126 : NOTES DE LECTURE
fréquente, en ce domaine. Au total, ; un livre riche, constamment.. enraciné dans l'histoire;générale, parfaitement informé des courants et débats ihéo-: logiques dont la compréhension est indispensable. pour éclairer le destin de l'Action catholique ouvrière.
: La Ligue ouvrière catholique féminine est fondée en 1931 dans le Nord et réunit d'anciennes militantes de la JOCF. En même temps est fondé, dans le Nord encore, une Ligue ouvrière chrétienne, qui ne s'adresse pas uniquement aux anciens de la JOC. Le mouvement féminin s'installe à Paris en 1933 et est reconnu l'année suivante par l'Assemblée des cardinaux et archevêques comme mouvement d'action catholique. En même temps, à l'invite de l'abbé Guërin, le fondateur de la JÔC, se constituent des groupes d'aînés de la JOC. De ces initiatives naît, le 6 octobre 1935, la Ligue ouvrière chrétienne, mouvement à deux branches, masculine et féminine, qui, comme l'écrit son premier aumônier, est un mouvement familial, un mouvement de foyers. En.mars 1936, l'Assemblée des cardinaux et archevêques approuve la constitution de la LOC, comme mouvement « destiné à organiser l'Action catholique ouvrière des adultes ». Elle a pour publication Monde ouvrier, "hebdomadaire de là famille et du travail, dont Paul Bacon/ est le premier rédacteur en chef, et qui atteint 25 000 abonnés en juillet 1937. Sur le modèle de la JOC, la LOC se veut mouvement ouvrier et apostolique. Il veut « conquérir la classe ouvrière à l'idéal du Christ». Il vexil, par l'éducation, l'entraide, la. défense des intérêts de ses membres, à la fois améliorer et christianiser la vie ouvrière. La LOC est un mouvement d'action catholique spécialisée par milieu, selon le modèle qui s'imposa dans le catholicisme français au début des années 1930,
Mais le souci d'éducation et d'humanisation, le désir aussi d'organiser une représentation familiale populaire qui puisse intervenir sur la politique de l'Etat français conduisent la LOC à se transformer, le 20 novembre 1941, en Mouvement popiuaire dés familles (1), mouvement d'inspiration chrétienne certes, mais qui n'est plus un mouvement d'action catholique au sens strict. Face au Vichy de Pëtain et à la Révolution nationale, le mouvement, comme l'épiscopat, pratique le loyalisme sans inféodation, et une politique de présence. Il multiplie les services d'entraide populaire. J. Bébés n'y insiste pas et il faudrait un jour y revenir. Mais le propos de l'ouvrage est de suivre l'évolution originale d'un mouvement qui a abandonné dans son sigle toute référence chrétienne, mais dont responsables et aumôniers,. malgré la deconfessionalisation -progressive, cherchent à '. conserver un lien entre l'Eglise et. le mouvement. La revue Masses ouvrières, îoïtàée conjointement en janvier 1944, par les aumôneries "de" JOC, JOCF et MPF, destinée d'abord aux prêtres ayant «charge d'âmes dans le milieu ouvrier», et le bulletin Pages spirituelles,-pour la formation chrétienne des responsables, attestent cette préoccupation.
Ce mouvement en voie de déconfessiorialisation —- ni prêtres, ni représentants de la hiérarchie ne participent au conseil national de décembre 1944 ■—admet le pluralisme du choix syndical, et souhaite l'unité du mouvement ouvrier. Cette attitude suscite la vive réplique d'un dirigeant de la ÇFTÇ comme Paul Vignaux, qui voit là la même « incompétence en matière temporelle » que sous Vichy, « pour la même raison : politique'de présence par esprit d'apostolat». L'unité ouvrière aux yeux du MPF devient grosse dès espérances du genre humain, elle « fera l'unité du monde », écrit le rapport d'orientation du conseil national de 1945, Ainsi se laïcisent les aspirations originelles du mouvement à une «nouvelle chrétienté». Du catholicisme intégraliste (2) naît une idéologie socialisante, un socialisme
(1) La modification statutaire n'intervient que le 24 octobre 1944.
(2) On à reconnu une notion chère à Emile Poulat, auquel l'auteur doit beaucoup. Peut-être l'étend-il à l'excès, notamment lorsqu'il range dans l'intégralisme catholique Maurice Blondel et la philosophie del'action (p. 100).