Février 1915
Canton, Hong-Kong, Macao
L'étrange trinité que celle de ces trois villes qui voisinent au .triangle de convergence des Pak, Tong et Saï Kong (fleuves du nord, de l'est, de l'ouest), ce dernier le plus important (en langue mandarine Si Kiang) la grande voie d'accès du Yuhnam et du Tonkin ! Au centre du Delta, Canton, la Chinoise, agglomération monstrueuse des foules du Sud, où s'exagèrent leurs qualités et leurs vices, où sont en travail toutes les forces latentes de ce peuple, tourmenté du levain des idées européennes, idées qui trouvent leur épanouissement dans les deux avancées côlières, Hong-Kong l'Anglaise, la cité militaire, commerçante et industrielle, Macao la Portugaise, l'artistique, la vicieuse et l'efféminée.
CANTON
KoangTong Tchao, le chef-lieu du Koang Tong (de l'Est vaste) ou plus communément Chang Sing (la ville murée de la province), donne, avec ses deux millions d'habitants, une sensation intense de vie pullulante, grouillante. Canton, opulente et loqueteuse, a défoncé sa primitive ceinture de briques, véritable digue de 30 pieds de haut, pour déborder en faubourgs les rives du Saï Kong, du Tchù Kong (fleuve des Perles).
Sur les rivières et les canaux, elle se presse, ville fluviale avec les pilotis, les pontons et les jonques. Mâtures grêles, denses, de bambous dressés, paillottes effritées, planches noircies, bateliers aux sarreaux sombres, relents de goudron, d'ail, d'opium et de poisson séché, on dirait d'une Venise de mendiants exposant au soleil cru toute la laideur de sa pauvreté et de ses tares ; au milieu des chocs, des remous, des