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Titre : Le Petit Parisien : journal quotidien du soir

Éditeur : Le Petit Parisien (Paris)

Date d'édition : 1910-01-25

Contributeur : Roujon, Jacques (1884-1971). Directeur de publication

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34419111x

Notice du catalogue : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb34419111x/date

Type : texte

Type : publication en série imprimée

Langue : français

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Description : 25 janvier 1910

Description : 1910/01/25 (Numéro 12141).

Description : Collection numérique : Grande collecte d'archives. Femmes au travail

Description : Collection numérique : La Grande Collecte

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k563498n

Source : Bibliothèque nationale de France, Gr Fol-Lc2-3850

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 15/04/2008

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ET LA SEINE MONTE TOUJOURS F.

Paris de plus en plus menacé NON MOINS CRITIQUE EST LA SITUATION EN BANLIEUE

En haut, à gauche Un déménagement à Auteuil; à droite Le tramway Louvre-Versailles longeant le quai à Passy. Au centre Un sauvetage à l'Ile Saint-Pierre, sur le territoire d'Alfortville.

En bas, à gauche Les effets de la crue à Bercy à droite Les voies du P.-L.-M. inondées, à Alfortville.

Solidarité nationale 1

La Chambre a adopté, hier, à l'unani- mité de 588 votants, le crédit de deux

millions que te gouvernement lui aemanaau pour les premiers secours aux inondés. Et il n'y a point lieu d'insister sur ce point il ne s'agit que d'une première dotation qui permettra de parer au plus pressé.

C'est un véritable désastre public que les inondations étendent sur la France. Les ravages sont incalculables et nul ne peut dire encore quelles en seront les limites.

Il faudrait remonter loin dans l'histoire pour retrouver une pareille menace des eaux, une égale dévastation, un débordement aussi généralisé des rivières et des fleuves. Les scènes navrantes abondent des milliers d'êtres humaines sont en proie à la terreur, se demandent avec angoisse jusqu'où la crue s'élèvera ce matin, quels périls nouveaux elle apportera ce soir. En face de ce déchaînement de la nature, éclatent la faiblesse de nos imprévisions et l'insuffisance de nos moyens de lutte. Mais il appartient à tous les citoyens de venir en aide, dans la mesure de leurs forces, à ceux qui furent éprouvés, qui durent s'enfuir précipitamment devant les tlots grandissants. Les pouvoirs publics ont fait, hier, leur devoir en ouvrant un premier crédit de deux millions, qui sera à coup sur insuffisant la solidarité nationale, la fraternité civique, qui ont déjà commencé à s'exercer, qui se sont manifestées dans les deux derniers jours par tant de dévouements, sauront mesurer teurs sacritices sur la granddeur même du désastre.

On craint pour aujourd'hui une hausse d'un mètre

\ous disions hier que la crue de la Seine devenait terrifrante aujourd'hui, elle revêt un aspect elfroyabiernent tragique, et les autorilés sont impuissantes à conjurer l'immense désastre qui menace ia banlieue de Paris. Partout, des existences humaines sont en péril, et le flot, qui monte sans cesse, est tellement impétueux que les sauveteurs sont impuissants à porter secours aux inondés.

De mémoire d'homme, on n'avait vu un pdreil déchaînement de l'élément liquide. Au sud comme au nord, à l'est comme à l'ouest, la nappe d'eau monte et s'étend, ehgloutissant les constructions basses et déracinant les arbres- La plupart des routes sont coupées des ponts, sous la poussée violente des eaux, sont en passe d'être emportés lea voies ferrées des grandes lignes

sont submergées sur certains points, et l'on doit emprunter des voies détournées pour acheminer les grands express vers leur destination.

Les tramways suburbains ont cessé leur service, les distributions de lettres se font ave: les plus grandes difficultés, et l'interruption des communications téléphoniques rend plus lamentable encore, plus douloureux, l'isolement des sinistrés.

A ce spectacle de désolation il faut joindre la menace de la famine. En effet, dans beaucoup de localités, il devient impossible de ravitailler les habitants, réfugiés aux étages supérieurs de leurs maisons et, d'autre part, les fours des boulangers étant inondés, le pain commence à se faire rare.

Toutes les autorités déploient une énergie surhumaine pour tâcher d'apporter quelque adoucissement ta situation lamentable des sinistrés. Dans les localités les plus menacées, la troupe se fait l'auxiliaire infatigable des gendarmes et de la police de plusieurs endroits, les pompiers de Paris ont été demandés pour concourir aux opérations de sauvetage.

Personne ne saurait dire, à l'heure actuelle, quand cette désastreuse inondation va prendre lin. Au contraire, elle menaça, paralt-il, de s'aggraver'; si ces sinistrés prévisions se réalisaient, nous aurions à enregistrer, à Pans et dans la région parisjenne, une des plus terribles catastrophes des temps modernes

A la neige qui est tombée dans la matinée de dimanche a succédé une pluie diluvienne qui n'a pris fin qu'hier, vers une heure de la près-midi. Pendant toute la nuit, la tempête a grondé; la baisse effrayante du baromètre n'est malheureusement point faite pour ramener dans le cœur des inlortunés qui luttent pour mettre à l'abri des eaux leurs personnes et leurs biens l'espoir dans une situation meilleure.

Toute lutte humaine est impossible contre ies forces de la nature actuellement déchaînées

LA BAISSE BAROMETRIQUE

C'est sous l'influence d'une profonde dépreseion venue de l'Océan, que la pression barométrique a effectué une baisse extraordinaire, qui a atteint 30 millimétres depuis hier matin huit heures ce mouvement continue.

Cette baisse se classera parmi les plus fortes. On constate bien à Paris, chaque année, une dépression de 20 millimètres en 24 heures, mais celles qui atteignent ou dépassent 30 millimètres sont infiniment plus rares. Depuis 1760 on n en connaît qu'un exemple c'est la baissa du 23 au 2-i décembre 1821, qui fut de 32 millimètres. La quantité d'eau enregistrée varie de 8 à 10 millimètres à Paris et les averses, qui ont succédé à la neige, continuent. Elles sont chassées par un vent violent du sudouast, qui se maintient à une vitesse moyenne de 12 A 14 mètres par seconde.

LES COTES

Les prévisions du service hydrométrique se sont réalisées. On cotait hier, à dix heures du matin

Au pont noyai Au pont de la Ecluse. de Barrage de 6mG1 Pont de Mantes. 6m72 Ecluse de

4m84

de Ecluse de

Dans la journée, le fleuve n'a cessé de monter.

Les dernières cotes fournies à dix heures, hier soir, par le service de la navigation, accusaietit Pont d'Austerlitz 7 m.

Pont de la Tournelle 7 mètres;

Pont Royal 7 m. 95

Beions 7 m. 25.

Mais, chose angoissante, on prévoit pour aujourd'hui même une augmentation d'un mètre sur les niveaux d'hier.

Si les prévisions des stations météorologiques se réalisent les quartiers riverains de la capitale se trouveront eux-mêmes, malgré la défense des quais, très exposés. On craint, en outre, que le pont de VAlma, obstrué par les eaux, ne lasse barrage. C'est tout simplement terrifiant.

m. millerrndIxplore LA SEINE II fait connaître ses impressions à l'un de nos collaborateurs

\1. Millerand, ministre des Travaux publics, a voulu se rendre compte par lui-même des dégâts causés par la crue de la Seine dans la traversée de Paris. A cet effet; il a parcouru, hier après-midi, en automobile, leu quais de la rive gauche et ceux de la rive droite, du pont de Bercy au pont de Passy. A son retour au ministère des Travaux publics, il a bien voulu me faire part des impressions qu'il rapportait.

Je suis parti, me dit-il, :lu ministère vers deux heures et demie. J'ai commencé ma randonnée au pont Royal où j'ai remarqué que l'eau se déversait lentement dans le turmel de la ligne d'Orléans. Je me suis rendu au pont Saint-Michel où l'eau boueuse du fleuve s'engouffrait avec plus de fracas qu'au pont Royal dans le même soulerrain. A Austerlitz, la situation est assez grave. J'ai constaté que, sur la même ligne, qui, à cet endroit, se trouve à ciel ouvert, on parvenait difficilement à épuiser, avec des pompes, les eaux d'infiltration.

Au pont de Bercy, le spectacle est lamentable l'eau a débordé de tous cotés, inondant les rues et les maisons rjver^Mnes.

Dans un bachot, je suis remonté jusqu'à la rue Villat. La situation est grave. Toute- fois, aucun accidenl n'est à redouter. L'en- trepôt de Bercy est également inondé. Après m'être rendu compie des dégâte nombreux occasionnés dans le douzième arrondissement, qui, vous le savez, m'est par- ticutièrement cher, j'ai remonté la Seine jusqu'au port Saint-Nicolas. En raiscrn de la nouvelle hausse constatée dam l'aprèsmidi, l'eau atteignait, quand j'y arrivai, à quelque-^ centimètres près, le quai du Louvre. Les maison nettes de l'octroi étaient complètemen-t sabmergées et deux ou trois bateaux amarrés. solidement dépassaient te quai de toute leur hauteur. J'ai vu des ouvriers construire en hâta un mur a6n d'empêcher l'envahissement du quai par les eaux. Un agent de la navigation joignait ses efforts à ceux des travailleurs.

A ce propos, je tiens à vous dire combien ri faut féliciter les agents de la navigation, la troupe et les agents placés sous les ordres du préfet de police, de leur conduite. Sur tous les points, ifs étaient animés d un entrain et d'un aèle dignes d'éloges. Du qnai du Louvre, je suis allé au quai de Passy, rfomplètement inondé.

Pour arriver au pont de Passy,. ma voiture a dû traverser un étang profond de vingt centimètres.

J ai regagné ta rive gauche par te pont ctu Métropolitain et j'ai alors été me rendre compte de l'état de la ligue des Invalides et de cetûi de la ligne du Champ (le. Mars. A, lagare de la Bourdonnais, il y 'avait cinq centimètres- 'd'eau, surh. voie et Je fleuve arrivait ̃• quelques centimètres seulement du rebord du.mur en pierre de taille qui sépare la voie de la Seine. Là, on redoute de malheureuses conséquences si les eaux augmentaient encore, elles passeraient par-dessus le mur et se déverseraient dans la ligne pour aller jusqu'à la gare des Invalides. Des ouvriers, avec un entrain admirable, entassaient, sous la conduire d'ingénieurs, sacs de ciment sur sacs de ciment afin de rehausser le mur et pour parer à -l'éventualité que tout le monde redoute.

Après cette halte prolongée, j'ai regagné le ministère des Travaux publics. D'une façon générale, il n'y a pour la population habitant sur le parcours que rai visité que des ennuis il n'y a rien d'irréparable. Certes, les dégâts sont considérables des familles sont dans une situation difficile, mais nous pouvons y pourvoir. La chose la plus inquiétante est d'ignorer ce qui adviendra. Jusqu'à présent, on savait par les précédents, celui de t876, entre autres, quelles seraient l'importance et les conséquences de la crue annoncée, mais demain, qu'adviendra-t-il si, comme on l'af.firme, les eaux montent encore' Enfin, il ne faut pas sa montrer trop pessimiste, et j'ose espérer que le maximum de la crue a été atteint. Paul Grez.

BERCY SOUS L'EAU

du pont <Auster!'tz, le fleuve, pendant la nuil dernière, sorti définitivement hors des berges, a envahi, sur la gauche, les magasins généraux jusqu'au premier étage, s'est étalé à l'aise sur la droite, quai de la Rapée, dont il recouvre trottoirs et chaussée entre les rues Traversière et Villot.

UN LAC DE FEERIE

C'est un lac immense, un lac de féerie, d'où émergent deux files de réverbères allumés et des arbres. Des barques multiples vont, dans le lointain, d'une maison à l'autre, porter des provisions ou chercher les habitants désireux de sortir de chez eux. La profondeur des eaux de ce lac varie de cinquante centimètres à un mètre.

Toutes les rues perpendiculaires au quai de la Rapée, de la rue Traversière à la rue Villot, sont également envahies par les eaux. Dans chacune de ces rues on construit hâtivement des barrages, pour éviter que les flots ne gagnent la gare de Lyon. Au beau milieu de la rue Villot on a dO élever un mur en ciment, très épais. Cette précaution s'imposait, car ia chaussée de cette voie, en plan incliné, eût permis aux eaux 1'envahir tout le quartier.

Les craintes que nous formulions hier, relativement à la situation de l'entrepôt de Bercy, n'étaient Que trop fondées.

Les portes des tunnels ont été impuissantes à maintenir le flot qui s'est engouffré sur les chaussées et répandu, suivant la pente du terrain, dans les différentes parties de l'entrepôt, où les caves et les bureaux sont inondés.

Les négociants sont désolés. Pour eux, les pertes sont déjà considérables.

Le conservateur des entrepôts estimant qu'il y aurait danger pour les ouvriers à demeurer plus longtemps, les invite à se tenir prêts il évacuer les chais et magasins au premier signal.

Au quai de Bercy, le lac qui élargit le lit du tleuve s'étend sur une longueur de cinq cents mètres et recouvre trottoirs, ehaussée, fortifications.

UN QUARTIER MENACÉ

Sur l'autre rive du fleuve, du quai de la Gare, complètement envahi maintenant,. jusqu'à l'immeuble portant le numéro 63, l'eau a gagné les rues adjacentes.

Dans celle du Chevalerei, elle a noyé les rez-de-chaussée d'un pâté de maisons qui se trouvent en contre-bas. Ces maisons, qui portent les numéros 6, 8, 10, 12 et 14, ont dû être évacués hier après midi par leurs locataires. Même mesure de prudence a été prise par les habitants de la rue du Loiret. Il reste peine quelques rues, dans ce quar- tier, où la circulation puisse s'opérer normalement.

LE LONG DE QUAIS

Vu du pont d'Ansterlitz, au crépuscule, le spectacle de la crue touchait au tragique, par la silencieuse et torrentueuse violence des eaux.

Sous le ciel gris plombé, où de lourdes nuées couleur d encre et de suie roulaient cl s'effilochaient au souffle rude du vent d'hi- j ver. le grand fleuve, dont André Chénier chanta le flot royal » coulait à pleins bords, tourbillonnait, heurtait ses ponts et battait les murailles de ses quais des mille béliers de ses remous limoneux et jaunâtres. LA FOULE REGARDE.

Nombreux sont les curieux qui contemplent la furie du fleuve. Les quais sont noirs de spectateurs silencieux.

La crue défraye toutes les conversations et l'on met en circulation les bruits les plus extraordinaires et les plus faux. Paraît qu'on va faire sauter le pont de -1,'eau ne passe plus sous les arches

On dit que le tunnel du Métro va. s'é'

On,a fait sauter une maison à Bercy. Devant la rue du Haut-Pavé, cent cinquante curieux contemplent deux ouvriers qur, de plâtre et de briques, aveuglent en hâte deux bouches d'égout d'où sort un flot noir et puant. Un peu plus loin, un autre groupe regarde sourdre de l'eau, entre des pavés, le long des rails du tramway qui de ta Concorde conduit à Bonneuil. D'autres enfin accordent un immense intérêt à une pompe qui épuise l'eau dont est pleine la cave d'un marchand de vins.

Mais les curieux bientôt reviennent au tleuve, et ne quittent plus des yeux cette masse d'eau creusée de tourbillons, ridée de rernous, qui passe, silencieuse et dévastatrice, roulant des planches, des madriers, des cadavres d'animaux, des bûchers, d'innommables choses.

LA PECHE AUX BARRIQUES PLEINES Devant l'entrepôt des vins du quai SaintBernard, on retire des barriques pleines du fleuve, On a installé un va-et-vient. Des hommes, ruisselants, la gaffe au poing, accrochent des tonneaux et les ceinturent d'un cable en ahanant. Et les pesantes futailles que l'on repêche, roulées à pleins bras, sur le raidillon de la berge, vont prendre, le long du trottoir, une place que les badauds leur cèdent, de mauvaise grâce. 'On a barré l'estacade. Encore vingt centimètres de crue et l'eau paiera par-dessus le tablier. Va\ attendant, armés de crocs et de percher une demi-douzaine de mariniers s'emploient à repousser dans le «ir/raut le;; pièces de bots, les planches, les débris de toute nature- qui. sans cela, s'amoncelleraient contre la vieille passerelle et pourraient ainsi causeur sa perte.

DANS LA CITE

Nous voici dans les rues basses de la Cité envahie par les eaux.

La rue des Ursins, notamment, toute voisine de l'église Notre-Dame, a eu particulièrement à souffrir. Cette voie, émmemment pittoresque, est certainement une des plus curieuses du vieux Paris. Elle longs le quai Notre-Dame en contre-bas et sa chaussée se trouve en partie un peu au-dessous du niveau de la Seine. C'est à cela qu'elle doit de présenter aujourd'hui l'aspect d'une lagune vénitiens.

L'eau a envahi la rue par l'égout, dont la bouche s'ouvre au pied de l'escalier faisant communiquer cette voie avec le quai aux Fleurs. Toute la chaussée est noyée. La rue des Chantres, qui fait l'angle de la rue des Ursins et qui est perpendiculaire au quai, est submergée également Par endroits, l'eau s'élève jusqu'à 1 m. 10. L'hôtel des Deux-Lions, au coin de la rue des Ursins et des Chantres, est bloqué de tous côtés. Par les soins d'ouvriers du service municipal, un ponceau dut être jeté entre l'hôtel et le quai aux Fleurs, afin de permettre aux habitants de sortir de chez eux.

Au quai de la Tournelle, une grande baraque en planches installée en aval du bureau central de la.navigation et dans le prolünfiement de ce bureau a fini, hier matin, vers dix heures, par être soulevée par les flots. Deux légers câbles métalliques fixés au parapet du quai la retinrent pendant quelques heures puis les amarres se rompirent et la légère construction partit à la dérive. Cette baraque servait de bureau de port à la compagnie de navigation IlavreParis-Lyon-Marseille Elle mesurait six mètres de long, trois de large et deux mètres cinquante de haut.

AUTRES VISIONS TRAGIQUES

Au pont Saint-Michel, le spectacle n'est pas moins curieux, ni tragique. Deux grosses péniches, la Bonne-Franquette, de Thuin, et la Renommée, sont ancrées un peu en amont du pont. On a dù les éloigner, à force de crocs et de gaffes, de la muraille du quai, car le flot menaçait de les y briser.

L'eau atteint tes baies du chemin de fer et descend par petites nappes sournoises dans les galeries où naguère passaient, dans un crépitement d'étincelles bleuâtres, les locomotives électriques. Et, le tlot jaune monte toujours. C'est maintenant un torrent qui coule dans la souterrain de la ligne d'Orléans, entre la gare d'Austerlitz et la gare du quai d'Orsay.

Vers dix heures du matin, on a constaté un affaissement sur le quai des Orfèvres, en face du Palais de Justice. On a fait interrompre aussitôt la circulation sur ce point. Sur le pont Neuf, la foule est si dense que les gardiens de la paix- s'inquiètent. Les curieux veulent descendre aussi loin que ixrssible par les escaliers qui donnent accès dans les jardins du Vert-Galant. Mais le dapoteineiu menaçant des Ilots qui montent ne tarde nas à faire reculcr les plus décides.. Le pont des Arts donne des inquiétudes aux ingénieurs. Des branchages, des ron- dins. des détritus se sont logés dans les arcatures de fer et présentent à l'eau une surface de résistance telle que la poussée du fleuve a presque doublé.

LA SITUATION JUÛTEUIL ET PASSY La situation s'est encore aggravée dans le quartier d'Autenil.

Outre les rues Félicien-David et des Pâtures, les rues Teniers, Vanlop, NareisseDiaz, ainsi qu'une partie du boulevard Lxelmans, sont submerbés. Partout c'est le mê- j me spectacle navrart et devenu baual des habitants fuyant leurs demeures dans des bachots sur lesquels ils empilent les objets les plus indispensables ou les plus précieux. Du haut du pont du chemin de fer de ceinture !station du Point-du-.lour), on aperçoit tous les jardins, tous les chantiers, toutes les cours des immeubles convertis en citerLes. Le désastre prend d'heure en heure des I prnportions plus grandes, plus terrifiantes. En face du de la rue de Versuilles, vers midi, une énorme ̃ crevasse s'est produitet au milieu de la chaussée, En quelques instant, le trou s'emplissait d'eau et présen- lait l'aspect d'un puits. Un barrage dut être établi atin de prévenir tout accident. Les maisons de la rue Félicien-David, mi- nées à la base par les eaux, menacent de s'effondrer. Le préfet de police alla se rendre compte par lui-même, onze heures et demie, de cette situation critique et man- da d'urgence, sur les lieux, un détachement de sapeurs du génie qui. tout l'après-midi, s'employèrent activement à étayer, l'aide de madriers, quelques-uns des immeubles. Ces braves soldats prèlprent également leur j 1 aide à nombre d'habitants qui n'avaient pas encore terminé le déménagement des objets mobiliers contenus dans leurs logements. Ij LES APACHES S'EN MELENT Dans la nuit, un incident s'était produit dans cette rue. Des apaches, muntés en barQue, étaient venus s'offrir aux quelques per-

sorm^s ̃ cfccojpàtit encore des logements pouf « déménager » leurs effets. Les locataires eurent tôt fait de reconnaître à quel genre de déménageurs » ils avaient à faire. Ils refusèrent donc leurs offres. Mais les apa« ches ne l'entendirent pas ainsi.

Certains d'entre eux s'introduisirent dans les immeubles, et voulurent en déménager, de force, les locataires. Cet incident eut certainement mal toutmé sans l'intervention des agents accourus aux cris des habitants. L'îlot de rues submergé dont fait partie la rue Félicien-David a reçu, hier, de très nombreux visiteurs. Les dames anglaises et américaines, qui constituaient la majorité de ces cuneux déposèrent en abondance de la menue monnaie et des pièces blanche» dans un tronc en bois qu'on avait placé a l'angle de la rue et sur lequel se lisait cette inscription Pour les inondés de la rue Félicien-David ».

Le quai de Passy n'a pas été épargné non plus. Près de la passerelle, la circulation est devenue impraticable. Dès le commencement de l'après-midi, ici aussi, les écouta déversent leur trop-plein sur la chaussée. Les tramways de Versailles, qui circulèrent un moment avec de eau jusqu'aux essieux, ont dù cesser leur service sur ce point.

Du nont de Grenelle au pont de Passy, la circulation est fnrrnellement interdite aux voitures sur une longueur due 500 mètres environ toutes les maisons ont leurs caves inondées.

A six heures du soir, sur te conseil des ardkitectes de la préfecture, le commissaire de police a .incité les habitants éï plusieurs maisons à abandonner d'urgence leurs logements.

Au Point-du-Jour, le garage des bateaux parisiens a été particulièrement éprouvé. Les eaux ont envahi les ateliers. Quelques bateaux ont sombré.

Sur la berge, en face, les flots bourbeux ont rejeté le cadavre d'une jeune femme blonde que M. Bouteiller, commissaire du quartier, a fait transporter à la Morgue, sans avoir pu l'identifier.

CINQ CENTS PERSONNES SANS LOGIS

Toute la journée et toute la nuit, avec un dévouement auquel chacun rend hommage, MM. Gérente, maire Berthomet et Landrin, adjoints Evain, conseiller municipal Vertadier et Calvary, administrateur du bureau de bienfaisance, s'emploient à soulager les misères créées par la catastrophe. Ils sont secondés par l'Œuvre des soupes populaires du seizième arrondissement. Des particuliers ont fait parvenir à M. Bouteiller, commissaire de police, des sommes d'argent ou des vêtements pour être remis aux sinistrés. D'autres ont obligeamment offert des logis p iur les malheureux qui s'en trouvent privés.

Tous les sinisfrés on compte actuellement près de 140 familles, soit 500 personnes environ, sans logis passent leur jour.née dans le préau de l'école des filles de la¡ rue de Billancourt. C'est Jà qu'ifs recoiveai les secours, sous la surveillance de MM. A'ertadier et Cahvary. Le aoir, cVitftui <Uh;v 'reçoit une pièce de 3 'francs <,N>ur payer sa chambre d'hôtel.

Dans la journée d'hier, ies commerçants et quelques rentiers ont constitué un comité de secours privé. Ce comité commencera dès aujourd'hui à aoulager les misères. M. Noriol, commissaire divisionnaire, de* meure en permanence dans le quartier pour diriger les- divers services d'ordre.

A JAVEL

Un peu après midi, l'eau s'est mise à jaillir tout à coup. au milieu de la chaussée da la rue Leblanc, dans le ir>« arrondissement. Sous la poussée de la masse liquide souterraine, deux regards d'égout avaient cédé* En quelques instants la voie se trouva transformée en un véritable cana!. Les habitants, au nombre de deux cents environ, se trouvent bloqués chez eux et dans l'impossibilité d'en sortir autrement qu'à l'aide de bateaux%u de radeaux.

Les eaux ont égalernent envahi le quai da Javel, l'avenue Emile-Zola, les rues des Cévennes et de Lourmel.

Le service de sauvetage est organisé par, M. Bordes, commissaire du quartier.

« DESASTRE DALF0R7 VILLE Où les effets de la crue sont les plus désolants c'esl, sans conteste, à Alfortville. Les trois quarts de la localité sont inondés,, en bas par la Marne, en haut par ia Seine» car Alfortville forme le sommet de l'angle 1 dont ces deux neuves lonnent les côtés. Les six cents maisons du quartier de l'Ile-1Saint-Pierre sont baignées par la Seine jusqu';i la hauteur du deuxième étage. Les habiutfittj ont dù fuir en toute hâte La mairie est assiégée par une foule de gens qui viennent demander des vivres et un local pour 1 coucher.

Des prolonges des et 13° d'artilerie, de Vincennes, en permanence sur la place,], sont réquisitionnées chaque instant pour chercher les personne-! que le Ilot montant chasse hors de leur.? demeures.

Plus de quatre mille personnes ont pris If1s trains se dirigeant sur Paris, abandon.nant tout leur mobilier.

Une scène dramatique s'est déroulée. hier, à l'Ile Saint-Pierre.

Les dix-neuf habitants de quatre maisons s'étaient obstinés, malgré les avis de la municipalité, il ne pas vouloir déménager. Le ilôt qui montait atteignit bientôt les .ëtages supérieurs. Les malheureux, affolés, se crurent perdus. Par les fenêtres, ils appelèrent au secours. Des soldats du .Il° de ligne et des artilleurs leur furent envoyés avec des barques Mais le courant était si rapide que, 1 malgré leurs efforts, les sauveteurs ne pu1 rent d'abord approcher.

Cependant, les sinistrés poussaient des rris déchirants. Une amarre lut enfin lour être lancée. On établit ainsi un va-et-vient_ de barque» dans lesquelles ils prirent successivement, place.

Ils ont été hospitalisés à l'ancien couvent 1 du .Sacré-Cœur, à Conflans-Charenton. Trois cents personnes ont été hospitali1 sées hier soir dans la salle des fêtes de la mairie de Charenton, où un repas leur a été servi. klies vont être logées dans le cou1 vent désaffecté du Sacré-Cœur, dé; que les fournitures de literie demandées .l l'autorité militaire seront arrivées.

La plupart des ruea en bordure de laI ne sont envahies par l'eau à la suite de l'affaissement d'une partie du quai.

Un service de bachotage a dû être organisé rue Ernest-Renan, a l'aide d'une ili/dine de barques que conduisent des. du génie. L'eau monte à vue d'ceil et pi'1 endroits elle dépasse déjà un mètre de lm.11leur. A huit heures du soir, deux cents personnes, devant un petite embarcadère de for-