

Institut agricole 21

Maison d'arrêt 62

— canoniale 02

■— de Y Image Sain l-Jean 31

— (vieilles) 13, 3s

Manufacture do tapisseries. 13

Musée 42

Palais de Justice (mon. hisl.) 3s

Parc du Réservoir 13

Place de l'Ilôtel-de-Ville 23

Préfecture (il

Porte do lireslcs 04

Rue de la Taillerie. 31

Salle du conseil à l'hôtel de ville. 30

Siège de Beauvais en 1472 7

$i.mo?i le Dévêtu 0

Statue de Jeanne Hache lie 23

Temple protestant 13

Théâtre 3s

HOMMES CÉLÈBRES DU BEAUVAISIS (W


TABLE DES GRAVURES

Vue panoramique de Beauvais 11

La maison aux carreaux de faïence 10

Un atelier à la manufacture de tapisseries 17

Le vieux Beauvais : rue des Epingliers 22

Place de l'Hôlel-de-Ville . 27

Un pilier de la nef à Saint-Elienne 33

Vitrail de la. chapelle Saint-Claude, à Saint-Elienne 33

Place Saint-Pierre ■ 39

Façade du palais de justice • 42

Eglise Notre-Dame de la Basse-OEuvre 44

Portes sud de la cathédrale 47

Intérieur de la cathédrale 33

.Maison canoniale 0(1

PLAN DE LA VILI E DE BEAUVAIS 1

l'AlUS — TYl'OGliAI'IHi: A. HCXNUYEll, V.Ui: D.\r.Ui:T. 7.


CHEZ LE MÊME ÉDITEUR

MONOGRAPHIES URBAINES

PARIS

l'IlOUENAMS DANS LES VINGT AliRONDlSSEM ENTS Par SLESI-S MAIU'ISÎ

l'HEVIIEIÎ AKIIOADISSEVEXT Louvre

HEUXIÈVIE A l!!iO.\'!)ISSK.VlENT Bourse

TJiOlSlÈAlE Alil'.OXDlSSE.MEXT Temple

imATiiiihn; AHHOM)ISSI;.MK\T Hôtel-de-Ville

C.l.NQL'lÈJIi; A)iliOM)lSSE,\li;.\T Panthéon

S) XI î::UI'. A II ItOMIISSElIKXT Luxembourg

SEPTJE.UE AIUIOXIUSSEMENT Palais-Bourbon

HUIT! l'i'.M I-: A U KO.YDISSE.M ENT Elysée

XEI3V1 Èli K A 11 liOMVISSEAl EXT Opéra

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