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à la France. Après avoir parlé de la collection despoëmesde Christine Pisan, qui se trouvé à la Bibliothèque Harleienne, du célèbre Missel de Bedford, aujourd'hui en la possession de sir John Tobin; du précieux recueil de Romans, présenté parle comte de Shrcvvsbury à Marguerite d'Anjou, et qui fait partie des manuscrits royaux, il ajoute : « Tous ces ouvrages ont été exécutés par des artistes français dont l'habileté était alors généralement reconnue, et la décadence de l'art en Angleterre date même du règne de Henri V, époque où les rapports divers établis entre la France et les Pays-Bas firent donner la préférence aux artistes étrangers. » Dans les Pays-Bas, comme il est dit ici, en Allemagne et surtout dans les cloîtres des rives du Rhin, l'art du copiste et de l'enlumineur avait aussi marché. Nous trouvons même dans quelques monastères de ces contrées, dans celui de Spanhein, par exemple, les travaux relatifs à l'art des manuscrits organisés dans leurs moindres détails avec une régularité et une sorte de discipline plus stricte encore et plus intelligente que celles qui les dirigeaient en France. Là, point de moines cumulant deux tâches, celle, par exemple, du copiste et celle du relieur; chacun a la sienne et doit s'y tenir sans empiéter sur le travail de son voisin : « Que l'un, dit Thrilème, abbé de ce monastère au quinzième siècle, que l'un corrige le livre que l'autre a écrit; qu'un troisième fasse les ornements à l'encre rouge; que celui-ci se charge de la ponctuation, un autre des peintures; que celui-là colle les feuilles et relie les livres avec des tablettes de bois. Vous, préparez ces tablettes; vous, apprêtez le cuir; vous, les lames de métal qui doivent orner la reliure. Que l'un de vous taille les feuilles de parchemin; qu'un autre les polisse, qu'un troisième y trace au crayon les lignes qui doivent guider l'écrivain; enfin, qu'un autre prépare l'encre, et un autre les plumes. » Voilà dans un seul monastère toute une corporation, n'ayant qu'une
chose pour but de ses travaux : le livre; une corporation complète comme celle que nous allons voir tout à l'heure s'organiser à Paris sous les auspices de l'Université, et qui même se partage en éléments plus multiples, en spécialités plus minutieuses que celles des corporations ordinaires.
En Italie c'est, comme en Angleterre, l'imitation française qui l'emporte chez les copistes et chez les enlumineurs. Les copistes nous empruntent nos lettres de forme, que nous avions
nous-mêmes imitées et perfectionnées de l'écriture gothique; et ils les appellent lettres à la française (lettcrc francesc). Les manuscrits les mieux calligraphies des bibliothèques de l'Italie au moyen âge ne sont même pas