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Titre : Le Ménestrel : journal de musique

Éditeur : Heugel (Paris)

Date d'édition : 1889-02-10

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb344939836

Notice du catalogue : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb344939836/date

Type : texte

Type : publication en série imprimée

Langue : français

Format : Nombre total de vues : 44462

Description : 10 février 1889

Description : 1889/02/10 (A55,N6)-1889/02/16.

Description : Collection numérique : Arts de la marionnette

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k5621257s

Source : Bibliothèque nationale de France, TOL Non conservé au département des périodiques

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 01/12/2010

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3019 — SS'pe MiVÉB— K0 6. PARAIT TOUS LES DIMANCHES Dimanche 10 Février 1889,

(Les Bureaux, 2 bis, rue Vivienne) (Les manuscrits doivent être adressés franco au journal, et, publiés ou non, ils ne sont pas rendus aux auteurs.)

MUSIQUE ET THÉÂTRES

HENRI HEUGEL, Directeur

Adresser FHANCO a M. HENRI HEDGEL, directeur du MÉNESTREL, 2 bis, rue Vivienne, les Manuscrits, Lettres et Bons^gstg^d^aJiajHiaBMB^^ Un an, Texte seul : 10 francs, Paris et Province. — Texte et Musique de Chant, 20 fr.; Texte et Musique de Piano, 20 fr., Paris et Province. Abonnement complet d'un an, Texte, Musique de Chant et de Piano, 30 fr., Paris et Province. — Pouf l'Étranger, les frais de poste en sru.

SOMMAIRE- TEXTE

I. Histoire de la seconde salle Favart (1« article), ALBERT SOUBIES et CHARLES MALHERBE. — II. Semaine théâtrale : la Commission supérieure des théâtres et l'Opéra, H. MORENO ; Fanfan la Tulipe, au Théâtre-Lyrique-National, et Monsieur Alphonse, au Gymnase, PAUL-ÉMILE CHEVALIER. — III. Souvenir de Rossini, S.-C. MARCHESI. — IV. Nouvelles diverses, concerts et ne'crologie.

MUSIQUE DE CHANT Nos abonnés à la musique de CHANT recevront, avec le numéro de ce jour: LA ROSE DU PRINTEMPS

nouvelle chanson dans le style ancien, de J.-B. WEKERLIN. — Suivra immédiatement: Chnjsanthème, nouvelle mélodie de LÉO DÉLIÉES, poésie de PAUL FDCHS.

PIANO

Nous publierons dimanche prochain, pour nos abonnés à la musique de PIANO : Scherzo-Caprice, de THÉODORE LACK. — Suivra immédiatement : le Retour d'Ulysse, quadrille composé par ARBAN, sur les motifs de l'opérette nouvelle de MM. RAOUL PUGNO et FABRICE CARRÉ.

HISTOIRE DE LA SECONDE SALLE FAYART

PAR

AATbert SOUBIES et Charles MALHERBE

I

L'idée d'écrire l'ouvrage dont nous commençons aujourd'hui la publication nous est venue — comme elle a dû venir à d'autres — au lendemain même de la terrible catastrophe du 25 mai 4887. La salle Favart avait été réduite en cendres. C'était bien, semblait-il, le moment de rappeler en un livre l'histoire de ce théâtre où la mort venait de faire tant de victimes, les splendeurs et les joies de ce lieu où l'incendie avait semé le deuil et la ruine. Et pourtant, un scrupule nous retint. Nous crûmes — un peu naïvement— que le monument serait plus vite reconstruit que l'ouvrage édité; -et dans ce cas, nous nous exposions à parler au passé de ce •qui aurait à peine cessé d'être le présent. Faut-il rappeler, en effet, l'émotion causée par le sinistre et les résultats qu'on ■devait attendre d'un tel mouvement d'opinion? Des souscriptions s'organisaient en vue de secourir les trop nombreuses victimes. L'administration donnait elle-même l'exemple du zèle, non seulement en créant ses fameuses commissions d'incendie, mais encore en se hâtant de faire disparaître les traces du sinistre, en faisant, par exemple, tout démolir avec un empressement qui semblait de bon augure. De toute façon on comprenait que le remède était à côté du mal, et que 1 Opéra-Comiqué tenait trop de place .dans les habitudes du.

public, pour qu'on ne s'efforçât pas de combler, au plus tôt, le vide laissé par sa disparition.

L'incendie, justement, s'était produit à une époque de l'année où les conséquences étaient le moins défavorables. Le théâtre allait fermer pour ses vacances d'été : on avait donc, sans presque rien changer aux coutumes, sans nuire aux intérêts du personnel, trois mois pour travailler. Or il n'en avait pas fallu davantage pour construire la Porte-SaintMartin, et l'ancien Opéra de la rue Le Peletier n'avait guère occupé plus longtemps les ouvriers!

Aussi bien la reconstruction ne faisait-elle question pour personne, et la reconstruction, bien entendu, sur le même emplacement. Qui donc en aurait douté? La salle Favart n'était-elle pas, sinon le berceau de l'Opéra-Comique, du moins le premier domicile où il s'était trouvé, comme on dit vulgairement, dans ses meubles. Longtemps il avait voyagé sur les champs de foire, ou séjourné à l'Hôtel de Bourgogne, dont il n'avait eu la jouissance, qu'après bien d'autres; mais en 1783, il s'était installé sur les jardins du duc de Choiseul, octroyés à certaines conditions, et alors il avait bâti une maison qui lui appartenait : de là, tout d'abord, une valeur de souvenir.

En outre, la situation offrait d'incomparables avantages. Ce quartier, qui au XVIIIe siècle pouvait passer pour excentrique, était devenu comme le coeur même de Paris, et l'on sait quels bénéfices un théâtre peut tirer de sa position centrale. Enfin, une considération d'ordre exclusivement matériel rivait en quelque sorte l'Opéra-Comique au terrain sur lequel il se dressait. La famille de Choiseul avait cédé sa propriété, à la condition qu'un théâtre y fût bâti : cette obligation constituait une servitude que le temps ne pouvait effacer. Si l'on déplaçait le théâtre, il fallait restituer le terrain, et l'État à ce jeu aurait fait un marché de dupe, car, vu le prix croissant de la valeur foncière, il aurait en réalité rendu plus qu'il n'avait reçu.

Par ces trois considérations de souvenirs, d'habitudes et d'intérêts, le chemin à suivre était tout tracé ; aussi l'opinion publique ne s'y trompa-t-elle pas. Du premier coup, elle désigna, comme devant être abattu, l'immeuble dont la disparition rendait possible une façade sur le boulevard; elle apprécia les agrandissements et les améliorations nécessaires; bref, si, poussé par ce courant favorable, un ministre se fût présenté devant la Chambre pour solliciter le crédit nécessaire, il l'aurait très probablement enlevé sans coup férir. Mais on compta vainement sur une telle initiative. Il fallut traverser la série ténébreuse des commissions et sous-commissions, rédiger ces rapports que tout le monde juge nécessaires, et que personne ne lit. Chemin faisant, il arriva, l'aventure n'est pas rare, que le ministre tomba. Lé premier de-


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LE MÉNESTREL

voir d'un successeur est de prendre le contre-pied des idées de son prédécesseur et de tout remettre en question; cette fois on n'y manqua pas; les semaines succédèrent aux semaines, et nulle décision n'intervint. Le jour où l'on eut enlevé le dernier tombereau et dressé la dernière palissade formant clôture, on peut dire que le silence se fit et que l'attention du public se tourna vers d'autres points..

Depuis quelques semaines cependant cette attention a paru se réveiller un peu. Des réunions d'habitants du quartier ont eu lieu, à l'effet de secouer l'indifférence du gouvernement. Une allocation de trente mille francs a été votée par la Chambre pour couvrir les frais d'un concours d'architectes. Mais aujourd'hui, en réalité, près de deux ans après la catastrophe, rien n'est fait encore, et, comme le soir même où le théâtre prit feu, la Mignon de M. Ambrois Thomas peut chanter

tristement :

Qui sait où nous serons demain?

Nous n'hésitons donc pas à faire taire nos scrupules, et à nous risquer à publier le présent livre. Il aura bien encore l'intérêt de l'actualité ; il en aura même un autre que nous avions moins distingué tout d'abord, et qui se dégage plus clairement, à mesure que le temps passe et que les retards se prolongent. C'est peut-être la fin d'une période d'art musical à laquelle nous assistons présentement, et cette heure, à coup sûr, mérite qu'on la note au passage.

Exilé en effet sur les bords de la Seine, changeant et de local et de direction, appelé désormais à satisfaire les goûts d'un public dont l'instruction s'est accrue, dont la naïveté disparaît de jour en jour, dont les exigences dramatiques sont plus impérieuses, dont le plaisir enfin ne se mesure plus aux seules joies de l'oreille et prétend faire appel à la raison, l'opéra-comique pourrait bien ne plus être dans l'avenir ce qu'il a été dans le passé. Déjà même, à certains indices, on reconnaît qu'il se rapproche visiblement de l'opéra, et s'éloigne de plus en plus du type primitif : la comédie musicale.

L'installation à la place du Châtelet ne semble pas de nature à ralentir ce mouvement. Sans doute cette installation est provisoire ; mais sait-on jamais ce que dans notre pays le provisoire peut durer? Dans cette salle, tout imprégnée encore des parfums de l'ancien Théâtre-Lyrique, cette transformation peut s'accuser plus nettement. De toute façon, l'évolution se sera préparée dans la salle Favart, et il en résulte un intérêt spécial pour le livre que nous entreprenons aujourd'hui. Ce n'est pas la simple histoire d'un monument c'est à la fois plus et mieux. Par une suite de circonstances curieuses à montrer, c'est l'histoire même de l'opéra-comique tout entier.

En effet, lors de sa fondation en 1840, la deuxième salle Favart vit s'épanouir ce qu'on pourrait s'appeler la seconde période de l'opéra-comique; c'était le temps de Boieldieu, d'Auber, d'Herold et d'Adam. Mais à cette époque, on se trouvait encore assez près de la période antérieure pour tenir en estime les auteurs et les oeuvres du siècle dernier ou du commencement du siècle. Cette faveur pour les choses et les gens du passé se traduisit par une sorte de réaction dans les goûts du public, et cela par deux fois vers 1845 et vers 1862. A ces deux dates les partitions de Duni, de Monsigny, de Grétry, de Dalayrac, de Catel, furent exhumées avec respect. On les remit à l'étude, et des compositeurs comme Auber, Adam, Gevaert tentèrent, en refondant l'orchestration, de leur donner une parure nouvelle, et de rendre ainsi leur grâce plus touchante, leur charme plus séduisant.

Puis, dans cette même salle Favart, une nouvelle forme artistique apparut, moins simple, plus riche d'action dramatique, plus chargée d'instrumentation, plus conforme aux exigences de la polyphonie moderne. Le Songe d'une nuit d'Été, l'Étoile du Nord, le Pardon de Ploëi-mel, Mignon, Carmen marquent les étapes de cet acheminement vers l'opéra. Tous ces ouvrages ne sont-ils pas devenus, au prix de quelques modifications, des opéras, et n'est-ce pas sous cette forme que désormais ils se jouent à l'étranger?

Enfin, il faut reconnaître que, par ses incendies, la Commune elle-même a exercé une action sur les destinées de cette scène. Les pièces, dites « de demi-caractère », et représentées avec succès au Théâtre-Lyrique ont, après sa disparition, reflué vers l'Opéra-Comique, et grossi peu à peu son réper-, toire. Dans ce nouveau cadre, la Flûte enchantée, Bornéo et /«. liette, Mireille, la Traviata, la Statue, ont été applaudis, et des oeuvres équivalentes, sinon par le mérite, du moins par les tendances, n'ont pas manqué d'être composées par les musiciens, acceptées par les directeurs, et souvent agréées par le public.

On voit donc quelle variété de points de vue comporte notre sujet et combien il dépasse les dimensions du cadre même où il semble enfermé. Il nous permet d'analyser la musique dramatique dans une de ses manifestations les plus intéressantes et les plus conformes au génie de notre race ; il nous permet de rapprocher les souvenirs du passé et les espérances de l'avenir. Par là, nous réussirons peut-être à éviter les défauts trop communs aux monographies de ce genre : la sécheresse et la monotonie.

(A suivre.)

SEMAINE THEATRALE

LA COMMISSION SUPÉRIEURE DES THÉÂTRES ET L'OPÉRA

La Commission supérieure des théâtres a dû se réunir hier samedi au ministère.des Beaux-Arts. Si nos renseignements sont exacts, — et nous avons lieu de le croire, — plusieurs questions intéressant directement l'Académie (?) nationale de musique ont dû être agitées dans cette réunion.

C'est ainsi que M. Dislère, conseiller d'État chargé de la liquidation de la caisse des retraités de l'Opéra, devait y prendre la parole et faire ses collègues juges d'un petit différend qu'il a depuis longtemps avec la direction de ce théâtre. Il s'agissait de fixer d'une façon précise le sens des mots amende et indemnité. On sait qu'aux termes du règlement de 1879, le produit de toutes les « amendes et retenues disciplinaires » doit être versé dans la caisse des pensions. Voilà qui est précis. Mais jusqu'où faut-il étendre la signification du mot amende? C'est là que l'honorable M. Dislère n'est plus d'accord avec MM. Ritt et Gailhard. Quand un artiste de l'Opéra s'en va, par exemple, chanter sans permission dans un concert de province et qu'à son retour, on lui applique la peine d'une retenue sur ses appointements, cela est-il une amende ? M. Dislère dit oui ; MM. Ritt et Gailhard disent non, et ne veulent voir là qu'une indemnité qui leur est légitimement due pour un préjudice qu'on leur a porté.

Quel préjudice, demande M. Dislère? mais celui d'avoir porté ailleurs un talent qui nous appartient, répondent les directeurs : « Il est clair que si un de nos pensionnaires se fait entendre à Carpentras, les habitants de Carpentras qui viendront à Paris n'auront plus aucune envie de venir l'entendre chez nous. » .On voit quel cas MM. Ritt et Gailhard font eux-mêmes dé leurs artistes. Quand on les a entendus une fois, on n'a aucun désir de s'y faire reprendre. L'argumentation est gracieuse pour des chanteurs dont, en d'autrescas, on ne cesse de célébrer la gloire et les mérites.

M. Dislère ne se laisse pas démonter pour si peu ; il consent à rire un instant de cette faconde toulousaine toujours si plaisante, et il reprend sérieusement : « Prenons un cas, si vous le voulez bien. Le 19 novembre 1886, MUe Richard, MM. Duc et Delmas prennent un beau jour la poudre d'escampette pour prendre part, dans l'ombre et le mystère, à un concert que donne la Société philharmonique d'Arras. C'est un complot organisé. Il est entendu qu'on gardera le silence sur cette petite escapade, que les feuilles du département se tairont et qu'à l'Opéra on n'en saura rien. Et en effet, tout se passe bien ainsi. Pendant deux mois, vous avez ignoré le concert d'Arras. Pourtant, une délation tardive vous met enfin au courant et, appliquant rigoureusement le règlement, vous retenez à M1Ie Richard la moitié d'un mois d'appointements, soit 2,500 francs, moitié d'un mois à M. Duc : 416 fr. 65 c., moitié d'un mois à M.Delmas: 208 fr. 33 c; en tout: 3,124 fr. 98 c. Il m'est impossible de voir là autre chose qu'une amende. Car vous ne me démontrerez pas que ce concert d'Arras vous ait causé un préjudice quelconque. Vous at-il fait manquer une représentation? A-t-il interrompu l'ordre devos spectacles ? Vous a-t-il mis dans l'obligation de changer vo&


LE MÉNESTREL

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affiches? Non, vous avez dormi sur vos deux oreilles pendant deux mois, sans même rien savoir. Que vous ayez eu ensuite le courage de retenir des sommes relativement fortes sur des appointements aussi maigres, cela, c'est votre afïaire. Il se peut que la discipline l'exigeât, que vous ayez dû faire un exemple, je n'en disconviens pas. Mais alors, je revendique ces 3,124 fr. 98 e. pour la Caisse des retraites. » M. Dislère réclamerait ainsi de MM. Ritt et Gailhard, pour ce cas et d'autres analogues, une somme d'environ 15,000 francs. C'est làdessus qu'a dû se prononcer hier la Commission supérieure des théâtres.

A cette même séance, la question du « matériel » est venue également sur le tapis. Le préfet de police, qui fait partie de la Commission, aura sans doute exprimé ses craintes au sujet d'un matériel souvent trop délabré qui menace ruine et pourrait bien tomber, un •soir ou l'autre, sur la tête des artistes en scène ou sur celle des habitués si nombreux de ces coulisses académiques. Qu'on ait mis MM. Ritt et Gailhard en demeure de mettre enfin un terme à cet état de choses si misérable, nous n'en serions nullement surpris.

Et de là, passant de la scène dans la salle même, le préfet de police pourrait bien également procéder à des mesures de sécurité pour les spectateurs, comme il a été fait dans les autres théâtres de Paris. Comment ! vous obligez de malheureux entrepreneurs de spectacles privés à de grosses dépenses pour mettre le public à l'abri de tout accident, vous les obligez à établir partout des passages, à construire de nouveaux escaliers, vous prenez sur le nombre de leurs places et par suite sur leurs recettes, vous les ruinez en quelque sorte, mais vous n'exigez rien de vos théâtres subventionnés, les seuls qui brûlent cependant! On continuera d'être parqué à l'Opéra d'une façon aussi incommode que dangereuse. Une seule petite sortie pour l'évacuation des fauteuils d'orchestre, un boyau étranglé pour la fuite du parterre, une sorte d'escalier dérobé pour descendre de l'amphithéâtre. Tout cela est-il sérieux, vraiment? On l'a dit bien avant nous, le théâtre le plus dangereux de Paris est assurément l'Opéra. Nous demandons donc en grâce, comme on l'a fait ailleurs, qu'on crée des voies nouvelles au milieu de l'orchestre, des sorties par les baignoires, qu'on établisse au fond de l'amphithéâtre une vaste porte donnant sur le couloir des premières loges. Nous voulons enfin qu'on se sente aussi à l'aise, aussi en sûreté à l'Académie (?) nationale de musique que dans le moindre petit bouiboui parisien. Et comme, en résumé, la grosse subvention qu'on donne a cet établissement lyrique sort de la poche des contribuables, c'est bien le moins qu'on leur assure la possibilité de n'être pas grillés et frits à l'Opéra comme goujons dans la poêle.

Nous ne croyons pas nous tromper, il nous semble que M. Loe kroy, ou l'un de ses prédécesseurs au ministère des Beaux-Arts, avait déposé sur le bureau des Chambres un projet demandant à cet effet l'ouverture d'un erédit de quatorze cent mille francs pour travaux de sécurité à exécuter à l'Opéra. Qu'est devenu ce projet? Pourquoi ne le discute-t-on pas? Attend-on la catastrophe pour prendre un parti, comme on a fait pour l'Opéra-Comique?

Et c'est surtout à l'approche de l'Exposition, quand le nombre des représentations va être augmenté, quand tous les étrangers, se joignant encore au publie ordinaire de l'Opéra, se croiront obligés de faire une station au palais Garnier, — puisqu'il est convenu que c'est là le premier établissement lyrique de France (!), — c'est avant «e moment psychologique, lorsque les chances de danger s'accroîtront avec la quantité des spectateurs, qu'il importe d'avoir accompli tous les travaux de sauvetage que nous venons d'indiquer.

Il est bien possible, enfin, qu'on ait agité hier devant la Commission supérieure des théâtres la question d'Ascanio. Car il n'est vraiment pas admissible qu'on tolère que les directeurs d'une Académie ^ussi richement dotée puissent ainsi berner des compositeurs de l'ordre de M. Saint-Saëns, au mépris des engagements signés de part et d'autre. Quoi ! Parce qu'un contralto tombe malade, parce qu'un ténor s'en va au mois de mai prochain, le sort d'un ouvrage •est compromis ; il n'y a plus moyen d'en continuer les études ! Mais quel théâtre de quatrième ordre êtes-vous donc? Où sont les doubles que vous impose le cahier des charges? Ah! je le sais bien, ils courent le cachet dans les provinces, au lieu d'être à leur poste, groupés autour du drapeau de la maison, pour en défendre l'honneur et le prestige. Si vous aviez là M. Duc, que vous avez envoyé faire les délices des Lyonnais et des Marseillais, peut-être n'en seriezvous pas réduits à cette extrémité d'avouer votre impuissance?

Faut-il croire, avec le Monde artiste, que ces complications n'ont rien pour vous déplaire, et que, n'ayant pas pris encore la moindre initiative pour la confection des décors d'Ascanio, on peut voir là comme

l'indice d'une idée préconçue de ne jamais représenter cet opéra?

Ce n'est pas improbable, avec les moeurs et les usages qu'on vous con

naît. Qu'y aurait-il d'impossible que, décidés peut-être à quitter la

partie après l'Exposition, vous n'ayez prémédité de remettre aux

calendes l'oeuvre de M. Saint-Saëns, en en laissant la charge à vos

successeurs? Tout cela, avouons-le, n'est pas de la besogne bien

propre, ni digne de la situation qu'occupent MM. Ritt et Gailhard.

Espérons que la Commission supérieure des théâtres aura su les

rappeler aux convenances et les remettre dans un chemin plus

droit.

H. MORENO.

THÉÂTRE LYRIQUE NATIONAL. — Fanfan la Tulipe, opéra-comique à grand spectacle, en trois actes et cinq tableaux, de MM. Ferrier et Prével, musique de M. Louis Varney.

Je ne chicanerai pas M. Senterre parce qu'il a monté Fanfan la Tulipe sur la scène qu'il dénomme, lui-même, le Théâtre Lyrique National ; la partition de M. Varney porte assez gentiment l'étiquette d'opéra-comique et peut, par suite, ne se point trouver trop déplacée sur un grand théâtre de musique, fût-il même le Théâtre Lyrique National. Mais, ce qui, l'autre dimanche, m'a très fortement abasourdi, c'est lorsque j'ai vu des Circassiens, arrachés au Jardin d'acclimatation, venir galoper leurs chevaux sur la scène que doivent fouler demain et Orphée et Calendal l J'applaudis l'éclectisme partout où je le rencontre ; mais il me semble, cependant, que d'un théâtre lyrique à une école d'équitation, il y a une nuance. Mais passons, oublions pour un moment le beau titre que M. Senterre a eu l'ambition de clouer à la façade de son immeuble, et jouissons du spectacle, comme si nous étions dans un simple théâtre non plus lyrique que national.

Fanfan la Tulipe, très heureusement remanié, agrandi et rajeuni par ses auteurs, — l'action se passe maintenant en 1792, — a été réentendu avec grand plaisir par la salle entière et applaudi avec frénésie par le publie haut placé. Les couplets populaires : « En avant, Fanfan la Tulipe », ceux du « Petit tambour », le duetto de Michel et Pimprenelle, le finale du deuxième acte, très franc d'allure et très entraînant, et celui à grand effet du dernier tableau ont été salués de bravos unanimes. L'interprétation est fort présentable dans son ensemble avec MUe Ghassaing, M 118 Balanqué, à qui l'on a fort justement bissé sa gentille chanson des « Gardes françaises », M 118 Bonheur, MM. Lamy, Minne et Cantin ; elle emprunte même un certain cachet artistique à la présence de M. Baiiali, qui barytonne fort agréablement et semble prendre peu à peu l'habitude des planches. Je ne serais nullement étonné si Fanfan la Tulipe amenait au théâtre du Château-d'Eau des recettes auxquelles on doit être peu habitué. Je m'aperçois que je n'ai point encore rendu hommage à la maestria des fameux Circassiens; mais pourquoi diable, sont-ee eux qui prennent d'assaut la flotte hollandaise? Où a-t-on trouvé cela ?

GYMNASE. — Monsieur Alplwnse, pièce en trois actes de M. Alexandre Dumas fils; la Chance de Françoise, comédie en un acte de M. G. de Porto-Riche.

Le théâtre du Gymnase, pris sans vert par l'interdiction de monter l'Officier bleu, vient de reprendre, un peu à l'improviste, Monsieur Alphonse, créé sur cette même scène en 1873. La comédie de M. Dumas, un mâle et brillant plaidoyer en faveur des enfants naturels que la loi ne protège pas suffisamment, a retrouvé son succès d'autrefois ; elle a même donné lieu aux mêmes critiques qu'il y a dix-huit ans et, principalement, à celle-ci, que le commandant Montaiglin est «plus beau que nature». Ceci est très possible; mais qu'on me permette de citer ici quelques lignes de la très belle préface que l'auteur écrivit pour ce même Monsieur Alphonse, quelques années après la première représentation.

« Il n'y a pas d'hommes comme Montaiglin, ai-je entendu dire aussi, à propos du dénoûment. — Tant pis s'il n'y en a pas, car il faut qu'il y en ait ; mais heureusement qu'il y en a, et la qualité de ces hommes supplée à la quantité absente. Il n'en faut qu'un sur cent, sur mille même, pour que l'exemple domine et pour que le bien et l'idéal triomphent finalement. D'ailleurs, je n'ai pas à vous montrer seulement l'homme tel qu'il est, mais aussi tel qu'il pourrait, tel qu'il devrait, tel qu'il doit être. Il y a bien des hommes comme Alphonse, qui perdent les femmes ; pourquoi n'y en aurait-il pas comme Montaiglin, qui les sauvent? »

Voilà, en quelques phrases très nettes, toute une esthétique de l'art dramatique qui n'est, certes, point pour nous déplaire, et qui, cependant, n'a pas empêché M. Dumas de mettre à la scène, et très hardiment encore, cet ignoble personnage d'Octave. Monsieur


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LE MENESTREL

Alphonse est bien joué par M. Devaux, très digne en officier de marine, et par Mme Desclauzas, très fine sous les traits de Mme Guichard. J'aurais voulu à Mllc Brindeau un peu plus de charme et une prononciation plus nette, à M. Romain plus de légèreté et à la petite Duhamel moins de savoir... mais je suis peut-être un peu trop difficile.

Comme lever de rideau, M. Koning nous a donné la Chance de Françoise, un très aimable petit acte de M. de Porto-Riche, qui fut un des bienheureux rayons de soleil que M. Antoine ait accordés à son publie. Mlle Depoix le joue très agréablement et est bien secondée par M. Achard et Mlle Sylviae.

PAUL-ÉMTLE CHEVALIER.

SOUVENIR DE ROSSINI

PAR

S.-D.-C. MARGHESI

Un journaliste italien écrivait dernièrement que Verdi se disposait à composer un opéra bouffe, et il ajoutait : « Cela sera le Barbier de Verdi ». Quelques journaux étrangers, se méprenant sur le sens de ces paroles, annoncèrent tout bonnement que l'auteur d'A'ida allait composer un nouveau Barbier de Séville. De cette manière, le sujet de Beaumarchais eût été mis en musique quatre fois, à savoir : par Paisiello, Rossini, Dall'Argine et Verdi.

En effet, en 1868, signor DaU'Argine, compositeur italien assez

médiocre, conçut, non seulement la singulière idée de composer un

nouveau Barbier après Rossini, mais encore de dédier son opéra au

Cygne de Pesaro, qui répondit à cette étrange dédicace par la lettre

suivante :

« Mon cher Maestro Dall'Argine.

» J'ai reçu votre aimable lettre du 2 août. Votre nom ne m'était pas inconnu; l'écho du magnifique succès que vous avez obtenu, il y a quelque temps, avec votre opéra i due Orsi, me l'ayant déjà fait connaître. Il m'est donc bien agréable de voir que vous nourrissez une certaine estime pour moi, puisque (malgré cet acte que vous appelez téméraire!) vous voulez bien me dédier l'ouvrage, auquel vous mettez la dernière main en ce moment.

» Ce mot de téméraire, je le trouve de trop dans votre aimable lettre. Moi, je ne me suis certainement pas cru téméraire lorsque en douze jours j'ai mis en musique le charmant sujet de Beaumarchais, après papa Paisiello. Pourquoi donc le seriez-vous, vous, qui après plus d'un demi-siècle, venez de composer encore un Barbier?

» On a repris, il y a quelques années, le Barbier de Paisiello sur une scène parisienne.- Brillant, plein de franches mélodies et d'effets scéniques, il a obtenu un succès très vif et bien mérité. Beaucoup de polémiques et de discussions ss sont élevées et durent encore, entre les admirateurs de l'ancienne musique et ceux de la musique moderne. Vous devez (moi, du moins, je vous le conseille), vous en tenir au vieux proverbe : « qu'entre deux combattants, c'est toujours le troisième qui l'emporte ». Veuillez donc croire que je vous souhaite d'être le troisième. Puisse votre nouveau Barbier réussir comme je l'espère, et assurer à son compositeur, ainsi qu'à notre patrie commune, une impérissable gloire !

» Ce sont là les souhaits que forme pour vous le vieux Pesarais, nommé

» ROSSINI.

» P.-S. Comme je l'ai déjà dit plus haut, je serais très heureux d'accepter la dédicace de votre ouvrage. Je vous prie de vouloir bien agréer d'avance mes meilleurs remerciements.

» Passy, 8 août 1868. »

» La nouvelle d'un soi-disant Barbier composé par Verdi, me rappelle le récit que Rossini me fit un soir de l'année 1853, chez lui, à Florence, à propos de la première représentation de son immortel chef-d'oeuvre. Je demandai* au grand maître quel sentiment il avait éprouvé soit après un succès, soit après un four, lors de la première d'un de ses ouvrages ; voici la réponse :

« Lorsqu'en écoutant mon opéra j'y trouvais (même s'il était reçu avec enthousiasme) des fautes ou des négligences à me reprocher, je ne pouvais jamais dormir pendant la nuit suivante ; j'étais furieux contre moi-même, inconsolable. Si, au contraire, je jugeais que mon ouvrage atteignait le degré de perfection dont j'étais capable, et que je fusse convaincu de ne pouvoir faire mieux, alors, même après le « four » le plus bruyant, je rentrais chez moi tranquillement, je me couchais et je dormais d'un sommeil paisible et profond.

» Mon Barbier fut sifflé impitoyablement le premier soir, à Rome.

Les admirateurs de Paisiello étaient furieux contre moi, jeune compositeur inconnu, qui avais eu l'audace d'utiliser le même libretto si bien mis en musique par le premier compositeur italien de ce temps. Un autre parti, le clérical, était très mal disposé contre moi parce que j'avais choisi juste pour Rome un sujet du révolutionnaire Beaumarchais. Mais personne ne savait que, des cent écus que le directeur du théâtre m'avait donnés pour payer un libretto, je ne possédais plus un centime !

» Le théâtre allait ouvrir dans trois semaines, et la saison devait commencer avec un opéra composé pour l'occasion. Je n'avais pas écrit une seule note, il ne me restais pas un sou, et l'imprésario commençait à s'inquiéter et à me menacer.

» Dans cette fatale situation, il me vint en idée de mettre en musique le Barbier. Le sujet répondait à la disposition de mon esprit en ce moment, et je pouvais en utiliser le libretto sans payer un sou à personne. Ma résolution prise, j'écrivis à Paisiello pour lui en demander la permission; sa réponse fut favorable.

» Je me mis immédiatement à l'ouvrage, et, en douze jours, mon Barbier fut composé et écrit.

» Les répétitions commencèrent, mais dès le premier jour, je rencontrais de toutes parts d'amères railleries et la plus ironique indifférence. Un seul homme, un très grand artiste, était enchanté de ma musique, et il m'aida de toutes ses forces pour faire marcher les répétitions et la mise en scène de mon opéra. Cet homme était le célèbre Manuel Garcia père, pour lequel j'avais écrit le rôle de Lindoro.

» Arriva enfin la soirée fatale de la première représentation. Jamais, dans toute ma carrière, je n'en ai passé une plus orageuse. Non seulement l'animosité du parti de mes antagonistes, mais aussi toute une série d'incidents inattendus et fort malheureux déterminèrent l'épouvantable fiaseo de mon Barbier. L'ouverture et le premier choeur furent, du commencement à la fin, couverts par les sifflets et les hurlements du public. Garcia, hors de lui pour ce qu'il considérait comme une injustice du public, fit son entrée dans un telétat de nervosité qu'en voulant, pendant la sérénade, s'accompagner 3ur la guitare, il en cassa plusieurs cordes. Cela fit de nouveau éclater les rires, les sifflets et les cris du public avec plus de violence, à tel point qu'on ne pouvait entendre ni le chanteur, ni l'orchestre. » Le pauvre don Basilio, un débutant, fut tellement abasourdi et effrayé de ce vacarme, qu'en entrant en scène, il s'embarrassa le pied dans sa longue robe et tomba la face contre terre. En se relevant, le malheureux saignait tellement du nez qu'il lui fallut quelque temps avant de pouvoir commencer à chanter.

» Le tapage étourdissant allait enfin se calmer, quand tout à coup apparut sur la scène un chat qu'on eut toutes les peines du monde à chasser. Cela mit le comble au désarroi de cette mémorable soirée. Le public était affolé et le charivari assourdissant. Le spectacle fut interrompu, et le rideau baissé.

» Mon opéra était tombé terriblement à plat ; mais moi, j'avais la conviction de n'avoir rien à me reprocher et d'avoir travaillé consciencieusement. Je déposai donc mon bâton de ehef d'orchestre et je rentrai très tranquillement chez moi, convaincu de l'injustice du publie, qui, prévenu contre mon oeuvre, n'avait pas voulu écouter une seule phrase, une seule mesure de ma musique.

» Bien différentes avaient été mes impressions après la première réprésentation de mon opéra Sigismondo, expressément composé pour le théâtre San Carlo de Naples.

» La musique de cet ouvrage était horriblement faible, le public s'était beaucoup ennuyé, et j'étais rentré chez moi désespéré de ma légèreté et de ma négligence !

» Le lendemain de la première de mon Barbier j'écrivis au direc teur du théâtre, pour le prier de me dispenser de diriger les deux autres représentations de rigueur, ce qui me fut accordé de bonne grâce (1).

» Dans l'intervalle, l'aveuglement produit par la prévention du public s'était dissipé, et dès le même soir, après la première représen tation, un parti de réaction avait commencé à se former dans les cercles publics et privés. L'un se rappelait un motif de l'ouverture, un autre fredonnait quelques mesures du premier finale, un troisième trouvait très piquante la cavatine de Figaro, et ainsi de suite. Cela suffit pour disposer la majorité des spectateurs à se tenir tranquillesà la seconde représentation et à écouter.

(1) Suivant une tradition bien logique, il est encore d'usage aujourd'hui en Italie de donner trois représentations de suite d'un nouvel opéra, qu'il soit applaudi ou non. Dans cette occasion, c'est le compositeur qui dirige l'orchestre.


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» Ce soir-là, j'étais resté seul à la maison. Je voulais me distraire, écrire, lire, faire de la musique, mais mon esprit était ailleurs. Ma montre en main je comptais les minutes, et, agité, fiévreux, j'avais chanté et joué en pensée l'ouverture et tout le premier acte de mon opéra. A ce moment, une curiosité et une impatience irrésistibles s'emparèrent de moi.Désireux de savoir comment ma musique avait été reçue à la seconde représentation, je me disposais déjà à m'habiller pour sortir, lorsqu'un vacarme endiablé dans la rue me fit courir à la fenêtre.

» Des centaines de personnes, portantdes flambeaux, se dirigeaient vers mon habitation, en criant : « Evviva Rossinil... Fuori Rossini!...» Je ne pouvais m'expliquer ce qui était arrivé, et ma perplexité frisait l'angoisse !

» Quelques instants après, mon logement était envahi par plusieurs personnes qui m'étaient parfaitement inconnues. Elles entrèrent dans ma chambre le chapeau à la main, en criant Evviva!... et, sans me laisser le temps d'ôter ma robe de chambre, de m'habiller, on m'empoigna, deux étudiants m'enlevèrent sur leurs épaules et on me conduisit en triomphe au théâtre, où l'on me déposa dans le fau teuil du chef d'orchestre, au milieu des applaudissements et des cris frénétiques de toute la salle!...

» De même que le vacarme avait été épouvantable le premier soir, de même l'enthousiasme fut sans bornes à la seconde représentation. Après chaque morceau et à la fin de chaque acte, les applaudissements et les cris d'approbation ne tarissaient pas. Le spectacle terminé, on me reconduisit à la maison en triomphe^ à la lueur des flambeaux et accompagné par des centaines de personnes qui criaient Viva Rossini!... »

Le Barbier de Rossini rencontra aussi une très forte opposition à Paris, où Paisiello était populaire. La richesse de l'instrumentation, la vivacité des mouvements et le brio mélodieux de la musique de Rossini étaient tout à fait nouveaux et incompréhensibles (comme c'est toujours le cas au commencement de chaque période d'innovation etde progrès), pour un publie accoutumé à la tranquillité et à l'expression modeste de la vieille école.

Tous les feuilletonistes de théâtre de Paris se levèrent comme un seul homme contre Rossini et son Barbier. Après la première représentation de cet opéra, qui eut lieu le 28 novembre 1819, un des écrivains les plus estimés de l'époque, Augustin Thierry, plus tard si appréeié comme historien, attaqua violemment l'ouvrage du jeune compositeur, dans la chronique théâtrale du Censeur européen, pour exalter avec enthousiasme le Barbier de Paisiello (1).

Mais la vérité ne connaît pas d'obstacles, qu'elle nous soit présentée par un poète, un peintre, un sculpteur, un musieien ou un philosophe. Force irrésistible, de même que le soleil, elle se fraye son ehemin contre tout empêchement, contre toute intrigue créés par les habitudes invétérées qu'engendrent les préventions et le parti pris, pour paraître enfin dans toute sa splendeur aux yeux de la masse impartiale des peuples, qui la saluent comme une révélation du génie humain.

Le Barbier de Rossini, cette perle du répertoire de l'opéra bouffe italien, ce charmant pendant des Noces de Figaro, de Mozart et du Mariage secret, de Cimarosa, finit par être bien vite apprécié à Paris, comme dans le monde entier.

NOUVELLES DIVERSES

ÉTRANGER

De notre correspondant de Belgique (7 février). — La première du Roi d'Ys, qui devait avoir lieu lundi dernier, est remise à ce soir, jeudi. Il sera trop tard pour vous envoyer, par correspondance, le compte rendu de cette représentation ; mais je vous l'enverrai, en quelques mots, par télégramme. La remise de cette première a eu pour cause une indisposition subite de M. Mauras, qui devait chanter le rôle de Mylio. A la répétition générale, M. Mauras a été frappé subitement d'une attaque fort grave ; on Fa aussitôt transporté chez lui, et l'on craint qu'il ne soit pas, avant quelques semaines d'ici, en état de reprendre son emploi. Le sympathique artiste était, depuis un certain temps, fort accablé déjà; mais rien ne pouvait faire prévoir cet accident inattendu et véritablement regrettable. Vous pensez bien que cela a jeté un désarroi considérable

(1) Le Barbier de Séville de Paisiello fut composé exprès pour Pétersbourg et exécuté à l'Opéra italien de cette ville en 1781. A Paris, il fut représenté pour la première fois le 22 juillet 1789. Suivant une notice publiée il y a plusieurs années par M. Viardot, ancien directeur de l'Opéra italien à Paris, de 1819 à 1842 le Barbier de Rossini fut joué deux cent soixante et une fois, et celui de Paisiello deux fois seulement !

dans la répétition générale, et qu'il eût été très difficile de se faire, ce jour-là une idée de l'effet que produira sur le public l'oeuvre de MM. Blau et Lalo. Heureusement, la direction n'a point perdu la tète. Elle a songé aussitôt au créateur du rôle de Mylio, à M. Talazac, et elle a été assez chanceuse pour obtenir que celui-ci vînt remplacer M. Mauras. Les Bruxellois ne perdront pas au change, cela est évident. — Autre remise à huitaine : celle du deuxième concert du Conservatoire. — Et, puisque la chronique nous laisse des loisirs, laissez-moi vous raconter une petite histoire assez drôle, une histoire rétrospective, à propos des concerts que la Materna est venue donner dernièrement à Bruxelles et dont je vous ai dit le succès, d'abord très enthousiaste, puis un peu refroidi. Une feuille musicale, dont le parti pris et la partialité ne sauraient être suspectés, s'est fâchée très fort contre la critique bruxelloise qui, tout entière, s'était permis de signaler le style étrange dont la Materna avait chanté l'air i'Alceste, de Gluck. Je crois bien qu'un journal de Paris s'est amusé à reproduire malicieusement cet accès de dépit de la feuille en question, qui n'a rien trouvé de mieux que de qualifier de « bourdes » l'opinion parfaitement juste et unanime de ses confrères ; mais cet accès de dépit n'a surpris personne; la feuille susdite étant exclusivement payée pour se pâmer d'admiration devant tout ce qui se fait ici en allemand ou à l'allemande, il eût été étrange de la voir être de l'avis de tous, quand cet avis était contraire aux règles de la maison auxquelles elle doit obéir. Mais ce qui est comique, c'est que les propres amis de ces rageurs et de ces dépités aient justement commis, eux, à l'occasion de ces mêmes concerts de la Materna, une « bourde » tellement colossale qu'on a été huit jours à en rire et qu'on en rit encore. Dans leurs transports, les wagnéristes de Bruxelles avaient décidé d'offrir à la Materna une médaille. Ils la firent frapper etmonter en broche, — elle était en or, — et ils allèrent la présenter solennellement à l'artiste pendant le concert, après le fameux air à'Alceste. Ils ne se sentaient pas de joie... Pensez donc ! la médaille qu'ils offraient avait été gravée par le célèbre graveur français Ghaplain ; elle représentait saint Michel terrassant le dragon, — le wagnérisme terrassant l'anti■wagnérisme !,Quel honneur et quelle gloire !... Et ils allaient partout décrivant l'oeuvre du grand graveur et la chance insigne qu'ils avaient d'offrir un tel joyau à leur cantatrice adorée... Or, savez-vous ce qu'était cette médaille?... Hélas ! quand on en lut la description, quand quelques profanes la virent, toute illusion fut dissipée... Cette médaille était purement et simplement un exemplaire du jeton de présence que l'on distribue, depuis plusieurs années, aux conseillers communaux de la ville de Bruxelles, chaque fois qu'ils assistent à une séance!... La médaille est jolie, certes, mais elle est tellement répandue, il y a tant d'amies et de sous-amies de nos magistrats municipaux qui la portent à leur corsage, qu'elle a fini par tomber dans le discrédit et que plus personne n'ose, à Bruxelles, l'exhiber ! Et voilà la rareté que les malheureux admirateurs de la Materna ont offerte à leur idole ! Pauvre Materna! Autant eût valu lui donner un sou, dans un écrin ! L. S.

— Voici la dépèche que nous envoie M. Solvayau sujet de la première représentation du lioid'Ys au théâtre delà Monnaie, de Bruxelles : « Succès modéré aux premier et deuxième actes, très grand au troisième ; aubade et duo bissés. Lalo rappelé sur la scène à la chute du rideau. Bonne interprétation. Mme Landouzy charmante Rosen ; M™ Durand-Ulbach a chanté remarquablement Margared. Talazac très applaudi ; Renaud (Karnac) et Gardoni(Leroi) bons; Rouyer, plus faible dansCorentin. Orchestre superbe. Ovations pour Dupont après l'ouverture. »

— Nouvelles théâtrales d'Allemagne. — BERLIN : L'Opéra royal vient de reprendre le Camp de Silésie, de Meyerbeer, qui fut créé sur cette même' scène il y a quarante-cinq ans et dont Scribe fit plus tard une version parisienne complètement transformée, sous le titre de l'Etoile du Nord. La reprise actuelle n'a pas été des plus heureuses, principalement sous le rapport de l'interprétation. L'ouvrage est monté avec luxe. — BRÈME : Le Chevalier Jean, de M. Joncières, a été accueilli avec la plus grande faveur à sa première représentation au théâtre municipal. — LEIPZIG : Le théâtre municipal prépare l'apparition d'un opéra nouveau de M. Heuberger intitulé Manuel Vigas. — "WIESBADEN : Un opéra patriotique en trois actes, Der Alte Dessauer, livret de P. Kûrth, musique d'Otto Neitzl, a remporté un vif succès au théâtre de la Cour.

— La Société universelle Richard Wagner compte maintenant, paraît-il, 244 succursales et plus de 6,000 membres ; la ville de Londres compte elle-même 338 sociétaires. A ce propos, une correspondance allemande d'un journal italien nous fait connaître quelques détails curieux : « Chaque pays de l'Allemagne, dit le correspondant, jusqu'au plus obscur, possède aujourd'hui son Wagnerverein, ou association d'admirateurs et partisans du grand maître. Ceci semblerait un canard germano-africain, mais la vérité est que dans „la colonie allemande de Cameroon, il vient de se former aussi un semblable "Wagnerverein. Il faut donc croire que "Wagner a conquis la popularité jusque sur le territoire colonial du continent noir. Il est vrai que l'association de Cameroon ne comprend jusqu'ici que huit adhérents, mais qui sait? peut-être réussira t-elle a faire des prosélytes parmi les nègres. Quant à moi, j'éprouve un frisson de terreur en pensant à une représentation de la Gôtterdâmmerung en compagnie de ces tribus sauvages et avec la chaleur qu'il fait en ces contrées. » Et l'écrivain italien ajoute mélancoliquement : « Pourquoi n'irions-nous pas aussi fonder une société philharmonique à Massaouah ? » La réflexion a du prix. Pour


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en revenir aux Allemands, m'est avis qu'en ce moment ils ont pourtant des opérations plus utiles à faire, dans leurs colonies africaines naissantes, que la fondation de sociétés wagnériennes. Demandez plutôt à M. de Bismarck !

Mmo Pauline Lucca est à la veille d'entreprendre une nouvelle tournée en Amérique, quarante représentations, pour lesquelles elle touchera 325 mille francs. Elle assure qu'ensuite elle quittera la carrière publique : elle aura quarante-huit ans. Il y a exactement trente ans que Mme Lucca fit son début, à Olmtitz, dans le rôle d'Elvira d'i Puritani. Avant cette première apparition, qui fut heureuse, elle était simplement choriste au théâtre de Vienne.

— Les feuilles allemandes nous apprennent que le vieux feld-maréchal de Moltke ne borne pas ses capacités à celles de l'homme de guerre ; c'est un dilettante passionné, qui joue du piano non en simple amateur, mais « en excellent musicien. » Il sait par coeur un grand nombre d'oeuvres de grands maîtres, et des plus difficiles, qu'il avait l'habitude de jouer dans une des salles du palais de l'état-major, réservée par lui à cet effet. Son grand âge ne lui permet plus aujourd'hui que rarement la fréquentation du piano, mais il est un des auditeurs les plus assidus des concerts de la cour.

— Vive la tolérance ! La police de "Wiesbaden vient d'interdire à M. R. Misels, chroniqueur théâtral du Wiesbaden Tagblatt, l'entrée du théâtre de cette ville, et cela, paraît-il, parce que cet écrivain s'était permis de ne pas trouver absolument parfaite l'administration de M. le conseiller aulique Adelon, chargé de la direction du théâtre. Aussi, quelle imprudence ! se permettre une critique, contre un fonctionnaire, en Allemagne, le pays de toutes les perfections et de toutes les vertus !

— A Stockholm, la célébration du soixantième anniversaire de la naissance du roi Oscar a donné lieu à de grandes fêtes nationales dont le théâtre et la musique ont pris leur part. Le 20 janvier, dans les appartements du prince et de la princesse héréditaires, grand concert dont voici le programme : Quatuor de Costa; Trio de la Clemenzadi Tito, de Mozart; récitatif et romance de la Fille de Grenade, opéra de M. Ivar Hallstrôm, le célèbre compositeur suédois ; récitatif et duo de Mignon, de M. Àmbroise Thomas; Ninon, de M. Paolo Tosti; Bonjour Suzon, de M. P. Lacomè;. une chanson norwégienne; enfin, le septuor de Luoia di Lammermoor, de Donizetti. Le 21, véritable jour du jubilé, l'Opéra royal, dont le directeur est M. Conrad Nordquist, donnait un spectacle de gala, composé de la Vierge captive dans • la montagne, opéra de M. Ivar Hallstrôm, et d'une pièce de circonstance en un acte, avec chants et danses, dont la musique avait été écrite par M. Henneberg, second chef de l'orchestre. Ce petit ouvrage n'est pas le seul produit artistique dû aux fêtes du jubilé, car on.a publié à cette occasion quantité de compositions musicales : hymnes, marches, choeurs, morceaux de danse, etc. . ••

— On va monter à Saint-Pétersbouig un ballet nouveau, la Belle Endormie, tiré d'un conte populaire par M. "Wsevologsky, et dont la musique a été écrite par M. Tschaïkowsky.

— L'Orphée de Gluck est décidément un immense succès au Costanzi, de Rome, où la vingtième représentation est déjà dépassée. Ce succès est tel que M. Sonzogno, vivement encouragé par un résultat si brillant, se promet de monter l'année prochaine un autre ouvrage du vieux maître, soit Armide, soit Iphigénie en Tauride. Il songe aussi à remettre à la scène Fernand Cortez. A propos d'Orphée un incident s'est produit à l'une des dernières représentations, où la lumière électrique s'est éteinte tout d'un coup, laissant la salle dans la plus complète obscurité. On dut avoir recours au gaz.

— La Société Cristoforo Colombo, de Gênes, s'est donné récemment le luxe d'un ballet inédit, Drackenfcls, dont la musique, très applaudie comme le ballet lui-même, a été écrite par un musicien trévisan, le maestro Renzo Masutto.

— Sous la direction du compositeur Giorgio Miceli, il vient de se fonder à Palerme une société de quatuors dont les séances commenceront prochainement, et dont lé secrétaire est M. Emphorion, critique musical du Giornale de Sicitia.

— Les commissions ne suffisaient pas, s'écrie le Trovatore; voici maintenant que les préfets s'immiscent dans les affaires de théâtre ! Le spectacle ne plaisant pas au préfet de Padoue, qui assistait à la représentation de la Forza del destino, ce fonctionnaire a mis son veto à la représentation.

A Bassano (Vénétie), où l'on forme en ce moment une société philharmonique en faveur de laquelle le municipe a voté une subvention annuelle de 500 francs, il est question de fonder aussi une école de musique dont le directeur recevra un traitement de 150 francs par mois.

— A Bologne, en présence des représentants du gouvernement, du municipe, de la province, de l'Académie philharmonique, de l'archevêque et enfin de la fabrique de l'église de San-Francesco, on a inauguré une pierre portant une inscription commémorative en l'honneur du célèbre Père Martini, l'un des plus grands maîtres de la musique religieuse, dont le corps repose dans cette église. Le comte Malvezzi a prononcé une allocution de circonstance.

— L'Académie de l'Institut royal de musique de Florence ouvre un concours pour la composition d'un Offertoire pour la Messe des morts : Domine Jesu Christe, etc., comprenant un choeur à quatre parties réelles (soprani, contralti, ténors et basses), avec accompagnement d'orchestre. Le prix est de 300 lires. Les concurrents doivent être Italiens ou, au moins, avoir fait leurs études musicales en Italie.

— L'enthousiasme musical chez les Grecs. A Corfou,la •prima donna Con- \ cetta Bevilacqua vient d'être l'objet d'une manifestation admirative d'un caractère particulier. Un journal s'étant permis de publier sur la cantatrice un article hostile à son talent, le public s'est livré, en plein théâtre,

à un autodafé du numéro considéré comme injurieux.

— Le directeur du Théâtre-Italien de Londres vient de conclure ses engagements peur la saison prochaine. Au tableau de la troupe nous voyons figurer une élève de M. Giuliani, Mlle Litta, engagée pour trois saisons consécutives, MM. Jean et Edouard de Reszké, M. Lassalle, ' M. Talazac et un ténor de province, M. Montariol.

PARIS ET DÉPARTEMENTS f

Fragment, emprunté à un de nos grands confrères, du compte rendu ; de la séance tenue lundi dernier par la Chambre des députés : — L'ordre i du jour appelle la discussion du crédit extraordinaire de 30,000 francs au ; ministère de l'Instruction publique, sur l'exercice 1888, destiné à couvrir ■ les frais d'un concours pour la reconstruction du théâtre national de l'Opéra-Comique. M. de la Ferronnays a la parole. Il est opposé à la : construction d'une nouvelle salle. C'est déjà trop, selon lui, que de sub- : ventionner l'Opéra-Comique et trois autres théâtres. A quoi bon, dit-il, un concours qui n'est qu'un leurre. L'architecte est connu d'avance, et on ne laisse que quinze jours aux concurrents pour déposer leurs plans. M. Steenackers, rapporteur, répond que la commission et le gouvernement sont d'accord pour demander l'établissement d'un concours, qui durera trois mois et non quinze jours, comme l'a dit M. de la Ferronnays. ] M. de la Ferronnays, obstiné, soutient que les concurrents n'auront que ; quinze jours pour établir leur projet et leurs propositions de cahier des charges; dans ces conditions, le concours sera purement fictif. La Chambre ■ décide qu'elle, passe à la discussion de l'article unique. » A la majorité ; de 240 voix, contre 156, le projet est adopté et-M. de la Ferronnays n'est : pas content. Cet homme assurément n'aime pas la musique.

— M. Pierre Legrand, ministre du commerce, vient d'adresser au prési- ; dent de la République son rapport sur l'Exposition universelle. Dans ce ! rapport, nous trouvons les renseignements suivants sur l'organisation des auditions musicales. Deux concours de composition musicale ont été. ouverts : le premier comporte la composition d'une oeuvre lyrique avec soli, choeurs et orchestre, et le second une «marche solennelle » pour musique militaire. L'auteur des paroles du premier de ces concours a déjà été désigné : c'est M. Gabriel Vicaire. A côté de cela, il y aura à l'Exposition cinq grands concerts organisés dans la salle du Trocadéro par les cinq grands orchestres de Paris : ceux du Conservatoire, du Châtelet, de M. La-1 moureux, de l'Opéra et de l'Opéra-Comique. Il y aura, en outre, des con- . cours internationaux de fanfares, d'harmonies et d'orphéons, des auditions d'orchestres étrangers, deux concours internationaux de musiques municipales, d'harmonies et de musiques militaires ; enfin, des séances d'orgue . données par les virtuoses les plus célèbres, sur le grand orgue du Tro- j cadéro. . . *

— La première section de la commission des auditions musicales s'est • constituée en jury pour examiner les partitions des compositeurs qui ont ; pris part au concours de la Cantate, dont nous avons annoncé l'ouverture il y a quelques mois. La première séance a eu lieu samedi dernier. Le ju- \ gementne sera sans doute pas rendu avant le mois de mars.

— L'administration de l'Assistance publique vient de faire connaître c les recettes des théâtres de Paris pour l'année 1888. Le total a été de ' 23,007,074 francs, contre 22,062,440 en 1887, année dont la faiblesse doit ; être attribuée à la catastrophe de l'Opéra-Comique. De 29,068,592 francs en '■ 1882, les recettes étaient descendues à 25,074,458 en 1886. La décroissance ' de la prospérité parisienne est tout entière dans ces chiffres. Cependant, les recettes des théâtres sont encore supérieures à ce qu'elles étaient sous l'Empire, soit, en 1869, 15,198,000 francs. Elles augmentèrent eusuite pro- , gressivement, pour atteindre, en 1876, 21,663,662 francs. Le sommet de la .- courbe coïncide avec l'année 1878, où, à l'occasion de l'Exposition, les recettes s'élevèrent à 30,657,499 francs, contre 21,983,867 en 1867 et 13,828,123 en 4855, années d'Exposition. Si la proportion continue, en 1889 les-re- ; cettes des théâtres parisiens devraient s'approcher de 40 millions.

— En élevant à Paris une statue à Jean-Jacques Rousseau, l'on n'a pas , eu l'intention, sans doute, de faire honneur spécialement au musicien; : mais la musique n'en a pas moins tenu sa place à l'inauguration qui a eu lieu dimanche 3 février au Panthéon. A la cérémonie du jour, la société ^ chorale Galin-Paris-Chevé a fait entendre l'Hymne à J.-J. Rousseau de Gossec, composé pour la translation des cendres du philosophe au Panthéon peu- ; dant la Révolution, un Hymne à la Liberté du même auteur, et un choeur extrait de la première version du Devin du village. Enfin, le soir a eu lieu un concert consacré à l'audition d'oeuvres de Jean-Jacques, et organisé par M. Julien Tiersot : non sans peine d'ailleurs, les directeurs de l'Opéra ayant refusé leur autorisation aux chanteurs de leur établissement pour l'exé-


LE MENESTREL

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cution d'une oeuvre restée pendant trois quarts de siècle à son répertoire; ce gui, du reste, n'a rien pour nous étonner, dès que ces estimables messieurs n'avaient aucun bénéfice à espérer. Mais grâce à M. Cornubert, de I l'Opéra-Comique, à Mme Galliné et à deux excellents élèves du Conserva? ' toire MUe Paulin et M. Combes, ainsi qu'au harpiste M. Boussagol, l'on a pu ' entendre les principaux morceaux du Devin du village : « J'ai perdu tout mon bonheur; — L'Amour croît s'il s'inquiète; —Dans ma cabane obscure;

L'Art à l'amour est favorable, » toute la scène avec le duo de Colin et

Colette, ainsi que le choeur déjà exécuté au Panthéon ; enfin, plusieurs romances tirées du recueil des Consolations des misères de ma vie : « Je l'ai planté, ï je l'ai vu naître; — Que le jour me dure; » la Romance d'Alexis, et deux airs "i composés sur paroles italiennes par l'auteur delà Lettre sur la musique fran| çaise, lequel, ayant écrit que « les Français n'ont pas de musique, ne peuI vent pas en avoir, et que s'ils en avaient jamais ce serait très malheureux, » I a voulu prêcher d'exemple en composant sur la langue de ses rêves. Sa démonstration a-t-elle été probante? Cela n'est pas très sûr. Enfin, depuis le jour où, à l'Opéra, en pleine effervescence romantique, un irrespectueux spectateur jeta aux pieds de Colette une énorme perruque, ce qui détermina le retrait définitif du Devin du village du répertoire, l'on n'avait évidemment pas entendu à Paris autant de musique de Jean-Jacques en une seule soirée ; et les auditeurs de 1889 ont paru la goûter beaucoup, car l'audition a obtenu un incontestable succès : nous signalerons surtout la S Romance d'Alexis, bergerie dans le goût du XVine siècle (un "Watteau en •■ musique), qui, accompagnée par la harpe de M. Boussagol et très finement chantée par Mlle Paulin, a été bissée d'une voix unanime. Une seconde audition du même programme aura probablement lieu prochainement.

— On annonce pour mercredi prochain la première représentation de la Cigale madrilène à l'Opéra-Comique.

Mlle Auguez a résilié à l'amiable son engagement avec le théâtre des Nouveautés, l'allure du rôle qu'on lui destinait dans une prochaine opérette ne lui ayant pas convenu. Est-ce un retour vers l'Opéra-Comique ? Espé.

Espé. pour l'artiste et pour M. Paravey.

!— Le mariage de M. Aristide Gandrey, administrateur de l'OpéraComique, avec MUe Bernerette Réty, fille de notre confrère du Figaro (Gh. Darcours), qui devait avoir lieu le 20 décembre ld88 et qui a été '■ retardé à cause d'un deuil de famille, sera célébré le lundi 11 février, à midi précis, à l'église Saint-Vincent-de-Paul.

— M. Sellier, cette fois complètement rétabli, pourra fort bien chanter cette année, sans que sa santé ait à s'en ressentir. Il est reparti pour Marseille et s'est mis à la disposition de MM. Stoumon et Calabrési. Tout d'abord, cet artiste se produira dans un grand concert de charité organisé par la presse marseillaise. Il chantera l'air à.'Aida et la grande scène deSigurd. Puis, il créera au Grand-Théâtre le principal rôle de ce dernier ouvrage:

— L'Eden a effectué sa réouverture, sous la direction nouvelle de M. Renard. Transformation complète. C'est maintenant une sorte de grand Casino, de Kermesse bruyante avec des divertissements et des jeux de

. toutes espèces dans tous les coins. Ici des « petits chevaux, » des bil' lards, des tourniquets, plus loin des chevaux de bois, des physiciens, des marionnettes, la belle Féridjé, des massacres, des ballets, des vëlocipédistes, des acrobates, etc., etc. On voit quelle diversité d'attractions; d'où une / animation et une gaîté constantes. Au milieu un orchestre planté avec .c M. Fock, l'excellent second de M. Colonne, pour conduire des ouvertures et des morceaux symphoniques. Dans les entr'actes, Fahrbach, le charmant kapellmeister de Vienne, monte au pupitre et conduit ses plus charmantes fantaisies viennoises. Berlioz a dit quelque part « qu'il y avait plus de musique dans une valse de Johann Strauss que dans bien des grands opéras prétentieux. » On peut en dire autant de certaines polkas de Fahrbach, dont les rythmes sont toujours si variés et l'instrumentation si fine. On a donc faii un vif succès au jeune maestro, et dès le premier soir on lui a bissé deux morceaux,une marche hongroise intitulée Szêcliényi.hien caractéristique d'allure et de mélodie, et une polka ravissante, Joyeux Carillon, qui sera la coqueluche des bals de cet hiver. A signaler encore une fort belle valse, la Jeune Vienne (première audition), et une mazurka, Preciosa, déjà populaire dans les deux mondes. N'en voilà-t-il pas plus qu'il ne faut pour expliquer la foule qui se presse tous les soirs à l'Eden?

— Dans le programme des spectacles de la présente quinzaine au Théâtre d'application, nous trouvons deux oeuvres dans lesquelles la musique a sa part : Sapho, un acte de M.# Armand Silvestre, musique de M. Vidal; et le Baiser, de M. Théodore de Banville, avec musique du même M. Vidal.

— La Société des compositeurs de musique vient de décerner le prix Lamy à M. René de Boisdeffre, pour sa scène lyrique les Lendemains de la vie, écrite sur un poème de M. Ed. Guinand.

CONCERTS ET SOIRÉES

Dimanche dernier, au Châtelet, concert aussi intéressant que varié : après l'ouverture fort connue de Phèdre, de M. Massenet, M. Colonne a fait entendre la symphonie en lamineur de M. Saint-Saëns. Si nos souvenirs |V ne sont pas infidèles, les concerts du Châtelet, il y a déjà bien des années, avaient donné une première audition de cette oeuvre remarquable, et notre impression avait été excellente. Nous avons éprouvé un grand charme à

entendre l'oeuvre de M. Saint-Saëns. Parmi nos artistes contemporains, M. Saint-Saëns paraît être celui qui, des grands maîtres classiques, a fait l'étude la plus profonde; on trouve les traces de cette forte éducation dans un grand nombre de ses oeuvres les plus remarquables, Samson et Dalila, le Déluge, son grand septuor avec trompette, et surtout ses symphonies. Cette éducation-là est la vraie, et M. Saint-Saëns est assuré de nous donner encore de belles oeuvres s'il sait y rester fidèle. Le public a fait à la symphonie un accueil enthousiaste.— Grand succès également pour le concerto de Bach, pour piano, flûte et violon, admirablement dit par MM. Diémer, Cantié et Rémy. J'ai entendu autour de moi, accuser les exécutants de froideur. Le concerto en question, tout en étant une oeuvre charmante, ne comporte pas de grands élans. C'est par le rythme surtout qu'il produit son effet: une exagération de passion y serait déplacée. — Le duo de Béatrice et Bénédict de Berlioz, bien dit par Mllcs de Lafertrille et Lavigne, n'a produit qu'un effet restreint. Berlioz a voulu être poétique et simple dans cette oeuvre un peu surfaite, et il' n'a qu'à moitié réussi. Après l'ouverture du Tannhâuser, dont on commence un peu à se lasser, malgré ses incontestables mérites, et les Murmures de la forêt, qui n'ont réussi qu'à agacer les nerfs du public, nous avons eu une exécution des plus remarquables du septuor de Beethoven dit par tous les instruments à cordes. Là, il n'y avait plus qu'à admirer. Des oeuvres pareilles sont la perfection même, tout a été dit sur elles et l'admiration qu'elles suscitent ne cesserait que le jour où, par les effets d'une longue décadence, nous serions retombés aux derniers degrés de l'animalité. Heureusement que nous avons encore bien des étapes à franchir avant d'en arriver là! H. BARBEDETTE.

CONCERTS LAMOUREUX.— La brillante ouverture de Phèdre, de M. Massenet, a été bien rendue et fort applaudie. — La symphonie n° 3 de Schumann fut écrite entre le 2 novembre et le 9 décembre 1850; elle devrait porter le n° 4- si l'on tenait compte de l'époque de sa composition. Son nom de Symplwnie rhénane lui vient de ce qu'elle fut inspirée par la vue de la cathédrale de Cologne. On sait que les rives du Rhin ont vu naître un nombre incalculable de légendes auxquelles l'imagination populaire a donné une forme musicale. Schumann a, dit-on, introduit dans son oeuvre mille réminiscences de ces naïves mélodies. Sa symphonie conserve pourtant un caractère absolument grandiose et imposant. Le premier morceau est d'un élan superbe, et aussi entraînant par son rythme que par l'éclat de sa mélodie. Le scherzo est d'une forme mélodique simple et d'un mouvement lent. L'andante est court et très agréable. Le quatrième morceau, « dans le caractère d'un accompagnement pour une cérémonie solennelle », est celui qui frappe le plus par sa grandeur et son étrangeté. La mesure se transforme de C à 3/2 et à 4/2, etle morceau, écrit dans le style delamusique d'orgue, s'achève sur de larges accords qui peuvent, si l'on veut, exprimer l'admiration. Le finale est plein d'entrain et d'un grand attrait mélodique. — M. Vergnet s'est fait applaudir dans l'air du Freischutz et dans l'Invocation à la nature de la Damnation de Faust. Il a rendu avec talent ces deux morceaux, dont l'exécution, non préparée par ce qui les précède, ne saurait être absolument parfaite. — Grand succès pour le scherzo du Songe d'une nuit d'été et pour le beau prélude du Déluge, de M. Saint-Saëns, dont la facture sévère du début rend si séduisant le solo de violon. On a fait aussi bon accueil à l'ouverture du Vaisseau-fantôme et à quatre fragments des Maîtres Chanteurs.

AMÉDÉE BOUTAREL.

— Programme des concerts d'aujourd'hui dimanche (le Conservatoire fait relâche) :

Théâtre du Châtelet, concert Colonne : ouverture de Dimilri Donskoï (Rubinstein) ; symphonie pastorale (Beethoven) ; deux mélodies pour instruments à cordes (Ed. Grieg) ; fragments de la deuxième symphonie (C. SaintSaëns) ; Concerto pour hautbois (Grandval), exécuté par M. Georges Gillet ; . Septuor (Beethoven) ; les Pêcheuses de Procida (J. Raff).

. Cirque d'Été, concert Lamoureux : ouverture de RuyBlas (Mendelssohn) ; fragments de Wallenstein (Vincent d'Indy) ; concerto en soZpour piano (Beethoven), exécuté par Mme Bordes-Pène ; première suite d'orchestre, de l'Arlésienne (G. Bizet) ; Chevauchée de la Valkyrie (R. "Wagner); marche de Tann,-hauser (R. "Wagner).

— Lajp-remièrê partie du-dernier concert de la Société Nationale a été tout particulièrement intéressante. Elle a commencé par le 2e quatuor de M. G. Fauré; puis sont venues deux mélodies de M. Debussy, d'un sentiment artistique très fin, très recherché ; une nouvelle mélodie de M. Fauré, Au cimetière, sur des vers de Jean Richepin, véritablement admirable : sentiment élevé, très pénétrant, forme d'une très grande pureté en même temps que d'une parfaite précision, enfin, une page de tout point accomplie, un des chefs-d'oeuvre du genre. Une autre mélodie, peu gaie, de M. Ernest Chausson, a été suivie à son tour de la musique de la Tempête du même auteur, composée pour les représentations des marionnettes dont nous avons rendu compte récemment : si les parties vocales perdaient un peu de leur relief hors du théâtre (sauf pourtant le dernier chant d'Ariel), en revanche les parties instrumentales ressortaient beaucoup mieux : plusieurs des airs de danse sont excellents. M. Paul P'ournier a exécuté avec un talent de premier ordre des pièces de piano de sa composition; il a obtenu un véritable succès de pianiste. Succès aussi pour MUe Th. Guyon, dans les chants d'Ariel, et pour deux autres chanteurs, qui, se cachant sous le voile de l'anonyme, ont exécuté les parties qui leur étaient confiées avec un sens artistique parfait. J. T.


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LElffiENËSTRËL

— Nous avons assisté, dimanche dernier, à l'audition fort intéressante des élèves de M. André "Wormser. Toutes ces jeunes filles se distinguent surtout parun aplomb musical qu'on trouve bien rarement à un pareil degré chez des élèves ; elles jouent toutes en musiciennes. Respectant les initiales mystérieuses du programme, nous n'en nommerons aucune particulièrement, d'autant qu'il convient de les confondre toutes dans un même éloge. C'est un résultat véritablement artistique quifaitle plus grand honneur au jeune professeur. Avons-nous dit que le programme delà séance se composait exclusivement d'une sélection des oeuvres principales de M. Delibes? On a vu défiler là avec un vif plaisir toutes les plus aimables pages de Coppélia, de Sylvia et de Lakmé, vingt-trois numéros et pas une minute d'ennui. De combien de compositeurs ne pourrait-on en dire autant ! A signaler surtout une très belle transcription pour deux pianos (8 mains) du Cortège de Bacchus (Sylvia), transcription due à la plume de M. "Wormser lui-même.

— Brillante réunion mardi dernier à l'Institut Rudy, pour l'audition des élèves des cours de piano de M. Charles René. Le programme quasi historique de cette séance, parcourant progressivement toutes les écoles musicales depuis Haydn et Rard'eaujusqu'aux contemporains : Léo Delibes, Saint-Saëns et Godard, était dès plus attrayants. Les élèves de M. Charles René, plus nombreuses encore qu'aux précédentes séances, ont obtenu un très réel et légitime succès.

' — Mme Marie Rueff nous a fait entendre ses . élèves mercredi dernier à la salle Pleyel. A signaler surtout, parmi les plus applaudis, MUe Maria Genoud, MUe Hervô-Gardel, M11* Marie T.)., Renée G. et D...MM. Riffaud, Caveroc et Lazard, etc., etc. L'idylle antique avec choeurs l'Étoile, d'Henri Maréchal, dirigée par l'auteur en personne, a été si goûtée qu'il a fallu la répéter tout entière.

— Dimanche dernier, au concert de la loge maçonnique la Justice, M. Cobalet a obtenu un grand succès dans la belle composition de Faure : Marche vers l'avenir, accompagnée sur le violon et l'harmonium par MM. Planel et Reitlinger. Bis unanime.

—Mmo Simonetti a donné dimanche dernier une matinée musicale entièrement consacrée aux oeuvres de Félix Godefroid. Le succès a été complet. Toutes ces fraîches mélodies pour la voix ou le piano, ces harmonieux choeurs de la Fille de Saùl, ont été enlevés avec un entrain et une jeunesse dignes de tous éloges. Mme Diaz, une véritable artiste à la voix vibrante et sympathique, a merveilleusement dit une nouvelle composition de M. Godefroid, les Adieux à l'Océan. Puis, pour finir, la harpe, non pas celle du maître, mais la harpe de sa fille, autant dire sa rivale, ■qui,.avec le Rêve et la Danse des Sylphes, a enthousiasmé tous ses auditeurs.

— Les jeunes compositeurs se succèdent en ce moment à Angers. Dimanche dernier,, c'était M., Albert Oahen, qui dirigeait lui-même l'exécution de ses oeuvres au conéert de l'Association artistique. Le ballet Fleur des Neiges, qui avait été donné à Genève l'hiver dernier, a été très bien rendu par l'orchestre, ainsi que le duo d'Endymion, que M. Rondeau et Mme Deleage ont remarquablement interprété. Deux mélodies inédites du jeune compositeur, le Printemps et le Jardin, dites avec charme par M. Rondeau, ont été également très applaudies.

Mme Jaëll donnera prochainement, salle Erard, une séance exclusivement consacrée à l'audition d'oeuvres de Liszt.

— M. A. Decq, pianiste-compositeur (1er prix des grands concours internationaux de composition) donnera son concert annuel, pour l'audition de ses nouvelles oeuvres, le jeudi 14 février prochain,- salle Kriegelstein, à huit heures et demie du soir, avec le concours de MUe Magdeleine Godard, Mmc Galliné, M. Nevers, M. Boussagol, harpiste, M. H. François, violoncelliste,

violoncelliste, Boussagol, (baryton des concerts du Conservatoire) MM. Geor ges et Edmond Clément, et J. Falconnier, de la Comédie-Française.

— Mercredi prochain, 13 février, à la salle Pleyel, concert donné par MUe Seveno du Minil avec le concours de sa soeur, la charmante pensionnaire de la Comédie-Française, et de l'orchestre-de M. Ed. Colonne.

— Vendredi prochain 16 février, àla salle Erard, Mlle et M. Buonsollazi donneront un grand concert avec le concours de MUe M. Lavigne, MM. Mazalbert, C. Timmer et G. Bourgeois et de Mlle Sanlaville et M. Eugène Larcher, qui joueront une pantomime.

— Concerts annoncés : lundi 11 février, salle Érard, séance de piano donnée par Mlle Rose Depecker. — Mercredi, 13, même, salle, concert de M. Arnold Reitlinger, avec le concours de MUe Marie Morel, MM. Planel, Georges Papin et Adrien Ray. — Samedi, 16, même salle, concert donné par Mlle Marie Dubois.

NÉCROLOGIE

Un artiste fort distingué, qui n'avait que le tort d'être beaucoup trop modeste, M. Jules Ten Brink, est mort mercredi dernier, âgé de cinquante ans à peine. Hollandais de naissance et d'origine, Ten Brink, qui depuis de longues années était fixé à Paris, avait fait son éducation musicale à. Amsterdam, où il était né en 1838, et s'était perfectionné ensuite àBruxelles avec M. Auguste Dupont, et à Leipzig avec M. F. Richter. En 1860 il s'était établi à Lyon, où il dirigea une société musicale, et de là vint à Paris, où il se livra à l'enseignement et à la composition. Il fit exécuter dans nos grands concerts plusieurs oeuvres importantes : deux suites d'orchestre, un poème symphonique, une symphonie en mi majeur, un concerto pour violon et orchestre, etc., puis donna à l'Athénée un opéra-comique en un acte, Calonice, qui donnait la preuve d'un talent fort distingué. Il venait de faire recevoir au Théâtre-Lyrique un ouvrage en trois actes, qui devait être représenté au cours de la saison prochaine. Cet excellent artiste sera regretté de tous ceux qui l'ont connu. A. P.

— Un autre artiste étranger, depuis longtemps aussi fixé à Paris, Gustave Lewita, est mort jeudi dernier. Compositeur et pianiste fort habile, Lewita, Polonais de naissance, avait été professeur au Conservatoire de Varsovie. Il s'était fait surtout remarquer ici par la façon très personnelle et fort distinguée dont il exécutait les oeuvres de son compatriote Chopin. Lewita n'était âgé que de trente-cinq ans.

— M. Aloys Klein, compositeur, ancien organiste de la métropole de ! Rouen, est mort à Strasbourg, le 16 janvier, âgé de 39 ans seulement. C'était un artiste distingué, dont la perte cause de vifs regrets. )

— On annonce, de Nancy, le décès, à l'âge de soixante-quatorze ans, de j M- Moulins,.ancien chef d'orchestre du théâtre Municipal et de la Société S philharmonique de Nancy, ancien directeur des sociétés chorales Sainte- i Cécile et Alsace-Lorraine, officier d'académie, qui, après avoir débuté, à dix-sept ans, comme premier violon à l'Opéra-Comique de Paris, a exercé à Nancy, au cours d'une longue et brillante carrière, la plus féconde influence artistique.

HENRI HEUGEL, directeur-gérant.

FONDS fle MARCHAND le MDSIQDE, 21, rie Saïnt-Sulpice

à Paris, à adjuger en l'étude de Me TROUSSELLE, notaire, 23, boulevard Bonne-Nouvelle, le 14 février 1889, à 3 h. précises. Mise à prix pouvant être baissée, 3,000 fr. Loyer d'avance, 1,250 fr. Consign., 500 . fr. S'adresser à ; M. ROUCHER, syndic, rue Hautefeuille, 1 bis, et au dit notaire.

IMPRIMERIE CEOTRALE DES CHEMINS DE 'JÇER, — IMPRIMERIE CIIAIX. — RUE BERGERE, 20, PARIS.