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Titre : Le Petit Parisien : journal quotidien du soir

Éditeur : Le Petit Parisien (Paris)

Date d'édition : 1909-10-15

Contributeur : Roujon, Jacques (1884-1971). Directeur de publication

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34419111x

Notice du catalogue : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb34419111x/date

Type : texte

Type : publication en série imprimée

Langue : français

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Description : 15 octobre 1909

Description : 1909/10/15 (Numéro 12039).

Description : Collection numérique : Grande collecte d'archives. Femmes au travail

Description : Collection numérique : La Grande Collecte

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k5633956

Source : Bibliothèque nationale de France, Gr Fol-Lc2-3850

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 08/04/2008

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L'EXÉCUTION DE FERRER

LENDEMAIN. DE BAGARRES IiE BIMfl DE M SOIRÉE DE MERCREDI La Ville de Paris veut adopter

les petits-enfants de Ferrer

À*. L'émotion profonde, causée par l'exécution de Ferrer, a amené des manifestations et des troubles dans la rue. Il -était à prévoir que Paris ne resterait pas indifférent à la mort d'un homme jugé à huis-clos, sans les garanties judiciaires dues à tout accusé.

Ces protestations ont malheureusement perdu leur caractère par suite de l'intervention de quelques centaines d'émeutiers, comme il en existe dans toutes les grandes villes, à la recherche d'une occasion pour troubler l'ordre et commettre des attentats. L'opinion publique sera sévère pour les perturbateurs qui, se mêlant à une foule mue par des sentiments généreux, ont compromis la portée morale de la manifestation.

En tirant des coups de feu sur les gardiens de la paix, ceux dont nous parlons ont commis des tentatives de meurtre et le criminel qui a voulu tuer le préfet de police et dont la balle a frappé à mort un vaillant défenseur de l'ordre, est un assa.ssin sans excuse.

Paris comprendra que des scènes tumultueuses ne peuvent servir que les malfaiteurs et qu'à l'heure actuelle, la dignité du deuil convient seule à une population douloureusement émue par la tragédie qui s'est déroulée dans les fossés de Monjuich.

SINISTRES DÉBRIS

Le boulevard de Courcelles et ses environs présentaient, hier matin, le plus lamentable spectacle.

Pendant toute la journée d'hier un grand nombre de curieux n'ont cessé de circuler sûr les boulevards Malesherbes, de Courcelles et avenue de Villiers, pour contempler les traces laissées par les sanglantes bagarrts de la veille.

il faut dire, que, pendant la nuit des équipes de balayeurs avaient déjà enlevé une partie des débris de toutes sortes qui jonchaient le sol colonnes de réverbères, vitres brisées, morceaux de fonte, fragments carbonisés de bancs et de brouettes, etc. C'est surtout il l'angle du boulevard de Courcelles et de l'avenue de Villiers que les groupes de curieux étaient les plus denses, tien que des gardiens de la paix intervinssent à chaque instant pour faire circuler. On s'arrêtait plus particuliérement devant les trous creusés par l'arrachement des arbres ou des réverbères à gaz. On contemplait la devanture de la succursale du Comptoir d'Escompte, laquelle porte des traces de balles et des leviers employés pour tenter de la forcer. Ce dernier fait est-il utile de le dire? ne peut ètre imputé qu'A des apaches mêlés aux manifestants litiqûes et venus dans l'espoir de recueillir quelque butin.

Un chalet en bois gisait sur la chaussée un peu plus loin deux bancs descellés ;'sur la place dé Courcelles, une brouette de cantonnier ne formait plus que des débris calciC est surtout sur les réverbères que paraissaient s'être acharnés certains mnnifeslants. 11 n'ea restait pas un seul debout

dans les environs du boulevard Malesherbes, avenue de Villiers et boulevard de Courcelles, sur un parcours de 500 mètres. De l'avis du préfet de police la manifestation de mercredi a eu, d ailleurs, deux phases bien distinctes.

Tout d'abord, on vit les manifestants proprement dits, qui tenaient à montrer l'indignation que leur causait l'exécution de Ferrer. Cette première manifestation se déroulait dans le plus grand calme et ne donnait aucune inquiétude à la police, qui se contentait, comme toujours en pareil cas, de chercher à disperser les groupes trop compacts.

Puis sont arrivés, venant du métro de l'avenue de Villiers, ou de la ligne n° 2, deux ou trois cents apaches, qui se sont mis à démolir les becs de gaz, à brûler les kiosques et les arbres, à casser les soubassements en fonte des arbres pour s'en faire des projectiles. C'est alors que la manifestation a dégénéré en bagarre et qu'une dizaine de coups de revolver ont été tirés sur le préfet de police et les fonctionnaires qui l'entouraient. Les Victimes

Voici, telle qu'elle a été communiquée hier par la préfecture de police, la liste des représentants de l'autorité qui ont été blessés au cours de ces manifestations

L'agent Charles-Florent Dufresne, de la 3* compagnie de réserve gardien de la paix depuis le 25 avril 1898. Né le 9 septembre 18<3, ù Rosendaël (Nord). A fait son service militaire au régiment des sapeurs-pompiers de Paris.

Le malheureux, mort dans la nuit à l'hôpital Beaujon, laisse une veuve et deux enfants un fils de dix ans et une fille de sept ans.

L'agent Albert Guyonnard, du 18' arrondissement, soigné à l'hôpital Beaujon. Gardien de la paix depuis le 25 juillet 1905. Célibataire, il vit avec sa mère, 12, rue Doudeauville. Il est né à" Versailles, le 2 mai 1882, et a fait son service militaire au 151' régiment d'infanterie.

Les gardiens de la paix Alexandre Girard, du arrondissement Gilbert Couillard, du 8' Pierre Jandouin, du 8° Louis Rivollet, du Emile Brou, du 10' Jules Visdeloup, Joseph Latour et Joseph Penhard, du arrondissement Léon Jondelat, Lucien Moutard et Albert Tilmen, de la 3' compa.gnie de réserve, ont reçu des blessures qui les ont obligés à cesser leur service. Enfin 64 gardiens de la paix ont été contusionnés, ce qui donne comme résultat, pour les agents de la préfecture de police un mort, onze blessés et 64 contusionnés, soit 76 gardiens.

Le lieutenant Simon, du 31 escadron de la garde républicaine, a reçu A la tête des contusions, occasionnées par un projectile qui a crevé son casque. Il a, de plus, une fracture d'un os de la jambe.

Le garde Bernât, du 3' escadron, a été blessé au côté droit par une balle de revolver. Il est soigné au Val-de-Gràce. Le garde Duret du escadron a été blessé à la face par un projectile lourd. Il a été transporté à l'infirmerie de la garde républicaine

Quant à M. Lépine, il porte en haut de la joue gauche des petites brûlures faites par Le coup de revolver qui a tué l'agent Dufresne. De plus, il souffre un peu de l'œil gauche, dans lequel un grain de poudre a

M. Fallières, président de la République, et M. Briand président du Conseil, ont char- gé M. Lépine, préfet de police, de transmet- tre leurs félicitations aux gardiens de la paix, aux gardes républicains et aux agents des divers services qui, au péril de leur vie, ont concouru au rétablissement de l'ordre. Ceux qui se sont particulièrement distingués seront, ultérieurement, l'objet de récompenses dont la liste va être établie par les soins de la préfecture de police. M. Briand a également félicité le préfet de police pour son attitude courageuse. D'autre part, M. Briand a chargé M. Peycelon, chef adjoint de son cabinet, de se rendre auprès de Mme Dufresne, la veuve du malheureux agent tué, et de lui exprimer les condoléances du gouvernement. M. Peycelon est également allé, au nom du président du Conseil, prendre des nouvelles du lieutenant Simon, de la garde républicaine et du gardien de la paix Guyonnard. Bleasé de sept coups de sabre

Du côté de la foule, il y eut également un certain nombre de blessés, parmi lesquels il convient de citer M. Le Barbier, fonctionnaire à Madagascar, qui a été gravement atteint au cours d'une charge, et dont l'état ne laisse pas que d'inspirer quelques inquiétudes.

Un coup de sabre lui entama profondément le crâne. Tombé par terre, piétiné par les chevaux et ayant malgré tout voulu protéger sa tête, il eut un tendon de l'avantbras droit sectionné par un autre coup de sabre.

Outre ces deux blessures, M. Le Barbier porte à la main gauche et sur la poitrine cinq plaies également provoquées par des coups de sabres.

Dans les hôpitaux

A l'hôpital Beaujon, il ne reste qu'un blessé, l'agent Guyonnard. Celui-ci se plaint de lésions internes, mais néanmoins son état est satisfaisant.

Le docteur Balthazard, médecin légiste, s'est rendu à l'hôpital militaire du Val-deGrâce où est soigné le garde municipal Bernat, du 3* escadon. La balle qui a blessé ce soldat au côté droit n'a pas pénétré l'intérieur. Elle a été retrouvée dans sa giberne. l'AGENT TUÉ

Comment Mme Dufresne apprit que son mari était mort victime du devoir. Le malheureux gardien de la paix Dufresne habitait 3, impasse Charles-Petit, où sa femme est gardienne de la miroiterie Liger. C'est, hier matin, dès la première heure que Mme Dufresne a connu par deux collègues de son mari l'affreuse nouvelle. Tout d'abord, la pauvre femme ne comprit point, ne voulait point comprendre. La vérité lui apparaissait trop épouvantable. Que dites-vous ? mon mari est malade ? Il est blessé, peut-être gravement ? Ah.' je vous en prie, pariez, parlez t

Les deux gardiens de la paix, le visage pâle et bouleversé, se taisaient.

Il n'est pas mort ?

Alors, l'un des agents laissa tomber ces paroles

Si, madame, il est mort Ayez du courage.

A ces mots, Mme Dufresne, se laissa tomber sur le petit lit où dormaient ses enfants, Charles, un garçonnet de neuf ans et Germaine, une fillette de six ans et demi. Elle étreignit. les deux petits êtres en pleurant Mes pauvres chéris I vdtre papa. votre papa. priez pour lui

Papa est mort papa est mort s'écria le petit Charles et, caché dans le sein de sa mère, il.méla ses larmes aux siennes. Chez Mme Dufresne

Le cœur étreint d'émotion, empli d'angoisse, nous sommes allé rendre visite à la pauvre veuve.

Mme Dufresne est une petite femme blonde, mince et frêle. Son visage qu'on sent tout de douceur est convulsé, agité de trembléments nerveux et, déjà, il est marqué de cette impression profonde, douloureuse, que creusent les grands désespoirs.

Près d'elle se tiennent son beau-frère et sa belle-sœur, M. et Mme Lhomond, qui sont venus l'assister dans cette cruelle épreuve et lui apporter des consolations. Mais rien ne peut la consoler.

La pauvre femme, le dos courbé, les épaules secouées de sanglots, est tombée anéantie sur une chaise et pleure. Sa douleur est navrante et nous bouleverse.

Mon pauvre mari Mes pauvres enfants gémit-elle. Pourquoi me l'a-t-on tué ? Qu'avait-il donc fait? C'était un brave hamme, pas méchant. Il était très doux et je l'aimais. Et voilà qu'on me l'a tué. quelle horreur

Et mes pauvres petits que vont-ils devenir maintenant ? On n'a pas eu pitié de ces pauvres innocents, qui n'ont rien fait eux. Et moi, je n'ai plus qu'à mourir. Le visage douloureux de la pauvre femme est noyé de larmes. Elle fait pitié et nous gardons le silence.

L'autopsie de Dufresne,

Sur réquisition de M Magnien, juge d'instruction, M Balthazard, médecin légiste, a procédé, hier après-midi, à la morgue, à

l'autopsie du corps du malheureux gardien Dufresne.

Le praticien a établi que la blessure avait provoqué une hémorragie de deux litres et demi dans la plèvre droite et le péricarde, consécutive à une plaie du poumon droit, causée par un projectile de revolver du calibre de 6 millimètres, identique à une balle non tirée d'un pistolet automatique système Browning, de petit modèle.

Ce pistolet serait celui d'Augustin-Michel Petit, arrêté avant-hier soir, boulevard de Courcelles, dans les circonstances relatées par le Petit Parisien.

Le permis d'inhumer a été délivré, mais la date des obsèques, qui se feront vraisemblablement aux frais de la Ville, n'a pas encore été fixée.

LE LIEUTENANT SIMON

L'état du lieutenant Simon était, hier matin, aussi satisfaisant que possible. La constitution vigoureuse du jeune officier aura facilement raison de la blessure douloureuse qu'il a reçue à la cheville et de la commotion cérébrale violente qu'il a ressentie. Le lieutenant Simon, qui sort des spahis et sert dans la garde républicaine depuis une année seulement, est le type accompli de l'officier de cavalerie.

Grand, nerveux, le visage énergique, il est légèrement bronzé par le soleil d'Afri- que. Des yeux clairs, des cheveux en brosse, coupés courts, une fine moustache blonde complètent l'ensemble de cette physionomie agréable et sympathique.

Le lieutenant Simon 'a reçu la visite du colonel de la garde, des officiers supérieurs et de tous ses camarades. De nombreux té- moignages de sympathie lui sont également parvenus, dont il s'est montré très touché. l'enquétTTudiciaire

On a perquisitionné, hier, chez Manoel de La T'orre et Petit, inculpés d'homicide volontaire. Ce dernier a reconnu avoir tiré.

L'enquête judiciaire commencée dans la nuit de mercredi à jeudi a continué hier matin.

Sur commission rogatoire de M. Magnien, juge d'insiruction, M. Michaud, commissaire de police de la Plaine-Monceau, s'est rendu au domicile d'Augustin-Michel Petit, rue Hébert, à Courbevoie et de Manoel de La Torre, 47, rue Fontaine, à Paris, incul- pés de tentative d'homicide volontaire et de coups et blessures à des fonctionnaires chargés d'un service public et à des agents dans l'exercice de leurs fonctions.

Un faux inspecteur de la sûreté

Chez Augustin Petit, on a trouvé des brochures, des affiches antimilitaristes, des papiers laissant supposer qu'il s'occupait d'un petit syndicat et d'une œuvre syndicaliste le Sou du soldat.

Mais avant l'arrivée du magistrat, une première « perquisition » qui, celle-là, n'était pas ordonnée par la justice avait été faite au domicile. d'Augustin Petit. Vers minuit et demi, un taxi-auto avait amené, rue Hébert, plusieurs personnes. L'une d'entre elles s'était présentée comme inspecbeur de la sûreté et avait procédé à une fouille en règle des papiers d'Augustin Petit. Le juge d'instruction fait rechercher ce faux inspecteur de la sûreté, et les personnes qui l'accompagnaient.

Auguatin Petit, interrogé, a reconnu qu'il avait tiré un coup de revolver au cours de la manifestation, mais il a déclaré qu'il avait agi dans un moment d'énervement sans avoir l'intention de blesser personne ». Au domicile de de La Torre

Chez Manoel de La Torre, rue Fontaine, se trouvait une jeune femme, Mlle Marcelle X. âgée de vingt ans, ouvrière chez un courtier de l'avenue de l'Opéra. L'inculpé, qui avait été ramené à son domicile, lui a dit

Je te le jure, je suis innocent. C'est la fatalité qui est contre moi.

Sur ce, ils se jetèrent dans les bras l'un de l'autre.

On a saisi chez de La Torre divers journaux et brochures antimilitaristes. La perquisition finie, une scène impressionnante s'est produite.

Manoel de La Torre et sa jeune amie ne pouvaient se séparer, et c'est en la rassurant de son mieux que l'inculpé a pris con- gé d'elle.

Manoel de La Torre et sa maltresse occupaient, 47, rue Fontaine, un petit appartement composé de deux pièces et d'une ou;sine. Ils étaient très estimés dans la maison. Une voisine que nous avons pu joindre et qui avait des relations avec le couple nous a déclaré qu'elle était persuadée que Manoel de La Torre était victime d'une erreur policière.

Ce matin même, nous a dit cette personne, Mlle Marcelle X. m'assurait que son ami ne pouvait être coupable. Il n'eut jamais de revolver en sa possession. Même un jour, la femme de ménage, sachant que le couple sortait souvent pour aller au théâtre, avait conseillé M. de La Torre de se procurer .une arme défensive, le quartier

n'étant pas très sûr. Il réponàit A quoi bon N'ont d'histoires dans la rue, que ceux qui les cherchent ».

La voisine ajouta

Certes, M. de La Torre a des idées avancées,, mais je ne puis croire qu'il soit anarchiste.

Ajoutons que Manoel de La Torre a eu une vie mouvementée.

D'origine espagnole, il a séjourné successivement à Valparaiso et à Londres et réside depuis quelques années seulement à Paris. Tout en ayant gardé un léger accent espagnol, il parle très correctement le franChez un grand couturier de la place de la Madeleine où M. de La Torre s'occupait des travaux de traduction, on est également fort étonné de l'acte reproché à l'EspagnoL Nous avions surtout des rapports d'amitié avec lui, nous déclara le patron de la maison. Il venait de temps en temps ici, mais n'était pas notre employé.

C'est surtout de travaux de traduction littéraire que s'occupait M. de La Torre. Il donnait, en outre, des leçons d'espagnol, mais il n'avait pas d'emploi fixe.

Sur commission rogatoire de M Magnien, juge d'instruction, M. Legrand, sous-chef de la sûreté, a envoyé à l'administration des posters une réquisition, à l'effet de retenir et de saisir la correspondance adressée à de La Torre.

Après les perquisitions que nous mentionnons plus haut, MM. Magnien, juge d'instruction, accompagné de son gteffier et de M. Michaud, commissaire de police, s'est rendu boulevard de Gjmrcélles pour procéder à la reconstitution du meurtre de 1 agent Dufresne.

A tour de rôle, les agents cyclistes du dix huitième arrondissement, MM. Noël, Lebeau et Saury, qui arrêtèrent Petit et Manoel de La Torre, ont précisé l'endroit où se trouvaient les inculpés. Tous ont été très aifirmatifs. Ils ont vu, disent-ils, l'un et l'autre faire feu.

Intrigués, les curieux qui se trouvaient à cet endroit essayèrent de s'approcher du groupe des magistrats, mais les gardiens de paix firent circuler impitoyablement les indiscrets.

Cependant, on put percevoir quelques mots. On entendit notamment l agent Noël J'ai vu de La Torre tirer, monsieur le juge, et je me suis aussitôt précipité pour l'arr2ter.

M. Magnien en savait assez. Avec son greffier, il sauta dans une automobile et s'éloigna, laissant les curieux déçus ae ne point en avoir appris davantage.

Autres prisonniers

Outre Petit et de La Torre, d'autres individus sont restés consignés la disposition de la justice. Ce "-ont.

Quesnel (Georges-Louis), 19 ans, chaudronnier en fer, demeurant chez,son ami Georges Durupt, 16, rue Sainte-Marie. Bris de réverbère et port d'arme prohibée. Porteur d'un revolver chargé de 6 balles mâchées. Anarchiste conna.

Lichy (Lucien-André), 36 ans, se disant publiciste, 44, rue du 22-Septembre, à Béconles-Bruyères. A poussé des cris séditieux. Miro (Jean), 21 ans, garçon de restaurant, 32, rue de la Victoire. Anarchiste espagnol,. Gassel (Paul-Raymond), 17 ans, tô, rue François-Arago, à Montreuil-sous-Bois. Bris de réverbère.

Bannier (Georges), 25 ans, domestique, 24, rue Poncelet. Outrages aux agents. Martin (Emile), 41 ans, 4, cité Sainte-Thérèse, imprimeur. Port d'arme prohibée. Veckreinger (Alexandre), 35 ans, zingueur, 3, rue Baron. Cris séditieux.

Ces sept prévenus ont été renvoyés par M. Sautereau, substitut, il l'jiacience des flagrants délits d'aujourd'hui.

AUTOUR DE L'AMBASSADE

La foule devant l'hôtel. Deux manifestants jettent des bouteilles d'encre sur l'écusson espagnol et sont arrêtés.

Pendant toute la journée, la foule s'est portée en masse devant l'ambassade d'Espagne, mais l'hôtel du marquis del Muni était soigneusement gardé par un fort contingent d'agents et personne ne pouvait méme atteindre le trottoir sans montrer patte blanche.

Détail particulier: le mât de pavillon de l'ambassade était veuf de tout drapeau. Dans l'après-midi, vers trois heures et demie, les gardiens de la paix ont arrêté deux individus Paolo Giordano, vingt-deux ans, ébéniste, 1, rue du Bel-Air, et Henri Frohard, trente-quatre ans, blanchisseur, 1, rue Demours, qui, en passant devant l'ambassade, avaient jeté deux bouteilles d'encre noire contre l'écusson placé au-dessus de la porte.

L'écusson n'a pas été atteint les bouteilles' se sont brisées contre la muraille, l'une au-dessus, l'autre au-dessous de l'emblème. M. Michaud a consigné les deux individus à sa disposotion.

Le drapeau de l'église espagnole

Au cours des bagarres de mercredi soir, un groupe de manifestants avait réussi à s'emparer du drapeau espagnol, orné de l'écusson royal, qui flotte habituellement au fronton de 1 église de la mission espagnole, avenue Friedland. Par une note rendue publique la préfecture de police avait fait savoir que des poursuites seraient intentées contre les auteurs de ce larcin.

Dans la journée, l'emblème a été déposé à la préfecture de police qui s'empressa de le restituer à l'ambassade.

Dans ces conditions, aucune poursuite ne sera intentée.

L'ÉMOTION A USÔTEL DE VILLE On nous communique la note suivante Le bureau du conseil municipal, douloureusement ému de l'atteinte portée hier aux droits de la personne humaine et indigné par le défi jeté à la conscience universelle, décide à l'unanimité de ses membres de proposer au conseil municipal, dès sa première séance, le 25 octobre, que le nom de Francisco Ferrer soit donné à une rue de Paris. et que la Ville de Paris prenne d sa charge l'éducation des deux petits-enfants de Ferrer, nés et résidant dans la capitale. UNE INTERPELLATION AU SÉNAT M. Flaissières, sénateur des Bouches-duRhône, vient d'informer M. Briand, président du Conseil, qu'il l'interpellera dès la rentrée du Parlement pour lui demander quelle attitude le gouvernement français compte prendre à l'égard du gouvernement d'Alphonse XIII, roi d'Espagne, après l'exécution de Ferrer.

lA TRAGÉDIE. DE BARCELONE j

Dans le fossé RÉCIT DE TÉMOINS Cerbère, 14 octobre.

Une personne qui arrive de Barcelone me communique les détails suivants sur Vexé- cution de Ferrer, dans l'intention de préciser 1 certains points de cette exécution quon peut appeler historique. i CI Dès. la première heure, je me trouvais sur le boulevard situé au pied de la monta- j gne de Monjuich, d'où l'on distinguait la 1 forteresse. II. ne faisait pas encore jour. Des ouvriers comrnençaient à passer. Nulle part, cependant, on n'apercevait de préparatifs quelconques. J'avais seulement vu, quelques instants auparavant, quelques militaires se diriger vers Le cantonnement des troupes. A ia fin, je me' décidai monter Monjuich,. i bien qu'on m'eût affirmé que la célèbre rnontagne était occupée militairement et y qu'on ne passait pas. Aussi, grande fut ma 1 stupéfaction, quand je vis qu'il n'en était ri«îa. Je pvs donc m'avancer auprès de la, forteresse. Là, je trouvai deux autres Ctt- 1 rïeûx: ï Gn télégramme venu de Madrid avait ap- porté la nouvelle que Ferrer serait certaine. i ment fusillé à six heures. C'est ce qui expli- quai! leur présence. Le jour commençait à parattre bien que le soleil jalt encore caché par d'épais nuages, nous pûmes apercevoir. '̃'< alors quelques sentinelles disposées autour, i du fossé où ont lieu les exécutions i Ensuile, nous virrtes trois ou quatre sol- dats qui visitaient minutieusement tes che- ,i mins extérieurs de"là forteresse, fouillant ï les buissons, comme- s'ils cherchaient quel- i que chôse. Peu après, les curieux, dont le ? nombre avait augmenté, furent expulsés. par les soldats. A huit heures, on constatait j une grande animation des détachements ̃] de cavalerie vinrerst prendre position; des couples de cavaliers s'en détachaient de temps à autre. Enfin, un peloton vint se pla- cer en face du lieu de l'exécution le générat qui commandait les troupes inspecta les ̃' lieux. J'aperçus égademettt quelques agents de police. A neuf heures exactement, on entendit la l décharge du peloton d'exécution. M'étant approché de la porte du tort, je vis sortir* parmi les premiers, le capitaine Calceran, > déjenseur de Ferrer. Il me dit qu'il avait '*̃ été appelé par le condamné qui ne lui avait lait, d ailleurs, aucune confidence. Son opi- i nion sur Ferrer est que c'était un homme 1 a une. intelligence ordinaire. D après" le témoignage des personnes qui assistèrent Cexécution. Ferrer se montra très courageux et ne manifesta quelqua i émotion quen s'entretenant avec son défen- seur. Celui-ci prit congé de Ferrer quelques instants avont le supplice, afin de ne pas al- i faiblir son cotcrage devant le peloton. Fer. rer donna deux baisers à son défenseur. 1 Les dernières paroles de Ferrer furent pour 'i son Ecole moderne. Il s'écria « Soldats Vt. sez-moi bien. Vive l'Ecole moderne DEUX FRANÇAIS" FUSILLÉS? Perpignan, 44 octobre. ¡

On annonce de Cerbère qu'hier matin, deua hrançais auraient été fusillés à Mon- juieh. Il est difficile toutefois de contrôler les renseignements qui parviennent. 1 [Aucune confirmation n'est encore arrivée à Paris de cette grave nouvelle, et d'ailleurs i les dépêches d Espagne ne passent pour ain- si dire plus depuis trois jours.j LE DÉPUTÉ LERROUX MENACÉ! Cerbère. octobre.

La surveillance qu'exerce à la frontière la polire espagnole apparait de plus en plus l vexatoirse jusqu'à ce jour on se contentait de suivre ceux qui, même sans motif, sem- blaient suspects. Maintenant les douaniers espagnols vont à Cerbère inspecter les trains espagnols qui retournent à vide en Espagne. Ces pratiques produisent un déplorable eftet. On dit que si le député Lerroux rentre en Espagne, il subira le même sort que Fer- rer. On assure que la vente des jouranux fran- çais été proltibée ce matin à Barcelone; 1 ces journaux ont été saisis dès leur arrivée. UNE BOMBE A BARCEIOME Barcelone, 14 octobre.

Une bombe a été découverte dans une rue. i Elle a éclaté pendant qu'on effectuait son enlèvement.

L'explosion n'a pas fait de victime. î Aucune arrestation n'a été opérée. ̃) Le défenseur de Ferrer n'est pas poursuivi Madrid. U octobre.

Le mlnistre de l'lnlérieur dément que le défenseur de Ferrer suit l'objet de poursui- REPRÉSAILLES REDOUTÉES Hendaye, 14 octobre.

On mande de Saint-Sébastien La censure, exercée avec une extrême ri- gueur, empêche la transmission des infor- mations relatives à l'émotion produite par l'exécution de Ferrer dans toute l'Espa- gne. Seuls les renseignements officiels cir- culent. Ici l'impression générate est pessi- miste. On redoute des représailles immédia- tes. Les voyageurs venant de Bilbao parlent d'effervescence régnant dans les centres mi- niers et de la concentration des troupes; pour contenir les manifestations et répri- mer les désordres qui semblent inévitables, ON PROTÈGE LE DIRIGEABLE "ESPANA" j En raison des troubles suscités par l'exé- cution de Ferrer, le dirigeable militaire es- pagnol Espana est étroitement sureeillé dans son hangar de Beauval, près de Meaux. Le dirigeable, qui porte sur son gouver- j r.ail de direction les armes de la maison d'Espagne, devait sortir, hier matin, pour aller saluer le Président de la République à i Port-Aviation. Les nombreux curieux qui étaient venus I au parc de Beauval assister à son départ en ont été quittes pour une longue et vaine at- .| tente. Ils n'ont vu qu'un hangar bien clos.